Auteur inconnu
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Table des matières :
3 - Verset 1-2 : Pardon, expiation — Ce que nous avons en Christ — Saisi par le christ
4 - Verset 3-4 : Misère de l’âme qui ne se tourne pas vers Dieu, dans la confiance en Lui
5 - Verset 5 : Relèvement par la confession et le jugement de soi-même
6 - Verset 6-7 : Dieu est notre abri et notre salut ; action de grâces
7 - Verset 8-9 : Réaliser la conduite et la marche par l’Esprit
De David. Instruction
1. Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert ;
2. Bienheureux l’homme à qui l’Éternel ne compte pas l’iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude !
3. Quand je me suis tu, mes os se ont dépéri, quand je rugissais tout le jour ;
4. Car jour et nuit ta main s’appesantissait sur moi ; ma vigueur s’est changée en une sécheresse d’été. Sélah.
5. Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai pas couvert mon iniquité ; j’ai dit : je confesserai mes transgressions à l’Éternel ; et toi, tu as pardonné l’iniquité de mon péché. Sélah.
6. C’est pourquoi tout homme pieux te priera au temps où l’on te trouve ! Certainement, en un déluge de grandes eaux, celles-ci ne l’atteindront pas.
7. Tu es mon asile ; tu me gardes de détresse et tu m’entoures des chants de triomphe de la délivrance. Sélah.
8. Je t’instruirai, et je t’enseignerai le chemin où tu dois marcher ; je te conseillerai, ayant mon œil sur toi.
9. Ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet, qui n’ont pas d’intelligence, dont l’ornement est la bride et le mors, pour les réfréner quand ils ne veulent pas s’approcher de toi.
10. Le méchant a beaucoup d’afflictions ; mais l’homme qui se confie en l’Éternel, la bonté l’environnera.
11. Réjouissez en l’Éternel, et égayez-vous, justes ! et jetez des cris de joie, vous tous qui êtes droits de coeur !
Plus on avance dans l’étroit sentier qui mène à la vie, plus les premières et les plus simples vérités de l’Évangile acquièrent de valeur pour l’âme. Reçues d’abord sur l’autorité de la parole divine, à cause de leur évidence scripturaire, ces vérités se recommandent ensuite par leur beauté propre : ce que la détresse de l’âme et une impérieuse nécessité seulement avaient fait recevoir d’abord, devient, à mesure que l’on avance, ce qui manifeste la gloire du Christ ; en sorte qu’en quelque mesure on peut contempler ces vérités, égoïsme à part, et les voir sous le même jour sous lequel Dieu les voit. Il me semble que les apôtres, dans leur enseignement, en exposant des mystères ou en développant la vérité pratique, lient tout, intentionnellement, avec les vérités premières de l’Évangile, mettant ainsi ces vérités constamment en saillie : et c’est là un des caractères de l’enseignement du Saint-Esprit. Il est selon l’homme d’isoler une vérité ; mais l’intention du Saint-Esprit est de faire ressortir en toutes choses la personne et l’oeuvre du Seigneur Jésus. L’âme perd de sa fermeté, lorsque c’est l’intelligence qui domine dans l’étude de la vérité de Dieu. L’intelligence, en effet, peut saisir quelque vérité nouvelle et y trouver de l’intérêt, comme si cette nouvelle vérité était plus admirable que la vérité déjà reçue ; mais l’Esprit-Saint, qui conduit en toute vérité, lie toutes choses, dans ses enseignements, avec ces grandes vérités fondamentales qui concernent la personne et l’oeuvre du Seigneur. Je ne m’étonne point que l’Apôtre dise : « Pourvu que j’achève ma course, et le service que j’ai reçu du Seigneur Jésus pour rendre témoignage à l’évangile de la grâce de Dieu » (Actes 20:24), ou, comme il fait plus tard, en parlant à Timothée : « Fais l’œuvre d’un évangéliste, accomplis pleinement ton service ; car, pour moi, je sers déjà de libation, et le temps de mon départ est arrivé » (2 Tim. 4:5-6) ; car dans cet évangile de la grâce de Dieu, Paul trouvait la plus profonde vérité. Quand le simple Évangile n’est plus goûté, c’est un triste symptôme pour l’âme ; cela prouve qu’il n’y a en elle qu’un simple travail de l’intelligence, plutôt qu’une conscience exercée devant Dieu, et des affections pour Christ. Dieu nous fait faire sans doute, dans les Écritures, de merveilleuses découvertes touchant sa grâce et son dessein à l’égard de l’Église ; cependant, quand tous les conseils de Dieu seront manifestés et que nous jouirons pleinement de la gloire, alors paraîtront dans tout leur éclat ces vérités premières de l’Évangile, résumées toutes dans la personne du Christ, le Fils du Dieu vivant, objet, en lui-mème et dans ce qu’il a fait, d’une adoration, d’une admiration et d’une louange éternelles.
C’est avec ces pensées que je désire m’occuper ici de la grande et fondamentale vérité de l’Évangile : « La justice sans les oeuvres ». — Cette vérité, nous le savons, n’a pas été mise en question seulement par des chrétiens de nom, et méprisée par les sages de ce monde ; mais plusieurs d’entre les fidèles mêmes n’ont été affermis en elle qu’après avoir fait une longue et amère expérience d’eux-mêmes : c’est d’ailleurs à cette école de l’expérience que nous avons tous besoin de l’apprendre. Nous recevrons une précieuse lumière aussi sur ce point en portant nos regards en avant sur le jour où la justice du seul homme, source de toute bénédiction pour les rachetés, sera aussi glorieusement manifestée aux yeux du ciel et de la terre, que le péché d’un seul, source de toute misère, l’a été, hélas ! dans l’histoire de ce monde. Mais il y a un autre point de vue encore, sous lequel on peut considérer « la justice sans les oeuvres » : on peut envisager cette justice comme nous introduisant dans une communion actuelle avec Dieu, et nous rendant capables de marcher dans sa présence. Présenter ainsi cette grande vérité comme un principe exerçant, sur l’âme et sur la conduite, une influence actuelle, c’est ce que le Saint-Esprit a voulu dans le Psaume 32 ; car la bénédiction de celui auquel Dieu impute la justice sans les œuvres, ne se borne pas à cette précieuse vérité que la transgression soit pardonnée, le péché couvert et l’iniquité non imputée ; mais elle se développe dans ces exercices de l’âme qui résultent de la pleine et gratuite justification. Mais abordons le Psaume lui-même.
Bienheureux celui dont la
transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert ; Bienheureux
l’homme à qui l’Éternel ne compte pas l’iniquité, et dans l’esprit duquel il
n’y a point de fraude !
Cette déclaration par laquelle s’ouvre le Psaume, le Saint-Esprit l’a ainsi commentée par l’apôtre Paul : « Ainsi que David aussi exprime la béatitude de l’homme à qui Dieu compte la justice sans oeuvres » (Rom. 4:6). La Béatitude !… Nous aurions presque besoin d’une traduction de ce mot de notre langue, tant nous sommes lents de coeur à croire à la bonté de Dieu quand il la proclame lui-même. Le bonheur, cette fin, ce but de notre être, Dieu l’annonce par cette parole, mais l’homme est sourd. — « Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée ! » Voilà du bonheur — le seul bonheur qui puisse devenir la part de l’homme pécheur, parce qu’il n’y a rien que le pardon qui puisse amener un pécheur à Dieu, devant lequel il y a plénitude de joie. Il y a bien un bonheur mentionné au Psaume premier : « Bienheureux l’homme qui ne marche pas dans le conseil des méchants, et ne se tient pas dans le chemin des pécheurs, et qui ne s’assied pas au siège des moqueurs » ; — mais où trouver l’homme dont il est parlé ici ? Cette béatitude n’appartient qu’au Saint de Dieu, au Seigneur Jésus-Christ, au seul Juste ; elle lui appartient à cause de ce qu’il est. Quant à nous, notre condition est telle que rien de ce que nous sommes ou de ce que nous pouvons faire, ne peut nous rendre heureux, mais seulement ce que Dieu fait pour nous. Il est impossible à l’homme de se rendre lui-même heureux, mais il est possible à Dieu de rendre un pécheur heureux ; et la parole que nous avons citée plus haut est la déclaration du bonheur d’un pécheur, par le moyen de l’oeuvre de Dieu.
La distinction que fait notre
texte entre la transgression
et le péché
est rendue suffisamment claire par cette parole de l’Écriture, que nous
lisons ailleurs : « Mais la mort régna depuis Adam jusqu’à Moise, même sur
ceux qui ne péchèrent pas selon la ressemblance de la transgression d’Adam »
(Rom. 5:14). Adam pécha en transgressant un commandement positif de Dieu, et
par là il encourut la pénalité de la mort ; d’autres furent soumis à la
même pénalité, sans qu’ils eussent transgressé aucun commandement positif de
Dieu ; — ainsi il peut y avoir du péché
là où il n’y a pas de transgression.
Dans la déclaration de bonheur des premiers versets de notre Psaume, le Saint-Esprit suit l’ordre selon lequel il procède le plus souvent dans le réveil des consciences. Ordinairement celles-ci sont rendues sensibles d’abord à des péchés positifs, commis au mépris d’ordres de Dieu précis et connus ; c’est pourquoi, dans les premiers chapitres de l’épître aux Romains, Paul donne des preuves de l’impiété et de l’immoralité pratiques des Juifs et des Gentils, avant de montrer la source d’où elles procèdent, savoir le péché originel et intérieur, le péché dans la chair. L’homme peut chercher à établir un système de doctrine chrétienne ; mais la voie de Dieu n’est pas d’enseigner une théorie. Dieu s’attaque à la conscience et rend l’homme sensible à sa misérable condition devant Lui, condition telle que Christ seul peut satisfaire aux besoins de l’homme qui y est plongé. « Quiconque a entendu le Père et a appris de lui vient à moi », dit le Seigneur (Jean 6:45).
Les premiers versets du
Psaume voient donc l’homme tel qu’il est, « ennemi de Dieu en pensées et en
mauvaises oeuvres ». La repentance et la rémission des péchés devaient être prêchées
au nom de Christ parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem (Luc
24:47). Cette expression « en commençant par Jérusalem » indique l’espèce de
transgression à laquelle peut atteindre le remède divin ; car c’est là, à
Jérusalem, que s’est accomplie la grande transgression. Dieu, par la bouche de
Pierre, rend témoignage contre les Juifs, qu’ils avaient renié le Saint et le
Juste, et qu’ils avaient mis à mort le Prince de la vie (Actes 3:14, 15).
