par J. G Bellett
Tables des matières :
3 - Abraham, ou Genèse 12 à 25
4 - Abraham est recherché par le gentil.
Note : Le livres « les Patriarches » de J.G.B. comprend un chapitre sur Job. Bibliquest l’a présenté sous forme de document séparé, figurant avec les études sur le livre de Job.
Ce n’est point tant sur Hénoc lui-même que je me propose ici, par la grâce de Dieu, de présenter quelques considérations ; c’est plutôt sur les temps et sur les saints d’avant le déluge. Ce qui nous est dit d’eux et de Hénoc est, nous le savons, peu de chose, mais selon la manière de faire et la sagesse de l’Esprit de Dieu, ce qui nous en est dit est plein d’instruction et d’utilité.
On éprouve, en général, un attrait particulier pour le livre de la Genèse.
La simplicité des récits y est pour beaucoup, je n’en doute pas. La vie humaine y est dans son enfance et sa naïveté. Ce sont des scènes domestiques, ce sont des coutumes, des moeurs, telles qu’elles étaient formées par les devoirs et les affections de la famille. En conséquence, l’esprit trouve dans ce livre de vraies sources de jouissance, que l’on goûte quelquefois malgré soi. Nous sommes dans une grande mesure gâtés par les habitudes du monde, et nous nous imaginons peut-être que nous les aimons. Nous nous trouvons néanmoins naturellement à l’aise au milieu des scènes que nous décrit ce délicieux livre. La femme d’un riche seigneur qui comptait ses serviteurs par centaines et ses troupeaux par milliers, va pétrir la farine et faire les gâteaux pour le voyageur qui s’arrête en passant ; la fille d’un autre, sans s’en formaliser aucunement, abreuve devant des étrangers les troupeaux de la famille.
À tout ceci, se joignait en même temps la plus réelle courtoisie. L’honneur dû à tous les hommes était aussi bien compris que l’amour de la famille. Ce n’était point une vie barbare, bien qu’elle fût simple et nullement artificielle. La simplicité n’avait rien de grossier ; c’était une simplicité due à une influence qui pouvait modeler et orner la vie, et cette influence était la connaissance de Dieu. Les temps dont parle la Genèse, nous le savons, n’étaient point dus aux progrès des moeurs, ou aux règles de la vie civilisée ; et néanmoins, cet état de choses n’était pas la barbarie, précisément parce qu’on y trouvait la connaissance de Dieu. Il y avait le sentiment de la main de Dieu, tandis que les apparences des moeurs polies n’avaient pas encore eu le temps, ni la liberté, de donner un vernis à cette scène ou de la souiller.
C’est ainsi que se formaient les moeurs de ces premiers temps, moeurs singulières qu’un esprit sain sait très bien apprécier, mais qui pourraient faire sourire beaucoup de ceux qui appartiennent à des temps tels que le nôtre. En effet, on trouverait étrange de nos jours qu’un serviteur fût l’ami et le confident de son maître. Tel était Éliézer pour Abraham, mais en même temps les droits et les devoirs d’une telle relation étaient religieusement observés. Combien il paraîtrait maintenant inexcusable que le mari futur de l’une des filles ou le gendre lui-même de Laban gardât, comme Jacob, les troupeaux de la famille, exposé à la chaleur du jour et à la gelée de la nuit, et recevant les gages d’un mercenaire ! Néanmoins, dans tout cela, vous ne trouvez rien qui blesse aucunement le sens moral, rien qui ne charme les sensibilités les plus délicates de notre nature.
Mais ce qui donne à ce livre son principal intérêt pour nous,
c’est qu’on y voit le Seigneur lui-même en des voies et sous des caractères en
rapport avec ce genre simple et primitif. La présentation des faits étant
familière et sans ornements, la manière de faire du Seigneur l’est pareillement.
Soit qu’il communique ses pensées ou qu’il manifeste sa présence, il en est
toujours ainsi dans ce livre. Il n’emploie pas des prophètes, mais fait
lui-même personnellement connaître sa volonté, dans un songe ? par la voix, ou
encore par sa manifestation personnelle ; mais c’est toujours Lui-même.
Et même, quand il emploie des
anges, ils sont plutôt ses compagnons
que
ses messagers.
Au frais du jour, l’après-midi, il se promène dans le jardin.
Dans les champs, il sollicite Caïn personnellement,
ajoutant à la terrible solennité de cette occasion le poids et l’autorité
de sa propre présence. Il descend au cri qui monte de Babel, et à celui du
péché de Sodome, simplement pour voir, comme nous-mêmes le ferions, si les
choses étaient réellement aussi mauvaises qu’on le disait. Maintes fois il
apparaît à Abraham, à Isaac et à Jacob dans l’intimité, les encourageant à la
confiance, exprimant son déplaisir, ou faisant connaître ses desseins, avec une
parfaite familiarité personnelle. Et quoique, vers la fin du livre, ces
occasions deviennent peut-être moins fréquentes, cette manière de faire se
continue plus ou moins jusqu’à la fin, même quand on s’y serait le moins
attendu ; car le Seigneur Dieu apparaît à des rois qui ne sont pas de la race
d’Abraham, la nuit dans des songes, et sans les étonner il leur dit ce qu’ils
doivent faire ou les avertit d’un danger.
Le ministère des prophètes, comme je l’ai fait remarquer, n’est
pas employé dans la Genèse. Cela aurait impliqué une trop grande distance, trop
de réserve pour convenir au caractère général du livre. La volonté divine n’y
est pas non plus communiquée par l’intermédiaire du Saint Esprit ou par
inspiration ; tel n’est pas le moyen ordinaire
que Dieu emploie. Au contraire, ainsi que nous l’avons vu, il y a intervention
personnelle du Seigneur lui-même, dans une vision, par un songe, par une
parole. Parfois le Seigneur se rapproche encore davantage : il prend la forme et
les attributs d’un homme ; et ceci, non point sous un aspect mystique, comme il
le fit plus tard à Ésaïe, à Daniel, à l’apôtre Jean, mais comme quelqu’un qui
vient visiter l’homme là où il est et au milieu de ses circonstances. À
l’entrée de la tente d’un de ces hommes, comme un voyageur qui a besoin
d’hospitalité, il mange avec lui le veau et le gâteau qu’il a apprêtés. Avec un
autre, il lutte et combat, comme un homme qui aurait une querelle ou un sujet
de dispute avec son compagnon.
Il agit de même avec Noé. Combien il est intéressant de voir le Seigneur Dieu s’occuper en détail de tout l’état de choses en ce temps-là ! C’est précisément ce que nous-mêmes nous sentons tous ; son coeur est ému de ce qu’il voit ; et alors, ainsi que nous le faisons tous, il tient conseil avec lui-même. Il voit que la méchanceté de l’homme est grande ; il s’en afflige dans son coeur ; puis il dit : « J’exterminerai de dessus la face de la terre l’homme que j’ai créé ». Après tout cela, précisément comme nous le ferions nous-mêmes, ayant pris sa décision, il la communique à un ami ; la confiant à l’oreille, au coeur et aux sympathies d’un autre.
C’est ainsi
que le
Seigneur agit avec Noé. Il le traite comme un homme traite son ami, et aussi
comme Dieu agit envers les élus. N’avons-nous pas, nous-mêmes, la même manière
d’agir ? Nous aimons les confidences de l’amitié. Chacun jouit d’avoir un autre
lui-même. « La fin de toute chair est venue devant moi », dit le Seigneur à Noé,
en lui faisant connaître ce qui s’est passé au-dedans de Lui. Et dans la suite,
au jour des eaux du déluge, lorsque l’arche allait flotter au-dessus de la
scène du jugement, avec la même bienveillance pleine de grâce, « l’Éternel ferma
l’arche sur lui ». Il la ferma de sa propre main.
C’était là de l’intimité. C’était une proximité vivante, palpable du Seigneur avec sa créature. Et ceci est d’accord avec l’ensemble de ses actes et de ses communications dans ce livre. La gloire ne prenait pas encore place dans cette dispensation, comme plus tard, voilée dans une nuée ou assise entre des chérubins. Il y avait dans ce dernier cas une majesté, une grandeur palpable, la distance qu’impose la sainteté, ainsi qu’il convenait dans une économie organisée, mais aux temps de la Genèse, il n’en était pas ainsi. Les choses avaient lieu sans formalité, sans liaison entre elles ; en conséquence, le Seigneur se manifestait en personne suivant le besoin.
Telle est la manière de faire que nous trouvons dans ce beau livre. Cela n’est pas moins divin que toute autre chose dans la Parole ; l’âme le reçoit comme tel ; et nous avons bien raison de bénir le Seigneur d’avoir placé devant nos coeurs un livre comme celui-ci. Nous ne sommes pas en tout temps capables de recevoir les choses plus élevées pas toujours à même d’y atteindre, et d’obéir à là voix qui nous appelle à monter dans les lieux célestes. Mais l’Esprit de Dieu a pitié de notre faiblesse et y a pourvu. Les Écritures, si je puis me permettre ce langage, ont pour nos âmes des changements de climat et des changements de scène.
C’est le goût et l’appétit pour les choses de Dieu que nous
devons désirer ardemment, bien-aimés — la sainte jouissance des choses de Dieu,
qu’elles soient pour « les enfants », ou pour « les pères », le lait pur, ou la
nourriture solide. Les petits
ne sont
pas moins des vivants
à son école ; et
c’est une chose bénie, car celui qui vit par les simples capacités de son intelligence,
ou qui est élevé dans les écoles des hommes, est un mort vivant.
Il y a encore une autre chose à dire sur les temps et sur le livre de la Genèse.
Dans ces temps-là, ou, selon l’expression de l’apôtre : « Depuis
Adam jusqu’à Moise », aucune loi
n’imprimait
un caractère spécial à l’état du peuple de Dieu. Adam avait été sous une loi en
Éden, et il en fut de même des enfants d’Israël après la montagne de Sinaï,
mais non point des générations depuis Adam jusqu’à Moise. Le péché n’en était
pas moins dans le monde, mais il n’y avait point de loi (Rom. 5:14).
Mais je ferai remarquer que, si les hommes n’étaient sous aucune loi, il y avait, en outre, absence presque totale d’instruction morale et de préceptes. Il y avait une ample révélation de ce qui était agréable à Dieu, mais presque rien en fait de préceptes. Sous l’influence de l’Esprit, la révélation avait son effet sur le caractère et la conduite des saints ; elle formait leur esprit et gouvernait leurs voies. Ils sentaient le mal, et Dieu le jugeait, mais sans qu’il y eût un Code écrit quant au bien et au mal. Sans aucune loi contre le meurtre, la culpabilité de Caïn est mise au jour ; sans le cinquième commandement, le déshonneur fait par Cham à son père reçoit son châtiment. De même, le Seigneur visite la tromperie de Jacob, et ne l’oublie pas, non plus que la méchanceté des frères de Joseph. Sans la lumière d’aucun précepte, l’âme du saint peut résister à la tentation : « Comment ferais-je ce grand mal, et pécherais-je contre Dieu ? »
Il en était ainsi, bien que ni loi, ni instruction morale n’eussent alors été proclamées. C’était la révélation en matière de foi qui, sous l’influence de l’Esprit, formait le caractère patriarcal. Il ne fut point enjoint à Abraham de construire son autel, ni de dresser sa tente ; mais par l’Esprit, l’appel de Dieu l’amena à faire ces deux choses. Aucun précepte ne demandait sa noble et généreuse conduite à l’égard de Lot, mais sa foi et son espérance en Dieu la dictaient et la commandaient. Quoiqu’il n’eût reçu aucune instruction pour ce cas-là, sa connaissance de Dieu et la pensée de Christ en lui, le conduisirent et lui enseignèrent à laisser des vases de terre contester les uns avec les autres ; mais, lorsque son frère eut été emmené captif, à partir aussitôt pour l’aller délivrer. Aucune parole, aucun oracle de Dieu ne lui avait indiqué une différence entre le roi de Salem et le roi de Sodome ; mais il était éclairé par la lumière allumée au-dedans de lui.
Je pourrais encore passer en revue d’autres histoires dans ce livre, et j’y trouverais les mêmes choses. Le juste jugement qui était en eux, sous la direction de l’Esprit de Dieu, conduisait ces saints des premiers temps par la révélation, la promesse et l’appel de Dieu. Ceci est toujours d’une grande beauté, lorsque nous en découvrons de nouveaux exemples.
Tels sont donc quelques-uns des caractères de cet âge du commencement et de l’enfance de notre histoire, et du précieux livre qui nous en donne connaissance. Or cette première manière d’agir du Seigneur sera aussi la dernière et continuera à toujours. Dans la Genèse, comme nous l’avons vu, le Seigneur Dieu agissait « à la manière humaine » : il était personnellement sur la scène, il cherchait à se trouver dans l’intimité la plus parfaite avec sa créature, et ce sera notre relation éternelle, lorsque les dispensations auront pris fin : Dieu sera à toujours dans l’homme.
Glorieux mystère ! Merveille insondable ! Il est précieux de la méditer. La chose du commencement sera celle de la fin ! C’est par le cantique de la délivrance — le « cantique de Moise » — que les tribus rachetées commencèrent à vivre. Elles le chantèrent sur le rivage de la mer Rouge, au moment même où elles furent hors de l’atteinte du Pharaon. Leurs expériences dans la suite furent d’un caractère différent. Les Israélites avaient alors à faire avec eux-mêmes. Mais tout d’abord la victoire du divin « homme de guerre » fut tout pour eux. Or cette première louange sera aussi la louange éternelle. Le cantique de Moise remplira le séjour de la gloire (Exode 15; Apoc. 15). Au commencement, dans les jours de la Genèse, la présence divine n’était pas considérée comme une chose étrange, qui ne convînt pas à la terre, ou qui n’appartînt pas à l’homme. Les faveurs divines étaient, pour ainsi dire, gratuitement accordées et acceptées sans soulever aucune crainte. De même, à la fin, aux jours des cieux et de la terre millénaires, le Seigneur Dieu sera de nouveau personnellement sur la scène.
***
Les cinq premiers chapitres du livre nous donnent le récit des temps antédiluviens, ou, comme on les a appelés, « du monde avant le déluge » ; et ce sont ces chapitres que je me propose maintenant de considérer avec quelques détails.
Le tout commence, cela va sans dire, par l’oeuvre de la
création, sur laquelle je ne m’arrête pas. Mais, selon l’instruction de
l’apôtre, nous pouvons dire que la foi
seule
a une juste conception de cette grande oeuvre. La foi place Dieu au-dessus de
toutes les choses qui ont été faites ou qui se voient. « Par la foi, nous
comprenons que les mondes ont été formés par la parole de Dieu, de sorte que ce
qui se voit n’a pas été fait de choses nui paraissent ». La foi traite Dieu
d’une manière digne de Lui — elle est dans l’âme le seul principe qui en agisse
ainsi. Dieu habite « la lumière inaccessible » ; la foi le reconnaît. La sagesse
humaine s’évertue à tâcher de le voir, de l’examiner de près. Mais, bien qu’il
« fasse voir » de grandes choses quant à lui-même, la foi sait néanmoins qu’aucun
des hommes ne l’a vu, ni ne peut le voir (1 Tim. 6). Elle jouit de voir toutes
les manifestations qu’il donne de lui-même ; mais elle n’élève pas ses regards
jusqu’à son habitation dans la lumière.
Le deuxième chapitre présente l’homme fait à l’image de Dieu, et placé dans le jardin d’Éden. Là tout lui était soumis, tout était pour lui. Il avait de quoi satisfaire toutes les facultés, tous les désirs de sa nature, et une abondance de toutes les choses désirables. Il avait toutefois été fait pour donner, aussi bien que pour recevoir ; et c’est toujours une condition nécessaire au bonheur de tout esprit normal. L’homme était d’une grande utilité pour le jardin d’Éden, de même que le jardin l’était pour lui : il devait « le cultiver et le garder ». De son lieu d’habitation, il voyait sortir un fleuve fécond qui portait la vie et le rafraîchissement à la terre entière.
Outre tout ceci, la voix d’un Être souverain se fait entendre. Un commandement est prononcé : « De l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu n’en mangeras pas ». Il n’y avait dans cette parole rien de désagréable, aucune note discordante pour l’oreille d’Adam. Dieu ne veut pas et ne peut pas donner sa gloire à un autre. Et une créature bien pensante, « faite droite », comme l’était Adam, trouvera son plaisir à ce qu’il en soit ainsi. Il n’y avait donc dans tout ceci que bonheur harmonieux et ayant sa raison d’être.
Pour rendre parfaite la condition de l’homme, le Seigneur Dieu
célèbre son couronnement et ses épousailles ; mais il le fait avec ordre. Le
Seigneur tient conseil avec lui-même au sujet des épousailles d’Adam ; c’est ce
qu’il fait en premier lieu ;
ensuite,
il l’introduit dans la scène de sa souveraineté. Il fait venir vers Adam les
créatures des champs et de l’air pour voir comment il les nommerait ; et tout
nom qu’il donna à un être vivant fut son nom. C’était l’investir de l’autorité,
c’était placer la couronne royale sur sa tête. Ensuite, Dieu prépare l’aide qui
lui correspondra et lui présente Ève, faisant suivre le couronnement d’Adam par
son mariage.
Tel est l’ordre de ces événements — ordre qui a une signification divine et pleine d’intérêt. Ce n’est pas simplement une suite de faits sans rapports entre eux. Ils sont, pour ainsi dire, les parties du dessin d’un grand maître. Car, comme nous le savons maintenant, il y a un mystère qui avait été « caché en Dieu », « qu’il s’était proposé en lui-même » avant la fondation du monde, son secret (Éph. 3), dont cette union dans le jardin d’Éden était le type (Éph. 5). Et, en conséquence, le Seigneur, tenant conseil avec lui-même dans la solitude de sa propre présence, avant d’établir Adam dans son royaume, lui prépare l’aide qui lui correspondra.
Toutefois, ce n’est pas seulement le dessin d’un grand maître,
c’est la
manière de faire, bien connue, d’un amour parfait.
Le dessein de Dieu concernant ce qui contient la plus grande somme
de joie occupe la première
place dans ses conseils.
La meilleure des bénédictions d’Adam fut l’objet de la première de toutes les pensées du Seigneur. L’aide à ses côtés, semblable à lui, sa compagne, était destinée à lui être plus chère que tout le reste. Et ce qui faisait sa principale jouissance, c’est ce qui avait occupé la pensée de son Seigneur avant tout et par-dessus tout. Son Seigneur y avait mûrement réfléchi : il en avait parlé avec lui-même. Lorsqu’il voulut couronner Adam il le couronna aussitôt ; mais lorsqu’il s’agit de lui procurer une aide qui lui correspondît, il tint conseil et il en parla d’avance.
C’est ainsi que l’amour agit. Nous le savons nous-mêmes. Nous aimons arrêter nos pensées sur ce qui fait le bonheur d’un être aimé. C’est pourquoi nos coeurs y trouvent la plus grande douceur et le plus grand intérêt ; car nous y voyons ce qui peut en retour provoquer notre admiration et notre adoration : « Voyez de quel amour le Père nous a fait don ! »
Adam reconnaît aussitôt tout cela. De l’abondance du coeur la bouche parle. Quand il reçoit la femme de la main du Seigneur Dieu : « Celle-ci », s’écrie-t-il, « est os de mes os et chair de ma chair ». Il reconnaît que maintenant toute la création est complète. Le serpent pourra bien insinuer que ce n’est pas vrai ; mais il est menteur. Il n’y a pas une seule imperfection dans tout ce domaine. Rien ne fait défaut et rien n’a été oublié. Pas une chose qui ne contribue à la bénédiction de l’homme ; et pas une des bénédictions propres à une créature qui lui manque.
Mais tout ceci excite aussitôt l’envie du grand Ennemi. Il avait
le droit d’en mettre la stabilité à l’épreuve. La nudité, nudité sans honte, de
l’homme et de la femme était l’innocence ; cela est vrai ; mais elle était aussi
un danger.
La créature devait être
mise à l’épreuve ; sa force aussi. Or l’Ennemi avait entrée dans le jardin pour
faire subir l’épreuve. Il n’était point là un intrus. Selon l’ordre et le but
de la création, il y avait place pour lui, aussi bien que pour Adam lui-même.
L’instrument même dont il allait se servir pour accomplir ses desseins était
déjà là. L’arbre de la connaissance du bien et du mal était au milieu du
jardin.
Le tentateur, le serpent qui était « plus rusé qu’aucun animal des champs », était le diable. Cela nous est dit explicitement (Apoc. 12:9; 20:2), et la scène qui nous entoure encore aujourd’hui, nous parle de sa victoire. Nous trouvons dans ce chapitre 3 de la Genèse « le présent siècle mauvais », aussi bien quant à son état moral que dans ses circonstances. C’est à quoi nous pouvions nous attendre ; car le monde, tel qu’il est maintenant, a eu pour commencement l’apostasie d’Adam ; son caractère et sa condition sont le résultat de ce grand acte de rébellion.
On voit ici que les trois grands principes qui gouvernent le monde — « la convoitise de la chair, et la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie » — deviennent les ressorts de l’action morale dans le coeur de la femme aussitôt qu’elle écoute le diable ; car à l’âme qui abandonne Dieu, il faut d’autres maîtres et d’autres ressources. Or c’est le monde. Le monde n’a nulle confiance en Dieu, rien qui le lie à Dieu, rien qui lui donne du repos en Dieu, aucune idée de son amour et de sa vérité. Il en fut ainsi dès le moment où l’homme prêta l’oreille à l’accusateur de Dieu. Le monde a donc trouvé d’autres objets. « Dieu a fait l’homme droit ; mais eux, ils ont cherché beaucoup de raisonnements » (Eccl. 7: 29).
La conscience aussi prit naissance à ce moment-là ; ce fut
l’effet du péché. « Ils connurent qu’ils étaient nus ». Et alors, au moment où
elle prit naissance, comme toujours dès lors, elle fut une conscience mal à l’aise,
une conscience qui rend
poltrons tous ceux qui la possèdent. « J’ai eu peur », dit Adam (qui n’osait
regarder Dieu), « car je suis nu ». La conscience dans l’homme ne peut que le
rendre lâche, car elle doit son existence au péché. Il n’y avait en Adam, avant
son péché, aucune idée du bien et du mal ; et la connaissance acquise de cette
manière ne peut que lui faire peur devant le Juste.
Instinctivement, ils se firent des ceintures. C’est ce que nous
faisons encore. Notre état de culpabilité, commun à tous, nous fait éviter même
nos semblables. Nous ne pouvons supporter d’être examinés de près par eux.
Notre grand et constant effort, au milieu de la scène journalière qui nous entoure,
c’est d’échapper à un examen scrupuleux.
Nous
inventons toujours la ceinture. Le système social comprend et autorise cela, et
la pratique s’en maintient, peut-on dire, par consentement général. La
religion, de son côté et selon sa mesure, vient en aide à tout cela, aussi bien
que les règles et l’entente générale de la société. Mais se trouver « devant
l’Éternel Dieu » est tout autre chose que se trouver devant ses semblables.
Aucune des règles sur lesquelles repose le système social ne pourra nous aider à
supporter cette présence un seul instant. Les habits, les cérémonies, toutes
les inventions de la société, toutes les manières polies dont elle se pare et
qui l’ornent, tout cela se trouvera être vanité. Pas un n’atteint à la gloire
de Dieu. La conscience entend-elle seulement le bruit des pas de l’Éternel ou
le son de sa voix dans le jardin, aucun héroïsme ne pourra la rendre capable de
supporter cette rencontre. Les inventions religieuses elles-mêmes seront toutes
inutiles. Elles ne peuvent donner aucune confiance devant Dieu, ni changer la
direction des penchants du coeur. Malgré la ceinture qu’il a sur lui, Adam se
cache encore au milieu des arbres du jardin.
Nous trouvons ici de saints et solennels enseignements. Mais, outre qu’il est poltron, l’homme est encore effronté. « La femme que tu m’as donnée pour être avec moi, — elle, m’a donné de l’arbre ». L’homme attribue ainsi le mal à Dieu. Cela revient à dire : C’est à Dieu d’y voir, car la femme est sa créature, et c’est Lui qui me l’a donnée. L’homme ne dit-il pas encore aujourd’hui au-dedans de lui-même : « C’est à Dieu d’y voir ; car le monde lui appartient, et c’est Lui qui l’a fait » ? Unir Dieu et le mal, n’est-ce pas inouï, horrible ? L’insolence du coeur accuse Dieu, en même temps que la conscience poltronne est incapable de le rencontrer. Le pécheur a beau parler haut et bruyamment ; il a beau raisonner sur Dieu et sur lui-même, coudre ensemble des paroles et des arguments pour s’en faire des ceintures malgré tout ce dont il se couvre, il est là comme Adam, ayant honte de lui-même et ayant peur de Dieu. L’homme a péché envers le Dieu saint, et le fuit. Il l’accuse et, tout en l’accusant, il a peur de le regarder en face. Tout cela, malgré lui, le condamne. Le Seigneur n’a qu’à dire : « Je te jugerai par ta propre parole » ; et alors, comme l’homme de la parabole, il reste la bouche fermée.
Voilà ce qui se passait alors dans l’esprit d’Adam, et telle est encore la nature humaine. Mais si tel était son état moral, quelles étaient les circonstances dans lesquelles il se trouvait ? Précisément les mêmes que celles de l’homme d’aujourd’hui. À la sueur de son visage, il devait se procurer du pain et en manger avec tourment dans un lieu plein d’épines et de ronces. Pareillement, la femme devait enfanter en travail, et tout ceci jusqu’à ce que tous deux retournassent à la poussière d’où ils avaient été tirés. N’en est-il pas encore ainsi de l’homme chassé d’Éden et connaissant la peine et la douleur ? Cultiver et surveiller un jardin de délices et un sol fertile n’est point maintenant sa part et son lot. Il lui faut lutter contre les épines et les ronces, contre un sol marâtre et revêche, et il ne peut vivre qu’à la sueur de son front.
Dieu seul est au-dessus de cet effondrement, seul capable de remédier à cette terrible catastrophe. Et sa puissance est telle que, de celui qui mange, quelque redoutable qu’il soit, il fera sortir le manger, et même de ce fort, il fera sortir la douceur (Juges 14:14).
Toutefois, dans un sens glorieux, la rédemption est bien plus
qu’un remède au mal, bien plus qu’un soulagement pour la création gâtée,
ruinée, fût-ce même un grand remède, un grand soulagement. La création est
plutôt la servante de la rédemption ; car la rédemption n’est pas le résultat
d’une « réflexion après coup ». C’est à cause de la volonté de Celui qui est
assis sur le trône que toutes choses sont et ont été créées. Mais autour
de ce trône même était l’arc-en-ciel
(Apoc. 4), signe de
fidélité à l’alliance et signe que toutes choses devaient être fondées sur la rédemption,
c’est-à-dire sur la
valeur du sang de Jésus. Par conséquent, lorsque le péché entra, le Seigneur
Dieu se trouva aussitôt préparé (je parle comme un homme), préparé à intervenir
en vertu de l’alliance faite avant les temps des siècles, ainsi que nous le
fait voir la première parole qu’il adressa au serpent : « Je mettrai inimitié
entre toi et la femme, et entre ta semence et sa semence. Elle te brisera la
tête, et toi tu lui briseras le talon ».
Ici, nous est révélé le grand conseil de Dieu. Cette Semence de
la femme qui est promise ici, est Celui que Dieu
a préordonné pour le salut de l’homme mort et ruiné,
en dépit de toute la
malice et de toute la fureur de l’Ennemi. Et il a été l’Auteur du salut quoi qu’il dût Lui en coûter
personnellement ;
car le serpent devait Lui briser le talon. Mais quoique
meurtri ainsi, il devait remporter une
glorieuse victoire ;
car il devait briser la tête du serpent.
Ce sont là les saints et augustes caractères de ce mystérieux
étranger — le Libérateur ou proche parent (*)
promis. Telle fut la vérité révélée dès le premier moment de notre péché, et
depuis lors elle est toujours restée telle. Cet Évangile, proclamé dans la
première promesse faite à la face même du diable, est confirmé dans ces
derniers jours par l’apôtre à la face des hommes sur la terre et des anges dans
les cieux (Gal. 1:8). Que cette prédication appartienne au premier ou au
dernier moment, ce glorieux Évangile n’en est pas moins toujours le même. Il
est « le témoignage de Dieu qu’il a rendu au sujet de son Fils ». C’est l’Évangile
de Celui qui est la Semence de la femme, meurtri et pourtant victorieux.
Lorsque l’homme en conçoit une idée claire et complète, il se tait et reste
entièrement passif. Abraham n’eut qu’à croire,
et la justice lui fut imputée. Israël, n’eut qu’à se tenir là
et à voir la délivrance de l’Éternel. Joshua, dans
Zacharie 3, le fils prodigue, la femme adultère surprise sur le fait, sont tous
dans le même cas. Ici, au premier jour de notre péché, et au premier jour de
l’Évangile de Dieu, il n’en est pas autrement. Adam n’avait qu’à écouter,
et en entendant à croire, pour
vivre La Parole est près de nous, nous n’avons qu’à la recevoir sans avoir rien
à faire pour monter au ciel ou descendre dans les profondeurs de l’abîme.
L’activité est celle de Dieu ; les sacrifices sont ceux de Dieu. La profondeur
de notre silence et le degré de notre état passif quand nous devenons
justice, ne sont surpassés que
par la grandeur de l’activité divine et du sacrifice divin qui nous ont acquis
cette justice. À la vue d’un tel mystère, nous pouvons bien nous tenir là et
dire : « Qu’est-ce que Dieu a fait ? » Chose en effet bien simple pour nous, comme
l’a dit quelqu’un, mais qui Lui
a
tout coûté.
(*) Proche parent : en hébreu gaal
:
ayant droit de rachat.
Il n’y a dans le coeur de l’homme rien de pareil à la foi en cet Évangile ; rien de plus beau que la foi d’un pauvre pécheur en la grâce de Dieu qui apporte le salut. Nous qui sommes des saints, bien-aimés, nous pouvons avoir foi en Dieu à l’égard de nos besoins. Nous pouvons regarder à Lui pour qu’il y pourvoie et nous conseille. Nous pouvons avoir foi en Lui pour qu’il justifie nos actes, nous console dans l’affliction et nous fortifie dans les difficultés. Mais la foi d’un pécheur dans la grâce qui justifie et dans l’oeuvre de son divin Sauveur, est une chose bien plus excellente. Rien n’est aussi précieux, car rien ne peut faire concevoir Dieu sous un caractère plus glorieux, et rien ne peut donner à l’âme la jouissance de Dieu dans une relation plus merveilleuse. C’est cette foi qui puise dans les plus riches ressources de Dieu et qui se fonde sur ce qu’elle a découvert en Lui de plus précieux. La force de Dieu, ses consolations, sa sagesse en faveur de ses saints en détresse — toutes ses voies glorieuses, brillent d’un vif éclat ; mais elles sont toutes surpassées par le fait que par Lui sont la grâce et le salut pour les pécheurs.
L’Esprit de Dieu, dans ces premiers âges, nous donne quelques
exemples infiniment précieux de cette foi de grand prix. Comme si, j’ose le
dire, il trouvait ses délices à agir ainsi à la première occasion, il produit aussitôt
dans l’âme des sentiments de la
plus grande beauté.
Ainsi Adam, par l’activité de la foi, ne parle que de la vie, quoiqu’il soit au milieu de la mort de la mort qu’il avait lui-même introduite et qui reste en tout temps dès lors un témoin contre lui. Il est condamné à l’exil dans une scène de ruine causée par son propre péché. Il le sait et le reconnaît. Mais il avait entendu l’histoire du combat futur entre son séducteur et la Semence de la femme. Sur la scène même du jugement — au milieu des arbres du jardin où sa conscience l’avait contraint de se cacher — son oreille avait perçu le doux son de l’Évangile, non seulement de la miséricorde, mais aussi de l’expiation et de la victoire ; aussi, lorsqu’il est chassé, c’est de la vie qu’il parle. Il appelle sa femme « Ève », mère de tous les vivants. Toute vie était dans ce proche parent — Rédempteur promis. Dans la création, Adam avait été établi chef de vie — « Fructifiez, et multipliez, et remplissez la terre » — mais cela — il le comprenait — était maintenant perdu par sa faute. La vie devait dès lors couler dans un nouveau canal. « Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie ».
Quelle grandeur dans la simplicité même de ces choses ! Et dans
tout ceci, la gloire morale
perdue se
trouvait aussi amplement recouvrée. Adam ne s’était pas soumis
à la majesté
de
Dieu ; il avait voulu être Dieu. Mais maintenant il se soumet
à la justice
de
Dieu. Il consent humblement à recevoir ce que Dieu a fait de sa propre main,
afin de couvrir sa nudité (voir Rom. 10:3). Il honore maintenant Dieu le
Rédempteur — quoique, peu auparavant, il eût fait tout ce qu’il pouvait pour
déshonorer Dieu le Créateur — tant il est simplement conduit par l’Esprit à
apprécier ce que Dieu avait en vue pour le pécheur dans la promesse d’un
Sauveur meurtri, mais victorieux.
Il en est d’Ève comme d’Adam. Elle avait entendu la même
promesse ; c’est pourquoi, aussitôt qu’elle a mis au monde son premier-né, elle
atteste par ses paroles que cette promesse était vivante et occupait la
première place dans ses pensées : « J’ai acquis, dit-elle, un homme avec
l’Éternel ». Elle s’efface elle-même autant qu’Adam l’avait fait. Elle ne se
glorifie que dans sa Semence. Elle avait prêté l’oreille à la promesse avec
trop de foi pour ne pas distinguer sa Semence d’avec elle-même. Le sujet de sa
joie n’était pas elle-même, mais sa Semence, ainsi que l’exprima plus tard une
autre mère : « Mon âme magnifie le Seigneur, et mon esprit s’est réjoui en Dieu
mon Sauveur ! » Ève faisait erreur ici, il est vrai. Mais il était évident que
l’objet de sa foi l’occupait exclusivement, et que son coeur était tout ému par
cette attente. Aussi, lorsque de désastreux événements eurent montré son erreur
et que son premier-né était bien loin d’être la Semence promise — qu’au lieu
d’être Celui qui devait briser la tête du serpent, il était le meurtrier de son
frère — nous la trouvons néanmoins bien établie sur le roc qui est devenu le
fondement de sa foi. « Que Dieu soit vrai, et tout homme menteur » ; tel est son
triomphe. À la naissance de Seth, elle s’écrie : « Dieu m’a assigné une autre
semence au lieu d’Abel ; car Caïn l’a tué ». Bien que toutes les citernes
humaines fassent défaut, elle sait que la source divine ne peut tarir. Le
premier fils a été meurtrier et le second victime ; néanmoins Dieu est fidèle.
« Je chanterai à toujours
les bontés
de l’Éternel, de génération en génération je ferai connaître de ma bouche ta
fidélité ».
Précieuse foi que celle d’Ève ! nous pouvons le dire, « foi de
pareil prix » avec Adam et avec nous, bien-aimés. Avec Abel aussi. La foi en lui
regardait à la même promesse, au même Évangile. La Parole avait annoncé un
Libérateur meurtri ;
aussi est-ce une
victime meurtrie, un sacrifice sanglant qu’il place sur l’autel de Dieu. Mais
il fait plus. Il apporte encore la graisse
de la victime. Il sait quel plaisir Dieu lui-même prend à ses propres
desseins de grâce ; il sait que Dieu se réjouit dans l’oeuvre de sa propre main ;
il comprend que Dieu se plaît à donner, et que dans le don de sa grâce il ne
fait nul reproche. En esprit, Abel entend la mélodie avec laquelle le Père a
commandé de fêter dans sa propre maison le retour du fils prodigue. La foi
d’Abel semble se glorifier de ce que Dieu lui-même s’est complu à couvrir la
nudité du pécheur de vêtements qu’il a confectionnés de sa propre main (travail
auquel il a trouvé plus de joie qu’à l’oeuvre même des six jours de la
création). C’est pourquoi, puisque dans tout le merveilleux mystère de la
rédemption, c’est Dieu lui-même qui ressent la joie la plus profonde, Abel
place sur l’autel la graisse de la victime, sa portion la plus riche ; il en
fait la propre part du Seigneur dans cette fête d’amour et de joie, dans sa
maison et à sa propre table.
C’est un autre admirable exemple de la foi d’un pécheur. Abel en
esprit jouissait, pour ainsi dire, du chap. 15 de l’évangile de Luc, qui nous
parle de la joie que la foi procure au Seigneur, joie qui nous explique le
pourquoi de l’Évangile. Chez tous ces saints, nous avons des exemples
de la manière dont l’Esprit
opère pour produire la foi. Chez eux la grâce de Dieu n’est jamais mise en
question ; on ne trouve aucune remarque attristante sur l’indignité de la
créature, quoiqu’il y eût mainte occasion d’en faire. La fermeté, la liberté,
le triomphe de la promesse, sont vivants dans leurs âmes.
Ces opérations de l’Esprit, par l’effet de la promesse sur les
âmes des pécheurs, sont assurément d’une grande beauté. Elles font tomber et
jeter loin la ceinture de feuilles de figuier dont le pécheur cherchait à se
vêtir. Il la trouve maintenant inutile,
comme
auparavant il l’avait trouvée insuffisante.
Il en est de même de tous les expédients humains, de toutes les inventions
de la créature pécheresse qui, par conséquent,
ne peuvent jamais être d’aucune valeur, et sont aussi inutiles
qu’insuffisantes. Les vêtements de peau, oeuvres de Dieu lui-même, les a
rendues telles.
Il est toutefois une chose que cette glorieuse intervention en
faveur du pécheur n’a pas faite.
Les
épines et les ronces du sol maudit sont toujours là ; avec elles la sueur du
front et le tourment du coeur, puis enfin la poussière retournant à la
poussière. Pour le temps actuel, nous sommes sans doute revêtus de « la justice
de Dieu », parés à ses propres yeux et vêtus de sa propre main, pour nous
trouver en sa présence ; mais il y a des soucis, des obstacles, de fâcheux
contretemps constamment liés à la culture de la terre ; nous sommes introduits
dans le monde par des souffrances, jusqu’à ce que nous retournions à la
poussière d’où nous avons été tirés. Le glorieux résultat de la grâce ne fait
pas non plus disparaître les chérubins qui gardent le chemin de l’arbre de vie.
Ils en font plutôt partie. Ils sont stationnés à l’orient du jardin avec la
lame de leur épée pour empêcher tout accès à l’arbre de vie ; et aucune des
promesses qu’Adam a entendues, ni le vêtement qu’il a reçu, n’y apportent aucun
changement. Il n’y a plus de possibilité pour l’homme d’avoir à jamais de
nouveau droit à cet arbre. L’homme ne sera toujours qu’un pécheur sauvé,
quels que soient les sentiers glorieux qu’il suive
depuis le « paradis » jusqu’au « royaume », depuis le royaume jusqu’aux « nouveaux
cieux et à la nouvelle terre ». On ne mangera de cet arbre qu’autant que cela
aura été donné par Jésus, Semence de la femme, objet de la première promesse
(Apoc. 2:7).
Tels sont quelques-uns des mystères qui nous sont présentés dans ce merveilleux chapitre, plein des mystères et des secrets les plus profonds de Dieu. Mais il nous faut descendre de ces hauteurs, afin d’apprendre à connaître l’homme et les voies de l’homme ; il nous faut aussi nous y élever, à mesure que nous apprenons à connaître Dieu et ses conseils.
L’Esprit de Dieu, par l’apôtre Jean, déclare que Caïn était « du
méchant ». La première chose que nous voyons chez lui, c’est sa religion. Il
vient offrir en sacrifice à Dieu le fruit de la terre maudite, le produit de
son propre travail. Or c’était de l’incrédulité, la négation de tout ce qui
était arrivé depuis la création, la négation religieuse.
C’était l’opposé absolu du chemin de la foi, du chemin
d’Abel. Abel, pour arriver à Dieu, suit le chemin de la promesse, celui de la
victoire sanglante de la Semence de la femme, celui de la mort et de la
résurrection de Christ, et il offre les premiers-nés de son troupeau ; Caïn ne
veut pas voir la ruine de l’homme et la rédemption opérée par Dieu : il donne à
Dieu le fruit de la terre ; c’était en réalité dire qu’on pouvait s’approcher de
Dieu et connaître ses pensées, malgré les épines et les ronces, malgré la sueur
du front et la tristesse de la mort ; par le service de son autel, Caïn niait la
chute et montrait qu’il s’était entièrement détourné de Dieu et lui était
étranger.
Ce qu’il fit ensuite est, hélas ! tout à fait d’accord avec cela. Il hait son frère, car il est du méchant, de celui qui est le meurtrier (Jean 8:44) ; et, au bout de quelque temps, meurtrier lui-même, il le tue.
C’est le fruit terrible de la nature apostate, qui a abandonné Dieu. Caïn, homme à propre justice et meurtrier, fut le premier représentant de cette génération qui livra Jésus pour être crucifié. C’est par envie que les Juifs livrèrent le Sauveur ; et Caïn tua Abel, parce que ses oeuvres étaient mauvaises, et celles de son frère justes. Tel est le monde. « Ne vous étonnez pas, frères, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères ; celui qui n’aime pas son frère demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui ». Le Seigneur sollicita Caïn (voir Gen. 4:6-7). Son coeur avait conçu le péché, mais sa main n’avait pas encore porté du fruit pour la mort ; et par des paroles de grâce patiente et d’avertissement, le Seigneur s’adresse à lui, mais cette grâce qui le sollicitait à la dernière heure fut méprisée par lui, comme il avait auparavant rejeté la grâce de la promesse.
« C’est ici le jugement, que la lumière est venue dans le monde,
et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière : car leurs oeuvres
étaient mauvaises ». La lumière que le Seigneur Jésus apportait était la lumière
de la vie ou du salut (Ésaïe 42:6; Jean 8:12) ; c’était cette
lumière-là que Caïn haïssait et refusait.
Il y a aussi une autre lumière, celle de la justice ou de la sainteté. Mais le refus de celle-ci n’est pas sans remède. Ce fut avec cette lumière que l’Éternel Dieu vint dans le jardin d’Éden et demanda : « Adam, où es-tu ? » mais Adam ne pouvait supporter cette lumière, car il avait péché. Cela lui était impossible, car il était privé de la gloire de Dieu. Il reculait devant elle. Alors l’Éternel Dieu fait briller une autre lumière, celle de la promesse. Le caractère de la gloire n’est plus le même. Dieu s’assied dans une lumière dont le pécheur peut s’approcher, et Adam, ayant cru, l’accepte, tout en portant, dans son bannissement, la sentence de la justice.
C’est cette lumière que Caïn méprisa, la lumière du salut, celle de la promesse, celle que Dieu fait briller devant les hommes chassés du jardin d’Éden. Aussi Caïn est-il maudit, ce qu’Adam n’avait pas été ; et cela est dit aussi d’une autre génération : « Voyez, contempteurs, et étonnez-vous, et soyez anéantis ».
Nous avons ici l’histoire solennelle du premier incrédule. Mais le fonds de nature corrompue qu’il avait au-dedans de lui se manifeste encore par ses voies de méchanceté. Son coeur s’emplissait de plus en plus de ce qui devait produire un « débordement de malice ». Après ce qu’il a fait, il ment et se justifie : « Je ne sais », dit-il. « Suis-je moi, le gardien de mon frère ? » Sa volonté est asservie aux « convoitises de son père » ; et quand le diable « profère le mensonge, il parle de son propre fonds, car il est menteur, et le père du mensonge ».
Tout ceci, et davantage encore, c’était l’homme
, et pas seulement Caïn. C’était le coeur ruiné de l’homme qui
se montrait à nu. Et comme ce qui se manifestait de cette manière était la
nature commune à tous, le Seigneur ôte à l’homme le droit d’exercer le
jugement : « Quiconque tuera Caïn sera puni sept fois » ; car nul n’est sans péché.
« Tu es inexcusable, ô homme, qui que tu sois qui juges ; car en ce que tu juges
autrui, tu te condamnes toi-même ». Tous sont sous la même condamnation. Nul ne
peut prendre la pierre pour la jeter contre un autre. Aussi, pour exprimer
cette grande vérité que Dieu seul a le droit et la compétence de régler la
question du péché, le Seigneur ne permet à aucun homme de toucher le
fratricide. En vertu de cette sentence divine prononcée ici, tous étant trouvés
coupables, doivent sortir un à un, et laisser le pécheur seul avec Dieu (Jean
8).
Dans un but de gouvernement, lorsque plus tard le dessein de
Dieu est qu’il y ait un gouvernement sur la terre, la règle sera : « Qui aura
versé le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé » (Gen. 9:6). Mais il
n’en était pas encore ainsi. Et afin que nous apprenions à connaître la
perversité commune à tous, pour que nous soyons tous humiliés, notre commune
culpabilité étant prouvée (car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire
de Dieu), il est défendu à quiconque fait partie de la famille humaine de
porter la main sur le méchant Caïn. Une fois le gouvernement divinement établi,
ce n’est pas, jusqu’au jour actuel, du péché
qu’il s’occupe. Les crimes
,
c’est-à-dire les offenses commises contre l’ordre public, et les torts
faits aux individus, peuvent être
jugés par l’homme ; mais tirer vengeance du péché
serait prétendre à l’innocence pour soi-même. « Que celui de vous qui est sans péché
, jette le premier la pierre
contre elle ». C’est Dieu qui seul
doit s’en occuper (*).
(*) Quelques-uns ont parlé des Juifs comme étant coupables du sang de Christ, en se plaçant eux-mêmes sur le principe de propre justice qui est condamné ici. Cependant je ne doute pas que, dans un sens spécial, les Juifs, sous le jugement divin, seront châtiés aussi pour le péché de Caïn. Le pays des Juifs est entre tous les pays le champ du sang, le sang de Jésus est, d’une manière solennelle, particulièrement sur eux et sur leurs enfants. Par suite, Dieu a spécialement pourvu à leur sécurité comme il l’a fait pour Caïn. De plus, leur pays devra être purifié de ce sang dont il est maintenant souillé (Joël 3:21).
Mais nous apprenons encore autre chose dans cette terrible
histoire. L’homme ne se montre pas toujours sous un jour aussi affreux. Il
n’apparaît pas toujours comme étant menteur et meurtrier. Le démoniaque Légion
ne se rencontre pas partout. Il y
a des entraves à sa manifestation. La loi, dans un sens, avait été donnée comme
entrave.
L’éducation enseigne aussi à se contenir et polit les moeurs. Il
y a de plus une bride que Dieu tient dans sa main, et la crainte qu’inspirent
sa providence et son jugement. Il y a encore le « qu’en dira-t-on », le verdict
de la société. Ces influences et d’autres semblables ont pour résultat un
certain ordre sur la scène sociale, ordre qui lui permet d’être non seulement
supportable, mais aussi pleine de toute sorte de conforts et de distractions.
C’est ainsi que le péché a produit une scène
nouvelle, mais pas une nouvelle création,
ni une nouvelle créature.
L’homme
reste l’homme, la même créature aux yeux de Dieu, quoiqu’il paraisse sous le
caractère respectable de citoyen du monde, et non comme meurtrier de son frère.
Caïn bâtit une ville. Il a une famille qui réussit et prospère. Grâce à l’adresse
et à l’industrie de ses descendants, la surface du monde fleurit et prend une
belle apparence. Tout est parfaitement décent tous sont affables et aimables
les uns envers les autres. On oublie le meurtre ; on n’entend plus au lieu du
cri du sang, que le son de la harpe et de la flûte. Les inventions de l’homme
ont étouffé tout souvenir de ce dont il est prouvé coupable. Caïn est un homme
honorable. Mais, quant à la présence de Dieu, il en est aussi entièrement
séparé, que lorsque sa main venait d’être entachée du sang de son frère.
Chose solennelle ! L’homme, respectable citoyen du monde, peut
être aussi séparé de Dieu que l’est un meurtrier. « Les autres », est-il dit dans
la parabole, « s’étant saisis de ses esclaves, les tuèrent ». Les autres ! ce mot
nous fait voir que ceux qui refusèrent le souper étaient de la même
catégorie que les meurtriers des
serviteurs du Seigneur.
L’insouciance et l’indifférence de Caïn, quand il tournait le dos à Dieu et quand il avait devant les yeux le sang de son frère, sont terribles. Il reçut une promesse de sécurité ; c’était tout ce qu’il lui fallait. Bientôt ses efforts remplirent cette scène maudite de toutes les commodités et de tous les plaisirs de la vie.
Cela surtout fait frémir et dépasse toutes les bornes. Mais n’est-ce pas le « train du monde » ? N’est-ce pas l’homme qui a mis à mort Jésus ? La culpabilité de cet acte n’est-elle pas celle de tout homme ? Et qu’est-ce que le train de ce monde, sinon l’insouciance et l’indifférence de Caïn, coupable comme on ne peut l’être davantage ? La terre a porté la croix de Christ ; ce qui n’empêche pas l’homme d’être tout occupé à l’orner et à l’embellir et à y rendre la vie commode et agréable sans Dieu. On frémit quand on considère cette vérité toute nue, à la lumière divine. Caïn était un respectable citoyen du monde, mais, manquant entièrement de coeur, il ne pensait jamais à ce qu’Abel avait souffert. Son insouciance et la considération dont il jouissait sont les traits les plus sombres de son histoire. Il s’en était allé bien loin, dès qu’il avait reçu la promesse de sa sécurité ; et il profite de cette promesse, non point pour se repentir et être écrasé sous le poids de toute sa culpabilité, mais pour ne chercher qu’à se satisfaire et s’exalter lui-même.
Il nous est parlé dans le Nouveau Testament du « chemin de Caïn ». Il peut y en avoir d’autres que Caïn, et il y en a, qui marchent dans ce même chemin (Jude 11). Et quel chemin que celui-là ! Caïn était incrédule, c’est-à-dire qu’il avait sa religion à lui ; il n’obéissait pas, n’avait pas foi à la révélation de Dieu. Il faisait les oeuvres de celui qui est menteur et meurtrier ; il haïssait la lumière ; la parole de bonté et d’avertissement que Dieu lui avait adressée n’avait aucun effet quelconque sur lui ; il ne se souciait aucunement de la présence de Dieu dont son péché l’avait privé, et n’éprouvait aucune componction des souffrances qu’il avait infligées à son frère. Étant tel, il pouvait faire tout son possible pour être heureux et honorable dans le lieu même qui rendait témoignage contre lui.
C’est là le « chemin de Caïn ». Ce même homme existe-t-il encore ? Oui ; sa nature survit malgré mille modifications et mille progrès. À la fin de la carrière de la chrétienté, il est dit de cette génération : « Ils ont marché dans le chemin de Caïn ».
Ce que nous venons de dire est très solennel, bien-aimés, si seulement nous avons des coeurs capables de le sentir. Mais il y a un peuple arraché à cet état de choses et mis à part. La famille de Seth est d’une tout autre lignée. On ne la voit pas, comme Caïn, vivant dans des villes qui abondent en commodités et en plaisirs loin de la face de l’Éternel ; mais, au contraire, formant la maison de Dieu, séparée de ce monde qui « gît dans le méchant », et mise à part pour la foi et pour « invoquer le nom de l’Éternel ».
C’est la beauté du spectacle de cette famille élue qui m’a surtout conduit à m’occuper de cette partie des précieux oracles de Dieu. Il y a, je le crois, dans leur position et leur témoignage, bien des choses propres à nous instruire. Comme du reste dans tous ces chapitres, il ne nous en est dit que très peu de chose ; mais nous pouvons y puiser d’importants enseignements.
On peut d’une manière générale dire de la famille de Seth : qu’elle est décidément opposée à la voie de
Caïn et a une intelligence remarquable du chemin de Dieu.
Je ne parle pas ici de leur foi,
mais de leur position
et de leur témoignage.
Leur foi, qui caractérise
leur religion, est tout à fait la même que celle d’Adam, et Adam reparaît ici
en tête de ces saints d’avant le déluge. J’ai déjà considéré sa foi, qui repose
sur le même fondement que celle d’Ève d’Abel, et de tous ceux qui reçoivent
l’Évangile de la grâce de Dieu. Mais je parle maintenant de leur position comme
maison de Dieu et de leur témoignage vis-à-vis du monde.
L’Éternel avait mis un signe sur Caïn, afin que quiconque le trouverait ne le tuât point. Nous avons déjà vu qu’il ne voulait pas que le sang d’Abel fût vengé.
La famille de Seth respecte strictement cette défense. Ceux qui la composent n’essaient aucunement de répondre au cri du sang innocent d’Abel. Ils savent que ce cri arrive aux oreilles du Seigneur Sabaoth ; et, Dieu ayant parlé, ils y sont sourds, car ce n’est pas à eux qu’appartient la vengeance. L’heure de la moisson n’a pas encore sonné ; ils ne sont pas les moissonneurs. Ils ont entendu : ils obéissent, non au cri du sang, mais à la voix de l’Éternel qui renvoie la vengeance à plus tard. Ils prennent patience, supportent le tort fait à leur frère, et sont agréables à Dieu. C’était une injonction expresse à laquelle ils répondaient par une simple obéissance. Mais la pensée des saints est lumière, car elle n’est autre que la pensée de Christ (1 Cor. 2). En nous elle est, il est vrai, continuellement obscurcie, liée qu’elle est avec une nature charnelle et aveugle ; néanmoins en elle-même elle est lumière. Même la nature des anges n’est que vie. Chez eux, ni lenteur à agir, ni lenteur à comprendre. Leur nature est bien représentée par les « vents » et les « flammes de feu », qui agissent constamment et avec ferveur. C’est avec une vertu provenant de la même source, que la pensée de Christ, la nature divine dans les saints, est pleine d’affection et d’intelligence.
Nous en voyons de beaux effets dans cette famille de Dieu. Pour
le présent du moins, le sang innocent ne doit pas être vengé, il ne faut point
répondre à sa voix qui crie de la terre. Cela
suffit pour faire comprendre aux saints leur appel céleste et leur
caractère de pèlerins. La famille de Seth est donc composée d’étrangers et de
forains, et toutes leurs habitudes sont celles de citoyens célestes. Tant que
la terre ne sera pas purifiée, les élus y seront des étrangers avec une
vocation céleste.
Qu’elle est belle leur fidélité à la pensée de Dieu ! Car c’est là la manière d’agir de Dieu, et ces saints la comprenaient ; ils avaient plus de lumière, plus de connaissance de ses voies parfaites et magnifiques que n’en ont beaucoup d’entre nous, qui avons été nourris et instruits par les révélations bien plus complètes du temps actuel. Mais l’important n’est point que nous ayons reçu une somme considérable d’enseignement, mais que nous soyons capables de comprendre notre leçon. Il manquait à David la capacité pour recevoir l’instruction, lorsqu’il parlait de bâtir une maison de cèdres, une demeure fixe pour l’Éternel, tandis que le pays était encore souillé du sang versé. Mais, de même que pour ces saints antédiluviens, l’Éternel (m’est-il permis de le dire ?) voulait, tant que la terre portait encore la tache du sang, y être étranger et habiter sous des tentes ; aussi cette même nuit, le roi d’Israël fut-il repris pour avoir formé un tel dessein (1 Chr. 17).
Cette manière de faire de Dieu nous est présentée fréquemment sous différentes formes. Ainsi l’Éternel ne voulut point avoir d’autel en Égypte, dans un pays incirconcis. Dans le pays d’Israël, il ne voulut point avoir de trône glorieux jusqu’aux jours de Salomon, lorsque tout eut été sanctifié pour sa présence royale. Plus tard, l’indignation au sujet des abominations qui se commettaient dans le temple, ne permit plus à la gloire d’y rester. C’est dans le même esprit que les captifs suspendaient leurs harpes aux saules de l’Euphrate, car comment pouvaient-ils chanter sur un sol étranger, ou faire entendre à Babylone les chants de Sion ? La séparation était la règle de la pensée divine. La séparation était la sainteté. La présence de la souillure l’exigeait, et la foi pouvait la réaliser. Tout ceci se rencontre dans la famille de Seth, dans la maison de Dieu aux premiers jours, aux jours d’avant le déluge. Cette famille partage la pensée de l’Éternel, lui-même, en Égypte ; prend parti pour Sa gloire dans le temple souillé ; s’associe aux harpes des captifs de Babylone ; est en communion avec l’Église de Dieu dans « le présent siècle mauvais ».
Il est important de distinguer ces deux choses : la revendication des droits de Dieu sur la
terre,
et l’appel de Dieu pour
séparer un peuple hors de cette scène.
Nous voyons dans la suite des
dispensations maint et maint exemple de ces deux choses différentes ; et, selon
ma conviction formée depuis longtemps, elles alternent l’une avec l’autre.
Le Seigneur commença, dans la personne d’Adam, à réclamer et à faire valoir ses droits sur la terre. L’homme, dans le jardin d’Éden, devait reconnaître la souveraineté de Dieu, tandis que la terre était le repos et les délices de l’Éternel et le lieu de sa gloire. Le péché étant entré et ayant tout souillé, et cette souillure n’ayant pas été ôtée, Dieu, dans la personne de Seth, appela un peuple hors du monde pour acquérir un héritage dans les cieux. Ensuite dans la personne de Noé, le Seigneur Dieu affirma de nouveau ses droits ici-bas, et il établit la terre comme lieu où ses élus pourraient demeurer et où sa présence pourrait de nouveau être connue.
Plus tard, Abraham est séparé de son pays, de sa parenté et de la maison de son père, pour être sur la terre un étranger céleste, avec son autel et sa tente, attendant une cité dont Dieu est l’architecte et le créateur.
Israël, en son jour, continue ensuite ce tableau mystique. Au pays de Canaan, il devient le témoin de la souveraineté de Dieu sur la terre. L’arche passe le Jourdain, comme étant « l’arche de l’alliance du Seigneur de toute la terre ».
Aujourd’hui, l’Église est mise à part comme témoin de la plénitude des mystères célestes. Pour nous, la position d’étrangers ici-bas est la pensée divine jusqu’au moment où nous serons ravis à la rencontre du Seigneur, en l’air.
Ce merveilleux tableau est donc présenté depuis le commencement — et il l’est encore — dans ces dispensations de Dieu qui alternent comme le jour et la nuit. Et, d’ici peu de temps, les jours du millenium amèneront l’accomplissement de ces promesses et seront la glorieuse substance de ces ombres des choses à venir (*).
(*) Les passages tels qu’Éph. 1:10 et Col. 1:20, nous disent que la terre, tout comme les cieux, et les cieux tout comme la terre, sont la scène des conseils divins. La grande thèse de Rom. 11, nous entretient de ces conseils, ainsi que de la manière et des temps de leur accomplissement.
Maintenant je ferai remarquer que, toutes les fois que, dans le
développement de ses conseils Dieu se lève pour revendiquer ses droits sur la terre,
il commence par la juger et la
purifier. Et je puis ajouter que cela va
sans dire ;
car la scène qu’il se propose d’honorer de sa gloire et de sa
présence étant corrompue, il faut qu’il en ôte les scandales ; sa présence ne
peut supporter la souillure. En conséquence, la domination de Noé sur la terre
fut précédée par le déluge qui détruisit un monde d’impies. Canaan, héritage
d’Israël, par le moyen de l’Éternel, du Dieu de toute la terre, fut préparé par
le jugement des Amoréens et par l’épée de Josué. Et le royaume millénaire à
venir, où la terre doit de nouveau être le lieu de la gloire, devra être
inauguré (ainsi que nous le dit toute l’Écriture) par ce grand acte qui est
appelé « le jour du Seigneur » — où seront retranchés tous ceux qui sont en
scandale et tous ceux qui commettent l’iniquité.
Mais l’appel de Dieu
a
un caractère tout différent. Cet appel provient du principe que Dieu lui-même
est à part de la terre et ne cherche pas à l’avoir comme habitation de sa
gloire, ou comme lieu de sa présence ; mais qu’il cherche un peuple pour l’en
retirer, afin qu’il lui appartienne hors de la scène terrestre et au-dessus de
la terre. La terre est absolument en dehors d’un tel dessein. Dans ce cas, Dieu
la laisse comme il la trouve ; il n’exerce aucun jugement, aucune vengeance sur
elle.
Abraham en est un exemple. Il était l’objet de l’appel de Dieu ; en conséquence, les Cananéens ne trouvent pas en lui un adversaire. Il ne leur dispute ni les droits à la possession du sol, ni la possession elle-même. Il les trouve et les laisse maîtres du pays. Tout ce qu’il désire, c’est pour un temps d’y dresser sa tente et d’y bâtir son autel ; puis, pour un temps aussi, que ses os y reposent.
Il en est de même de l’Église au temps actuel. Elle a, comme
Abraham, reçu l’appel de Dieu. Mais dans sa vocation, elle laisse les gentils
au pouvoir, comme elle les y a trouvés. « Que toute âme se soumette aux
autorités qui sont au-dessus d’elle ». Les saints n’ont qu’à leur obéir sans
hésiter, ou à souffrir patiemment de leur part, suivant que ce qu’ils demandent
est ou n’est pas compatible avec la soumission à Christ et avec l’appel de
Dieu. Ils ne peuvent contester avec les soutiens de la terre. Pierre doit
remettre son épée au fourreau, et Pilate apprend que les serviteurs de Jésus ne
peuvent combattre son autorité. Leur lutte n’est pas contre le sang et la
chair, et ils sont vaincus dès qu’ils l’entreprennent. L’appel de Dieu nous a
rangés en bataille contre les principautés et les autorités dans les lieux
célestes, scène de la lutte. Nos besoins
nous
lient à la terre, mais non point notre appel.
Afin de nous procurer les choses nécessaires pour le corps, il nous faut le
fruit du sol, le labeur de nos bras et notre intelligence. Nos besoins nous
mettent ainsi en rapport avec la terre, et nous avons affaire avec elle pour
les satisfaire ; mais notre appel nous en sépare. Josué entra dans le domaine
des nations pour en faire, par son épée, la possession de l’Éternel. Paul se
rendit dans le domaine des nations, afin d’en retirer un peuple pour Dieu, et
de l’édifier sur Celui qui était la Pierre méprisée et rejetée des hommes.
La famille de Seth était pareillement l’objet de l’appel de Dieu. Dieu avait ordonné de ne pas venger le sang d’Abel, et ils avaient compris cette intimation. Si la terre est laissée à sa souillure Dieu ne la cherche pas (nous venons de voir que toutes ses voies le démontrent), et ceux de la famille de la foi sont dans son secret à cet égard ; eux ne la cherchent pas non plus. La famille de Caïn possédait la terre, et la famille de Seth l’y laissera sans conteste, ni rivalité. La connaissance qu’ils ont de la pensée de Dieu leur donne l’intelligence de ses voies et de sa volonté à leur égard ; et ils agissent selon des principes célestes sur une terre souillée de sang, dont le jugement pour un temps demeure oisif et sommeille.
J’avoue, bien-aimés, que j’admire extrêmement cette belle
expression de la pensée de Christ dans ces saints d’autrefois. Ils suivent le
seul chemin que la sainteté de Dieu pût sanctionner ; ils « participent à sa
sainteté ». C’était dans la lumière de
Dieu
qu’ils marchaient, à la sainteté de
Dieu
qu’ils participaient (1 Jean 1: 7; Héb. 12:10). C’est là quelque chose
de spécial. Cette lumière n’est pas simplement la justice. C’est aussi la
lumière de la grâce, la lumière que répandent des étrangers célestes dans un
monde souillé, une lumière qui condamne le train de ce monde et manifeste des
espérances et des principes tout à fait différents. Il peut y avoir la justice,
et ces deux choses, la vigilance et la prière, qui font échapper à la
tentation ; mais il est nécessaire que la marche soit en rapport avec ces
principes et ces espérances, qu’elle soit « dans la lumière, comme Lui-même est
dans la lumière ». Ces premiers croyants, me semble-t-il, brillent ici d’un vif
éclat. Ils n’étaient pas sous la loi. Ils viennent entre Adam et Moise. Ils
n’avaient point de commandement, comme je l’ai déjà fait voir. Mais ils étaient
dans la lumière, comme Dieu est dans la lumière. Et, comme plus tard, Abraham
n’eut pas besoin qu’il lui fût commandé d’avoir son autel et sa tente — n’eut
besoin d’aucun ordre du Seigneur sur la manière de procurer une épouse à son
fils, ou de répondre au roi de Sodome — de même ces saints qui précédèrent
Abraham avaient compris, eux aussi, la sainteté de l’appel de Dieu ; et, poussés
par l’état de souillure de la terre, s’étaient mis en route vers une patrie
céleste.
