Guillaume de Félice
Oh ! regardez, ma belle et noble dame,
Ces chaînes d’or, ces joyaux précieux.
Les voyez-vous, ces perles dont la flamme
Effacerait un éclair de vos yeux ?
Voyez encor ces vêtements de soie
Qui pourraient plaire à plus d’un souverain.
Quand près de vous un heureux sort m’envoie,
Achetez donc au pauvre pèlerin.
La noble dame, à l’âge où l’on est vaine,
Prit les joyaux, les quitta, les reprit,
Les enlaça dans ses cheveux d’ébène,
Se trouva belle, et puis elle sourit.
Que te faut-il, vieillard ? Des mains d’un page
Dans un instant tu vas le recevoir.
Oh ! pense à moi, si ton pèlerinage
Te reconduit auprès de ce manoir.
Mais l’étranger, d’une voix plus austère,
Lui dit : Ma fille, il me reste un trésor
Plus précieux que les biens de la terre,
Plus éclatant que les perles et l’or.
On voit pâlir, aux clartés dont il brille,
Les diamants dont les rois sont épris.
Quels jours heureux luiraient pour vous, ma fille,
Si vous aviez la perle de grand prix !
Montre-la-moi, vieillard, je t’en conjure,
Ne puis-je pas te l’acheter aussi ?
Et l’étranger, sous son manteau de bure,
Chercha longtemps un vieux livre noirci.
Ce bien, dit-il, vaut mieux qu’une couronne,
Nous l’appelons la Parole de Dieu.
Je ne vends pas ce trésor, je le donne.
Il est à vous, le Ciel vous aide, adieu.
Il s’éloigna. Bientôt la noble dame
Lut et relut le livre du Vaudois.
La vérité pénétra dans son âme,
Et du Sauveur elle entendit la voix.
Puis, un matin, loin des tours crénelées,
Loin des plaisirs dont le monde est épris,
On la trouva dans les humbles vallées
Où les Vaudois adoraient Jésus-Christ.