Toutefois par le nom de Jésus qu’ils avaient crucifié, mais que Dieu avait
ressuscité, il y avait pardon même pour cette grande transgression. Quel
pécheur désespérerait donc de trouver le pardon dans ce même nom en qui seul
est le salut ? — Si nous regardons à des transgressions d’un autre caractère,
plus fréquentes et générales, nous trouvons qu’il est écrit : « Ne vous y
trompez pas : ni fornicateurs, ni idolâtres, ni adultères, ni efféminés,
ni ceux qui abusent d’eux-mêmes avec des hommes, ni voleurs, ni avares, ni
ivrognes, ni outrageux, ni ravisseurs n’hériteront du royaume de Dieu. Et
quelques-uns de vous, vous étiez tels ; mais vous avez été lavés, mais
vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur
Jésus, et par l’Esprit de notre Dieu (1 Cor. 6:9-11). C’est donc à l’homme convaincu
de transgression devant Dieu, déjà condamné par le juste jugement de Dieu, et
s’il a été réveillé par la puissance de Dieu, condamné dans sa propre
conscience, que le pardon de la transgression est annoncé par Dieu lui-même au
nom de Jésus : et bienheureux
, selon le témoignage de Dieu même,
est celui qui a des oreilles pour l’entendre !
Je ne pense pas que la simple idée du pardon de la transgression, séparée de l’infinie propitiation de Christ, qui en est l’inébranlable fondement, puisse jamais satisfaire la conscience. Sans doute, la masse insouciante des non-croyants, sans aucune idée juste, soit du caractère de Dieu, soit de l’odieux du péché, nourrit une vague espérance d’échapper au jugement. Mais si un pardon d’une nature semblable était possible, il laisserait le pardonné dans cet état de malaise qu’on éprouve en présence de quelqu’un qu’on a offensé et qui a pardonné : celui qui est pardonné se trouverait dégradé aux yeux de celui qui a pardonné. Or, une telle condition serait l’opposé de la béatitude proclamée ici ; car ce qui constitue réellement celle-ci, c’est le mode du pardon, qui permet au pardonné d’être à l’aise en présence d’un Dieu déclaré juste et en même temps justifiant celui qui est de la foi de Jésus. L’expiation faite par Christ est l’unique et divin fondement pour le pardon de la transgression ; mais elle est plus encore, savoir la manifestation publique de la gloire morale de Dieu. Les anges désirent regarder de près dans ces choses, et ils apprennent à connaître la gloire de leur Dieu dans ses voies à l’égard des pécheurs. C’est une pensée merveilleuse que le besoin de l’homme, comme pécheur, et les exigences de la gloire divine ne trouvent, nulle autre part qu’à la croix de Christ, leur mutuelle satisfaction. Oui, bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et ainsi pardonnée que Dieu est glorifié ! De quelle anxiété l’âme est délivrée quand elle se trouve déchargée de la responsabilité de son salut, et qu’au lieu d’avoir à se demander toujours : Serai-je sauvée ? elle peut se dire que Dieu est glorifié en pardonnant ! Bienheureuse paix, en vérité, que celle dont l’âme jouit alors, une paix qui surpasse toute intelligence, parce qu’elle découle de la satisfaction commune de Dieu et de la conscience !
« Bienheureux
l’homme dont le péché est couvert
! » Le Saint-Esprit n’use pas de répétitions inutiles. Souvent nous
employons beaucoup de paroles là où peu suffiraient ; mais les paroles de
l’Éternel sont pures comme de l’argent affiné dans le creuset, coulé sept fois
(Ps. 12:6), et l’homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Matt.
4:4).
Une fois que la conscience
est réveillée et exercée devant Dieu, elle est amenée nécessairement à
distinguer entre la transgression
et le péché
. D’autres peuvent voir chez nous une
réforme extérieure, mais nous-mêmes nous ne pouvons nous reposer sur un
fondement de cette sorte. Il y a une grande différence entre la réforme de la
vie et la conversion à Dieu. Celle-là, sans doute, suivra celle-ci ; mais
pour une âme, croire
et se convertir au Seigneur
est quelque
chose de tout autrement profond que toute réforme extérieure dans la manière de
vivre, car la conversion place l’âme en présence de ce Dieu auquel nous avons
affaire et devant qui tout est nu et entièrement découvert (Héb.
4:12-13) ; et c’est là qu’on apprend à distinguer entre la transgression
et le péché. Dans la pensée de l’homme le péché est un acte ; — selon le
jugement de Dieu, c’est un principe ; et cette découverte, quand on la
fait, est si effrayante que les transgressions semblent disparaître comme dans
l’ombre à côté du péché reconnu pour ce qu’il est, c’est-à-dire un principe
formel d’insoumission à Dieu, — un désir de faire ce que Dieu a défendu, parce
qu’il l’a défendu, même alors qu’il ne s’agit pas d’un acte positif de
désobéissance, — et une répugnance à faire ce qu’il ordonne, parce
qu’il l’ordonne. Oui, l’homme né
d’Adam a une volonté contraire à la bonne, agréable et parfaite volonté de
Dieu ; et on en fait personnellement l’expérience, après que, par la grâce
de Dieu, on est venu à Christ ; en sorte que « obéir à Dieu » est toujours
lié plus ou moins ici-bas avec « se renoncer soi-même ».
« Dont le
péché est couvert
». — Qui ne succomberait dans
la lutte, s’il n’en était ainsi ? Dieu lui-même a couvert le péché pour
l’ôter de devant ses yeux ; et c’est là ce qu’il nous fallait. Quoi qu’un
homme puisse faire pour cacher à son semblable le mal de son coeur, la sagacité
humaine elle-même saura percer souvent au travers de l’enveloppe trompeuse dont
l’homme se couvre ainsi lui-même, sans pouvoir se satisfaire, témoin le cercle
de formes religieuses dont il s’entoure pour essayer de couvrir son péché,
témoin aussi son penchant naturel à la superstition. C’est l’expiation
qui couvre le péché devant Dieu. C’est Dieu lui-même qui a établi son Christ un
propitiatoire par la foi en son sang (Rom. 3:25). — Ici, devant le sang de
Jésus, lors même que nous découvrons le péché, nous pouvons néanmoins
rencontrer Dieu, non pas irrité, mais en grâce ; car le péché que nous
avons découvert, est couvert devant lui. Il est impossible qu’une âme jouisse
d’une paix solide avant qu’instruite par l’Esprit , elle ait saisi le sens
profond de versets tels que ceux-ci : « Notre vieil homme a été crucifié
avec lui » ; — « Dieu avant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair
de péché, et pour le péché, a condamné le péché dans la chair » ; — « Celui
qui n’a pas connu le péché, il l’a fait péché pour nous, afin que nous
devinssions justice de Dieu en lui » (Rom. 6:6 ; 8:3 ; 2 Cor. 5:21).
Le fait, moralement nécessaire, que le Fils de Dieu est devenu le substitut du
pécheur, peut seul satisfaire aux besoins d’une conscience chargée, qui a
compris ce qu’est le péché ;
et
j’admire la sagesse de l’enseignement divin, aussi bien que la grâce infinie de
Dieu, en ce que c’est après avoir montré le péché sous forme de transgression,
le péché lié à la mort, le péché habitant en nous, que la Parole déclare qu’il
n’y a maintenant aucune
condamnation
pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Donnez à la conscience toute la
sensibilité qu’elle peut avoir au sujet du péché sous ses diverses formes, dès
qu’elle se tourne vers Christ comme vers l’objet que Dieu présente à la foi,
elle trouve cette réponse de la part de Dieu : « Il n’y a donc maintenant
aucune condamnation » (Rom. 8:1).
La distinction entre la transgression et le péché, à laquelle nous venons de rendre attentif, donnera la clef d’un phénomène qui se présente souvent à ceux qui veillent sur les âmes ; c’est que ce n’est pas, bien s’en faut, là où il y a le plus de transgressions qu’il y a toujours le plus profond sentiment de péché. La transition, d’un état presque de remords à cause des transgressions, à la paix avec Dieu par la foi en Jésus-Christ, peut conduire l’âme à mettre son Amen à la déclaration apostolique : « Cette parole est certaine et digne de toute acceptation, que le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont moi je suis le premier » (1 Tim. 1:15). Or, quand la conscience de ces personnes vient plus tard à être exercée devant Dieu jusqu’à connaître le péché comme un principe, elles trouvent que leur conduite extérieure n’a été que la trop fidèle image de ce qu’elles sont au-dedans. Elles découvrent aussi combien il est nécessaire de ne pas se fier à une réforme extérieure, et de veiller diligemment sur ce coeur d’où procède tout mal. Mais quand des personnes heureusement gardées de vices grossiers, des personnes bonnes et aimables, sont réveillées par l’Esprit de Dieu au sentiment du péché, le jugement qu’elles portent sur celui-ci ne s’appuie pas autant sur les conséquences fâcheuses dont il est la source pour elles-mêmes ou pour les autres (sentiment qui peut remuer la conscience, même sans que Dieu l’ait réellement réveillée), que sur l’opposition du péché à Dieu ; et au lieu de se reposer avec complaisance sur la moralité ou l’innocence de leurs vies, ou sur les louanges que d’autres leur ont prodiguées, ces âmes ne voient plus leurs vies que comme un grand acte d’hypocrisie, parce que les motifs de leurs actions et de leur conduite sont maintenant jugés à la lumière de la présence de Dieu. Elles en viennent ainsi à cette haine de soi-même qui est le signe d’une ferme et profonde conviction de péché, à cette haine de soi-même qui a besoin de l’application la plus entière à la conscience de tout ce que Christ est. Un sentiment généreux peut inspirer à l’homme naturel une certaine horreur de lui-même à cause de la transgression dans laquelle il est tombé ; mais se haïr parce qu’on a reconnu ce que l’on est devant Dieu, ce sentiment là, la puissance vivifiante du Saint-Esprit seul peut le produire ; et plus on avancera spirituellement, plus il gagnera en profondeur.