Oui, j’avoue admirer extrêmement ces choses. Elles sont la beauté de l’oeuvre de l’Esprit dans les vases d’élection. Tout est à Lui. « Combien grande est sa bonté et combien grande est sa beauté ! » Leur esprit saisit la parole que la voix de l’Esprit de Dieu proclamera plus tard : « Levez-vous et allez-vous-en ! car ce n’est pas ici un lieu de repos, à cause de la souillure » (Michée 2:10).
Il nous est donné bien peu de détails sur ces croyants d’avant
le déluge ; mais dans tous ces détails, nous retrouvons le même caractère
céleste. Ils ne fournissent pas des faits à l’histoire du monde, mais des
enseignements pour l’Église. Ce sont des choses célestes. Aucun jugement
n’avait consumé, ni lavé le sang de la terre, et ils en ont une horreur
instinctive. Dans l’esprit de leur entendement, ils quittent la terre. « Quelle
participation y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? ou quelle communion
entre la lumière et les ténèbres ? » Ce fait est impliqué dans leur conduite.
Leur religion
est la séparation du
monde, telles sont aussi leurs habitudes.
Ils « invoquent le nom de l’Éternel ». Le nom de l’Éternel, c’est la révélation qu’il s’est plu à faire de lui-même. Emmanuel, Jésus, « l’Éternel, notre justice », Jéhovah, le Dieu Tout-puissant, le Père, le Fils et le Saint Esprit — tels sont quelques-uns des noms qu’il a publiés lui-même, pour manifester sa grâce et sa gloire. Or « invoquer le nom de l’Éternel », c’était servir ou adorer Dieu en Esprit et en vérité.
La religion de ces saints des premiers temps était simplement la religion de la foi et de l’espérance. Ils adoraient Dieu, et, séparés du monde, ils espéraient. Nous voyons en eux « l’oeuvre de la foi » et « la patience d’espérance », et nous reconnaissons en eux un esprit semblable à celui des Thessaloniciens, qui servaient le Dieu vivant et vrai, et attendaient des cieux le Fils, qui les avait déjà délivrés (1 Thes. 1). « Invoquer le nom de l’Éternel », c’est la foi, le salut, l’adoration. C’est la position d’un saint devant Dieu et son service spirituel. « Il arrivera que, quiconque invoquera le nom de l’Éternel sera sauvé » (Joël 2; Rom. 10). « Je te sacrifierai des sacrifices d’actions de grâces, et j’invoquerai le nom de l’Éternel » (Ps. 116). Telle était donc leur religion, tel était leur culte. C’était le culte en Esprit. Il n’y a ici ni temple, ni somptueux services selon la chair, ni institutions humaines.
Dans leurs voies et leurs habitudes, on les voit seulement comme un peuple passant sur la surface de la terre, jusqu’à ce que leurs corps soient ou bien couchés sous elle, ou enlevés au ciel au-dessus d’elle. Ils se réjouissent, comme ne se réjouissant pas ; ils achètent, comme ne possédant pas ; ils ont des femmes, comme s’ils n’en avaient pas. Pour eux, tout ce qui les entoure est comme Babylone, et leurs harpes sont suspendues aux saules de ses fleuves, tandis que la famille de Caïn peut se servir de tous ses instruments de musique. Mais la famille de Seth est un peuple ressuscité. Leur bourgeoisie est dans les cieux. Ils ne cherchent pas des possessions ou des cités. Tout ce qu’ils acceptent, c’est une caverne de Macpéla, comme plus tard Abraham. Il ne nous est rien dit de leur lieu d’habitation, ni de leurs occupations. Ils sont étrangers là où Adam avait autrefois habité, et le sont bien plus là où Caïn vit encore. Nous pouvons les suivre et demeurer en esprit avec eux pendant une journée ; mais nous ne savons où ils habitaient — nous sommes comme les disciples qui suivirent le glorieux Étranger céleste au cours de son séjour ici-bas (Jean 1:38-39). Ils n’ont point de lieu, point de nom. La terre ne les connaît pas. De même que les Récabites étrangers, ils sont dans toutes leurs générations, les uns après les autres, des gens du désert et non de la ville (Juges 1:16) ; autrement dit, en langage lévitique, ils étaient une classe permanente de nazaréens, plus séparés pour Dieu que ne l’était Israël lui-même.
Ils sont les premiers exemples de ce que doit être un étranger céleste. La vie d’étranger s’est vue par la suite chez d’autres saints d’une manière plus parfaite et plus belle ; mais nous la trouvons ici dans son essence.
Nous la voyons, par exemple, en Isaac. Le monde était contre lui. Mais ni en paroles, ni en actes, il ne lutte avec le monde. Il ne répond, ni ne résiste. Les Philistins lui disent de s’en aller : il s’en va. Ils le dépossèdent du fruit de son travail : il cède et accepte patiemment la chose, ce que proclament Ések et Sitna (Gen. 26).
Il en est de même avant lui de son père Abraham. Seulement, fait
triste à constater, c’est un frère
qui
joue le rôle du monde. Lot choisit, comme le monde, la plaine qui était
« arrosée partout ». Abraham supporte et accepte patiemment — bien que ce fût
plus blessant pour lui que le tort fait par un Philistin — l’ingratitude,
l’égoïsme de celui qui aurait dû en savoir davantage et qui lui était redevable
de toute manière (Gen. 13).
De même Israël, plus tard encore, accepte, dans un esprit
semblable, l’insulte que lui fait Édom. Les Israélites demandaient à passer à
travers son pays, en se réclamant de leur parenté et de leur commune origine,
et en raison de leurs nombreuses afflictions, des preuves de la faveur divine à
leur égard, de leur nécessité actuelle, comme pèlerins fatigués, avançant avec
peine à travers un pays désert. Mais Édom les méprise et les menace. Ils le
sollicitent de nouveau, mais sont de nouveau insultés ; ils le supportent et
prennent un autre chemin (Nomb. 20). Ce fut ainsi qu’agit le Seigneur aux jours
de son pèlerinage. Lorsque d’autres Édomites de la Samarie refusèrent de le
recevoir, il s’en alla dans un autre village (Luc 9). Chose précieuse et heureuse,
de le trouver, Lui, à la tête de tout ce qui est excellent ! Tout ce qui se fait
de bon Lui ressemble
et vient aussi de
Lui. Isaac souffre le tort que lui
fait le monde,
et le supporte
patiemment. Abraham souffre le tort que lui fait celui qui lui était redevable de tout,
et le supporte patiemment.
Israël souffrit pareillement de la part de ceux qui lui étaient alliés par le sang.
Mais Jésus souffre
de la part de ceux qu’il servait et
bénissait, au prix de la perte de tout pour lui-même ;
il souffre de la part
du monde qu’il avait créé et de la part du peuple qu’il avait adopté.
Néanmoins, il met de côté sa foudre, et continue à poursuivre son pèlerinage
d’amour et de service.
C’est dans le même esprit que la famille de Dieu aux jours
d’avant le déluge poursuit le chemin de son pèlerinage. Ils laissent le monde à
Caïn. Il n’y a pas la moindre trace de lutte intérieure, pas un seul mot de
plainte. Ils ne disent, ni ne pensent à dire : « Maître, dis à mon frère de
partager avec moi l’héritage ». Dans leurs habitudes, dans les principes de leur
conduite, ils sont aussi différents de leur frère inique, que s’ils étaient
d’une autre race ou dans un autre monde. L’histoire de la famille de Caïn
constitue toute
l’histoire du monde.
C’est elle qui en bâtit les villes, qui en fait fleurir les arts, qui en
gouverne le commerce, qui en invente les plaisirs et les passe-temps. En tout
ceci, par contre, la famille de Seth ne paraît point. Les hommes de la première
de ces générations appellent leurs villes de leurs propres noms ; ceux de
l’autre s’appellent eux-mêmes du nom de l’Éternel. Les uns font tout ce qui est
en leur pouvoir pour que le monde soit leur monde à eux, et non celui du
Seigneur ; les autres font tout ce qu’ils peuvent pour montrer qu’ils
appartiennent au Seigneur et non à eux-mêmes. Caïn écrit son propre nom sur la
terre ; Seth celui du Seigneur sur lui-même.
Nous pouvons bénir le Seigneur de nous avoir donné ce tableau à traits vigoureux de la condition d’étrangers célestes sur la terre, et lui demander de nous en faire éprouver quelque peu dans nos âmes la puissance vivante. C’est là ce qui m’a conduit à m’occuper de cette portion de la Parole. Elle contient pour nous un enseignement, bien-aimés. Combien il serait à désirer que les instincts de notre entendement renouvelé nous fissent réaliser la même marche céleste avec autant d’assurance et avec une vision aussi claire. C’est dans ce chemin que l’appel de Dieu nous place, et c’est ce que réclament tous ses enseignements. Les plans et les passe-temps, les intérêts et les plaisirs des enfants de Caïn ne sont rien aux yeux de ces pèlerins. Ils refusent absolument de croire que cette terre, dans son état actuel, puisse leur donner quelque satisfaction. Ils ne s’y plaisent pas, et ne font aucun effort pour s’y plaire. C’est en cela qu’ils sont moralement séparés de la voie de Caïn et des siens. Ils ne se tournent pas vers la patrie qui est autour d’eux, mais ils en recherchent une meilleure, c’est-à-dire une céleste (*). Ne puis-je donc pas dire d’eux, comme je l’ai fait, qu’ils sont d’une manière frappante opposés au chemin de Caïn, et qu’ils comprennent remarquablement le chemin de Dieu ?
(*) Je parle de cette famille antédiluvienne, seulement telle que nous la voyons dans Gen. 5. Je ne doute pas que, toutes les fois que l’homme est mis à l’épreuve, on n’aperçoive en lui manquement et corruption. Je présente seulement la position et le témoignage de cette famille, tels qu’ils nous sont présentés ici. Comme il nous est dit, il leur naquit des fils et des filles, génération après génération ; et je ne doute pas que, parmi eux, des semences d’apostasie furent semées et levèrent. Mais cela n’affaiblit aucunement l’enseignement que nous trouvons dans ce chapitre 5.
C’est selon ce modèle que le Seigneur veut que nous soyons formés : dans le monde, mais pas du monde, du ciel, quoique n’y étant pas encore (sauf en Christ). Paul, par l’Esprit Saint, veut que nous soyons ainsi, prenant comme exemples ceux dont « la bourgeoisie est dans les cieux ». Pierre, par le même Esprit, veut que nous soyons « forains et étrangers », nous abstenant des convoitises charnelles. Jacques nous engage, par le même Esprit, à nous rappeler que « l’amitié du monde est inimitié contre Dieu ». Jean nous en sépare comme d’un seul trait : « Nous sommes de Dieu, et le monde entier gît dans le méchant ».
Il appartient sûrement à l’Église, bien-aimés, de marcher à cette hauteur et dans cette séparation. Est-il autre chose qui soit selon l’appel de Dieu et digne des espérances éternelles ? Nos efforts sont bien faibles, notre lumière bien peu brillante, en présence de ces témoins et d’autres semblables. Quelle âme fortement trempée que celle qui parle dans le chapitre 4 de l’épître aux Philippiens ! Quelle ferveur d’un bout à l’autre ! Quelle profondeur et quelle chaleur d’affection ! Quel cri de triomphe ! Quelle élévation au milieu des changements, des perplexités et des découragements ! Une trempe d’âme, comme celle de l’apôtre, d’un bout à l’autre de ce chapitre, est vraiment chose rare. Si je puis parler pour d’autres que pour moi, ce chapitre nous donne plutôt la sensation d’un récit apporté d’un pays lointain, ou d’une description faite par les voyageurs de la chaleur et de l’éclat lumineux de quelque autre climat.
Conduis-nous, Seigneur, nous t’en prions ! Enseigne-nous à chanter avec vérité :
Oui, notre but est la terre promise
Où Jésus règne en Souverain.
À son appel nous mettons à la voile
Et quittons tout, pour l’atteindre, Lui seul.
Si nous voulions retourner au rivage,
Encore ouvert est le chemin.
Mais loin de nous une telle pensée !
Rien ne pourra nous y ramener.
Mais, assurément, ce sont deux choses bien différentes d’être
avocat du christianisme, ou d’en être disciple. Et, bien que cela paraisse
étrange au premier abord, il est beaucoup plus facile d’en enseigner
les vérités que de les apprendre.
C’est ce que nos âmes savent très bien.
Nous avons encore à considérer la destinée
et la portion
de
ces saints, comme nous avons déjà considéré leur foi,
leurs vertus
et leur
religion.
L’enlèvement d’Énoch fut le premier témoignage formel du grand
mystère divin que l’homme aurait une
place et un héritage dans les cieux.
Par la création, il avait été formé
pour la terre. Le jardin était son habitation, Éden son domaine, et toute la
terre sa possession. Mais maintenant est révélé un dessein d’une plus grande
profondeur, savoir que Dieu, suivant les conseils éternels de sa grâce, a,
d’entre les hommes, des élus destinés au ciel.
Dans le cours des âges et des dispensations qui ont suivi les temps d’alors, ce glorieux conseil de Dieu n’a été manifesté que faiblement et par occasion, lentement et peu à peu. Dans la personne d’Énoch, toutefois, ce dessein brille tout à coup. Déjà alors et au sein de la famille élue, il apparaît dans toute sa splendeur. Ce grand fait accompli parmi les patriarches antédiluviens est une anticipation en esprit de l’heure mémorable du mont Thabor, de la vision du martyr Étienne, et de l’enlèvement des saints dans les nuées à la rencontre du Seigneur, en l’air.
Telle était la haute destinée du peuple élu.
La prophétie d’Énoch est un exemple de ce qui arrivera à ce peuple. Cette part est vraiment incomparable et en rapport avec la dignité de ceux auxquels avaient été confiés de glorieux secrets, ce que les prophéties qui leur furent inspirées par le Saint Esprit nous font comprendre. Dieu les traitait en amis. Il disait d’eux, comme plus tard d’Abraham : « Leur cacherai-je ce que je vais faire ? » En effet, de tels privilèges n’appartiennent qu’à ceux qui en sont dignes (voyez Gen. 18:17). Et si Abraham connut d’avance le jugement qui devait frapper Sodome, Énoch connut dans un sens plus profond, plus étendu, le jugement qui doit tomber sur le monde entier. Sa prophétie révèle un mystère de gloire solennel et merveilleux — savoir que les saints célestes accompagneront le Seigneur au jour de sa puissance et de son jugement. Mais le Seigneur n’a pas abandonné la terre à toujours. Et ces saints d’avant le déluge pouvaient parler de ce grand mystère, avant même que l’arc dans la nuée en fût devenu le signe. Seulement ils savaient que le jugement de la terre devait venir en premier lieu ; et ils pouvaient, comme Noé, parler de ce mystère aussi, avant que les fontaines du grand abîme se fussent rompues.
Une riche part selon l’Esprit est ainsi liée à la haute dignité personnelle d’Énoch devant Dieu. Comme l’Église maintenant, il était « administrateur des mystères de Dieu ». Il pouvait « chanter la bonté et le jugement ; chanter les conseils de Dieu ». Son âme était nourrie des secrets les plus profonds. « Les choses profondes de Dieu », celles des prophètes et des apôtres, celles des épîtres et de l’Apocalypse étaient à eux. Ce qui concerne l’appel céleste fut confié à Paul. Paul parle de notre enlèvement dans les nuées à la rencontre du Seigneur en l’air, et de cette grande espérance qui est notre consolation et notre paix, quand nous pensons au jour du Seigneur et à ses terreurs ; Énoch, longtemps auparavant, annonça la part que nous aurons dans ce jour. Comme prophète, Jean parle des saints qui, après avoir été ravis auprès du Seigneur, l’accompagneront au jour de sa puissance, pour briser les nations avec une verge de fer, comme des vases de poterie, et combattre en compagnie de Celui qui est assis sur le cheval blanc ; Énoch, dans sa prophétie, en rendit témoignage longtemps auparavant (Jude 14:15). Les prophètes annoncent que le désert se réjouira, que le lieu stérile fleurira, que le bienheureux Souverain renouvellera la face de la terre, qu’au lieu de l’ortie fleurira le myrte ; mais longtemps auparavant, Lémec avait appelé son fils Noé : Consolation, repos — proclamant ainsi le bon plaisir de Dieu en la terre, et le repos pour l’homme, lorsque le sol serait délivré de la malédiction (Gen. 5:29).
Elle était vraiment riche, cette révélation par le Saint Esprit.
Il y a même une puissance particulière dans ces toutes premières paroles de
l’Esprit prophétique. Le fond lointain d’un paysage nous paraît en général
couvert d’un voile bleuâtre. Il n’est pas distinct, comme ce qui est au premier
plan. Notre oeil ne peut en saisir les détails ; il ne les voit pas avec la même
netteté que les parties plus rapprochées ; et cette différence fait que nous
nous formons une idée d’autant plus exacte de l’ensemble Ainsi en est-il de ce
qu’annoncent les prophètes, en contraste avec ce que racontent les apôtres Le
mode de présentation est différent. Or il est bon qu’il le soit. Une moins
grande netteté en raison de la distance caractérise en général les
communications qui nous sont données concernant l’avenir. Telle est la
perfection de la manière dont l’Esprit Saint agit. Les choses aperçues dans le
lointain ou dans l’avenir sont entourées comme d’un voile qui rehausse leur
effet. La netteté dans le premier cas, ou l’exactitude littérale dans l’autre,
nous choqueraient, comme le ferait une lumière éblouissante ou la crudité. Il
en est en général ainsi, et cela est admirable. Mais s’il arrive parfois
qu’un rayon de soleil tombe sur
le lointain, nous pouvons prendre plaisir à le contempler ; or, dans ces
premières prophéties, les scènes finales de l’action divine dans ce monde
ressortent avec une netteté à la fois étrange et d’une grande beauté.
Tel était l’appel céleste de cette famille de Dieu
antédiluvienne, telles ses vertus, sa dignité, sa part. La fin
était céleste aussi, comme l’avait été chaque détail de leur
vie. Je ne parle pas du fait
de la
fin de leur carrière dans le ciel, mais de la manière
même dont elle finissait. Aucun signe parmi les nations ne
la faisait connaître. Aucun temps, aucune saison, ne la signalaient, ni n’en
marquaient la mesure. Il n’y avait aucun nombre déterminé d’années pour la
durée de leur vie. Aucune parole prophétique n’avait donné la moindre
suggestion quant au bienheureux moment de l’enlèvement. « Énoch marcha avec
Dieu ; et il ne fut plus, car Dieu le prit ». Rien de particulier ne précéda
cette heure glorieuse. Il n’y eut ni vives émotions, ni étranges événements,
pour en annoncer la venue. Ce fut la conclusion céleste naturelle d’un voyage
poursuivi toujours dans la direction du ciel.
Il en fut autrement pour Noé dans la suite. De grands préparatifs eurent lieu pour sa délivrance. Il s’écoula aussi des années — un nombre déterminé d’années — ce qui ne fut pas le cas pour Énoch, le patriarche céleste. Noé fut transporté à travers le jugement ; mais Énoch, avant l’arrivée du jugement, fut transporté dans le lieu d’où le jugement sortit ensuite (*).
(*) Je ne m’attache pas à faire l’application de tout cela, comme je crois qu’elle peut être faite. Sans en parler davantage, je voudrais seulement suggérer ceci : Il me semble que le Seigneur, lorsqu’il parle de l’élection juive, prend Noé comme type (Matthieu 24), tandis que l’apôtre, qui s’adresse à l’Église, se sert d’expressions qui rappellent plutôt l’enlèvement d’Énoch (1 Thes. 4:17; 2 Thes. 2:1). Le résidu juif, comme Noé, sera sauvé à travers le jugement ; les saints, que le Saint Esprit rassemble maintenant, seront dans la sphère du haut de laquelle le jugement descendra. Il nous est dit en maints endroits, que l’exercice de la puissance, en ce jour-là, en compagnie du Seigneur fait partie de la gloire des saints (voir Col. 3:4; Apoc. 2:26; 17:14; 19:14).
Et si le nombre de jours et d’années ne fut pas déterminé, si aucun signe n’annonça cet événement, le monde en fut-il témoin ? Ou bien ce fait, si glorieux et si remarquable, eut-il lieu silencieusement et secrètement ?
L’apôtre me semble donner la réponse, et toute l’analogie de l’Écriture fait de même. « Il ne fut pas trouvé, parce que Dieu l’avait enlevé ». Ceci semble impliquer que l’homme n’avait rien su de cette heure glorieuse. Le monde paraît avoir demandé où était Énoch et l’avoir cherché, comme les fils des prophètes cherchèrent Élie, mais ce fut en vain (2 Rois 2:17; Héb. 11:5). Ceci nous dit que l’enlèvement avait été un secret caché aux hommes ; car ils n’auraient pas cherché Énoch, s’ils avaient vu son enlèvement.
L’analogie de toute la parole de Dieu nous conduit à penser ainsi. La gloire, quelle que soit sa forme ou son action, n’est aucunement faite pour l’oeil ou l’oreille de l’homme dans son état naturel.
La montagne autour de Dothan, était pleine de chevaux et de
chars ; mais avant que le serviteur d’Élisée pût les voir, il fallait que ses
yeux fussent ouverts. Daniel vit un glorieux étranger et entendit sa voix,
comme la voix d’une multitude ; mais les hommes qui étaient avec lui ne virent
rien ; seulement ils furent saisis de terreur. La gloire « sur la sainte
montagne » ne brilla qu’aux yeux de Pierre, de Jacques et de Jean, quoique la
splendeur qui éclatait là à ce moment eût pu illuminer tout le pays ; car le
visage divin « resplendit comme le soleil ». Beaucoup de corps des saints
ressuscitèrent à la mort du Seigneur ; mais ils ne se montrèrent qu’à plusieurs
dans la sainte ville. Le ciel s’ouvrit au-dessus de la tête d’Étienne entouré
d’une multitude ennemie ; mais lui seul vit la gloire. Paul fut ravi dans le
paradis, et Philippe à Azot ; mais aucun oeil humain ne les suivit, lorsque l’un
fut enlevé au ciel, et l’autre transporté dans un autre lieu. Et, chose qui
surpasse tout le reste, lorsque Jésus ressuscita et sortit d’un sépulcre creusé
dans le roc même, entouré d’une garde de soldats vigilants, nul ne le vit, ni
ne l’entendit, nul ne fut dans le secret. C’était un mensonge de dire que les
gardes avaient dormi ; mais c’était une vérité qu’ils ne furent pas plus témoins
de la résurrection que s’ils eussent dormi. Tous ces actes glorieux
s’accomplirent dans le silence et dans le secret. Des visions, des paroles
ouïes, des résurrections, des enlèvements, des ascensions, une gloire
manifestée ici-bas sur la terre, et le ciel qui s’ouvre, tout cela a lieu ; mais
l’homme, dans son état de nature, n’en sait absolument rien. L’enlèvement
d’Énoch, j’en ai la certitude, ne fut non plus vu de personne. Il en sera de
même, j’en ai aussi la conviction, de cet autre moment glorieux, l’enlèvement
des saints, qui est d’un si grand intérêt pour tous
ceux qui sont du Christ.
Nous voici maintenant arrivés à la fin du cinquième chapitre de
la Genèse. On remarquera que la première partie de ce livre se termine ici. Car
ces chap. 1 à 5
constituent un petit
volume à part.
Chap. 1. — Ce chapitre, qui traite de l’oeuvre de la création, est l’introduction du volume.
Chap. 2. — La création étant achevée, l’Éternel Dieu, le Créateur, y trouve son plaisir, il place au milieu de la création et lui donnant autorité sur elle, l’homme qu’il avait créé à son image, et il lui confère toute la capacité intérieure et tous les dons extérieurs qui peuvent le rendre parfaitement heureux.
Chap. 3. — L’homme créé parfait, ayant été mis à l’épreuve et
vaincu, nous assistons à la ruine
dont
il est l’auteur, mais aussi à la rédemption que Dieu lui a préparée.
Chap. 4, 5. —
Ces
chapitres nous font voir ensuite une branche de cette famille ruinée et
rachetée, qui choisit la ruine, et une autre branche qui trouve ses délices
dans la rédemption.
Ce récit est simple et parfait, mais s’il est le récit d’une autre époque, nous vivons à l’époque actuelle dans les choses d’alors, et nos sympathies sont pour l’un ou l’autre de leurs résultats.
Mes pensées ont été attirées sur ces chapitres par le tableau que nous y trouvons de la maison élue, croyante, céleste. Ils marchaient sur la terre comme nous devrions y marcher ; mais par leur foi, leur espérance et leur destinée, ils étaient très près du ciel, comme nous le sommes.
Est-ce avec des coeurs indifférents, mes bien-aimés, que nous nous approchons d’une telle gloire ? Est-il quelque chose qui vous humilie davantage dans la présence du Seigneur, je vous le demande à vous (car ma propre âme a déjà répondu), que la conviction que vous avez d’avoir peu d’estime pour sa gloire promise ? Nous faisons là une terrible découverte de ce que nous sommes. La pensée que nous trouvons peu de plaisir dans les conseils de sa grâce est plus terrible que celle de ne pouvoir satisfaire aux exigences de sa justice. Mais toutes deux nous condamnent. Quand Israël eut quitté l’Égypte, il fut mis à l’épreuve par la voix terrible de la loi, mais le veau d’or nous apprend qu’ils ne purent satisfaire à ses exigences. Au cours de leur voyage, ils furent éprouvés par la vue des prémices de Canaan, apportées par les espions ; mais le festin qui leur était offert n’eut pour eux aucun attrait. Et le coeur de l’homme, est-il différent aujourd’hui ? Qu’était-il aux jours de Christ ? La parabole des noces du fils du roi, aussi bien que le refus d’Israël au désert, nous dit que le festin que Dieu a préparé n’a aucun attrait pour l’homme. Quel plaisir un sourd trouvera-t-il aux voix des chanteurs ? Aujourd’hui, le pays désirable est encore méprisé. Pour posséder Canaan, on ne juge pas qu’il vaille la peine d’escalader une seule muraille, ni de combattre un seul Amalékite. Le champ, le trafic, la femme, sont les chefs choisis par nous pour nous ramener en Égypte, malgré les invitations de l’amour et les trésors de la gloire.
Découverte terrible, et néanmoins nullement difficile à faire ! Il n’y a pas à en chercher la preuve ailleurs qu’en nous-mêmes. Nous savons quel prompt effet les intérêts journaliers produisent sur nous ; comment nous sommes abattus par une perte et réjouis par un gain ; et, d’autre part, nous savons combien la gloire perd de son éclat, quand une difficulté ou une circonstance viennent s’interposer entre elle et nous.
Cela nous attriste-t-il, bien-aimés ? Cela nous brise-t-il le coeur et nous fait-il soupirer et gémir devant Dieu ? État triste et infiniment sérieux, si nous n’éprouvons pas de tels sentiments — état terrible si, de propos délibéré, nous nous décidons à nous établir un chef qui nous ramène en Égypte. C’est ce que nous faisons, lorsque les distractions et les plaisirs des hommes font battre notre coeur ; lorsque nous sommes de nouveau entraînés à rechercher leurs honneurs ou leurs convoitises. La femme de Lot, bien-aimés, était sortie de Sodome, en compagnie de ceux qui étaient épargnés, mais de coeur elle habitait à Sodome, de telle manière qu’elle périt avec cette ville. Israël était arrivé au désert de Paran, en compagnie de l’arche de Dieu, lorsqu’il fut prouvé qu’il se tenait encore auprès des pots de chair de l’Égypte. Souvenirs des plus sérieux pour nous tous ! Solennels avertissements, afin que nous ne nous laissions pas aller aux jouissances et aux voluptés, dont autrefois nous nous gardions avec soin et que nous étions habitués à mortifier.
« Quant à ce jour-là et à l’heure, personne n’en a connaissance »,
telles sont les paroles solennelles par lesquelles le Seigneur refuse de fixer
le moment de son retour pour le résidu juif (Matt. 24:36). Ce moment sera pour
eux comme le voleur dans la nuit, ou comme l’heure de la femme en travail
d’enfant. Il en est de même de la mort. Si la mort surprend quelqu’un d’entre
nous sans un seul moment d’avertissement, le Seigneur ne manquera cependant à
aucune de ses promesses. Pour l’enlèvement de l’Église, il n’en sera pas
autrement. Dans aucun cas, ni le jour, ni l’heure, ne font l’objet d’une
promesse, ni ne sont révélés. Tout est compris dans un seul
mot d’une profonde et sainte importance : « Veillez » ; et ce
mot est adressé à tous : « Ce que je vous dis, à vous, je le dis à tous :
Veillez ».
Si le terme du voyage arrive pour nous, que ce soit par la mort ou par l’enlèvement des saints — que ce soit pour Israël en étant pris ou en étant laissé — le jour et l’heure restent cachés, sans aucun avertissement quelconque. Chacun et tous ensemble, nous sommes placés en sentinelle sur la tour. Nous attendons « des cieux le Fils de Dieu », eux devront attendre « les jours du Fils de l’homme » ; mais ni les uns, ni les autres ne savent l’heure où l’attente prendra fin.
Israël a ceci de commun avec nous : c’est que nous sommes tous dans un même état d’attente. Cependant, à part cela, il y a une différence.
Le résidu juif aura des signes ; c’est-à-dire qu’il lui a été
parlé de certaines choses, qui doivent nécessairement
précéder « les jours du Fils de l’homme », quoiqu’il soit laissé dans l’ignorance
quant au jour ou à l’heure de cette apparition (voir Matt. 24:32-36). Les
saints que l’Esprit rassemble maintenant pour attendre « des cieux le Fils de
Dieu », n’ont, au contraire, aucun signe semblable il ne leur est point annoncé
d’événements qui doivent nécessairement précéder Sa venue.
Le Seigneur communique à Noé son dessein
de juger, mais il ne lui dit rien quant au moment
du jugement. Noé sait
toutefois que ce ne peut être avant que son arche soit achevée. Il ne savait
pas quand les eaux devaient s’élever ; mais il savait qu’elles ne le pouvaient
avant que lui et les siens fussent dans le lieu de sûreté. C’était un signe ou
un événement qui devait nécessairement précéder le terme de sa carrière. La
même chose est vraie de l’Israël terrestre. Avant le retour du Fils de l’homme
sur la terre, certaines circonstances doivent avoir lieu, quoique le jour et
l’heure n’en soient pas connus. Il en fut autrement d’Énoch. Aucune
circonstance ne vint retarder son enlèvement. Sa marche avec Dieu n’était pas une
circonstance, et c’était la seule chose qui conduisît à son ascension. Tel est
aussi le cas pour l’Église que l’Esprit rassemble aujourd’hui. Elle n’attend
aucun événement — son séjour ici-bas n’est point mesuré par un certain nombre
d’années ; aucune circonstance ne prépare son départ pour le ciel. Il n’est
point, comme pour le résidu juif, limité par des signes quelconques ou des
événements préalables.
Le Seigneur appelle séduction
le fait de dire au résidu : « Le temps est proche », et c’est précisément par la même expression que
l’apôtre nous adjure
(Luc 21:8; Jacq. 5:8).
Au résidu, le Seigneur annonce qu’après
que certains signes ou événements
auront eu lieu, ce qu’il attend sera
proche ; à nous, l’apôtre dit que Celui que nous attendons est toujours proche
(Matt 24:33; Phil. 4:5).
Le Seigneur exhorte le résidu à veiller, car autrement le jour pourrait le
surprendre ; l’apôtre nous exhorte à veiller, parce que nous sommes déjà du
jour, et qu’il nous convient de nous conduire comme des fils du jour (Matt 24:43;
1 Thes. 5:5-6).
C’est en cela que consiste la différence. Toutefois, il est également recommandé à tous de veiller : à nous, dans le jour actuel, comme sachant que « la fin de toutes choses est proche », au résidu, dans le jour à venir, bien qu’ils sachent que certains événements doivent précéder.
Comme cela est beau et juste ! Si les jugements annoncés sont
profondément solennels, et ils le sont, et si les choses promises sont
ineffablement glorieuses, et elles le sont, c’est bien peu que nous soyons appelés
à les traiter comme étant d’une suprême
importance —
ce qui, autrement dit signifie : veiller.
La pensée que la gloire est proche devrait nous être très
précieuse. Je veux dire qu’elle est proche, aussi bien spontanément
que quant au temps. Il n’est besoin d’aucun effort
pour nous en assurer, car cela nous est enseigné d’une manière claire et
positive. Lorsque la congrégation d’Israël fut réunie à l’entrée de la tente
d’assignation, aussitôt qu’arriva le moment, la gloire parut devant eux (Lév.
8:9). Il en fut de même lors de l’érection du tabernacle, et encore lorsque
l’arche fut apportée dans le temple (Exode 40; 2 Chr. 5). De même, partout où
la gloire, quel qu’en soit le caractère, a affaire soit aux quelques disciples
réunis sur le mont Thabor, soit à Étienne mourant, soit à Saul sur le chemin de
Damas, — qu’elle ait à convaincre, à réjouir, à transfigurer, a terrasser le
persécuteur, à donner le triomphe au martyr, à rendre un vase d’élection propre
à la manifester, elle apparaît en un moment, en un clin d’oeil. Le voile qui la
cache, ou nous sépare d’elle, est bien peu épais. Le chemin est très court, le
trajet vite effectué. Cette pensée devrait nous être précieuse, bien-aimés.
Elle est propre à nous fortifier, aussi bien qu’à nous consoler. Et de même
dans peu de temps, lorsque le moment dont parle 1 Cor. 15:51, arrivera, le
moment de la transfiguration générale, dès qu’elle aura été appelée par la voix
de l’archange, la gloire sera là, comme en un clin d’oeil, pour accomplir en
nous ce qu’elle a à opérer, et nous rendre conformes à l’image du céleste, pour
nous transporter comme Énoch en haut, dans notre patrie éternelle.
Alors le Seigneur sera glorifié dans ses saints — non pas comme
maintenant par leur obéissance et leur service, leur sainteté et les fruits de
l’Esprit en eux, mais par leur beauté personnelle.
Vêtus de blanc et resplendissant de gloire, nous serons les merveilleux
témoins de ce qu’il a fait pour les pécheurs qui ont mis en Lui leur confiance.
Ce qu’un frère très aimé et honoré dans le Seigneur vient de m’écrire, je vous l’écris de même bien-aimés : « Aucune alouette ne s’élancera plus allégrement dans les airs par une fraîche matinée, en chantant sa douce chanson, que vous et moi quand nous monterons à la rencontre de notre Seigneur en l’air ». Et l’exhortation que ce frère m’adresse, je vous l’adresse à mon tour (quelque faible que soit son écho dans mon coeur) : « Oh ! mon frère, placez la venue du Seigneur devant les yeux de votre coeur, comme une vivante réalité et qu’ensuite votre espérance attende patiemment de la voir s’accomplir ! »
« Amen ; viens, Seigneur Jésus ! »
Quel changement dans tout l’état de choses depuis les premiers jours de la Genèse !
Cette pensée se présente à mon esprit quand je lis les premiers
versets de ces beaux chapitres 6 à 11,
et
que je m’arrête un moment à réfléchir sur ce qui nous y est dit ; il est
cependant bien facile de trouver l’explication de cette étrange et étonnante
révolution. Au chapitre 1er, Dieu était seul, faisant fructifier l’oeuvre de
ses mains, selon sa sagesse, sa bonté et sa connaissance : tout était alors bon
et parfait. À la fin de chaque jour, Dieu trouvait ses délices à considérer
l’ouvrage de ses mains, et voici, tout était très bon ; ensuite, il sanctifia le
septième jour, pour célébrer ce repos et cette jouissance. Mais maintenant,
nous ne trouvons plus l’oeuvre parfaite du Créateur occupant ses pensées et ses
affections ; nous trouvons l’homme, apostat et inventeur de mauvaises choses,
qui remplit la terre de corruption et de violence, de sorte que l’Éternel
s’afflige et se repent d’avoir fait l’homme. C’est là le secret de ce grand
changement. L’homme s’est mis à l’oeuvre ; c’est l’homme ; ce n’est plus le Dieu
vivant, le Dieu bienheureux modelant et remplissant la scène du monde. La
conséquence est que la terre est pleine de violence ; il y a là des géants, de
vaillants hommes, des hommes de renom ; toute l’imagination de ce coeur, auteur
du « présent siècle mauvais », se trouve n’être que méchanceté en tout temps.
Tel est le secret. Le changement est complet, parce qu’un nouveau potier a travaillé au tour ; il ne pouvait en être autrement. Le chant des étoiles du matin, les éclats de joie des fils de Dieu n’avaient plus aucun écho dans la scène de la création ; l’homme y était — non comme faisant partie de l’oeuvre divine, mais comme un ouvrier condamné par sa propre oeuvre.
C’est précisément ce qui caractérise le commencement du chap. 6. Il n’y a, dans la créature, aucun remède pour tout ceci : car celui qui était le meilleur échantillon et la meilleure partie de la création est maintenant lui-même souillé. Les fils de Dieu eux-mêmes sont entraînés dans le bourbier ; ils n’ont d’autre mobile que leur propre volonté, leurs convoitises, leurs appétits.
Si Adam fut séduit par le plus rusé de tous les ennemis et se laissa guider par la vue de ses yeux et le désir de son coeur, nous voyons maintenant des anges, les fils de Dieu, séduits par un ennemi qui ne réussit pas moins bien. « Ils se prirent des femmes d’entre toutes celles qu’ils choisirent ». Dieu n’étant plus dans leurs pensées, peu importe qu’ils soient séduits par la promesse du serpent ou par la beauté des filles des hommes (Genèse 3:5).
Le fait que les hommes commencèrent à se multiplier sur la face de la terre est mentionné comme étant en rapport avec toute cette corruption ; il en fut de même dans l’histoire de l’Église (Actes 6: 1).
Tel était l’état de la scène, d’une extrémité de ce monde à
l’autre ; le jugement est prononcé contre toute la corruption et la violence qui
maintenant remplissaient la terre : « Mon Esprit », dit l’Éternel, « ne contestera
pas à toujours
avec l’homme ». Il
pourra y avoir, et il y aura un intervalle de patience, comme il est dit : « Ses
jours seront cent vingt ans » ; mais le jugement n’en est pas moins prononcé, et
le jour de la visitation arrivera — l’Esprit ne contestera pas à toujours.
Mais il y a ressource auprès de Dieu, aussi bien que jugement
par devers Lui. Si l’homme, l’ouvrage de ses mains
l’a « affligé », néanmoins, puisant en lui-même, il y puisera
(est-il permis de le dire ?) plus profondément encore, et il trouvera sa joie
dans les conseils de son coeur. «
Noé
trouva grâce aux yeux de l’Éternel ». L’homme, l’homme pécheur, va devenir
l’objet de l’amour qui choisit, qui pardonne, qui justifie — le coeur du
Seigneur va maintenant être en activité pour lui, comme sa main l’a été
autrefois lors de la création.
Ainsi, c’est en lui-même que le Seigneur puise ses voies de grâce, en lui-même, dans un sens plus profond et d’une manière plus profonde qu’auparavant. Ce n’est plus que la créature doive être restaurée ; une telle chose ne serait pas digne de Dieu. Quant à l’homme, Dieu se repentit de l’avoir fait sur la terre ; quant à la scène qui l’entoure, la pensée de Dieu est changée, irrévocablement changée, changée pour toujours. Dieu ne trouvera plus jamais ses délices dans l’homme tel quel, formé de la poussière, dans son état de nature. Mais la grâce peut faire une chose nouvelle — non pas réparer l’ouvrage gâté sur le tour par le potier, mais faire un autre vase, comme il plaît aux yeux du vrai potier de le faire. Dans son ancien état le vase était ruiné ; la grâce le prendra, tel quel, pour en faire un magnifique vase d’agrément, de la plus exquise beauté, digne de contenir les trésors les plus précieux.
Une ruine peut exciter notre admiration, en y réfléchissant, quelques-uns en sont venus à penser que cette admiration était mauvaise, et à condamner ceux qui trouvent du plaisir à contempler un objet qui parle de décadence et de mort, et rappelle l’entrée du péché dans le monde. Je ne crains pas de tranquilliser ceux qui pensent ainsi, et de leur dire qu’ils peuvent encore admirer une ruine, sans crainte et sans s’en faire des reproches. La créature rachetée est une vaste ruine mais précieuse et belle ; elle rappelle à toujours ce que fut la puissance du péché et de la mort, et proclame en même temps la glorieuse victoire, infinie en résultats, de Celui qui a annulé la mort. Les pensées de l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Christ, le ciel même et tous ses habitants, se complairont en cette ruine pendant l’éternité bienheureuse Elle sera l’ornement et fera les délices de la création de Dieu. « Exaltez, cieux ; car l’Éternel l’a fait ; jetez des cris, vous, profondeurs de la terre ; éclatez en chants de triomphe, montagnes, forêts et tous les arbres qui y sont ! car l’Éternel à racheté Jacob ». Et encore : « Il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance ».
C’est ainsi qu’une ruine fait l’admiration du ciel, car telles sont les voies de Dieu. L’oeuvre de ses mains fit au commencement ses délices ; maintenant, ce sont les conseils de sa grâce qui font ses délices, et il y a, au sujet du fils prodigue, la mélodie et les danses, dans la maison du Père.
Noé, après avoir trouvé grâce aux yeux de l’Éternel, reçoit les enseignements divins. Un vase d’élection est toujours l’instrument préparé par l’Esprit à travailler pour Dieu. L’Éternel communique ses pensées à Noé ; il lui annonce que le jugement d’un monde méchant, qui a maintenant comblé la mesure, est chose arrêtée ; mais que pour lui et sa maison, il y aura sûreté et une grande délivrance.
Le caractère de cette communication est très précieux ; car elle est exactement selon ce que Dieu
s’est proposé en lui-même dans son conseil.
C’est une faveur inappréciable.
Dieu dit à celui qu’il a élu, que la fin de toute chair est venue devant Lui —
chose que, dans son conseil secret, il avait déjà dite : « Mon Esprit ne
contestera pas à toujours
avec l’homme ».
Il dit à Noé ce qu’il pense, et le jugement qu’il porte sur la condition morale
de la terre — précisément ce
qu’il a déjà prononcé en secret par devers lui ; en outre, il lui dit de
préparer une arche pour la conservation de sa maison ; car, dans les conseils de
son amour pour ses élus, et dans son propos comme Dieu souverain, Noé avait
déjà trouvé grâce à ses yeux.
De telles considérations remplissent le coeur d’assurance. Nous
comprenons par là avec quelle précision
les
révélations qui nous sont faites, nous font connaître la pensée divine.
« Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ? » dit le Seigneur dans une autre
occasion, où, comme ici, il se parlait à lui-même. Et je puis dire que ces
révélations sont remarquables, en ce qu’elles sont complètes
aussi bien que précises. — Jésus dit aussi à ses
disciples : « Je vous ai fait connaître tout
ce que j’ai ou ; de mon Père », — à une exception près, toutefois. Le
Seigneur Dieu avait fixé à cent vingt ans la durée de sa patience. La
prédication de Noé, ainsi que la construction de l’arche, devaient durer ce
nombre d’années. Tel était le dessein de Dieu. Mais il ne fut rien dit à Noé de
cet intervalle de temps déterminé d’avance. Le Seigneur ne fit aucune mention
des cent vingt années. Noé savait, il est vrai, que les eaux ne pouvaient se
renforcer avant que lui et les siens fussent en sûreté dans l’arche ; mais,
combien de temps durerait la préparation, et si, la préparation achevée, il se
passerait quelque temps avant le commencement de la crue des eaux, Noé ne le
savait pas. Cette partie du conseil divin, le Père l’avait réservée à sa propre
autorité, c’était là l’exception à la complète révélation. Divers événements,
divers signes devaient précéder « le jour de l’Éternel », tels, au moins, que
l’achèvement de l’arche et l’entrée dans l’arche de tout ce qui devait être
sauvé. Selon le langage prophétique, le bourgeon du figuier devait être tendre
et pousser des feuilles. À supposer qu’avant que l’arche fût prête, quelqu’un
eût dit à Noé que les eaux croissaient, Noé n’aurait point été bouleversé, ni
aucunement troublé dans son esprit. Cela ne pouvait être. Dire alors : « Le temps
est proche », aurait été un mensonge, comme ce le sera plus tard, lorsque le
résidu d’Israël, l’élection terrestre, sera comme Noé, attendant la rédemption
(Luc 21:8). Mais le moment même, le terme de la patience divine, était réservé
à l’autorité du Père, et, quant au jour et à l’heure, personne n’en avait
connaissance. Combien ces harmonies sont riches et parfaites aux jours du
commencement, comme à ceux de la fin ! Noé, en ce temps-là, était un homme terrestre,
c’est-à-dire un élu destiné à
avoir un héritage sur la terre, et il en sera de même pour le résidu d’Israël
au temps à venir ; tous deux, en leurs jours respectifs, reçoivent des instructions
divines au sujet des paroles trompeuses propres à les alarmer, ou des promesses
qui pourraient les séduire ; mais le jour et l’heure de leur délivrance ne sont
pas révélés.
Dieu lui-même prescrit tout quant à l’arche : ses dimensions, sa disposition, et le matériel pour sa construction. Noé n’a qu’à la construire ; l’Éternel en donne le plan et en désigne l’aménagement. Le travail de la construction est simplement une épreuve de la foi, il est aussi la preuve de la foi : « Par la foi, Noé craignit et bâtit une arche pour la conservation de sa maison ». Plus tard, la préparation du tabernacle par les enfants d’Israël fut un acte de foi semblable. L’ordre leur fut donné de le construire, et ils le firent de franche volonté, empressés au service, apportant leur airain, leur argent, leur or, le coton blanc, les peaux de taisson, le bois de sittim, l’huile, les aromates et des pierres précieuses. Mais tout ceci était simplement l’obéissance de la foi qu’ils avaient dans le moyen de délivrance et de paix, que Dieu lui-même avait tracé d’avance et révélé. Ils firent le sanctuaire, comme Noé fit l’arche ; mais son acte et le leur n’étaient autres que la foi en ce que Dieu avait conçu pour eux. Et que sont encore l’Évangile et la foi à l’Évangile, sinon une révélation identique de ce que la grâce a préparé pour le pécheur, et l’obéissance à cette révélation ? La religion des élus a toujours été la même : « Sur le principe de la foi, afin que ce soit selon la grâce ». Au commencement, la foi aux conseils du Dieu souverain fut la religion d’Adam ; ce fut ensuite celle de Noé, plus tard, celle d’Abraham, enfin celle de tout vrai Israélite. C’est de même aujourd’hui la nôtre. À la nouvelle que la Semence de la femme, meurtrie par notre ennemi, lui a brisé la tête, nous tous, comme Adam, sommes affranchis de notre honte, de notre crainte et des reproches de notre conscience. Tous, de même que Noé, nous avons préparé une arche de salut et sommes devenus héritiers de la justice qui est sur le principe de la foi ; tous, de même qu’Israël, nous avons quitté la montagne de feu brûlant pour le sanctuaire où trône la miséricorde. Jésus, Jésus, ce nom se répète d’une extrémité à l’autre de la ligne des patriarches, des prophètes, des apôtres et des saints, gentils et Juifs, petits et grands, avec la mélodie solennelle qui charmera l’éternité bienheureuse.
Il ne s’agit pas seulement de bonté, ni d’une simple promesse,
mais de propitiation,
et de victoire,
et de bénédictions non pas promises, mais acquises
à grand prix.
Pénétrez dans le sanctuaire, et vous trouverez que là, il n’y a pas simplement la miséricorde mais la miséricorde sur le trône, la miséricorde sur l’arche de l’alliance, la miséricorde reposant sur l’oeuvre et la personne du Fils de Dieu. Or la foi regarde uniquement à un mystère qui a ce caractère. Elle ne parle jamais d’une simple bonté en Dieu, et ne pourrait pas plus le faire, qu’elle ne pourrait parler de justice morale dans l’homme. De telles idées sont inconnues à l’Évangile et la foi ne peut les saisir. L’Évangile révèle Celui qui reste juste, en justifiant l’impie. La bonté et la vérité se sont rencontrées, et c’est ce que les anges célèbrent d’avance en disant : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre paix ; et bon plaisir dans les hommes ». C’est ce que nous trouvons dans l’Évangile.
Abraham possédait cette foi, comme nous le voyons en Genèse 15.
L’Éternel lui avait dit : « Je te
donnerai ce pays pour le posséder ». C’était une promesse, la promesse de Celui
qui ne peut mentir. Elle était immuable ; et Abraham avait raison de la recevoir
par la foi. Étant pécheur, et sachant parfaitement bien, et avec raison, que
les promesses faites à un pécheur doivent être fondées et assurées sur autre
chose que sur lui, il les crut ; c’est pourquoi il dit aussitôt : « À quoi connaîtrai-je
que je le posséderai ? » Jetait-il par là un défi à Celui qui faisait la
promesse ? Mettait-il en question la fidélité divine ? Certes pas ; seulement la
foi le faisait parler à Dieu comme ayant conscience qu’il était pécheur, et,
par conséquent, la promesse qu’il avait reçue avait besoin de quelque garantie,
de quelque gage, pour que son coeur pût en jouir avec pleine certitude. Cela
fut agréable à l’Éternel. La foi plaît toujours à Dieu, comme aussi sans la foi
il est impossible de Lui plaire. Le Seigneur est aussitôt prêt à faire
comprendre à Abraham que la promesse
était fondée sur un sacrifice.
Noé, longtemps avant Abraham, possédait la même foi. En suivant
le sentier de la foi, il acquit un caractère plus élevé et parvint à la
justice. Dieu lui dit maintenant : « Je t’ai vu juste en cette génération ». « Par
la foi, Noé, étant averti divinement des choses qui ne se voyaient pas encore,
craignit et bâtit une arche pour la conservation de sa maison ; et par cette
arche il condamna le monde, et devint
héritier de la justice qui est selon la foi ».
Toutefois l’amour, la foi et la patience devaient ensemble
animer son âme et former sa vie pendant ce solennel intervalle de cent vingt
années. Tandis que l’arche se construisait, l’Esprit, par la prédication de Noé,
contestait avec la génération d’alors. Rien ne peut être plus beau et plus
rempli d’instruction que tout ceci. L’oeuvre de foi, le travail d’amour et la
patience d’espérance se voyaient en Noé : il était comme les saints de
Thessalonique. Il bâtissait l’arche, conduit par la foi qui avait reçu
l’avertissement divin ; conduit par l’amour, il prêchait la justice à sa
génération (2 Pierre 2:5), précisément comme ferait un saint d’aujourd’hui. Sa
propre sécurité était certaine et assurée : cela
il le savait ; mais il avait à coeur que ceux qui l’entouraient y eussent
part avec lui. L’Esprit contestait alors en rendant témoignage, de même qu’il
le fait maintenant ; mais journellement, chaque coup de marteau de Noé disait
que l’Esprit ne contesterait pas à
toujours.
À la fin de cette période préordonnée, mais dont la durée n’était pas révélée, Noé entra dans l’arche. C’était le grand salut en mystère. Il en fut de même dans la nuit du jugement de l’Égypte et de la délivrance d’Israël. L’histoire de Noé ne fut ensuite que celle de sa sécurité et de sa délivrance, assurées par les garanties les plus parfaites et le titre le plus précieux devant Dieu (celui d’homme juste), tandis que s’exécutait un jugement d’une terrible solennité. Tel est aussi le salut de l’Évangile. Plus tard, en Égypte, la même main qui brandissait l’épée de la destruction dans tout le pays, avait donné à Israël le sang pour protection. L’épée pouvait-elle les frapper ? C’était impossible. Au déluge, Celui qui avait tenu conseil avec lui-même au sujet du jugement de ce monde, avait aussi donné conseil à ses élus quant au moyen d’échapper. La main qui allait faire venir le déluge sur la terre était la même qui ferma l’arche sur Noé. Les eaux pouvaient-elles l’atteindre ? Impossible !
La même voix qui parle dans la foudre,
Dit au pécheur : Je suis à toi ».
Celui à qui appartient la vengeance a déterminé d’avance et en détail le moyen du salut ; Celui qui apporte l’épée en Canaan recommande d’attacher le cordon d’écarlate à la fenêtre. Mais à tout cela succède une scène solennelle de jugement. Le soleil se levait sur la terre quand, plus tard, Lot entra dans Tsoar ; mais cette heure de soleil était précisément celle où allait tomber la pluie de soufre et de feu. Rien ne pouvait être fait avant que Lot fût entré dans la ville ; alors, rien n’empêchait plus le feu de descendre.
Le moment de la visitation avait été tenu profondément caché. Les habitants de Sodome pouvaient dire : « Paix et sûreté », lorsqu’ils virent le soleil levant dorer comme d’habitude la scène belle et paisible qui les entourait ; mais une « subite destruction » n’en vint pas moins sur eux.
La génération de Noé mangeait, buvait, se mariait au moment même
où les eaux commencèrent à croître. Il n’y eut point de signe avant-coureur,
sinon l’entrée de Noé dans l’arche, comme, dans le cas de Sodome, la fuite de
Lot à Tsoar. D’ailleurs, s’emprisonner lui-même et tout ce qu’il avait dans les
flancs d’un vaisseau construit sur terre, c’était pour eux pure folie ; mais le
déloge vint, tandis qu’ils se croyaient en sûreté, et les emporta tous. Ils
ignoraient « volontairement » la parole de Dieu, le témoignage du « prédicateur de
la justice », qui leur parlait sur un principe d’espérance. C’était la
destruction subite et certaine pour tous ceux qui étaient hors de l’arche, mais
une sûreté divine, infaillible pour tous ses habitants. Plus tard, les villes
de refuge furent assignées par Dieu,
et
se trouver dans leurs murs était nécessairement le salut. Cela était impossible
autrement. De même aussi, la justice qui avait prononcé une malédiction sur
quiconque ne persévérerait pas dans toutes les choses écrites dans le livre de
la loi pour les faire, a prononcé en
faveur des pécheurs
une malédiction sur quiconque est pendu au bois (Gal.
3). Dieu renierait-il son propre remède pour le pécheur qui est sous la
malédiction de la loi, lorsque celui-ci, par la foi, se réclame de l’oeuvre du
Sauveur, maudit sur la croix ? C’est pareillement impossible.
« Et l’Éternel ferma l’arche sur lui ». La main puissante de l’Éternel assurait la sécurité de Noé. Il n’est point trop hardi de prétendre que tous ceux qui étaient entrés dans l’arche étaient aussi en sécurité que l’Éternel lui-même. L’Éternel remonta, sans doute, dans son ciel et sur son trône, établi pour toujours, et Noé fut laissé sur la terre dans le lieu et dans le jour même du jugement. Mais Noé jouissait de la même sécurité que l’Éternel : « Afin que nous ayons toute assurance au jour du jugement ; comme il est, Lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde ». Jésus est remonté au ciel, et nous sommes encore dans ce monde, dont le jugement est décrété devant Dieu ; mais nous avons la même assurance que Christ. Chose merveilleuse ! Cette mystérieuse et glorieuse sécurité est figurée par ce simple acte : « L’Éternel ferma l’arche sur lui ». Avant de remonter au ciel, il assura la sécurité de Noé par la puissance de sa propre main.
Du lieu de la mort, furent transportés dans l’arche du salut avec Noé, outre les « huit personnes », dont parle l’apôtre Pierre, deux ou sept animaux de chaque espèce : échantillons des bêtes de la terre, petites et grandes, oiseaux ailés et reptiles, ils furent tous mis à couvert et rachetés ensemble avec Noé.
Il en fut de même plus tard en Égypte. Il n’y resta pas un ongle des troupeaux d’Israël. La grande rédemption de ce jour-là pourvut pareillement pour tous — pour Moise avec les six cent mille hommes, leurs femmes et leurs enfants ainsi que pour leur bétail. Tous furent des témoins et des monuments de la puissance de Dieu à salut. Longtemps après, aux jours de Ninive, le Seigneur eut aussi pitié de « beaucoup de bétail », comme de cent vingt mille petits enfants, qui ne savaient pas distinguer entre leur main droite et leur main gauche.
Au jour à venir, lorsque Christ possédera son héritage, son empire s’étendra sur toutes les oeuvres de la main de Dieu : « Les brebis et les boeufs, tous ensemble, et aussi les bêtes des champs, l’oiseau des cieux et les poissons de la mer » ; et les champs, les fleuves, les montagnes, les arbres de la forêt chanteront de joie devant lui (Ps. 96).
Touchant mystère ! Toutes ces créatures ne sont-elles pas à Lui ? Sa main ne les forma-t-elle pas autrefois ; ses yeux et son coeur ne trouvèrent-ils pas en elles leur repos et leurs délices ? N’en serait-il plus de même ? Jonas pouvait s’affliger de ce que son kikajon avait séché, et le Seigneur n’épargnerait-il pas les oeuvres de ses mains pour en jouir d’une manière permanente ? Il renouvellera la face de la terre, comme il est écrit : a La gloire de l’Éternel sera à toujours ; l’Éternel se réjouira en ses oeuvres » (Ps. 104:31). « La vive attente de la création attend la révélation des fils de Dieu. Car la création a été assujettie à la vanité (non de sa volonté, mais à cause de celui qui l’a assujettie), dans l’espérance que la création elle-même aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour jouir de la liberté de la gloire des enfants de Dieu ».
Mais je m’arrête ici un moment pour considérer le caractère dispensationnel des jours de Noé.
La terre, par suite de l’apostasie d’Adam, a été perdue comme scène des délices de Dieu et du droit de bourgeoisie des hommes ; aussi les espérances et l’héritage des saints durant les jours d’avant le déluge étaient-ils célestes ; le Seigneur révélait par là, bien qu’obscurément, certaines parties des grands secrets de son coeur — secrets du bon plaisir qu’il s’était proposé avant que les mondes fussent, savoir que le ciel, aussi bien que la terre, devait être lié aux destinées de l’homme. C’est à la chute d’Adam, l’homme de la terre, que les cieux furent ouverts à l’homme (Genèse 5:24).
Mais, si cela eut lieu, la terre ne fut pas fermée, parce que le ciel était ouvert. Tel n’était point le conseil divin : Dieu voulait « réunir en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux, et les choses qui sont sur la terre ». L’appel céleste ayant déjà été révélé aux saints d’avant le déluge, le temps convenable était maintenant venu pour révéler le grand conseil de Dieu au sujet de la terre, et pour faire savoir qu’il ne l’avait pas abandonnée, bien que, dans ses voies dispensationnelles, il s’occupât maintenant des cieux.
Nous trouvons la même vérité en Apoc. 4. Lorsque les saints
célestes, « la plénitude des nations », les anciens et les animaux mystiques,
sont assis à leur place dans les lieux célestes, les pensées de Celui qui est
assis sur le trône se reportent vers la terre. Aussitôt
apparaît autour du trône l’arc-en-ciel, témoin du fait que
l’alliance qui donnait la sécurité à la terre,
allait être le point de départ de ce qui se ferait dans le ciel. Il en
était de même aux jours de Noé. La famille céleste ayant terminé sa carrière,
et Énoch ayant été enlevé, les pensées du Seigneur se reportent sur la terre,
et cela, pouvons-nous dire, tout
aussitôt ;
car la première chose caractéristique dans les déclarations de
l’Esprit de Dieu, c’est la prophétie de Lémec, d’après laquelle Dieu
s’obligeait en grâce à s’occuper de nouveau de la terre, et annonçait ce que
ferait Noé : « Celui-ci nous consolera à l’égard de notre ouvrage et du travail
de nos mains, à cause du sol que l’Éternel a maudit » (5:29).
Tout ceci est simple et ne peut guère être mal compris. La prophétie de Lémec qui l’annonce, nous dit ce que nous devons attendre et ce que nous trouverons en figure dans l’histoire de Noé. « La clef de la parabole est à la porte ». La rentrée en possession de la terre, dans laquelle Dieu retrouvera son repos et ses délices, aura lieu en des temps futurs, où paraîtra le vrai Noé, en qui, et en qui seul, toutes les promesses de Dieu sont oui et amen.
Toutefois une suite de grands événements doit précéder ces
temps. Il en est tout autrement de l’appel du peuple céleste, comme aussi, nous
l’avons vu, de l’appel des saints antédiluviens. Ceux-ci ne s’immisçaient
aucunement à ce qui se faisait autour d’eux. Ils laissaient la famille de Caïn
en possession tranquille et incontestée de ses villes et de ses richesses.
Comme toujours, avec un tel appel, Dieu, lors de la visitation, ne fait que
séparer son peuple, sans s’occuper de mettre le monde en ordre, ni de le juger.
Il le laissa comme il l’avait trouvé. Mais il en est autrement, quand il est
question des droits de Dieu sur la terre et de son dessein de les revendiquer
de nouveau. Autant, dans sa « sagesse si diverse », il laissait entièrement aller les choses
sans intervenir, autant il s’occupe maintenant à fond de chacune ;
car
c’est par le jugement qu’il doit purifier la terre et la rendre propre à lui
servir de marchepied.
C’est la vérité en rapport avec les dispensations de Dieu qui nous est enseignée dans les temps de Noé. La terre est venue en mémoire devant Dieu, et il s’en occupe de nouveau, mais pour la purifier en la jugeant. La sentence de mort est prononcée sur tout, afin de faire une chose nouvelle, en vertu d’une puissance et d’une grâce qui vivifient les morts. La terre elle-même était ensevelie sous l’eau, et la famille de Noé, le résidu d’élection, fut sauvée de la main du Dieu vengeur, comme plus tard l’homicide involontaire, loin du vengeur du sang, dans la ville de refuge qui lui était assignée ; et c’est ainsi que tous réapparaissent comme par une sorte de résurrection.
Des bêtes, des oiseaux, des reptiles de chaque espèce, entrent dans l’arche ; et là, dans ce refuge qui conserve tous ceux qui s’y trouvent, en paix, exempts de toute crainte de mal, les rachetés passent patiemment les jours de leur attente.
Mais ils ne sont pas seulement en sûreté ; car Dieu se souvient
d’eux. Il « se souvint de
Noé, et de tous les animaux, et de tout le bétail, qui étaient avec lui dans
l’arche ». De même, en d’autres circonstances, Josué se souvint de Rahab. Une
scène de mort et de jugement environnait notre patriarche. C’était une ruine
affreuse, immense, autrement vaste que celle de Jéricho la maudite, autrement
étendue que celle du pays du Pharaon, couvert de la nuit épaisse du jugement de
l’Éternel.. Mais Celui qui avait fermé l’arche sur son résidu se souvient
maintenant de lui, et lui accorde la vie présente et la perspective d’un bel
héritage.
Il en sera de même, aux jours à venir, pour le résidu d’Israël. Devant le Dieu de l’alliance, qui ne perdait pas Noé de vue, il y aura « un livre de souvenir » écrit « pour ceux qui craignent l’Éternel, et pour ceux qui pensent à son nom » (Mal. 3). C’est d’eux que l’Éternel dit : « Ils seront à moi, mon trésor particulier… au jour que je ferai ». De même ici, en vertu de ce souvenir de son alliance, Dieu fait passer un vent sur la terre ; les eaux baissent, et l’arche repose sur les montagnes d’Ararat.
Le fait que Dieu se souvint de Noé était infiniment précieux ; mais Noé, dans sa ville de refuge, avait d’autres consolations. Le souvenir de Dieu était la consolation secrète de la foi ; mais en lui-même, le patriarche passait aussi par des exercices bénis pour son âme.