« Bienheureux l’homme à qui l’Éternel ne compte pas l’iniquité ! » Combien cette déclaration est nécessaire pour la paix d’une âme réveillée, d’une âme qui a conscience du péché qui est en elle ! Mais que dit la Parole ? — c’est que, quoique le Seigneur sache qu’il y a de l’iniquité, il ne compte point l’iniquité. Et pourquoi ne la compte-t-il pas ? — parce qu’il l’a comptée à Jésus. Il « a fait tomber sur lui l’iniquité de nous tous ». Dieu a vu l’iniquité sur Christ et l’a jugée là ; « le châtiment de notre paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris » (És. 53:5). Il est plus étonnant que Dieu ait imputé le péché là où il ne voyait que justice, que de le voir ne pas imputer l’iniquité là où il trouve l’iniquité. Je le répète : rien en dehors de cette vérité de la substitution de Christ au pécheur ne peut tranquilliser pleinement une conscience réveillée. La croix de Christ est pour nous l’expression et la constatation de l’amour de Dieu pour les pécheurs, car « Dieu est amour » — « En ceci a été manifesté l’amour de Dieu pour nous, c’est que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui ; en ceci est l’amour, non en ce que nous, nous ayons aimé Dieu, mais en ce que lui nous aima et qu’il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4:8-10 ; comp. Rom. 5:6-10). La croix est en même temps pour nous la déclaration de la justice de Dieu : « Lequel Dieu a présenté pour propitiatoire, par la foi en son sang, afin de montrer sa justice » ; — et la manifestation aussi de toute l’horreur du péché aux yeux de Dieu et devant son jugement. Il a fallu que Jésus boive la coupe : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! ». Mais la coupe n’a pas pu passer loin de Jésus ; il courba la tête et but le calice : et Dieu cacha sa face de lui, et lui fit connaître, par la plus cruelle expérience, ce que c’est que le péché ; lui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait être péché et malédiction pour nous ! (2 Cor. 5:21 ; Gal. 3:13).
La croix est le moyen pour Dieu de s’approcher de l’homme pécheur sans le détruire par sa présence : « Ayant fait la paix par le sang de sa croix, par lui », pour réconcilier toutes choses avec lui-même ; — et la croix est aussi pour le pécheur le moyen de venir à Dieu : « Vous qui étiez autrefois loin, vous avez été approchés par le sang du Christ » (Éphés. 2:13) ; car c’est le sang qui fait propitiation pour l’âme (Lév. 17:11).
Mais quelque intérêt et
quelque importance qu’aient ces différents aspects de la croix, ils seraient
insuffisants pour donner à l’âme une paix solide, si celle-ci perdait de vue la
vérité de la substitution de Christ pour le pécheur et l’excellence infinie de
l’offrande volontaire qu’il a faite de lui-même à Dieu. « Christ m’a aimé et
s’est livré lui-même pour moi » (Gal. 2:20). « Et il posera sa main sur la tête
de l’holocauste, et il sera agréé pour lui, afin de faire propitiation pour
lui » (Lévit. 1:4). Ici nous trouvons une base solide pour le repos de nos
âmes : cette merveille du Saint de Dieu, fait péché sur la croix, est plus
admirable encore que celle de voir Dieu trouver dans cette croix une satisfaction
au péché, quelle que soit d’ailleurs la mesure de celui-ci. Le simple pardon
n’est tout au plus, en soi, qu’une bénédiction négative, quoique bien réelle
toutefois, en ce que l’iniquité, quoique commise, n’est pas imputée.
Humainement parlant, nous avons l’idée d’un pardon gratuit émanant de la libre
grâce du souverain ; nous avons aussi l’idée d’une amnistie ; mais
jamais l’idée d’une justification dans le sens divin. Celle-ci, Dieu seul peut
la présenter, parce que lui seul peut justifier l’impie ; et c’est cette
idée nouvelle et bénie de la justification qui est introduite ici. « Ainsi que
David aussi exprime la béatitude de l’homme à qui Dieu compte la justice sans
oeuvres : Bienheureux ceux dont les iniquités ont été pardonnées et dont
les péchés ont été couverts ; bienheureux l’homme à qui le Seigneur ne
compte point le péché » (Rom. 4:6-8). Or l’imputation actuelle de la justice ne
se trouve pas proprement dans cette déclaration du Psaume 32. Elle ne pouvait
l’être clairement et pleinement (quoique ce soit le principe selon lequel Dieu
avait agi depuis le commencement), parce que son fondement nécessaire, la
croix
, n’était pas un fait accompli. La foi a pu anticiper sur l’avenir,
mais la différence n’en reste pas moins grande entre la perception d’un fait promis
et celle de l’accomplissement de la promesse. Tout dépendait de la mort et de
la résurrection de Christ. C’est ce qui explique le langage de Jésus aux
disciples (Luc 24:44-46), et de Paul à ceux qui étaient héritiers naturels de
la promesse et enfants du royaume. « Et nous, nous vous annonçons la bonne
nouvelle quant à la promesse qui a été faite aux pères, que Dieu l’a accomplie
envers nous, leurs enfants, ayant suscité Jésus » (Actes 13:27-35).
La personne même du Seigneur
Jésus, sa mort et sa résurrection sont la clef qui nous ouvre les Écritures. Le
Saint-Esprit, qui a dicté celles-ci et qui a poussé les prophètes, nous est
spécialement connu comme l’Esprit de vérité, qui glorifie Jésus et dont le
grand témoignage se rapporte aux souffrances du Christ et aux gloires qui
devaient les suivre. Dès que Jésus est mort et ressuscité, le Saint-Esprit, sur
ses précédents écrits, fait reluire la portée de ce fait, et à cette lumière
nous fait discerner clairement que la non-imputation de l’iniquité est l’imputation
de la justice. « Celui qui n’a pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous,
afin que nous devinssions justice de Dieu en lui » (2 Cor. 5:21). Il n’y a rien
de simplement négatif dans l’Évangile ; l’Évangile n’est pas un système de
prohibition, mais de grâce, et qui confère une bénédiction positive. Le pardon
des péchés, je le répète, est une bénédiction négative, quoique réelle ;
le don de la justice est une bénédiction positive et inaliénable, et qui
caractérise le génie de l’Évangile. « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé,
afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas » ; mais Dieu ne s’arrête
pas là, et ajoute : « mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3:14-15).
« Afin, dit-il aussi, qu’ils reçoivent la rémission des péchés », mais il ajoute
encore : « et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en moi »
(Actes 26:18). Si nous sommes délivrés de la puissance des ténèbres, c’est
parce que nous avons été transportés dans le royaume du Fils de l’amour de Dieu
(Coloss. 1:13). Hélas ! nos coeurs sont durs à croire, et nos esprits
étroits dépouillent l’Évangile de sa gloire. L’Évangile est « l’évangile de la
gloire du Dieu bienheureux » qui présente Dieu, en grâce, comme donateur, et met
le pécheur à la seule place possible de bénédiction, celle de vase de cette
bénédiction. Par la foi nous recevons Christ (voyez Jean 1:12) ; et
l’ayant reçu, nous recevons de lui le droit d’être enfants de Dieu ; nous
recevons la rémission des péchés (Actes 10:43), 1’abondance de la grâce et du
don de la justice (Rom. 5:17), la vie éternelle (Jean 3:16). Agir pour Christ suit
cette réception de Christ. L’enseignement de l’Esprit nous dévoile ce que nous
avons reçu en recevant Christ.
Il est bon de garder
constamment en vue ce principe, que ce n’est ni ce à quoi nous renonçons, ni ce
que nous faisons, qui nous constitue chrétiens, mais ce que nous recevons. Ce
principe pénètre toute la vie chrétienne : le christianisme est une vie
qui a ses affections, son énergie, sa sensibilité et son activité ; il
n’est pas plus que notre vie naturelle un système de négation, et c’est ce qui
le distingue si fortement des notions religieuses ordinaires. En effet,
à : « Cessez de mal faire », Dieu ajoute : « Apprenez à bien
faire » ; — à : « Ayez en horreur le mal », il ajoute : « Tenez
ferme au bien » (Ésaïe 1:16-17 ; Rom. 12:9). Pareillement : « Que celui
qui dérobait ne dérobe plus ; mais plutôt qu’il travaille en faisant de
ses propres mains ce qui est bon, afin qu’il ait de quoi donner à celui qui est
dans le besoin ». « Qu’aucune parole déshonnête ne sorte de votre bouche ;
mais celle-là qui est bonne, propre à l’édification ». De là même naît pour le
chrétien un danger, celui de mal user de la bonne, juste et sainte loi de
Dieu : « La loi n’est pas pour le juste » (Voyez 1 Tim. 1:8-9). Le croyant a
besoin que la vie qu’il a déjà reçue, soit nourrie par le ministère, non de la
loi, mais de Christ, le Chef vrai et vivant, afin que l’énergie de cette vie se
déploie dans les différentes oeuvres qui ont été préparées pour elle. Christ
est l’expression de ce à quoi Dieu nous appelle ; et la justice que nous
avons en lui, comme position devant Dieu, nous est présentée comme le but
suprême, mais final et certain , vers lequel nous marchons. « Non que j’aie déjà
reçu le prix, ou que je sois déjà parvenu à la perfection ; mais je
poursuis, cherchant à le saisir, vu aussi que j’ai été saisi par le Christ »
(Phil. 3:12). De là vient que l’unique espérance de notre appel qui est si
certaine, parce qu’elle est selon le conseil de Dieu, est si puissante pour
former en nous le caractère chrétien. Être rendus conformes à l’image de son
Fils, premier-né entre plusieurs frères, est la bienheureuse destinée de ceux
que Dieu a déjà justifiés. C’est par la certitude de cette glorieuse espérance
de notre vocation que le Saint Esprit agit sur nos consciences et sur nos
affections, ne faisant point dépendre ce que nous serons de ce que nous sommes
en pratique (je parle de nous comme chrétiens) ; mais usant de la
certitude divine de ce que nous serons,
comme
d’un puissant levier moral pour élever actuellement
nos affections. Et
ainsi même maintenant : « Nous tous, contemplant à face découverte la
gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en
gloire comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3:18). « Bien-aimés, nous sommes
maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été
manifesté ; nous savons que quand il sera manifesté, nous lui serons
semblables, car nous le verrons comme il est. Et quiconque a cette espérance en
lui se purifie comme lui est pur » (1 Jean 3:2-3). Cette espérance fondée sur
Christ est la grande puissance de notre purification présente. Vouloir être
« docteurs de la loi » (1 Tim. 1:7) était, selon Paul, le résultat de l’ignorance
chez ceux qui croyaient sans doute travailler ainsi à l’avancement de la
sainteté en prêchant la loi ; et même il y a une manière d’insister sur la
conduite et le service chrétiens qui, au lieu de fortifier la vie de Christ
dans le fidèle, le ramène de mettre en question son propre salut. Telle n’est
point la voie où conduit l’Esprit ; il glorifie Christ et prend bien soin
d’établir l’âme en lui, en la faisant avancer dans la sainteté pratique. Tel
est, au reste, l’ordre habituel de son enseignement dans les épîtres, et je
pense que le vrai fondement de la justice et de la vraie sainteté est la
merveilleuse vérité, que Dieu justifie sans les oeuvres. C’est la réception,
l’intelligence et la jouissance de cette précieuse vérité que Dieu a livré
Christ pour nos fautes et l’a ressuscité pour notre justification (Rom. 4:25),
qui met en activité la vie chrétienne.
« Et dans
l’esprit duquel il n’y a point de fraude ».