L’arche avait une fenêtre. La porte était sous la garde de l’Éternel, mais la fenêtre était donnée à Noé pour s’en servir. Celui qui avait fermé l’arche sur lui, pouvait seul l’en faire sortir : les temps et les saisons étaient en sa main. Mais, bien qu’il ne soit pas en son pouvoir d’abréger le temps de son pèlerinage, tandis qu’il est prisonnier de l’espérance, néanmoins les espérances du prisonnier peuvent être entretenues d’une manière très précieuse, et ses exercices d’âme lui sont en bénédiction. Noé peut ouvrir la fenêtre, choisir et lâcher ses messagers — son Caleb et son Josué — pour reconnaître le pays, lui faire rapport sur son apparence, bonne ou mauvaise, et lui en rapporter du fruit.
Dans ces choses, quelle beauté et quelle sagesse brillent à nos
yeux et parlent à notre coeur ! Cette fenêtre de l’arche et son usage, que ne
nous disent-elles pas ? La manière de
faire
divine est parfaitement digne des communications
divines. Ce sont : « des pommes d’or incrustées d’argent », selon l’expression
de l’Esprit.
L’enseignement typique, symbolique, par paraboles, a beaucoup d’attrait pour le coeur et y est aussitôt accepté. C’est ce que nous éprouvons tous, précisément comme les enfants aiment les images et les histoires. Non seulement, je le ferai remarquer ici, les doctrines nous sont enseignées ainsi, comme aussi les grands mystères de la gloire ; mais par le même moyen, les expériences de l’âme, les opérations de l’Esprit dans l’homme, nous sont rendues plus faciles à comprendre. Par exemple, la conviction qu’avait Adam de son péché est exprimé par le fait qu’à la voix de l’Éternel Dieu il se cache au milieu des arbres du jardin. La perplexité d’une âme, réveillée au sentiment de son état, et son attente anxieuse, quand elle ne sait encore où trouver une voie de salut, nous les voyons dans l’Israélite debout à l’entrée de sa tente, dépouillé de ses ornements et suivant des yeux le Médiateur à son entrée dans la tente d’assignation (Ex. 33). Moise, avec ou sans voile sur son visage, nous aurait parlé des exercices de coeur et de leurs effets, même si, nous éclairant par l’intermédiaire de l’apôtre, l’Esprit ne fût venu en aide à notre intelligence (2 Cor. 3).
Nous pourrions passer en revue mille exemples semblables. C’est
ainsi que Dieu fait pénétrer ses grandes pensées dans nos âmes. Grâce à ces
figures, nous sentons le Seigneur tout près de nous ; il frappe à la porte de
notre coeur. Nous ne voyons pas sa grâce se déployer au loin, ou briller de
loin sur nous ; mais le Seigneur lui-même et sa bénédiction viennent tout près
de nous, pour que nous les acceptions sans réserve. Nous pouvons admirer,
mais si nous ne jouissons
pas en même temps, le but de
la révélation n’est pas atteint.
Ce mode de présentation de la vérité se voit en sa beauté dans les jours de Noé. On le trouve, d’ailleurs, dans la Genèse toute entière. C’est un livre où les choses doivent être prises dans un sens « allégorique », comme nous dit l’apôtre Paul ; ce sont des histoires divines écrites pour les écoliers de Dieu.
L’arche, ainsi que j’en ai déjà fait la remarque, avait une porte et une fenêtre, et Noé avait des agents pour les envoyer, comme plus tard les espions dans la terre promise ; la mission de ces agents, le corbeau et la colombe, est une figure de ce que font éprouver au croyant les efforts opposés de la chair et de l’Esprit qui luttent en lui.
Le corbeau ne revient pas. La terre n’est pas encore purifiée, mais un être impur peut s’y trouver à l’aise. Le présent siècle, le monde mauvais, satisfait l’homme déchu, dégradé. Du reste, l’arche, pour le corbeau impur, était plutôt une prison qu’un lieu de sûreté. Une fois qu’il en est sorti, il n’y revient plus. Mais Noé ne se fie pas au corbeau, et il est beau de voir son intelligence. Le corbeau peut rester dehors ; mais, pour Noé, ce n’est nullement une preuve que la terre soit purifiée et qu’il puisse y poser la plante de son pied. Au lieu de se fier au corbeau, il envoie un oiseau pur, dont le retour confirme ce qu’avait fait comprendre la non-réapparition du premier. En principe, nous voyons entre les deux la même différence qu’entre Caleb et Josué, d’une part, et les espions leurs compagnons, de l’autre. L’instinct de la colombe la ramène à l’arche. Il n’y avait aucun repos pour elle dans un lieu qui était sous le jugement de Dieu et non encore purifié. Noé, sachant qu’il pouvait se fier à elle et la laisser décider la question, la lâche une deuxième et une troisième fois. Il avait certes raison de se fier à celle dont toutes les sympathies étaient pour les gages de paix et pour ceux d’une nouvelle création. La seconde fois, elle apporte dans son bec une feuille d’olivier, et la troisième fois elle ne revient plus.
Mystère plein de beauté ! La terre était maintenant rachetée de la malédiction, et la colombe peut trouver ses délices dans l’état d’une nouvelle création. Elle y respire l’air qui convient à sa nature. C’est désormais le pays de la colombe et de l’olivier, et Noé comprend pourquoi il ne revoit plus l’oiseau pur. Il enlève aussitôt la couverture de l’arche et regarde ; et bientôt après le Dieu de gloire lui ouvre la porte, de même que le Dieu de toute grâce l’avait fermée sur lui.
Assurément, ce sont ici les voies du Saint, les voies de l’Esprit de Christ. Je ne connais aucun fait plus riche en instruction. Nous avons l’arche, sa fenêtre et sa porte. L’arche elle-même était le lieu de sûreté, la fenêtre était pour laisser voir au-dehors, et la porte pour sortir au moment convenable. Tout ceci nous montre la foi et l’espérance arrivant au terme de leur pèlerinage, dans le lieu de la gloire promise.
Noé n’éprouvait aucune appréhension au sujet de l’arche ; il ne s’occupait nullement d’examiner si le bois des parois ne laissait point pénétrer l’eau ; il n’avait aucun doute à cet égard. Dans son vaisseau, il n’avait point de pompe pour la puiser, si j’ose me servir de cette figure triviale, qui glorifie Jésus quant à la sécurité qu’il donne au pécheur.
L’enseignement que nous recevons peut être des plus profonds quant à la pensée de l’Esprit, mais le lieu où nous le recevons peut être en apparence très banal. Voyez par exemple, Genèse 48. Vous êtes devant le lit d’un vieillard mourant — scène bien humble et bien ordinaire. Mais là, nous sont révélés en figure quelques-uns des secrets les plus profonds et les plus riches des conseils de Dieu — le grand mystère de notre adoption, suivant le bon plaisir divin ; et ensuite, notre réception dans la famille de Dieu au jour de notre manifestation ou de notre conversion. Or y a-t-il des conseils de grâce plus riches que ceux-là ? Et à quelle école plus commune auraient-ils pu nous être communiqués ?
Auparavant, dans le chap. 16, nous sommes témoins d’arrangements
domestiques dans la famille d’Abraham quant à la servante et à sa maîtresse ;
nous voyons leurs disputes ; et cependant, nous trouvons là le profond mystère
des deux alliances (Gal. 4). Ensuite, au chap. 21, dans le fait tout ordinaire
du renvoi d’une servante, un autre côté du même mystère nous est présenté. La
sagesse de Dieu se complaît au milieu de ces scènes ; ainsi se trouve réfutée la
fausse pensée de l’homme, que les choses importantes doivent être exprimées
d’une manière imposante — et, comme disait Naaman, que le prophète doit sortir
de la maison, se tenir là, et invoquer le nom de l’Éternel, et promener sa main
sur la place malade. (2 Rois 5:11). Mais en général, c’est par des instruments
simples et qui n’ont rien de remarquable, que se déploient la sagesse et la
puissance de Dieu. Le son des cors renversa Jéricho, et de pauvres pêcheurs ont
bouleversé la terre habitée, comme on les en accusait. Mais cette action
familière de la sagesse de Dieu nous aide à saisir l’instruction et la fait
pénétrer profondément dans notre coeur. J’ose donc répéter qu’il n’y avait
point de pompe à puiser dans le vaisseau de Noé. En effet, la chose était
impossible, car elle aurait porté à douter du bon état de l’arche, et aurait
proclamé l’insuffisance du moyen de salut prescrit par Dieu. Cela ne pouvait
être. Il suffit de voir ce que sont
les
conseils et les oeuvres de Dieu, pour les reconnaître toujours comme étant de Lui.
Leur simplicité, et néanmoins
leur parfaite suffisance, leur donnent un caractère propre. « Que la lumière
soit. Et la lumière fut », « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé » ; et le
geôlier, croyant Dieu, se réjouit avec toute sa maison.
La même simplicité se voit dans ces jours reculés. Le coeur de Noé n’était aucunement souillé par la méfiance. Il était tranquille, ayant parfaitement confiance en son vaisseau, parce que Dieu lui-même en avait donné le plan et avait approuvé le travail, ou, mieux encore, puis-je dire, parce que Dieu lui-même avait bâti l’arche. La foi remplissait son coeur de paix et d’assurance quant au jugement, et l’espérance le remplissait quant à la gloire à venir.
Telle est la voie de ce « prisonnier de l’espérance » (Zac. 9:12). Prisonnier de l’espérance
est un des
titres que l’Esprit, puis-je dire, donne à tous les saints de Dieu. Jérémie fut
tel en son jour. Il était enfermé dans « la cour de la prison qui était dans la
maison du roi de Juda », et cela, à cause de Christ. Il était le prisonnier de
Dieu, et tous ceux qui le sont, sont des prisonniers de l’espérance. Dieu dit à
Jérémie d’acheter le champ de Hanameël : il y avait là de quoi nourrir
l’espérance, comme la feuille d’olivier au bec de la colombe. Cet achat parlait
au prophète d’heureux jours à venir, et pourtant au moment même il était en
prison avec l’armée des Chaldéens aux portes de la ville, et tout le pays
désert. Les eaux de ce nouveau déluge l’environnaient de toutes parts ; mais
l’arche du prophète, comme celle du patriarche, avait une fenêtre.
Dans la nuit de la Pâque, Israël était aussi prisonnier de
l’espérance. Sandales aux pieds, bâton en la main, reins ceints, les Israélites
attendaient au milieu même des jugements de l’Éternel ; mais, comme notre
patriarche, ce qu’ils attendaient, c’était de sortir pour atteindre l’héritage
de l’Éternel. Occupant en toutes choses la première place, Jésus nous montre
maintes et maintes fois la voie parfaite d’un prisonnier de l’espérance, qui
attend sa part à la résurrection. Lorsqu’il entre à Jérusalem, en Jean 12, et
que les Juifs et les gentils, qui demandaient à le voir ont les yeux tournés
vers lui, quand toutes les dignités et toutes les joies du Fils de David
semblent se présenter à lui, son coeur s’attache à l’espérance de la
résurrection, comme « à la joie qui était devant lui », mais il parle du grain de
froment qui tombe en terre et meurt. Une constante espérance tenait ses regards
fixés sur la gloire, non pas de cette heure-là, mais sur celle d’au delà
de cette heure. Dans un esprit
d’entière consécration et de parfait sacrifice, il fait à son Père l’abandon de
sa royauté présente, quelque glorieuse qu’elle fût pour lui dans ce monde et
quelque riche que fût la promesse de tous les royaumes de la terre. Alors une
voix venant du ciel se fait entendre à ce parfait, à ce bienheureux « prisonnier
de l’espérance », lui assurant qu’au temps propre, aux jours de la résurrection,
son titre et sa victoire seront reconnus, pour ne lui être jamais retirés.
O Jésus, nul n’est comme toi ! Cette voix qui venait du ciel fut la nourriture du prisonnier de l’espérance. La transfiguration sur la sainte montagne avait-elle été autre chose ? Jésus avait parlé de sa mort à ses disciples, et les avait encouragés (comme il nous encourage aussi, bien-aimés) à ne pas aimer leur vie dans ce monde, lorsque, six ou huit jours après, la sainte montagne resplendit soudain de la lumière de la résurrection, sortant des régions millénaires. Et cette visite de la gloire était-elle autre chose que la grappe d’Eshcol apportée de Canaan au camp du désert, ou que le retour de la colombe avec la feuille d’olivier ?
Quoiqu’il en soit, le moment arrive enfin où « le double » est rendu à ce « prisonnier de l’espérance » (Zac. 9:12). « Et Dieu parla à Noé, disant : Sors de l’arche, toi, et ta femme et tes fils et les femmes de tes fils avec toi. Fais sortir avec toi tout animal qui est avec toi, de toute chair, tant oiseaux que bétail, et tout reptile qui rampe sur la terre ». Et Noé sortit. Il posa le pied sur la terre renouvelée, où, à cette heure mystique, tout était de nouveau, dans un sens profond, selon la pensée de Dieu ; la terre n’était plus corrompue, comme lorsque Noé l’avait foulée dans son état précédent ; elle était maintenant purifiée par le jugement.
Tout ce qui était entré dans l’arche treize mois auparavant en sort maintenant. Les petits animaux et les grands y avaient été, les petits en tout aussi parfaite sécurité que les grands ; les reptiles des fossés et des haies étaient, aussi bien que Noé lui-même, à l’abri de tout danger et de tout mal. Précieux mystère ! Il se peut que nous soyons petits, et nous le sommes, comme nous le savons bien dans notre coeur ; mais le ciel, la scène future du déploiement de la gloire, a été préparé, comme jadis l’arche, pour recevoir les petits aussi bien que les grands. « Une voix sortit du trône, disant : Louez notre Dieu, vous tous ses esclaves, et vous qui le craignez, petits et grands ». Nous pouvons être tranquilles, bien que nous sachions que nous sommes « petits » de toute manière, ainsi que l’était toute créature infime qui entra dans l’arche de Noé. Toute petite qu’elle fût, elle était comprise dans l’alliance qui faisait de tous et de chacun, suivant sa nature et sa mesure, des héritiers du monde nouveau. La maison du Père dans les hauts lieux est sûrement disposée pour recevoir, malgré leurs différences, « les petits et les grands ». Aux jours d’autrefois, les tribus les plus éloignées d’Israël, celle de Dan même et celle de Nephthali, joignirent leurs voix à celles des princes de Juda, et au cri de triomphe, lorsque le feu descendit et qu’en mystère, la gloire de l’Éternel fut inaugurée (Lév. 9). Clément et d’autres compagnons d’oeuvre n’égalaient pas Paul dans la mesure de leurs travaux ou dans l’énergie de l’Esprit ; mais ils étaient des Paul en tant qu’ils avaient, comme lui, leurs noms écrits dans le livre de vie (Phil. 1:3). Le Père a bâti sa maison dans les cieux, de manière à ce qu’elle puisse recevoir les saints aussi bien que Jésus lui-même. Son dessein était tel dès le début. Avant que les fondements en fussent posés, ce plan et ce propos étaient arrêtés. Dans les conseils de l’amour éternel, il avait été décrété que la maison serait grande, qu’il y aurait plusieurs demeures, en sorte que tous les enfants y eussent place.
Que dirons-nous, bien-aimés ? Nos pensées et nos conceptions de cet amour de Dieu, lui rendent-elles justice ? Autant vaudrait dire que ce que vous apercevez du sommet des plus hautes montagnes est toute la création de Dieu. Votre oeil ne pourrait pas mesurer de là la dix millième partie de la terre. Et combien moins la longueur, la profondeur, la largeur, et la hauteur — l’amour du Christ, qui surpasse toute connaissance !
« Et Noé bâtit un autel à l’Éternel, et prit de toute bête pure et de tout oiseau pur, et offrit des holocaustes sur l’autel. Et l’Éternel flaira une odeur agréable ; et l’Éternel dit en son coeur : Je ne maudirai plus de nouveau le sol à cause de l’homme, car l’imagination du coeur de l’homme est mauvaise dès sa jeunesse ; et je ne frapperai plus de nouveau tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. Désormais, tant que seront les jours de la terre, les semailles et la moisson, et le froid et le chaud, et l’été et l’hiver, et le jour et la nuit, ne cesseront pas ». La purification opérée par les eaux du jugement n’avait point produit de changement dans l’imagination des pensées du coeur de l’homme. Celles-ci étaient toujours mauvaises et rien que mauvaises. Le coeur n’était pas guéri, car « ce qui est né de la chair est chair », bien qu’il y ait l’eau pour purifier, et le feu pour affiner. Ce ne fut point un changement survenu dans la chair qui suggéra à l’Éternel, à l’égard des hommes, des pensées de paix et non de mal.
« La foi regarde au sang de Christ, et non pas à la victoire sur
la corruption », a dit quelqu’un, même lorsque cette victoire existe. Mais ici, malgré la corruption,
le sang éveille
des pensées de paix et non de jugement, car il donne au pécheur un avenir et
une espérance. Le sang de Christ était dans la pensée et sous les yeux de Dieu,
et cela suffisait, alors, comme plus tard, au jour des expiations, où le sang
de l’aspersion était partout en vue. C’était le grand secret, le grand principe
de ce jour typique en Israël. Le sang de l’agneau (Lév. 16) était porté devant
Dieu, accompagné d’une nuée d’encens, de sorte qu’Aaron lui-même en était
couvert, et il n’y avait personne, dans la tente d’assignation pendant la
sainte cérémonie de l’aspersion du sang sur tous les vaisseaux du service.
Christ, en mystère, y était en vue, et rien que Lui : le résultat était que les
péchés étaient emportés dans le désert, dans une terre inhabitée, dans un lieu
d’oubli, où aucune voix ne pouvait s’élever pour accuser, juger, ou condamner,
où rien ne pouvait
se faire entendre
que la voix du sang qui parle mieux qu’Abel.
Le sang des victimes offertes par Noé et placé sous l’oeil de
l’Éternel avait ému le coeur de Dieu. Est-ce que je parle à la manière des
hommes ? Non, car nous lisons : « L’Éternel dit en son coeur : Je ne maudirai plus
de nouveau le sol ». De même le Sauveur (lié en esprit pour être mené à l’autel)
dit : « À cause de ceci, le Père m’aime
c’est
que moi je laisse ma vie ». Ainsi, le coeur de l’Éternel Dieu avait imprimé son
sceau sur l’acceptation du sacrifice. Il en était de même aux jours de Noé. La
parole qui venait du coeur même de l’Éternel après le sacrifice du patriarche,
le brandon de feu qui passe devant les yeux d’Abraham (Gen. 15), la réponse de
Dieu à Salomon (2 Chr. 1), proclament la valeur de la croix de Christ aux yeux
de Dieu. Lorsque le vrai sacrifice a été offert une fois pour toutes, le voile
qui se déchire du haut en bas, les rochers qui se fendent, et les sépulcres qui
s’ouvrent, rendent le même témoignage. Quelle riche variété ce témoignage de
l’oeuvre acceptée ne revêt-il pas après l’oeuvre accomplie « au lieu appelé
Crâne » ? et il fut proclamé, pour ainsi dire, dans toutes les langues : en
hébreu, en grec et en latin.
Noé reçoit aussitôt de nouvelles et nombreuses bénédictions quant à la gloire et à l’héritage, comme il en avait déjà quant à l’élection, l’acceptation en grâce et la justice qui est par la foi. « Dieu bénit Noé et ses fils, et leur dit : Fructifiez et multipliez et remplissez la terre. Et vous serez un sujet de crainte et de frayeur pour tout animal de la terre, et pour tout oiseau des cieux, pour tout ce qui se meut sur la terre, aussi bien que pour tous les poissons de la mer ; ils sont livrés entre vos mains ».
Noé est béni dans le monde nouveau. Cette bénédiction lui confère la possession et la souveraineté de la terre, et le droit de faire servir à son usage les créatures pures et de s’en nourrir. Il lui fut donné, pour lui servir de nourriture, « tout ce qui se meut et qui est vivant ».
Il recevait un grand domaine, un domaine aussi vaste que la
scène qui l’entourait ; sa souveraineté s’étendait aussi loin que sa vue ; il
était seigneur du monde nouveau, comme Adam l’avait été. Toutefois, il reçoit
une instruction, en même temps que ce poste d’honneur : il apprend qu’il ne faut
pas manger le sang de l’animal avec sa chair :
« Tu
ne mangeras pas la chair avec sa vie, c’est-à-dire son sang » — principe
auquel sont liés toutes les pensées et tous les conseils de Dieu dans ses voies
à l’égard des pécheurs ; cette défense, ou restriction imposée maintenant à Noé
était aussi juste que la défense faite à Adam de manger de l’arbre du milieu du
jardin, tandis que tout le reste était mis entre ses mains.
Le sang était la vie, et défense était faite à l’homme de le manger. Le manger aurait été s’arroger audacieusement ce qu’il avait perdu par son péché, ç’aurait été prétendre à regagner la vie en forçant le passage défendu par l’épée des chérubins. Cette ordonnance disait au pécheur qu’ayant perdu tout droit à l’arbre de vie, il ne peut aucunement y retourner de son propre chef. La vie a fait retour à Dieu. C’est à Lui que le sang appartient. L’Évangile vient nous apprendre l’usage que Dieu a fait du sang, savoir qu’en vertu de ce sang, il a ordonné pour le pécheur gisant dans la mort une vie nouvelle, éternelle, qui ne peut se perdre.
Les voies de Dieu dans l’Évangile se trouvaient donc présentées à Noé dans cette ordonnance : « Tu ne mangeras pas la chair avec sa vie c’est-à-dire son sang ». L’autel de Noé nous avait déjà fait voir que, comme Adam, il avait foi à la Semence de la femme, et que ce mystère était le fondement de sa religion et de son adoration Mais ici, tout en lui conférant la possession, le gouvernement de toutes choses et le droit d’en user, l’Éternel ne veut pas passer par-dessus cette importante exception à ce qu’il donne ; car elle proclame le grand secret ou principe de son Évangile. Dans les circonstances de Noé, dans la différence entre une créature innocente et un pécheur ruiné, cette exception était, comme je l’ai déjà dit, aussi juste et nécessaire que, pour Adam, celle de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Christ ayant accompli l’expiation par son sang, nous recevons de
Lui la vie. Mais nous reconnaissons absolument que nous ne pouvons l’obtenir de
nulle autre manière. Nous ne la cherchons
pas ailleurs, mais, de Lui, comment la refuser ?
Nous savons que nous étions
morts dans nos fautes et dans nos péchés ; nous savons aussi que nous avons la
vie en Lui, mais en Lui seul. Adam apprit ces choses en entendant la promesse
de la Semence de la femme et par l’épée des chérubins ; Noé les apprit, ou en
fut témoin, par son autel et par l’ordonnance au sujet du sang. Ces choses, le
Livre de Dieu tout entier les déclare ; et l’éternité les célébrera.
Il y a encore ici autre chose : Cette bénédiction divine nous montre Noé, l’épée de la justice à la main. Les deux devoirs de protéger et de venger son semblable lui incombent. La personne de l’homme est sacrée, et sa vie, c’est-à-dire son sang, sera redemandé, qu’il ait été répandu par un homme, ou par un animal. « Et certes je redemanderai le sang de vos vies ; de la main de tout animal je le redemanderai, et de la main de l’homme ; de la main de chacun, de son frère, je redemanderai la vie de l’homme. Qui aura versé le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé » (*).
(*) Un autre l’a très bien dit : Le principe du gouvernement
était représenté par Noé,
Adam avait été le chef représentatif de la création
,
et Noé l’est maintenant du gouvernement
.
Je ne doute pas qu’après la dispersion judiciaire, par la confusion des
langues, à Babel, les nations ne devinrent des associations dans lesquelles
Dieu reconnaissait encore l’épée de la justice et le siège du gouvernement, et
les reconnaît encore aujourd’hui, de même il nous incombe encore de les
reconnaître et de les honorer religieusement.
Ensuite un grand sujet nous est présenté. Avant que l’arche fût
bâtie et que le déluge fût venu, Dieu avait dit à Noé : « J’établis mon alliance
avec toi » (6:18). Maintenant que le jugement est passé, que la terre nouvelle a
été reçue en héritage par la famille de Noé, cette alliance nous est donnée en
détail, et Dieu en accorde le signe à ses élus (9:8-17). C’est ici que le mot
« alliance » est employé pour la première fois. Toutes les alliances dont il est
parlé dans l’Écriture sont données en termes précis. Les parties intéressées et
l’objet en vue y sont bien expliqués et clairement définis. Aucune erreur n’est
possible à cet égard. Que ce soit l’alliance avec Noé au sujet de la terre,
l’alliance avec Abraham et sa semence, l’alliance au sujet de la sacrificature
avec Phinées, celle au sujet du trône avec David, tout est défini ; les parties
intéressées et le ce sont décrits. Ces alliances n’ont aucun rapport, en suis
certain, avec l’appel spécial de l’Église. Elles n’expriment aucunement l’appel
spirituel dans les lieux célestes, ni les résultats de notre union avec Christ ;
tandis que les Écritures du Nouveau Testament déclarent, en maints endroits le propos
, ou le conseil de Dieu selon le
bon plaisir de sa volonté, le mystère caché en Dieu avant la fondation du monde
et auquel l’Église est directement intéressée. (Voir Rom. 16:25; 1 Cor. 2:7;
Éph. 1:9; 3:8-11; Col. 1:26; 1 Tim. 3:9).
On pourrait demander : Ce conseil de Dieu prend-il la forme d’alliance ? Non, le conseil arrêté de Dieu, et non pas une transaction conditionnelle, est exposé dans le Nouveau Testament. Ce conseil a-t-il le caractère d’une alliance ? Il n’a jamais été appelé de ce nom ; mais nous pouvons dire, je crois, que bien des choses y sont mentionnées qui appartiennent à la substance d’une alliance. Des promesses ont été faites, des délibérations prises quant au prix stipulé, des arrangements ratifiés, et tout cela comme ayant été convenu entre des parties intéressées et distinctes. « Il est écrit de moi dans le rouleau du livre ». « Dès l’éternité je fus établie ». Ces paroles et d’autres semblables, dans la bouche de Christ, se rapportant aux choses les plus saintes et les plus profondes, sont utiles pour guider nos pensées sur ce sujet. Non seulement notre élection et l’appel à notre gloire spéciale, dans la prédestination, ont précédé la fondation du monde (Rom. 8:28-29; Éph. 1:4-5; 1 Pierre 1:2), mais nous fûmes alors formellement donnés à Christ par le Père (Jean 6:37, 39; 10:29; 17:2, 6, 8, 9, 11).
Il est aussi déclaré que la vie éternelle a été promise avant les temps des siècles : ce qui nous donne à comprendre que Christ était une des parties intéressées à la transaction riche en résultats bénis qui fut alors conclue, et, sans être une alliance, en a le caractère (Tite 1:2).
Ce n’est donc pas une transaction comme celle que Dieu fit avec Noé, Abraham, David et Phinées, mais elle en a les caractères, savoir : deux parties intéressées et distinctes, des stipulations définies et le tout confirmé, tenu et observé. Quelle jouissance l’esprit des saints ne trouve-t-il pas dans la vérité bénie de cette grande transaction d’une portée éternelle, par laquelle le Père et le Fils se sont obligés envers nous ! Ainsi que nous lisons : « Élus selon la préconnaissance de Dieu le Père, en sainteté de l’Esprit, pour l’obéissance et l’aspersion du sang de Jésus Christ » (*).
(*) En tant qu’elles nous font comprendre les actes bénis et distincts des Personnes de la Divinité, selon qu’il a été préordonné dans leur transaction, nous pouvons nous rappeler les paroles du Messie, en Ésaïe 48: « Et maintenant le Seigneur l’Éternel m’a envoyé, et son Esprit ». Quelles paroles ! Combien elles sont pleines de grâce envers les pécheurs, d’une grâce profonde, décrétée et déterminée d’avance ! Et elles concordent parfaitement avec ce qui est rapporté dans les évangiles, car là non seulement le baptême de Jésus, mais aussi beaucoup d’autres passages, nous disent et nous font voir que, selon cette parole du prophète la mission et le ministère du Seigneur Jésus dépendaient du fait que Dieu l’avait consacré et que le Saint Esprit l’avait oint, le Seigneur l’Éternel et son Esprit ont envoyé le Fils, le Christ ou Messie.
Quels solides fondements ! Quelles merveilleuses révélations de
la grâce ! Dieu lui-même, Père, Fils, et Saint Esprit, est pour nous, selon ses
conseils et dans ses actes. Dans l’Évangile, l’homme ne fait que voir et entendre.
C’est Dieu
qui travaille, c’est Lui qui agit
et fait les sacrifices ; le pécheur n’a qu’à écouter et à vivre ; il n’a qu’à
regarder pour être sauvé. Mais ce que Dieu fait ainsi dans l’Évangile de sa
grâce, comme nous le voyons, est le fruit de conseils précieux et merveilleux,
qu’il s’était proposés en lui-même avant que les mondes eussent été formés. Et,
je le demande, qu’est-ce qui peut surpasser une telle chose ? Peut-on concevoir
pour le pécheur, à part cela, aucun droit, aucun fondement stable qui puisse
calmer tout mouvement, tout malaise de sa conscience ? Dieu a été à l’oeuvre
pour lui, il a fait des sacrifices pour lui, et tout ceci suivant des desseins
formés avant les temps des siècles. Le pécheur n’a pu être rendu heureux qu’aux
dépens de Dieu, si j’ose m’exprimer ainsi.
Ce que Jésus a fait, il l’a donc fait en vertu d’une alliance ou
conseil. La promesse est faite à Noé que les eaux ne se renforceront plus pour
détruire la terre, mais cette promesse repose sur le solide fondement du sang
d’une alliance. L’autel de Noé avait déjà fait monter une odeur agréable, une
odeur de repos, vers Dieu, qui y avait trouvé satisfaction et bon plaisir ;
c’est pourquoi l’Éternel avait dit : « Je ne maudirai plus de nouveau le sol à
cause de l’homme ». Ce sang était le fondement de la promesse. Il en est
exactement de même plus tard pour Abraham. Le pays lui est promis, mais cela en
vertu de l’alliance de Celui qui passe entre les pièces du sacrifice. Il n’y a
aucune bénédiction promise,
qui ne
soit aussi achetée à prix :
comme nous
l’avons dit déjà, il n’y a point de trône de grâce qui ne repose sur l’arche de
l’alliance (Gen. 15:17).
Mais, comme elle est basée sur le sang, l’alliance a aussi un sceau. L’arc dans la nuée en rend
témoignage, le sang en est le fondement.
Tout ceci présente à l’âme des
pensées merveilleuses. Le fondement et le témoignage, le sang et le gage, le
prix payé et l’attestation du grand acte de Dieu sont rappelés ici. De même que
l’arc dans la nuée, la circoncision dans la suite sera le sceau des engagements
contractés.
Mais tous ces signes, quelque beaux qu’ils soient, ne sont rien quand nos pensées se portent sur leur grand antitype. C’est le Saint Esprit lui-même qui est donné maintenant comme le grand signe, comme le sceau de notre adoption, les arrhes de notre héritage, le témoignage de l’oeuvre accomplie de Jésus, et du fait que cette oeuvre est acceptée, selon toute sa valeur.
Quelles précieuses pensées ! La promesse de Dieu fondée sur le
sang du Fils, témoignage étant rendu à son efficace par la présence de
l’Esprit ! Avec quelle réalité Dieu s’est donné lui-même à nous dans cet acte
merveilleux accompli pour les pécheurs ! L’âme ne peut concevoir une plus riche
bénédiction. Nous sommes intéressés dans les voies divines, mais elles sont fondées
sur des conseils éternels, qui nous révèlent, et comme étant pour nous,
le nom de Dieu, comme « Père,
Fils et Saint Esprit ».
Comme nous devrions être ravis d’extase, en présence d’une telle révélation ! Quel mystère nous est dévoilé ! Et qu’avons-nous à faire sinon, avec Moïse, « à nous détourner et à voir cette grande vision », à nous détourner de toute autre chose ? Plus cette vision remplira nos yeux, plus nous sentirons notre petitesse devant elle. Que ce mystère occupe beaucoup nos pensées. « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent, pour leur faire connaître son alliance ». Considérons cette grande transaction décrétée avant les temps des siècles : elle fait déployer toutes les énergies de l’amour et de la puissance dans le Père, le Fils et le Saint Esprit, accomplissant pour les élus les desseins les plus merveilleux de la grâce et de la gloire, suivons-la comme Moïse, de nos yeux, jusqu’à ce que Celui qui en est le centre, et dont le nom nous explique tout, nous soit dévoilé comme à lui.
Vous tous, riches, justes et sages,
Vous pensez discuter la doctrine du sang,
Et vous la déclarez sans valeur, méprisable.
Ce précieux sang a pour moi tant de valeur
Que je vous abandonne tout le reste !
Que m’importent désormais opprobre ou pauvreté ?
Ce sang est du bonheur la source intarissable.
Même pour un contrat humain, il y a la valeur à livrer, l’acte
écrit, le prix d’achat et les titres l’attestation du paiement de la somme.
C’est ainsi que Dieu entretient nos âmes de son oeuvre en un langage intelligible ;
il nous parle du prix à payer,
de l’acte écrit,
de ce sur quoi reposent
les conseils de son bon plaisir
souverain, de ce qui les prouve
et
les atteste.
C’est un acte de
donation fait aux élus ; mais il a pour fondement le sang du Fils et pour gage
la présence du Saint Esprit.
Quel secret que celui-là ! Par nature je suis très éloigné de Dieu, étranger et sans droit de cité. De plus, je suis captif et je ne puis sortir. Mais dans cette grande transaction faite en ma faveur, Dieu lui-même a voulu franchir cette distance immense et attaquer la forteresse de mon puissant ennemi ; par l’incarnation de son Fils, par ses afflictions et sa victoire, toute cette puissante oeuvre d’amour a été accomplie, et je suis « entouré des chants de triomphe de la délivrance ».
Quand je contemple un tel mystère, pourrais-je craindre que moi qui étais autrefois loin, je ne SOIS pas approché, que moi, autrefois captif, je ne sois pas délivré ? « Certainement, en un déluge de grandes eaux, celles-ci ne m’atteindront pas ». Je puis dire : « Tu es mon asile ; tu me gardes de détresse, tu m’entoures des chants de triomphe de la délivrance ! »
« Puissant Libérateur !
Sois à jamais ma force et mon bouclier ! »
Telle sera notre confiance, si nous avons foi en une telle vérité. Mais à ces pensées générales sur les alliances et sur ce qui les signale, je puis ajouter que le gage donné à Noé a une signification pleine de beauté. L’arc-en-ciel apparaît, pour ainsi dire, comme un arc de triomphe sur la nue. L’ange a roulé la pierre du sépulcre et s’est assis sur elle, sa forme et son aspect étaient ceux d’un vainqueur (Matt. 28:2). Dieu dit à la mer : « Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas plus loin, et ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots » (Job 38; 11). Il marque ses limites à l’ange de la mort, et lui dit : « Assez. Retire maintenant ta main ».
Tout ceci reste vivant dans la pensée divine. La terre est là, devant lui, ainsi que l’alliance qui assure l’accomplissement de ses desseins. « L’arc sera dans la nuée, et je le verrai pour me souvenir de l’alliance perpétuelle entre Dieu et tout être vivant, de toute chair qui est sur la terre ». Dieu donc se souvient de cette promesse faite à la terre, il voit l’arc dans la nuée à travers toutes les phases variées de ses actes dispensationnels.
Il va sans dire que le Seigneur ne perdait jamais de vue qu’il
avait son trône en Sion, car c’est alors que la gloire fit de la terre
son habitation, et que
l’Éternel siégea entre les chérubins, dans le temple de Jérusalem, au pays
d’Israël. Mais lorsque le trône de l’Éternel quitta cette ville et que le
sanctuaire fut privé de la gloire, parce que les abominations avaient indigné
l’Éternel et troublé son repos, le trône et la gloire de Dieu montant au ciel,
furent accompagnés par une splendeur telle que l’arc qui est dans la nuée en un
jour de pluie (Ézé. 1:28). Bien que la terre ait cessé pour un temps d’être son
lieu d’habitation, Dieu ne la perd pas de vue dans ses conseils. Il s’en
souvient, car elle est l’objet de ses soins fidèles selon la promesse (*).
(*) Il en est précisément de même quant au trône de David. Ce trône est pour le moment dans la poussière, la couronne de Juda est jetée par terre ; mais l’Éternel n’oublie pas plus sa promesse à David que sa promesse à la terre. Cette analogie est mentionnée dans l’Écriture, en Jérémie 33. Bien que maintenant méprisées et faisant la risée des méchants, les promesses faites à la terre et au trône de David restent toujours en mémoire devant Dieu, et elles recevront leur accomplissement en leur temps.
C’est pourquoi, lorsque le ciel s’ouvre devant nous, dans
l’Apocalypse, nous voyons l’arc-en-ciel, nullement oublié, brillant fidèlement
autour du trône (Apoc. 4). Plus tard, au chap. 10, l’arc-en-ciel apparaît
encore lorsque le Seigneur apparaît, sous forme angélique, descendant sur la
terre pour exercer le jugement, revêtu d’une nuée, symbole de la gloire divine.
Mais, même en annonçant le jugement, il a l’arc-en-ciel sur sa tête, comme pour
nous dire que, jusqu’à la fin, Dieu se souvient de la promesse qu’il a faite à
la terre. La nuée doit descendre, il est vrai : « Ils verront le Fils de l’homme
venant sur les nuées du ciel ». Il faut que le jugement s’exécute, il faut que
les livres soient ouverts, il faut que les coupes de la colère soient vidées ;
mais tout cela n’aura lieu que pour ôter du royaume tous les scandales et pour
détruire ceux qui détruisent la terre. Si le Jugement exécute ce qu’il a
mission de faire, il doit s’arrêter là où commence l’arc-en-ciel. Le jour
de l’Éternel, c’est-à-dire le
jugement, doit faire place à la présence
de
l’Éternel, qui est le rafraîchissement et la restauration. L’ange puissant peut
crier qu’il n’y aura plus de délai ; le cours actuel des événements peut être de
nouveau arrêté, comme il le fut aux jours de Noé, mais l’arc-en-ciel brille,
aux yeux du Seigneur, avec autant d’éclat que jadis, et sa promesse reste
vivante dans son coeur. Comme Israël est bien-aimé à cause des pères, la terre
l’est encore à cause du vrai Noé, en qui seul toutes les promesses de Dieu sont
oui et amen, et duquel il sera dit avec toute vérité : « Celui-ci nous consolera
à l’égard de notre ouvrage et du travail de nos mains, à cause du sol que
l’Éternel a maudit ».
Notre terre, donnée aux enfants des hommes, survit donc au jugement. Elle résiste au choc produit par la descente de l’ange puissant, revêtu d’une nuée, lorsqu’il met son pied droit sur la mer et le gauche sur la terre, et qu’il crie à haute voix, comme un lion rugit (Apoc. 10).
Pour quel avenir la terre est-elle donc réservée ? Pour de plus grandes bénédictions que n’en avait promis l’arc-en-ciel de Noé. Non seulement elle est préservée — les semailles et la moisson, le froid et le chaud, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cessent point — mais elle doit être affranchie pour jouir de « la liberté de la gloire des enfants de Dieu ». Ceci va bien plus loin que la promesse faite à Noé.
Mystère de la plus grande beauté ! Nous avons l’alliance, le sang de l’alliance et le signe de l’alliance ! La promesse de Dieu a pour fondement le sacrifice de son Fils, et la présence du Saint Esprit lui rend témoignage.
Mais ici, une pensée se présente à moi : Pourrions-nous,
bien-aimés, considérer de telles voies et de telles révélations de Dieu aussi
calmement qu’elles nous sont calmement exposées ? Cela nous siérait-il ? La vue
de la gloire de Salomon avait sur la reine de Sheba un effet bien différent que
sur Salomon lui-même qui habitait au milieu de cette gloire. Salomon y était à
l’aise. Toute cette gloire était à lui. C’était sa sagesse à lui et sa maison à
lui qu’il avait bâtie. Les mets de sa table, la tenue de ses serviteurs et
leurs vêtements tout était à lui.
La
rampe par laquelle il montait dans la maison de l’Éternel, était à lui. Mais la
reine de Sheba, venue du lointain pays du midi, ne faisait que voir toutes ces
choses. Il était naturel que Salomon y fût à l’aise ; mais il était naturel
qu’il n’y eût plus d’esprit dans la reine. Il en est de même du disciple en
présence du livre de Dieu. Tous les profonds et précieux mystères que l’Esprit
révèle dans ce livre sont les siens ; ce sont ses pensées, ses conseils. Ceux-ci
sont communiqués sans aucun effort pour produire de l’effet ; les merveilles de
la grâce et de la gloire sont présentées sans aucune recherche dans leur
expression. Mais seront-elles sans aucun effet sur l’âme devant qui elles sont
déployées ? À cette vue, ne sera-t-elle pas encore plus transportée hors
d’elle-même que ne le fut celle qui vint des bouts de la terre, car « il y a ici
plus que Salomon ».
Ce qui nous manque, c’est d’éprouver davantage de tels ravissements. Nous nous contentons trop facilement de parler des choses de Dieu comme si la capacité de nos coeurs était toute là mesure de leur valeur et de leur excellence ; mais à mesure que la sagesse de Celui qui est plus que Salomon nous prodigue ses secrets, nos âmes devraient s’écrier : « Heureux tes gens, et heureux ceux-ci tes serviteurs, qui se tiennent continuellement devant toi, et qui entendent ta sagesse ! »
Comblé de dons et béni, enrichi et honoré — instruit aussi,
établi de Dieu comme « autorité », jouissant d’un parfait bien-être, conscient de
sa sécurité, — car il n’y a, comme pour Salomon « ni adversaire, ni événement
fâcheux » (1 Rois 5:4) —
Noé est
installé dans le monde renouvelé. Il est mis à l’épreuve, dans de nouvelles
circonstances, et, comme pour Adam en Éden, rien, pour lui, n’est négligé de la
part de Dieu. Les taureaux et les bêtes grasses sont tués et tout est prêt.
Mais l’homme est-il suffisant pour ces choses ? Si Adam est tombé avant Noé, et
a perdu le paradis ; si Israël est tombé après lui, et a perdu son pays
découlant de lait et de miel, il sera dit à Noé : « M’aimes-tu plus que ne font
ceux-ci ? » En Christ, en lui seul, se trouvent la fidélité et la force
infaillibles. Noé, comme tous les autres, tombe, et le sol vierge du monde
nouveau est bientôt souillé par le premier pied qui s’y est posé.
« Et Noé commença à être cultivateur et il planta une vigne ; et il but du vin, et il s’enivra et se découvrit au milieu de la tente ».
Noé lui-même est couvert de honte ; l’Adam de ce nouveau système commence, comme son père, l’histoire de cette seconde apostasie.
Un « petit feu » est allumé, mais quelle « grande forêt » sera consumée ! Noé se dégrade ; mais Cham, son fils, se glorifie de sa honte. « Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et le rapporta à ses deux frères, dehors ».
C’était là un terrible pas en avant dans le mal ; ce n’était pas seulement « comme Noé, se laisser surprendre par quelque faute », mais « se réjouir de l’injustice ». Le simple sens moral rejette un tel acte : « Sem et Japheth prirent le manteau et le mirent, les deux, sur leurs épaules et marchèrent en arrière et couvrirent la nudité de leur père ». Bientôt suit la restauration du patriarche. Noé se réveille de son vin. Celui qui s’était laissé surprendre, revient à lui par l’Esprit, et la grâce de Dieu lui donne un triomphe précieux et glorieux ; car, relevé de sa chute, il juge son juge, et condamne son accusateur : « Maudit soit Canaan ! Il sera l’esclave des esclaves de ses frères ». C’est plus qu’une restauration, c’est une restauration triomphante. À peine en trouvons-nous la mesure dans la belle parole de l’apôtre : « Qui intentera accusation contre les élus de Dieu ? » car là l’accusateur est simplement réduit au silence, mais ici il reçoit sa sentence. « Ne te réjouis pas sur moi, ô mon ennemie : si je tombe, je me relèverai… et mon ennemie sera foulée comme la boue des rues ».
Arrêtons-nous ici un moment : les riches et intéressantes perspectives de l’Esprit de prophétie s’ouvrent devant nous. Cette malédiction, prononcée sur Canaan, est une partie de la prophétie de Noé. Noé, sur le terrain de la terre renouvelée, regardait en esprit en avant ; mais il prévoyait le retour de la corruption et de la violence, bien que la grâce de Dieu dût avoir des témoins au milieu de cet état de choses. Il voyait, en particulier, qu’une branche de la famille humaine, qui allait repeupler la terre, serait distinguée en ce qu’elle posséderait la révélation de Dieu et sa présence au milieu d’elle ; qu’une autre branche le serait par son succès et ses progrès dans le monde — un peuple qui serait élargi et honorable sur la terre ; qu’une troisième branche le serait par une marque constante, invariable, de dégradation et d’esclavage. Cette prophétie avait en vue, d’une manière générale, l’Asiatique, l’Européen et l’Africain : autrement dit, dans l’est, l’Hébreu, chez qui serait établi le sanctuaire de Dieu, — dans l’ouest, le Gentil, qui, sous la main de Dieu et selon sa providence, s’étendrait au delà de ses limites, — et dans le sud, l’esclave, qui pourrait avoir diverses nationalités et divers maîtres, mais resterait toujours esclave.
C’est un résumé de l’histoire du monde, court mais correct et exact, et suffisant pour répondre au but de l’Esprit qui parlait par Noé.
Les trois prophéties que nous avons de ces anciens temps, celle d’Énoch, celle de Lémec, et celle de Noé, son fils, concernent toutes la terre et son histoire, bien que se rapportant à différentes phases ou parties de cette histoire. Prises les trois ensemble, elles présentent une esquisse très complète de tous les temps. Considérons-les dans l’ordre suivant : Noé, Énoch, Lémec.
L’accomplissement de la prophétie de Noé a commencé dès les temps d’autrefois, et, selon le témoignage de l’histoire du monde, il s’est continué à travers tous les changements qui ont eu lieu depuis lors. La prophétie d’Énoch (Jude 14), qui annonçait le jugement, sera pleinement réalisée, lorsque le cours actuel des choses prendra fin, et que le jour du Seigneur viendra convaincre les impies. La prophétie de Lémec (Gen. 5:29), qui parlait de repos, sera accomplie plus tard, lorsqu’au « jour du Seigneur », le jugement aura été exécuté, et que Sa présence amènera le rétablissement de toutes choses.
Nous trouvons ainsi esquissés dans ces prophéties, le présent et l’avenir de l’histoire du monde, les manifestations variées du bien et du mal au temps actuel ; ensuite, le jugement et la gloire, entre lesquels l’avenir sera partagé. Il est facile de discerner ces choses, et de reconnaître l’ordre et le caractère de ces anciens oracles des patriarches.
C’est toutefois la prophétie de Noé que je dois considérer plus particulièrement, comme étant ce dont nous avons surtout à nous occuper. Noé la prononça, lorsqu’il connut la mauvaise action de son fils ; et ensuite, jusqu’à la fin des chapitres qui sont devant nous, nous trouvons les détails du développement du mal jusqu’à son terme et à sa maturité.
Nous en avons déjà vu le commencement chez Noé lui-même ; le mal se dessine encore davantage chez Cham. Nous le voyons progresser encore chez les constructeurs de Babel quelques centaines d’années après le déluge. Et là il se manifeste d’une manière terrible.
À la naissance de ce monde renouvelé, l’autel de Noé fut dressé, montrant qu’il avait foi en Dieu et qu’il l’adorait ; mais maintenant l’homme bâtit sa ville et sa tour, montrant par là qu’il jette le défi à Dieu et prétend être indépendant de Lui. La réponse du ciel à ces deux actes, l’autel et la tour, est bien différente. L’autel de Dieu fait descendre du ciel des paroles et des gages de paix et de sécurité ; les cris montant de la ville et de la tour font descendre le jugement. Ce que nous voyons à Babel, c’est la corruption attirant sur elle la vengeance d’en haut, tandis qu’à l’autel de Noé, l’adoration attire la bénédiction de Dieu. Naguère, l’Éternel avait suspendu dans les cieux le signe éclatant de son alliance ; maintenant, il disperse de tous côtés sur la terre les témoins de sa juste colère.
Mais il y a plus. La tour, quelque haute et orgueilleuse qu’elle soit, est encore surpassée. Les constructeurs sont dispersés, mais leurs principes demeurent. Le jugement ne les guérit pas. L’esprit apostat qui inspirait cette confédération orgueilleuse et rebelle, se concentre bientôt pour agir et se déployer puissamment dans un seul homme. Peu après la dispersion (peut-être environ trente ans), Nimrod, petit-fils de Cham, plante son drapeau à l’endroit même qui avait été témoin du jugement de Dieu. Le commencement de son royaume fut Babel (10:10). Il déploie sa bannière à la face de Celui auquel appartient la vengeance et s’écrie : « Où est le Dieu juge ? » Comme l’insensé du Ps. 14, il dit en son coeur : « Il n’y a point de Dieu ». Il commence à être puissant sur la terre. Il « fut un puissant chasseur devant l’Éternel ». Défiant Dieu, il n’avait soif que de conquêtes et de pouvoir. Son ambition d’être seul seigneur lui fait ajouter champ à champ, ville à ville. Érec, et Accad, et Calné, sont des villes-mères ; la puissante Ninive, avec Rehoboth-Ir et Calakh, et la grande ville Résen, ne sont que des colonies faisant partie du système de cet arrogant apostat. Il n’éprouve aucun désir de recevoir quelque chose de Dieu. Il veut acquérir ses biens lui-même, être l’artisan de sa propre fortune, afin de n’être redevable à personne qu’à lui, de sa dignité et de sa gloire. Or voilà ce qu’est encore aujourd’hui l’homme du monde. Son intelligence et son travail, son habileté et son courage font de lui ce qu’il est, et lui font obtenir les désirs de son coeur. Tel était cet apostat célèbre, le premier représentant de l’homme de péché qui, au temps de la fin, agira selon son gré, et comblera la mesure de l’iniquité de l’homme.
C’est là un spectacle sérieux devant lequel nos âmes sont appelées à veiller et à méditer. Sommes-nous, bien-aimés, dans l’attente d’autres scènes que celles-là, et nos coeurs recherchent-ils les jouissances que Dieu sanctionne, et auxquelles Jésus peut prendre part avec nous ?
Ces chapitres se terminent proprement ici : des scènes de méchanceté et d’orgueilleuse rébellion passent devant nos yeux, et nous distinguons faiblement encore dans le lointain l’appel d’un autre étranger céleste séparé du monde. Mais c’est l’aurore d’une ère nouvelle dans les voies de Dieu, et le sujet qui nous occupe, n’en fait voir qu’un faible reflet.
Je puis dire qu’ici se termine la deuxième partie du livre de la Genèse. Elle nous présente une action complète, distincte, suite naturelle de ce qui a précédé ; et (je n’entreprends pas ici de le prouver) introduction naturelle à ce qui vient après.
Dans cette partie-ci (Genèse 6 à 11), la scène est placée sur la terre. Nous avons eu devant nous (Gen. 1-5) la famille céleste, dont la carrière s’est terminée à l’enlèvement d’Énoch ; puis la scène était de nouveau placée sur la terre, comme au commencement, dans le jardin d’Éden.
Le contenu du petit volume, que nous venons de terminer, peut être divisé comme suit :
6-8. Ces chapitres présentent le péché et le jugement de la terre, en même temps que l’élection, la foi et la délivrance des saints qui traversent cette scène et en sont délivrés.
9. Ce chapitre place devant nous la condition nouvelle de l’homme dans un monde renouvelé ; il est comblé de dons et enrichi par le Dieu du ciel et de la terre, en parfaite sécurité en vertu de la miséricorde assurée par l’alliance, et ayant été fait le représentant et l’agent de l’autorité divine.
10, 11. Ces chapitres font passer devant nos yeux de longues périodes de l’histoire de ce monde renouvelé : les ressorts, les rouages, le progrès et la maturité du mal, laissant la terre dans un état tel que l’Éternel est obligé de s’en retirer une seconde fois (du moins pour un temps) et d’en retirer, aussi une seconde fois, un peuple qui, tout en le traversant, soit un peuple d’étrangers célestes, comme jadis les saints antédiluviens.
C’est ainsi que, dans les temps passés, le ciel et la terre ont présenté une faible esquisse du mystère à venir, en attendant qu’ensemble ils le déploient aux jours de la gloire, alors que, « au nom de Jésus se ploiera tout genou des êtres célestes, et terrestres, et infernaux, et que toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père ».
« Le pays ne se vendra pas à perpétuité », dit l’Éternel, « car le pays est à moi » (Lév. 25:23). Il était accordé à l’homme sous la loi un intervalle de 49 années, pendant lequel il avait le temps de mettre la confusion dans ce qui était selon l’ordre divin, mais à la cinquantième année, l’Éternel revendiquait ses droits et rétablissait tout en accord avec sa propre pensée ; c’était un temps de « rafraîchissement » et de « rétablissement », qui provenait de Lui.
Brillante et heureuse espérance ! « À l’Éternel est la terre, et tout ce qu’elle contient », telle est la proclamation du Ps. 24. Ensuite est posée la question : « Qui est-ce qui montera en la montagne de l’Éternel ? » c’est-à-dire : Qui est-ce qui prendra sur lui le gouvernement de la terre et de tout ce qu’elle contient ? La réponse se trouve dans l’appel adressé aux portes, pour qu’elles élèvent leurs linteaux devant l’Éternel des armées le Roi de gloire — paroles qui expriment cette vérité, que l’Éternel, puissant et victorieux, l’Éternel comme Rédempteur et comme Vengeur, prendra dans ses mains les rênes du gouvernement. En Apoc. 5, un appel semblable se fait entendre : « Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? » Et de toutes les régions célestes la réponse arrive : « L’Agneau qui a été immolé, le Lion qui est de la tribu de Juda ». Celui qui est assis sur le trône donne la même réponse, en plaçant le livre dans la main de l’Agneau. Les animaux et les anciens couronnés se joignent à cette réponse et chantent leur cantique, en perspective du règne qu’ils auront sur la terre. Les myriades d’anges ajoutent leurs voix pour acclamer l’Agneau comme digne de sagesse, de force, et d’honneur, et de domination. Aux anges se joignent, pour donner la même réponse, toutes les créatures, dans le ciel, et sur la terre, et au-dessous de la terre, et sur la mer, dans leur ordre et selon leur mesure. Le droit qu’a l’Agneau de recevoir la domination sur la terre, est ainsi reconnu et ratifié dans le seul lieu où toute seigneurie, toute autorité, peut justement recevoir son sceau, savoir en la présence du trône dans le ciel.
Oui, il en sera bien ainsi. L’homme noble s’en est allé dans le pays éloigné pour recevoir un royaume et revenir. Jésus, qui refusa tout pouvoir de la main du dieu de ce monde (Matt. 4), et n’accéda point au désir de la multitude qui voulait le faire roi (Jean 6), accepte la puissance de la main de Dieu ; dans le Ps. 72, Dieu reconnaît que c’est à lui que la domination appartient. Puis, au temps propre, il reviendra, et ceux qui l’ont confessé au jour de sa réjection, brilleront avec lui au jour de sa gloire ; ceux qui l’auront servi maintenant, auront alors avec lui autorité sur dix villes.
Dans l’attente de ce jour-là, Paul dit à Timothée : « Garde ce commandement, sans tache, irrépréhensible, jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus Christ, laquelle le bienheureux et seul Souverain, le roi de ceux qui règnent et le seigneur de ceux qui dominent, montrera au temps propre ». En vue de cette espérance, le même apôtre pouvait aussi dire de lui-même : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi : désormais m’est réservée la couronne de justice, que le Seigneur juste juge me donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui aiment son apparition ».
Que le Seigneur donne à nos pauvres coeurs — car ils en ont grand besoin — une plus grande mesure du même esprit de foi et de la même puissance d’espérance ! Amen.
J’ai déjà présenté des considérations sur deux histoires distinctes du commencement du livre de la Genèse — celle des saints d’avant le déluge, ou de la période depuis Adam jusqu’à Énoch, et celle de Noé et de ses successeurs jusqu’à la dispersion des nations.
La première de ces histoires est le sujet des chapitres 1 à 5; la seconde, celui des chapitres 6 à 11.
Au chapitre suivant, le 12e, l’histoire d’Abraham commence, et elle se continue jusqu’au chap. 25. Elle forme la troisième partie ou section du livre de la Genèse, et place devant nous une ère nouvelle dans les voies de Dieu. Il y a, dans tout ceci, j’en suis certain, un ordre moral d’une grande beauté et un déploiement de la sagesse et des dispensations de Dieu. Car dans ces choses, tantôt les cieux, tantôt la terre, sont appelés a rendre un merveilleux témoignage à cette sagesse et à mettre en évidence des mystères divins — mystères qui seront accomplis en « la plénitude des temps », alors que, comme nous le savons, Dieu réunira « en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre » (Éph. 1:10).
Adam, dans l’innocence, était un homme de la terre. Il avait à jouir de la terre, sachant qu’elle était toute à lui, mais en dehors de la terre, il ne connaissait rien qui fût à lui. Puis, lorsqu’il fut chassé d’Éden, il devint étranger sur la terre. Il ne reçut aucune mission de l’améliorer ou de la remplir. Il avait seulement à travailler le sol pour sa subsistance, et l’enlèvement d’Énoch nous dit que la destinée et l’héritage de cette maison de Dieu du commencement étaient célestes (*).
(*) Dans ces jours d’avant le déluge, la famille de Caïn était tout le contraire. Elle travaillait le sol, en vue d’obtenir quelque chose de plus que sa subsistance. Elle travaillait en outre au développement et au progrès du monde, comme système, pour satisfaire la soif du gain et des plaisirs. Les deux familles se distinguaient donc l’une de l’autre : l’une était formée par la foi, autrement dit, par l’obéissance à la révélation de Dieu ; l’autre, par le mépris de cette révélation, comme il en est du monde aujourd’hui.
Dans la suite, toutefois, le dessein de Dieu fut différent avec Noé. Noé aussi est homme de la terre ; mais il sort de l’arche sous un caractère tout autre que celui d’Adam chassé du paradis. Noé, à sa sortie de l’arche, a pour mission de tenir le monde en ordre, en qualité de juge et de gouverneur. Ce n’est pas la être étranger dans le monde ; c’est y avoir bourgeoisie et autorité : telle était maintenant la pensée divine. Mais une seconde apostasie se développe parmi les descendants de Noé. Ils finissent par affecter l’indépendance sur la terre, rejettent la crainte de Dieu et cherchent à se passer de lui, comme avait fait Adam dans le jardin d’Éden, lorsqu’il avait voulu être comme Dieu.
Abraham, au milieu de tout cela, trouve grâce aux yeux de l’Éternel. Il est appelé hors de cette scène apostate ; et, ainsi que nous pouvions nous attendre, dans cette présentation alternante de mystères célestes et terrestres, après Noé, homme de la terre, Abraham est appelé à être un homme céleste
L’Éternel lui dit : « Va-t’en de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père ». Nous voyons là le caractère de l’appel d’Abraham. Ce n’est pas un appel hors de la souillure morale, hors de l’idolâtrie, ou autre chose semblable c’est un appel hors des associations de la nature et de la terre. Il y avait, je n’en doute pas, des idoles à quitter (voir Josué 24:2-3). Mais ce n’était pas le fait de les quitter qui déterminait la nature de l’appel. Néanmoins, Abraham, quant à la terre, devait être, comme Adam, en dehors du jardin d’Éden. Il quitte Ur des Chaldéens, de même qu’Adam avait quitté Éden. Il ne reçoit point mission de cultiver pour le Seigneur le pays de Canaan, ou d’en vaincre et d’en gouverner les peuples. Les arrangements du monde sont laissés précisément comme ils étaient. Abraham n’a rien à dire aux nations, à travers lesquelles il passe en se rendant en Canaan ; et quand il a atteint ce pays il y trouve le Cananéen et le laisse comme il l’a trouvé.
Le gouvernement avait été établi en Noé, et les nations avaient été organisées, de même qu’au commencement, en Adam, certaines relations naturelles avaient été instituées. Mais Abraham est appelé hors de tout cela. Il reçoit Dieu lui-même par la foi ; et les choses de la nature qu’Adam aurait pu lui léguer, ou les choses du gouvernement que Noé aurait pu lui transmettre, Abraham les laisse derrière lui (*).
(*) En son jour, la semence d’Abraham, c’est-à-dire la nation
d’Israël, est de nouveau un peuple terrestre
;
et elle manifeste un caractère tout opposé de celui d’Abraham. Elle frappe
les nations de Canaan ; et au lieu
d’être appelée hors de sa parenté et de son pays, elle est appelée : les hommes,
les femmes, les enfants, et même les troupeaux (car il ne devait pas même en
rester un ongle en Égypte) à faire le voyage d’Égypte en Canaan — d’un pays
étranger dans leur propre héritage.
Nous voyons donc dans notre patriarche l’élection et l’appel de Dieu. Il appartenait à la famille corrompue de l’homme, qui s’est détournée de Dieu et n’a absolument aucun droit devant Lui. Mais Abraham est devenu l’objet de la grâce souveraine (sur le terrain de laquelle sont tous les rachetés selon les conseils éternels de Dieu) ; et en vertu d’une telle grâce, il est, le temps venu, manifesté comme étant un des élus, et il est appelé de Dieu à être dans le monde un étranger céleste. L’Écriture parle de lui comme étant le père de tous ceux qui croient (Rom. 4). Nous pouvons donc nous attendre à trouver manifestés en lui les traits de la vie de la foi ; et nous les trouvons, en effet, ainsi que notre but est de le faire voir dans ce petit écrit.
Mais dans cette « vie de foi », nous ne cherchons pas seulement à voir le principe de la dépendance de Dieu, c’est-à-dire de la confiance en Lui, bien que ce soit là la première pensée que suggère cette expression. La vie de la foi a un sens bien plus étendu. C’est une vie dont l’énergie est puissante et variée ; car selon la pensée divine, selon l’Écriture, la foi est dans l’âme le principe qui, non seulement se confie en Dieu et croit Dieu, mais qui aussi a l’intelligence de ses voies, agit selon ses principes et ses desseins, reçoit ses promesses, jouit de sa faveur, fait ce qu’il dit, attend son royaume, par sa force remporte des victoires, et, guidée par sa lumière, marche dans la lumière ; ainsi, en tout temps, quoique de diverses manières, cette vie se déploie selon Dieu ; en d’autres mots, elle est formée par la communion avec Lui.
Tous ces détails sont fortement marqués dans cette histoire, pour que nous y prêtions attention.
Le chap. 11 de l’épître aux Hébreux nous fait voir tout ceci — la vie de foi, dans les manières si diverses dont elle agit et dont elle s’exerce. Ainsi, dans la vie d’Abraham, nous trouverons des occasions où c’est la confiance en Dieu qui est la vertu en exercice ; d’autres occasions où la force est déployée, lorsqu’il y a à soutenir un combat ; ou bien encore, il abandonne ses droits et accepte les torts qui lui sont infligés. Il est beau de voir la diversité des manifestations de la vie de foi ; car elle n’est autre chose que le déploiement varié de la ferveur d’un même esprit, l’Esprit de Christ, dans un saint.
D’autre part, nous ne devons pas croire que chez un saint ou
croyant, nous ne trouverons rien autre
que cette lumière et cette puissance de la foi. La perfection dans tous les
aspects variés de la vie de foi ne se trouve qu’en Celui qui est placé devant
nous, comme étant « le Chef et le Consommateur de la foi », et dont le sentier,
depuis le commencement à la fin, dans tous ses moindres détails, fut le grand
exemple de cette vie, qui en toutes choses brilla d’un éclat immaculé.
Néanmoins, nous devons appeler la vie d’Abraham une vie de foi, de même que
celle de David, de Joseph, ou de Paul ; car c’était la vie d’un homme en qui
était ce principe, bien que mainte et mainte fois, elle ait laissé percer, et
cela de différentes manières, la dépravité de la nature, les incitations de
l’incrédulité, et les suggestions d’un coeur porté à écouter la chair et le
sang, et à suivre le chemin d’un monde révolté.
Notre patriarche Abraham commença cette vie de foi avec une
simplicité et un sérieux d’une beauté frappante. « Il sortit pour aller au pays
de Canaan ; et il entra au pays de Canaan ». Il s’en alla, ne sachant où il
allait. Il prit Dieu pour son rocher et pour son partage, et, comme l’a dit un
autre, « c’est en ceci que l’Esprit de Dieu trouve son repos, car ceci
caractérise sa foi comme étant approuvée ; en effet, en se séparant du monde, en
raison de sa confiance implicite en Dieu, il fit la perte de tout, et ne reçut
rien, sinon la parole de Dieu
».
Nous n’aimons pas une telle situation. Le coeur en est blessé ;
mais l’esprit renouvelé l’approuve et justifie Dieu en l’acceptant. Les souffrances
de Christ viennent d’abord,
et les gloires
ensuite. (1 Pierre
1:11). Job était plus près du bonheur en Dieu, lorsqu’il était assis dans la
cendre, parmi les tessons, que lorsqu’il était à l’aise dans son intérieur.
Israël ne descendit pas de la montagne du Liban pour entrer en Canaan, après un
voyage agréable à travers un pays de villes et de villages, de froment et de
moût, de ruisseaux et de vignobles ; il avança lentement, traversant désert
après désert. De même, Abraham fut appelé hors de tout, ne sachant où il allait ;
mais il savait une chose : que c’était Dieu qui l’avait appelé ; or c’est là le
commencement de la foi. « Il sortit pour aller au pays de Canaan ; et il entra au
pays de Canaan ».
Il y entre toutefois, plutôt pour y séjourner que pour y
habiter. Il va de lieu en lieu, et dans chaque endroit, il ne dresse qu’une
tente. Le Dieu de gloire lui avait dit qu’il lui montrerait
le pays. Il devait le posséder
en sa semence
pour toujours ; mais, en sa propre personne, il ne devait que le voir
. Aussi, trouvons-nous qu’il le parcourt et l’examine soigneusement
,
mais il n’en occupe aucune partie
;
car c’était la vraie réponse à une telle promesse. Il examinait
le pays, parce que la promesse était que le pays lui
serait montré
. Il alla d’abord à
Sichem, jusqu’au chêne de Moré ; de là, vers le midi, dans les environs de
Béthel et d’Aï. Mais, partout où il allait, il était l’homme qui vit sous la
tente, et rien que sous la tente. Le Cananéen était alors dans le pays, et
c’était lui qui occupait le sol ; Abraham ne lui en disputa pas même de quoi
poser la plante de son pied. Il examina le pays et en eut la possession, autant
qu’elle lui était donnée par la foi et l’espérance ; mais il ne chercha pas à y
avoir un héritage à lui pour en jouir lui-même. La promesse était vivante dans
son coeur ; elle était sa mesure aussi bien que sa joie (Gen. 12).
Bientôt toutefois, apparaît devant nous un autre homme en
Abraham ; car, comme nous tous, bien-aimés, il était homme naturel
, aussi bien qu’homme de Dieu ; et nul n’est parfait dans la
vie de foi, comme nous l’avons déjà dit, à part le Maître lui-même. La famine
se fait sentir dans le pays où l’a fait entrer l’appel de Dieu. On peut bien
penser que ce fut pour lui une étrange surprise. Mais la foi n’aurait pas dû se
laisser surmonter. La foi chez Paul ne faillissait pas devant une telle
éventualité. Il fut appelé en Macédoine par la voix de Dieu : une prison l’y
attendait. Mais, au contraire d’Abraham, Paul n’en est nullement ébranlé. Paul
et son compagnon chantent des hymnes dans la prison de Macédoine ; mais Abraham
n’est pas conséquent lorsque, la famine étant en Canaan, il va chercher du
secours dans un autre pays, dont l’appel du Dieu de gloire n’avait fait aucune
mention quelconque.
On a vu, et l’on voit encore de telles choses parmi les saints. On
trouve parmi les élus la chair et l’Esprit — la petite et la grande foi — il y
a dans chacun d’eux, a la fois, la nature et l’esprit nouveau. Mais nous
pouvons être assurés d’une chose, c’est que, si la nature nous gouverne
, la nature nous couvrira de confusion
. Même l’homme de
la terre, le Pharaon d’Égypte, fait honte à Abraham. Au lieu d’avoir progressé,
en rendant témoignage par sa tente, et en jouissant auprès de son autel,
Abraham doit revenir, les pieds las du chemin, ramené par les reproches de sa
conscience. Il doit « faire les premières oeuvres », rebrousser chemin, reprendre
sa position — choses en tout temps pénibles à faire. Il doit quitter le faux
sentier et reprendre la route royale ; il doit revenir d’Égypte au lieu situé
entre Béthel et Ai, où il avait bâti son autel en premier lieu.
Que dirons-nous à ces choses, bien-aimés ? Les troupeaux reçus en Égypte l’accompagnent à son retour. L’éclat de l’or et de l’argent — présents d’un pays au delà duquel le Dieu de gloire l’avait appelé — ornent, il est vrai, son retour et lui donnent du prestige. Mais, je le demande encore, que dirons-nous à tout cela ? Le bêlement et le beuglement de ces troupeaux sont-ils à nos oreilles pareils à la douce musique d’une conscience sans reproche ? Ces brillantes richesses sont-elles comparables à la clarté de la présence divine qu’Abraham avait maintenant perdue ? Je réponds hardiment pour Abraham (quoique je ne puisse le faire pour moi-même), qu’il connaissait, dans son esprit, la différence entre ces choses. Son coeur lassé ne trouvait guère de satisfaction dans tout ce qu’il apportait du pays d’Égypte, ou de la maison du Pharaon. J’en ai la certitude : il ne pouvait en être autrement pour un homme tel que lui. Il éprouva certainement la vérité de cette parole : « Celui qui pèche contre moi fait tort à son âme » ; et la manière dont il agit au milieu de la scène qui vient immédiatement après, nous en dit quelque chose, à ce qu’il me semble.
Lot, son neveu, qui était venu d’Ur avec lui en Canaan, devient
maintenant pour Abraham un moyen d’épreuve, comme l’avait été la famine. Mais
la foi d’Abraham triomphe d’une manière admirable. Le ton même de sa réponse
dans cette épreuve semble dire qu’il veut rendre à la foi
le quadruple de ce dont, si peu auparavant, il lui avait,
pour ainsi dire, fait tort. Les bergers des deux frères, le plus âgé et le plus
jeune, ne peuvent faire paître leurs troupeaux ensemble. Il faut qu’ils se
séparent. Telle est l’occasion de l’épreuve. Mais Abraham dit : « Que Lot
choisisse ». Sa délicatesse de sentiment le fait agir selon l’oracle divin : « Le
plus grand sera asservi au plus petit ». Lot peu choisir et laisser à Abraham la
portion qu’il voudra. Il peut avoir les plaines bien arrosées ; Abraham, bien
qu’il les perde, se confie dans le Seigneur du pays. Il se peut qu’il ait à creuser
des puits, au lieu de les trouver
; mais mieux vaut les creuser
avec la force de Dieu, que de les trouver dans le chemin du monde ; mieux vaut,
pour ainsi dire, les attendre en Canaan que d’aller de nouveau les chercher en
Égypte (Genèse 13).
Il fait beau voir cette restauration. De cette manière, la foi fait justice de l’incrédulité et s’en purifie. Maintenant, l’Éternel visite Abraham, comme il ne l’avait pas fait et n’aurait pu le faire en Égypte. Le Dieu de gloire qui avait appelé Abraham à venir en Canaan, ne pouvait descendre avec lui en Égypte ; mais lorsque la joie d’avoir de nouveau confiance en Dieu le fait abandonner la meilleure partie du pays à son frère plus jeune, Dieu trouve son plaisir à se manifester à lui.
Où en sommes-nous donc nous-mêmes, bien-aimés ? Je vous le demande. Sur quoi notre esprit est-il fixé ? Dans quel chemin voyageons-nous en ce moment avec Abraham ? Apprenons-nous à connaître l’Égypte, en nous faisant à nous-mêmes d’amers reproches, ou bien à connaître le pays de Canaan retrouvé, étant remplis de joie par le regard de la face de Dieu ? Marchons-nous avec Dieu jour après jour ? La vie de foi connaît la différence entre la répression de l’esprit mondain et la mise au large de l’esprit étreint par la foi. Abraham connaissait ces choses. Il savait ce qu’était l’Égypte, le lieu de l’or et de l’argent, des châtiments et de la mort ; il savait ce que c’était de revenir à Aï sans trouver d’autel sur la route ; il savait aussi ce que c’était d’être de nouveau en repos auprès des chênes de Mamré avec son autel et sa tente.
Ainsi commence la vie de foi : elle a des hauts et des bas. Mais
il y a bien plus encore. Et dans la variété d’activité de cette vie, nous
remarquons l’intelligence
de la foi,
l’exercice de l’Esprit de Christ, du sens spirituel, lequel discerne les choses
qui diffèrent, et a la capacité de connaître les temps et les saisons selon
Dieu. Cette belle part donnée au saint, nous la trouvons dans la suite de
l’histoire d’Abraham.
La bataille des rois est racontée au chapitre 14. Tant que c’était une simple lutte entre des rois Abraham n’avait pas à s’en occuper. Qu’un tesson conteste avec les tessons de la terre (És. 45:9) ; mais dès qu’il apprend que son parent Lot a souffert dans cette lutte, Abraham se met aussitôt en mouvement.
Tout est beau en sa saison, lisons-nous. Il y a un temps de bâtir, et un temps de démolir. Il y avait pour Abraham un temps de rester tranquille, et un temps d’agir, un temps de se taire, et un temps de rompre le silence. Or il connaissait les temps ; comme plus tard, les hommes d’Issacar savaient les discerner et ce que devait faire Israël. Les principes de Dieu étaient ce qui dirigeait Abraham. Lot avait été fait prisonnier ; le devoir d’Abraham était d’agir en faveur de son frère. Il parcourra maintenant son champ de bataille jusque vers Damas, comme il avait habité jusqu’ici sa tente auprès des chênes de Mamré. Dieu avait pensé à lui préparer une leçon autre que celle qu’il avait apprise, tandis que les « tessons de la terre » étaient engagés dans la lutte ; le temps est venu de rompre le silence et de sortir a la tête de ses serviteurs exercés.
Cette intelligence que possède un saint de la pensée de Christ
est vraiment d’une exquise beauté, là où tout est beau en sa saison. Hors de saison,
la même action serait souillée et déformée. Car, pour connaître le caractère
d’une action, il ne suffit
pas de savoir quel a été l’instrument
qui y est engagé. Il faut encore qu’elle ait été faite en sa saison
. Élie, du sommet de la montagne,
peut faire descendre le feu du ciel sur les capitaines et leurs cinquantaines,
et de même les deux témoins, aux jours d’Apoc. 11; mais il ne convient pas aux
compagnons de l’humble Jésus rejeté, d’en agir ainsi à l’égard des Samaritains
(Luc 9). Ce n’est qu’en sa saison qu’il est réellement bien de faire une chose
quelconque. Combien le jardin de Gethsémané, que les douleurs du Seigneur Jésus
avaient sanctifié, fut souillé par le sang qu’y fit couler l’épée de Pierre !
Quelle tache déshonorante sur ce sol, bien que la puissance de Christ fût là
pour la faire disparaître ! Mais une autre épée accomplit un bon service,
lorsqu’elle mit Agag en pièces. Car, lorsque la vengeance sera ordonnée,
lorsque la trompette du sanctuaire se fera entendre avec éclat pour la guerre, la
vengeance ou la guerre seront tout aussi justes que la grâce et la souffrance.
C’est à Dieu de déterminer la voie convenable dans ses dispensations, et de
faire connaître la vérité quant à ces dernières. Une fois que cela a lieu,
toute la vie de la foi n’est autre chose que le genre ou le caractère de vie
qui est d’accord avec la volonté de Dieu. « Les devoirs et les services de la
foi découlent des vérités qui nous ont été confiées. Si les vérités sont
négligées, ces devoirs ou ces services ne peuvent être accomplis ». Or le bon
plaisir de Dieu, savoir sa sagesse révélée et manifestée, varie avec les
siècles qui se succèdent. Noé, dix générations avant Abraham, devait venger le
sang d’un homme fait à la ressemblance et à l’image de Dieu, et cela dans le même
esprit de foi qu’Abraham, laissant une armée de rois alliés en détruire une
autre. Ce n’est « ni l’épée » ni le « vêtement », comme dit le Seigneur en Luc 22,
qui doit être nécessairement l’instrument de service ou le symbole de la foi ;
mais l’un ou l’autre, suivant qu’il exprime, au moment même, ce qui convient à
Dieu selon ses dispensations.
Il est très important de remarquer cela ; car dans la vie de foi, il importe, entre autres vertus, de distinguer les choses qui diffèrent entre elles, et d’exposer justement la parole de Dieu, la parole de la vérité. Abraham avait été doué de cette belle faculté. Il marchait dans la lumière donnée pour ce jour-là, comme Dieu était dans la lumière. Il connaissait le son de la trompette d’argent, soit pour assembler à la tente d’assignation, soit pour sortir en guerre.
Mais il y a encore autre chose à remarquer dans notre patriarche à ce moment-là. Il se distingue par deux victoires : l’une, sur les armées des rois ; l’autre, sur les offres du roi de Sodome.
La première, Abraham la gagna, parce qu’il frappa au moment
exact voulu de Dieu. Il ne se mit en marche ni plus tôt, ni plus tard, que Dieu
ne le voulait. Il attendit, pour ainsi dire, d’avoir « entendu sur les mûriers
un bruit de gens qui marchent ». La victoire était donc assurée ; car la bataille
était à l’Éternel, non à lui. Son bras était fortifié par l’Éternel ; et cette
victoire d’Abraham était une anticipation de celle d’une pierre de fronde, ou
d’une mâchoire d’âne, ou d’un Jonathan et de celui qui portait ses armes, contre
une armée de Philistins ; car, contre
quatre rois alliés
, Abraham n’avait qu’une
troupe de serviteurs exercés
.
La deuxième victoire, encore plus brillante que la première, fut
remportée en vertu de la communion d’Abraham avec les sources mêmes de la puissance
divine. L’esprit
du patriarche fut
victorieux, comme l’avait été auparavant son
bras
. Il avait si bien entendu les paroles du roi de Salem, s’était si bien
rassasié du pain et du vin offerts par le roi — sacrificateur étranger — que le
roi de Sodome prépara en vain son festin. L’âme d’Abraham avait été dans le ciel
; il ne pouvait retourner au monde.
Telle fut son expérience bénie dans la vallée de Shavé. Quel bonheur que le sien ! Oh ! puisse l’image qui nous en est donnée dans le livre de Dieu, avoir sur nos coeurs un effet durable ! Zachée, en son jour, était fils d’Abraham et de la même génération ; c’est-à-dire, animé de la même vie et de la même puissance. Zachée s’abreuva tellement de la joie et de la force que l’on apprend à connaître en la présence de Christ, que le monde devint pour lui une chose morte. Il avait été à table avec le vrai Melchisédec : Il avait mangé de son pain et bu de son vin. Jésus avait préparé lui-même un festin pour celui qui le recevait chez lui à Jéricho, comme il l’avait fait autrefois pour Abraham dans la vallée de Shavé ; ensuite, fortifié et rafraîchi, ce fils d’Abraham, comme jadis son père, pouvait abandonner le monde. « Voici, Seigneur », dit-il, « je donne la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j’ai fait tort à quelqu’un par une fausse accusation, je lui rends le quadruple ». Il pouvait donner la même réponse qu’Abraham au roi de Sodome ; car il avait reçu du Roi de Salem le rafraîchissement d’Abraham.
Assurément, bien-aimés, c’est là le sentier de la victoire pour tous les saints. C’est en Jésus que se trouvent les sources de la force et de la joie. Puissions-nous, vous et moi, regarder à Lui, et dire : « Toutes mes sources sont en Toi ». « C’est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi ». Et y a-t-il aux yeux de Dieu aucune autre victoire que celle-là ?
« Dans le secret, l’esprit fervent travaille :
Il lutte, il se débat, mais enfin se surmonte.
Au prix d’une telle victoire,
Tous les lauriers d’un César triomphant
Ne sont que la balle qui s’envole ».
Telles sont les victoires de la foi.
Mais nous avons plus encore dans la scène suivante : au chapitre 15, nous voyons la hardiesse de la foi.
Et, je le demande, avons-nous pour notre consolation à tous quelque chose de plus précieux que ceci devant Dieu lui-même ? L’intelligence de la foi est pleine de lumière, et ses victoires sont glorieuses ; mais aux yeux du Dieu de toute grâce, la hardiesse de la foi est au-dessus de tout.
Après la victoire d’Abraham sur le monde, c’est-à-dire sur les offres du roi de Sodome, l’Éternel vient lui donner de grandes promesses et de grandes assurances. « Après ces choses, la parole de l’Éternel fut adressée à Abram dans une vision, disant : Abram, ne crains point ; moi, je suis ton bouclier et ta très grande récompense » (Gen. 15:1). Après la chaleur du jour précédent, il convenait, selon les voies de la grâce, qu’Abraham reçût un nouveau signe de faveur et fût de nouveau encouragé. Mais la foi est hardie, très hardie ; il semblerait que son attente va au-delà de ce que la grâce veut faire et entreprend de faire. C’est ici un merveilleux moment que nous avons à considérer. Abraham semble repousser les paroles de l’Éternel : « Je suis ton bouclier et ta très grande récompense », dit l’Éternel. « Que me donneras-tu ? » répond Abraham. « Que me donneras-tu ? Je m’en vais sans enfants, et l’héritier de ma maison, c’est Éliézer de Damas ».
C’était hardi ; mais, chose précieuse, point trop hardi pour l’oreille du Seigneur, qui trouve sa plus grande joie à entendre la foi parler ainsi.
C’est une bonne chose d’avoir une portion
; mais Abraham voulait un objet
, un objet pour le coeur, chose bien plus importante pour
nous. Adam l’avait éprouvé. Éden n’était pas pour lui comparable à Ève. Le
paradis, avec tout ce qu’il produisait, ne pouvait être pour lui ce qu’était Ève,
l’aide qui lui correspondait. Ève lui ouvrit la bouche ; elle seule le fit ; car
seule elle remplissait son coeur. Il n’en est pas autrement pour Christ.
L’Église surpasse à ses yeux toute la gloire du royaume, de même que la perle
et le trésor, pour l’homme qui les avait trouvés, avaient plus de prix que tout
ce qu’il possédait ; car il vendit tout, afin de les acheter. La brebis égarée,
la drachme perdue, le fils prodigue, ont pour le ciel — pour le Père, pour le
Berger, pour l’Esprit et pour les anges — comme sujets de joie, plus de valeur
que tout le reste, précisément parce que le coeur y trouve son objet, et
l’amour sa satisfaction. Telle
est la
pensée de Christ. L’affection du coeur fait aller loin ; car le coeur eût-il
tout le reste, ne peut être en repos sans un objet, et il dira à l’Éternel
même, malgré toutes les garanties reçues : « Que me donneras-tu ? Je m’en vais
sans enfants ».
C’était là assurément une foi hardie, qui semblait
repousser les paroles de Dieu. Mais cette foi avait du
prix pour Dieu. Oui, elle avait du prix pour Lui, et cela pour la raison la
plus élevée possible ; car l’expression de la foi agissant ainsi, et poussée par
un désir aussi ardent, était selon les voies divines et selon ce que Dieu aime.
Car, ainsi qu’Abraham, Dieu veut avoir des enfants. Ce n’est pas l’esprit de
servitude qui remplit sa maison, mais l’Esprit d’adoption ; ce ne sont pas des
esclaves, mais des enfants, qu’il veut avoir autour de Lui. Il nous a
« prédestinés pour nous adopter pour lui
par Jésus Christ ». Il a trouvé en ses enfants un objet pour son propre coeur ;
Abraham ne faisait donc qu’exprimer le secret commun
à son coeur et à celui de Dieu. Aussi son désir reçoit-il
sans retard sa réponse, et le spectacle du ciel étoilé devient pour le
patriarche quelque chose de mieux que toutes les parts et toutes les conditions
possibles ; car l’Éternel lui dit : « Ainsi sera ta semence
».
On a raison de dire que la foi, pour viser juste, doit viser
haut et tirer d’une main ferme. Plus elle vise haut, plus son but est selon la
pensée même de Dieu. « Demande pour toi un signe de la part de l’Éternel, ton
Dieu », dit le prophète au roi ; « demande-le dans les lieux bas ou dans les
hauteurs d’en haut ». Toutes les ressources divines sont devant toi, tu n’as
qu’à y puiser. Le roi Achaz ne voulut pas le faire ; il fatigua l’Éternel par sa
timidité exagérée, par son incrédulité et par sa lenteur de coeur ; mais Abraham
le fait, et continue à le faire jusqu’au bout avec la même énergie de foi. Il
ne s’arrête pas. « Je te donnerai ce pays pour le posséder », lui dit l’Éternel
peu après. « À quoi connaîtrai-je que je le posséderai ? » est sa réponse, réponse
qui a le même beau caractère de foi, et qui, étant une expression de la
hardiesse de la foi, plaît aussi infiniment à l’Éternel. Abraham veut quelque
chose de plus qu’une promesse. Ce n’est pas qu’il mette en doute la promesse.
Il en est certain ; elle ne peut manquer. Le ciel et la terre passeraient avant
qu’elle pût faillir. Mais Abraham désirait « le serment et le sang » pour la
sceller. Il aimait avoir un titre confirmé par une alliance
; sa foi le réclamait ; et en cela, elle n’allait pas
au-delà de ce que Dieu avait en vue de lui donner selon sa grâce, son propos et
son bon plaisir souverain.
Il y a ici pour nous un encouragement des plus riches et des
plus parfaits. Le Seigneur ne trouve
jamais la foi trop hardie
. Dans les jours de sa chair, il censurait souvent
les réticences et les soupçons d’une petite foi, mais jamais l’énergie et la
décision d’une foi dont les désirs n’avaient, pour ainsi dire, point de bornes
et qui refusait de s’en aller sans une bénédiction. Ainsi, dans ce beau
chapitre 15, la manière même dont le Seigneur répond à la foi de son serviteur,
nous fait comprendre avec quelle joie il encourageait la hardiesse de celui-ci.
La manière
même dont il répond nous
le déclare ; comme plus tard, dans le cas de l’homme paralytique, en Luc 5; car
là les mots : « Homme, tes péchés te sont pardonnés », nous disent combien le
coeur du même Seigneur, le Dieu d’Abraham, avait été rafraîchi par la foi qui,
sans s’excuser, avait fait une ouverture au toit de la maison, afin d’arriver
jusqu’à lui. Il en est de même ici. Lorsqu’avec une foi forte, hardie, qui ne
doute nullement, Abraham demande un enfant, le Seigneur Dieu, cette même nuit,
le fait sortir dehors, et, lui montrant les étoiles du ciel, lui dit : « Ainsi
sera ta semence ». Lorsque cette même foi désire que le pays lui soit assuré par
quelque chose de plus qu’une promesse de bouche, le même Seigneur confirme
l’alliance, en faisant passer un brandon de feu entre les pièces du sacrifice.
Comme je l’ai déjà dit, cette manière
de répondre est pleine d’instruction. Si une telle
expression m’est permise, elle proclame éloquemment la pensée divine. Le
Seigneur ne se contente pas de promettre simplement un fils, comme par parole,
ou de donner simplement quelques autres assurances à Abraham que le pays sera
la possession de sa semence ; mais dans chaque cas, il accomplit un acte
particulier, et cela avec une solennité si auguste et si imposante, que nous comprenons
instinctivement avec quelle joie il a prêté l’oreille à ces demandes de la foi.
Que ne connaissons-nous notre Dieu comme il peut être connu, à sa louange et pour notre consolation ! L’amour trouve son bonheur à être mis à contribution. Ce qui est cérémonieux le fatigue abuse a sa façon de la nature même de l’amour et de sa manière essentielle d’agir. L’affection de famille, par exemple, met du matin au soir toute cérémonie de côté. Il y a là l’intimité, et non des formes. La formalité y serait gênante, comme l’était pour David la cotte de mailles de Saul. L’affection ne l’avait pas essayée, l’affection ne pourrait la porter. L’amour accomplit le travail de la maison par tous et par chacun ; et la confiance mutuelle le fait accomplir dans l’amour. C’est ainsi que le Seigneur désire que nous en agissions avec Lui. L’intimité de la foi s’accorde avec sa grâce, et les manières cérémonieuses ne font que le fatiguer.
La grâce, ainsi que nous le chantons quelquefois, est « une mer
sans rivage », et nous sommes invités à y cingler toutes voiles dehors. Le pot
d’huile n’aurait jamais été épuisé, si la foi de la veuve avait continué à
verser ; et les victoires du roi d’Israël se seraient rapidement succédées
jusqu’à ce qu’il ne restât pas un seul Syrien pour en porter la nouvelle, si la
foi du roi avait foulé le champ de bataille, à la manière de celui qui ne le
connaît que comme un champ de victoire (2 Rois 4 et 13). Mais nous sommes à
l’étroit. La hardiesse de la foi n’a pas place dans le coeur mesquin de l’homme,
qui ne peut se confier dans le Seigneur : mais, chose précieuse à dire, la foi
hardie accepte
les offres de la grâce
infinie de Dieu, et elle y a recours
.
L’homme croyant est l’homme heureux ; il est aussi l’homme
obéissant et celui qui glorifie Dieu. Il est l’homme reconnaissant et
adorateur ; la foi surtout le tient prêt pour le service et séparé des
souillures du monde. Nous pouvons être vigilants, et cela est bien ; nous
pouvons nous juger nous-mêmes, et cela est bien ; nous pouvons avoir soin de
pratiquer la justice dans tout ce que nous faisons, et cela est bien ; mais,
après tout, se maintenir dans la lumière de la faveur de Dieu par l’exercice
d’une foi simple, enfantine, c’est ce qui le glorifie, ce qui répond à sa
grâce, ce qui, plus que toute autre chose, exprime la reconnaissance a Celui à
qui nous avons affaire. « Nous avons trouvé accès par la foi
à cette faveur dans laquelle nous sommes ».
Ce n’est pas notre connaissance, ni notre vigilance, ni notre service, ou l’accomplissement de nos devoirs, qui nous donnent accès dans le riche lieu de la faveur divine ; c’est par la foi que nous avons trouvé accès à cette faveur dans laquelle nous sommes.
Continuons cette histoire, et nous la trouverons riche en nouvelles instructions et en nouveaux exemples de la vie de foi.
Sara se présente maintenant pour la première fois, comme agissant de son propre mouvement. (Gen. 16 et 17).
La famine, comme nous l’avons vu, avait déjà été une tentation
pour Abraham, et l’avait fait descendre au pays
d’Égypte ; il y avait trouvé, avec les ressources de ce pays, la honte et le
chagrin, suivis d’un voyage fatigant pour rentrer en Canaan. Sara le tente
maintenant, en le priant d’aller vers sa servante
égyptienne.
Nous savons, par l’enseignement divin de l’épître aux Galates,
ce qu’est cette servante égyptienne. Elle est l’alliance du mont Sina, la loi,
la religion des ordonnances ; et Sara, en conseillant à Abraham de prendre cette
Égyptienne, représente la nature
,
laquelle trouve toujours dans la chair et le sang son secours et ses ressources
aussi bien que sa religion
, et toute
espèce d’autres choses.
L’Esprit n’avait pas encore exercé l’âme de Sara. Du moins, n’y
a-t-il rien qui nous le fasse voir. Elle était assurément une élue ; mais notre
élection précède de longtemps le travail que Dieu opère en nous ; or jusqu’ici,
il n’y avait point eu en Sara de manifestation de la vie spirituelle, de la vie
de foi, de l’effet de la vérité sur elle-même par le Saint Esprit. Le Seigneur
n’avait pas encore parlé d’elle. Elle n’avait pas été la compagne de son mari
dans ses exercices d’âme devant Dieu, ni disciple avec lui à l’école de Dieu.
Elle n’avait pas été appelée avec lui à compter les étoiles, ou à veiller sur
le sacrifice. Elle était encore, puis-je dire, dans la position de nature
; c’est pourquoi elle engage son
mari à lui donner une postérité par sa servante égyptienne.
C’est la son rôle dans cet acte : Abraham est trahi par la nature
, conduit dans la
voie de la nature, surpris par une tentation venant de la nature ; comme il
l’avait été auparavant sous la pression de la famine.
Mais tout ceci n’est qu’incrédulité et abandon de Dieu. C’est la
voie de l’homme, la voie de la nature, non celle de la foi, ou de l’Esprit.
Lorsque notre âme
est dans le besoin,
nous sommes naturellement portés à recourir à la loi, la servante, a la
religion d’ordonnances ; de même que, lorsque nos circonstances
deviennent difficiles, nous descendons naturellement
en Égypte et avons recours au monde. C’est, avons-nous dit, de l’incrédulité et
l’abandon de Dieu, comme on le voit même dans un Abraham ; or, abandonner Dieu
et les ressources de sa grâce, lorsque l’âme est dans le besoin, est une faute
et un tort envers Lui plus graves que d’aller, pour ainsi dire, chercher du
secours en Égypte, lorsque nos circonstances sont difficiles. Je puis être
tenté par la pauvreté d’employer des expédients et des artifices, ce qui est
déjà mal, mais lorsque ma conscience a besoin d’être guérie, lorsqu’il y a,
au-dedans, des brèches qui ont besoin d’être réparées, afin que je puisse de
nouveau marcher dans la jouissance de la lumière de sa face, si j’ai recours à
ce qui n’est que de la religion, ou bien à des ordonnances, ou à toute autre
chose qu’aux ressources du sanctuaire, cela est encore pire.
Les Agars et les Pharaons, les servantes et les richesses de l’Égypte sont de pauvres ressources pour les Abrahams de Dieu. Hélas ! à l’instigation de la nature, il en fut ainsi dans le passé, et il en est encore ainsi. Mais Abraham (en ceci nous trouvons de la consolation) est sous l’oeil de Dieu, bien qu’il soit conduit par les conseils de Sara. Dieu a sa place en lui, à côté de la nature ; aussi Dieu intervient pour le restaurer. Il se fait connaître à son âme par une nouvelle révélation de lui-même, réclamant de nouveau de lui l’obéissance de la foi : « Je suis le Dieu tout-puissant, marche devant ma face, et sois parfait ». Abraham avait perdu de vue cette vérité, la toute-puissance, la toute-suffisance de Dieu. Il était venu vers Agar ; il avait mis sa confiance dans la chair ; il avait abandonné le terrain sur lequel il était au chap. 15; mais le Seigneur ne veut pas et ne peut pas le permettre ; c’est pourquoi il se fait connaître à son saint par une nouvelle révélation de lui-même ; il se fait voir avec « la guérison dans ses ailes ». Abraham tombe sur sa face, convaincu et humilié, et son âme est de nouveau conduite dans les sentiers de la justice.
Assurément, il y a jusqu’à maintenant de tels moments dans l’histoire de « ceux qui croient », aussi bien que dans celle de leur « père Abraham ». Abraham n’était pas tombé sur sa face, lorsque le Seigneur lui était apparu et lui avait parlé au chap. 15. Là il était resté debout, dans la conscience qu’il était dans la lumière avec le Seigneur. Mais les ténèbres s’étaient maintenant étendues sur son âme, et il n’est pas prêt pour le Seigneur. Il est sur sa face, dans le silence et la stupeur. Il n’est pas, comme alors, debout, présentant avec instances les requêtes de la foi ; mais sur sa face, muet et confondu. Le changement chez lui est grand ; mais il n’y a aucun changement dans le Seigneur ; car son amour est le même, soit qu’il reprenne, ou qu’il encourage. Si nous marchons dans la lumière, nous avons communion avec Lui ; si nous confessons nos péchés nous avons le pardon auprès de Lui ; si nous pouvons nous tenir devant Lui, il nous nourrira et nous fortifiera ; s’il nous faut tomber devant Lui convaincus, il nous relèvera.
C’est un sentier sérieux pour l’âme d’un saint. Il y a ici une profonde réalité. L’âme éprouve que l’abandon de Dieu est amer ; mais Dieu se fait connaître à elle, comme Celui qui restaure et rend la paix ; alors l’effet de sa grâce est d’enhardir de nouveau la foi ; et Abraham plaide avec instance devant Lui, comme ayant la même force qu’au chap. 15, et fait requête à Dieu qu’Ismaël vive devant Lui.
Quel profond désir n’éprouvons-nous pas que notre âme soit formée par ces précieuses révélations de la grâce, et par le travail caché de la foi qui a des oreilles pour les recevoir. La scène change ; mais Dieu et l’âme sont encore ensemble. Il y a réalité, réalité dans la tristesse et dans la joie, dans la lumière de la face de Dieu, et aussi quand nous cachons notre face dans la poussière.
Tout cela, on peut le dire de la vie de foi, telle que nous la voyons dans les chap. 16 et 17. Mais quand nous entrons dans la scène qui vient ensuite au chap. 18 et 19, nous pouvons remarquer que, dans la vie d’Abraham, nous trouvons quelque chose de plus que ces exercices et ces exemples de foi. Certains mystères divins nous y sont aussi exposés.
Tous les faits de cette histoire sont de simples vérités. Ils sont racontés exactement comme ils sont arrivés et ils le sont dans un double but : savoir, de donner des exemples de la vie de foi dans un saint, et de présenter des figures de quelques unes des grandes voies et des grands conseils de Dieu.
Or ces figures des conseils et des mystères divins sont, dans toute l’Écriture, le moyen ordinaire de nous communiquer la sagesse divine. Qu’était le tabernacle, ou le temple, sinon un lieu pour la présentation habituelle de mystères, tels que l’expiation et l’intercession, l’ordre varié de Dieu dans le culte et les services de sa maison, ou dans le ministère de la grâce ? Tels étaient les sacrifices et les différents services, les fêtes, et les jours saints, et les jubilés. Qu’étaient aussi l’exode, le voyage à travers le désert, l’entrée en Canaan, les guerres dans ce pays, et enfin le trône du roi pacifique ? Tout cela, institutions du sanctuaire, ou faits de l’histoire, n’étaient-ce pas des expositions des conseils éternels cachés en Dieu ?
Ainsi les chap. 18 et 19 de cette histoire suggèrent cette interprétation. Ces chapitres doivent être lus ensemble : ils présentent un tableau fait à grands traits de certaines vérités importantes, qui sont actuellement pour nous d’un intérêt tout aussi vif, que l’ont jamais été, pour Abraham et pour sa génération, les faits eux-mêmes, lesquels nous présentent ces vérités comme en parabole.
Sodome, en ce jour-là, était le monde
. Elle avait été avertie, mais avait refusé l’avertissement.
Elle avait montré qu’elle avait abandonné Dieu sans retour, et qu’aucune
correction ne pouvait avoir d’effet. Sodome avait été visitée et châtiée au
jour de la victoire des rois alliés, ainsi que nous l’avons vu au chap. 14;
mais elle était restée Sodome, et son iniquité avait, à ce moment-là fait des
progrès ; elle était dans un état d’apostasie mûrie, son dernier état étant pire
que le premier.
Sodome était le monde
d’aujourd’hui. Le Seigneur Jésus, dans son enseignement, lui donne moralement
cette place, tout comme une autre génération avait été le monde aux jours de
Noé (voir Matt. 24; Luc 17). Ce sont des figures semblables, présentant à notre
pensée « le présent siècle mauvais », qui mûrit pour le jugement de Dieu.
Toutefois, en rapport avec une telle crise, dans ce jour du
jugement de Sodome, de la subversion des villes de la plaine, comme dans tout
autre jour pareil, il y a deux choses accessoires sur lesquelles il est bon
pour nos âmes de méditer sérieusement ; il y a la délivrance lors du jugement
, et aussi la séparation avant le jugement
. Il y a Lot, et il y a aussi
Abraham. Lot est délivré, lorsqu’arrive le moment de la crise ; Abraham est
séparé avant qu’elle arrive.
Tout ceci mérite d’être bien pesé. Le jugement
, la délivrance
,
la séparation
, tels sont les éléments
de ce qui a lieu ici ; ils sont pleins d’instruction, et s’appliquent
parfaitement à notre propre histoire comme Église de Dieu — et à celle du monde
qui nous entoure.
Avant l’exécution du jugement, Abraham avait été dans un endroit céleste. Il était étranger sur la terre, n’ayant que sa tente, errant de lieu en lieu, ne possédant pas même un lieu où poser son pied ; et maintenant, lorsqu’arrive le jugement, il est tout à fait en dehors, comme Énoch, l’Énoch céleste, lors d’un jugement précédent. L’un et l’autre, au jour de la visitation, étaient en dehors, au-delà ou au-dessus de la scène du désastre ; non seulement délivrés de la ruine quand elle eut lieu, mais séparés de la ruine avant qu’elle eût lieu.
Abraham s’était déjà tenu avec le Seigneur lui-même sur une hauteur qui dominait Sodome, lorsque le Seigneur et lui marchaient ensemble venant d’auprès des chênes de Mamré ; et maintenant que le jugement descend sur cette ville apostate et souillée, Abraham est de nouveau sur ce lieu élevé, voyant de loin la destruction. Il est (comme le figure le lieu élevé où il se trouve) en compagnie de Celui qui exécute le jugement. Quant à Lot, il est simplement sauvé. Lot est un homme délivré, Abraham est un homme séparé. Comme Abraham est l’Énoch, Lot est le Noé de ce jour-là ; il est tiré hors de la ville vouée à la destruction.
Quels mystères, quelles solennelles vérités dans les conseils de Dieu, nous sont présentés ici pour notre instruction ! Est-ce que nous les comprenons ?
Dans tous les détails de ce grand événement, ne voyons-nous pas de grands desseins de Dieu comme dans un miroir ? Avons-nous à nous demander : où est le terrain mystique sur lequel nous nous trouvons ici ? Assurément, bien-aimés, nous devrions le savoir. Dans cet événement, le monde, figuré par Sodome, court à son jugement ; le résidu juste, de même que Lot, est délivré à cette heure-là de la colère ; et l’Église, de même qu’Abraham, déjà séparée et enlevée au ciel, contemple de loin la scène de cette terrible désolation. Ces mystères sont assurément placés sous nos yeux dans ce qui arrive à Sodome. « De tout temps Dieu connaît toutes ses oeuvres ». Le monde, l’Église et le royaume sont ici en mystère, figurés par des types : ce qui va être jugé, ce qui doit être mis à part pour la gloire céleste, ce qui doit être délivré et réservé pour la terre après qu’elle aura été purifiée. Énoch, Noé et la création couverte par le déluge, nous les voyons ici en Abraham, en Lot, et dans les villes de la plaine, dont le jugement a été prononcé.
Ce sont des mystères dont le livre de Dieu est rempli. Il nous est ainsi mainte et mainte fois rendu témoignage de ce que nous sommes et du lieu où nous sommes, bien que, selon toute apparence, nous poursuivions notre voyage sur le chemin de la vie humaine journalière, commun à tous, en compagnie d’une génération qui, dans l’esprit de son entendement, dit encore comme toujours : « Où est la promesse de sa venue ? car depuis que les pères se sont endormis, toutes choses demeurent au même état depuis le commencement de la création »
L’esprit peut ici, comme en d’autres parties de cette merveilleuse histoire, s’arrêter à beaucoup de détails, tels que la visite du Fils de Dieu à Abraham, l’intercession de ce dernier pour Sodome, la réticence des anges en parlant à Lot, et le contraste entre les caractères des deux saints — le saint de la tente et le saint à Sodome. Mais mon but, dans cet écrit, n’est pas de m’y arrêter. Je désire toutefois faire une question, en terminant mes considérations, sur ces chap. 18 et 19: Nous faisons-nous, bien-aimés, une juste idée des temps où nous vivons ? Le jour de l’homme devient-il pour nous de plus en plus beau, de plus en plus magnifique, jusqu’à ce qu’il atteigne la splendeur de son plein midi ? Quelle est notre pensée là-dessus ? Nous joignons-nous aux hommes qui se félicitent entre eux de ce qu’il en est ainsi ? ou bien, tout cet éclat nous est-il suspect, et nous demandons-nous s’il n’est pas l’avant-coureur du jugement certain de Dieu ? Savons-nous que le dieu de ce siècle trouve une maison « balayée et ornée », tout aussi propre que Sodome, à être la scène de son énergie de mal et de destruction ? Croyons-nous, comme notre génération, qu’une telle chose est impossible ? ou retenons-nous bien dans notre esprit que c’est dans une telle maison qu’il travaillera à la fin de l’histoire de la chrétienté ? Et attendrons-nous le Fils de Dieu pour nous prendre sur ces hauteurs mystiques sur lesquelles il mena autrefois son ami Abraham ? Que le Seigneur nous fasse la grâce de nous tenir sur ce terrain-là ! Il nous sera plus facile et plus naturel de le faire si, comme Abraham, nous sommes des saints de la tente et non de la ville, des saints qui, « pendant la chaleur du jour », trouvent comme Abraham leur joie à converser avec le Seigneur de gloire, en communion avec Lui.
Après cela, nous allons, avec notre patriarche, dans le pays des Philistins, où il séjourna pendant la période de temps dont nous parlent les chap. 20 et 21.
À Guérar, ainsi qu’ils l’avaient fait en Égypte, Abraham et Sara agissent de nouveau, si longtemps après, selon l’ancien arrangement conclu entre eux avant de quitter leur pays natal, et qu’ils avaient apporté avec eux du lieu même de leur naissance. Il était, on peut le dire, plus ancien que tout ce qui était de Dieu en eux, et à travers tous les changements de circonstances et tous leurs exercices d’âme, il était toujours resté le même.
C’était une très mauvaise chose, manquant de droiture et de sens moral, fondée sur un mensonge malgré son apparence spécieuse ; et on y sentait le serpent, celui qui est menteur et le père du mensonge. Quelque vil que fût cet acte, Abraham fut contraint de le confesser au roi de Guérar. « Il est arrivé, lorsque Dieu m’a fait errer loin de la maison de mon père, que j’ai dit à Sara : Voici la grâce que tu me feras : Dans tous les lieux où nous arriverons, dis de moi : Il est mon frère ». C’était pire qu’on aurait même pu le craindre. Il n’y a pas un seul principe dans la vie de foi, dont une convention aussi vile, apportée par ces croyants du lieu de leur naissance, ne fût la contradiction. Telle est la chair : la corruption innée. Son chemin, pour quiconque le suit, aboutit à la honte et au déshonneur. Elle dégrade un saint, même devant les hommes ; elle couvre de confusion un Abraham en présence d’un Abimélec. La chair ne change jamais, ne s’améliore jamais, ni ne cesse d’exister. Elle est la même en Égypte et à Guérar. Elle vit en nous et nous suit partout. À notre naissance, nous la recevons comme enfants d’Adam ; et pour être en tout temps conséquents à notre appel en tant qu’enfants de Dieu, nous devons la mortifier et la renier.
Il est assurément déplorable que nous ayons à assister dans la vie d’Abraham à une chose aussi mauvaise. Mais l’Esprit de Dieu est la vérité, ne cache rien, révèle toutes choses.
Mais Dieu nous entretient de sujets plus réjouissants : nous
avons à suivre, d’une manière très instructive pour nous, les progrès
individuels que fait l’âme de Sara, dans la lumière et sous la conduite du
Seigneur. Au début, sous l’influence de la chair, elle s’était jointe à Abraham
dans la convention dont nous venons de parler. Par incrédulité, elle avait
ensuite, comme nous l’avons vu, donné Agar à son mari ; ensuite, par un acte
prématuré, aigrie par les effets de son incrédulité, elle avait chassé la
servante qu’elle avait adoptée et établie dans sa famille. Mais sur le
commandement du Seigneur, Agar était retournée vers elle ; et maintenant, au
moment où nous sommes arrivés, elle l’avait supportée dans la maison pendant
quatorze ans. Il n’y avait toutefois chez Sara aucun signe que son esprit fût
renouvelé, ou qu’elle eût la vie de foi. C’est au cours de ces années que, dans
son incrédulité, elle avait ri de la promesse, à l’entrée de la tente. On peut
dire, néanmoins, que pendant ce temps, elle avait été, dans un sens, à l’école
, où elle parait avoir appris
quelque chose ; car elle avait consenti patiemment et sans résistance à
supporter la présence de la servante et de son enfant dans la maison de son
mari. Il ne nous est parlé d’aucune nouvelle querelle entre ces deux femmes, ce
qui n’était pas sans importance, car cela montrait que Sara était entre les
mains de Dieu, jusqu’à ce qu’enfin, comme nous le savons, elle reçut la foi de
fonder une postérité (Héb. 11). Après tout ceci, cependant, elle va faire un
très grand pas, et va même dépasser son mari. Or c’est une chose heureuse et
assez commune parmi les saints. Si notre coeur est affranchi, ne désirant pas
autre chose que la gloire de Christ, nous nous réjouirons de ces découvertes
faites dans les régions de l’Esprit, bien qu’elles doivent nous humilier quant
à nous-mêmes. « Les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers ».
Les « enfants nouveau-nés » fournissent des exemples pareils, que discernent ceux
qui « ont des yeux pour voir les empreintes de la grâce ». Paul pouvait dire de
quelques-uns : « Qui même ont été avant moi en Christ » ; mais dans son cas, nous
pouvons ajouter, quoique lui ne le fasse pas : « Les derniers ont été les
premiers ». La liberté de l’âme rachetée ne pourra que se réjouir de ces actes
souverains de l’Esprit.
L’élévation de Sara au-dessus d’Abraham dans les choses du
royaume de Dieu va maintenant nous être présentée comme exemple. Obéissant au
commandement reçu, Abraham appelle l’enfant qui lui est né, Isaac. Mais Sara interprète
ce nom, ce qui est un
exercice d’âme plus excellent encore, au sujet de ce que Dieu a donné. Obéir à
une parole est bien, mais mieux est encore d’y obéir dans la joie d’un coeur
exercé, et dans la lumière et l’intelligence d’un esprit qui a saisi le sens
divin de cette parole. Abraham appelle l’enfant qui lui est né, Isaac ; mais
Sara dit : « Dieu m’a donné lieu de rire ; quiconque l’entendra rira avec moi ». La
promesse du chap. 17:19, est devenue pour elle plus qu’un commandement à
observer. Il y a pour l’âme dans cette promesse des sources de rafraîchissement
et d’énergie ; elle est pleine de lumière et d’instruction pour l’intelligence
éclairée de Sara. La force et la fermeté en sont la suite. Comme plus tard
Debora vis-à-vis de Barak, Sara fortifie Abraham. « Chasse cette servante et son
fils », dit-elle à son mari ; car elle était heureuse dans la liberté de la grâce
et de la promesse, tandis que lui s’attardait encore parmi les exigences de la
nature et les désirs de son affection pour celui qui était sorti de ses reins.
« Chasse cette servante et son fils ; car le fils de cette servante n’héritera
pas avec mon fils, avec Isaac ». Or cela était une parole de l’Écriture, comme
nous le voyons en Gal. 4; c’était la voix de Dieu. De sa propre main, Dieu met
aussitôt son sceau sur la fermeté de la foi, dans cette liberté de la grâce.
« Christ nous a placés dans la liberté ; tenez-vous donc fermes », dit l’Esprit. Y
avait-il rien qui répondit plus parfaitement à la pensée du Seigneur, dans les
jours de sa chair, qu’une foi hardie et libre, une foi qui avait recours à Lui
sans timidité ; qui parvenait jusqu’à Lui, malgré la foule ; qui s’empressait de
venir à Lui, malgré les reproches secrets d’un pharisien portant un faux
jugement sur elle, ou les murmures injurieux d’hommes à propre justice ? Avec quelle
énergie aussi l’Esprit travaille dans l’apôtre Paul, pour donner au pécheur
cette précieuse hardiesse, cette assurance immédiate du coeur en Christ, malgré
la loi, la conscience, la terre et l’enfer !
Cette hardiesse de la foi en Sara, ce renvoi de la servante, ce
désir (et cela pour elle-même) de pouvoir toute seule jouir de son Isaac, tout
cela est selon l’Écriture
(Gal.
4:30). Elle parlait « comme un oracle de Dieu ». Mais Abraham voudrait maintenant
garder Ismaël. Il n’y a rien d’étrange à cela. La nature agit ici en Abraham,
et la foi en Sara ; comme dans une occasion précédente que nous avons remarquée
la nature avait agi en Sara, et la foi en Abraham. Mais la nature en Abraham
doit se soumettre. Il ne doit pas laisser Sara retenue sous ce joug de servitude.
Sa maison doit être débarrassée d’Ismaël, car elle ne doit être bâtie que pour
Isaac. « Le fils de la servante n’héritera point avec le fils de la femme
libre ».
Tout ceci porte bientôt son fruit. Agar étant partie, et la maison étant assurée en Isaac selon la demande de la foi, la gloire est toute prête à y entrer. C’est là l’ordre divin. Ayant « trouvé accès à cette faveur dans laquelle nous sommes, nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu ». Tel est l’ordre de l’Esprit dans l’âme d’un saint ; et tel est maintenant l’ordre de la maison symbolique de notre patriarche.
Ceci est plein d’instruction. Aux jours de la détresse et de la famine Abraham avait recherché le gentil, soit en Égypte, soit en Philistie mais maintenant le gentil recherche Abraham. C’est un grand changement. La maison d’Abraham, comme nous l’avons vu, est maintenant assurée en grâce. Ismaël est renvoyé, et Abraham se glorifie en Isaac. Dans le sens symbolique, Israël est retourné au Seigneur, le voile est ôté, Jérusalem a dit à Christ : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ». Son temps de détresse est donc accompli. Le gentil recherche Israël. Abimélec et Picol, le roi et son chef d’armée, viennent trouver Abraham.
C’est un grand changement dispensationnel. Israël est désormais à la tête et non à la queue. Les nations saisissent maintenant le pan de la robe du Juif ; car le Juif a, par la foi, saisi le Seigneur, et les nations disent : Dieu est avec vous (Gen. 21:22; Zac. 8:23).
Cela est plein d’instruction ; Abraham, conduit par l’Esprit, est
rempli de pensées de gloire ou du royaume, et cela, avec raison ; car, lorsque
le Juif est recherché par le gentil, au lieu d’être foulé et avili par lui, le
royaume s’est approché. Aussi, puisque le roi de Guérar le recherche et
l’implore, notre patriarche bâtit un nouvel
autel, non l’autel d’un étranger céleste, comme au chap. 12, mais un autel au
« Dieu d’éternité » ; non un autel dans le désert du monde, mais un autel à côté
d’un tamarisc
ou bosquet, et d’un puits
; l’un étant témoin que la terre
aride se réjouit et que le lieu stérile est dans l’allégresse, l’autre que les
peuples de la terre sont alliés avec la semence d’Abraham (*).
(*) Le Seigneur Jésus, en son jour, reconnaît ce même signe précurseur du royaume. Lorsque les Grecs viennent à la fête et demandent à le voir, de même qu’ici le gentil recherche Abraham, ses pensées se portent aussitôt sur sa gloire. Il sait assurément qu’il ne peut atteindre à la gloire sans passer par la mort, et il en rend témoignage ; mais néanmoins, c’est sur la gloire que ses pensées s’arrêtent aussitôt (voir Jean 12:23).
Cette claire intelligence de la foi d’Abraham est d’une très grande beauté. Nous avons déjà vu la foi agir en lui. Il connaît le moment de la paix, comme autrefois le moment de la guerre, et il avait agi en conséquence au jour de la bataille des rois. Il connaissait aussi sa position céleste, et s’y plaça lorsque le feu de l’Éternel jugeait les villes de la plaine. Il savait encore, comme ce chap. 21 le montre d’une manière très remarquable, quand supporter le tort et quand en demander raison, quand être passif et quand revendiquer ses droits. Maintenant, au jour dont parle ce chapitre, lorsque le gentil le recherche, il reprend Abimélec à cause d’un puits d’eau dont les serviteurs d’Abimélec s’étaient emparés de force. Or jusqu’ici il ne s’était pas plaint de ce tort ; car Abimélec lui dit : « Je ne sais pas qui a fait cette chose-là, et aussi tu ne m’en as pas averti, et moi, je n’en ai entendu parler qu’aujourd’hui ». Ceci est une chose parfaite en sa génération. Abraham avait souffert jusqu’alors, et avait accepté patiemment la chose, parce qu’il avait été jusqu’ici un étranger céleste sur la terre, et qu’un tel étranger, souffrant patiemment, est digne de louange devant Dieu. Maintenant, les temps sont changés. L’étranger céleste est devenu le chef des nations, recherché par les gentils ; les droits et les torts doivent être maintenant réglés, et le cri de l’opprimé doit être entendu.
On ne saurait assez admirer ce travail de l’Esprit en Abraham. Abraham était un Israélite qui connaissait les saisons de l’année ; comme son Maître, il savait quand il devait se rendre à la Pâque, et quand à la Fête des tabernacles. Il savait, en esprit, persévérer avec Jésus dans ses tentations, et aussi, le jour venu, faire retentir les hosannas autour de lui à son entrée dans la ville du Fils de David. Toutes ces lumières variées et harmonieuses brillaient dans l’intelligence spirituelle de son âme. Dieu, par l’Esprit, communiquait de belles pensées à Abraham. En d’autres temps, il ne voulait de cette terre pas même de quoi poser son pied ; il abandonnait à Lot le choix du pays ; laissait le Cananéen où il l’avait trouvé ; refusait d’être enrichi, même d’un fil ou d’une courroie de sandale, par le roi de Sodome ; il errait çà et là avec sa tente comme un étranger céleste ; maintenant, en un jour déterminé de Dieu, il peut être un autre homme et réaliser sa position millénaire, en tant que père de l’Israël de Dieu, et son représentant comme chef des nations. Il peut célébrer en sa saison la Fête des tabernacles. Le fait qu’il reprend Abimélec, lui fait accueil et l’enrichit, qu’il lui donne des gages d’alliance, tout cela dans la conscience de sa dignité — ensuite, son nouvel autel et son invocation à Dieu sous un nouveau nom, sa plantation d’un tamarisc, tout proclame un homme différent : il s’est produit en lui, pour ainsi dire, une transfiguration selon Dieu.
Il y a, dans tout ceci, un magnifique caractère de grandeur. Mais je ne m’y arrête pas davantage ; car il y a plus encore dans cette belle vie de foi que notre père Abraham poursuivit, par grâce, jusqu’au bout, retenant toujours ferme le commencement de son assurance.
Qu’il me soit permis de dire ici que la vie de foi d’Abraham
est, en d’autres termes, une vie passée dans la puissance de la résurrection
. C’est la vie d’un homme mort et
ressuscité, une leçon certainement difficile à apprendre pour qu’elle soit
vraiment utile ; néanmoins c’est la leçon, la leçon pratique de notre vie,
savoir que nous sommes des hommes morts et ressuscités. Dès le début, Abraham,
en esprit, revêtit ce caractère. Il laissa derrière lui tout ce qu’il avait
reçu de la nature ou du monde. Il abandonna ce en quoi sa naissance
l’avait fait entrer, pour saisir ce en quoi sa foi le fit
entrer. Comme il avait commencé, il continua et finit, non, il est vrai, sans
de nombreux manquements, mais il fut néanmoins jusqu’au bout un homme de foi,
un homme mort et ressuscité.
Comme tel, il avait reçu Isaac une vingtaine d’années
auparavant, n’ayant pas égard à son propre corps déjà amorti, ni à l’état de
mort du sein de Sara ; et, comme tel, il offre maintenant son fils sur l’autel
selon la parole de l’Éternel. Dieu
avait fait la promesse : cela lui suffisait. Car la foi
n’est jamais vaincue. Elle a des ressources divines,
infinies. Le croyant fait mainte et mainte chute ; mais la foi n’est jamais
vaincue, ni jamais trompée dans son attente (Gen. 22).
Nous voyons cette foi en Abraham, lorsqu’Isaac lui fut demandé
en holocauste (*). La même foi victorieuse se
manifeste dans la scène qui suit, l’ensevelissement de Sara. C’est la foi d’un
homme mort et ressuscité ; la foi qui avait reçu
Isaac et offert
Isaac, ensevelit
maintenant Sara. Abraham croyait à la résurrection ; il croyait en Dieu comme le
Dieu de la résurrection, le Dieu qui vivifie les morts, et qui appelle les
choses qui ne sont pas comme si elles étaient. La caverne de Macpéla nous le
dit : « La terre à la terre, la poussière à la poussière, la cendre à la cendre, dans une espérance sûre et certaine
».
Tel était le langage du coeur d’Abraham. L’achat de ce champ, et tout le soin
qu’il met à ce qu’il lui appartienne en
propre
, quoique, à part ce champ, il ne désirât pas un seul arpent du pays
tout entier, nous prouve qu’il croyait à la résurrection. Son contrat avec les
fils de Heth est fait dans le même esprit que ses paroles à ses jeunes hommes :
« Restez ici, vous, avec l’âne ; et moi et l’enfant nous irons jusque-là, et nous
adorerons, et nous reviendrons vers vous ». Chacune de ces choses montre
d’avance ce qu’il savait touchant son fils Isaac et Sara, sa femme. Il les
remettait l’un et l’autre entre les mains de Celui dont il savait qu’il vivifie
les morts. Le grain de froment mort, il le savait, devait revivre. Une poignée
de poussière sainte, il le savait, devait être de nouveau rassemblée pour
former un corps ressuscité. La mort elle-même, il la voyait aussi de l’oeil
victorieux de la foi, comme il avait vu sur l’autel le feu et le bois, et la
victime bien-aimée (Gen. 23).
(*) Il y a dans cette histoire des mystères
aussi bien que des exemples
de foi
; mais je ne puis y entrer ici. Le sacrifice d’Isaac sur Morija, nul
de nous n’en doute, est un mystère ; de même, j’en ai la certitude, nous avons
un mystère dans ce qui nous est raconté d’Agar et d’Ismaël, au chapitre 21 —
tableau du Juif au temps actuel rejeté
,
mais gardé, fugitif sans feu ni lieu, réservé toutefois pour des desseins de
miséricorde dans l’avenir (voir Gal 4:25). Mais je ne m’arrête pas à ces
sujets.
Telles furent les nouvelles victoires de la foi. Celle de notre
patriarche allait ainsi avec calme à la rencontre de toutes les circonstances ;
et il avait successivement le dessus sur toutes. Belles victoires d’une « foi de
pareil prix » ! Or de telles victoires sont encore remportées ; la foi est
toujours la ressource dans toutes les circonstances, à mesure qu’elles
surviennent. Elle est ce qu’il nous faut dans notre état personnel de « morts
dans nos fautes et dans nos péchés », ce qu’il nous faut au milieu des difficultés
et des tentations, ce qu’il nous faut en présence du dernier grand ennemi. Je
ne dois pas trouver étonnant d’être victorieux le long du voyage ou au bout du
voyage, si je l’ai déjà été au début. La foi ira sur la montagne de Morija, ou
à la caverne de Macpéla, si elle a déjà été avec le Seigneur dans la nuit
étoilée. Si elle a déjà fait face à la mort dans ma propre personne elle peut
lui faire face dans mon Isaac, ou dans ma Sara. En disant ces choses, le
Seigneur le sait, je parle de sa grâce et non de ma propre expérience. Mais,
néanmoins, bien-aimés, que chacun de nous se dise : Ne suis-je pas en paix avec
Dieu ? Est-ce que je ne sais pas que Dieu est pour moi ? que, dans sa grâce, il
m’a arraché à mon état de péché, de culpabilité et de condamnation ? que je suis
lavé, accepté, adopté ? Ne suis-je pas sorti avec Abraham, dans la nuit du chap.
15, et n’ai-je pas trouvé pour moi-même la délivrance de l’état dans lequel
j’étais par nature ? Et ralentirai-je le pas, même si je dois trouver sur ma route
l’épreuve de la montagne de Morija, ou la mort et la sépulture de Macpéla ? Si
la foi a déjà rencontré le péché, cela a été pour apprendre ensuite qu’elle est
victorieuse même de la mort. Nos âmes doivent s’habituer à la pensée que la victoire la plus éclatante de la foi a
été remportée au commencement
— que si, malgré le péché, nous sommes en
paix avec Dieu, nous pouvons compter que nous aurons sa force et son soutien
malgré les épreuves de la route, et que nous aurons en Lui la puissance et la
victoire, bien que la route elle-même doive avoir son terme. La foi ayant fait
sa première
oeuvre a fait sa plus grande
oeuvre. « Si, étant ennemis,
nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils beaucoup plutôt,
ayant été réconciliés, serons nous sauves par sa vie ». Dieu est glorifié par
cette assurance de la foi. « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils,
mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi,
librement, de toutes choses avec lui ? »
La puissance de la vie sur la mort, de la vie dans la victoire,
est la source de force de la foi. C’est de cette puissance de la vie
victorieuse qu’Abraham devint possesseur par la foi. Le sépulcre est vide, et
les linges qui enveloppaient le mort sont à terre, comme les dépouilles du
combat. Son propre corps amorti, l’autel de son fils Isaac et le sépulcre de
Sara, c’est un homme ressuscité
qui
les a vus et attentivement considérés à la lumière de la foi en Celui qui fait
vivre les morts et appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient.
Ce sont là les grands effets de la foi dans les âmes des élus.
Mais allons plus avant dans cette histoire variée et riche en instruction. Nous y voyons Abraham à la fin toujours sur le même terrain qu’au commencement, et poursuivant le cours de ses victoires. Il se maintient par grâce debout et ferme, dans la même attitude qu’il avait prise dès le premier moment, lorsqu’il avait, par la foi, obéi à l’appel de Dieu.
Cet appel de Dieu avait fait deux choses chez Abraham et pour
Abraham ; il l’avait séparé de la
Mésopotamie, et l’avait néanmoins laissé étranger en Canaan. Il avait été tiré
hors de son pays, de sa parenté et de la maison de son père ; mais, au milieu du
pays où il était venu et de ses habitants, il ne devait être que pèlerin, séjournant
sous une tente, où que ce fût qu’il passât ou qu’il s’arrêtât.
C’était une position de très grande sainteté ; il y avait pour
lui double séparation : séparation des souillures auxquelles il était exposé en
Canaan, et séparation des alliances naturelles dans lesquelles sa naissance
l’avait placé en Mésopotamie. Il avait été appelé par le Dieu de gloire ; et un
tel appel n’admet aucun accommodement, ni avec la chair, ni avec le monde. Dans
une mesure, selon la sainteté des Lévites, il ne reconnaissait pas les fils de
sa mère ; selon la sainteté de l’Église, il ne connaissait personne selon la
chair ; et, chose encore plus belle, il ne se reconnaissait pas lui-même
. Il était l’héritier du pays
dans lequel il était pèlerin. La promesse
de Dieu était à lui, aussi sûrement que l’était son appel
. Il savait que, selon le propos divin, irrévocable, il était
destiné à des dignités d’un caractère très élevé. Mais, jusqu’au bout, son
désir fut de rester inconnu, entièrement inconnu. Il ne parlait de lui-même aux
enfants du pays que comme étant étranger et séjournant parmi eux. Il voulait
payer pour le plus petit morceau de terrain dont il avait besoin. Il voulait
n’être rien, n’être personne, au milieu d’eux. Il ne parlait jamais des
dignités que, tout du long, il savait être réellement siennes.
C’est dans le même esprit qu’en son jour, David, qui avait sur sa tête l’onction de Samuel — la consécration de Dieu au trône des tribus d’Israël — voulait cependant être caché et, au moment de la nécessité, voulait être redevable d’un morceau de pain à un riche voisin. Ces hommes de Dieu ne se reconnaissaient pas eux-mêmes. Telle était la manière de faire de notre patriarche Abraham, et telle la vertu de Celui qui, dans ce même monde mauvais et égaré, s’anéantit lui-même, bien qu’il fût le Dieu du ciel et de la terre.