Il est dit de Jésus qu’il n’a pas commis le péché et que dans sa bouche il
n’y eut point de fraude. De tous les autres il est écrit, ce qui n’est que trop
vrai, hélas ! « Ils ont frauduleusement usé de leurs langues » (Rom. 3:13).
Combien cela est humiliant ! En effet, paraître autrement qu’on est,
prétendre être ce qu’on n’est pas, user de la langue ou se parer d’une moralité
extérieure, pour cacher les pensées du coeur et en même temps, à chaque moment
de réflexion sérieuse, avoir la conscience qu’on n’est pas devant Dieu ce que
l’on parait être ou professe être devant les autres, n’est-ce pas une condition
qui rend insupportable la pensée de Dieu ? C’en est trop pour l’homme de
toujours soutenir un rôle ; et les paroles légères et oiseuses, qui
sortent spontanément de notre bouche, trahissent bien souvent ce qu’un discours
étudié aurait réussi peut-être à cacher. Ce fut de la parole oiseuse des
pharisiens : « Cet homme ne chasse les démons que par Béelzébul, chef des
démons » (Matth. 12:24), que Celui qui « savait ce qui était dans l’homme », se
servit pour manifester ce qui était dans leurs coeurs. Où est donc le remède à
une aussi mauvaise condition, et comment acquérir ce bonheur de n’avoir point
de fraude dans l’esprit ? Cette grâce est le résultat, le premier et
précieux résultat de la grande vérité de « la justice sans les oeuvres », vérité
qui coupe court à tous les efforts que l’on fait pour cacher ce que l’on est,
et à toute prétention d’être ce qu’on n’est pas. Le fondement de toute la
doctrine, c’est que le même Dieu, devant lequel tout est nu et à découvert, qui
nous connaît parfaitement et qui nous a appris à nous voir, au moins en partie,
comme il nous voit, est celui qui a couvert notre péché, tout le péché que sa
connaissance infinie aperçoit en nous ; car il n’a pas agi envers nous
selon notre estimation imparfaite du péché, mais selon sa propre estimation.
Personne ne peut condamner si Dieu lui-même justifie. Dieu ne nous a pas placés
dans une position où nous ayons à nous justifier nous-mêmes : c’est
lui-même qui nous justifie ; et il prend notre parti bien plus
efficacement que nous ne pourrions le faire nous-mêmes. De là vient qu’il n’y a
point de fraude dans l’esprit ; il n’est besoin d’aucune fraude, si l’on
peut parler ainsi. Il n’y a plus lieu à se tourmenter pour devenir justes, une
fois que Dieu déclare sa justice en couvrant notre péché et en nous constituant
justes. Si nous sondons aussi sérieusement que possible ce qu’est le péché (et
il est très bon de le faire), Dieu le sonde bien plus profondément, et l’a jugé
à la croix de Christ, selon l’estimation qu’il en a faite lui-même. Il n’y a
point de fraude dans l’esprit là où est réellement la foi, parce que la vérité
de notre caractère et la vérité du caractère de Dieu sont maintenues l’une et
l’autre par la merveilleuse intervention de Dieu envers nous en Christ et par
Christ.
Il n’y a point de fraude dans l’esprit de celui qui se tient, à la fois et en même temps, pour le premier des pécheurs, et cependant aussi pour parfaitement juste en Christ. Il n’y a point de fraude dans l’esprit de celui qui a pour objet de glorifier Christ et non pas lui-même. De là vient que lorsqu’un chrétien est forcé de se justifier devant les hommes, ce qui n’arrive que rarement, il est placé dans une position très humiliante, parce qu’il a à parler de lui-même et non de Christ. Paul fut ainsi contraint de parler « comme un insensé » (2 Cor. 11:17). Mais, en thèse générale, la confession, et non pas l’apologie de lui-même, est le sentier d’un chrétien ; et tenir beaucoup à sa réputation révèle l’état d’une âme peu occupée de Christ. Quand on a à coeur sa gloire, Dieu justifiera en temps convenable ; et ce qui n’est pas mis au clair aujourd’hui, le sera en ce jour-là (1 Cor. 4). J’admire dans l’apôtre Paul la grâce de Christ, par laquelle il sait faire servir tout ce qu’on lui reproche à établir la fidélité de Dieu (2 Cor. 1:18-20), et à détourner les pensées des Corinthiens de lui-même pour les porter sur un plus excellent objet.
Quand je me suis tu, mes
os se ont dépéri, quand je rugissais tout le jour ; Car jour et nuit ta
main s’appesantissait sur moi ; ma vigueur s’est changée en une sécheresse
d’été. Sélah.
Une conscience chargée, où trouvera-t-elle du repos ? Tout effort de dissimulation ne fait qu’aggraver son fardeau. Que de coeurs brisés et d’esprits froissés qui n’osent communiquer leurs peines ! Que d’âmes qui n’ont trouvé que d’amères déceptions en toutes choses et en elles-mêmes, et qui en ignorent la cause, parce qu’elles ne se savent pas perdues et qu’elles regardent leur position comme un cas particulier et extraordinaire ! Elles ignorent que Dieu a pensé à leur condition et l’a considérée, et qu’il a préparé un remède à cette condition. Elles ne pensent pas davantage à s’ouvrir à Dieu qu’aux hommes. Dieu, disent-elles, les repousserait à cause de leur indignité ; et les hommes se riraient d’elles à cause de leur singularité, ou se détourneraient d’elles à cause de leur abjection. Elles renferment donc tout en elles-mêmes ; elles se taisent, bien qu’elles ne fassent qu’aggraver le trouble intérieur en se repliant ainsi sur elles-mêmes ; elles ignorent qu’elles ne font que réaliser en elles-mêmes ce qui constitue de fait la condition de l’homme, en tant que créature morale. L’homme ne suffit pas à son propre bonheur ; la créature non plus ne peut pas le rendre heureux, et quoiqu’on ne sente peut-être pas que chercher le bonheur en soi ou dans la créature, soit pécher selon l’acception ordinaire de ce mot, c’est en cela que gît cependant le plus profond principe de péché, parce que, de fait, on adore ainsi la créature plutôt que le Créateur qui est béni éternellement (Rom. 1:25). — Que de coeurs il y a qui sont mal à l’aise ! Que de cœurs malheureux et vides qui refusent d’être remplis, et qui pourtant ne sont pas convaincus de péché, et n’ont pas compris la nécessité absolue d’une expiation pour le péché. Ils ne pensent pas à l’Évangile comme à un remède pour eux ; ils ignorent que Jésus, attristé dans un monde misérable et rejeté par ce monde, mais sachant qu’Il possédait en lui-même tout ce dont l’homme a besoin, comme créature ou comme pécheur, s’est tourné vers les pécheurs et a dit : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos » (Matth. 11:28). Combien on a rabaissé l’Évangile en le regardant seulement comme un remède au péché, quoiqu’il le soit assurément ; — mais l’Évangile est beaucoup plus : il est la manifestation de Dieu lui-même à l’homme comme pécheur, rendant le pécheur souverainement heureux en Dieu, en même temps que glorifiant Dieu dans ce bonheur qu’il donne. L’état de trouble et de détresse, décrit dans les versets qui sont devant nous, est celui d’un cœur qui n’a pas connu Dieu comme le Dieu béni, et qui ne connaît pas non plus la béatitude que nous méditons. C’est le triste état dans lequel le christianisme, que professe le monde, tient les âmes, annulant la simplicité et la grâce de l’Évangile par un système d’ordonnances. Ceux qui ont le cœur brisé ignorent qu’il y a pour leur misère un remède préordonné par Dieu lui-même. Ils auraient besoin de l’Évangile dans sa forme la plus simple, mais ils ne l’entendent pas. Ils entreprennent d’accomplir les devoirs des chrétiens ou même s’approprient les privilèges des chrétiens (et on les y invite), sans connaître ce qui va avant tout, la libre communion avec Dieu, le bonheur d’être au large avec Dieu par la rédemption qui est dans le Christ.
Il n’y a point de repos pour une âme jusqu’à ce qu’elle puisse dire sa peine à Dieu. On peut même sentir la main de Dieu, la reconnaître, et toutefois le regarder lui-même comme inaccessible. L’âme chemine ainsi chargée de son propre fardeau, parce qu’elle n’ose le déposer sur Dieu. L’esprit tout entier est abattu, comme la vigueur du corps est consumée par une fièvre ardente. Parfois même, au lieu de courber humblement la tête, il y a une sorte d’irritation contre Dieu, à cause de sa main que l’on sent et reconnaît, parce que cette main a touché quelque idole, dans laquelle l’âme cherchait un soulagement ou au moins une diversion à sa peine. On regarde Dieu comme un ennemi, comme quelqu’un qui s’est tourné contre celui qui souffre, au moment même où, peut-être, Dieu ne fait qu’écarter les obstacles qui rendaient impossible le soulagement désiré. Dieu attend pour faire grâce, et il veut être glorifié en le faisant. Une grande partie de la controverse qui a lieu entre Dieu et l’homme roule sur ce point, savoir en qui, de Dieu ou de l’homme, se trouve le remède à la misère de ce dernier ? Mais la première chose à faire, dans quelque misère qu’on se trouve, c’est de reconnaître Dieu. L’homme trouve bien des raisons pour expliquer sa misère, et y applique bien des remèdes ; mais jusqu’à ce qu’il reconnaisse Dieu, jamais l’homme ne se rendra un juste compte de cette misère, et jamais il n’en découvrira le vrai remède.