Précieuses vertus de l’âme à laquelle le Saint Esprit a fait éprouver la puissance de l’appel de Dieu ! La Mésopotamie est laissée en arrière, Canaan est comme un pays étranger, le moi est oublié et caché !
Le but de l’appel de Dieu à notre égard est aujourd’hui le même qu’à l’égard d’Abraham en son jour ; savoir de nous rendre conformes à ce à quoi Dieu nous appelle. Son autorité est suprême. Ce n’est pas que notre pays ou notre parenté nous souille nécessairement. La nature sanctionne l’un et l’autre, et la loi de Dieu les reconnaît et les confirme. Mais l’appel de Dieu est suprême et exige une séparation d’un caractère très élevé, très beau et très spécial. C’est cet appel qui fut adressé à Abraham lorsqu’il habitait en Mésopotamie, lieu de sa naissance, de sa parenté et de ses associations naturelles ; et l’écho de cet appel résonnait dans son coeur pendant tout le temps de son séjour en Canaan.
Ce n’est pas qu’il fût appelé à proclamer le mal
de ces choses. Nullement. Mais
c’étaient des choses que l’appel de Dieu laissait de côté ; et le mal, le mal
moral, ou la souillure de telle ou telle chose, n’étaient plus ce qui réglait
sa conduite, mais le fait que cette chose était incompatible avec l’appel de Dieu
. Il pouvait reconnaître les
justes droits de bien des relations ; mais la voix du Dieu de gloire à laquelle
il avait déjà obéi avec foi, devait le conduire et avoir autorité. « Nul qui a
mis la main à la charrue et qui regarde en arrière, n’est propre pour le
royaume de Dieu ».
Abraham fut très fidèle à son appel. Au commencement, obéissant à cet appel, il était parti : quant à ce qui était devant lui, ne sachant où il allait, et quant à ce qui était derrière lui, abandonnant tout ce que même la nature doit sanctionner, tout, sauf ce que sanctionne le souverain bon plaisir de Dieu. Il continue sa course dans la puissance de cet appel, habitant sous des tentes, inconnu et sans part pour lui-même, étranger dans le monde, refusant de faire un seul pas en arrière. À la fin, nous trouvons la même puissance de son appel aussi vivante que jamais dans son âme ; l’effet en est aussi réel et aussi simple au chapitre 24 qu’il l’avait été au chapitre 12. Il adjure Éliézer d’agir en conformité absolue avec cet appel, comme il l’a fait lui-même au commencement, c’est-à-dire qu’à tout prix il doit maintenir Isaac dans la position de séparation. Quoi qu’il arrive, Isaac ne doit pas être ramené en Mésopotamie, ni non plus chercher une alliance avec Canaan. Quelque difficiles que soient les circonstances, il veut rester à sa vraie place selon l’appel de Dieu.
Ceci a un vrai caractère de grandeur. Comme nous le savons tous,
il y a un nouveau mystère dans ce beau chapitre 24, mais je ne le considère pas
ici. Je désire plutôt méditer sur le chemin que suivit, du commencement à la
fin, la foi simple et sincère de notre père Abraham. C’était toujours
la voix du Dieu de gloire qu’il
entendait. Il était toujours
l’homme
séparé. Il montrait clairement qu’il recherchait une patrie céleste ; il aurait
eu du temps pour retourner à l’ancienne. Le voyage même d’Éliézer était une
preuve qu’il n’avait pas oublié le chemin. Mais il n’y retourna pas, ni ne
voulut y retourner.
Ce caractère d’étranger sur la terre est vraiment d’une très grande beauté. Il quitta la Mésopotamie, il séjourna en Canaan, il se cacha, s’oublia lui-même ! Abraham laissa Abraham derrière lui, aussi bien que sa patrie, sa parenté et la maison de son père. Il s’anéantit lui-même. Aux fils de Heth, il parlait de lui-même comme étant simplement un étranger, habitant parmi eux, et pas autre chose, quoique tout le temps il fût celui « qui avait les promesses ». Par toutes ces choses, il montrait qu’il était, réellement et d’un coeur vrai, étranger dans le monde. Il avait conscience que sa bourgeoisie était dans les cieux ; aussi était-il satisfait d’être ici-bas un étranger. Possédant en espérance, il pouvait se passer de posséder de fait. Pour lui, le pays de la promesse était simplement un pays étranger, parce qu’il était pays de promesse et non de possession. Il vit le jour de Christ, et il s’en réjouit ; mais il le vit de loin (Héb. 11:9-14).
Tout cela fut vrai d’Abraham jusqu’au dernier moment, comme nous le voyons dans ces derniers chapitres. Le caractère de sa vie dès le commencement, où il avait entendu l’appel de Dieu, resta le même jusqu’à la fin. Sa foi faiblit mainte fois le long de la route, mais il est toujours le même étranger céleste jusqu’au terme de son voyage (*).
(*) Dans l’histoire symbolique de la terre qui nous est donnée en Lév. 23, l’Église est présentée comme le « pauvre » et « l’étranger » qui glanent dans le champ d’un autre (v. 22). Mais elle laisse le champ, comme elle y est entrée. Elle est, jusqu’à la fin, le pauvre et l’étranger, glanant dans le champ d’un autre. Le champ ne devient jamais sa propriété. Considérée à la lumière de cette belle figure qu’est-ce que la chrétienté aux yeux de Dieu ?
Notre position d’étrangers, j’en suis profondément convaincu, a
le même caractère. Nous devons être étrangers sur la terre, parce que nous avons
la conscience et l’assurance que notre bourgeoisie est dans les cieux, et nous
devons être séparés du monde, parce que nous sommes unis à un Christ déjà
ressuscité. Rien ne peut changer cette position tandis que nous sommes sur la
terre. Nous devrions contempler la face d’un Christ rejeté
, de telle manière que nous puissions maintenir avec
puissance ce caractère d’étrangers, et c’est ce que nous faisons dans la mesure
où Christ a plus de prix pour nous que toutes nos circonstances. C’est parce
que nous manquons en cela que nous nous laissons aller à la mondanité comme
nous le faisons. Nous n’avons pas appris la leçon apprise par Moïse, que
l’opprobre du Christ est un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte.
Leçon sévère, mais bénie. Abraham en avait éprouvé la puissance. Il fut étranger jusqu’au bout. Il aurait pu retourner en Mésopotamie. Il n’en avait pas oublié le chemin, comme nous l’avons dit plus haut ; le respect et l’amitié de tous ses voisins montraient aussi qu’il n’y aurait point eu d’ennemis pour empêcher son voyage. Mais l’appel de Dieu avait captivé son coeur, et ses yeux n’étaient tournés que du côté où cet appel le conduisait (*).
(*) Le Seigneur Jésus, dans les jours de sa chair, agit de même
que le Dieu qui avait autrefois appelé Abraham, car il mit en avant la même autorité suprême
. « Celui qui aime père
ou mère plus que moi », dit-il, « n’est pas digne de moi », Et encore : « Suis-moi,
et laisse les morts ensevelir leurs morts ». Quel autre que Dieu peut se placer
entre nous et de tels liens, de telles obligations et de tels services ? Des
devoirs et des affections tels que ceux-ci sont plus que sanctionnés par la
nature ; ils sont enjoints par la loi, la loi de Dieu lui-même. Mais l’appel de
Dieu est suprême, et Jésus revendique cette autorité aux jours de son
humiliation ici-bas.
Si seulement notre âme restait toujours plus fortement attachée à ces choses ! C’est ce que nos coeurs connaissent vraiment bien peu, s’il m’est permis de parler pour d’autres. Mais ce sont des choses réelles — elles sont le fruit précieux de l’énergie divine dans les élus de Dieu.
Nous arrivons, après tout ce qui précède, à une autre partie distincte de l’histoire d’Abraham, savoir à son mariage avec Ketura et à la famille qui naît d’elle.
Cette famille, née de Ketura, est, nous pouvons en être certains, un mystère distinct, c’est-à-dire qu’en Abraham nous voyons ici un nouveau trait de la sagesse de Dieu, et, en figure, un autre secret dans les voies des dispensations divines. Ces enfants de la seconde femme typifient les nations millénaires, les nations qui peupleront la terre aux jours du royaume, branches de la grande famille de Dieu en ce jour-là et enfants d’Abraham. Elles peuvent être bien loin, aux extrémités de la terre, pour ainsi dire ; mais elles auront chacune son partage et seront reconnues comme membres de la grande famille millénaire accrue. Il leur sera dit : « Réjouissez-vous, nations, avec son peuple ». Les bouts de la terre seront alors l’héritage de Christ ; cela est aussi certain que le fait que l’Église sera glorifiée en Lui dans les cieux, et que le trône de David et l’héritage d’Israël seront à lui, alors que ce peuple sera rappelé à la vie et rétabli dans le pays de ses pères. Les enfants d’Abraham peupleront alors le monde entier.
En ce jour de gloire, le Roi d’Israël sera le Dieu de toute la terre. Christ est le père de l’âge d’éternité. Si Israël est honoré par Lui, toutes les nations seront bénies en Lui. Il est « la lumière pour la révélation des nations », comme il est « la gloire de son peuple Israël ». Les enfants de Ketura, qui reçurent leur part dans d’autres pays, nous parlent en figure de ce mystère. Ils seront au second rang après Israël, il est vrai ; mais ils n’en seront pas moins élus et bien-aimés, ainsi qu’il est écrit ici : « Et Abraham donna tout ce qui lui appartenait à Isaac. Et aux fils des concubines qu’eut Abraham, Abraham fit des dons et les renvoya d’auprès d’Isaac, son fils, vers l’orient, au pays d’orient » (Gen. 25) (*).
(*) Le même mystère nous est présenté, je n’en doute pas, dans le mariage de Moïse et de l’Éthiopienne, et aussi dans celui de Salomon avec la fille du Pharaon. La seconde femme de Moïse est en dignité, inférieure à Séphora, qui brille d’une gloire particulière à la montagne de Dieu, en Exode 18; et, bien que la fille du Pharaon fut pleinement reconnue par le roi à Jérusalem, il ne put lui être donné une place dans la ville de David.
Tel est, je crois, le sens symbolique de cette nouvelle famille
d’Abraham ; cet étrange et merveilleux passage clôt l’histoire du patriarche.
Mais c’est une addition de plus au témoignage abondant et varié, que Dieu a
rendu dans cette histoire quant à ses propres conseils et à ses propres
secrets. Cela est très remarquable. C’est parfois le Père
que nous voyons dans la personne d’Abraham — par exemple,
dans ses désirs pour ses enfants quand il fait un festin au sevrage d’Isaac,
quand il sacrifie son fils, quand il envoie chercher une femme pour lui ; —
d’autres fois, c’est le Christ
que
nous voyons en lui, comme celui en qui toutes les familles de la terre doivent
être bénies, comme le proche parent qui rachète Israël, comme celui qui est
chef souverain des nations, père de l’âge millénaire ou d’éternité — et
d’autres fois, l’Église
, le peuple
céleste, se trouve représentée ou reflétée dans cette merveilleuse histoire ;
d’autres fois encore, nous nous y trouvons sur la terre avec Israël
.
Dans les détails et les faits si divers de cette vie d’Abraham, qui mettent en lumière différentes parties des voies divines, nous retrouvons le Seigneur, auquel toutes ses oeuvres sont connues de tout temps. Dans les allégories de Sara et de sa semence, d’Agar et de sa semence, de Ketura et de sa semence, nous voyons le mystère de Jérusalem, notre mère ; d’Israël, maintenant dans la servitude avec ses enfants ; et enfin, le rassemblement des nations du monde entier, comme branches de la même famille millénaire accrue. Combien de mystères se trouvent ainsi représentés dans la vie d’Abraham, et combien de parties diverses de « la sagesse si diverse de Dieu » nous y sont enseignées !
Je sais parfaitement que les types vivants
ou personnes typiques n’ont pas eu, plus que les types matériels
, conscience de ce qu’ils
étaient dans la main de Dieu. Sans aucun doute, Agar était aussi passive que
l’or dont était plaquée la table des pains de proposition, ou que l’eau dont la
cuve d’airain était remplie. Mais cela ne fait aucune différence à
l’enseignement que nous devons en retirer. Dans la magnificence de Salomon,
nous voyons la gloire royale de Christ ; et dans la lame d’or sur le front
d’Aaron, les ressources si profondément précieuses de sa grâce ; je ne cherche
pas à savoir davantage à cet égard quant à Salomon lui-même, que quant à l’or
de la lame. Le sommeil d’Adam me parle de la mort du Fils de Dieu ; le
ravissement d’Adam à son réveil lorsqu’il reçoit Ève, me parle de l’amour
satisfait et de la joie du même Christ de Dieu, lorsqu’il verra du fruit du
travail de son âme ; mais je ne me demande pas si Adam savait ce qu’il
signifiait pour moi. Agar, sans en avoir jamais eu conscience, peut m’instruire
au sujet de la première alliance, tout comme l’autel, qui n’avait conscience de
rien, peut m’instruire quant à la vertu du sang de Christ qui purifie de tout
péché. De même, quant à notre patriarche Abraham, qui a sa place au milieu de
tous ces mystères divers et merveilleux, je ne suis pas curieux de savoir dans
quelle mesure il se rendait compte de ces choses. La sagesse de Dieu, le Christ
qui était l’objet des conseils éternels, peut dire : « Voici, moi et les enfants
que l’Éternel m’a donnés, nous sommes pour signes et pour prodiges » ; mais
jusqu’à quel point Abraham pouvait parler ainsi, dans quelle mesure il
partageait lui-même le secret qu’il avait à proclamer, ou bien s’il prononçait
des mystères comme dans une langue inconnue, c’est ce que nous n’avons point à
demander. Dieu est lui-même son propre interprète.
Notre patriarche est maintenant arrivé au terme de son activité et de ses exercices d’âme. Nous avons encore à lui fermer les yeux, comme nous lisons au chap. 25:7-8: « Et ce sont ici les jours des années de la vie d’Abraham, qu’il vécut : cent soixante-quinze ans. Et Abraham expira et mourut dans une bonne vieillesse, âgé et rassasié de jours ; et il fut recueilli vers ses peuples ».
Il avait vu le pays ; mais il ne devait pas entrer en possession.
Il était le Moise d’une génération précédente ; comme lui, un homme céleste
, un homme du désert, et non un
homme de l’héritage — un homme de la tente, un enfant de la résurrection. Il
fut recueilli vers ses peuples, avant que l’Israël de Dieu fût entré dans le
pays de la promesse. Comme à travers la longue-vue du conseil de Dieu, et à la
lumière de la foi, il voit le pays, mais il ne passe pas le Jourdain pour le
posséder. Il meurt sur le mont Pisga, sur la rive du Jourdain vers le désert,
mais destiné avec Énoch avant lui et avec Abraham, à briller au sommet de la
montagne dans la gloire céleste du Fils de l’homme.
Nous sommes maintenant arrivés à la fin de la troisième partie du livre de la Genèse, et en même temps à la fin des scènes et des circonstances de la vie d’Abraham.
Dans ces fragments, ainsi réunis et conservés pour nous par le
Saint Esprit, nous avons vu la foi remportant ses victoires, connaissant ses
privilèges, en appelant à ses droits, déployant sa générosité, jouissant de la
communion, cédant ce qu’elle doit céder, obtenant des consolations et des
promesses, Nous avons vu aussi l’intelligence
de la foi et appris qu’elle marche dans la lumière (c’est-à-dire selon le
jugement) de la pensée de Christ.
Nous ne voyons pas ordinairement cette belle union de l’intelligence
et de la puissance morale
de la foi. Chez les
uns, on trouve la puissance d’une foi sincère, fervente, marchant en toute
fidélité et intégrité, mais se trompant souvent quant à la sagesse
dispensationnelle de Dieu. Chez d’autres, on trouve une bonne connaissance, une
grande capacité spirituelle, pour discerner la sagesse de Dieu déployée dans
les différents âges et dispensations, mais la puissance faisant défaut pour
tout le service qu’une foi simple et plus sincère accomplit tout du long. En
Abraham, nous voyons les deux choses réunies.
Dans notre marche avec Dieu, la lumière de la connaissance de ses pensées devrait être visible ; en même temps, nos coeurs devraient rester toujours ouverts à sa présence et à sa joie, et nos consciences en éveil quant à ses droits et quant à sa volonté. La vie de foi est une chose très incomplète si nous ne savons pas, comme Abraham, connaître les temps indiqués par Dieu, pour combattre, ou pour rester tranquille ; pour supporter en silence les torts d’un Abimélec, ou pour s’en plaindre ; pour bâtir un autel, comme étranger et forain, ou pour invoquer le nom du Dieu d’éternité. En d’autres mots, nous devons savoir ce que le Seigneur a en vue, suivant son conseil éternel, et le but qu’il veut atteindre selon sa sagesse si diverse et si féconde.
Telle est la nature de toute obéissance ; car la conduite du saint doit toujours être selon la sagesse de Dieu, dispensée au moment même, ou pour une période de temps donnée.
Mais j’ajouterai que, chez Abraham, le caractère le plus élevé
de la dignité morale est qu’il était étranger
sur la terre
.
Ce caractère brille d’un éclat qui efface tout le reste. C’est
ce qui fit que Dieu n’eut pas honte
d’être appelé son Dieu. Dieu peut moralement
reconnaître l’âme qui, de propos délibéré, refuse un droit de bourgeoisie dans
ce monde révolté, corrompu.
Rien, chez Abraham, ne fut d’une dignité morale plus élevée.
Dieu aime l’étranger (Deut. 10:18). Il aime l’étranger pauvre
, sans ami
, d’un amour plein de pitié et de grâce, et il pourvoit à
ses besoins. Mais quand l’étranger est séparé
et a tourné le dos à cette scène souillée, Dieu associe avec lui son nom et
son honneur et n’a pas honte de le reconnaître moralement tel (Héb. 11:13-16).
Qu’il est beau de voir Abraham se mettre en route au
commencement ! Le Seigneur et ses promesses étaient tout ce qu’il avait. Il
laissait derrière lui, comme nous l’avons vu, sa patrie quant à la nature
; or c’était sans s’attendre à en
trouver une autre
dans le lieu où il
allait. Il savait qu’il devait y être étranger et en séjour avec Dieu sur la
terre. Il quitta la Mésopotamie, mais il n’eut pas Canaan à sa place. C’est
pourquoi, pendant toute sa vie, ou du moins pendant son séjour d’environ cent
ans au milieu des habitants de ce pays, il fut un homme séparé. Pour cet homme
céleste, Canaan était le monde
, et,
quoique y étant tout le temps, il eut aussi peu qu’il le put, affaire avec le
monde. Lorsque les circonstances l’exigeaient, il traitait avec lui. Il
trafiquait, sans nul doute, s’il le fallait, avec les hommes du pays, mais ses
sympathies n’étaient point avec eux. Il lui fallait un lieu de sépulture : il
l’acheta des fils de Heth. Il n’hésitait aucunement à traiter avec eux touchant
une nécessité d’achat et de vente ; mais il voulait plutôt acheter
que recevoir
. Il
refusait de leur être redevable ou d’être enrichi par eux ; ils n’étaient pas
ses compagnons
. C’est ce que, chez
lui, nous remarquons en tout. Si Aner, Eshcol et Mamré — peut-être moralement
attirés par ce qu’ils voyaient en lui — recherchent son alliance, il ne la leur
refusera pas dans une occasion spéciale où il s’agit de l’intérêt commun, s’il
sait que cet intérêt serait sanctionné ou approuvé par le Dieu qui l’a appelé.
Mais, quoi qu’il en soit, les Cananéens n’étaient point ses compagnons. Sa
compagnie était sa femme, sa maison, ses troupeaux, et cet autre juste, Lot,
fils de son frère, qui avait quitté avec lui la Mésopotamie, aussi longtemps du
moins qu’il marcha comme un homme séparé en Canaan. Mais même Lot, lorsqu’il ne
se distingue plus d’avec les hommes du pays, est pour Abraham un étranger aussi
entièrement que ces derniers.
Il y a sûrement en tout ceci une voix pour nous. Les anges
furent parfois les hôtes d’Abraham, et aussi le Seigneur des anges ; mais en
tout temps son autel et sa tente étaient sa part, comme aussi les mystères et
les vérités de Dieu à mesure qu’il lui en était donné connaissance. Le peuple
du pays, les hommes du monde, ne prit pas les mêmes goûts, les mêmes
sympathies, ni ne connut la même confiance qu’Abraham. Il était parmi
ce peuple, mais non de
ce peuple et jamais il n’eut voulu
qu’Isaac épousât une fille de Canaan ; plutôt que cela, il eut préféré ne point
lui bâtir de maison, et qu’Isaac n’eût jamais de femme.
Pour quelques-uns d’entre nous, cet abandon des choses
naturelles est terrible, mais si nous aimions Jésus davantage, nous en
supporterions plus facilement la perspective. Si nous méditions, si nous
appréciions davantage tout ce qui est pour nous au-dedans du voile
, nous sortirions vers Lui hors du camp
d’un pas plus ferme et plus assuré. « J’ai appris », dit
l’un des martyrs, « qu’il n’est point de liberté comparable à celle du coeur qui
a tout quitté pour Christ, point de sagesse comparable à celle qu’on apprend a
ses pieds, point de poésie comparable à la joie calme que donne l’espérance de
la gloire à venir ».
Au sujet de notre patriarche Abraham et de ses compagnons dans cette vie de foi, confessant qu’ils étaient étrangers et forains sur la terre, il est écrit : « Ceux qui disent de telles choses montrent clairement qu’ils recherchent une patrie ; et en effet, s’ils se fussent souvenus de celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu du temps pour y retourner ; mais maintenant ils en désirent une meilleure, c’est-à-dire une céleste ; c’est pourquoi Dieu n’a point honte d’eux, savoir d’être appelé leur Dieu, car il leur a préparé une cité » (Héb. 11:14-16).
Bien-aimés, nous sommes appelés à être ces étrangers, des étrangers tels que Dieu peut les reconnaître moralement. Si le monde ne fut pas l’objet d’Abraham, nous devrions sentir — et pour cela, nous avons même des raisons plus élevées — que le monde ne peut être notre objet à nous. L’appel du Dieu de gloire fit d’Abraham un étranger ici-bas ; la croix de Christ, outre cet appel, devrait nous rendre encore plus étrangers. Ainsi que nous le chantons quelquefois :
« Au pied de sa croix nous restons
Comme étrangers sur cette terre ».
« Vous êtes morts », dit l’apôtre, « et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». C’est là une position d’étrangers de l’ordre le plus élevé, la position du Fils de Dieu lui-même. « Le monde ne nous connaît pas, parce qu’il ne l’a pas connu ».
Avec la force que donne cette position d’étrangers dans le monde, puissions-nous avoir la grâce de « nous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme » ! et, avec la force que donne la conscience que notre bourgeoisie est dans les cieux, puissions-nous attendre « le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses ! » (Phil. 3:21).
Note de l’auteur : Il peut être utile de remarquer que ces pages
sur Isaac considèrent le patriarche au point de vue de son caractère naturel,
et nullement comme un type. Comme tel, sa vie a une merveilleuse unité ; c’est
la vie d’un homme ressuscité
,
traversant le monde dans ce caractère.
Dans les articles précédents, intitulés, Hénoc, Noé et Abraham, j’ai suivi le cours du livre de la Genèse jusqu’à la fin du chap. 24. Je me propose maintenant de continuer cette étude par la considération des chapitres 25 à 27, où Isaac, après Abraham, est le principal personnage en vue.
Il ne nous est dit toutefois que peu de chose de son histoire et peu de chose de son caractère. À certains égards, ceci importe peu ; car, qu’il y ait peu ou beaucoup, son nom vit dans le souvenir de nous tous qui avons appris à connaître les voies du Dieu de grâce, « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », son nom éternellement, son mémorial de génération en génération (Exode 3).
Isaac était étranger sur la terre, un étranger céleste, comme l’avait été son père ; nous le voyons, comme Abraham, avec sa tente et son autel ; nous entendons l’Éternel lui donner les promesses, comme il les avait données à Abraham.
« Par la foi, Abraham demeura dans la terre de la promesse comme dans une terre étrangère, demeurant sous des tentes avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse ».
Cette vie des patriarches sous des tentes avait un caractère particulier de grandeur. C’est ce que nous enseigne Héb. 11:9-10. Ce passage nous dit que les pères se contentaient de vivre à la surface de cette terre. Une tente n’a point de fondements. En quelques instants on la dresse ou la plie. Ce lien faible et momentané avec la terre, et la vie sous une tente, suffisaient à ces patriarches ; ils n’en voulaient point d’autre ; ils ne recherchaient pas une cité, ni des fondements, dont Dieu ne fût pas le constructeur. Tant que l’édifice de Dieu n’était pas manifesté, ils étaient en séjour ici-bas ; ils ne faisaient que passer sur la plaine, c’est-à-dire sur la surface de la terre, sans y prendre aucunement racine.
C’est ce que nous disent les tentes de ces pères pèlerins. Et
tandis que leurs tentes rendaient témoignage qu’ils étaient des étrangers
célestes leurs autels montraient qu’ils étaient des adorateurs, de vrais
adorateurs, car ils élevaient leur
autel à Celui qui leur était apparu.
Ils
ne prétendaient pas trouver Dieu par leur sagesse, puis l’adorer selon les
lumières et les imaginations de leurs propres pensées. Ils ne se disaient pas
sages comme le fait la foule dans sa folie ; mais ils connaissaient Dieu, et ils
ne l’adoraient que selon la révélation qu’il leur avait donnée de lui-même.
C’est pourquoi, ce n’était pas l’autel d’un « dieu inconnu » qu’ils servaient ;
ils servaient, adoraient en vérité. L’autel
des patriarches était, en son temps, aussi beau que la tente
des patriarches. La tente exprimait leur relation propre avec
le monde qui les entourait ; l’autel exprimait la relation avec l’Éternel, le
Dieu des cieux et de la terre, qui était au-dessus d’eux.
Tout cela était également vrai d’Abraham d’Isaac et de Jacob.
Aucun nouveau secret dispensationnel n’est donc révélé en Isaac, aucun nouveau
propos des conseils divins, comme en Abraham (*). Néanmoins, quoiqu’il ne soit
point présenté de nouvelle scène typique, nous trouvons, dans l’histoire
d’Isaac, un plus ample déploiement des gloires déjà révélées à Abraham et liées
à la dispensation ou à l’appel de Dieu. Ce déploiement est aussi d’une très
grande importance, et, si nous avons des affections divines, nous devrions
l’apprécier immensément. Voici ce que je veux dire : l’appel céleste, ou la
position d’étranger sur la terre, était chose commune
aux patriarches ; mais, quant au fait caractéristique, nous
voyons présentée en Abraham l’élection,
et
en Isaac la position de fils,
l’adoption.
(*) Voir l’article sur « Hénoc », où ont été considérés certains desseins dispensationnels de Dieu, quant à leurs différences.
Dieu avait appelé Abraham à sortir du monde, à quitter sa
parenté, son pays et la maison de son père, le mettant à part pour lui-même et
pour ses promesses. Mais Isaac, dans la maison de son père, était déjà choisi,
appelé et sanctifié. Il était dans la maison dès sa naissance, et il y était
avec Dieu, étant né suivant la promesse, et en vertu d’une énergie qui vivifie
les morts ; et dans toutes ces choses, la position
de fils
nous est présentée en lui, comme l’élection
nous avait été présentée en Abraham. En Isaac, nous
voyons cette famille qui est « née, non pas de sang, ni de la volonté de la
chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu », et qui est placée dans la
liberté, comme dit l’apôtre : « Or vous, frères, comme Isaac, vous êtes enfants
de la promesse ». Si nous sommes à Christ, nous sommes tous de la semence
d’Abraham, des Isaacs, enfants de la femme libre, possédant l’adoption.
Or comme le mystère de l’élection avait été donné à connaître en
Abraham, le mystère de la position de fils ou de l’adoption, figuré en Isaac,
est selon l’ordre divin. Car l’élection
de Dieu est pour l’adoption,
ainsi que nous lisons : « Nous ayant prédestinés
pour nous adopter pour lui par Jésus Christ » ; et, par conséquent, cette haute
prérogative personnelle étant figurée en Isaac, nous trouvons dans le cours de
l’histoire du fils de Sara une figure extrêmement belle et remarquable du
mystère des fils de la femme libre.
Nous voyons, en effet, la naissance,
et aussi le sevrage
d’Isaac. Or
chacun de ces événements fut une occasion de joie dans la maison du père. Le
nouveau-né fut appelé « rire », et il y eut un festin le jour où il fut sevré.
Ce sont là de merveilleux secrets du Dieu de grâce. La joie d’un
père est d’avoir des enfants ;
une
autre joie pour lui est que les enfants sachent
qu’ils sont enfants.
C’est ainsi qu’Isaac naquit et qu’il fut sevré, comme
nous le raconte le livre de la Genèse. Et tout cela, nous le retrouvons avec
une vivante réalité, après un long intervalle de temps, dans l’épître aux
Galates. Car ce qui était figuré en Isaac, se trouve réalisé en nous par
l’Esprit. Nous apprenons dans cette épître que nous sommes fils par la foi dans
le Christ Jésus. Nous y apprenons aussi que, étant fils, nous en recevons
l’Esprit. Nous sommes nés,
et nous
sommes aussi sevrés.
Paul travaillait
de nouveau pour l’enfantement des Galates, comme il le dit : « Mes enfants, pour
l’enfantement desquels je travaille de nouveau jusqu’à ce que Christ ait été
formé en vous ». Le Christ de ce passage, c’est Christ, le Fils,
et Paul désirait ardemment qu’ils arrivassent à l’état de
fils comme Isaac, à la liberté, dans la conscience de leur adoption. Ils
étaient exposés à la tentation de s’attacher de nouveau à des ordonnances, qui
enfantaient pour la servitude, et qu’avaient prescrites les tuteurs et les
gouverneurs d’une dispensation précédente. L’apôtre voulait, au contraire, les
ramener dans la liberté dont il jouissait lui-même dans sa propre âme. Il avait
plu à Dieu, comme il le dit, de révéler son Fils en lui. Ce qu’il vivait dans
la chair, il le vivait dans la foi au
Fils,
qui l’avait aimé. Il pouvait donc s’en aller en Arabie, où il n’y
avait ni chair, ni sang, dont il pût prendre conseil, point de Jérusalem, de
ville à solennités, point d’apôtres, ni d’ordonnances, point de sacrificature
selon l’ordre charnel, point de sanctuaire terrestre, par lesquels il pût être
approuvé, scellé, rendu parfait. Il ne voulait rien de ce que ces choses, soit
en particulier, soit toutes ensemble, pouvaient lui donner, car il avait le Fils révélé en lui.
Il était un Isaac
sevré, et son désir était que les Galates fussent tels que lui ; il pouvait
entendre les paroles autrefois entendues au sujet d’Isaac dans la maison
d’Abraham : « Chasse la servante et son fils ; car le fils de la servante
n’héritera pas avec le fils de la femme libre ».
Tout ceci nous est présenté, d’une manière symbolique, en Isaac, l’enfant de la femme libre, dont la naissance avait donné lieu au rire et à l’allégresse, et dont le sevrage avait été célébré par un festin. Nous voyons donc que ce mystère, rappelé, est pleinement exposé dans l’épître aux Galates.
Lorsque nous pensons à la prédestination, il ne nous faut pas
seulement penser à des gloires.
Les
desseins de Dieu à notre égard sont plus riches encore. Nous sommes prédestinés
à un état d’affections satisfaites,
aussi
bien qu’à une position de gloires manifestées, savoir à être aussi bien enfants
par l’adoption et à être « devant lui en amour », qu’à hériter de toutes choses
(Éph. 1). L’Esprit qui nous a été donné, nous rend capables de crier : « Abba,
Père » ; — chose non moins certaine que le fait qu’il est le sceau de notre droit
à la rédemption à venir.
Nous sommes portés à l’oublier. Nous pensons à l’appel et à la prédestination, en rapport avec la gloire, plutôt qu’en rapport avec l’amour, la relation, la famille et la maison du Père.
Et pourtant, c’est la relation qui donnera une joie plus
profonde, même que l’héritage et la gloire. La jouissance d’être dans le palais
de son père est, pour le plus jeune enfant de la famille royale, d’une autre
espèce que celle du plus noble et du plus élevé en dignité dans le palais du
Roi. L’enfant est là sans aucune question
de rang,
car il a droit d’y être en raison de sa relation ; d’autre part,
les nobles du pays peuvent y être, mais ils sont à la cour en raison de leur
dignité ou de leur office. Or, comme je l’ai dit, la jouissance de l’enfant à
être dans le palais est d’un caractère plus élevé ; elle est personnelle et non
officielle ; le palais pour lui est son chez-lui,
et non pas simplement la cour du roi.
Or, en Isaac, ce que nous voyons, c’est le fils l’enfant chez lui, l’enfant dans les privilèges de la relation. C’est ce qu’Isaac nous présente, ce qu’il est mystiquement. Isaac fut gardé chez son père, soigné dans la famille, nourri et recevant sa part : les richesses, ainsi que le bien-être de la maison de son père, étaient à lui, comme nous lisons : « Et Abraham donna tout ce qui lui appartenait à Isaac. Et aux fils des concubines qu’eut Abraham, Abraham fit des dons ; et, tandis qu’il était encore en vie, il les renvoya d’auprès d’Isaac, son fils, vers l’orient, au pays d’orient ».
Considéré mystiquement, Isaac l’est comme un fils, né de la femme libre, enfant de la promesse né de Dieu, comme il est dit : « Je viendrai, et Sara aura un fils ». Isaac est une figure des enfants adaptés, rendus « agréables dans le Bien-aimé », qui ont revêtu Christ, qui sont dans sa joie, et sont animés de son Esprit.
Nous avons toutefois à considérer Isaac moralement,
aussi bien que typiquement,
c’est-à-dire dans son caractère,
aussi
bien que dans sa personne.
Nous
n’avons, il est vrai, que peu d’éléments pour notre étude. Il ne nous est guère
raconté d’incidents de sa vie, peu de choses qui nous mettent à même de juger
de son caractère. Cela est propre à nous encourager. Nous rencontrons
quelquefois chez des élus de Dieu un excellent naturel, une noblesse d’âme, une
vertu humaine d’un caractère délicat et captivant ; d’autres fois, au contraire,
le naturel est pauvre, peu sympathique, ou même très mauvais. Cela donne
quelque soulagement à nos pauvres coeurs. Comme nous nous connaissons
nous-mêmes mieux que les autres, il nous est facile de reconnaître que notre
propre naturel est pauvre et misérable ; alors c’est pour nous un encouragement,
dans un certain sens, de rencontrer chez d’autres enfants de Dieu, des natures
semblables à la nôtre.
Isaac manquait
de
caractère. Son naturel n’était ni bon, ni mauvais. Il avait, comme l’on dit,
beaucoup d’aimables qualités qui, selon l’estimation humaine, attiraient le
coeur. Mais il manquait de caractère. La manière dont il avait été élevé,
pouvait y avoir été pour beaucoup. Son enfance avait été entourée de tendresse.
Il n’avait jamais quitté sa mère ; il était l’enfant de sa vieillesse, son
unique ; de telles habitudes l’avaient amolli, et lui avaient fait conserver la
douceur ordinaire d’une amabilité naturelle. On voit en lui l’amour de la
tranquillité et de la retraite, la disposition à la soumission plutôt qu’au
ressentiment, et ceci joint à l’indulgence amollissante de la vie domestique.
Il était irréprochable, nous avons tout lieu de le supposer, pieux et strict à
remplir ses devoirs de famille, comme enfant et comme mari, et il s’attirait le
bon vouloir de ses voisins ; mais il manquait de l’énergie qui l’aurait fait
être un témoin parmi eux, plus, du moins, que par la séparation dont faisaient
foi sa circoncision, son autel et sa tente. Or une telle vie est toujours une
vie effacée. Il était, dans une mesure ordinaire, fidèle à sa tente et à son autel ;
mais, en dressant l’une et en bâtissant l’autre, il le faisait d’une main
plutôt faible.
Isaac avait quarante ans, lorsqu’il reçut Rebecca pour femme. Pendant vingt ans, ils n’eurent point d’enfants ; mais, dans cette épreuve, ils se conduisirent mieux que n’avaient fait Abraham et Sara. Ces deux derniers n’ayant point d’enfants, Sara donne sa servante à son mari. Isaac et Rebecca, n’ayant point d’enfants, prient instamment l’Éternel et s’attendent à sa bonté. C’était là une différence en leur faveur et, dans ce moment, les derniers sont les premiers et les premiers sont les derniers ; aujourd’hui encore, nous trouvons la même variété morale parmi les enfants de Dieu. Mais ces deux familles suggèrent, quant à leurs enfants, des mystères divins différents, comme aussi la conduite des parents dans chaque cas nous présente un enseignement moral différent.
Abraham avait eu deux fils, Isaac et Ismaël, mais par deux femmes ; Isaac a maintenant deux fils : Jacob et Ésaü, enfants de la même femme.
L’inimitié entre les fils d’Abraham commença lorsque Ismaël, âgé
de quatorze ans, se moqua d’Isaac, quand il fut sevré. Mais la lutte entre les
fils d’Isaac eut lieu dans le sein de leur mère. Il y avait là deux nations,
comme l’avait dit l’Éternel à Rebecca : « Deux peuples se sépareront, en sortant
de tes entrailles ». C’est ce qui arriva. L’homme de Dieu se trouva en Jacob,
l’homme du monde en Ésaü ; le principe de la foi
fut dans l’un, le principe de la nature
dans l’autre. Deux peuples différents se séparèrent, en effet, en sortant
de ses entrailles, et s’étaient entre-poussés dans son sein : « L’amitié du monde
est inimitié contre Dieu ». Tel était Ésaü. Ésaü fit de la terre la scène de son
énergie, de ses jouissances et de ses espérances. Il était « un homme des
champs » et « habile à la chasse ». Il prospéra en sa génération. Il aimait la
terre et savait en tirer profit. Son désir se portait sur la vie présente, et
il sut employer ses dons naturels pour s’en procurer les jouissances. Ses fils
ne tardèrent pas à devenir des chefs, et même des rois ; ils eurent des villes,
comme les enfants d’Ismaël étaient devenus des princes et avaient eu des
villages. Leur dignité, leur grandeur procédaient d’eux-mêmes ; et le monde put
les voir dans leur magnificence.
Jacob, au contraire, était « un homme simple », un homme de la tente. Il était comme ses pères. De même qu’Abraham et Isaac, il était étranger ici-bas, séjournant pour un temps sur la surface de la terre, l’oeil fixé sur la promesse. Tandis que les enfants d’Ésaü étaient des chefs, établis dans leurs domaines, avec l’éclat de leurs dignités et de leurs richesses, — ceux de Jacob durent errer de nation en nation, endurer les mauvais traitements et les injustices des Égyptiens arrogants, ou traverser, comme pèlerins, un désert désolé, sans chemin frayé.
Ésaü était l’homme « profane ». Les désirs de son coeur et ses espérances se rapportaient uniquement à la vie de ce monde, car il disait : « Je m’en vais mourir ; et de quoi me sert le droit d’aînesse ? » Comme les Gadaréniens, et comme Judas, il était prêt à vendre la part qu’il avait à Christ. Mais Jacob avait la foi, et fut prompt à acheter ce qu’Ésaü était prompt à vendre.
Deux peuples différents, sortis des entrailles de Rebecca, se
séparaient ainsi, comme nous le voyons. C’est ce qui apparaît dès qu’ils sont
mis au monde ; leurs premières habitudes, leurs premières poursuites sont
caractéristiques. Ce n’étaient plus la servante et la femme libre, ou les
enfants des deux alliances, ainsi que l’avaient été Ismaël et Isaac ; en Ésaü et
Jacob, nous avons les deux natures plus
clairement
exprimées : l’une, réprouvée, héritée d’Adam, profane, mondaine,
qui prend sa part sur la terre, et non point en Dieu ; l’autre, divine, reçue de
Christ, croyante, pleine d’espérance, s’attendant aux promesses de Dieu et espérant
le royaume.
Ces deux natures subsistent encore aujourd’hui ; elles sont très vivantes en divers individus au milieu de nous et autour de nous. On rencontre toujours sur la terre les Caïns, les Nemrods, les Ismaëls et les Ésaüs ; or ces récits et ces exemples offrent des enseignements pour nos âmes. Ils sont d’une merveilleuse simplicité ; mais ils sont trop profonds pour la sagesse du monde, et trop purs pour que le monde les aime.
J’ai réuni ici ces pensées, en raison des leçons morales et des mystères qui y abondent. Mais notre sujet est avant tout Isaac.
Isaac, comme je l’ai déjà fait remarquer, fut élevé dans la tente de sa mère. Il était, à vrai dire, plutôt l’enfant de sa mère que celui de son père — ce qui est le cas habituel pour nous tous dans notre première enfance. Mais pour Isaac, cela persista jusqu’à la mort de Sara ; et à ce moment-là, il devait avoir bien plus de trente ans.
Il connaissait mieux la tente de Sara que la sphère du travail
et des occupations plus pénibles des hommes. Dans cette tente il avait été instruit,
aussi bien qu’élevé ;
et cette éducation laissa sur
son caractère des impressions qui ne s’effacèrent jamais. Quoique incidemment,
nous trouvons, au chap. 24:27, une preuve très évidente de la force de
l’influence maternelle sur Isaac. Isaac, est-il dit, conduisit Rebecca dans la
tente de sa mère, et Isaac se consola
quant à sa mère.
Ceci nous donne une idée assez claire du pli qu’il avait pris dans son enfance. Son caractère fut formé ainsi. Il fut l’Isaac facile, doux, docile, pieux aussi, et, comme je l’ai dit, irréprochable et aimable.
Mais, bien qu’il eût assurément toutes ces qualités, ce dont je ne doute pas, je le demande : Fut-ce simplement son naturel ou son caractère qui lui fit prendre sans hésiter le chemin de la montagne de Morija ? (voir chap. 22). Fut-ce simplement la piété filiale qui le fit consentir à être lié comme un agneau pour la boucherie, sans ouvrir la bouche ? Pouvons-nous le supposer ? Était-ce là simplement de la force de caractère ? Je dis : Non. Un tel sacrifice était trop pour la douceur, la soumission humaine, même en un Isaac ou en une fille de Jephthé. Je dois plutôt dire que la main de l’Éternel fut sur lui en cette occasion, de même que, longtemps après, elle fut sur le maître de l’ânesse dont il était besoin pour porter le roi à Jérusalem ; puis sur la multitude qui, en chemin, l’honora comme roi ; ou sur le maître de maison qui prépara la chambre garnie pour la dernière pâque du Seigneur. Dans ces différentes occasions, la main de l’Éternel fut puissante pour façonner la matière, et lui faire prendre l’impression du moment. Il en fut de même aux jours de l’enfance de Samuel, lorsque les vaches portèrent l’arche de l’Éternel tout droit par le chemin vers le pays d’Israël, bien que la nature s’y opposât, car elles laissaient leurs veaux en arrière. Mais la puissance divine était sur elles. En cette occasion-ci, Isaac était aussi sous l’effet de cette même puissance, de franche volonté, je l’admets pleinement, mais rendu tel en un jour de puissance ; car il devait être le type d’un plus grand que lui. Le sceau était appliqué par une main énergique, et il fallait que l’empreinte fût distincte, profonde et lisible : « Voici je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté », telle est l’inscription sur le sceau. « Comme un agneau muet devant celui qui le tond, ainsi il n’ouvre point la bouche ».
Ce fut un moment important dans la vie d’Isaac, un événement
d’une profonde signification. Il en est de même de son union avec Rebecca (voir
chap. 24). Dans le fait qu’il prend une femme, non pas de son choix, mais celle
que son père lui procure, nous reconnaissons la même main puissante qui est sur
lui. Il peut bien y avoir eu en ceci, plus de docilité humaine et de piété
filiale, que dans le cas du sacrifice sur la montagne de Morija ; c’est ce que
nous pouvons admettre ; néanmoins c’était, comme dans l’autre cas, un moment où
le sceau
était appliqué. Ce mariage
était un type, un mystère, aussi bien que l’avait été le sacrifice. La femme,
amenée au fils du père et à son héritier, chez le père, par le serviteur qui
était dans son secret et avait sa pleine confiance, était un mystère ; et il
faut de nouveau que la matière soit tendre pour prendre l’empreinte qu’elle
reçoit de la main. Le potier faisait des vases pour l’usage de sa maison, et il
fallait que l’argile s’y pliât. Plusieurs siècles plus tard, les enfants du
prophète reçurent les noms qu’il plut à l’Éternel de leur donner, et Ésaïe dut
dire d’eux : « Voici, moi et les enfants que l’Éternel m’a donnés, nous sommes
pour signes et pour prodiges » (Ésaïe 8). De même, Isaac et Rebecca au jour et
dans les circonstances de leur mariage, étaient donnés comme « signes et
prodiges ». C’est là leur principal honneur — ils déclarent les mystères de Dieu.
Ce sont des paraboles aussi
bien que des mystères, des événements placés comme types dans le cours de
l’histoire du monde, comme le soleil, la lune et les étoiles, sont placés dans
les cieux pour signes.
Sur chacun de
ces types, nous voyons une écriture tracée par la main de Dieu : « J’en graverai la
gravure, dit l’Éternel des armées » ; car il a empreint sur ces événements
l’image de quelques-uns de ses conseils éternels.
Mais, quoique ce naturel doux et docile de notre patriarche
Isaac ne fût pas à même de faire les mêmes sacrifices que son père, ou
d’abandonner ses droits comme lui, du moins son naturel doux et docile lui
donne un caractère spécial. Tantôt ce naturel est aimable et attire le coeur,
tantôt il se trahit d’une triste manière. Mais toute sa vie, et en toute
circonstance, dans les quelques incidents qui nous sont rapportés de lui, nous
voyons le même Isaac facile, doux, prompt à céder. Or une seule vertu, toujours
la même en toute occasion, je n’ai pas besoin de le dire, est un indice de
faiblesse de caractère. C’est dans la réunion
de différentes vertus qu’on reconnaît la force de caractère et le cachet
d’une oeuvre divine. « Le royaume de Dieu est justice, et paix, et joie dans
l’Esprit Saint ». L’âme est alors ferme, aussi bien que pleine de grâce et de
joie. C’est en cela que consiste la gloire morale ; de même que plusieurs rayons
colorés se réunissent pour former un tout immaculé, dans la lumière dont nous
jouissons et que nous admirons. Mais cela ne brille ni en Isaac, ni en aucun
autre, dans toute sa beauté, sauf en Celui en qui sont réunies et
resplendissent toutes les gloires dans leurs manifestations variées.
Jérémie, je me permets de le dire, me paraît avoir été l’homme
d’une seule passion, comme Isaac était l’homme d’une seule vertu ; je veux dire,
on le comprend, quant à ce qui caractérisait chacun d’eux. Chez Jérémie,
c’était une passion pieuse, la douleur au sujet des désolations morales de
Sion. Mais cette passion, étant ce qui seul
occupait son coeur, le seul sentiment qui remplissait son âme, nous fait
éprouver en général un vif intérêt pour lui ; cependant, parfois cette passion
l’entraîne à des choses que Dieu réprouve. Il se met en colère contre le peuple
qui excitait la douleur de son coeur, et murmure contre Dieu lui-même. Je
parle, cela va sans dire, du caractère de Jérémie, comme il nous est présenté
dans son ministère. Je sais, avec toute certitude, que par ce ministère,
considéré dans son exercice, il était le prophète de Dieu, et qu’il faisait
connaître les messages inspirés par le Saint Esprit. Mais je parle de lui comme
homme ; comme tel, il était l’homme d’une seule passion, comme Isaac était
l’homme d’une seule vertu. Mais ceux chez lesquels se trouvent réunies diverses
vertus, nous montrent plus
distinctement le cachet de l’oeuvre divine, leur ressemblance avec des arbres
plantés près des ruisseaux d’eaux, qui rendent leur fruit en leur saison
(Ps. 1). C’est cette production du fruit en sa
saison qui constitue la vraie beauté. Tout est beau en sa saison, et seulement
alors. La douceur perd sa beauté, quand le zèle et l’indignation sont requis.
L’homme d’une seule vertu est loin d’atteindre à la hauteur de celui qui est
décrit dans le Ps. 1; ce dernier possède un caractère fort, il a de la décision
et de l’individualité ; évidemment, c’est en Dieu que son âme puise sa force.
« Il sera comme un arbre planté près des ruisseaux d’eaux, qui rend son fruit en
sa saison, et dont la feuille ne se flétrit point ; et tout ce qu’il fait
prospère ». C’est ce que produit la culture divine ; mais en Isaac, nous ne
voyons rien de tel. Chez Abraham, selon sa mesure, et certainement en contraste
avec Isaac, nous trouvons la réunion de vertus dont j’ai parlé plus haut ; cette
différence entre les deux ressort dans leur manière d’agir en des circonstances
semblables, lorsque Abraham, au chap. 20, et Isaac, au chap. 26, commettent le
même péché, en reniant leurs femmes et les appelant leurs soeurs (voyez
« Abraham »).
Les Philistins avaient traité Isaac très méchamment. Ils s’étaient emparés de force, et l’un après l’autre, des puits qu’il avait creusés lui-même, et avaient bouché ceux que son père avait creusés avant lui. Il avait supporté cette injustice dans un esprit de douceur et de grâce, esprit qui convenait bien à un étranger et forain ici-bas, qui attend sa bourgeoisie dans un autre monde. Il allait d’un lieu à l’autre, à mesure que les Philistins contestaient avec lui et le pressaient. C’était en accord avec la disposition d’esprit, qui, comme nous l’avons dit, le caractérise dans tous les incidents de sa vie. Quand il souffre, il ne menace pas — faisant le bien, et souffrant en conséquence, il accepte patiemment le tort — et ceci, nous le savons est digne de louange devant Dieu (1 Pierre 2:20). Dieu l’affirme ici ; car il approuve cette conduite de son serviteur ; il vient vers lui de nuit et l’encourage, comme il avait encouragé Abraham. Mais lorsque, avec le temps, les Philistins sont amenés à de meilleurs sentiments, et qu’Abimélec, le roi, avec Akhuzzath, son ami, et Picol, chef de son armée, vient le trouver et rechercher son alliance, je le demande, son caractère ne se révèle-t-il pas ?
Isaac, cela va sans dire avait raison de les recevoir, de leur jurer amitié, et de faire avec eux échange de bons offices, de gages et de garanties de bon voisinage, comme ils le demandaient. Car notre devoir est de pardonner, fût-ce soixante-dix fois sept fois en un jour. Mais en même temps, il faut qu’il y ait fidélité au moment opportun, fidélité aussi bien que pardon. « Si ton frère pèche, reprends-le et s’il se repent, pardonne-lui ». Mais Isaac n’était pas tout à fait à la hauteur de cette vertu plus énergique. Il fait bien quelques plaintes à Abimélec, mais avec tant de douceur et d’indulgence qu’elles ne paraissent pas capables d’atteindre sa conscience. Il met bien plus de zèle à faire alliance avec lui. Il frappe dans la main sans hésiter et, on peut le dire, de grand coeur. Il fait un festin au roi de Guérar, et le renvoie comme son allié, sans l’avoir amené à reconnaître le tort commis par son peuple contre celui duquel il recherchait et obtenait l’amitié. Isaac ne réfute non plus en rien l’assertion d’Abimélec qu’il ne lui avait fait que du bien tout le temps qu’il avait été dans son pays. À en juger par les paroles échangées entre eux, et autant que nous pouvons discerner les pensées du roi de Guérar, les reproches d’Isaac ne lui avaient fait éprouver aucune componction : il retourna chez lui avec ses amis, en paix avec lui-même, aussi bien qu’avec le patriarche. Isaac n’avait pas fait arriver jusqu’à la conscience d’Abimélec les plaintes qu’il avait fait entendre à son oreille. Il n’y avait point en cela de force de caractère, et l’on y reconnaît sa disposition naturelle.
Ce n’était là qu’une pauvre vertu en Isaac. Ce n’est qu’une pauvre vertu lorsqu’elle se fait voir en nous ; et quelques-uns d’entre nous ont à la traiter, et parfois à la confesser comme telle. Elle est agréable dans une certaine forme de la nature humaine aimable, mais ce n’est pas là servir Dieu. Elle est, quand il s’agit de nos propres voies, un sujet d’humiliation. C’est une pauvre vertu et, dans une certaine mesure, notre patriarche Isaac nous en donne ici l’exemple.
Il en avait été autrement d’Abraham. Le roi de Guérar, en son
jour, était venu le trouver, et cela pour une raison semblable, et avec le même
désir. Abraham le reçoit avec un esprit de pardon non moins noble que celui
d’Isaac ; son coeur et sa main sont tout aussi empressés à le recevoir et à lui
jurer amitié. Néanmoins, il lui adresse des reproches et les lui fait sentir :
« Abraham reprit
Abimélec »,
lisons-nous ; ce que nous ne lisons pas dans le cas d’Isaac. Abraham ne veut pas
le renvoyer satisfait de lui-même, sans remarque aucune, lorsqu’il se vante de
ses propres vertus et de celles de son peuple. Il lui donne aussi, tout comme
aurait pu le faire Isaac, l’assurance d’un plein pardon et d’une pleine
réconciliation ; mais il ne lui cache pas que sa conscience peut avoir quelque
reproche à se faire, bien que son voisin l’accueille et lui pardonne ; qu’il y
a, entre l’Éternel et lui, certaines choses que, ni le festin d’Abraham, ni son
amitié, ne peuvent aucunement régler.
C’était la vérité,
la
vérité devant Dieu, devant qui, bien-aimés, la vérité
nous place toujours. Puissions-nous apprendre à mieux
connaître ce secret, et à être droits devant Lui ! C’était beau à Abraham d’agir
ainsi ; et par là, il fut en bénédiction
à
Abimélec, au lieu de lui être simplement
agréable.
Il n’en fut pas de même d’Isaac, et nous pouvons ne rien ajouter
sur sa conduite en cette occasion, au chap. 26, tout en nous posant seulement
cette question : Cette manière de faire venait-elle simplement de la nature, ou
bien d’un esprit renouvelé ? — question qui est toujours de saison pour
nous-mêmes.
Isaac était un élu, tout aussi certainement qu’Abraham ; il était
étranger avec Dieu sur la terre ; non seulement il portait
son autel avec lui, mais il en faisait usage.
Il était en prières dans les champs, lorsqu’il reçut
sa femme Rebecca. C’est en réponse à ses prières, qu’Ésaü et Jacob lui furent
accordés. Nous ne parlons que de ce qui concerne son caractère,
lorsque nous le mettons ainsi en contraste avec
d’autres. Nous parlons des voies d’un croyant dans sa vie pratique : nous voyons
en lui un témoignage pour Dieu devant les hommes, uni à l’amabilité et au
dévouement dans sa famille. Voilà ce que nous trouvons en Isaac ; nous voyons
encore parmi nous des choses semblables, comme le savent bon nombre d’entre
nous, pour notre confusion. Quelqu’un me disait une fois : « Beaucoup de ce qui
passe auprès de nos frères pour être de la spiritualité,
nous le faisons pour avoir leur approbation et pour leur être agréables, et
non point comme étant dans la présence de Dieu et en simplicité de coeur ».
C’est assurément une parole vraie ; et il y a profit à nous
laisser sonder par elle. Ces remarques sur nos voies habituelles nous blessent,
mais il ne faut pas qu’elles nous découragent. Tout au contraire, nous devons
les recevoir avec reconnaissance, comme étant pour notre bien. La lumière qui
vient dissiper nos ténèbres, reste ensuite pour nous réjouir ; elle a droit à tout
remplir en nous, de sorte que nous
pouvons chanter en esprit le triomphe de la lumière
actuelle
sur les ténèbres du passé,
en
reconnaissant ce que nous étions
et
ce que nous sommes
maintenant.
« Ce que j’étais — mon péché, ma souillure
Ma mort — tout était bien à moi.
Ce que je suis, ô Dieu de toute grâce,
À Toi seul je le dois.
Le mal en moi, ma mauvaise nature,
Était bien, hélas ! tout à moi.
Le bien qui fait déjà toute ma joie,
À Toi seul je le dois.
Jadis j’étais gisant dans les ténèbres,
Captif, enchaîné, sans espoir.
Mais maintenant, je suis dans la lumière,
Libre — affranchi par Toi ».
Telle est notre position actuelle et non future ; c’est là ce que
la foi nous met à même de chanter. Elle parle ainsi, et l’âme qui l’entend,
comprend sûrement son langage. La foi
nous
fait réaliser ces choses par l’énergie du Saint Esprit qui opère en nous. En
Héb. 11, du commencement à la fin, c’est la foi
qui est en jeu. Énoch, Moise, David, les prophètes, les martyrs
d’autrefois, y sont présentés avec leurs oeuvres et leurs victoires ; mais c’est
la foi,
et non le peuple de Dieu, que
l’Esprit, par la plume de l’apôtre, met en vue dans ce beau chapitre.
Mais revenons à Isaac.
À la fin du chapitre 26, nous lisons : « Et Ésaü était âgé de quarante ans, et il prit pour femmes Judith, fille de Beéri, le Héthien, et Basmath, fille d’Élon, le Héthien ; et elles furent une amertume d’esprit pour Isaac et pour Rebecca ».
Ces deux versets contiennent pour nous un important avertissement ; mais pour en tirer un vrai profit, il nous faut considérer certaines choses qui sont en rapport avec ce qui est dit ici, ou y ressemblent, dans l’histoire d’Abraham et dans celle de Jacob, et de son fils Juda.
Le commandement donné dès le commencement à la nation d’Israël
était de garder avec un soin très particulier la voie de l’Éternel au sujet du mariage.
Les Israélites ne devaient en
aucune façon, ni donner leurs filles aux fils des Cananéens, ni prendre les
filles de Cananéens pour leurs fils (Deut. 7:3). S’ils le faisaient, c’était
sous peine de n’être plus reconnus par l’Éternel (Josué 23). Les jours de
l’apostasie de Salomon se font remarquer par la désobéissance à cet ordre (1
Rois 11) ; et dans la suite, on ne pouvait considérer aucun retour vers Dieu
comme réel, s’il n’y avait de nouveau observation de ce principe dans le
mariage (Esdras 10; Néhémie 10).
L’obéissance à cet égard était donc un critérium particulier de
l’état de la nation. C’est ainsi que je considère cette obéissance, dans ces
temps primitifs dont la Genèse nous parle ; car, quoique alors la loi divine
n’eût pas encore été promulguée, les principes divins étaient compris. On peut
considérer l’observation de cette loi, comme exprimant l’état de la religion de
la famille
telle qu’elle était alors,
tandis que plus tard elle exprima l’état de la religion de la nation.
Abraham se distingue éminemment à cet égard, par la manière dont il garde « la voie de l’Éternel » ; de même Éliézer, un des « hommes de sa maison » ; de même Isaac, un de « ses fils ». En effet, Abraham envoie une ambassade spéciale dans un pays lointain, afin d’y chercher pour son fils une femme selon le Seigneur. Éliézer est tout prêt à s’y rendre comme ambassadeur ; et Isaac attend avec patience le résultat de cette ambassade, sans chercher à contracter aucune alliance avec les nations plus rapprochées ; et, bien que triste et solitaire, il se conserve pour la compagne que l’Éternel lui destine. Comme Adam, il attend une compagne de la main même de l’Éternel, quoiqu’il lui faille de la patience et de la douleur dans sa solitude. C’est ce que prouve sa méditation dans les champs à l’approche du soir. Il aurait pu avoir une fille de Canaan, mais il tient ferme. L’attente différée rend son coeur malade : il préfère souffrir que de se marier autrement que « dans le Seigneur », ou de prendre une femme d’entre toutes celles qu’il pourrait choisir. Tout ceci est d’une grande beauté dans la première génération de cette famille élue. Le père, le serviteur et le fils, chacun à sa manière, font voir qu’Abraham avait réglé sa maison selon Dieu, lui enseignant, ainsi qu’à ses fils, la voie de l’Éternel (voir chap. 18:19).
Toutefois, nous remarquons un triste déclin et l’abandon de cette manière d’agir.
Isaac, à son tour, devient le chef de la famille. Mais,
comparativement à son père, il est tristement indifférent à cet égard, comme
nous le fait voir la fin du chap. 26. Il ne veille pas sur les voies de ses
fils, pour prévenir le mal, comme avait fait Abraham. Ésaü, son fils, épouse
des filles des Héthiens. Isaac et Rebecca en sont affligés, il est vrai ; car ils
avaient des âmes justes,
qui ne
pouvaient qu’en être « tourmentées » ; mais c’était leur indifférence
qui avait été la cause de ce tourment.
Nous ne pouvons trouver aucune beauté en cela. Néanmoins, il y avait chez eux un symptôme favorable, une âme juste qui pouvait être tourmentée, qui avait le sentiment de la souillure. C’était une bonne chose. Jacob, lui, tombe encore plus bas. Il ne prévient pas le mal, comme Abraham ; et quand le mal arrive, son âme n’est pas tourmentée, comme celle d’Isaac. D’un coeur indifférent, autant que l’histoire nous l’apprend, il laisse ses fils contracter les alliances qu’il leur plaît, et prendre des femmes d’entre toutes celles qu’ils choisissent.
Cela est triste. Il n’y a point ici de joie
pour le coeur, comme dans l’obéissance
d’Abraham ; il n’y a point d’encouragement,
comme dans la tristesse
d’Isaac
et de Rebecca.
Juda, fils de Jacob, va bien plus loin encore dans sa terrible chute. Il représente la quatrième génération de cette famille élue. Non seulement, il ne prévient pas le mal, comme Abraham, en donnant des préceptes à sa famille, ni ne s’afflige du mal quand il arrive, comme Isaac, ni n’est simplement indifférent comme Jacob, quand le mal arrive, mais lui-même introduit le mal ! Il ne fait rien moins que de prendre une fille des Cananéens pour femme à son fils Er !
Ceci dépasse toute mesure. C’était pécher à main levée. Ainsi, dans cette histoire de quatre générations des patriarches de la Genèse, nous voyons un déclin graduel, mais solennel, jusqu’à l’entier abandon de la voie de l’Éternel.
Mais si ces choses sont sérieuses et tristes, ne sont-elles pas
utiles et de saison ? Ne pouvons-nous pas reconnaître sans hésiter qu’elles ont
été « écrites pour notre instruction ? » Comme elles nous mettent en garde contre
la tendance à nous départir des principes de Dieu ! Ce qui eut lieu dans une
même famille élue, génération après génération, peut avoir lieu dans le même
individu année après année. On peut s’éloigner très graduellement des principes
de Dieu. On peut d’abord les retenir
faiblement,
puis les oublier,
ensuite
les mépriser.
La main, d’abord ferme,
peut devenir lâche,
puis indifférente,
et
enfin rebelle,
au point de les
rejeter entièrement. Combien nous en voyons qui, en présence de difficultés et
de tentations qui les fascinaient, sont restés d’abord fermement attachés aux
principes de Dieu comme Abraham ; puis, comme Isaac, se sont simplement affligés
de ne plus les posséder ; ensuite comme Jacob, n’en ont pas senti la perte, ni
désiré les maintenir ; et enfin, comme Juda, les ont violés à main levée !
Cette remarque nous est suggérée par ce qui est dit à la fin du chap. 26. Dans la suite de l’histoire d’Isaac, nous trouverons que son tempérament doux et facile l’associe non seulement à des faiblesses, mais à de la souillure, lorsqu’il se laisse entraîner par les impulsions de la nature animale. Je veux parler du dernier acte de sa vie, lorsqu’il bénit Ésaü et Jacob.
C’est une scène vraiment solennelle, pleine d’instruction pour nous mettre en garde contre nous-mêmes.