Il y a certains principes qui
s’appliquent avec la même vérité à l’homme naturel et à celui qui est né de
Dieu ; et ce principe : « Quand
je me suis tu
, etc… » est de ce nombre. L’homme naturel se tait, parce
qu’il ignore le caractère révélé de Dieu et le bonheur qu’il y a de tout lui
dire ; il est misérable et sa condition est affreuse. Le fidèle aussi
souffre quand il se tait, parce que, bien que connaissant Dieu en grâce, il
n’use pas à propos de la vérité, pour avancer dans la connaissance de lui-même
et pour donner à Dieu la gloire qui lui appartient, à lui seul ; il a
tellement oublié sa position devant Dieu que, ne s’ouvrant pas à Lui, il a de
la fraude dans son esprit. Les déclarations de Jean sont applicables ici :
« Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes,
et la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et
juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité. Si
nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur et sa parole
n’est pas en nous » (1 Jean 1:8-10). Quand Dieu est réellement connu comme Celui
qui impute la justice sans les oeuvres, lui cacher quoi que ce soit doit
nécessairement engendrer l’accablement d’esprit : on n’ose pas s’approcher
de lui, parce qu’il y a de la fraude dans le cœur, et il en résulte de la
froideur. Que de fois dans un tel état accusons-nous tout, jusqu’à Dieu
lui-même, plutôt que de nous accuser nous-mêmes de ce que nous gardons le
silence envers lui. Quand nous avons été abattus, inquiets, malheureux,
n’avons-nous pas souvent été capables de résoudre la difficulté, reconnaissant
que notre orgueil avait été blessé, notre amour-propre rabaissé par la
découverte de l’existence non soupçonnée de quelque péché, comme si notre béatitude
gisait dans notre caractère et non dans l’imputation de la justice sans les
oeuvres. Dieu ne veut pas de cette confiance dans notre propre caractère ou
notre fidélité envers lui, mais il veut que son
caractère et sa
fidélité à lui soient le fondement de notre confiance. Cette tendance à la
propre justice, que nous portons tous avec nous, explique, en grande mesure,
l’état misérable dans lequel on trouve si souvent les chrétiens : sous
quelque forme ou à quelque degré que nous nourrissions la propre justice, nous
avons abandonné le seul et vrai fondement de notre béatitude. Si le péché n’est
pas confessé, s’il l’est légèrement ou seulement d’une manière générale et non
point spéciale, il en résultera nécessairement de la misère. Si Dieu nous a
déclaré toute sa grâce en pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché,
c’est afin que, sachant cela, nous ne lui cachions rien, ni n’essayions de lui
rien cacher. Dieu veut que nous nous voyions tels que nous sommes, et que nous
le justifiions de ce qu’il agit envers nous comme il l’a fait dans l’Évangile
de son Fils.
Je t’ai fait connaître mon
péché, et je n’ai pas couvert mon iniquité ; j’ai dit : je
confesserai mes transgressions à l’Éternel ; et toi, tu as pardonné
l’iniquité de mon péché. Sélah.
Ici l’âme trouve le relèvement, le plein et entier relèvement, le sentiment du pardon accompagnant l’acte même de la confession ! Le silence est rompu, et l’âme n’use plus de détours. Celui-là même, dont la main pesait si lourdement sur elle, est Celui devant lequel le coeur s’ouvre et se répand : « Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai pas couvert mon iniquité ; j’ai dit : Je confesserai mes trangressions à l’Éternel ». « Il n’y a aucune créature qui soit cachée devant lui, mais toutes choses sont nues et découvertes aux yeux de celui à qui nous avons affaire » (Hébr. 4:13). C’est une pensée solennelle que c’est avec Dieu que nous avons affaire, et quand une fois cette vérité a saisi fortement la conscience, tout effort qu’on fait pour cacher quelque chose à Dieu engendre la misère dont il est parlé dans les versets précédents. La confession soulage, parce qu’elle nous fait avoir affaire directement avec Dieu : par elle, l’âme reconnaît pratiquement que tout est nu et à découvert devant ses yeux, qu’il est le juste Juge, et que le mal que sa Parole dit de nos coeurs est véritable. Dieu est justifié par la confession, et il l’est lors même qu’il ne serait vu que comme un juge ; — mais combien plus n’est-il pas justifié, quand la confession est faite sous le sentiment de son amour connu par l’évangile de la grâce ! Oui, alors la confession est pleine, vraie et sincère ; alors, le pardon de l’iniquité du péché conduit le coeur et les lèvres, qui ont confessé le péché, à faire confession à salut. Les éléments les plus essentiels du caractère d’un saint apparaissent ici. Auparavant, celui-ci n’avait qu’un sujet de pensée et d’étude, et ce sujet, c’était lui-même : maintenant il en a un autre, savoir le Christ de Dieu. A-t-il à parler de lui-même, c’est dans le langage de la confession, celle-ci devenant toujours plus vraie et entière, à mesure que le fidèle avance dans la connaissance du Christ : — mais son véritable élément et son bonheur, c’est de parler de Jésus et de le confesser comme son salut et comme l’objet de tout son désir.
Quelle heureuse union n’y a-t-il pas entre la confession et la louange, et je dis heureuse, parce qu’elle est selon la vérité ! Aucun langage ne peut exprimer le misérable état d’un pécheur, aucun langage ne suffit non plus pour raconter la grâce et les gloires du Sauveur ; et quand la confession et la louange s’unissent ainsi, quelle ferveur n’impriment-elles pas à la prière et à l’intercession !
Je suis convaincu qu’une grande
partie des épreuves spirituelles, qui atteignent les saints, vient de ce qu’ils
ne se jugent pas eux-mêmes et ne font pas confession de péché, sous l’abri
protecteur de la bienheureuse vérité de « la justice sans les couvres ». L’âme
qui saisit comme il faut cette doctrine salutaire, se trouve placée ainsi dans
une position où elle se juge elle-même ; et cette position est très élevée
et merveilleuse. Si Dieu, le « Juge de tous », est devenu « le Justificateur » de
ceux qui croient en Jésus, est-ce afin que ceux-ci traitent légèrement le
péché ? Loin de là, c’est afin qu’ils se jugent eux-mêmes. Le sang de
Christ nous donne accès dans « les lieux saints » ; là, nous sommes dans la
lumière, dans le lieu privilégié, où Aaron ne pouvait entrer qu’une fois l’an,
et dont l’accès nous est toujours ouvert par Jésus, notre souverain
Sacrificateur. Introduits dans la présence de Dieu, avec des pieds déchaussés
que nous sentons toucher le sable du désert, nous remplissons là une partie de
notre office de sacrificateurs, en nous jugeant nous-mêmes, en séparant ce qui
est précieux de ce qui est vil, et en discernant ce qui est le plus excellent.
Nous sommes dans la lumière et nous découvrons ce qui n’est pas en harmonie
avec elle : et si ce n’était que nous sommes abrités là par le sang même
qui nous y a introduits, nous n’y pourrions subsister. Là aussi, nous
apprenons, plus que jamais, le besoin que nous avions de ce sang, dans lequel
nous avons trouvé la rémission de nos péchés, de ce sang qui nous a lavés et
qui nous conserve purs. Or je crois que la droiture de coeur, mentionnée au
dernier verset de notre Psaume, est intimement liée avec le jugement de
nous-mêmes, car ce jugement nous ramène finalement à la béatitude proclamée
dans les versets 1-2 : ce même mal que nous ne découvrons qu’à présent,
Dieu ne nous l’impute pas ! — Dieu l’a couvert ! C’est ainsi que le
coeur est gardé dans l’humilité et que la conscience demeure délicate et
vivante. Je crois que la droiture et la franchise de confession, qui ont pu se
montrer lors de la conversion, sont souvent altérées, parce qu’on ne se juge
pas soi-même devant Dieu. Un fidèle peut devenir trop préoccupé de ce que les
saints, et même le monde, pensent de son caractère, et être conduit ainsi, à
son insu, à jouer un rôle, au lieu de tirer l’accroissement de sa vie de Celui
qui en est la source. Il y a eu de la sincérité dans le travail d’âme qui a
amené à Christ, mais cette sincérité s’est altérée aussitôt chez le fidèle,
quand, au lieu de se nourrir de Christ, il s’est préoccupé de conserver un
certain caractère aux yeux du monde et des saints. Par le jugement de
nous-mêmes, la sincérité est maintenue et le besoin que nous avons de Christ se
manifeste d’une façon nouvelle et sans cesse variée. L’âme, exercée de la
manière la plus humiliante pour elle-même, si elle est par là conduite à
Christ, est amenée à saisir plus largement la béatitude proclamée dans ce
Psaume : elle est véritablement fortifiée. — J’admire la grâce de Dieu qui
nous permet de nous juger ainsi nous-mêmes : Dieu ne peut jamais
abandonner son titre de « Juge de tous ». Par la foi nous venons à lui comme tel
(Hébr. 12:23) ; mais il nous a si complètement justifiés par sa grâce, par
la rédemption qui est dans le Christ Jésus, qu’il voudrait nous amener devant
son tribunal pour que nous soyons là nos propres juges. Saisir, telle qu’elle
est, notre position de justification complète devant Dieu en Christ, comprendre
que nous sommes faits justice de Dieu
en
Lui, est la seule chose qui nous qualifie pour ce jugement : nous avons
pu, dans notre ignorance, pratiquer ce jugement d’après un principe différent,
celui, par exemple, de chercher en nous-mêmes un fondement d’assurance devant
Dieu ; mais maintenant nous nous jugeons, afin de voir et de sonder la
justice et la sainteté des voies de Dieu à notre égard, de manière à nous
rendre débiteurs de sa grâce seule ; et cette grâce règne par la justice,
par Jésus-Christ, depuis que la rédemption manifeste la sainteté, la justice et
la vérité de Dieu en strict accord avec sa miséricorde.
Le fidèle a affaire à trois sortes de jugements : le jugement de lui-même, le jugement de l’Église, et le jugement du Seigneur. Ces trois sortes de jugements sont très distinctes l’une de l’autre dans leur caractère. Veiller au jugement de soi-même empêche quelqu’un de tomber sous le jugement de l’Église, dont la fonction est de juger « ceux du dedans », tandis que Dieu juge ceux « du dehors » (1 Cor. 5). Quand l’Église manque à son devoir de juger, dans la sphère de sa compétence, les actes patents de péché (des péchés tels que ceux dont l’église de Corinthe avait été témoin), cette infidélité de l’Église amène le jugement du Seigneur sous quelque forme visible. « C’est pour cela que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment » (1 Cor. 11:30). Le jugement des doctrines est également du ressort de l’Église. Éphèse est louée de ce qu’elle avait éprouvé ceux qui se disaient apôtres, et le Seigneur a contre Thyatire, qu’on y avait souffert que Jésabel, qui se disait prophétesse, enseigne sa doctrine pernicieuse (Apoc. 2). Il faut que le Seigneur juge, si l’Église tolère de mauvaises doctrines. Mais le jugement du Seigneur est toujours suprême et nous en sommes toujours justiciables, individuellement ou collectivement. Nous juger nous-mêmes nous empêcherait de tomber, individuellement, sous le jugement du Seigneur d’une manière manifeste et signalée : « mais si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés ; mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur » (1 Cor. 11:31-32). Nous juger nous-mêmes empêcherait l’accomplissement des actes de péché, qui nécessitent l’emploi de la verge, le principe même du péché ayant été jugé dans le secret devant Dieu. Mais quoique le jugement de Dieu, sous la forme d’un châtiment présent, fait ainsi évité, cela ne change en rien la vérité générale que « celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu’il agrée » (Hébr. 12:6). La différence dans la manière d’agir du Seigneur sera toujours saisie par la conscience de celui qui souffre, lors même qu’un châtiment extérieur pèserait sur lui. L’âme, qui sait se juger elle-même, saura toujours envisager le châtiment comme la marque d’un amour dont elle discernera la sagesse, tandis que le fidèle inattentif n’y verra qu’une punition ou un avertissement destiné à le ramener au sentiment de sa condition actuelle.