Bien qu’Isaac, comme nous l’avons vu, eût été affligé du mariage
d’Ésaü avec deux filles des Héthiens, il nous est dit, aussitôt après, que les
plus profondes affections de son coeur étaient pour ce même Ésaü, auquel, s’il
l’avait pu, il aurait tout sacrifié. Un tel fait est extrêmement triste. Il
nous rappelle Josaphat. Josaphat avait une sensibilité
selon Dieu ; mais l’énergie
correspondante
lui faisait défaut. La vanité lui fit commettre de graves péchés : en premier
lieu, il s’allia par mariage avec Achab, roi d’Israël ; ensuite, il alla à la
guerre avec lui. Néanmoins, Dieu avait produit en lui quelque sensibilité
spirituelle ; car, au milieu des prophètes de Baal, il n’était pas à son aise.
Il avait au-dedans de lui le témoignage que cela n’était pas bien ; aussi demande-t-il :
« N’y a-t-il pas ici encore un prophète de l’Éternel, pour que nous nous
enquerrions auprès de lui ? » Malgré tout cela, il monte à la bataille à Ramoth
de Galaad, en alliance avec ce même Achab, qui avait blessé si grièvement les
affections les plus élevées de son âme et avait, en sa propre présence, dans un
esprit d’entière révolte contre le Dieu d’Israël, consulté les prophètes de
Baal.
Chose étrange et terrible aussi ; mais tel était le roi Josaphat.
De la même manière, notre patriarche Isaac, à l’occasion du mariage d’Ésaü,
avait une sensibilité
selon Dieu,
mais sans l’énergie
correspondante.
Ayant la crainte de Dieu, il fut affligé de ce mariage avec les filles de Heth ;
et cependant, ce même Ésaü, qui attristait ainsi le coeur de son père, s’attira
dans la suite et posséda les plus profondes sympathies d’Isaac, et leur fit
appel au point d’ôter à ce dernier la liberté d’accomplir la volonté de Dieu.
Ce ne fut point la vanité, comme dans le cas de Josaphat, qui conduisit Isaac à ce triste et étrange faux pas ; mais plutôt la faiblesse habituelle de son caractère, un relâchement général de force morale dans son âme. Mais quelle qu’en fût la cause, il fut séduit, puis-je dire, par cet Ésaü précurseur d’Achab, bien que son âme eût conscience de l’apostasie de son fils. Il fit tout son possible pour procurer la bénédiction à Ésaü, de même que Josaphat fit tout son possible pour faire obtenir au roi d’Israël la victoire à Ramoth de Galaad.
Quel spectacle pour nous, quelle instruction et quel avertissement dans ces deux cas !
Mais considérons de plus près la scène de famille du chap. 27.
Au chap. 24, Éliézer, serviteur d’Abraham arrivant chez Bethuel,
apportait de la maison de son maître deux choses : d’abord, des paroles :
ce qu’il avait à dire au sujet
de ce que l’Éternel avait fait pour Abraham ; ensuite, des présents.
Ces paroles et ces présents deviennent les pierres de touche de
cette famille en Mésopotamie. Les paroles traitaient de choses à venir et
lointaines, et Dieu y était nécessairement en vue ; quant aux présents, ils
auraient pu n’avoir aucun rapport avec Dieu, et la possession en était
immédiate. Ce qui fait impression sur Rebecca, ce sont les paroles. Elle
accepte les joyaux, il est vrai mais elle prend garde avant tout aux nouvelles
apportées par le serviteur. La description de ce qui l’attendait au loin, au
milieu d’une race que l’Éternel avait bénie, fut assez puissante pour la
détacher de la maison paternelle. Ce ne furent pas seulement les richesses
d’Abraham. Son père à elle était riche, et elle n’avait pas à aller loin pour
trouver un asile assuré et les jouissances de la vie de famille. Mais c’était l’Éternel
qui avait béni Abraham, et
avait maintenant fait prospérer le voyage de son serviteur. La question pour
Rebecca n’était pas si elle devait accepter Isaac et sa part des richesses
d’Abraham, ou bien rester pauvre et solitaire. La question pour elle était :
Accepterait-elle la portion que l’Éternel lui apportait maintenant, ou bien
celle qui lui venait de sa famille et de ses circonstances dans le monde ?
Il en est de même pour nous, bien-aimés. Le choix n’est pas entre le ciel et rien du tout, mais entre le ciel et le monde, entre le bonheur qu’offre le Seigneur dans ses promesses, ou celui qu’offrent les circonstances humaines pour le temps présent. Aspirons-nous à la joie divine et aux richesses célestes ? Pouvons-nous dire au Seigneur Jésus : « Toi, tu nous choisiras notre héritage ? » Notre but est-il le pays lointain dont il nous a été parlé ? Il en était ainsi de Rebecca ; à ces questions elle répondait : « Oui ». On lui ferait tort de penser que, pour elle, le choix était entre les richesses d’Abraham et la main d’Isaac, d’un côté, et rien du tout, de l’autre. Nullement. Comme nous l’avons déjà dit, et sûrement nous en avons la preuve dans le récit, elle avait de grandes espérances de tout genre, si elle restait dans la maison de son père. Elle n’avait nul besoin d’entreprendre un long voyage à travers l’inconnu, avec un étranger et vers un peuple étranger. Mais toutes les difficultés ne furent rien pour elle, dès qu’elle eut reçu avec foi les paroles du serviteur. Elle partit à l’appel de Dieu.
Rebecca était une vraie fille d’Abraham. Abraham avait traversé le désert à l’appel du Dieu de gloire, et Rebecca traverse maintenant le même désert, lorsqu’elle apprend ce que le Dieu de gloire a fait pour Abraham. Tous les deux avaient le même « esprit de foi ». Cet esprit peut être plus évident en Abraham, mais c’est le « même esprit de foi ». Abraham était parti dans la foi à un appel dont il n’avait aucune preuve ; Rebecca part maintenant, ayant accepté avec foi le rapport du serviteur accrédité d’Abraham. De Canaan à Ur aucun fruit d’Eshcol n’avait été apporté pour encourager Abraham à entreprendre le voyage mais à Rebecca, les serviteurs et les chameaux, l’or et les joyaux disaient : « En voici le fruit ». — C’était un sarment avec grappe assurément riche et bien fournie. Pour Rebecca, le rapport était muni de son sceau, tandis qu’il n’y en avait point eu pour Abraham. Pour lui, la route était entièrement inconnue ; Rebecca n’avait qu’à marcher sur les traces du troupeau ; mais tous les deux suivirent le même chemin et arrivèrent au même lieu.
La conduite de Rebecca est simple et belle ; et tel est jusqu’à
aujourd’hui le chemin de la foi. Mais, bien-aimés, il y a encore un autre côté
à considérer. Le caractère
de Rebecca
avait été déjà formé, comme il l’est chez nous tous, avant que nous ayons été
vivifiés par Dieu. Le moment où sa puissance agit en nous, arrive : nous sommes
alors rendus vivants de la vie divine ; nous répondons aussi à l’appel qui nous
met à part pour Dieu ; mais nous avons déjà un certain caractère, un certain
cachet, et une certaine complexion morale. Il se peut que nous soyons des
Crétois (Tite 1), ou bien des frères et des soeurs de Laban, ou que nous
portions la forte empreinte d’une dépravité particulière de notre nature.
Alors, ce caractère, cette empreinte, qui nous vient de la nature ou de la
famille, de l’éducation ou de choses semblables, nous la gardons en nous après
être nés de l’Esprit, et nous la portons à travers le désert de Paddan-Aram
jusque chez Abraham.
C’est une chose sérieuse que, bien que nous ayons été vivifiés par l’Esprit, la nature ou la force de l’habitude et de l’éducation dans la Jeunesse, ou encore celle du caractère de famille, persiste toujours en nous. « Les Crétois sont toujours menteurs ».
Laban, avec qui Rebecca avait grandi, était un homme mondain,
rusé et astucieux. Il est évident que, lors de la visite d’Éliézer, il fut
touché seulement par les présents.
Les
présents ouvrirent un chemin facile au serviteur d’Abraham, comme il est dit :
« Le don d’un homme lui fait faire place » (Prov. 18:16). Laban était évidemment
l’homme remuant, actif, important, dans la maison de son père Bethuel. Il avait
goût aux affaires qui demandaient de l’adresse, ce qui est un très mauvais
symptôme. C’en est un aussi quand on a la bourse. Il y a lieu de se méfier de
quelqu’un qui est prématurément adroit et habile, ou qui aime, à un âge
quelconque, tout ce qui exige du savoir-faire, soit dans les affaires d’état,
soit dans les affaires de famille. Tel était précisément Laban, or Laban était
le frère de Rebecca ; Rebecca avait passé toute sa vie jusqu’à son mariage, avec
lui ; et le caractère de famille se fait tristement voir dans la seule occasion
importante ou elle joue un rôle.
Si Abraham et Sara, en quittant la maison de leur père afin de
marcher avec Dieu, avaient apporté avec eux leur pacte peu honorable, Rebecca
apporta avec elle son caractère de famille, le levain de Laban. Après notre conversion,
nous avons encore en nous l’homme naturel
dans sa dépravation, mais nous avons aussi nos traits caractéristiques charnels,
qui ne sont pas communs à tous.
Notre devoir est de ne les ménager en aucune façon, de sorte que nous restions
sains dans la foi, c’est-à-dire que notre foi soit en excellent état moralement
(Tite 1:13). Nous retrouvons la même instruction dans le chapitre de l’histoire
de cette femme distinguée, qui est devant nous.
Mais Rebecca n’est pas le seul exemple de cette disposition d’esprit. Jacob, aussi bien que sa mère, eut son caractère formé par la même influence pendant sa jeunesse. Il fut toute sa vie — je parle de toute sa vie pratique, active — l’homme des artifices ; c’est ce que nous voyons dans cette scène de famille, au chap. 27 — élève prompt et intelligent de sa mère, soeur de Laban et de laquelle il avait été dès sa naissance l’enfant favori. Ainsi, de même que Laban avait corrompu sa soeur Rebecca, Rebecca avait corrompu son fils Jacob.
Il y a plus encore. Comme il nous est dit dans ce même chapitre, Isaac — dont l’esprit et le caractère, nous l’avons vu, avaient été si remarquablement formés dans ses premières années sous la tente de Sara — était tombé si bas, qu’il se laissait aller à obéir à quelques-uns des moins nobles désirs de la nature humaine. Il aimait son fils Ésaü, parce qu’il mangeait de son gibier. Une telle raison était vraiment plus que misérable Le fait qu’il aimait le gibier, nous pouvons sûrement le supposer, devait encourager Ésaü à la chasse tout comme l’habileté de Rebecca, acquise et apportée de chez son frère, avait formé l’esprit et le caractère de Jacob, son fils favori. Ainsi, l’un des parents aidait à corrompre l’un des enfants, et l’autre, l’autre.
Quel mal pernicieux, quelle triste souillure dans toute cette
scène de famille ! Mais nous n’avons pas encore tout mis au jour ; car non
seulement le coeur peut se laisser aller à une telle souillure mais parfois, il
peut avoir l’audace de la porter dans le
sanctuaire même. «
Peu s’en est fallu que je n’aie été dans toute sorte de
mal, au milieu de la congrégation et de
l’assemblée » (
Prov. 5:14).
Il fut dit longtemps après à Aaron : « Vous ne boirez point de vin ni de boisson forte, toi et tes fils avec toi, quand vous entrerez dans la tente d’assignation » (Lév. 10). La nature ne doit être sous l’effet d’aucune excitation, pour vaquer à l’oeuvre du service de Dieu et pour l’acquit des devoirs du sanctuaire. La boisson forte peut causer de l’excitation et exalter l’esprit animal ; mais ce n’est pas ce qui rend capable d’être sacrificateur dans la maison de Dieu.
Isaac paraît s’être laissé avilir jusqu’à ce point. « Je te prie,
prends tes armes », dit-il a Ésaü, « ton carquois et ton arc, et sors dans les
champs, et prends-moi du gibier ; et apprête-moi un mets savoureux comme j’aime,
et apporte-le-moi, et j’en mangerai, afin
que mon âme te bénisse avant que je meure ».
Il allait accomplir le dernier
acte religieux d’un sacrificateur patriarcal, et il demande la nourriture qui
correspond au vin et à la boisson forte, afin d’être par elle inspiré et doué
pour le service !
C’était chose bien triste qu’il fût occupé de gibier à un pareil moment. Nous pouvons tous avoir conscience combien la nature souille les choses saintes, combien nous nous trompons nous-mêmes en prenant la simple excitation de la chair pour la contrainte et la puissante énergie de l’Esprit. Nous pouvons le reconnaître, lorsque nous sommes dans le lieu où la communion s’exerce ; et il y a de quoi nous affliger et nous humilier ; aussi confessons-le comme mauvais, ou du moins comme étant de la faiblesse, et gardons-nous-en. Mais s’y préparer en mixtionnant avec soin le vin et la boisson forte, et en boire à pleine coupe, c’est l’excès même de la souillure.
Il ne résulte de tout ceci que déshonneur et perte. La souillure de cette famille est jugée selon la sainteté de Dieu, parce que c’est une famille de Dieu sur la terre. « Je vous ai connus vous seuls de toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités ». Isaac est mis de côté. Rebecca ne revoit jamais Jacob et l’habile « supplanteur », engagé au milieu de perplexités, d’injustices et de difficultés, est maintes fois supplanté et trompé lui-même, et proscrit pendant vingt longues années de la maison de son père. Tout ceci n’aboutit à rien, ni les artifices des uns, ni le favoritisme charnel de l’autre, tout n’est que désappointement et honte, étant réprouvé par la sainteté de l’Éternel.
Une chose réjouit toutefois, chose très importante, au milieu de cette scène déplorable. « Par la foi, Isaac bénit Jacob et Ésaü, à l’égard des choses à venir ». C’est ainsi que le Saint Esprit lui-même en parle dans Hébreux 11.
Mais avant de parler du rafraîchissement que nous trouvons ici en pensant à Isaac, je profite de l’occasion pour dire un mot sur la signification et le caractère des bénédictions prononcées par les patriarches sur leurs enfants, et que nous trouvons plus d’une fois mentionnées dans le livre de la Genèse.
Il y avait une bénédiction dans les mains de Melchisédec, au
chap. 14, comme longtemps après nous la trouvons entre les mains d’Aaron.
(Nombres 6). Nous le comprenons facilement : c’était en vertu de leur office,
que des sacrificateurs établis
de Dieu conféraient ou prononçaient ces bénédictions. Elles n’avaient nullement
le caractère de prophéties ou d’oracles. Les paroles dont les sacrificateurs
faisaient usage, au moins dans le cas d’Aaron, étaient plutôt préparées
pour eux qu’inspirées.
Elles avaient été auparavant divinement prescrites,
plutôt que communiquées au moment même par une illumination divine.
Mais il est tout aussi clair qu’il en était autrement d’une bénédiction patriarcale. Ici, au chap. 27, nous trouvons une prophétie, un oracle, dans les paroles concernant Ésaü et Jacob. Il en fut de même, au chap. 49, dans les paroles de Jacob au sujet de ses enfants, et, au chapitre 48, dans ses paroles sur les fils de Joseph ; il en avait été de même aussi, au chap. 9, dans les paroles concernant Sem, Cham et Japheth.
Mais pourquoi cette haute fonction est-elle ici confiée aux patriarches ? À la réponse sont liés, si je ne me trompe, quelques-uns des secrets de la religion, du culte et du ministère des patriarches. Dans ces jours du commencement, les grandes vérités qui étaient la vie et le principe de la religion, étaient les mêmes qu’aujourd’hui. La chute et le relèvement de l’homme, autrement dit, la ruine et la rédemption, étaient révélés et étaient acceptés par la foi. Les autels des pères, l’ordonnance quant aux choses pures et impures, nous disent qu’en ces jours-là il y avait de la foi, et que cette foi saisissait la signification de ces choses. La tente des patriarches pendant leur vie, et le sépulcre des patriarches à Macpéla, nous montrent que ces hommes comprenaient l’appel à la vie d’étranger et la résurrection à venir. Le tamarisc planté par Abraham à Beër-Shéba (Gen. 21), et son alliance avec le gentil au Puits du serment, nous disent de même, en un langage symbolique, mais facile à saisir, qu’ils comprenaient quelques-uns des secrets de la gloire et du bonheur du monde millénaire, ou du siècle à venir.
Dans ces jours d’enfance, le culte et le ministère étaient des
plus simples dans leurs formes. La nature
donnait à comprendre que le père ou chef de la maison devait être le
prophète, le sacrificateur et le roi. Dans la suite, lorsque l’état de choses
se fut développé, et qu’avec le temps la corruption se fut introduite, la sainteté de Dieu
exigea qu’il y eût un
peuple séparé, circoncis, et en rapport avec lui, des sacrificateurs séparés
oints. Or, au jour actuel, au jour du royaume de Dieu, qui, nous le savons,
« n’est pas en parole mais en puissance », il faut que le ministère ne soit pas
seulement ce que suggère la nature ou ce que demande la sainteté ; il faut qu’il
y ait la puissance
que l’Esprit
communique à l’instrument préparé par lui ; mais aux jours du commencement dont
parle la Genèse, en ces jours de la famille
—-
aux jours de la première enfance — on écoutait la voix de la nature ;
et c’est ce qu’il convenait
alors de faire ; par conséquent, le chef de la famille était le ministre de Dieu
pour la famille et la dignité, le service comme prophète, sacrificateur et roi
dans le domaine ou dans le temple de la famille, tout était réuni dans la
personne du père.
La bénédiction des enfants paraît découler de ce fait. Cette bénédiction était un acte accompli en vertu du fait que les pères, comme nous le voyons, étaient dans leurs propres personnes à la fois prophètes et sacrificateurs. Ils recevaient communication du conseil divin, puis le déclaraient « comme oracles de Dieu » ; et, représentants de Dieu, mis à part comme sacrificateurs pour leurs enfants, ils prononçaient sur eux la bénédiction divine.
Les pères paraissent conserver le caractère de sacrificateurs, d’un bout à l’autre du livre de la Genèse.
Il est extrêmement triste de voir comment cette sacrificature fut exercée par notre patriarche Isaac, plutôt comment il en abusa ; et il en a été de même en tout temps des hautes charges que Dieu a confiées aux hommes ; j’en citerai comme exemples la dignité sacerdotale dans la personne d’Éli, bien qu’il fût un pieux vieillard, et l’autorité royale, dont abusa d’une manière épouvantable, même un homme bien-aimé et hautement honoré, tel que le fils de Jessé.
C’est ainsi qu’Isaac voulait faire servir sa dignité sacerdotale, non seulement à obtenir ce que lui dictait sa partialité personnelle, mais même à satisfaire ses appétits sensuels, et cela en dépit d’un solennel avertissement divin. La parole était venue auparavant concernant les enfants d’Isaac (Ésaü l’aîné et Jacob le plus jeune) : « Le plus grand sera asservi au plus petit ». Mais le favoritisme charnel et les appétits d’Isaac, l’avaient rendu indifférent à cette parole et la lui avaient fait oublier ; il aurait voulu faire d’Ésaü l’aîné, l’héritier de la promesse.
Nous pouvons rappeler ici que Caïphe, en son jour, était tel qu’Isaac, à la fois prophète et sacrificateur en sa propre personne. Caïphe aurait voulu abuser de son office et de son don pour satisfaire sa haine. Il prononça une vraie prophétie, mais en respirant le meurtre contre le Seigneur Jésus (Jean 11). Longtemps auparavant, le prophète Balaam avait été de la même génération. Il fit tout ce qu’il put pour faire servir son don à assouvir ses convoitises. Dieu toutefois se servit de lui, malgré lui, et obligea ses lèvres à prononcer la sentence de justice, le jugement de vérité. Et quoiqu’il soit triste de nommer ensemble de tels hommes, même à propos d’une seule de leurs actions, la chose n’en est pas moins vraie ; car tel fut Isaac, en Gen. 27. Bien qu’il fût un vase sanctifié et rempli, il aurait voulu faire servir le trésor qu’il portait en lui à la satisfaction des secrets désirs de son coeur ; mais Dieu se servit de lui malgré lui, et comme oracle de son souverain propos arrêté. Je le répète, il est triste de classer ensemble deux hommes tels qu’Isaac et Balaam, en raison d’un acte moral semblable qu’ils ont commis. Mais nous savons que « ce qui est né de la chair, est chair ». Comme l’a dit un vieil auteur : « L’eau sale du puits ne sera pas propre une fois versée dans le seau ». La chair en Isaac est comme la chair en Balaam ; et le monde est le même monde dans le coeur de chacun d’eux.
Mais ces deux hommes ne vont pas ensemble jusqu’au bout.
C’est là la consolation, la consolation par grâce
dont j’ai parlé plus haut. Balaam est toujours Balaam, celui qui aima le
salaire d’iniquité et s’abandonna à sa propre erreur pour une récompense ; il
resta Balaam, conseillant à Balac de jeter une pierre d’achoppement devant le
peuple de Dieu, et il tomba enfin, toujours le même Balaam, avec les
incirconcis, tué par l’épée semblable à ceux qui descendent dans la fosse.
Isaac, au contraire, se repentit d’une tristesse selon Dieu et qui opère une
repentance dont on n’a pas de regret. Lorsque ses yeux sont ouverts, et qu’il
reconnaît ce qu’il a fait, et comment Jacob a obtenu la bénédiction qu’il avait
préparée pour Ésaü, lorsqu’il se trouve en présence du fait qu’il a résisté à
Dieu, mais qu’il n’a pu prévaloir, son âme paraît se réveiller comme d’un
sommeil, et avoir alors conscience de tout ce qu’il a fait, car il fut saisi,
lisons-nous, d’un tremblement très grand (27:33). La vue, la perception morale
du rôle qu’il a joué, épouvante son âme. Il tremble au-dedans de lui-même. La
chair qu’il avait nourrie ne peut le maintenir debout dans un pareil moment —
aussi n’a-t-il pas recours à la chair — il lui a été donné de voir ce qu’elle
est, et dans la lumière et l’énergie de l’homme nouveau, il est guidé par la
foi, et il dit, parlant maintenant de Jacob, et non plus d’Ésaü : « Je l’ai béni :
aussi il sera béni ».
Il n’y eut rien de semblable en Balaam ; Balaam ne revient pas en
arrière. Lorsque l’ange lui résista dans le chemin étroit et que son ânesse se
coucha sous lui, il n’y eut aucune tristesse selon Dieu, opérant la repentance.
Mais Isaac est restauré. Il cherche un autre chemin et le suit ; il marche dès
ce moment vers le but de Dieu. Ce n’est pas de « la folie
du prophète » que l’Esprit fait mention en Isaac, comme il dut
le faire en Balaam, mais c’est de la foi
du
prophète. Car en cette heure où il rentre dans l’heureuse communion avec la
pensée de Dieu, après son tremblement, « saisi d’un tremblement très grand »,
l’Esprit met son sceau sur la conduite d’Isaac et la signale à notre attention :
« Par la foi, Isaac bénit Jacob et Ésaü, à l’égard des choses à venir ». Or c’est
le seul trait dans la vie d’Isaac que l’Esprit mentionne dans ce chapitre 11 de
l’épître aux Hébreux.
Mais cet acte d’Isaac était preuve de caractère, et l’Esprit l’a
mis en relief. Les victoires de la foi remportées par Moise sont très belles.
Il résista aux attractions
de
l’Égypte et aussi à ses terreurs,
d’abord
en refusant d’être appelé fils de la fille du roi, puis en quittant le pays, ne
craignant pas la colère du roi. Ce furent là deux grandes victoires ; et elles
sont grandes encore aujourd’hui, lorsqu’elles sont remportées par un homme de
Dieu. Mais il y a des victoires beaucoup moins glorieuses, qui n’en sont pas
moins des victoires, et qui sont rappelées dans ce chapitre où sont célébrés
les actes de foi. On peut les voir en Isaac et en Jacob. Ces deux témoins de la
foi, chacun en son jour, bénirent leurs fils ou leurs petits-fils devant eux, selon la pensée de Dieu,
bien que contrairement à la nature.
Isaac aurait
préféré Ésaü, et Joseph aurait préféré Manassé ; mais Isaac persista à bénir
Jacob, et Jacob persista à bénir Éphraïm ; or en ceci, la nature fut vaincue. Il
est vrai, ce n’était pas le monde,
qui,
soit par ses pièges, soit par ses dangers, s’élevait pour éprouver la force de
la foi de l’homme de Dieu ; néanmoins, c’était un adversaire : c’était la nature,
soit par ses suggestions, ses
sympathies ou sa partialité ; et, tout en admirant l’éclat des victoires d’un
Moise ou d’un Abraham, rappelons-nous, et veillons-y, que nous combattons le
combat de la foi contre la nature,
et
que nous devons avoir le dessus dans cette lutte, en compagnie d’Isaac et de
Jacob.
Quand au rôle de Jacob dans cette scène de famille, nous pouvons assurément dire que, s’il avait laissé les choses entre les mains du Seigneur telles qu’elles avaient été dès le commencement, dès avant sa naissance, et s’il n’avait pas laissé sa mère les prendre entre les siennes, il s’en serait bien mieux trouvé. Combien de fois, depuis les jours de Gen. 27, plus d’un Jacob a fait la même expérience ! L’Éternel lui avait promis la bénédiction sans condition quelconque. « Le plus grand sera asservi au plus petit ». Mais il ne sut pas, dans la patience de la foi, attendre le moment du Seigneur, et sa manière à Lui d’accomplir sa promesse. En conséquence, la promesse s’encombre de restrictions, de difficultés et de fardeaux. Elle s’accomplira certainement. La promesse du Seigneur est assurée, et jamais encore elle n’est tombée à terre. Il est puissant pour la maintenir. Le plus grand sera asservi au plus petit — mais maintenant, en conséquence de l’incrédulité et des artifices de Jacob, l’aîné causera du tourment au plus jeune ; et puisque le plus jeune a cru bon de travailler à faire aboutir la promesse par sa propre adresse et son habileté, il ne pourra l’obtenir qu’après beaucoup de retard, de chagrins et de honte.
Aussi Ésaü lui-même, en cette occasion, reçoit-il de l’Éternel, par la bouche de son père Isaac, une promesse qui n’avait pas été d’abord en vue dans le propos divin de grâce envers Jacob. « Et Isaac, son père, répondit et lui dit : Voici, ton habitation sera en la graisse de la terre et en la rosée des cieux d’en haut. Et tu vivras de ton épée, et tu serviras ton frère ; et il arrivera que, lorsque tu seras devenu nomade, tu briseras son joug de dessus ton cou » (v. 39-40).
Tout ceci se réalisa dans la suite. David, qui procédait de Jacob, met des garnisons en Édom, et les Édomites lui sont asservis. Joram, qui descendait aussi de Jacob, perd plus tard les Édomites comme serviteurs et tributaires. Ils se révoltent jusqu’à ce jour (2 Sam. 8:14; 2 Chr. 21:8).
Des sauveurs monteront ci-après en Sion pour juger la montagne d’Ésaü (Abdias 21). Le tabernacle de David, qui est tombé, sera relevé, et Israël possédera Édom et le résidu des nations (Amos 9). Ceci s’accomplira en son temps, car le plus grand sera asservi au plus petit : la promesse est oui et amen. Depuis les jours de Joram, fils de Josaphat, de la maison de David et de la famille de Jacob, Ésaü ou Édom a été en révolte ; et la promesse est ainsi retardée, compliquée et entravée, quand ce n’avait jamais été le propos de la grâce de Dieu, — et par des voies telles que Jacob n’aurait jamais eu à les subir, si la foi avait été plus simple.
On trouve bien des choses semblables dans l’expérience
chrétienne. Voyez les disciples sur la mer de Galilée (Marc 4). Le Seigneur
leur avait dit : « Passons à l’autre rive ». Cette parole leur était une garantie
qu’ils l’atteindraient certainement. Ils n’avaient nullement à être craintifs.
Ils auraient pu, s’ils l’avaient voulu, se coucher et dormir avec leur Maître.
Mais non : ils ont peur, et ils consultent la chair et le sang ; la conséquence
en est qu’ils atteignent l’autre rive avec tremblement et honte. En raison de
leurs craintes leur esprit a à porter ce poids qui leur aurait été épargné si,
pour l’accomplissement
de la parole
ils s’en étaient remis à Celui qui avait donné
le commandement. De même, l’incrédulité de Jacob en Gen. 27, — le fait
qu’il plaça la promesse de Dieu entre les mains de sa mère, — ajouta à
l’histoire de sa maison des perplexités, des contradictions et des changements
qui, comme nous l’avons dit, n’avaient rien à faire avec la promesse, telle
qu’elle avait été déclarée au commencement, le don devant être tout gratuit.
L’incrédulité des disciples leur fit faire bien d’autres expériences semblables, pendant qu’ils étaient dans la compagnie du Seigneur Jésus, tout le temps qu’il entra et sortit au milieu d’eux, et l’incrédulité nous en fait aussi faire beaucoup, à nous ses saints d’aujourd’hui. Il en résulte pour nous étonnement et honte, tandis que nous aurions pu ne connaître que les calmes et sereines jouissances de la foi, regardant, pour ainsi dire, à Jésus endormi, et connaissant sa suffisance pour toutes les promesses, malgré tout le tumulte des vents et des vagues.
Ainsi en fut-il de Jacob, en raison du rôle qu’il joua, dans
cette triste scène de famille. Ici, Ésaü n’est pas le coupable.
Il est plutôt celui
qui souffre,
et, en conséquence, selon les dispensations de Celui par qui
« les actions sont pesées », Ésaü est le seul à gagner quelque chose. Tous les
autres doivent apprendre ce qui se trouve au bout de la voie tracée par leurs
propres coeurs. C’est le cas de chacun d’eux : Isaac, Rebecca, Jacob. Ésaü,
celui qui souffrit alors, est celui qui y gagne quelque chose, comme nous
l’avons dit. Il vit de son épée, et, dans la suite, et pour un temps, il brise
de dessus son cou le joug de son plus jeune frère (*).
(*) Jéroboam en son jour, suivit son propre chemin pour obtenir l’effet de la promesse de Dieu au sujet du royaume des dix tribus, annoncée par le prophète Akhija — et par là il retarda l’accomplissement de la promesse ; exactement comme fait Jacob dans ce chapitre. Il y eut plus : Jéroboam dut être un proscrit en Égypte jusqu’à la mort de Salomon ; de même que Jacob, pour avoir commis la même faute, dut pendant vingt ans être un proscrit à Paddan (voir 1 Rois 11).
Après toutes ces choses, à la fin de ses voies, quoique non à la fin de ses jours, suivant le désir de Rebecca, soupçonneuse et effrayée, Isaac fait partir Jacob, et cela avec tristesse, honte et désappointement, fruit amer de leur manière d’agir. Tout aurait été bien différent, si l’esprit et l’obéissance de la foi les avaient fait rester dans la voie du Seigneur (Gen. 27:42; 28:5).
Ici, nous arrivons à la fin de la vie pratique de notre patriarche. Il vit encore, il est vrai, quarante ans de plus, peut-être davantage ; mais il est perdu pour nous. Il est comme s’il n’existait pas.
À la fin du chap. 35, nous lisons : « Et Jacob vint vers Isaac, son père, à Mamré, à Kiriath-Arba, qui est Hébron, où Abraham et Isaac avaient séjourné. Et les jours d’Isaac furent cent quatre-vingts ans. Et Isaac expira et mourut, et fut recueilli vers ses peuples, âgé et rassasié de jours ; et Ésaü et Jacob, ses fils, l’enterrèrent ».
Abraham avait eu soin d’acquérir Macpéla lors de la mort de Sara ; là il avait enterré Sara, et là Isaac et Ismaël l’avaient enterré ; là encore Jacob et Ésaü enterrent maintenant Isaac ; et là, dans la suite, les douze fils de Jacob enterrent leur père.
L’achat de cette portion de champ, et le soin que prenaient les
patriarches de s’y faire enterrer, nous disent qu’ils croyaient à une
bienheureuse résurrection et à leur entrée en possession du pays qui en est la
conséquence. Ils nous disent que leur espérance
était aussi ferme que leur foi ;
ils
s’appuyaient en parfaite assurance sur la certitude de leur appel et de leur
adoption, et avec une assurance non moins ferme, sur la certitude de la vie et
de l’héritage préparé pour eux dans le siècle à venir. Ils vécurent dans la
foi, et moururent dans la foi. Les patriarches étaient des hommes qui
connaissaient dans leurs âmes la vie de foi et d’espérance, et en savouraient
les jouissances. La nature se laisse voir en eux mainte et mainte fois ; ils
s’égarent, ils changent, ils usent d’artifices, et parfois, dans leur
incrédulité, veulent tromper Dieu ; ils s’attirent la discipline et la
répréhension ; et parfois ils sont humiliés devant les hommes ; mais ils
paraissent ne jamais douter du fait béni que c’est le Dieu de gloire qui les a adoptés
et leur a donné leur portion.
La foi et l’espérance étaient vivantes dans
leurs âmes. Je ne dis pas qu’ils possédassent ce que nous possédons. Nous avons
maintenant une onction, des arrhes et un témoignage, fruit de l’Esprit qui a
été donné, qui demeure en nous, et nous communique non seulement la puissance,
mais aussi le caractère du jour actuel. Toutefois, les patriarches, dans ce
siècle d’enfance, paraissent ne jamais
douter.
Or c’est une chose précieuse que Dieu, dans les toutes premières
communications de lui-même à ses élus, même aux jours d’enfance dont parle la
Genèse ait voulu être connu d’eux comme un Dieu en qui ils pouvaient se confier
pour le présent et pour l’avenir.
Je le répète, c’est une chose précieuse. L’Esprit nourrit l’espérance
dans l’âme des élus, aussi
certainement que la foi. C’est ce que nous enseigne Macpéla, quant aux
patriarches. Mais il en avait été ainsi avant eux, et depuis il en a toujours
été de même. Adam avait l’espérance aussi bien que la foi : dès qu’il eut la
foi, il eut l’espérance. Il marcha en étranger
sur la terre, ayant en même temps conscience
qu’il possédait la vie.
Les saints d’avant le déluge marchèrent avec lui,
et comme lui.
Les Israélites, dans la suite, célébrèrent la dernière nuit de leur séjour en Égypte, leurs bâtons à la main, et leurs sandales aux pieds, avec la même simplicité et la même assurance dans laquelle ils avaient mis le sang sur les linteaux de leurs portes. Leur espérance d’un objet au delà de l’Égypte était tout aussi ferme que la certitude de leur sécurité en Égypte.
Moise avait devant les yeux de son esprit cet état d’âme d’Israël, état qui convenait dans le camp de Dieu selon la puissance de la foi et de l’espérance, lorsque plus tard il disait à Hobab : « Nous partons pour le lieu dont l’Éternel nous a dit : Je vous le donnerai ». De même, Paul, en parlant devant le roi Agrippa : « À laquelle [promesse] nos douze tribus, en servant Dieu sans relâche nuit et jour, espèrent parvenir ».
L’huile, dans les vaisseaux des vierges prudentes, est l’expression de la puissance de l’espérance. Elles avaient une provision pour veiller jusqu’à l’apparition retardée de Celui dont elles n’attendaient que le retour, qu’elles eussent beaucoup ou peu de temps à attendre.
Et afin que notre espérance possède sa gloire morale la plus élevée, la plus magnifique, il nous est révélé que le ciel actuel de Jésus est un ciel d’espérance. Bien qu’assis à la droite de la Majesté dans les hauts lieux, il attend, nous le savons, « jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds ». Dans les temps à venir, la pensée de l’Église glorifiée sera en unisson avec cette pensée de son Seigneur glorifié ; car le ciel d’Apoc. 5 est aussi ce ciel d’espérance. « Tu es digne », disent dans le ciel les animaux et les vingt-quatre anciens, qui ont quitté leurs trônes pour tomber sur leurs faces : « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as acheté pour Dieu par ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation ; et tu les as faits rois et sacrificateurs pour notre Dieu ; et ils régneront sur la terre ».
Nous voyons que les pères du livre de la Genèse sont tous unis dans cette vie de foi et d’espérance. Ils nous présentent des figures de divers mystères, et nous fournissent diverses leçons morales ; mais ils sont un dans cette vie de foi et d’espérance, et chacun d’eux en son jour — Abraham, Isaac, Jacob — est recueilli vers ses peuples (Gen. 25, 35, 49). Chacun d’eux est « une poignée de poussière sainte » déposée dans la caverne du champ d’Éphron, le Héthien, dans l’espérance sûre et certaine d’une résurrection pour la vie éternelle et pour la possession de l’héritage.
On connaît le dicton : « Mieux vaut s’user que se rouiller ». Mais
ce ne fut pas le cas d’Isaac. Il fut atteint de la rouille. Tel
fut le résultat naturel d’une telle
vie.
Isaac fut-il un vase gâté sur le tour du potier et mis de côté comme étant impropre, ou du moins comme n’étant plus propre à l’usage du Maître ? C’est ce que semble nous dire son histoire. Tel n’avait point été Abraham. En lui, et jusqu’à son dernier jour, s’étaient fait voir tous les fruits propres de cette énergie qui l’avait vivifié au début. C’est ce que nous avons déjà considéré dans la marche d’Abraham. La feuille de cet arbre-là ne se flétrit point. Il rendit son fruit dans sa vieillesse. Il en fut de même de Moise, de David, et de l’apôtre Paul. Ils moururent sous le harnais, à la charrue, ou dans la bataille. Ils commirent en chemin des fautes et parfois des actions pires que des fautes, soit pour soutenir leur cause, soit dans leur travail ; mais jamais ils ne furent mis de côté. Moise donne ses conseils à Israël campé près des rives du Jourdain ; David règle l’ordre du royaume et remet ce dernier dans sa beauté et sa force entre les mains de Salomon ; Paul a jusqu’au bout son armure sur lui et ses reins ceints pour le combat et pour la course. Nous pouvons dire que, lorsque le temps de leur départ arrive, le Maître les trouve « faisant ainsi » (Luc 12), comme cela convenait à des esclaves. Il n’en est pas ainsi d’Isaac : Isaac est mis de côté. Pendant un long espace de quarante années, il ne nous est rien dit de lui. Il a été, pour ainsi dire, consumé par la rouille. Le vase s’est détruit peu à peu jusqu’à tomber en poudre.
Il y a sûrement pour nous instruction et avertissement en cela.
Cependant — tant les témoignages de Dieu sont riches en
instruction — l’Écriture nous parle d’autres hommes dans d’autres générations,
par lesquels nous recevons des enseignements et des avertissements encore plus
solennels. C’est une chose humiliante d’être mis de côté
comme n’étant plus d’aucune utilité, mais il est triste
d’être laissé dans ce monde simplement pour se
réveiller
de son sommeil, et il est terrible d’y être laissé pour se souiller.
Les témoignages de Dieu
nous présentent des exemples de ces divers cas. Jacob,
pendant ses dernières années en Égypte, n’est pas un vase
inutile ; c’est là qu’il se réveille. Je sais que plusieurs choses précieuses
nous sont dites au sujet de Jacob pendant ces dix-sept années, et nous pouvons
retirer le plus grand profit des enseignements de l’Esprit par ce qu’il nous
dit de la vie de Jacob en Égypte. Néanmoins, la grande leçon morale pour nous,
c’est que nous voyons ici un croyant, après qu’il a été l’objet d’une sainte
discipline, se réveiller et produire du fruit tel que doit en produire celui
qui est réveillé. Si nous y réfléchissons, ce n’est encore qu’un pauvre
résultat. Mais la fin de Salomon
est
bien plus triste. Il finit par la souillure, chose déplorable et terrible. Ce
n’était ni la fin d’Isaac, ni celle de Jacob — ni celle d’un saint mis
simplement de côté, ni celle d’un saint auquel il est accordé du temps pour se
réveiller. Isaac, dans un sens général, fut irréprochable jusqu’au bout, et les
derniers jours de Jacob furent ses meilleurs jours ; mais quant à Salomon, nous
lisons : « Il arriva, au temps de la
vieillesse de Salomon,
que ses femmes détournèrent son coeur après d’autres
dieux ». La conséquence en est que la tablette placée à sa mémoire au-dessus de
son nom, a jusqu’à aujourd’hui un sens équivoque, et qu’elle est difficile à
déchiffrer.
Telles sont, bien-aimés, les leçons que nous donnent Isaac, Jacob et Salomon ; telles sont les instructions détaillées et variées présentées à nos âmes dans les pages riches et vivantes des oracles de Dieu. Elles nous mettent à même de voir, dans la maison de Dieu, des vases utiles et utilisés jusqu’au bout, des vases mis de côté pour se rouiller plutôt que pour s’user, des vases qui réussissent tout au plus à se purifier de leur souillure, et des vases qui, à la fin de leur service, se déshonorent en en contractant de nouvelles.
Merveilleux et variés sont les enseignements et les voies de la
grâce, de la surabondante grâce ! Combien l’âme est prompte à concevoir à
l’égard de Dieu, des pensées selon les suggestions de la nature,
au lieu de le connaître par la foi.
La nature le présente à l’âme comme un juge, comme imposant
une loi, ou comme exigeant la justice, comme voulant, la balance à la main,
peser toutes les pensées et toutes les oeuvres des hommes, étant attentif au
moindre contact de mal pour en tirer vengeance. La foi, au contraire, le
présente aux yeux de notre coeur, qui se prosterne devant Lui, comme étant
Celui qui nous aime toujours, quoi qu’il fasse, ou dise. Car la foi opère par
l’amour (Gal. 5:6) — elle opère, ayant en vue le Dieu qui est amour, et par
suite dans un esprit de confiance et de liberté. Nos âmes sont-elles oppressées
par un esprit de crainte, de servitude ou d’incertitude, nous pouvons être
certains que la main de notre foi a lâché prise, et que nous nous sommes laissé
conduire par les tuteurs et les curateurs que nous fournit la nature. Il ne
devrait point en être ainsi. Il nous faut savoir que nous avons toujours
affaire avec l’amour !
Soit que nous lisions, que nous
priions, que nous conversions, que nous confessions, que nous servions, que
nous chantions, que nous considérions sa main dans sa providence, ou que nous
méditions en secret sur son nom, puissions-nous jouir de la communion de la foi
avec Dieu ! Il nous aime. La relation dans laquelle nous sommes avec Lui, et
dont notre patriarche Isaac était l’expression, fait que c’est là une vérité nécessaire.
C’est à Lui-même que Dieu nous a amenés, et pour Lui-même qu’il
nous a adoptés, « nous ayant prédestinés pour nous adopter pour lui
par Jésus Christ, selon le bon plaisir de sa volonté »
(Éph. 1:5). Ces mots « pour lui » nous disent la joie propre de Dieu à adopter
les élus, à faire d’eux des
fils, — joie semblable à celle d’Abraham lorsqu’il sevra Isaac. Christ se
présente l’Assemblée à lui-même
(Éph.
5:27), et le Père réunit les élus comme fils, en les adoptant pour Lui.
L’un et l’autre ont un intérêt
personnel et une joie personnelle dans les mystères de la grâce ; et, en
conséquence, le Saint Esprit, dans l’épître aux Galates, à laquelle l’histoire
d’Isaac a trait d’une manière si remarquable, plaide devant nous la cause du
Père, aussi bien que celle de Christ. Il nous enseigne que, par Christ, nous
sommes rachetés de la malédiction
de la
loi, et que, par l’Esprit qui nous a été donné par le Père, nous sommes
rachetés de la servitude
de la loi.
Tout ceci est plein de bénédiction pour nous, et nous est suggéré par le
mystère d’Isaac, le fils de la femme libre.
La foi est en nous le principe en vertu duquel le Seigneur Jésus
peut (Dieu seul le peut, en effet) entièrement par lui-même, soutenir la
confiance du pécheur et en être l’objet immédiat, unique. Mais, dans la
dispensation actuelle, la foi implique la relation.
Par la foi, nous sommes dans la personne de Christ, en même temps que nous
nous reposons sur
son oeuvre ; or
Christ étant le Fils, nous sommes fils, de même que nous sommes des pécheurs
sauvés. Nous sommes tous « fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus » (Gal.
3:26). Quant à Ismaël, il ne doit pas avoir part dans la maison avec Isaac.
L’esprit de servitude engendré par la loi ou par la religion des ordonnances,
doit être exclu, et l’esprit de liberté seul doit remplir la maison. Car
l’héritage est maintenant assuré à un fils, et non à un serviteur ; à Isaac, et
non à Éliézer ; et cette relation
est
la joie de Dieu comme elle est la nôtre. « Le Père
en cherche
de tels
qui l’adorent ». Merveilleuses paroles de grâce surabondante, bien-aimés ! Et la
joie de Sara en Isaac le déclara aux jours des patriarches.
J’ai déjà parcouru la suite du livre de la Genèse jusqu’à la fin du chap. 27. Dans les chapitres qui suivent jusqu’au 36e, Jacob est surtout devant nous ; et c’est cette partie du livre que je me propose maintenant de considérer.
Il y a, plus tard, une période très importante de la vie de Jacob, savoir celle de son séjour en Égypte pendant dix-sept ans et de sa mort dans ce pays. Mais nous la trouverons dans la partie du livre, dans laquelle Joseph est le sujet principal ; je n’en ferai donc mention que pour ce qui a trait à Jacob.
La vie de Jacob comprend des événements très nombreux et très variés, d’un caractère tout différent de ceux de la vie de son père Isaac. Nous voyons tout de suite en cela la sagesse de Dieu ; car il y a intention divine dans la construction de ces histoires, comme il y a véracité divine dans les récits. Ces histoires nous font connaître des faits ; mais il est tout aussi certain qu’elles nous font saisir certains mystères. J’ai eu à coeur d’appeler l’attention sur ces mystères, et en même temps, de recueillir des instructions morales dans ce qui nous est dit de ces premiers siècles de la famille humaine et de ces premiers pères élus de Dieu.
L’élection
et l’appel
de Dieu, dans l’exercice souverain de sa grâce, nous les avons vus en Abraham.
La position de fils,
dans
laquelle nous sommes introduits par l’élection (car nous sommes prédestinés à
être adoptés), nous a ensuite été présentée en Isaac.
La discipline
, comme
celle qu’un père exerce sur son fils (car qui est le fils que le père ne
discipline pas ?), est ici, à son tour, présentée en Jacob.
C’est ainsi que ces histoires successives ne sont pas seulement l’exposé des faits dans leur ordre, mais elles constituent aussi un aperçu de la manière dont Dieu conduit son peuple selon sa grâce et sa sagesse.
Jacob était un fils, aussi bien que l’avait été Isaac. Mais il
était un fils à l’école, ou sous la discipline, non un fils, comme Isaac,
soigné et élevé dans la maison paternelle ; il ne lui fut pas donné de connaître
les droits et la dignité d’un fils et héritier, mais de connaître l’amour,
l’amour pratique, qui discipline et qui corrige. Tel fut Jacob comme élu de
Dieu. Mais n’oublions jamais qu’une telle discipline est ce qui prouve plus clairement
que toute autre chose, que nous sommes enfants. La discipline implique
l’adoption. C’est parce que nous sommes fils
que l’exhortation s’adresse à nous, et que nous sommes les objets de la
correction. La discipline peut être ce qui est le plus en vue, mais le secret
en est l’amour du Père.
Toutefois, je ne signale ce caractère de fils sous la discipline que comme étant ce qui distingue Jacob d’une manière générale. Quant aux événements de son histoire, quelque variés et frappants qu’ils soient, nous pouvons les séparer en quatre périodes :
1° Sa naissance et sa jeunesse auprès de son père, au pays de Canaan ;
2° Son voyage à Paddan-Aram, et les vingt années de son séjour chez Laban le Syrien ;
3° Son retour de Paddan-Aram, et son second séjour en Canaan ;
4° Son voyage de Canaan en Égypte ; son séjour et sa mort dans ce dernier pays.
Ce qui précède est comme une table des matières simple et naturelle, et je suivrai le même ordre dans mes considérations.
Première partie
. —
Cette première partie de l’histoire de Jacob traite de sa naissance et de sa
vie dans la maison de son père, au pays de Canaan, jusqu’à l’âge d’environ
soixante-dix ans (*). Nous en avons déjà parlé
d’une manière générale dans la section précédente, intitulée « Isaac, » ; et l’on
peut dire qu’il ne pouvait en être autrement ; car elle est entremêlée dans ces
chapitres de la Genèse, où Isaac est le principal personnage. Je dois donc y
renvoyer le lecteur.
(*) Certains écrits juifs disent qu’il avait soixante-dix-sept ans.
Deuxième partie
. — Au chap.
28 de la Genèse, nous commençons à voir Jacob sous la discipline ; c’est le
premier chapitre de la deuxième partie de son histoire, et dès lors, dans le
livre de la Genèse, il est le principal personnage devant nous.
Dans son voyage pour se rendre à Paddan, mais avant qu’il eût passé les limites de Canaan, à l’endroit appelé Luz, l’Éternel le rencontre. Ce n’est pas à côté du lit de son père, où il a péché, mais à un endroit éloigné, aride, solitaire, où son péché l’a chassé, et où il est l’objet de la discipline de Dieu, que Celui-ci peut le rencontrer. Il ne peut pas nous apparaître sur la scène de nos iniquités, mais il peut le faire là où il corrige. Or tel fut Luz pour Jacob. C’était un endroit désolé. Les pierres du lieu furent son chevet, et le ciel au-dessus de sa tête sa couverture ; il n’avait d’autre ami que son bâton pour le soutenir et le consoler. Mais là le Dieu de ses pères vient le trouver. Il ne change nullement les circonstances du moment, ni ne révoque le châtiment. Il laisse Jacob poursuivre son chemin solitaire, pour trouver ensuite vingt années de dur service sous le joug d’un étranger, années semées de maint tort et de mainte injustice. Mais Dieu lui donne l’assurance que des armées célestes veilleront sur lui et l’entoureront pour le servir.
L’Éternel avait fait, comme nous le savons, de grandes promesses
à Abraham ; il les avait répétées à Isaac ; et maintenant, à Béthel, il les fait
encore à Jacob, mais avec une addition très distincte à ces promesses communes :
« Et voici, je suis avec toi ; et je te garderai partout où tu iras, et Je te
ramènerai dans cette terre-ci, car je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que
j’aie fait ce que je t’ai dit » (v. 15). C’était là une nouvelle promesse, une
grâce de plus ; précisément parce que Jacob en avait besoin, ce qui n’avait pas
été le cas pour Abraham et Isaac. Jacob était le seul des trois qui eût besoin
que l’Éternel fût avec lui partout où il irait, et le ramenât dans son pays.
Jacob, par son acte coupable, avait rendu nécessaire cette faveur additionnelle ;
la grâce la lui accorde, et la vision de l’échelle la lui garantit. Les
promesses à Abraham et à Isaac ne comprenaient pas ces soins providentiels,
angéliques. Eux étaient restés dans le pays : mais Jacob était par son acte, un
banni, ayant un besoin spécial des soins et de la vigilance d’un protecteur
céleste et Dieu répond à ce besoin. Ce sont des anges qui comme ils en avaient
reçu commission directe du ciel, veillaient sur lui pendant les jours de son
exil et de son pénible labeur, résultats de sa propre faute, lui donne une
place à part
comme objet de
miséricorde. Il était héritier du royaume, en tant que « débiteur à une
miséricorde spéciale », en raison de la grâce abondante qui était venue à son
aide et l’avait gardé au milieu des amers résultats de sa propre faute. David,
en son jour, triompha de même, par la foi en « l’alliance éternelle » établie
avec lui, quoiqu’à ce moment sa maison fût en ruines par son propre péché (2
Sam. 23).
Telles sont les voies de Dieu, excellentes et parfaites par l’union
de la grâce avec la sainteté. À ce propos, je ferai remarquer que, dans toutes
les circonstances, il y a deux objets à considérer : la nature regarde à l’un,
la foi à l’autre. Ainsi, dans la discipline divine, telle que celle dont Jacob
était ici l’objet, il y a d’un côté la verge,
et de l’autre la main qui l’applique.
La nature voit l’une, la foi reconnaît l’autre. Job, en son jour, faiblit
sous la verge, parce que la verge était tout ce qui l’occupait. S’il avait
regardé au conseil de « Celui qui la décrétait », à son coeur, à sa main (ainsi
que nous sommes exhortés à le faire en Michée 6:9), il serait resté debout.
Mais la nature eut le dessus ; il tint les yeux fixés sur la verge, et ce fut
trop pour lui.
De même, dans les manquements,
aussi bien que dans les circonstances, il y a deux objets : celui de la
conscience et, d’autre part, celui de la foi. Mais il ne faut pas permettre à
la conscience de priver la foi de ses précieuses ressources — les trésors de la
grâce qui pardonne, qui restaure, et que l’amour de Dieu en Christ a mis en
réserve pour la foi.
C’est là un grand sujet de consolation. Il ne faut pas que la nature s’occupe trop des circonstances, ni la conscience des manquements. La nature doit sentir qu’aucune affliction n’est, pour le présent, un sujet de joie ; et il se peut que la conscience ou le coeur soient brisés ; mais dans l’un ou l’autre cas, la foi doit être à son poste et faire son devoir ; or dans les épîtres, l’énergie de l’Esprit est, dans une grande mesure, occupée en grâce à mettre la foi à son poste et à l’encourager à faire son devoir. Les apôtres, instruits par le Saint Esprit, ont connaissance du danger et des tentations auxquels nous sommes exposés en raison de la nature qui est en nous ; et, tout en s’attachant à recommander que la conscience soit délicate et en éveil, ils établissent la nécessité que la foi ne se maintienne pas moins en activité.
Connaître Dieu en grâce
est
ce qui l’honore, et c’est notre joie. D’après nos conceptions naturelles,
c’est-à-dire selon les instincts d’une nature déchue, nous nous imaginons que
Dieu exige notre obéissance
et réclame notre service.
La foi, au
contraire, le connaît comme Celui qui donne
et qui nous parle de nos privilèges, de la liberté et de la bénédiction qui
sont nôtres, en raison de notre relation avec lui.
Mais l’âme de Jacob n’était pas tout à fait à même de jouir de cette manière d’agir de la grâce. Il trouva que le lieu où il avait vu l’échelle et les anges, et où le Dieu de ses pères lui avait parlé était un « lieu terrible ». Dans un sens, c’était trop pour lui ; il en fut de même, longtemps plus tard, pour Pierre sur la sainte montagne. Mais Dieu reste fidèle à l’abondance de sa grâce. Jacob peut dire : « Que ce lieu-ci est terrible ! » Pierre et ses compagnons peuvent être pleins de frayeur ; mais l’échelle n’en atteint pas moins jusqu’aux cieux, et les anges y montent et y descendent aux yeux du patriarche ; de même, la gloire continue à briller sur la montagne. La grâce de Dieu est plus riche que notre âme n’est capable de le concevoir. Dieu resplendit en lui-même bien plus que nous ne l’apercevons. Or c’est en lui-même qu’il doit être connu, et non point dans les reflets que nous pouvons en recevoir.
Toutefois, comme Pierre sur la montagne, Jacob, dans un certain sens, trouva qu’il était bon de demeurer à Luz, et il appela le lieu Béthel. C’était pour lui la maison de Dieu, car Dieu avait été là avec lui et lui avait parlé ; c’était à ses yeux la porte des cieux ; car là les anges lui étaient apparus, descendant de leur demeure céleste. « Ce n’est autre chose que la maison de Dieu », dit-il, « et c’est ici la porte des cieux ».
Dieu déclare
à Jacob
son nom, et le glorifie
aussi. Il le
déclare, le révèle d’abord, et la foi l’accepte. Au moment opportun, il
justifie cette déclaration ou ce témoignage, accomplit tout ce qu’il a promis
et glorifie ainsi son nom. Partout où il met la mémoire de son nom, là est sa
maison. L’aire d’Ornan, longtemps après, eut le même privilège que Luz reçoit
ici, et au même titre. « C’est ici la maison de l’Éternel Dieu, et c’est ici
l’autel pour l’holocauste d’Israël », dit David, en parlant de l’aire du
Jébusien (1 Chr. 22:1). Car, comme le Béthel de notre patriarche, c’était
l’endroit où la miséricorde s’était glorifiée vis-à-vis du jugement, où Dieu
s’était révélé selon l’abondance de sa grâce ; et la foi sait y voir la maison
de Dieu. Jacob et David, chacun en son jour, étaient des saints sous la
discipline ; mais le Seigneur vint vers eux selon les riches conseils de son
amour, se révélant lui-même en déclarant son nom ; et pour eux, c’était sa
maison. Mais il est plus facile de consacrer la maison que de recevoir
l’enseignement qui y est donné. Jacob exprima bien les pensées de son coeur,
sous la puissance des impressions que la vision avait nécessairement produites ;
mais il y a encore en lui beaucoup du vieux Jacob. Il se laisse entraîner par
le mauvais penchant de son coeur : il semble calculer ici, conclure un marché,
faire des conditions bien que l’Éternel lui ait parlé le langage de là
promesse, selon sa bonté libre et souveraine. La nature est active en lui,
malgré mainte répréhension et mainte défaite ; elle survit à ce qui a pu
paraître un instant être un coup mortel. Jacob ne la laisse pas davantage
derrière lui à Béthel, qu’il ne l’avait laissée derrière lui dans la tente de
sa mère.
Il poursuit sa route. La grâce raccourcit le chemin de Jacob, objet de la discipline, et lui fait accomplir assez rapidement son voyage jusqu’au « pays des fils de l’orient », jusqu’à Paddan-Aram où sa mère lui avait conseillé de se rendre et où sans nul doute, la main de Dieu l’amène maintenant.
C’est auprès du puits et au milieu des troupeaux, que Jacob trouve tout d’abord Rachel : c’était auprès du puits qu’Éliézer, le représentant d’Isaac, avait trouvé Rebecca. Mais Jacob était l’homme pauvre, Isaac l’homme riche. Isaac pouvait enrichir Rebecca, en lui donnant l’anneau et les bracelets d’or, gages du bel héritage qu’il lui réservait. Jacob n’avait que son labeur à la sueur de son visage. Isaac était fils et héritier, Jacob un homme qui, par sa faute, s’était réduit au dénuement et avait à se frayer de son mieux un chemin, Dieu aidant, à travers les ronces et les épines de la vie. « Israël servit pour une femme ; et pour une femme, il garda les troupeaux » (Osée 12:13). Il allait trouver ce service très dur, mais il l’entreprend aussitôt, et y persévère pendant vingt longues années (Gen. 29-31).
La scène se passe dans la maison de Laban frère de sa mère, et bientôt s’y déroulent, d’une manière continue, des actes moraux divers. Là sont non seulement Jacob lui-même et Laban, mais aussi les deux femmes de Jacob, Léa et Rachel, et leurs deux servantes, Zilpa et Bilha.
Jacob n’est pas longtemps en butte aux épreuves et aux
afflictions de son séjour chez Laban, qu’il lui faut souffrir une offense toute
semblable à celle qu’il avait lui-même commise chez son père. Il avait trompé
son père au sujet de son frère et de la bénédiction. Laban le trompe maintenant
au sujet de Rachel et du mariage. Toutefois, dans une grande partie de sa
conduite pendant les vingt années qu’il passe chez Laban, nous voyons ce qu’il
y avait en lui d’excellent. Car la conscience du fait que la main de Dieu est sur nous pour nous discipliner,
a
nécessairement un effet très marqué sur tout esprit qui a quelque droiture devant
Dieu. Ce n’est pas que la nature soit changée par là, ou que sa volonté soit
brisée, mais elle peut être plus ou moins bridée. David, lorsqu’il est châtié
d’une manière plus sévère, et plus humiliante qu’aucun saint de Dieu ne l’avait
jamais été, se conduit admirablement sous la discipline. Ses paroles à Itthaï,
à Tsadok et à Hushaï, son indignation à la proposition des fils de Tseruïa, ses
paroles d’humiliation, ses lamentations sur Absalom, sa conduite après sa
victoire, comme si la victoire eût été une défaite, tout cela, et d’autres
faits du même genre, nous fait voir que l’Esprit avait opéré une oeuvre bénie
dans son âme. Nous ne trouvons, je le sais, rien d’équivalent chez Jacob à
Paddan-Aram ; mais, si je ne me trompe, nous y voyons un saint sous la
discipline, qui en a conscience et qui comprend clairement le caractère de sa
position, la main de Dieu étant sur lui, et la juste répréhension du Seigneur ;
il se conduit avec débonnaireté et vigilance. Il se soumet en silence aux
injustices d’un maître outrageux. Il sert patiemment et souffre sans se
plaindre. Son salaire est changé dix fois, mais il ne proteste pas. En tout
cela, il s’humilie sous la puissante main de Dieu, comme quelqu’un qui ne veut
pas oublier ce qu’a été sa conduite passée Aussi, à la fin de vingt années de
pénible travail et de mauvais traitements, il peut affirmer qu’il a été fidèle,
et Dieu lui-même paraît mettre son sceau sur ce témoignage. Par les soins de sa
providence, et par ses révélations, en le visitant par son Esprit, par son
intervention directe, et en parlant à Laban lui-même, l’Éternel protège, bénit
et justifie Jacob.
Cela est beau à voir. Je ne dirai pas que la nature fût mortifiée, que la racine d’amertume fût jugée. Nous trouverons, je le sais, que plus tard Jacob est toujours le vieux Jacob, et se fait tristement reconnaître par le même levain qui avait travaillé en lui dès le commencement. Mais tant qu’il est dans la maison du Syrien, Jacob paraît avoir conscience que la puissante main de Dieu est sur lui en discipline, et il se conduit en conséquence, subissant les reproches sans se justifier et ne luttant pas pour obtenir ses droits injustement violés.
Telle est l’impression que me donne Jacob chez Laban. Quant à ce
dernier, lorsque Jacob entre dans sa maison, il est en tout point un homme du
monde, et c’est ce qu’il est encore au départ de Jacob. Dans toutes ses
transactions, du commencement à la fin, il n’a en vue que son propre avantage.
Il est contraint de reconnaître que la main de Dieu est avec Jacob ; mais il voudrait
par l’intermédiaire de Jacob, faire travailler cette main à ses propres
intérêts, et faire tourner à son profit la faveur de Dieu envers Jacob. Pendant
vingt années, il voit de ses yeux dans sa maison même, et de jour en jour, la
main du Seigneur et les opérations de sa grâce et de sa puissance ; mais il n’en
reste pas moins un homme du monde. Dieu vient tout près de lui, comme Jésus
plus tard, de Bethsaïda et de Chorazin, opérant des miracles, mais il n’y a
point de repentance. Le départ de Jacob, à la fin, est comme une fuite de
dessous la main de l’ennemi, ou comme l’oiseau échappant au piège de
l’oiseleur. C’est une espèce d’exode — un exode de famille, comme plus tard
celui d’Israël comme nation. Laban et Paddan-Aram furent pour notre patriarche
ce que furent le Pharaon et l’Égypte pour Israël. Laban aurait bien voulu
garder Jacob en esclavage ; tout au plus l’aurait-il congédié à vide ; mais
l’Éternel prend en main la cause de Jacob auprès de Laban, comme il prit plus
tard celle d’Israël auprès du Pharaon. Laban et le Pharaon, chacun en son jour,
virent
de leurs yeux ce que Dieu fit,
mais ni l’un ni l’autre n’en jouirent.
Laban était assurément en tout point ami du monde, et il ne fut jamais rien de mieux ; il était rusé et de plus hypocrite, deux choses qui vont habituellement de compagnie. À la fin, lorsque tous ses artifices sont déjoués, et qu’aucun enchantement n’a pu avoir d’effet, comme plus tard pour Israël, il fait ce qu’il peut selon les calculs misérables et détestables d’un coeur astucieux, pour cacher le dessein qui a maintenant échoué et sauver les apparences. Il feint de croire que Jacob l’a quitté simplement, parce qu’il languissait après la maison de son père, tandis que sa conscience doit lui dire qu’il y avait de tout autres raisons. Il affecte la douleur et l’indignation de ce qu’il n’a pu baiser ses filles et leurs enfants, et les renvoyer honorablement, tandis que sa conscience doit lui rappeler comment il les a vendues plus d’une fois. Il parle comme s’il était en souci à leur sujet, maintenant qu’elles seront à la charge de Jacob, comme s’il avait eu pour elles les soins d’un père. Il feint d’épargner Jacob en raison de son respect religieux pour les paroles de Dieu tandis qu’il a dû se voir, bon gré, mal gré, absolument arrêté par Dieu, religieux ou profane, comme le fut Balaam dans la suite. Il donne aussi une apparence de sérieux au dernier engagement pris entre lui et Jacob ; il y introduit le nom du Dieu d’Abraham, quand le moment d’avant il était occupé à chercher ses idoles, et se préparait à retourner au pays dont Dieu avait fait sortir Abraham, pour y rester homme du monde, sans coeur, et y adorer ses propres dieux.