N’oublions pas non plus combien la discipline si nécessaire du Seigneur a un caractère préventif ; — et ceci aussi, on l’apprend en se jugeant soi-même dans les lieux saints, où Dieu nous a donné accès. Si l’âme de l’apôtre n’avait pas été exercée devant Dieu, elle aurait pu interpréter « l’écharde en la chair » d’une manière toute différente des intentions du Seigneur, qui étaient que Paul ne s’enorgueillisse point (2 Cor. 12:7) ; Paul n’avait pas péché, il ne s’était pas élevé, mais il avait besoin d’être gardé contre le danger et la tendance à tomber dans cette faute ; et il avait discerné la pensée du Seigneur à cet égard, non par révélation, mais par l’exercice de son âme devant Dieu. N’avons-nous pas eu tous mainte occasion aussi, non seulement de nous humilier sous la puissante main de Dieu, pour un mal positif dans lequel nous étions tombés, mais encore de justifier l’amour et la sagesse de Dieu lors de quelque discipline spéciale, dont il nous a lui-même, dans le sanctuaire, montré le caractère préventif ? On ne peut trop insister sur l’importance qu’il y a à se juger soi-même dans la lumière qui manifeste tout, sous l’immuable et sûr abri de la déclaration, que la transgression est pardonnée, que le péché est couvert, et que l’iniquité n’est pas imputée ; non que j’estime possible de pouvoir toujours interpréter justement les voies de Dieu à notre égard, mais parce que je suis persuadé que juger en nous les sources du mal et en faire confession à Dieu, est le moyen d’arriver à cette interprétation. Dieu est toujours juste dans ses voies, vérité simple, mais profondément pratique : et nous reconnaissons que Dieu est juste, par la voie de la confession ; ainsi non seulement nous trouvons du repos, mais nous apprenons effectivement que Dieu est juste, et nous avons l’intelligence de ses voies. Oh ! si les saints connaissaient le travail douloureux, la peine inutile qu’on se donne en se justifiant soi-même, et s’ils justifiaient Dieu au lieu de se justifier eux-mêmes, que de souffrance ils s’épargneraient ! Quel manque de confiance en Dieu ne trahissent pas nos efforts pour nous justifier, car, en faisant ainsi, nous agissons comme si, après tout, nous devions être bénis en vertu de notre caractère, et non en vertu de la grâce de Dieu. C’est pourquoi l’apôtre, en parlant du jugement de soi-même, se sert d’une expression qui implique non seulement un jugement extérieur proprement dit, mais la connaissance approfondie de la source même d’où jaillit l’activité de la chair (Voyez le grec, 1 Cor. 11:31). Qui peut supporter de regarder attentivement dans cet abîme, s’il ne sait pas que Dieu a jugé le péché dans la chair à la croix de Christ ? « Notre vieil homme a été crucifié avec lui » (Rom. 6:6 ; 8:3). Ce mal que nous commençons seulement à discerner dans la chair, Dieu l’a vu dès le commencement et nous permet de le voir maintenant, afin que nous le justifiions de l’avoir entièrement jugé : la chair ne peut pas se discerner elle-même ; elle ne peut pas se tenir devant Dieu. Ce n’est que par la puissance de la vie qui vient directement de Christ, que par le Saint-Esprit lui-même, que nous apprenons à nous discerner nous-mêmes ; et cela dans la présence immédiate de Dieu. « L’homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, car elles lui sont folie ; et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement ; mais celui qui est spirituel discerne toutes choses » (1 Cor. 2:14). C’est un aphorisme humain, mais profondément trompeur, que la véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. L’homme ne se connaît pas en s’étudiant lui-même, mais seulement en étudiant Dieu. « C’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17:3). C’est par cette science divine que l’homme se connaît véritablement lui-même ; non pas en se mesurant lui-même par lui-même, mais en se mesurant, lui, à Dieu comme il est révélé en Christ et par Christ. — J’ai souvent pensé que, tout affreuses que soient les annales de l’histoire ou du crime, elles ne donnent pas de la dépravation de l’homme une idée aussi sombre que le feraient les secrètes confessions des fidèles à Dieu, si elles étaient connues de nous comme elles le sont de Dieu. La conscience d’une justification complète peut seule enhardir un saint à confesser devant Dieu ces principes secrets de mal, qu’il découvre quand il se juge dans la présence immédiate de Dieu ; et nous ne devons pas nous étonner d’entendre le plus dévoué des saints parler de lui-même comme du « premier des pécheurs » (1 Tim. 1:15).
C’est pourquoi tout homme
pieux te priera au temps où l’on te trouve ! Certainement, en un déluge de
grandes eaux, celles-ci ne l’atteindront pas. Tu es mon asile ; tu me
gardes de détresse et tu m’entoures des chants de triomphe de la délivrance.
Sélah.
Quel précieux encouragement
pour l’âme d’être assurée qu’il n’y a rien qu’elle ne puisse dire à Dieu !
Dieu a tout fait pour gagner notre confiance, jusqu’à livrer son Fils pour nos
fautes et à le ressusciter pour notre justification (Rom. 4:25) ; et c’est
par la confession que, pratiquement, nous maintenons notre confiance en lui.
C’est parce que la confession et le pardon sont liés ensemble, comme nous
l’avons vu plus haut, que tout fidèle peut prier Dieu au temps où on le trouve.
Si le péché que nous venons de découvrir en nous ne doit pas nous fermer
l’accès auprès de Dieu, et si Dieu ne nous cache jamais sa face, mais peut
toujours être trouvé par nous, qui nous arrêterait ? — et en pratique, qui
est-ce qui empêche que nous nous approchions de Dieu ? Ce n’est pas Dieu
certainement ; et nous n’avons pas à chercher encore un sacrifice et un
sacrificateur : tout est prêt déjà ! Les empêchements sont en
nous ; et nous essayons souvent de tout, excepté de ce qui profite. Nous
pouvons devenir plus diligents dans le service extérieur, plus réguliers dans
le culte public, plus intelligents pour juger les fautes des autres ; mais
une chose, la chose nécessaire, nous manque, savoir la confession.
Une âme n’est-elle pas dans un bien mauvais état, en
vérité, lorsqu’elle fait servir les choses les plus bénies à leur place, à
interrompre sa communion avec Dieu. Dieu aime la vérité dans le coeur ; et
si le coeur est aliéné de Dieu, sa restauration doit être véritable. Il faut
que Dieu soit justifié et que tout le blâme retombe sur nous-mêmes, et non sur
lui : c’est là précisément ce que fait la confession. Il faut que le
fidèle regarde Dieu comme le seul Justificateur, et qu’il le connaisse comme
Celui qu’on peut trouver toujours, même quand on n’a que son iniquité à lui
présenter. N’est-ce pas ainsi que nous déjouons les ruses de Satan comme Accusateur ?
Et s’il y a promptitude dans la confession, l’âme n’a-t-elle pas aussi
conscience que c’est Dieu qui justifie ? Qui donc intentera accusation
contre des élus de Dieu ? Ce que l’Accusateur voudrait faire peser sur
eux, ils s’en sont eux-mêmes déjà accusés devant Dieu, et ils sont
pardonnés : Dieu les justifie ! L’âme exercée trouve ainsi en Dieu
son asile : « TU
es mon
asile
! »
On peut expérimenter, de
plusieurs manières, la béatitude de la foi en Jésus ; mais je doute
qu’aucun chemin soit plus excellent pour y conduire que la connaissance de la
différence qu’il y a entre se cacher, comme Adam, loin de Dieu, dans les arbres
du jardin, après qu’il eut péché, et se cacher en Dieu. Quelle chose
merveilleuse, que Dieu se présente dans l’évangile de sa grâce comme le seul
refuge pour un pécheur, comme le seul qui puisse épouser sa cause et l’épouse
en effet. N’est-ce pas là un glorieux côté de la gloire de Dieu ? Il fait
passer toute sa bonté devant nous et proclame son nom de « juste et justifiant
celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3:26) — le seul Dieu — parce qu’il est
un Dieu juste et Sauveur ; et il a ainsi montré qu’il n’y en a point
d’autre que lui, parce qu’il est un Sauveur Dieu. Il y a un refuge de devant
les accusations de Satan, de devant la haine du monde, et de devant ce qui est
pire encore, une conscience qui nous condamne ; et ce refuge est en Dieu
lui-même. Dieu se présente lui-même pour être le confident de nos misères,
celui qui sympathise à toutes nos peines, qui a pitié de toutes nos infirmités,
qui écoute patiemment toutes les plaintes que nous avons à porter contre
nous-mêmes. Tout ceci s’apprend dans la connaissance de la béatitude de « la
justice sans les œuvres », et se trouve compris dans cette béatitude. C’est la
confiance dans cette voie divine de justice qui nous enhardit à dire : « Tu
me gardes de détresse
! »
Et
y a-t-il une angoisse pire que celle de l’âme ?! Peu de chrétiens savent
entrer dans le sentier de la justice,
soit pour l’amour de Jésus, soit pour l’amour de la souffrance ; celui qui
souffre ainsi a le droit de se réjouir : mais l’esprit brisé, le coeur
malade et accablé, où iront-ils, si ce n’est à Dieu, « notre asile », à Dieu qui
console ceux qui sont abattus, qui est le Père des miséricordes, le Dieu de
toute consolation, et qui sait tourner nos afflictions en joie et en
louange ? Certes, le cantique de la rédemption ne devrait pas avoir été
chanté une seule fois sur les bords de la mer Rouge, pour que ses accords
meurent ensuite, ou même soient remplacés par des murmures. Hélas ! il en
est souvent ainsi en pratique : la joie de la conversion est fréquemment
suivie de murmures et de plaintes : on ne tient pas ferme le commencement
de sa confiance ; on abandonne la vérité de la béatitude d’un Dieu imputant
la justice sans oeuvres, comme si on n’en avait plus besoin. Nous avons à
apprendre à justifier la sagesse de Dieu dans la rédemption, dans toute sa
plénitude, en apprenant par notre propre expérience, à mesure que nous
avançons, que cette sagesse de Dieu, et elle seule, répond et satisfait
réellement à nos besoins. On ne trouve pas, hélas ! comme on devrait, les
saints chantant « le cantique nouveau », un cantique nouveau et toujours varié,
bien que le même en substance. Et pourquoi ? — parce que la grâce seule
peut être le fondement de notre cantique et que, si le coeur n’est pas établi
dans la grâce, il ne peut chanter. Mais quand un fidèle marche sous l’abri de
la béatitude de « la justice sans les oeuvres », combien de fois sur son chemin
ne dira-t-il pas avec actions de grâce : « Tu m’entoures de chants de la délivrance
! » Il y a en lui, dans le secret du
coeur, un chant et une psalmodie au Seigneur ; car quelque grande que soit
incontestablement, au début, la transition des ténèbres à la lumière, par la
foi en Jésus-Christ, quelle est l’expérience subséquente du fidèle ? — ce
sont de constantes délivrances. « Notre Dieu est un Dieu de salut » (Ps. 68:20).
Nous sommes placés à une heureuse école pour apprendre à connaître Dieu dans le
caractère sous lequel il s’est révélé à nous. L’histoire de chaque fidèle
publie que « là où le péché abondait, la grâce a surabondé » ; et la fin de
chaque saint individuellement, aussi bien que l’Église collectivement, publiera
cette même vérité « à la louange de la gloire de sa grâce ». Puissions-nous être
vrais et droits de coeur avec Dieu, et alors la contemplation de ses voies sera
suivie de fréquents cantiques de délivrance !
Je t’instruirai, et je
t’enseignerai le chemin où tu dois marcher ; je te conseillerai, ayant mon
œil sur toi. Ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet, qui n’ont pas
d’intelligence, dont l’ornement est la bride et le mors, pour les réfréner
quand ils ne veulent pas s’approcher de toi.
Une fois introduit dans la béatitude célébrée aux versets 1 et 2, on est placé sous un nouveau genre de direction, la direction de l’oeil de Celui qui nous a justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus.
Quand il plut à l’Éternel de retirer Israël d’Égypte, il se fit lui-même leur guide. Israël avait besoin d’être conduit : aussi l’Éternel marchait devant lui, de jour dans une colonne de nuée, et de nuit dans une colonne de feu. Il précédait ainsi le peuple pour lui chercher un lieu de repos dans le désert. Israël tendait ou pliait ses tentes selon que s’arrêtait ou se levait la nuée. « Et quand la nuée se levait de dessus le tabernacle, les fils d’Israël partaient, dans toutes leurs traites ; et si la nuée ne se levait pas, ils ne partaient pas, jusqu’au jour où elle se levait ; car la nuée de l’Éternel était sur le Tabernacle le jour, et un feu y était la nuit, aux yeux de toute la maison d’Israël, dans toutes leurs traites » (Ex. 40:36-38 et aussi : Nomb. 9:17-21).
Assurément c’était là une précieuse direction, une direction en harmonie avec la rédemption alors manifestée, une ombre d’une réalité plus glorieuse ; mais ce n’était pas une direction intelligente : aucune communion d’âme avec l’Éternel n’était nécessaire pour la saisir ; la nuée était à la vue d’Israël dans tous leurs voyages.
Mais le but même de notre rédemption est de nous mettre en communion avec les voies et les pensées de Dieu ; et une direction visible, comme celle de la nuée, ne convient pas à une telle position. « L’esclave ne sait pas ce que son maître fait » (Jean 15:15) ; il entre et sort au commandement de celui-ci, mais sans savoir pourquoi tel ou tel ordre lui est donné. Ce genre d’obéissance n’est pas en harmonie avec la béatitude de ceux dont la transgression est pardonnée et qui sont initiés aux pensées et aux conseils mêmes de Dieu, « car nous avons la pensée de Christ » (1 Cor. 2:16). L’obéissance, qui convient aux saints maintenant, est une obéissance intelligente ; « comprenez », dit l’Écriture, « quelle est la volonté du Seigneur » ; et encore, « pour que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, bonne et agréable et parfaite » (Éphés. 5:17 ; Rom. 12:2). Or, à proportion que la direction est d’un ordre plus relevé, elle devient plus difficile à suivre ; et à cause de cette difficulté, nous recourons volontiers à un ordre de direction inférieur, nous laissant guider par les événements providentiels, plutôt que par l’oeil de Dieu. Le « directorat » [des directeurs de conscience], pratiqué dans le romanisme, tient autant à ce fait que la conscience n’aime pas à être exercée devant Dieu, qu’au principe de la domination cléricale. Il est bien plus conforme au coeur naturel d’abandonner à un autre homme la direction de notre conscience, que de tenir cette conscience devant Dieu. La prétention de Rome à l’infaillibilité a une sorte d’attrait pour les hommes, parce qu’elle leur épargne la peine de juger par eux-mêmes de ce qui est vrai ou faux, de ce qui est bon ou mauvais. Si la vraie puissance contre la doctrine fondamentale du papisme se trouve dans la doctrine de « la justice sans les oeuvres », la pratique de cette vérité, en plaçant nos âmes en relation habituelle avec Dieu, est le seul préservatif contre le principe du « directorat ».
Ce n’est pas être conduit par
l’oeil de Dieu que de suivre un chrétien ou une congrégation de chrétiens. Dieu
a pourvu, par la précieuse vérité de la justice sans les oeuvres, à tout ce
qu’il fallait pour que la conscience de chaque individu soit en rapport direct
avec Lui-même ;
et y a-t-il dans
l’histoire un seul exemple d’une constitution ecclésiastique qui n’ait pas
empiété sur la prérogative de Dieu, qui est d’avoir affaire avec la conscience
personnelle de chacun ? L’autorité apostolique elle-même n’osait pas
s’interposer entre Dieu et les consciences. — Je rejette loin l’idée que chacun
fasse ce qui lui semble bon à ses propres yeux ; mais j’en affirme, avec
d’autant plus de force, la vérité du droit de Dieu, d’avoir affaire avec la
conscience de chacun, et « le privilège », je ne dis pas « le devoir », du
chrétien, d’avoir sa conscience exercée devant
Dieu.
« Que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit ». « Tout
ce qui n’est pas sur le principe de la foi est péché ». « Chacun de nous rendra
compte pour lui-même à Dieu » (Rom. 14:5, 23, 12). Mais n’est-ce pas le péché de
toutes les institutions religieuses humaines, qu’elles s’arrogent le droit de
décider ce qui doit être réglé par les consciences exercées devant Dieu ?
On a ainsi soumis les saints, non pas à Dieu et à sa parole, mais aux règlements
de la société religieuse à laquelle ils appartiennent. Nous sommes tous, comme
chrétiens, membres d’un seul
corps,
et tous membres les uns des autres ; mais si nous oublions d’ajouter que
nous sommes, chacun individuellement, les membres de Christ et justement soumis
à Christ, notre action morale collective en souffrira nécessairement.
Combien la communion avec
Dieu est donc nécessaire pour diriger la conduite d’un saint ! C’est notre
négligence à cet égard qui amène tant de discipline sur nous. Dieu veut nous
conduire par son
chemin, mais nous sommes comme le cheval et le mulet
qui n’ont point d’intelligence ; nous ne comprenons pas la volonté du
Seigneur, parce que nous ne recherchons pas la conduite de son oeil : nous
nous laissons guider par les circonstances et non par l’Esprit. Partout où est
l’Esprit du Seigneur, il y a liberté (2 Cor. 3:17) ; nous marchons à
l’aise quand nous marchons devant le Seigneur. Mais trop souvent nous voulons
suivre chacun notre propre chemin, et alors le Seigneur a une bride et un mors
pour nous, ce même frein dont il use habituellement envers ses ennemis :
« Parce que tu es plein de rage contre moi et que ton insolence est montée à mes
oreilles, je mettrai mon anneau à ton nez et mon frein entre tes lèvres, et je
te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu » (Ésaïe 37:29).
Hélas ! combien de fois, à notre honte, n’avons-nous pas besoin, nous ses
saints, du mors et de la bride pour nous faire retourner en arrière par le
chemin par lequel nous sommes venus ! Qui n’a pas à confesser que ce n’est
trop souvent qu’à la suite d’une discipline pénible et humiliante, qu’il est
entré dans le droit sentier qu’il aurait trouvé tout de suite, s’il avait pris
garde de se laisser « conduire par l’oeil ? » (Comp. Ps. 17:4 ; 119:97-105).
Parmi les nombreuses preuves
de notre faiblesse présente, l’une des plus frappantes est assurément le peu de
confiance qu’ont les saints d’être guidés par l’Esprit dans leurs sentiers
particuliers. Ils ne marchent pas comme des gens qui ont la conscience d’être
sous la direction de l’Esprit et qui savent qu’ils obéissent à Dieu. Plusieurs
même rejettent, en principe, cette direction pour le chrétien ; ils ne
connaissent que la direction providentielle, si toutefois on peut lui donner ce
nom, car le contrôle providentiel sur les circonstances ou sur le sentier de
notre propre volonté, peut à peine être appelé une direction. Mais là-même où
l’on reconnaît le principe d’une direction intelligente et spirituelle, comme
étant le privilège des saints, que de fois l’on se prévaut d’événements
providentiels, comme de motifs pour agir. De là vient qu’on marche à
l’aventure, ou en suivant les pas des autres : on marche réellement par la
vue et non par la foi ; et cela tient à l’habitude que nous avons de n’user
de notre béatitude que comme d’un abri, et non comme de ce qui nous introduit
en la présence de Dieu. C’est un beau caractère des fidèles de Thessalonique
que « leur oeuvre de foi, leur travail d’amour et leur patience d’espérance de
notre Seigneur Jésus Christ » étaient « devant notre Dieu et Père » (1 Thess.
1:3). À Israël, Dieu montrait ses actes
, mais à Moïse il faisait
connaître ses voies
(Ps. 103:7) ; avec Moïse, il conversait
familièrement, comme un ami avec son ami (Ex. 33:11 ; Nombr. 12:8 ;
Deut. 34:10). Certainement, Dieu nous a introduits dans l’intimité de sa
communion, afin de nous faire connaître, à nous aussi, ses voies
.
Le méchant a beaucoup
d’afflictions ; mais l’homme qui se confie en l’Éternel, la bonté
l’environnera. Réjouissez en l’Éternel, et égayez-vous, justes ! et jetez
des cris de joie, vous tous qui êtes droits de coeur !