Misérable Laban ! son histoire nous donne une leçon sainte et sérieuse.
Mais, outre Laban le Syrien, nous avons les femmes et les enfants de Paddan-Aram. Les femmes et les enfants du livre de la Genèse sont tous des symboles. C’est ce que nous voyons en Ève et en ses trois fils, dans la Sara, l’Agar et la Ketura d’Abraham, et dans la semence de chacune d’elles. Dans l’article sur Isaac, nous avons fait ressortir le même caractère symbolique en Rebecca, sa femme, et en Ésaü et Jacob, ses fils. Chacun d’eux et tous ensemble sont, comme figures des parties composant le dessein de Dieu. Ici, de même, nous trouvons des symboles dans les femmes que Jacob épouse à Paddan, la soeur aînée, la soeur cadette, les servantes données à toutes deux et les enfants de chacune d’elles.
Dans les enfants d’Israël, c’est-à-dire dans 1:3 nation, semence
d’Abraham, nous trouvons trois classes : 1° Jadis, Israël selon la chair,
établi dans le pays en raison de sa parenté
charnelle avec Abraham. 2° Actuellement, la nation dans la servitude,
qui a dû apprendre à se courber sous le joug des
gentils. 3° Dans l’avenir, la nation établie
en grâce,
Israël racheté et accepté, établi dans les choses promises aux
pères.
Ce sont là les trois générations de la nation d’Israël : ce qu’elle a été, ce qu’elle est maintenant, ce qu’elle sera plus tard. Nous en voyons comme une ombre, dans les familles de Jacob à Paddan : savoir, dans les enfants de Léa, qui avaient les droits de leur mère dans la chair ; dans les enfants des servantes, et dans ceux de Rachel, la bien-aimée, qui n’avait point de force quant à la nature, mais dont la semence était tout entière semence de promesse ou de Dieu.
Les voies de la sagesse de Dieu sont ainsi données à connaître dans les femmes et les enfants de Jacob, aux chap. 29 à 31, comme elles l’avaient été dans les scènes de famille précédemment décrites dans ce livre admirable.
Aussitôt que Joseph, l’enfant de la promesse, fils de Rachel la bien-aimée, lui a été donné, Jacob parle de quitter Paddan, lieu de son exil et de sa servitude (30:25-26). Quelque simple que la chose paraisse, elle a sa signification. La condition d’étranger et de serviteur ne lui convenait plus, dès qu’il eut reçu « la semence », signe pour lui de la puissance de Dieu en sa faveur. Il sentit, plutôt instinctivement peut-être, qu’il lui convenait de revendiquer sa liberté et de penser à sa maison paternelle et à son héritage. Je ne dirai pas que Jacob comprît vraiment cela, ou que ce fût pour lui comme une inspiration reçue, car, dans tout ce qu’elle impliquait, elle dépassait son intelligence. Quoi qu’il en soit, aussitôt après la naissance de Joseph, il dit à Laban : « Renvoie-moi, et j’irai dans mon lieu et dans mon pays ».
Il en avait été à peu près de même auparavant pour Abraham. Lorsque Isaac fut sevré, la scène autour d’Abraham change aussitôt : l’enfant de la servante doit quitter la maison, et Abraham a le pas sur le gentil (Gen. 21). Le sevrage d’Isaac fut le point tournant dans l’état d’âme d’Abraham. En esprit, pour un moment, il entre dans le royaume, bâtit un nouvel autel, un autel au « Dieu d’éternité », et plante un tamarisc. Ceci est très beau, et j’en ai considéré la signification en son lieu (*). Maintenant il en est de Jacob comme jadis d’Abraham. Dès que Joseph, l’enfant de la promesse, dont la naissance était une démonstration de la grâce et de la puissance de Dieu, lui est donné, la pensée de la liberté et de la maison de son père se présente à son esprit.
(*) Voir « Abraham », page 136.
C’était un bel et frappant exemple de l’intelligence d’un esprit
renouvelé. Je puis ajouter que, dans la même occasion, on voit en Rachel le
caractère de la foi ; car elle appelle son fils « Joseph », c’est-à-dire : « Qu’il
ajoute » ; elle a l’assurance que l’Éternel, qui a maintenant commencé
à lui accorder ses grâces, les
lui continuera
et les achèvera.
C’est ainsi qu’aujourd’hui,
dans le même esprit, nos coeurs et nos lèvres disent par la foi « Celui qui n’a
pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous
fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui ? » Non seulement
les dons reçus furent pour Rachel un prétexte pour demander
encore davantage à Dieu, mais ils enhardirent sa foi, la
rendirent plus heureuse, et elle en conclut qu’elle pouvait avoir confiance
qu’il donnerait encore
davantage.
Malgré cela, l’association de Laban et de Jacob continue quelque temps après la naissance de Joseph ; ce sont des circonstances entièrement différentes qui les obligent à se séparer, et alors Laban reste devant nous, plus encore qu’auparavant, une espèce de statue de sel, un monument solennel de ce dont nos méchants coeurs sont capables.
Troisième partie. —
La
période de servitude de Jacob se termine au chap. 31. Il est à ce moment en
route pour retourner de Paddan-Aram en Canaan, les scènes des principaux
événements de ce voyage sont la montagne
de Galaad,
où la plus grande partie du chemin était déjà derrière lui, et Mahanaïm,
près du torrent de Jabbok,
comme il allait entrer dans le pays.
Ce fut à la montagne de Galaad, que Jacob ct Laban prirent congé l’un de l’autre, car Laban l’avait poursuivi jusque-là. Mais là ils firent alliance, offrant un sacrifice, puis mangeant ensemble, pour ainsi dire, sur le sacrifice.
Cette scène est une figure symbolique de nos bénédictions. Car nous jouissons d’une alliance de paix, qui a été assurée par un sacrifice, et dont il a été rendu témoignage par une fête. De même, la nuit de la rédemption hors d’Égypte, l’autel et la table, c’est-à-dire le sacrifice et la fête, se retrouvent. Le sang est sur le liteau de la porte, et les gens de la maison, délivrés par la rançon, sont à l’abri dans la maison, et se nourrissent de l’agneau, dont le sang les protège et les délivre.
Mais en cette occasion-ci, il y a une autre chose à remarquer : c’est Jacob qui offre le sacrifice.
Ceci est très significatif, et nous montre que Jacob connaissait sa place et sa dignité devant Dieu. Laban avait pour lui tous les droits que la nature, la chair et la relation, pouvaient lui donner, mais malgré tout cela, c’est Jacob qui agit. Laban était le plus âgé des deux ; il était le maître et le beau-père. Néanmoins, Jacob prend la place du « plus excellent » et offre le sacrifice, dans le même esprit de foi qu’Abraham, lorsqu’il fit alliance avec le roi de Guérar (Gen. 21), ou comme Jéthro, à Horeb, au milieu de l’Israël de Dieu et en présence d’Aaron (Ex. 18).
De tels cas sont au nombre des triomphes de la foi ; et ce ne
sont pas des triomphes de petite importance. Connaître notre haute dignité en
Christ, et ne l’abandonner à aucun prix, même lorsque les circonstances nous
humilient, n’est point chose facile. Jacob à Paddan-Aram était sous la discipline.
Là il n’avait point d’autel. Devant Dieu, il était plutôt un pénitent qu’un
adorateur ; mais devant Laban, il a conscience qu’il est un saint de Dieu ; ici,
à la montagne de Galaad, il a sa stèle, son sacrifice et sa fête, sa foi est en
activité pour lui donner la hardiesse d’agir selon sa dignité de saint et de
sacrificateur devant Dieu, en présence de tous les droits de la chair et du
sang. Élihu, dans le livre de Job, bien que se renonçant lui-même
devant ceux qui étaient plus âgés que lui, fait valoir les
droits de l’Esprit en lui,
en
présence des droits les plus élevés de la nature.
Il est très encourageant de voir de telles expressions de la
pensée de Christ dans les saints. Jamais, du commencement à la fin, Jacob ne
douta de sa position devant Dieu, bien qu’il fût toute sa vie sous la
discipline. Or c’est une chose précieuse que de prendre la place que la grâce
nous donne selon sa richesse, sa richesse infinie, selon sa gloire et son
abondance. Je ne crois pas que, si Pierre, en Jean 21,
avait voulu venir vers le Seigneur en pénitent,
il serait venu en
hâte
à Lui comme il le fit. Un pénitent se serait approché de Lui d’un pas
plus mesuré. Mais Pierre ne pensait pas alors à son reniement du Seigneur si
récent encore ; il pensait à son Seigneur lui-même. Il va donc en hâte et plein
d’ardeur. Il avait, il est très vrai, péché contre son Maître, et aurait pu
être confus et honteux. Mais, chose merveilleuse ! comme Pierre repentant aurait
été moins prompt et moins ardent à venir à Jésus, de même Pierre, arrivé auprès
de son Maître, n’aurait pas été aussi bienvenu de Lui, s’il avait montré moins
de confiance, quoique ayant si tristement manqué. Nous voyons en ceci ce que
sont la grâce et le coeur de Celui à qui seul
nous avons affaire.
Toutefois, nous n’avons ici que des fragments, des colonnes
brisées des temples de Dieu. La nature est toujours la nature ; et Jacob, peu
après tout ceci, reste encore le vieux
Jacob.
Quelqu’un a dit que, si la main de l’Éternel avait cessé de
peser sur Job, après sa première
épreuve,
il n’aurait pas atteint la bénédiction. Il y eut pour lui une trêve, et on
aurait pu penser que tout était fini. Mais le but de Dieu en grâce n’était pas
encore atteint ; et nous pouvons être certains que la malice de Satan n’était
pas encore satisfaite. L’infatigable adversaire se remet à l’oeuvre, l’Éternel
lui lâche la bride, et Job est visité une seconde
fois.
Or la nature est tout aussi obstinée que Satan. Chassez-la, elle reviendra. Nous venons de voir en Jacob, à la montagne de Galaad, un petit arrêt dans la marche de la nature ; nous avons vu un moment en lui la pensée et quelques expressions de la gloire ; mais bientôt, trop tôt assurément, le vieil homme reparaît.
Jacob part de la montagne de Galaad et continue sa route, et comme il approche de la frontière du pays, les anges de Dieu le rencontrent. Jacob les reconnaît aussitôt. « C’est l’armée de Dieu », dit-il, et il appelle le lieu Mahanaïm.
C’était une terre sainte. Dieu avait été fidèle à sa parole ; les
promesses de Béthel (Gen. 28) avaient été accomplies. C’est pourquoi il n’y a
point ici d’échelle. La protection providentielle angélique, a été effective :
Jacob a été gardé dans le pays lointain et a été ramené dans son pays.
L’échelle peut donc être enlevée ; au lieu que les anges montent et descendent
entre le ciel et le patriarche, les anges le rencontrent.
Ils se tiennent devant lui, simplement pour le saluer,
lui souhaiter la bienvenue à son retour. L’Éternel Dieu de ses pères et des
promesses souhaitait la bienvenue à notre patriarche rentrant dans son pays, et
des serviteurs des parvis célestes avaient été envoyés pour lui faire connaître
les pensées de leur Roi à son égard.
C’était « jouer de la flûte » à Jacob, et lui aurait dû « danser ».
Il aurait dû tressaillir de joie et célébrer le triomphe avant que la bataille
fût livrée, ou que les armées fussent rangées pour le combat. Comme Josaphat,
il aurait dû entrer en campagne avec des chants. Si les armées du ciel se
mettaient ainsi à son service, qu’avait-il à craindre des armées d’Ésaü ? « Si Dieu
est pour nous, qui sera contre nous ? » Il n’en fut pas ainsi de Jacob. Au son de
la flûte, il « se lamente » plutôt que de se réjouir. Il tremble, il prie, il
calcule. Il range ses troupes comme si la bataille était sa bataille. Tout est
ici à la fois religieux
et incrédule ;
et assurément, cela afflige
le coeur du Seigneur, comme un son discordant. Il avait souhaité la bienvenue à
Jacob rentrant dans son pays, avec tous les signes d’une vraie joie et en lui
faisant honneur, et voici que Jacob était tout découragé.
Le Seigneur travaille à être en communion avec nous, et à ce que nous soyons en communion avec lui, cette discordance d’âme ne saurait donc lui plaire. Il résiste à Jacob, comme nous lisons : « Un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore ». C’était la réponse à la prière de Jacob. Tout ceci est plein d’instruction pour nous.
Nous trouvons beaucoup plus facile de nous confier dans le Seigneur dans toutes les questions qui se présentent entre Lui et nous, que de le faire intervenir, de nous servir de Lui, et de nous confier en Lui dans les questions qui se présentent entre nous et d’autres — beaucoup plus facile de nous confier en Lui pour l’éternité que pour demain, parce que l’éternité dépend entièrement de Lui. Demain, selon notre estimation, est plus ou moins partagé entre Lui et d’autres — gouverné par les circonstances, aussi bien que par Dieu. Abraham avait laissé voir jadis la même inconséquence. Il était sorti à l’appel du Dieu de gloire, quittant pays, parenté et maison de son père ; mais dès que survient la famine, sa foi fait défaut, et, au lieu de se confier en l’Éternel dans ces nouvelles circonstances, il descend en Égypte.
Jacob, à Mahanaïm, laisse voir la même faiblesse naturelle. Il est incapable de se fier à Dieu en présence d’Ésaü. Les 400 hommes d’Ésaü l’épouvantent, il placera entre eux et lui, en premier lieu, ses messagers porteurs de paroles de paix et d’amitié ; ensuite, ses présents, afin que par l’un ou l’autre moyen, il puisse calmer l’ardeur de la colère de son frère. Il n’a aucune foi en Dieu, pour le voir se placer entre lui et Ésaü. Il tremble, il prie, il calcule, il dispose les gens de sa maison comme pour une bataille rangée. Les circonstances se sont trouvées dépasser sa foi. Mais aussitôt après, lorsque le Seigneur lui-même s’oppose à lui, lorsque la question est entre lui et Dieu, il est hardi et il prévaut. Il ne perd pas courage, quoiqu’il soit repris, vertement repris, par le Seigneur. Il se conduit comme un champion de la foi, et il reçoit témoignage. Il se comporte en prince, et il acquiert de nouveaux honneurs. Ainsi faisons-nous communément, et c’est ce que nous voyons dans l’histoire de Jacob au torrent de Jabbok.
Toutefois, une telle victoire ne met pas nécessairement fin au découragement qui avait donné lieu à la lutte précédente ; et Jacob va en être maintenant un exemple, et, pour nous, un nouvel avertissement. Déjà au chapitre 33 où la même action se poursuit dans une autre scène, il est toujours le même homme timide, manquant de foi, plein de calculs en présence d’Ésaü, comme il l’avait été, avant d’avoir prévalu dans sa lutte à Jabbok.
Il y a en cela un avertissement pour nous. On peut trouver des exercices d’âme devant Dieu, et néanmoins peu de progrès en force pour continuer la lutte avec le monde. En aucun moment de cette histoire, l’état moral de Jacob ne paraît plus mauvais qu’aussitôt après Peniel. Il n’est aucunement purifié de son vieux moi. Il calcule, il prévarique, il affecte l’amabilité et la confiance, il ment, il flatte. Il avait tenu ferme contre l’étranger à Jabbok ; il avait été puissant en foi et avait glorifié la grâce de Dieu, même quand Dieu avait un débat avec lui. Mais devant Ésaü sa manière d’agir est, à sa honte, tout à fait celle du vieil homme. Il se débarrasse de son frère par un grossier faux-fuyant. Il n’est qu’un vil flatteur, un servile courtisan, comparant sans rougir la face d’Ésaü à celle de Dieu. Sa conduite est pitoyable ; c’est un tableau humiliant de l’état moral dans lequel un saint peut tomber, pour un temps s’il laisse agir la nature.
Notre esprit a ses moments de joie, ce dont nous pouvons être
reconnaissants ; ainsi, au chapitre précédent, Jacob avait dit : « C’est l’armée
de Dieu », et encore : « J’ai vu Dieu face à face et mon âme a été délivrée ».
C’étaient là des moments de joie pour lui. Mais ils peuvent n’être que des rafraîchissements,
sans édification
réelle, et il est vraiment triste de voir ensuite un croyant revenir si vite au
vieux moi : « Quel était donc votre bonheur ? » disait Paul aux Galates.
Qui donc se fiera à son propre coeur, après avoir vu combien celui de Jacob était trompeur ? Jacob avait perdu la connaissance du nom de Dieu. Il dut lui demander quel était son nom, au lieu de s’en servir et d’en jouir. Ce nom était « le Tout-puissant », pleinement suffisant pour tout ce dont Jacob avait besoin. Mais Jacob avait perdu ce nom, au chap. 32; et au chapitre 33, on ne le voit pas comme quelqu’un qui l’a retrouvé. Il emploie des artifices pour se tirer d’affaire. Nous pouvons, de la même manière, perdre la connaissance du nom qui nous a été révélé à nous : celui de « Père », nom qui devrait donner à l’âme une force, une liberté et un calme permanents. Ce nom est un refuge pour le coeur. « Celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu ». Ce refuge est suffisant pour que notre joie soit accomplie, comme dit Jean. Aussi, bien que sa main puisse peser sur nous en discipline, comme elle pesait sur Jacob, nous ne devons pas moins connaître la puissance de ce nom, l’amour parfait, secret et inaltérable d’un père. S’il n’en est pas ainsi pour nos âmes, c’est que, comme Jacob dans ces deux chapitres, nous avons oublié le nom de Dieu. « Vous avez oublié l’exhortation qui s’adresse à vous comme à des fils », nous dit l’apôtre (Héb. 12:5). Jacob ne sera donc plus pour nous un sujet d’étonnement ; nous nous étonnerons parfois plutôt de ce que nous sommes nous-mêmes.
Ensuite, continuant son voyage depuis l’endroit où il a pris congé d’Ésaü, il arrive à Succoth et ensuite à Sichem ; nous pouvons dire qu’il est maintenant rentré en Canaan. Mais il ne va pas moins de mal en pis. Il semble pendant un certain temps avoir entièrement oublié ce qu’il est, aussi bien que l’appel de Dieu. Il ne peut en résulter que du chagrin. Notre conduite devrait naturellement être en rapport avec notre appel. Nous manquons tous en cela, de mille manières différentes peut-être ; mais si nous le faisons volontairement, notre conscience ayant perdu sa sensibilité les moyens de défense les plus ordinaires de notre être moral pourront faire bientôt défaut. La vérité et l’intégrité pourront être contraintes de plier et l’on pourra enfin rencontrer des souillures telles, comme dit l’apôtre, qu’elles n’existent pas même parmi les nations.
À Succoth, où notre patriarche arrive d’abord il se bâtit une
maison ; puis à Sichem, il achète un champ — choses qu’Abraham et Isaac, plus
fidèles à l’appel de Dieu, n’avaient, ni n’auraient jamais faites. Comment,
dans de telles circonstances, pouvait-il compter sur une sécurité morale ? La
tente avait été échangée contre une maison ; l’étranger, le forain était devenu
citoyen du pays et propriétaire. N’était-ce pas oublier ce que l’appel de Dieu
avait fait de lui ? Le Seigneur, longtemps après, fit comprendre à David, par
son serviteur Nathan, qu’il y a une différence entre une maison
et une tente,
et
qu’il voulait que celle différence fût maintenue (1 Chr. 17). Mais ici à
Succoth, Jacob la méconnaît. Le fait de demeurer sous des tentes (Héb. 11:9)
était aussi le mémorial divin de la sainteté des patriarches ; mais à Succoth,
Jacob, de propos délibéré, abandonne ce mémorial. L’Éternel n’avait pas non
plus donné à Abraham, en Canaan, une place où poser son pied (Actes 7: 5) ; ici,
en paix à Sichem, Jacob veut avoir une portion de champ, et l’achète comme
héritage.
L’autel, qui est ensuite ajouté au catalogue après la maison et le champ, peut, au premier abord, paraître avoir pour effet de relever et de sanctifier les deux premières choses, comme étant la bonne chose à reconnaître au milieu de la corruption. Mais peut-être est-ce le pire de tout ? L’autel n’est pas dressé à Celui qui lui était apparu. Il n’y avait eu aucune communion entre Jacob et l’Éternel, pas plus à Sichem qu’à Succoth. Sichem n’était pas Béthel, et cette portion de champ où fut dressé El-Élohé-Israël, n’était pas le lieu des pierres et du dénuement, où, des cieux ouverts, la grâce surabondante avait brillé sur la tête du patriarche privé de tout. Sichem était la portion de champ que Jacob avait achetée des fils de Hamor, père de Sichem. L’autel ne fut pas dressé par un étranger céleste au Dieu qui l’avait visité ; il le fut au milieu des incirconcis. On dirait que Jacob tâchait ainsi d’obtenir la sanction du Seigneur sur la perte qu’il avait faite de son caractère de forain, de Nazaréen ; qu’il tâchait d’attacher le nom et le culte de l’Éternel à ce sur quoi son jugement était suspendu, pendant qu’il usait de patience jusqu’à ce que l’iniquité fût à son comble.
Assurément, c’est plutôt un Jacob incirconcis qui est ici en vue, et non des Sichémites circoncis. Toute cette scène est pitoyable. Est-ce là un fils d’Abraham, un saint de Dieu, un étranger dans un monde révolté contre Lui ? Cela ressemble à l’énergie religieuse de la chrétienté, associant le nom de Christ avec le monde qui est sous la sentence du jugement, et qu’il ne supporte que dans sa patience. C’est comme si le peuple d’Israël avait consenti à servir le Pharaon et avait entrepris de bâtir en Égypte un autel à Jéhovah. Mais de tels autels ne sont pas des autels, de même qu’un évangile différent n’en est pas un autre. Un tel service religieux est vain, soit aux jours d’autrefois à Sichem, soit au jour actuel de la chrétienté, parmi les nations, au jour d’un monde jugé, condamné, dont nous sommes séparés par l’appel de Dieu. Mais cela n’a aucune valeur. On aura avec le monde un commerce avantageux, auquel on se livrera avec toute son énergie, sans vigilance et sans exercice de conscience ; mais on se gardera de jamais négliger le service religieux de la famille et les ordonnances religieuses nationales, qui sont l’ordre moderne de Sichem.
C’est du fruit de tout cela que Jacob devait dire plus tard : « Mon âme n’entre pas dans leur conseil secret ; ma gloire, ne t’unis pas à leur assemblée ! » Car c’est de ce qui s’était passé au chap. 34, que Jacob, sur le point de mourir, parle ainsi au chap. 49. À la fin, ses yeux sont ouverts sur le vrai caractère de tout ce que nous venons de voir, et sur le résultat de son habitation à Sichem. La colère y avait fait tuer des hommes ; mais auparavant, Jacob lui-même avait enlevé la barrière de Dieu, le mur de clôture que sa vocation avait élevé entre les purs et les impurs, entre la circoncision et les gentils. En esprit, il l’avait abattu, lorsqu’il s’était fixé comme citoyen et propriétaire sur le domaine qu’il avait acheté de Sichem. Bientôt après, Siméon et Lévi compléteront à leur gré cette destruction.
« Et Dina, fille de Léa, qu’elle avait enfantée à Jacob, sortit pour voir les filles du pays » (Gen. 34:1). Une telle manière de faire avait-elle été celle de la maison d’Abraham ? Était-ce bien ici la famille du patriarche séparé gardant la voie de l’Éternel ? Abraham s’était-il relâché ainsi ? Quelles communications avait-il permises à ses enfants avec les fils ou les filles du pays ?
Combien tout ceci est triste, et quelle honte en ressort ! Sichem
est tout à côté de Sodome, quoique, sans doute, ce ne soit pas Sodome. Jacob
n’est pas un Lot. Nous pouvons et devons faire la différence, bien qu’il soit
triste de devoir s’occuper de la faire. Chez tous les croyants dont l’histoire
nous est rapportée, la nature s’affirme, chez les uns plus, chez les autres
moins. Il y a chez eux une variété
morale,
souvent une prépondérance de
la nature,
et nous sommes appelés à discerner en eux les choses
excellentes. On rencontre chez eux le vêtement souillé,
mais aussi le vêtement d’une étoffe mélangée.
Nous avons, sous la direction de l’Esprit, à maintenir
notre vêtement à la fois sans souillure et sans mélange. C’est là nous
conserver « purs du monde ». Toutefois, un vêtement souillé
ne doit pas être assimilé à un vêtement « d’une étoffe mélangée,
de laine et de lin tissés
ensemble », comme nous dit l’Écriture. Un vêtement qui aurait par-ci, par-là, un
fil d’« une autre espèce », ne doit pas non plus être confondu avec un vêtement
d’une étoffe de laine et de lin tissés expressément ensemble. L’Écriture,
toujours pleine d’instruction et parfaite, nous présente des caractères formés
par ce qu’on appelle des « principes mélangés », comme aussi des caractères qui à
l’occasion laissent apercevoir le mélange, mais n’en sont pas formés dans leur
entier. La vie de Lot fut d’un bout à l’autre formée de principes mélangés. Dès
que la tentation se présentait à lui, il s’unissait aussitôt au mal. Quoique
associé à la vocation divine, il dut être sauvé comme à travers le feu. Le
vêtement de Lot était d’une étoffe mélangée, de laine et de lin. Le vêtement
d’Abraham fut parfois un vêtement souillé, mais jamais un vêtement comme celui
de Lot. Ce dernier, dès le début de sa carrière jusqu’à la fin, fut infidèle à
l’appel de Dieu. Il devint citoyen là où il aurait dû être étranger : il eut une
maison dans la ville même de Sodome, tandis qu’Abraham parcourait la surface du
pays, dressant partout sa tente. La vie de Lot, tissée de faux principes,
l’entraîne dans des afflictions qui
deviennent sa honte,
et c’est là la vraie misère. Pour lui, point de
consolation dans son affliction. Son âme juste était tourmentée, comme il nous
est dit, mais il n’y avait pour lui ni joie, ni sérénité, ni triomphe. Les
anges se montrèrent très réservés avec lui. Il dut échapper, n’ayant que sa vie
pour butin et en faisant la perte de tout le reste.
Notre patriarche Jacob n’était pas de cette génération-là. Nous ne voudrions pas dire qu’il fût un homme à principes mélangés, mais il portait d’habitude un vêtement souillé, et à Succoth et à Sichem, son vêtement montrait bien des fils étrangers à sa trame. Ses ruses et ses calculs le déparent et en font un vêtement souillé ; tandis que sa maison de Succoth et son champ de Sichem, deux choses dans lesquelles il fut infidèle à l’appel de Dieu, et à la vie de ses pères sous des tentes, ressemblent plutôt à un vêtement dans lequel sont tissés des fils d’une autre espèce.
Cependant Jacob ne doit pas être mis au rang de Lot. Sa vie
n’était pas formée
de principes
mélangés. Il était vraiment étranger avec Dieu sur la terre. Mais, comme Lot,
il alla de propos délibéré au domicile des incirconcis ; et il eut maintenant à
sentir l’amertume de sa propre voie ; aussi, ce que Sodome avait été pour Lot,
Sichem l’est maintenant dans une grande mesure pour Jacob. Il est sauvé (ne
peut-on pas le dire ?) toutefois comme à travers le feu. L’iniquité de Siméon et
de Lévi, dont les glaives avaient été des instruments de violence, abat
profondément le pauvre Jacob. Il ne sait où se rendre au milieu de ce peuple,
dont il avait acquis son domaine, et dans le voisinage duquel il avait, à
l’exemple de Lot, consenti à s’établir.
L’état de choses est maintenant au pire. Mais, par la grâce de Dieu, Jacob va heureusement échapper à tout cela, et être entièrement libéré de Sichem et de toutes ses souillures.
« Une parole dite en son temps, combien elle est bonne ! » Nous en faisons souvent l’expérience nous-mêmes. Une seule parole nous sera parfois plus utile que de longs discours. Car « la force est en Dieu ». Le « Suis-moi », sorti des lèvres de Christ, eut la force de détacher Lévi du bureau de recette ; tandis que, dans le même chapitre, d’autres entendirent des paroles qui n’eurent aucun effet sur eux (Luc 5).
Ici, la scène change. « Ton peuple », est-il dit au Ps. 110, « sera un peuple de franche volonté au jour de ta puissance », ce même peuple dont ii avait été dit auparavant : « Tout le long du jour j’ai étendu mes mains vers un peuple désobéissant et contredisant ».
Nous trouvons un exemple de cette puissance dans l’histoire de Jacob, au moment où nous sommes arrivés, c’est-à-dire au chapitre 35:1: « Lève-toi, monte à Béthel », lui dit l’Éternel, « et habite là, et fais-y un autel au Dieu qui t’apparut comme tu t’enfuyais de devant la face d’Ésaü, ton frère ».
Ces quelques paroles étaient adressées avec puissance. Elles marquent, je crois, l’époque importante dans la vie de Jacob, ou plutôt dans l’histoire de son âme. L’injonction était brève et simple, sans rien d’étrange ou d’extraordinaire ; elle n’était accompagnée ni d’une vision, ni d’un miracle ; mais c’était un jour de puissance. Après la vision de l’échelle, à Béthel, après la vue magnifique de l’armée angélique à Mahanaïm, et après la lutte avec l’Étranger divin à Peniel, Jacob avait continué sa route, à peine fortifié, ayant fait à peine un progrès quelconque quant à la vraie énergie de son âme. Mais maintenant la puissance vient sur lui, et la puissance de Dieu peut employer le plus faible instrument ; cela ne fait aucune différence. La main de Dieu peut faire le travail de Dieu, même avec une fronde et une pierre, ou une mâchoire d’âne, ou des torches et des cruches ; de même, l’Esprit de Dieu peut faire le travail de Dieu dans les âmes, simplement par une parole, un regard ou un soupir.
Ces quelques paroles du commencement du chap. 35 produisent leur effet sur Jacob : « Lève-toi, monte à Béthel ». Béthel est écrit de nouveau sur son coeur et sur sa conscience, comme par le doigt de Dieu. Il s’incline, comme Abraham, au chap. 17, était tombé sur sa face au nom du « Dieu Tout-puissant », ou comme Pierre longtemps après (en Luc 22), se sentit brisé sous le regard de Jésus.
De même que la lumière, la puissance se rend toujours témoignage
à elle-même. Ces paroles, qui ont en elles-mêmes la puissance de Dieu, sont
désormais tout pour l’âme de notre patriarche. Elles manifestent instantanément
leur vertu, tout comme au simple attouchement de la femme dans la foule.
Aussitôt que Jacob les entend, sans commandement ultérieur de le faire, il
nettoie sa maison, et exige que ses tentes soient purifiées de toutes les
abominations que les siens avaient apportées avec eux de Paddan. Il est déjà,
en esprit, à Béthel, le lieu où Dieu l’avait rencontré selon les richesses de
sa grâce, au jour de sa misère. Béthel est de nouveau présenté à son coeur — mieux
encore, est manifesté à son âme en traits plus vivants que jamais. Il comprend
maintenant l’histoire de la grâce mieux qu’il ne l’avait jamais comprise ; or la grâce sollicite à la sainteté.
La
Pâque doit précéder la Fête des pains sans levain. La grâce de Dieu qui apporte
le salut, nous enseigne à renier l’impiété et les convoitises mondaines. C’est
pourquoi, au nom de Béthel prononcé dans la puissance de l’Esprit, Jacob veut,
sans nouvel ordre, sans injonction ou commandement que sa maison et les gens de
sa maison soient purifiés.
Cela est plein de beauté et d’instruction. La souillure ne peut
être tolérée quand on a le sentiment et la joie de la grâce débordante. Faux
dieux et boucles d’oreilles, idoles et vanités, sont tous enterrés ensemble
sous un térébinthe à Sichem, puis l’on quitte Sichem. Le patriarche se lève
avec tout ce qui est à lui, et est bientôt sur le chemin de Béthel. Il a
célébré la Fête des pains sans levain, après avoir fait la Pâque, comme plus
tard les Israélites en Égypte ; et, comme eux aussi, le bâton à la main et les
sandales aux pieds, il tourne aussitôt le dos à son Égypte. Le Seigneur
l’accompagne, comme il accompagnera les Israélites au jour de leur exode ; et il
l’accompagne aussi par sa puissance :
comme
Moise fraya le chemin aux Israélites, à la face de leurs ennemis, comme Celui
qui était dans la colonne de feu et de nuée, regarda et mit en déroute l’armée
du Pharaon, de même ici, nous voyons Jacob et les siens partir, « et la frayeur
de Dieu fut sur les villes qui les entouraient, et on ne poursuivit pas les
fils de Jacob ».
Ce moment de l’histoire du patriarche est plein de beauté et d’instruction. Nous trouvons ici la grâce et la bénédiction, mais aussi l’humiliation. Les Israélites en Égypte avaient perdu le sentiment de la puissance du nom de Dieu, et Jacob doit maintenant apprendre qu’il a aussi perdu l’honneur attaché à son propre nom. Mais tout lui est rendu. Les noms de « Dieu Tout-puissant », d’« Israël », et de « Béthel », lui sont révélés de nouveau, au moment où il est restauré.
Il faut que Dieu soit adoré comme le Dieu du salut. Il le faut
absolument dans le monde où nous sommes. Une telle adoration est la seule
adoration « en vérité » (Jean 4:23). En Lév. 17 et en Deut. 12, la jalousie
divine à cet égard est exprimée avec beaucoup de force. C’est comme « Sauveur »,
que Dieu fait connaître son nom dans une scène de péché et de mort. Ainsi il
dit par son prophète : « Hors de moi il n’y a pas de Dieu ; — de Dieu juste et Sauveur,
il n’y en a point si ce n’est moi » (És.
45:21). C’est là une révélation de lui-même, et le fondement de toute
adoration. Dans cette déclaration, il met la mémoire de son nom, et c’est là
qu’est le lieu de sa louange. Dieu avait mis à Béthel la mémoire de son nom ;
c’est là qu’était sa maison ; c’est là que Jacob apporte maintenant ses
sacrifices. Il dresse son autel et l’appelle El-Béthel. C’est son tabernacle du
désert, son temple sur la montagne de Morija, et sur l’aire d’Ornan. Aussi son
acte est-il infiniment agréable à Dieu, qui rend aussitôt expressément témoignage
qu’il y trouve son plaisir ; car, dès que Jacob y a dressé l’autel, Dieu lui
apparaît, le bénit et lui dit : « Ton nom ne sera plus appelé Jacob, mais Israël
sera ton nom. Et il appela son nom Israël. Et Dieu lui dit : Je suis le Dieu
Tout-puissant ; fructifie et multiplie ; une nation, et une multitude de nations,
proviendra de toi ; et des rois sortiront de tes reins. Et le pays que j’ai
donné à Abraham et à Isaac, je te le donnerai, et je le donnerai à ta semence
après toi. Et Dieu monta d’auprès de lui, dans le lieu où il avait parlé avec
lui ».
Telle fut l’expression de la divine acceptation et du plaisir de Dieu en l’autel de Jacob à Béthel. Ce fut comme la gloire qui remplit le tabernacle en Exode 40, et remplit encore le temple en 2 Chr. 5. Le Dieu de la grâce et du salut venait, selon son désir de le faire, occuper la maison, et acceptait l’adoration exprimée et rendue par un pauvre pécheur qui avait goûté sa riche grâce. Rien ne peut être d’un intérêt plus profond qu’un tel moment. Salomon en sentit la puissance ; car, voyant la gloire remplir la maison qu’il avait bâtie, il exprima ce qu’éprouvait son coeur par ces admirables paroles : « L’Éternel a dit qu’il habiterait dans l’obscurité profonde. Mais moi, j’ai bâti une maison d’habitation pour toi, un lieu fixe pour que tu y demeures à toujours ». Le temple où l’on vit la miséricorde se glorifier vis-à-vis du jugement, eut pour effet de faire sortir l’Éternel Dieu de l’obscurité profonde, retraite de la justice, et le faire venir au milieu d’un peuple d’adorateurs.
Qu’est-ce qui aurait pu surpasser une telle manifestation divine ? Or, aux jours des patriarches, elle fut vue à cet autel de Béthel. La gloire vint là : l’Éternel y apparut et parla à Jacob, comme plus tard à Salomon. Luz fut semblable à l’aire d’Ornan ; ces deux endroits étaient devenus la maison de Dieu. Jacob, pour la seconde fois, appelle l’endroit Béthel ; mais il n’a aucune des appréhensions qui avaient troublé son esprit la première fois qu’il y avait été. Il y reste avec le même esprit que Salomon devant la gloire dans le temple : il sait que Dieu est revenu à lui, et que Sa présence même est avec lui.
Ensuite, avec la liberté et la force qui sont la conséquence de toutes ces choses, notre patriarche se remet en marche. De Béthel il va à Bethléhem, et de là, par Migdal-Éder, à Mamré, au pays du midi, où habitait son père Isaac. Mais dans aucun de ces endroits, il n’est de nouveau question de bâtir une maison ou d’acheter un champ. Il y a la tente et l’autel, la stèle, le voyage qui se poursuit, la sépulture de son vieux père, et enfin, comme ses pères, l’habitation dans le pays où ils avaient habité avant lui (Chap. 37:1).
Ce voyage, quant à son caractère moral, était bien différent de celui qu’il avait fait précédemment de Paddan à la montagne de Galaad, puis de là à Sichem par Mahanaïm et Succoth. Jacob n’a plus de répréhension à subir. Il n’y a point de lutte comme à Peniel, nul ordre péremptoire de partir, comme à Sichem. Nous ne craignons plus désormais qu’il abandonne de nouveau sa tente, ou qu’il oublie l’appel de Dieu. Le mot de « Béthel » dans la bouche du Seigneur et dans l’oreille de Jacob, a merveilleusement opéré. Nous pouvons rappeler de nouveau ici combien « une parole dite en son temps est bonne ! » « Voici Dieu se montre élevé dans sa puissance : qui enseigne comme lui ? » Après cette seconde scène de Béthel, Dieu pouvait sûrement adresser à son enfant, égaré mais repentant, les paroles d’Ésaïe : « Ainsi dit l’Éternel, ton Rédempteur, le Saint d’Israël : Moi, je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’enseigne pour ton profit, qui te dirige par le chemin par lequel tu dois marcher ».
Ce n’est pas que tout soit encore à l’état parfait. L’iniquité
de Ruben révèle cela d’une manière trop pénible pour que nous puissions nous
faire illusion. Mais Jacob s’est élevé au-dessus du niveau de la nature et a
moralement dégagé son coeur de l’esprit du monde. Cependant, il n’en a pas
encore fini avec la discipline. Est-ce jamais le cas ? Il ne trouve plus Rebecca
avec Isaac à Mamré. Il ne revoit pas sa mère, la mère qui l’avait tant soigné
et chéri. Il enterre la nourrice de sa mère, et, bien plus, il perd sa Rachel
bien-aimée. Il reçoit, il est vrai, un gage de vigueur dans « le fils de sa
droite », mais ce même fils lui rappelle sa douleur au sujet de Rachel. Ainsi il
est encore sous la discipline ; mais il est dans le chemin
de Dieu, aussi bien que sous la main de Dieu. C’est là la
chose nouvelle. La discipline produit son effet sur lui, et atteint son but. Le
sentier en est illuminé ; la dernière étape du chemin sera la plus brillante.
Quatrième partie. —
Depuis
le commencement du chap. 37, Joseph
est
le principal personnage en scène, et aussi le principal dans les pensées de
l’Esprit de Dieu. Cela est prouvé par ce qui est dit au 2e verset : « Ce sont ici
les générations de Jacob : Joseph, âgé de dix-sept ans », etc. Mais depuis ce
chapitre jusqu’à la fin du livre, nous trouvons diverses mentions de Jacob, qui
constituent la dernière partie de son histoire.
Il est maintenant, pour ainsi dire, un veuf. Nous le voyons solitaire,
dans la retraite, avec les souvenirs du passé, plutôt qu’avec les occupations
du présent. Il est bien le patriarche, le chef et père de toutes les maisons de
ses enfants, reconnu tel par eux ; mais les affaires
de la famille sont plutôt entre leurs mains ; et il passe le temps de son
veuvage, sans chercher à reprendre la vie d’activité et d’énergie de jadis.
Sa retraite, toutefois, n’est pas comme l’avait été celle de son
père Isaac. Il ne nous est pas dit un mot des quarante dernières années de la
vie de ce dernier ; il semble avoir été mis de côté comme un instrument impropre
à tout usage, non comme un instrument qui s’use
par l’emploi, mais comme un instrument que la rouille envahit. (Voir
« Isaac »). Il n’en est pas ainsi des dernières années de Jacob. Il n’est plus un
homme d’entreprises, mais dans sa retraite, il n’est point inactif.
C’est alors qu’il semble avoir passé par les exercices
d’âme les plus bénis, les plus heureux, les plus purs ; et ces exercices
deviennent de plus en plus profonds jusqu’à la fin ; discipliné et châtié, comme
nous l’avons vu, il porte maintenant son fruit pour le cultivateur divin. Nous
ne pouvons pas dire tout à fait que Jacob ait jamais atteint la haute dignité
de serviteur
de Dieu, mais, arrivés
au terme de son histoire, nous pouvons dire qu’il porta du fruit
pour Dieu.
Il y a, en effet, une différence entre servir
et porter du fruit.
Le
service est plus en vue et plus actif, la production du fruit peut être cachée.
La main ou le pied peuvent servir, et c’est leur devoir. Le sang et l’huile
ayant été appliqués sur le pouce et sur le gros orteil, ces derniers doivent
être des instruments dans la main du Maître de la maison ; mais c’est dans les
profondeurs secrètes du coeur que, l’Esprit opérant avec puissance par la
vérité, son labourage produira du fruit pour Dieu. Le fruit se voit dans la
culture de ces grâces et de ces vertus qui donnent au peuple de Dieu son vrai
caractère intrinsèque ; dans les habitudes, les dispositions et les qualités de
l’homme intérieur, lesquelles sont d’un grand prix devant Dieu. C’est au
dedans, et sortant « du coeur », que ces plantes agréables à Celui par qui l’âme
est labourée, donnent leur parfum et leur beauté rendant témoignage à la riche
vertu de la pluie du ciel qui a arrosé le sol.
Cette production de fruit, me semble-t-il, nous la trouvons chez notre patriarche, dans la dernière partie de son pèlerinage. Nous en avons eu quelques aperçus moins distincts, pendant qu’il était encore en Canaan et avant qu’il se mît en route pour l’Égypte. Mais la moisson la plus riche de ce labourage est recueillie pendant les dix-sept années qu’il passe en Égypte, avant d’être lui-même recueilli vers ses pères. La participation à la sainteté de Dieu, fruit de la discipline du Père des esprits, est en général graduelle ; et ce fut le cas pour Jacob, la lumière alla croissant jusqu’à ce que le plein jour fût établi (Prov. 4:18), la dernière heure étant la plus brillante de toutes.
Dans le cours du chap. 37, auquel nous sommes arrivés, il nous est dit que les frères de Joseph étaient allés paître leurs troupeaux à Sichem. Mais pourquoi ce retour à Sichem ? Est-ce parce que c’était là que se trouvait le terrain acheté, le domaine de la famille ? (*) C’était un lieu où il était dangereux de se tenir. Il avait été en piège à toute la famille, et l’Éternel les avait appelés à en sortir. Si Jacob avait été aussi vigilant qu’il aurait dû l’être, nous n’aurions peut-être pas entendu reparler de Sichem, et de la présence en ce lieu des troupeaux et des frères de Joseph. Néanmoins, on est heureux de voir qu’il y avait dans l’esprit de Jacob des symptômes de malaise à cet égard ; car il envoie Joseph voir ce qui en est des troupeaux et de ses frères, comme s’il avait quelque appréhension à leur sujet, les sachant dans un lieu si suspect. Nous pouvons voir en ceci un indice, bien faible, il est vrai, du réveil opéré dans l’âme de notre patriarche.
(*) Cette portion de champ devient à la fin un simple lieu de sépulture, comme Macpéla ; mais elle n’avait pas été achetée d’abord, comme Macpéla, dans ce but.
De même plus tard, au chapitre 43, lorsqu’il envoie pour la
seconde fois ses fils en Égypte pour y acheter des vivres, il les recommande à
l’Éternel, comme au « Dieu Tout-puissant ». « Le Dieu Tout-puissant », leur dit-il,
« vous fasse trouver compassion devant l’homme, afin qu’il renvoie votre autre
frère, et Benjamin ». Ces paroles font voir aussi l’heureux état d’âme de Jacob,
et que, dans une mesure au moins, il
avait recouvré le sentiment de la puissance de ce nom qu’il avait une fois perdu,
et que, comme nous l’avons vu, tous ses exercices d’âme à Peniel ne lui
avaient pas rendu.
D’après ces passages, nous pouvons dire que, dans les jours auxquels nous sommes arrivés, Dieu faisait passer Jacob par des exercices d’âmes, afin de se faire mieux connaître à lui. Je n’ai pas besoin de le suivre davantage jusqu’au moment où nous le voyons se préparer à descendre en Égypte, pour y voir son fils avant de mourir, moment d’une très haute importance dans le progrès spirituel de son âme, — il faut donc nous y arrêter dans le cours de nos méditations.
Lorsqu’il apprit que Joseph était encore vivant et qu’il était gouverneur de tout le pays d’Égypte, le coeur de Jacob resta froid, car il ne le crut pas. Ceci était de par l’Éternel, car c’était la vérité ; mais c’était une chose merveilleuse aux yeux de Jacob. De joie, il ne croyait pas et s’étonnait, car c’était recevoir Joseph vivant d’entre les morts. Au premier abord, c’était trop pour lui ; mais, lorsqu’il vit les chariots que le Pharaon avait envoyés pour le transporter en Égypte, lui et tout ce qui était à lui, son esprit se ranima, et, sans plus hésiter, il dit : « C’est assez ! Joseph mon fils vit encore ; j’irai, et je le verrai avant que je meure ».
La nature
parle ainsi
aussitôt en Jacob, dès qu’il a cru ce qui lui a été rapporté ; il n’a besoin
d’aucune autre instance pour se mettre en route pour l’Égypte. Mais à ce
transport, à cette ébullition de la nature, succède un moment plus calme, comme
nous allons le voir, et alors la précipitation naturelle est corrigée.
« Et Israël partit, et tout ce qui était à lui ; et il vint à Beër-Shéba, et offrit des sacrifices au Dieu de son père Isaac ». Ceci est remarquable. Pourquoi ces sacrifices à Beër-Shéba ? Il n’y en avait point eu à Mamré, avant le départ de Jacob. Pourquoi donc cette halte à Beër-Shéba et ce service au Dieu d’Isaac ? On peut, au premier abord, s’en étonner ; mais on trouvera que de telles choses arrivent souvent (je dirais presque qu’elles sont nécessaires) dans les voies du peuple de Dieu.
La nature
avait agi en
Jacob à Mamré, aussitôt qu’il avait cru ce qui lui avait été dit de Joseph, et
elle l’avait fait immédiatement partir pour l’Égypte. Mais maintenant ses sentiments spirituels
ont été réveillés,
et lui font examiner les décisions de la nature. C’est ce qui arrive très
ordinairement. Jacob est maintenant circonspect comme saint,
là où, comme père,
il
ne l’avait pas été. Il n’avait pas pris conseil avec le Seigneur au sujet de ce
voyage, en le commençant ; mais la pensée de Christ, dans son coeur, sa
conscience spirituelle, deviennent maintenant son guide, la décision de la
nature est de nouveau considérée, et cela à la lumière du Seigneur.
Bien des années auparavant, l’Éternel avait dit à Isaac : « Ne descends pas en Égypte » (Genèse 26:2) ; et ceci lui avait été dit en un jour de famine, comme celui que traversait Jacob. Jacob se rappelle cela dès qu’il arrive à Beër-Shéba, le dernier endroit au midi sur le chemin de l’Égypte, et d’où rien n’arrête la vue du côté du pays, où Isaac avait été averti de ne pas aller.
Tout cela me dit le pourquoi des sacrifices de Jacob à Beër-Shéba au Dieu de son père Isaac, et contient une grande instruction morale. Il se fit un puissant travail dans l’âme de Jacob, et ce travail fut très agréable au Seigneur. Nous trouvons un fait semblable au jour du siège de Samarie. Les pauvres lépreux hors de la ville satisfont aussitôt leur faim et pillent pour eux-mêmes dans les tentes des Syriens. Il était naturel, presque nécessaire, qu’ils fissent ainsi. Mais bientôt une autre pensée commence à les travailler, et ils disent : « Nous ne faisons pas bien. Ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et nous nous taisons. Si nous attendons jusqu’à la lumière du matin, l’iniquité nous trouvera. Et maintenant, venez, allons et rapportons-le à la maison du roi » (2 Rois 7). Cette pensée venait d’un meilleur esprit que la satisfaction de leur désir naturel, et de même le travail produit ici dans l’âme de Jacob. Ce réveil spirituel de Jacob est si agréable au Seigneur, qu’il vient aussitôt a lui avec des paroles de consolation : « Moi, je suis Dieu, le Dieu de ton père : ne crains pas de descendre en Égypte ; car je t’y ferai devenir une grande nation. Moi, je descendrai avec toi en Égypte, et moi je t’en ferai aussi certainement remonter ; et Joseph mettra sa main sur tes yeux ».
En y réfléchissant un moment, nous pouvons bien dire : Quelle
communication que celle-ci ! Comme elle fit bien comprendre à Jacob que le
Seigneur avait lu tout
ce qui était
dans son coeur, ses craintes du moment, ses affections antérieures, ses pensées
comme père et ses pensées comme saint, les désirs de la nature et les besoins
de l’esprit ! « Ne crains pas de descendre en Égypte » : cette parole calma le
malaise momentané de son entendement renouvelé. « Joseph mettra certainement sa
main sur tes yeux » : cette autre parole répondit au désir qui remplissait
auparavant son coeur au sujet de son fils longtemps perdu. Quelle pleine
satisfaction pour lui ! Avec quelle perfection tout ceci prouvait la réalité de
la sympathie divine dans tous
les
exercices de coeur d’un élu ! Jacob trouvait en Dieu la pitié et la grâce pour
avoir du secours au moment opportun. « Quand mon esprit était accablé en moi,
toi tu as connu mon sentier », disait David (Ps. 142:3) ; et c’est ce que Jacob
comprend sûrement ici. Le gémissement qu’il n’avait fait entendre à aucune
oreille humaine, était parvenu avec toute
sa signification à l’oreille de Celui qui sonde le coeur. Après cela, Jacob
ne peut plus prolonger sa halte à Beër-Shéba, ni douter qu’il ne doive
poursuivre son voyage en Égypte.
Il accomplit ce voyage ; la première fois qu’il voit Joseph,
comme nous pouvions nous y attendre, et comme c’était entièrement la volonté du
Seigneur, fut l’occasion où son coeur, si longtemps privé de son objet, éprouva
la plus parfaite joie. Mon impression, quant à Jacob dans ces dernières années
de sa vie, est qu’il était devenu un vieillard à profondes affections ;
et c’est là un fait heureux, un indice de plus d’un
meilleur état de son coeur. Car un homme à esprit calculateur, tel qu’il
l’avait été dans ses habitudes et dans ses procédés, est ordinairement, et
comme par nécessité morale, peu attentif et peu prévenant quant à ce qui
concerne les autres. Naturellement, le moi est trop son propre objet. Mais
maintenant, il n’en est point ainsi de Jacob. Sa douleur, quand il avait perdu
Joseph, avait été extrême. Il se lamente amèrement aussi sur Siméon, et semble
prêt à braver les horreurs de la famine, plutôt que de risquer la perte d’aucun
autre de ses enfants. Ensuite, vers la fin de ces années, son adoption des fils
de Joseph, sa sympathie avec Joseph, attristé de ce que le plus jeune fils soit
préféré au premier-né, ce qu’il dit de Rachel et de son ensevelissement à
Éphrath, sa mention de Léa, et de ses pères et de leurs femmes en rapport avec
Macpéla, tout cela vient d’un coeur aimant. Le deuil général occasionné par sa
mort, semble nous dire qu’il avait été au milieu du peuple un vieillard aimé et
affectionné. Il y a un grand charme à remarquer ces choses.
Mais à côté de tout cela, nous le trouvons en Égypte dans sa
propre personne et dans ses voies, à très peu près le même homme solitaire et
veuf, que nous avons vu en Canaan pendant des années, avant qu’il en partît.
Seulement il était cela, malgré la très forte tentation d’être autre chose ; car
il garda sa position d’étranger, bien qu’il eût maintenant l’occasion de faire
de nouveau de la terre la scène de ses efforts et de ses espérances. Nous
aimons une dignité dont nous portons le reflet. Nous en connaissons très bien
les charmes. Si nous lâchions la bride à la nature, nous tirerions de notre
parenté, de nos connaissances, toute la gloire que nous pourrions, et ferions
parade devant les hommes de toute alliance avec ce qui est en honneur dans
notre génération. Jacob, en Égypte, était on ne peut mieux placé pour
satisfaire dans ce sens tout désir de son coeur. Son fils faisait l’orgueil de
ce pays. Joseph était le second dans le royaume, or Joseph était le fils de
Jacob. C’était donc une tentation pour Jacob de se mettre en avant et de se
montrer au monde. Le père de Joseph aurait été en vue. Tous les yeux
n’auraient-ils pas été sur lui ? Ne lui aurait-on pas fait place, ne lui
aurait-on pas cédé le pas, partout où il se serait montré ? La nature devait
dire : Si Jacob possède de tels avantages, qu’il se montre lui-même au monde.
L’esprit du monde doit le lui avoir suggéré, comme longtemps plus tard, il le
fit à un plus grand que Jacob, qui n’avait point de gloires empruntées
à faire briller, mais n’avait
que des gloires personnelles : « Si
tu
fais ces choses, montre-toi au monde toi-même » (Jean 7: 4). Mais, avec l’esprit
d’un homme qui, à sa manière, avait vaincu le monde, Jacob, pendant les
dix-sept ans de sa vie en Égypte, reste dans la retraite. Il fut étranger, là
où toutes les attractions humaines étaient réunies pour le faire succomber à la
tentation d’être citoyen.
Je reconnais ici le fruit exquis d’un esprit soumis, façonné par la discipline divine à participer à la sainteté de Dieu, sainteté convenant à l’appel de Jacob qui avait fait de lui un étranger et un forain sur la terre. À Sichem il nous rappelait Lot à Sodome ; il nous rappelle ici Abraham repoussant toutes les offres du roi de Sodome.
Toutefois, cette séparation d’avec le monde n’est pas le produit d’une fausse humilité. Au milieu de toute sa vie pratique d’étranger, il connaît et manifeste la dignité que Dieu lui a conférée. Quand il entre en la présence du Pharaon, et quand il en sort (Gen. 47), c’est lui qui bénit le roi. Il est important de le remarquer. Debout en présence du souverain, il se reconnaît comme forain sur la terre, pauvre même et fatigué ; mais en entrant et en sortant, il le bénit, comme quelqu’un qui sait ce qu’il est selon l’élection et la grâce de Dieu ; car, « sans contredit, le moindre est béni par celui qui est plus excellent ». Ce n’est point ce que fit le vieux Siméon, lorsqu’il tint dans ses bras le petit enfant de Bethléhem ; mais c’est ce que fait le vieux Jacob lorsqu’il a devant lui le plus grand des hommes de la terre. Il ne fait point de demande au roi, quoiqu’il eût raisonnablement pu attendre de lui tout ce qu’il aurait demandé. Il ne dit pas un mot de tout ce que le Pharaon ou l’Égypte ferait pour lui, mais il parle comme le plus excellent qui bénit le moindre jusqu’à deux fois. Il est comme l’apôtre prisonnier et enchaîné, devant les dignitaires et les officiers de l’empire romain. Paul déclare hardiment a Agrippa et au gouverneur romain que lui, leur prisonnier, portait en lui-même et possédait la bonne part, et qu’il ne pouvait leur désirer rien de meilleur que d’être comme il était lui-même. C’est là la foi qui glorifie la grâce — car il appartient à la foi de glorifier la grâce — une foi de grand prix, soit chez l’apôtre prisonnier, soit chez le patriarche étranger dans son exil. Rome et l’Égypte possèdent les richesses et la puissance du monde, ce que les hommes envient et ce qu’ils louent, mais Paul et Jacob portent en eux-mêmes un secret qui leur fait tenir un autre langage.
Tout ce qui est dit de notre patriarche est riche en instruction. La gloire est cachée dans un vase de terre ; mais elle y est, et le vase a conscience de sa présence. Jacob, pendant ses dix-sept années en Égypte, ne travaille nullement à contribuer à l’histoire du monde ; il ne prend aucune part aux changements qui y ont lieu ; il en ignore les intérêts et les progrès ; il dépend d’autres personnes autour de lui, il prend ce qu’elles lui donnent, il est ce qu’elles le font être ; mais il possède un secret qui élève son esprit au-dessus du leur. D’autres peuvent prospérer en Égypte, lui ne fait qu’y passer le reste de ses jours (Genèse 47:27-28).
Je suis dans l’admiration devant ces voies du Seigneur, de l’Esprit de Dieu, à l’égard de Jacob. Après une vie comme la sienne, une fin telle que celle-ci convenait parfaitement. Il est à déplorer qu’il faille cet arrêt à la fin de la carrière ; mais s’il est nécessaire, il est beau de le voir si riche en fruits. Pendant ce long labour de son âme, opéré par « le Père des esprits », et qui dura dix-sept années en Égypte, ne pouvons-nous pas supposer que Jacob fut souvent assis devant le Seigneur, méditant sur les années passées, non sans confusion de face ; mais alors s’allumait le feu, pour que l’oeuvre de l’affineur pût se poursuivre.
Lorsque ces années de silence et de retraite tirent à leur fin,
nous voyons assez soudainement Jacob éveillé et actif. Il parle à Joseph de sa
sépulture. Il veut non seulement qu’il promette mais qu’il jure de l’enterrer
dans le pays de ses pères (Gen. 47:30). Ce trait est remarquable. Nous ne le
voyons jamais en activité quant aux conditions de sa vie
en Égypte ; il semble, comme nous l’avons dit, accepter
volontiers ce qu’on lui donne, et être volontiers ce qu’on le fait être, mais
quant à la question de sa sépulture,
il
ne souffre aucun délai, et n’a aucune hésitation quelconque. Il veut une
promesse confirmée par un serment ; il veut que son fils emporte son corps mort
au pays, témoin de la promesse que Dieu lui a faite. Il parle d’une manière
pressante, péremptoire, lui qui auparavant semblait si indifférent. Car la foi
aime à lire l’avenir d’une façon claire, incontestable et irrévocable. Abraham
avait désiré que l’héritage lui fût assuré par une alliance,
aussi bien que par une promesse orale
(Gen. 15). Jacob veut que sa sépulture, une sépulture digne
des espérances d’un fils d’Abraham, lui soit assurée non seulement par
promesse, mais par serment.
Cela nous fait connaître un autre Jacob que celui que nous avons connu autrefois. Il participe maintenant à la sainteté de Dieu ; son esprit et son caractère sont en conformité avec l’appel de Dieu. Il est étranger avec Dieu sur la terre, mais avec une espérance sûre et certaine de l’héritage promis. C’est là le fruit produit : je ne dis pas que ce soit le service, mais c’est une belle production de fruit dans l’homme intérieur.
Au chap. 48 nous est raconté l’acte unique dans sa vie qui soit
signalé par l’Esprit de Dieu, comme étant un acte de foi (Héb. 11:21). Mais
tout ce chapitre est beau. Tout est grâce de la part de Dieu, tout est foi
dans le coeur de Jacob. Car c’est le
propre de la foi,
c’est son devoir,
d’accepter les décrets de la grâce ; or c’est précisément ce que la grâce avait
fait ici : la grâce adopte les fils de Joseph, qui n’avaient aucun droit selon
la chair, et les introduit dans la famille d’Abraham. La grâce donne à Éphraïm
la position et la part du premier-né ; à tous deux la double part, comme s’ils
eussent été Ruben et Siméon. Elle met le plus jeune au-dessus de l’aîné ; elle
donne à Joseph, le premier-né par adoption, les arrhes de son héritage à venir.
Devant toutes ces choses, Jacob s’incline ; il obéit ; par la foi, il accepte les
décrets de la grâce. La nature peut en être froissée ; mais Jacob est fidèle à
la parole de grâce qui lui a été confiée. Joseph est peiné de voir son père
mettre Éphraïm au-dessus de Manassé Le coeur de Jacob sympathise à sa peine ;
mais, quelque surprise pénible que son acte donne au coeur naturel, le
patriarche accomplit la commission qu’il a reçue de Dieu. Il ne se laisse pas
diriger par les sentiments naturels dans son fils Joseph, comme bien des années
auparavant, il s’était laissé diriger par les sentiments de sa mère Rebecca (*).
(*) Dans le fait que Joseph reçoit les droits du fils premier-né, il y a un autre motif que la grâce ; mais je ne le signale pas ici.
Cette scène est pleine de beauté : la foi accepte les décrets de
la grâce. Mais en cela, Jacob était aussi l’oracle de Dieu. Non seulement il
obéissait par la foi au conseil de la grâce ; mais il était employé par Dieu
comme un vase dans Sa maison, pour déclarer ses pensées, pour représenter et
accomplir ses desseins dans ces mystères de la grâce, l’adoption, l’héritage
et les arrhes.
Ce vase s’étant montré propre à l’usage du Maître, est employé ensuite. Nous voyons et entendons Jacob comme oracle de Dieu, lorsque nous arrivons au chap. 49. Il appelle ses douze fils et les bénit. Il prononce les paroles inspirées et les jugements de Dieu à leur égard. Mais ce fut pour lui un moment très pénible. Jamais rien ne lui coûta davantage. En préférant Éphraïm à Manassé, il avait souffert en quelque mesure : mais lui, qui alors n’avait pas écouté la voix de la nature chez son fils, ne veut pas maintenant l’écouter pour lui-même. Cette scène-ci est triste et humiliante pour lui, et il le sent avec amertume à certains moments. Néanmoins, il continue jusqu’au bout ce qu’il a à dire. Inspiré par l’Esprit, et comme l’oracle de Dieu, il doit rappeler à ses fils là présents, leurs voies dans le passé, et déclarer quel sera le fruit de ces voies dans les jours à venir. Beaucoup de ces choses font saigner son coeur et lui remémorent ce qui ne peut qu’être profondément humiliant. Car ces paroles qu’il prononce sur ses fils, sont une espèce de jugement sur lui-même, en raison de sa négligence à l’égard de ses enfants dans le passé. Mais néanmoins il ne s’arrête pas, il accomplit son service comme l’oracle de Dieu, et cela, même avec une telle sympathie, avec de telles affections, qu’elles sont pour nous de nouvelles et précieuses preuves de son état d’âme purifié.