Il n’y a rien de plus faux
que la justice conventionnelle des hommes ; elle n’est basée que sur la
convenance et l’égoïsme, sans aucun égard à la sainteté de Dieu. Elle est
simplement un « caractère », ce que l’homme estime, et le grand obstacle à la
réception de la vérité. « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez de la
gloire l’un de l’autre, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu
seul ? » (Jean 5:44). Et l’égard que l’homme a pour ce caractère agit si
fortement sur lui, que, même quand il est convaincu de la vérité de Dieu, il
est trop lâche pour avouer sa conviction. « Cependant plusieurs d’entre les
chefs mêmes crurent en Lui ; mais à cause des pharisiens ils ne le
confessaient pas, de peur d’être exclus de la synagogue ; car ils ont aimé
la gloire des hommes plutôt que la gloire de Dieu » (Jean 12:42-43). La Parole
de Dieu découvre souvent, d’une manière particulière, c’est-à-dire par voie de
contraste, cette vanité de la justice humaine : ainsi elle dit : « Car
quiconque fait des choses mauvaises
hait la lumière et ne vient pas à la
lumière, de peur que ses oeuvres ne soient reprises. Mais celui qui pratique
la
vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées,
qu’elles sont faites en Dieu » (Jean 3:20-21). Ici le contraste que ferait
l’homme avec « mal faire », serait « bien faire » ; mais ce ne serait là
simplement, qu’une appréciation de soi-même en comparaison avec d’autres
hommes : Dieu
met l’homme en
contraste avec Lui-même ; et celui qui « pratique la vérité » forme d’après
Dieu son appréciation sur lui-même.
C’est là ce qu’il faut. La lumière, quand elle entre dans la conscience, découvre l’homme à lui-même tel qu’il est ; elle le met à nu devant Dieu. — Ainsi encore, Dieu enverra à plusieurs « une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui ont pris plaisir à l’injustice » (2 Thess. 2:11-12). Ici aussi, dans le Psaume que nous méditons, nous trouvons le méchant mis en contraste avec « celui qui se confie en l’Éternel ». Et sûrement le méchant est « celui qui ne se soumet pas à la justice de Dieu » (Rom. 10:3), celui qui ne consent pas à être sauvé comme un pécheur par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, mais qui cherche la justice dans une autre voie. Se confier dans le Seigneur, combien cela est simple et pourtant sûr ! Combien c’est honorer Dieu ! Et quel bonheur pour nous de croire Dieu, de nous reposer sur lui comme ayant en lui tout ce que nous ne trouvons pas en nous, de sortir de nous-mêmes pour toutes choses, et de trouver en Christ la réponse à tous nos besoins ! Dieu sait ce dont nous avons besoin comme pécheurs ; et en Christ, il a pourvu à tout cela. Oui, « nous sommes la circoncision, nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair » (Phil. 3:3). Ceux qui sont tels, ont reçu miséricorde et connaissent le besoin qu’ils ont de la grâce. Dieu est riche en miséricorde, et il peut non seulement ajouter grâce à grâce, mais multiplier la grâce, nous « environner de grâce » !
Telle est notre position, la position assurée du croyant. Si nous regardons en arrière, ce n’est point par « des oeuvres de justice que nous, nous eussions faites », mais « selon sa propre miséricorde » que Dieu nous a sauvés (Tite 3:4-5). C’est encore selon sa grâce que Dieu agit tous les jours envers nous : il peut nous faire trouver la discipline et la correction sur notre sentier, s’il le faut, pour notre profit : mais sa règle de conduite envers nous est selon ce qu’il est en lui-même, selon « sa grâce ». Et si nous regardons en avant, faudra-t-il que nous liions l’espérance de la gloire avec notre fidélité ou notre service ? Non, sans doute ; et cependant, cette pensée s’élève parfois en nous pour nous abattre, d’autres fois pour nous placer sur un mauvais terrain pour notre service. Aussi avec quel à propos la Parole ne dit-elle pas : « Attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle » (Jude 21). Nous n’avons gagné aucun droit à la gloire ; la gloire viendra à nous sous la forme de la grâce. Dieu veut « donner à connaître les richesses de sa gloire dans des vases de miséricorde, qu’il a préparés d’avance pour la gloire » (Rom. 9:23). Quand Israël fut mis en possession des maisons bâties qu’il n’avait point bâties, des vignes plantées qu’il n’avait point plantées, des puits creusés qu’il n’avait point creusés, alors vint pour lui le danger d’oublier Dieu et de se regarder comme ayant un droit personnel à ce qu’il ne devait qu’à la grâce de Dieu. Nos coeurs sont ainsi faits : ce qui n’est que pure grâce nous semble chose due. Nous nous réjouissons dans une bénédiction que nous avons obtenue en nous confiant au Seigneur ; puis nous nous confions dans la bénédiction, et nous oublions le Seigneur à qui nous la devons. Nous ne pouvons subsister en tout temps, que comme des objets de la grâce ; nous vivons par la foi ; nous sommes debout par la foi ; nous sommes de constants débiteurs de la miséricorde. — Dans la gloire, nous nous reconnaîtrons comme les éternels débiteurs de la miséricorde ; et une grande partie de la discipline la plus humiliante pour nous, qui nous est dispensée ici-bas, a pour but de nous garder dans cette position aussi bénie qu’elle est selon Dieu. « La grâce environne celui qui se confie dans l’Éternel » !
« Réjouissez-vous
en l’Éternel, justes…
». Il est intéressant de
suivre la pensée de l’Esprit de Dieu et de voir la liaison qu’il y a entre une
partie de ce qu’il dit et une autre partie. Il est avantageux sans doute
d’avoir un fonds solide de connaissance chrétienne, mais l’âme ne se contente
pas de théories exactes, et de formes comme celles qu’on trouve fréquemment
dans les confessions de foi protestantes : elle a besoin de la vérité dans
ses applications infiniment variées. Dans notre Psaume, l’Esprit de Dieu ne
traite pas proprement tel ou tel sujet, mais plutôt il développe, jusque dans
ses précieux résultats, la béatitude de la justice sans les oeuvres. Les justes
ne sont point mentionnés au commencement de notre Psaume ; et si, sur ce
point, nous suivions notre pensée au sujet de ce que c’est que « le juste », au
lieu de saisir la pensée de l’Esprit, nous nous méprendrions singulièrement.
Mais le commentaire du Saint-Esprit, au chapitre 4 de l’épître aux Romains,
nous conduit à lier le dernier verset du Psaume au premier verset, et à identifier
le juste, dont parle celui-là, avec l’homme béni dont il est question dans
celui-ci. Nous apprenons ainsi que le Saint-Esprit, d’un bout à l’autre de ce
Psaume, décrit le bonheur de ceux auxquels Dieu compte « la justice sans les
oeuvres » ; et il finit en invitant les justes à se réjouir, précisément
comme fait Paul, disant : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur,
encore une fois je vous le dirai : réjouissez-vous ! » (Phil. 4:4). Un
temps vient, auquel toutes les contrées de la terre seront appelées à se
réjouir dans le Seigneur, alors qu’il aura fait connaître son salut, et
manifesté sa justice aux gentils. Mais nous
, nous n’avons pas besoin
d’attendre ; connaissant le Seigneur, nous pouvons et devons nous réjouir.
Pourquoi donnons-nous souvent à d’autres à penser que l’Évangile est un système
de privations et de renoncement, au lieu de leur montrer quel riche trésor il
est ? N’est-ce point parce que nous essayons d’être contents de
nous-mêmes, ou des circonstances dans lesquelles nous sommes appelés à vivre,
au lieu d’être joyeux dans le Seigneur, et qu’ainsi nous sommes tantôt tristes,
tantôt joyeux, au lieu de vivre dans la foi au Fils de Dieu qui nous a aimés et
qui s’est livré lui-même pour nous, apprenant ce qu’il nous a été fait de la
part de Dieu, et ce que nous sommes et possédons en lui ? Même dans nos
confessions les plus vraies au sujet de ce que nous sommes, nous pouvons nous
réjouir dans le Seigneur. Avant que Jésus lui-même soit manifesté publiquement
en gloire, et qu’il manifeste aussi dans la gloire, aux yeux de tous, ce que
les enfants de Dieu sont réellement, nous pouvons nous réjouir d’une joie
ineffable et glorieuse. Pourquoi donc cette joie nous fait-elle défaut si
souvent ? N’est-ce pas parce que nous ne savons ni discerner, ni réaliser
la béatitude de l’homme à qui Dieu impute « la justice sans les oeuvres ? »
Hélas ! nous ne connaissons pas cette béatitude par expérience, nous ne
voyons pas sa beauté morale ; elle ne reluit pas sur nos âmes d’un éclat
toujours plus vif, parce que nos âmes ne sont point exercées devant Dieu comme
il le faudrait. Nous sommes, de manière ou d’autre, plus occupés de ce qui nous
fait valoir devant les hommes, que de ce qui nous fait connaître Dieu. De là
vient que nous ne buvons pas à la source de la joie. Dieu veuille que nous
puissions dire aux autres par notre vie, que lui-même nous a rendus heureux, et
que nous sommes réellement heureux en Dieu !
« Égayez-vous, justes ! et jetez des cris de joie, vous
tous qui êtes droits de coeur
».
Ceux qui sont droits de cœur sont ici, de nouveau, mis en rapport avec la béatitude proclamée dans les premiers versets de notre Psaume. Le livre des Actes, au chapitre 8, nous parle d’un homme, dont « le cœur » n’était point « droit devant Dieu » ; il avait la misérable pensée que le don de Dieu s’acquérait avec de l’argent. Or, quoique la pensée qui était entrée dans le cœur de Simon, un vrai chrétien ne puisse la nourrir maintenant, il y a cependant, dans nos coeurs naturels, une basse pensée de recueillir quelque chose de la part de Dieu, ce qui altère la droiture du coeur. Cette droiture nous tiendra devant Dieu comme pécheurs sauvés par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, et nous fera marcher comme tels devant les hommes. Si nous oublions ce que nous sommes en nous-mêmes ou ce que la grâce nous a faits être en Christ, nous ne sommes plus droits de coeur. Il est bienheureux, en effet, pour nous, de n’avoir pas à jouer un rôle devant Dieu, ce qui est le fait de toute religion humaine, mais de nous approcher de lui, dans le caractère que nous avons reçu de lui, dans cette justice dont il nous a lui-même revêtus. Être « droit de coeur », n’est pas séparer les devoirs religieux des autres devoirs, mais venir à la lumière pour y apprendre qui nous sommes et quelle est la gloire de Dieu dans sa grâce. Il peut y avoir de la sincérité humaine et de la droiture humaine (ce qui, au jugement de l’homme, est le plus opposé à l’hypocrisie), mais cette droiture naturelle peut exister, et a existé, là où Dieu n’a pas été connu ni révélé. Mais maintenant que la lumière est venue dans le monde, l’homme peut connaître son vrai caractère devant Dieu ; et le sujet du jugement, c’est que l’homme « ne vient pas à la lumière ». Aussi, devant Dieu, tous les hommes seront-ils trouvés hypocrites, c’est-à-dire jouant un rôle, sauf ceux qui, venant à la lumière et apprenant ce qu’ils sont selon le jugement de Dieu, se sont abrités sous la béatitude de « la justice sans les œuvres ». Ceux-là sont « droits de coeur » ; il n’y a point de fraude dans leur esprit. Ils peuvent chanter de joie.