L’iniquité de Lévi et de Siméon passe devant lui. Mais il en est maintenant affecté, et d’un chagrin dont on ne voyait pas trace en lui au jour où cette iniquité avait été commise. Il avait alors été troublé à cause du mal qui pouvait en résulter de la part de ses voisins. « Vous m’avez troublé », dit-il, « en me mettant en mauvaise odeur auprès des habitants du pays, les Cananéens et les Phéréziens, et moi je n’ai qu’un petit nombre d’hommes, et ils s’assembleront contre moi, et me frapperont, et je serai détruit, moi et ma maison » (Gen. 34:30). Telle était sa pensée, lorsqu’il était citoyen de Sichem. Maintenant, il est sur un tout autre terrain, sur un terrain plus élevé ; il respire un air plus pur ; et son âme rejette cette iniquité. C’était une iniquité ; cela suffit : il ne permettra point que son honneur y soit associé. Après cela paraît devant lui l’impureté de Ruben, et il en est rempli d’horreur. Ensuite, lorsque l’apostasie de Dan se présente à sa vue, toute son âme en frémit, et il s’abandonne à l’espérance du salut de Dieu, seul moyen de délivrance, le seul et unique qu’il veuille reconnaître, la seule ressource pour échapper à tout ce qui est autour de lui, derrière lui et devant lui. « Dan sera un serpent sur le chemin, une vipère sur le sentier, qui mord les talons du cheval, et celui qui le monte tombe à la renverse. J’ai attendu ton salut, ô Éternel ! »
Quelles affections et quelle énergie nous découvrons là ! Avec quelle délicate perception, cet instrument fait son service de vase à honneur dans la maison de Dieu ! Au jour de la défaite d’Absalom, le pauvre David éprouva bien plus que la douleur causée par la perte de son fils. Cette mort lui rappelait le souvenir de son péché. Ici Jacob, avec une entière sympathie personnelle, entre dans la pensée des conseils de Dieu, et reconnaît sa part de culpabilité dans les choses passées dont le souvenir ne peut que remuer profondément sa conscience.
Non seulement il annonce ces jugements de Dieu, mais son coeur
en est oppressé. Il n’est pas simplement
un
instrument, il est un instrument vivant ;
et
il est fidèle à Celui qui l’a établi, quoique ce service soit extrêmement
humiliant et plein d’amertume pour lui.
Nous avons vu Jacob muet pour un temps Nous avons remarqué que le silence avait caractérisé notre patriarche pendant bien des années vers la fin de sa vie. Mais sa bouche a maintenant été ouverte par la foi, et dès lors Dieu se sert remarquablement de lui comme oracle prophétique Son cas est comme celui de Zacharie, en Luc 1. Zacharie, comme nous le savons, fut lui aussi muet pour un temps ; mais par la foi, il écrivit sur une tablette le nom de son fils, et ensuite le Seigneur se servit de lui comme prophète.
Ici finit l’histoire de Jacob ; mais je crois que nous en avons
recueilli l’enseignement moral. Par la manière dont la main du Seigneur a pris
soin de lui, nous voyons combien Il est infatigable à l’égard des siens, malgré
leur folie et leur perversité. Nous remarquons aussi bien la variété,
que la patience,
qui accompagnent cette éducation morale continue. Jacob
avait différentes leçons à apprendre, et Celui à qui il avait affaire, avait,
dans sa grâce patiente, pris à tâche de les lui faire toutes apprendre. Comme
nous l’avons vu, Béthel, Peniel, puis Béthel une seconde fois, puis Beër-Shéba,
en sont autant de témoins. En outre, tout le long d’une carrière à incidents
variés, tant dans le pays qu’au dehors, dans sa jeunesse et dans son âge mûr,
parmi des étrangers et aux côtés de son père et de sa mère, Jacob fit voir
qu’il avait besoin de correction à bien des égards ; et la leçon fut renouvelée
mainte et mainte fois.
Son histoire nous rappelle celle des disciples du Seigneur Jésus. De combien de manières n’eut-il pas à les reprendre et à les instruire ! Il en fut ainsi jusqu’à la fin, et la patience de leur divin Maître ne se démentit jamais. L’ignorance, l’égoïsme, dont ils faisaient preuve, leurs fautes morales constantes, les différentes occasions où ils allaient à l’encontre de la pensée de leur Maître, tout faisait ressortir Sa bonté dont ils étaient les objets. Cette histoire peut nous rappeler aussi celle d’Israël supporté dans le désert pendant quarante ans. Elle peut encore nous rappeler à nous-mêmes de combien de manières nous éprouvons journalièrement les effets de la grâce et de la patience du même Dieu.
Comme nous l’avons remarqué au début, avant de commencer cette
méditation sur l’histoire de Jacob, et que nous l’avons vu depuis, ce
patriarche nous offre un exemple de la discipline d’un enfant. La discipline
est salutaire, et fait du bien comme une médecine. Quand nous en avons besoin,
c’est la seule
bonne chose pour nous.
Lorsqu’aux jours de Samuel, Israël demanda un roi, aurait-il été utile au
peuple que l’Éternel lui eût donné David ? L’Éternel avait David en réserve pour
lui ; mais était-ce le bon moment ? Aurait-il été salutaire pour le peuple que
David lui eût été donné immédiatement, lorsque, dans sa propre volonté et sa
rébellion, il demandait un roi ? Assurément, il fallait d’abord qu’il eût fait
l’expérience de l’amertume de ses propres voies. Quand Israël demande un roi, c’est
un Saul qu’il lui faut. C’était une discipline, et la seule chose qui put lui
être salutaire. Mais lorsqu’il eut senti l’amertume de sa propre volonté,
l’Éternel, ayant pitié de sa misère, lui donna celui qu’il avait en réserve
pour lui, l’homme selon son propre coeur, qui accomplirait tout son bon
plaisir.
Comme tout cela est parfait ! Si David eût été donné à Israël au jour de 1 Sam. 11, cette histoire n’aurait eu aucun enseignement moral pour nous. Mais l’amour est le même, qu’il dispense discipline ou consolation, médecine amère ou nourriture. Tel est l’enseignement caractéristique que nous trouvons dans l’histoire de notre patriarche.
Sa sépulture à Macpéla avait été le premier su
jet des entretiens de Jacob avec ses fils avant de
mourir ; c’est aussi le dernier
(Gen.
47:29; 49:29). Il avait déjà la promesse et le serment de Joseph à ce sujet ; il
faut maintenant qu’il leur fasse prendre à tous le même engagement. La mort
était pour lui plus importante que la vie. La vie le retenait en Égypte, la
mort le faisait rentrer en Canaan. La mort le reliait avec le Dieu de ses pères
et avec la promesse qu’il leur avait faite. Le fondement des espérances de la
foi était au delà de la vie, et en dehors de l’Égypte. En esprit, il disait :
Absent du corps, présent avec le Seigneur. « Nous avons, dis-je, de la
confiance, et nous aimons mieux être absents du corps et être présents avec le
Seigneur ». Jacob exprimait cela, autant que la foi des patriarches pouvait
l’exprimer. Au dernier moment de sa vie, « quand Jacob eut achevé de donner ses
commandements à ses fils, il retira ses pieds dans le lit, et expira, et fut
recueilli vers ses peuples ».
Pendant les années qu’il passa en Égypte, Jacob ne fut
assurément ni oisif, ni stérile. Quoiqu’il ne pût aucunement s’employer lui-même,
ni employer ses bras aux affaires de la vie, il n’était pas envahi par la rouille,
comme nous le disions
d’Isaac. Le silence de Jacob fut un temps de labour. Nous sommes réjouis de
voir que ses derniers jours furent ses meilleurs jours. Nous sommes encore plus
réjouis de voir que la grâce lui procura ce temps de repos à la fin de sa
carrière, afin que, suivant le langage du psalmiste, il recouvrât sa force,
avant de s’en aller et de n’être plus.
Quelle grâce de Dieu envers nous tous, ses élus, qu’il ait placé
devant nous un tel spectacle, un tel exemple de la patience, de la sagesse et
de la bonté divines. Ce spectacle est vraiment remarquable : il a une place
spéciale parmi l’infidélité de formes et de caractères que prend la grâce en
rapport avec les besoins des saints. Les derniers jours de Jacob furent ses
jours de bonheur. Pour ses fils, pour leur menu et leur gros bétail, l’Égypte
fut un pays de Goshen, mais non point pour le menu et le gros bétail de Jacob,
car nous ne lisons pas qu’il en eût ; mais c’est pour l’âme
de Jacob que l’Égypte fut un Goshen, le pays le plus riche,
le plus beau, le mieux arrosé dont il eût jamais joui. Elle fut plus réellement
pour lui la porte des cieux, que ne l’avait été Béthel. Elle fut davantage la
« face de Dieu » que ne l’avait été Peniel. Là le Seigneur se révéla à lui dans
le secret et dans le silence, mais avec une puissance réelle et vivante. Malgré
tout ce qui aurait pu naturellement le mettre à l’aise sur la terre et l’y
retenir, il fut un étranger. En Égypte, Jacob fut un homme affranchi,
comme, dès le début et pendant toute sa vie, il avait
été un homme élu et appelé.
Faisons notre profit de ce que Dieu lui enseignait. Recherchons en simplicité de coeur la portion d’étrangers pour Dieu, pensant plus à Macpéla qu’à l’Égypte, plus à l’enlèvement des saints à l’espérance qui attache nos coeurs à la promesse, qu’à toute la prospérité de ce présent siècle mauvais.
À partir du chap. 37 de la Genèse, Joseph devient le principal personnage dans les récits de ce livre, et il continue à l’être, on peut le dire, jusqu’à la fin. Je me propose donc de terminer cette étude par les pages qui suivent, sur Joseph ; et je supposerai que le lecteur a déjà lu mes méditations intitulées : « Hénoc », « Noé », « Abraham », « Isaac » et « Jacob ».
L’histoire de Joseph a son caractère particulier parmi les
différents sujets du livre de la Genèse : de même que les autres histoires, elle
a son mystère propre et un enseignement moral spécial. L’élection,
comme nous l’avons vu, a été présentée en Abraham ; la position du fils
élu, en Isaac ; la discipline
du fils adopté, en Jacob ;
nous allons voir maintenant, en Joseph, la position
d’héritier.
Il y a un ordre divin en tout cela.
En conséquence, nous avons chez Joseph les souffrances avant les gloires, avant l’entrée en possession du royaume ; tout ceci conformément à cette parole de l’apôtre : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers… si du moins nous souffrons avec lui, afin que nous soyons aussi glorifiés avec lui ».
Tandis que, comme enfants, nous participons tous à la discipline, comme héritiers, nous avons premièrement à souffrir : ceci nous fait saisir la différence entre Jacob et Joseph. En Jacob, c’est la discipline, la discipline qui le conduit comme enfant, sous la main du père de son esprit, afin qu’il participe à la sainteté de Dieu. En Joseph, ce sont les souffrances, les souffrances comme martyr, les souffrances pour la justice, marques distinctives du sentier par lequel il arrive à la gloire.
Son histoire est le couronnement de l’ensemble, et vient donc en dernier lieu dans cet admirable livre de la Genèse, parfait dans sa structure, comme il est vrai dans tous ses détails. Les scènes naïves de famille dont ce livre se compose, forment pour nous une suite de leçons morales à étudier ; secret après secret nous y est révélé ; elles nous font comprendre notre appel, ainsi que les sources et la conclusion de notre histoire, depuis notre élection jusqu’à l’entrée en possession de notre héritage.
C’est ainsi que nous recevons instruction par ce livre de la Genèse.
Dans tout ce livre, il n’est encore question d’aucune loi.
Romains 5:13-14, nous enseigne
qu’il en est ainsi. Mais nous aurions pu nous-mêmes nous en apercevoir par le
fait que, dans les âges dispensationnels, la période dont parle ce livre était,
pour ainsi dire, celle de l’enfance.
Les
élus étaient comme des enfants qui n’ont jamais quitté la maison paternelle,
qui n’ont jamais été à l’école sous un maître.
Il n’y a point non plus de miracle,
c’est-à-dire point de miracle opéré par la main de l’homme. Car la
puissance n’aurait pas été davantage à sa place dans de telles mains, que ne
l’aurait été la loi ou un maître d’école dans cet âge du monde. D’ailleurs, il
n’y avait point alors de mission ou d’apostolat à confirmer ; il n’était nul
besoin de miracles ou de signes, comme lettres de créances pour un envoyé. Mais
dès que nous avons passé de la fin de ce livre à l’Exode, nous trouvons une
mission ou un apostolat : alors il est parlé de miracles qui la scellent et qui
accréditent l’homme envoyé.
Ainsi l’absence de ce qui ne s’y trouve pas, est tout aussi naturelle que la présence de ce qui s’y trouve. Ni la puissance, ni la loi, n’auraient été de saison ; et par suite, nous n’y trouvons ni puissance, ni loi.
Passons maintenant à l’histoire de Joseph racontée dans les chap. 37 à 50. Nous pouvons la diviser en quatre parties :
1. La jeunesse de Joseph dans la maison de son père, au pays de Canaan.
2. Sa vie comme homme mis à part en Égypte.
3. Il retrouve sa famille, son père et ses frères. Résultat de cette réunion.
4. Les dernières années de sa vie au pays d’Égypte jusqu’au jour de sa mort.
Tel est le sommaire de cette merveilleuse histoire. Par la manière dont elle est racontée, elle a touché et ému des milliers de coeurs dans toutes les générations.
Première partie
(Gen.
36 à 38). — Dès le début de l’histoire, nous voyons en Joseph l’héritier. Ses
songes sont des songes de gloire ;
mais
il ne tarde pas à être réellement dans la souffrance.
Le commencement de l’histoire nous le présente comme rendant
témoignage à
ses frères et contre
ses frères. À son père, il
rapporte leurs mauvaises actions, à eux-mêmes, il raconte ses songes. Je ne
puis le blâmer ni de l’un ni de l’autre. Je ne dirai pas jusqu’à quel point la
nature peut avoir entaché ses actes ; mais les témoignages eux-mêmes avaient, je
le crois, l’approbation divine. Un seul, je n’ai pas besoin de le dire, a été
la perfection même dans tout ce qu’il a fait et dans tout ce qu’il a dit : il a
rendu témoignage contre le monde et rendu témoignage de ses propres gloires.
Ces actes de Joseph peuvent avoir été souillés pour avoir été faits à un moment
inopportun ou avec une trop haute idée de sa supériorité ; car une chose hors de
saison ou faite sans l’humilité convenable, tout en étant bonne en elle-même,
est entachée de souillure. Un vase dans la maison du maître doit parfois tenir caché,
aussi bien que contenir
le trésor qui lui est confié,
selon le temps ou la manière dont il faut en faire usage. David avait reçu sur
sa tête l’huile de Samuel, l’onction de l’Éternel ; il savait aussi que le
royaume serait à lui ; mais il cacha sa gloire jusqu’à ce qu’Abigaïl la reconnut
par la foi. En ceci, il se peut que David ait mieux agi que Joseph. Je ne sais,
mais Dieu était celui qui donnait à Joseph de dire ce que ses songes ou ses
visions lui avaient fait connaître par l’Esprit.
Les souffrances en furent la suite. Le Seigneur le signale comme étant l’héritier de la gloire, il parle de la bonté dont il a été l’objet et de la position élevée qu’il doit occuper selon le dessein de Dieu ; c’est pourquoi ses frères le haïssent. Ils sont jaloux de lui ; et qui subsistera devant la jalousie. Ils avaient déjà vu d’un mauvais oeil qu’il eût la faveur de son père ; et maintenant ils le haïssent, parce qu’il a celle de Dieu. Ils le haïssent à cause de ses paroles et à cause de ses songes ; puis, comme ils sont ensemble aux champs (ainsi qu’il en avait été autrefois de Caïn et d’Abel), ils tiennent conseil pour savoir s’ils doivent le tuer, le jeter dans une citerne, ou le vendre à des étrangers.
Or à ce moment même, il était occupé à les servir. Il avait fait un long chemin pour leur demander s’ils se portaient bien, pour rapporter de leurs nouvelles, et pour leur donner les bénédictions de la maison de leur père avec ses salutations. Ce fut une bonne occasion pour eux. Loin de le recevoir comme porteur de bonnes nouvelles : « Le voici », disent-ils, « il vient ce maître songeur ! » « Celui-ci est l’héritier » (Matt. 21:38) : c’est ce qu’ils veulent dire. Ils le livrent par envie ; pour son amour ils sont ses ennemis ; et à la fin, ils le vendent aux Ismaélites pour vingt pièces d’argent.
Il peut y avoir différents degrés dans l’inimitié commune à tous
les frères de Joseph, mais, en somme, moralement ils appartiennent tous à la
même génération. Ruben était le premier-né de Jacob, et nous pouvons supposer
qu’il se considérait comme plus responsable du jeune homme qu’aucun autre
vis-à-vis de son vieux père. Il sauve Joseph de l’épée, et Juda propose qu’il
soit vendu aux marchands, au lieu d’être laissé dans la citerne. Il y a donc
ainsi des degrés dans cette inimitié commune à tous. De même, les uns disaient
de Jésus : « C’est un homme de bien », d’autres : « Non, mais il séduit la foule ».
Dans la parabole des noces du fils du roi, l’un s’en alla à son champ, un autre
à son trafic, et « les autres s’étant saisis de ses esclaves, les tuèrent ».
Toutefois, le Seigneur parle de tous comme étant d’une même génération : « Les autres »,
dit-il, « s’étant saisis de ses
esclaves, les tuèrent ». Le Juge de toute la terre fera assurément ce qui est
juste, et les péchés recevront plusieurs coups ou peu de coups ; mais le monde
a rejeté Jésus, et le monde est
le monde ; comme ici, tous sont les frères coupables de Joseph ; et, comme
résultat de leurs desseins et de leur haine commune, il est vendu aux
marchands, et emmené par eux en Égypte pour y être revendu avec bénéfice.
C’est le manque de coeur en tout ceci qui excite surtout
l’indignation ; ct c’est ce sur quoi le prophète Amos insiste si solennellement,
quand il rappelle la brèche de Joseph (Amos 6). Nous pouvons, nous aussi, bien
qu’à un si long intervalle, prendre notre part de la répréhension du prophète,
pour un manque de coeur semblable, si nous nous laissons volontairement aller à
aimer le monde qui a rejeté le vrai Joseph. Que devons-nous penser, lorsque
nous considérons le progrès si vanté de toutes choses dans ce monde, l’habileté
sans cesse déployée pour balayer et orner cette maison souillée du sang de
Jésus ? Il n’y a jamais eu autant de lits d’ivoire, d’instruments de musique, de
vin, et de délicieux parfums qu’aujourd’hui. En nous associant à la vie d’un
tel monde, sommes-nous fidèles comme nous devrions l’être, à porter la croix de
Christ ? Par nature nous sommes sans coeur, et nous vivons dans un monde sans
coeur, de même que nous avons ici les frères de Joseph sans coeur. Chacun le
sait parfaitement quant à lui-même ; et assurément, c’est bien ce manque de
coeur qui nous fait surtout horreur à nous-mêmes (si je puis parler pour d’autres),
comme il faisait horreur à l’Esprit Saint, en Amos. Nous ne nous « affligeons
pas de la brèche de Joseph », nous ne sommes pas fidèles à Christ dans sa
réjection. La mondanité est le manque de
coeur pour lui.
Quelles profondeurs de corruption il y a en nous ! Ainsi ici, la tunique de Joseph, du fils favori, la tunique dont le père âgé l’avait revêtu, ses frères la plongent dans du sang, et ils l’envoient à leur père avec ces paroles : « Nous avons trouvé ceci ; reconnais si c’est la tunique de ton fils ou non ». C’est là le langage de Caïn : « Suis-je, moi le gardien de mon frère ? » Caïn jetait le fardeau du sang d’Abel sur l’Éternel, donnant à entendre par ces paroles que l’Éternel aurait dû être le gardien d’Abel, puisqu’il avait à tel point égard à lui et à son offrande. De même, ces paroles des frères de Joseph semblent jeter le fardeau du sang de Joseph sur son vieux père, qui, s’il l’aimait autant que cette tunique semblait le dire, aurait dû veiller sur lui mieux que ce sang ne semblait le dire.
Oui, quelles profondeurs de corruption dans le coeur révolté de l’homme ! Quelles découvertes de ces profondeurs la tentation ne nous fait-elle pas faire à l’occasion ? Les frères de Joseph péchaient en tout ceci contre leur père âgé et contre leur frère, qui n’avait fait aucun mal, dans un moment où l’amour de l’un s’était proposé et où l’amour de l’autre avait entrepris à leur intention une mission de grâce et de bénédiction ; ainsi qu’il est dit d’une génération dont ils sont les représentants aussi bien moralement que typiquement : « Ils ne plaisent pas à Dieu, et sont opposés à tous les hommes ».
Vrais actes de ténèbres ! Qu’ils cherchent à le cacher aussi bien qu’ils le peuvent, le sang de Joseph est sur eux ; le jour viendra où leur péché les trouvera, et ce sang sur la tunique de Joseph sera un témoin écrasant contre eux. Pour le moment, ils prospèrent dans la méchanceté, afin de combler leur mesure. Le cours de l’histoire de Joseph est interrompu pour nous laisser voir ce qu’ils font pendant que Joseph est séparé d’eux. C’est ce que nous présente le chap. 38; et c’est vraiment l’apostasie, le complet abandon de « la voie de l’Éternel », dans laquelle Abraham avait marché, et qu’il avait commandé à ses fils et à sa maison de garder après lui. Juda agit perfidement : il épouse la fille de Shua. Il méprise entièrement la voie de l’Éternel et l’abandonne. Néanmoins la foi reçoit ici un gage : Pérets est un second supplanteur. L’espérance d’Israël est dans la matrice ; il y a une bénédiction dans la grappe ; mais, en vérité, c’est une grappe de vigne sauvage, qui pourrait bien être condamnée à être retranchée par la serpe, si la grâce souveraine n’avait pas dit : « Ne la détruis pas » (És. 65:8; Matt. 1:3).
Le péché de la nation d’Israël est tel que celui du père de ses rois, de Juda, telle sera aussi la grâce dont jouira la nation au dernier jour. La grâce régnera alors dans l’histoire d’Israël, comme elle règne maintenant dans la personne de chaque croyant, élu selon le souverain bon plaisir de Dieu, et devenu un monument de la puissance de Christ à salut.
Nous pouvons ne pas être préparés pour cette grâce de Dieu dans quelques-unes de ses insondables manifestations, y être même moins préparés que nous ne le croyons. Jonas ne l’était pas, Ananias non plus, ni Pierre (Jonas 4; Actes 9 et 10). Nous ne sommes pas toujours des peseurs exercés, habiles à nous servir des balances, des poids et des mesures du sanctuaire. Je le demande : le manque de coeur du chap. 37, la souillure du chap. 38, et ces deux choses si elles se trouvent réunies, sont-elles plus que nous ne pouvons supporter ? Après tout cela, sommes-nous disposés à « la repentance et à la rémission des péchés », selon la grâce de Dieu ? Le sens moral, la conscience naturelle, la propre justice, les lois de la société et les jugements des hommes, nous fournissent de faux poids et de fausses mesures, que nous portons partout avec nous, plus que nous ne nous en rendons compte. Cependant, elles sont une abomination (Deut. 25:16). Selon nos pensées, la voie de la prostituée et celle du publicain sont plus mauvaises que le chemin facile et respectable du monde. Si nous avions la balance du sanctuaire, nous apprécierions les choses autrement. « Ce qui est haut estimé parmi les hommes est une abomination devant Dieu ».
Deuxième partie
(Gen.
39 à 41). — Dans ces chapitres, nous avons l’histoire de Joseph pendant le
temps de son exil dans le pays d’Égypte. Nous y verrons le commencement de son
jour de gloire, de son exaltation. Mais avant d’y arriver, nous rencontrons
encore d’autres souffrances — ses souffrances de la part des étrangers.
Nous pouvons, assez naturellement, avoir la pensée que, pour
autant qu’il s’agit de l’histoire morale de ce monde, le Juif
est surtout coupable — qu’il a surtout à répondre de son
péché envers le Seigneur. Mais en cela, nous n’avons pas parfaitement raison.
Le Juif a, il est vrai, une responsabilité spéciale dans ce que les hommes ont
fait souffrir à Christ, et, comme nation, Israël est aussi sous un jugement
spécial. Le gentil est distinct d’Israël, mais non différent. Le ministère de
notre Seigneur Jésus a été une pierre de touche pour « le monde », aussi bien que
pour « les siens ». Voici le témoignage au sujet de la croix : « En effet, dans
cette ville, contre ton saint serviteur Jésus que tu as oint, se sont assemblés
et Hérode et Ponce Pilate, avec les nations et les peuples d’Israël » (Actes 4:
27). Là tous ont été coupables. Ainsi que le dit l’apôtre des gentils, dans sa
doctrine, « tout le monde est coupable devant Dieu ». Juifs et Grecs sont tous
accusés d’être sous le péché (Rom. 3).
C’est ce que suggèrent les chapitres dont nous nous occupons.
L’affliction de Joseph commencée parmi ses frères, se continue maintenant parmi
les étrangers. Ses frères l’avaient déjà haï, l’avaient jeté dans la citerne,
et l’en avaient tiré pour le vendre comme esclave ; une méchante femme d’entre
les Égyptiens porte maintenant une fausse accusation contre lui, et il est mis
en prison ; ensuite, un autre Égyptien, qu’il avait servi et traité en ami,
l’oublie et le laisse où il est. Mais, quoi qu’il en soit de lui, dans son pays
ou à l’étranger, Dieu est avec lui. Cela devient même le trait caractéristique
de son histoire (Genèse 39; Actes 7). Car, dans les voies de Dieu à l’égard de
ses élus, sa sympathie
vient en
premier lieu, et ensuite sa puissance — la sympathie qui les accompagne au
travers de leur affliction, et ensuite, la puissance qui les en délivre. Nous
sommes portés à désirer être à l’aise dès à présent, et nous voudrions être
instantanément délivrés de toute difficulté et de toute contradiction. Mais
telle n’est pas la manière dont Dieu agit. À Béthanie « Jésus pleura » ; et
ensuite, mais seulement ensuite, il dit : « Lazare, sors dehors ! » L’homme naturel
aurait voulu que la mort, qui faisait couler les larmes, eût été prévenue. Nous
jugeons que mainte épreuve aurait pu nous être épargnée, et nous en tirons la
conclusion claire et positive que Dieu avait le pouvoir de le faire, ainsi que
disaient les amis de la famille de Béthanie : « Celui-ci, qui a ouvert les yeux
de l’aveugle, n’aurait-il pas pu faire aussi que cet homme ne mourût pas ? » Mais
leur raisonnement était imparfait, parce qu’il n’allait pas assez loin ; ils ne
raisonnaient que sur la puissance
de
Christ.
Nous devrions tout spécialement apprécier le siècle ou la dispensation de sa sympathie, et c’est ce que nous ferions, si seulement nous avions toutes nos affections en Christ ; sa propre personne nous est révélée d’une manière toute spéciale. Joseph, aux jours de son affliction, jouissait à un très haut degré de cette sympathie. Comme nous l’avons dit, le fait que « Dieu était avec lui », caractérisait son état d’âme, et il en avait d’abondantes preuves. Aussitôt qu’il est dans la maison de Potiphar, tout ce qui est dans sa main, et qui lui a été confié par son maître, prospère. Un changement de scène ne fait aucune différence à cet égard ; car, dès qu’il est dans la prison, il en est également de même, et nous l’y trouvons dans les mêmes circonstances. Le gardien de la tour met en lui la même confiance que Potiphar, son maître ; et dans la tour, tout prospère en sa main, comme ç’avait été le cas dans la maison de l’Égyptien, de sorte que Dieu rendait pleinement témoignage à Joseph que sa capacité lui venait de Dieu.
Il n’appartenait point à un homme tel que lui d’abandonner le secours de l’Éternel pour celui de la créature. Mais Joseph prie l’échanson de se souvenir de lui ; il réclame sa sympathie et désire qu’il parle de lui en bien au roi, son maître.
C’était naturel. Joseph avait traité en ami l’échanson du roi,
et celui-ci pouvait maintenant en faire autant pour lui. Son désir d’obtenir sa
sympathie ne peut être condamné pour aucune raison naturelle, humaine ou même
morale. Cependant on peut se demander s’il était tout à fait digne de Joseph
de faire ainsi, si c’était bien
agir comme l’aurait suggéré la foi.
Il n’en résulte rien. L’échanson, comme nous le savons, oublie Joseph, qui est laissé en prison deux longues années ; car Dieu veut encore être tout pour lui. Le secours viendra, mais viendra de Lui-même. Avec le Seigneur, la tristesse de la nuit fera sûrement place au chant de joie du matin ; et avant que soit fini le temps de sa séparation d’avec ses frères, Joseph est délivré, béni et honoré C’est l’aube de ses gloires qui commence à apparaître.
Nous trouvons vraiment des choses excellentes à considérer dans le Joseph séparé des siens, des choses qui reportent nos pensées sur Celui qui est plus grand que Joseph. Je désire en faire remarquer quatre :
1. Il y a en lui une grande beauté
morale.
Il était alors un Nazaréen, aussi pur que Daniel dans des
circonstances semblables, captif parmi les incirconcis, maintenant, sans aucune
tache, sa circoncision, sa séparation comme consacré à Dieu.
2. Il y a en lui un précieux
don spirituel.
Il était un vase dans la maison de Dieu, ayant en lui la
pensée de Christ, et la communiquant comme oracle de Dieu ; et encore comme
Daniel, interprétant des songes ; et, bien que dans son jour d’humiliation,
faisant connaître aux rois mêmes ce qui allait arriver sur la terre.
3. Il est à la droite de
la puissance et de la dignité.
Il occupe le siège le plus près du trône, et
est mis en possession des ressources dont ses frères mêmes, qui l’ont rejeté,
et le monde entier, vont bientôt dépendre pour être conservés sur la terre.
4. Il y a une chose préparée
pour lui : la joie — une joie spéciale.
Le roi lui donne une épouse ; et il
devient chef d’une famille parmi les gentils ; ce qui est pour lui un tel sujet
de joie qu’il peut, dans un certain sens, comme nous le disent les noms de ses
enfants, oublier sa parenté, et même se réjouir dans son affliction.
Ce sont sûrement là des choses excellentes que nous trouvons dans l’histoire de Joseph, pendant qu’il est séparé de ses frères. Nous y voyons aussi en type le Seigneur lui-même pendant la période actuelle, celle de sa séparation d’avec Israël. Un simple enfant peut voir cette ressemblance ; mais Celui qui révèle ces choses aux petits enfants et à ceux qui tètent, nous montre le chemin en ceci. Dans les merveilleuses paroles d’Étienne, en Actes 7, nous voyons Joseph et d’autres, présentés dans la même position et les mêmes circonstances que le Seigneur, qui est appelé « le Juste ». Cela est d’un tel intérêt que, quoique seulement en passant, nous devons nous y arrêter tant soit peu, et prêter l’oreille à cette grande voix de l’Esprit de Dieu.
Étienne n’apparaît qu’un moment dans le cours de l’histoire divine ; mais c’est pour y occuper une place très éminente et très distinguée. L’occasion où nous le voyons et qui le fait agir, a une importante signification. L’inimitié des Juifs faisait de nouveau son oeuvre de ténèbres, et le Dieu de gloire révélait encore ses desseins les plus magnifiques.
Étienne est un témoin du Seigneur qui passe de la terre au ciel, laissant pour un temps la terre dans son incrédulité et son apostasie, et appelant un peuple d’un appel céleste.
Au temps d’Étienne, Dieu opérait une nouvelle séparation. Il en avait fait une au temps d’Abraham ; une au temps de Joseph ; une au temps de Moise ; une enfin au temps du « Juste », de Jésus. L’occasion de la séparation d’avec sa parenté pour se lier à des étrangers (ce qui implique se séparer de la terre pour être du ciel), peut n’être pas toujours la même, mais il y a toujours séparation. Abraham fut séparé, parce que Dieu quittait un monde souillé, non jugé ; Dieu ne peut faire son habitation d’une souillure non jugée, ni permettre que telle soit l’habitation de ses élus. Après le déluge, le monde s’était souillé ; l’Éternel le laisse dans sa souillure, sans le purifier par un second déluge ; par conséquent, Il y devient lui-même un étranger, et appelle ses élus à en sortir avec lui. Ainsi Abraham est un homme séparé. Joseph, en son jour, en fut un autre, séparé de la maison de son père et de sa parenté, comme Abraham ou comme Moise. Mais Joseph et Moise ne furent pas séparés comme Abraham, par simple appel de Dieu à quitter la souillure non jugée ; ils le furent par l’inimitié et les persécutions de leurs frères. Il en fut de même de Jésus : « les siens » et le monde qui avait été fait par Lui, le rejetèrent et ne voulurent pas le connaître. Des hommes iniques le firent périr, et le ciel le reçut. Il en fut de même aussi d’Étienne.
Étienne est ainsi en compagnie de ces hommes séparés, Abraham,
Joseph, Moise, et le « Juste ». Il est naturellement dirigé par l’Esprit, pour
passer en revue leur histoire dans ce merveilleux chapitre. Or ces hommes
séparés, à différentes périodes ou intervalles de temps, dans le cours des
voies de Dieu sur la terre, étaient comme des types de ses desseins plus élevés
et plus riches concernant le ciel. Car les temps où ils vivaient étaient, selon
notre manière de parler, des temps de transition.
Il en était ainsi aux jours d’Étienne. Jusqu’à ce moment, la
scène des Actes des apôtres est sur la
terre.
Au chap. 1, le Seigneur ressuscité avait parlé à ses apôtres du
« royaume de Dieu ». Dans le même chapitre, les anges avaient détourné les yeux
des hommes galiléens, comme ils nomment les disciples, de regarder encore vers
le ciel ; ils le font en leur promettant que Jésus reviendrait sur la terre.
Lorsque, au chap. 2, le Saint Esprit est donné, qu’ils ont été baptisés par
lui, c’est des choses de la terre que les apôtres parlent. Ils rendent
témoignage que Jésus devait s’asseoir à la droite de Dieu dans le ciel, jusqu’à
ce que ses ennemis eussent été mis pour marchepied de ses pieds. Ils prêchent
ensuite que, si Israël se repent, Jésus reviendra sur la terre, amenant les
temps de rafraîchissement et de rétablissement, et qu’il a été exalté, afin de
donner la repentance à Israël et la rémission des péchés. Ces premiers
chapitres nous présentent donc Israël comme le peuple, et la terre comme la
scène de l’action ou du témoignage de l’Esprit dans les apôtres.
Mais l’inimitié des Juifs reprend son cours, comme en tant d’autres occasions, dès l’origine ; et la grâce divine se déploie aussi comme dans ces mêmes occasions. Étienne, sous l’action de l’Esprit de Dieu, prend pour texte une de ces occasions. Il rappelle comment la nation incirconcise de coeur et d’oreilles, a résisté au Seigneur dans la personne de ses témoins, les uns après les autres ; et aussi, comment le Dieu de gloire a appelé à une bénédiction nouvelle et spéciale ceux que la souillure du monde obligeait à être séparés, ou que l’inimitié des Juifs rejetait.
Ainsi, l’état où se trouvait Étienne lui-même à ce moment, était le texte de son discours, de même que l’état de choses, au chap. 2, avait été le texte du discours de Pierre. Ce qui avait fait parler Pierre, c’était le don des langues ; ce qui fait parler Étienne c’est, pour ainsi dire, d’une part, le fait que son visage est comme celui d’un ange, et de l’autre, l’inimitié des Juifs qui le harcelait et le menaçait. L’Esprit en Étienne saisit le moment. C’était un moment de transition : l’heure du visage d’ange et des pierres meurtrières, l’heure de l’inimitié du monde et de la révélation toujours plus riche et plus glorieuse de la grâce, qui appelle l’homme au ciel. Étienne se réfère à d’autres histoires, aux histoires d’autres élus, qui avaient accompli des faits semblables dans les dispensations de Dieu. Car les hommes de la terre résistent maintenant à Dieu en Étienne, comme ils Lui avaient résisté en d’autres de ses élus. Comme Étienne le leur dit, ils résistaient toujours à l’Esprit Saint ; les enfants et les pères se ressemblaient en cela dans toutes les générations de ce peuple.
Nous sommes ainsi appelés à être témoins, avec Étienne, d’un
autre moment important de transition. Ce moment, dans le livre des Actes, est
semblable à celui du temps de Joseph, dans le livre de la Genèse. Cela établit
un lien entre Étienne et Joseph, et fournit au Saint Esprit, par Étienne, une
occasion naturelle de faire mention de Joseph, comme il le fait. Mais si la
terre refuse une place à Étienne, comme les frères de Joseph avaient refusé à
ce dernier une place dans le pays de ses pères, le ciel s’ouvre à lui. La grâce
en Dieu est active — comme l’est l’inimitié dans l’homme — et de celui qui
mange sortira le manger. Le ciel s’ouvre donc, en Actes 7. Un rayon s’en
échappe et répand une lumière douce, mais brillante, sur le visage d’Étienne,
au moment où les hommes de la terre le rejettent. Ainsi scellé par le ciel et
pour le ciel, il parle du ciel ; puis le Saint Esprit dirige son regard droit en
haut vers le ciel, et enfin, son esprit est reçu au ciel par le Seigneur Jésus.
Tout est ciel
ici. Étienne en a reçu
d’abord le gage ou les arrhes ; il en voit ensuite les gloires sans voile ; et
enfin, il y a sa place avec Jésus.
Pour une âme encore dans le corps, rien ne peut dépasser l’éclat
glorieux d’un tel moment. Il est la transfiguration
du livre des Actes des apôtres. Le Béthel du patriarche n’avait point
atteint la même mesure ; car ici, le haut de l’échelle est vu clairement, et il
est révélé à Étienne que sa place est là avec le Seigneur, et non pas
simplement au pied de l’échelle avec Jacob. C’est un moment de transition, ce
que n’était pas celui de Gen. 28. Le type en était plutôt le Joseph rejeté,
banni, qui trouve ses joies les plus profondes et ses plus grands honneurs
parmi les gentils de la lointaine Égypte. Ou plutôt, l’histoire de Joseph et
celle d’Étienne sont, chacune en son temps et d’une manière différente, l’ombre
et le gage de cette gloire et de cet héritage célestes auxquels est appelée
l’Église, selon l’élection du siècle actuel.
Il y a donc un lien simple et nécessaire entre Joseph et
Étienne, comme nous le trouvons en Actes 7. L’un et l’autre occupent la même
position de transition, plus marquée, il est vrai, en Étienne, comme cela
convenait aussi ; mais ils l’occupent tous les deux. Dans le cas d’Étienne, tout
était nouveau et céleste, comme nous l’avons vu. Il lui est commandé de
regarder, non point en bas,
mais en haut.
Au chap. 1, les anges avaient
dit aux hommes galiléens de détourner leurs regards du ciel ; au chap. 7,
l’Esprit lui-même invite Étienne à élever ses yeux vers le ciel. Autre avait
été la gloire des terrestres, autre est maintenant celle des célestes. Le don
des langues même, au chap. 2, n’avait point assuré le ciel aux disciples. Il
n’y avait point eu alors de transfiguration, point de visage comme celui d’un
ange. Le Saint Esprit avait été sur l’assemblée à Jérusalem ; mais l’assemblée
elle-même n’avait pas eu le ciel en vue, comme étant sa patrie et son héritage ;
Étienne fut sur les confins des deux mondes. Son corps fut victime de
l’inimitié du monde de l’homme ; son esprit allait être reçu au milieu des
gloires du monde de Christ. Il fut rejeté par ses frères, accepté par Dieu.
Tout était transition — et il est tout à fait à propos qu’il reporte ses
regards en arrière sur Joseph et sur Moise, qui avaient été avant lui dans une
même position.
Qu’il me soit permis de dire une chose qui m’est suggérée par
les allusions du chap. 7 des Actes à Joseph et à d’autres, savoir que nous ne
devons point être surpris de ce caractère typique ou symbolique des histoires
de l’Ancien Testament. Tout au contraire, nous devrions y être entièrement
préparés, et cela d’après un principe bien simple. Dieu, agissant dans ces
histoires (nous parlons à sa louange), y agit, assurément, selon ce qu’il est lui-même et selon ses conseils.
Par conséquent,
ces histoires deviennent autant de révélations de lui-même et des desseins
qu’il travaille à accomplir.
La certitude de l’inspiration du récit ne nous fait donc pas
voir parfaitement Dieu
dans ce qui
est raconté. Le récit est vrai, mais il a aussi un but ; il y a inspiration,
mais aussi un sens typique : « Ces choses leur arrivèrent comme types ». Elles
arrivèrent comme elles sont racontées. Il y a en elles la vérité historique.
Mais Dieu les a fait arriver de telle sorte qu’elles fussent des « types » ; tant
que nous ne discernons pas le type, c’est-à-dire le dessein divin dans
l’histoire, nous n’y voyons pas Dieu. Nous devons étudier ces récits ceux
touchant Joseph ou tout autre, dans la même disposition d’esprit que le
prophète, quand il descendit dans la maison du potier (Jér. 18). Il devait y
avoir un travail réel,
des vases
faits par la main habile de l’ouvrier. Mais dans ce travail il y avait un enseignement,
aussi bien qu’un fait
réel ; il y avait une parabole ; car le prophète devait y voir Dieu lui-même,
travaillant au tour aussi bien que le potier. Il en est ainsi de ces récits que
nous trouvons dans l’Écriture. Il y a en eux la réalité, une parfaite véracité,
celle que garantit l’inspiration ; mais il y a aussi l’instruction et, tant que
nous ne l’avons pas discernée et n’avons pas appris à voir Dieu et son dessein
dans le récit, nous ne sommes pas encore vraiment descendus dans la maison du
potier.
Je dis cela seulement en passant, la pensée m’ayant été suggérée par l’emploi des histoires d’Abraham, de Joseph et de Moise, dans l’Ancien Testament, faite par l’Esprit lui-même qui parle par la bouche d’Étienne, dans ce merveilleux chapitre.
Troisième partie.
(Gen.
42-47). — Nous arrivons maintenant au moment où Joseph retrouve son père et ses
frères, et aux conséquences de cette réunion.
Entre les choses qui ont caractérisé Joseph et ses circonstances pendant sa séparation d’avec ses frères, nous avons remarqué celle-ci — qu’il avait été mis en possession des ressources dont ses frères eux-mêmes, et le monde entier avec eux, devaient dépendre ensuite pour être conservés sur la terre. Le temps déterminé auquel le monde puiserait à ces ressources, était maintenant arrivé, ainsi que le temps déterminé auquel Joseph devait être rendu à ses frères.
Joseph est maintenant revêtu d’autorité. Son jour d’humiliation
et d’affliction est passé. Il est à la droite du trône d’Égypte, l’exécuteur
suprême de tout décret et de toute autorité dans le pays. Sans lui, nul ne peut
lever pied ni main. Il a reçu l’anneau du roi, et monte sur le second char. Il
est le trésorier et le dispensateur de toute la richesse de la nation ; il ouvre
ou ferme les lieux de dépôt comme il lui plaît. Celui qui a été
dans la citerne, est
maintenant
sur le trône.
Joseph est ressuscité en
figure.
Je dis en figure ;
car
pour la chose même — pour la résurrection d’entre les morts — il a fallu
attendre jusqu’au jour du Fils du Dieu vivant, qui, en personne, devait revivre
d’entre les morts. Mais, quoique nous ne puissions avoir ici « l’image même » de
ce grand mystère, nous en avons néanmoins des « ombres », soit dans les
ordonnances de la loi, soit dans l’histoire des élus. Les oiseaux morts et les
oiseaux vivants de Lév. 14, et les deux boucs de Lév. 16, sont au nombre de ces
ordonnances, et les scènes historiques, telles que l’enlèvement des liens
d’Isaac sur l’autel de Morija, et Jonas sortant du ventre du cétacé, en sont
autant de représentations. Il en est de même à ce moment de l’histoire de
Joseph : c’est le jour de sa puissance et de son autorité en Égypte après les
douleurs de la citerne et de la prison. Joseph est ressuscité en figure.
L’Esprit de Dieu, dont Jacob est l’oracle au chap. 49, porte son
regard sur Joseph dans cette situation et le loue en conséquence : « Joseph est
une branche qui porte du fruit, une branche qui porte du fruit près d’une
fontaine ; ses rameaux poussent par-dessus la muraille. Les archers l’ont
provoqué amèrement, et ont tiré contre lui, et l’ont haï ; mais son arc est
demeuré ferme, et les bras de ses mains sont souples par les mains du Puissant
de Jacob ». Après avoir ainsi parlé de Joseph, l’Esprit le présente comme une
figure de Celui qui est plus grand que lui ; car Jacob ajoute : « De là est le
berger, la pierre d’Israël ». En Joseph, nous trouvons Christ, le Christ
ressuscité, en figure. Il possède maintenant toute autorité dans le ciel et sur
la terre. Il est assis à la droite de la Majesté dans les hauts lieux. Son
titre à la possession des ressources de la création est assuré, ayant pour
sceau la dignité de la place qu’il occupe maintenant. Ensuite, quant aux
ressources qu’il possède
actuellement,
il les emploiera
plus tard pour
Israël et pour la terre entière, selon le type que nous avons ici. C’est ce que
nous allons considérer.
À la fin du chap. 41, la famine commence, et les greniers s’ouvrent. Mais la scène change ici, pour un moment : l’histoire de la repentance des frères de Joseph et de leur restauration est introduite comme une espèce d’épisode ; mais elle est d’une merveilleuse beauté. En effet, le rétablissement de toutes choses ne peut avoir lieu, nous le savons, avant qu’Israël se soit repenti et ait été pleinement restauré. Par suite, l’introduction de ce nouveau sujet, comme épisode, dans les chap. 42 à 46, est pleine de beauté et d’instruction. L’histoire de la scène en Égypte et de la distribution générale des approvisionnements, que Joseph avait faits pour ce pays et la terre entière, est dûment résumée plus loin au chap. 47. « Car quelle sera leur réception, sinon la vie d’entre les morts ? » demande l’apôtre en rappelant, par l’Esprit, l’histoire d’Israël (Rom. 11). « Si leur chute est la richesse du monde, et leur diminution, la richesse des nations, combien plus le sera leur plénitude ? » Nous sommes donc préparés à voir cette repentance des Juifs, avant la pleine bénédiction du monde.
Il serait impossible de ne pas nous arrêter un peu sur ce travail, sur ce retour de leurs coeurs, produit par la manière d’agir de Joseph. Nos propres coeurs seraient bien froids, s’ils n’étaient émus devant cette scène, pour l’admirer, en jouir et en rendre grâces ; tant elle abonde en traits touchants d’une vraie affection ; tant elle met en lumière les principes moraux de notre nature ; tant elle fait ressortir la manière dont Dieu opère par son Esprit pour amener les pécheurs, par la conviction et le sentiment de leur état de ruine, à la repentance et à la vie.
La scène de ce travail de Dieu est un temps de disette et d’affliction, comme il arrive souvent dans les voies de Dieu de toute grâce. Car il ne se refuse pas à être cherché par nous, lorsque nous ne pouvons faire autrement. Il en fut ainsi pour le fils prodigue ; il en est ainsi pour les frères de Joseph, et nous trouverons un jour, je n’en doute pas, qu’il en a été ainsi pour une bonne partie de ceux qui loueront pour toujours son nom dans la gloire. Le fils prodigue ne pouvait faire autrement ; il fut contraint de retourner à son père et à la maison de son père. Les frères de Joseph ne peuvent faire autrement ; ils sont contraints de descendre en Égypte, aux lieux de dépôt de l’Égypte. Cela peut être honteux, humiliant pour le coeur de l’homme de se tourner ainsi vers Dieu, lorsqu’il n’y a plus d’autre ressource. Mais le Seigneur se fait trouver par nos coeurs vils et égoïstes. Il condescend, comme l’a dit quelqu’un, à entrer par cette porte que la nature méprise. Pendant vingt longues années, les frères de Joseph ont vécu à l’aise et dans la prospérité, ayant beaucoup de biens assemblés, et abondance de bénédictions autour d’eux ; Joseph et ses souffrances étaient entièrement oubliés. Pour un temps, le fils prodigue avait son argent, la part du bien de son père qui lui était échue, et avec son argent, tant qu’il dura, il avait cherché sa propre satisfaction, en tournant le dos à son père. Mais la famine atteint le « pays éloigné » et ici « le pays de Canaan » ; alors, bon gré, mal gré, il faut recourir à la maison du père ou aux approvisionnements de Joseph (voir Osée 5:15).
Ainsi s’ouvre la scène ; les frères de Joseph descendent en Égypte pour acheter des vivres.
Dès que Joseph les voit, il les reconnaît. Il « se souvint des songes qu’il avait songés à leur sujet ». Mais aussitôt il s’impose la tâche de restaurer leurs âmes (Gen. 42:9).
Chose étrange, et néanmoins excellente ! Ses songes l’avaient simplement élevé au-dessus d’eux S’il n’eût voulu que montrer la réalisation de ses songes, il eût pu, lorsqu’il se les rappela, se faire connaître, et comme la gerbe honorée, ou comme le soleil, roi des astres, dans le ciel, les faire tomber sur leurs faces devant lui. Mais son but est de relever leurs âmes, et non de s’exalter lui-même C’est l’objet qu’il se propose dans son coeur, lorsque le moment arrive où il aurait pu faire paraître sa propre élévation et leur humiliation, selon le sens de ses songes. Quelle excellence cela nous révèle ! Il y eut, plus tard, un personnage qui, sachant qu’il était venu de Dieu, qu’il s’en allait à Dieu, et que le Père lui avait mis toutes choses entre les mains, se leva, se ceignit, et se mit à laver les pieds de ses disciples. La conscience qu’il avait de ses dignités, ne fit que le conduire à vaquer au service de ses saints. Qui peut exprimer la sublimité d’un tel acte ? De bien loin, Joseph me le rappelle ici. Il se souvient de ses songes, songes qui lui donnaient une position élevée, mais rien de plus ; néanmoins, il s’occupe aussitôt du lavage des pieds, des coeurs coupables, des mauvaises consciences de ses frères, pour les guérir, les laver et les relever.
Chose étrange, je le répète. Nous ne voyons aucun rapport entre ce souvenir et cette manière d’agir, si ce n’est dans la grâce, la grâce divine, de laquelle Joseph était le témoin et dont Jésus, en Jean 13, est le divin exemple.
« Joseph se souvint des songes qu’il avait songés à leur sujet,
et il leur dit : Vous êtes des espions ; c’est pour voir les lieux ouverts du
pays que vous êtes venus ». Cette accusation avait pour but de restaurer leurs
âmes, quelque humiliant et pénible que fût ce chemin. Pour obtenir des
résultats, il faut agir fidèlement sur la conscience ; et c’est à quoi Joseph
s’emploie aussitôt. Il simule l’étranger vis-à-vis d’eux. Il se sert d’un
interprète et leur parle rudement. Il faut qu’il réveille leur conscience, quoi
qu’il en coûte à ses sentiments personnels. Pour le moment, son amour doit être
ferme, plus tard, il versera des larmes et montrera sa tendresse. Alors il sera
satisfait ;
maintenant il lui faut servir.
Au jour de leur péché, ils
avaient dit : « Le voici, il vient, ce maître songeur » ; et maintenant, au jour où
ils sont convaincus de péché, il leur dit : « Vous êtes des espions ; c’est pour
voir les lieux ouverts du pays que vous êtes venus ». Ils avaient autrefois
vendu leur frère, sans aucune pitié dans leur coeur ; maintenant, un
commandement péremptoire et sans réplique, ordonne que l’un d’eux soit pris et
chargé de chaînes. Mais le but de tout ceci, le dessein de la grâce, est de
planter profondément la flèche dans la conscience, pour qu’elle y instille tout
son poison et y applique la sentence de mort. Or ce but est atteint. Lorsque
Dieu agit, la puissance de l’Esprit est dirigée par les conseils de l’amour.
« Si, liés dans les chaînes, ils sont pris dans les cordeaux du malheur, il leur
montre ce qu’ils ont fait, et leurs transgressions, parce qu’elles sont
devenues grandes » (Job 36:8-9). « Certainement nous sommes coupables à l’égard
de notre frère », disent-ils tous, également repris dans leurs consciences, « car
nous avons vu la détresse de son âme quand il nous demandait grâce, et nous ne
l’avons pas écouté, c’est pourquoi cette détresse est venue sur nous ».
C’était quelque chose ; c’était beaucoup, mais Joseph doit
poursuivre son service
d’amour. Si au
premier abord, lorsqu’il s’était souvenu de ses songes, il eût consulté sa
propre gloire,
il se serait aussitôt
fait connaître et se serait présenté comme l’homme honoré au milieu de ses
frères confondus et humiliés. De même, s’il n’avait consulté que son coeur,
il se serait fait connaître et
aurait été heureux et satisfait de recevoir les embrassements de ses frères
repentants et affligés Mais il ne consulta ni sa gloire, ni son coeur. Son amour voulait servir ;
et le
laboureur du coeur comme celui du sol, a parfois besoin de « prendre patience »,
en attendant les pluies de la première et de la dernière saison.
Ce commencement était heureux et donnait à espérer, parce qu’il
y avait là de la réalité.
Mais Joseph
voulait encore savoir si ses frères avaient des coeurs d’enfants et de frères,
ou s’ils étaient encore, comme autrefois, insensibles aux pleurs d’un frère et
à la douleur d’un père. Il les met donc à l’épreuve. Il fait tout travailler
ensemble, la dureté et la bonté, les encouragements et les alarmes, les
accusations et les festins, les faveurs et les reproches ; quoiqu’en vérité il y
ait peu de différence entre ces choses pour une conscience coupable. Quand elle
est timorée, elle voit, comme Hérode, en Jésus, Jean le baptiseur ressuscité
d’entre les morts ; et le « bruit d’une feuille agitée par le vent la poursuit ».
La bonté et la dureté lui inspirent une égale terreur : « les hommes eurent peur
de ce qu’on les menait dans la maison de Joseph ». Ils avaient peur sans aucune
raison. Mais tout cela opère une repentance dont on n’a pas de regret ; et
bientôt sera produit le fruit qui convient à la repentance.
Joseph conçoit un plan pour manifester s’il y a maintenant en eux un coeur d’enfants et de frères.
Comme ils se préparent pour la seconde fois à retourner en Canaan, emportant des vivres pour eux et pour leurs maisons, la coupe de Joseph est placée dans le sac de Benjamin — nous connaissons tous cette histoire — et ils se mettent en route pour leur voyage. Mais, quelque simple que cela paraisse, c’est ici que la crise a lieu. Leurs propres bouches devront maintenant prononcer leur sentence ; car la question va être posée : Sont-ils comme ils étaient autrefois, ou bien un coeur de chair leur a-t-il été donné ? La détresse de Benjamin va-t-elle les émouvoir, quand autrefois les pleurs de Joseph n’avaient pu le faire ? La douleur de leur vieux père à la maison parlera-t-elle à leur coeur, ce que jadis elle n’avait pas fait ? Ce lieu, ce moment, renouvelaient les champs de Dothan. Ils se reportaient en esprit au lieu où ils avaient commis leur crime. Dans les champs de Dothan, au chap. 37, ils avaient eu à décider s’ils sacrifieraient leur frère innocent Joseph à leurs méchants désirs, à leur jalousie et à leur haine Ici, lorsque Benjamin est réclamé comme captif parce que la coupe a été trouvée dans son sac réclamé comme devant payer de sa vie et de sa liberté envers le seigneur de l’Égypte, la question leur est pareillement posée : Sacrifieront-ils Benjamin, et retourneront-ils chez eux, le coeur tranquille, indifférents et satisfaits ?
Rien ne peut surpasser cette sagesse de Joseph pour ramener ses frères, moralement et en esprit aux champs de Dothan. La même question leur est présentée et solennellement posée. Juda, celui que ses frères loueront, y répond. Ils étaient, en réalité, innocents du vol de la coupe, mais cela ne pèse pas sur leurs consciences, et Juda n’en fait nulle mention. La conviction d’avoir péché fait perdre de vue cette accusation. L’iniquité commise est la seule chose qui l’occupe. « Je connais mes transgressions, et mon péché est continuellement devant moi ». Les frères de Joseph auraient pu parler de leur innocence et se sentir blessés de ce qu’ils étaient ainsi, successivement mal compris et faussement accusés. Ils avaient été appelés espions, quand ils n’avaient aucun mauvais dessein ; maintenant, ils étaient traités comme d’indignes voleurs, quoiqu’ils fussent d’honnêtes gens. Ils auraient pu dire que c’en était trop. Ils auraient pu souffrir bien des choses, des propos injurieux et de rudes procédés, mais être traités de voleurs était plus que la chair et le sang ne pouvaient supporter. Mais non — rien de tout cela n’a lieu — les frères de Joseph n’en étaient plus là. Ils avaient autrefois caché leur culpabilité par le mensonge indigne fait à leur père ; maintenant ils sont prêts à cacher leur innocence au sujet du vol, sous la confession qu’ils font à Joseph. Juda s’avance pour déclarer leurs pensées nouvelles. Ils étaient bien innocents de toutes ces choses-là, depuis la première jusqu’à la dernière, ils n’étaient ni des espions, ni des fourbes, mais quelque vingt années auparavant, ils s’étaient rendus coupables de ce dont (comme ils devaient le supposer) cet étranger en Égypte ne savait rien, mais qui était connu de Dieu et de leurs consciences. Ils pouvaient être maintenant innocents mais alors ils avaient été coupables : leur péché, leur péché seul, était maintenant devant eux. S’ils parlent, c’est pour le confesser, non pour se justifier. « Que dirons-nous ? » dit Juda. « Comment nous justifierons-nous ? Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs ».
Joseph fait un moment comme si tout cela n’était d’aucun intérêt pour lui. C’est peut-être leur affaire, mais Benjamin lui appartient ; Benjamin est le coupable envers le grand seigneur de l’Égypte, il faut que lui reste, les autres peuvent retourner chez eux aussitôt qu’il leur plaira : « Celui en la main duquel la coupe a été trouvée, lui, sera mon serviteur ; et vous, montez en paix vers votre père ».
Que peut-il y avoir de plus beau ? Je le demande. La sagesse de Salomon, décidant la question entre les deux prostituées, fut-elle plus remarquable ? Selon l’esprit de jugement qui convenait à celui qui était assis comme juge, il sut faire parler le coeur d’une mère. Et Joseph ici, avec une sagesse semblable reçue de Dieu, ne fait-il pas parler le coeur de ses frères, qui est vraiment mis à nu ? Sur ces paroles de Joseph, Juda s’approche, et, avec les entrailles d’un fils et d’un frère, il plaide pour Jacob et pour Benjamin. « Le jeune homme » et « le vieux père » sont le refrain de son discours, car c’est d’eux que son coeur est plein. Lui restera comme esclave de son seigneur ; seulement que « le jeune homme » monte vers « son père ». Que du moins le coeur du père soit consolé, et que l’innocence de Benjamin le garde, et Juda sera reconnaissant, quoi qu’il lui arrive à lui-même. Le but est atteint.
Nous arrivons maintenant au but poursuivi dès le commencement. La bonté de Dieu les avait poussés à la repentance. Joseph est maintenant vraiment exalté ; la gerbe s’est levée et s’est tenue debout ; mais la repentance est « le fruit de ce que leur péché est ôté ». De même, Christ est maintenant exalté comme « prince et sauveur, afin de donner la repentance à Israël et la rémission des péchés » (Actes 5: 31). Maintenant le voile peut être déchiré, et il le sera dans l’avenir. Joseph se fera connaître à ses frères.
Mais c’était un moment d’une préparation difficile. La réapparition de celui qu’ils avaient haï et vendu, et dont le souvenir avait si profondément remué leurs âmes, pouvait les accabler Il devra en modérer l’éclat à leurs yeux, de peur qu’ils ne puissent le supporter. Mais l’amour est ingénieux ; ses moyens et ses instruments sont prêts pour toute occasion. « Je suis Joseph », dit-il a ses frères ; mais, tout d’une haleine (comme cela se fait souvent parmi nous), il ajoute : « Mon père vit-il encore ? »
Scène d’une exquise beauté, dans les voies de la grâce, et où l’amour montre une intelligence parfaite. Joseph aurait pu répondre lui-même à cette question. Les paroles de Juda, qui résonnaient encore à son oreille (car elles étaient trop précieuses pour qu’il les eût oubliées), lui avaient déjà appris que son père était encore vivant, mais il se hâtait d’amener en scène une troisième personne. Il ne pouvait pas permettre que les serviteurs et officiers du palais fussent présents, car cela aurait été exposer en public le péché de ses frères. D’autre part, il redoutait que ce fût trop pour eux de se trouver seuls avec lui. C’est pourquoi il fait intervenir quelqu’un, le meilleur de tous, le père.
Cela est vraiment parfait à sa place et me rappelle la scène du puits de Sichar. « Je le suis, moi qui te parle », dit le Seigneur à la femme à laquelle il venait de révéler qu’elle était dans le péché. Ce n’était pas seulement : « Je le suis » ; mais : « Je le suis, moi qui te parle ». Par ces mots, il révèle sa gloire. Il est devant elle comme le Messie qui, comme elle l’avait dit, pouvait lui faire connaître toutes choses, et qui, comme elle venait de l’éprouver, lui avait réellement dit toutes choses, des choses terribles pour une conscience réveillée. Mais, en même temps, il lui révèle la grâce douce, condescendante, attirante de Celui qui était assis là, parlant avec elle. À ce titre, l’âme de cette femme pouvait trouver la liberté, et la trouva là où elle aurait pu s’attendre à être écrasée sous le poids de son péché.
Quelle sagesse dans les voies de l’amour ! Ses riches trésors sont, comme dit le poète :
« La source intarissable
Qui satisfait tous nos besoins ».
Ce qui nous manque, c’est de nous y confier davantage et de nous y abandonner.
L’amour de Joseph continue encore à se manifester.
Peu après il répète à ses frères : « Je suis Joseph », et ajoute : « que vous avez vendu pour l’Égypte ». Mais ensuite, il raconte aussitôt en détail les desseins de Dieu dans toute cette affaire, et leur explique quelle immense importance allait avoir pour le Pharaon, pour l’Égypte et pour le monde entier, aussi bien que pour eux et leurs maisons, le fait qu’il avait quitté la maison paternelle. L’amour de Joseph ne leur laisse pas le temps de penser à eux-mêmes ; il occupe leurs esprits d’une multitude d’autres pensées, puis il les embrasse et pleure avec eux.
Après tout cela, le peuple du Pharaon peut revenir prendre part avec eux à cette scène. Il peut maintenant voir dans ces étrangers venus de Canaan, non les persécuteurs, mais les frères de Joseph. C’est comme tels qu’ils sont amenés dans son palais. Il en est de même dans la parabole du fils prodigue ; le père le voit dans sa misère, tandis qu’il est encore couvert de haillons, honteux, affamé, il le couvre de baisers et le reçoit avec joie ; mais la maison doit le voir à la table de son père comme fils. « Faites sortir tout le monde d’auprès de moi », avait dit Joseph, sur le point de se faire connaître à ses frères ; mais maintenant la maison du Pharaon apprend que les frères de Joseph sont venus. Nous respirons dans tout ceci le parfum de la personne bénie que nous apprenons à connaître dans les évangiles. Genèse 45 nous introduit en Jean 4 et en Luc 15.
Il y a dans l’histoire de la vie humaine des occasions qui
appartiennent exclusivement au coeur.
Il
y en eut pour le Seigneur, comme il y en a parfois pour nous tous. Dans ses
rapports avec ses disciples, sa fidélité ne faisait jamais défaut. Il ne
passait pas par-dessus leurs fautes. Il les reprenait très souvent, parce qu’il
les aimait parfaitement ; et il les instruisait plutôt que de se satisfaire
lui-même. Mais il vint un moment où la fidélité laissa toute la place à la
tendresse. Je veux parler de l’heure de la séparation,
que nous trouvons en Jean 14 à 16. Il était trop tard alors pour la
fidélité. Ce n’était plus par les répréhensions d’un pasteur que leurs âmes
devaient être formées. Il ne leur était plus dit : « Gens de petite foi ! » ni :
« Comment n’entendez-vous pas ? » C’était l’heure de la séparation, et il était
permis au coeur de l’occuper tout entière.
Or les moments où a lieu une réconciliation,
sont pour le coeur comme ceux d’une séparation. Le coeur veut les occuper
tout entiers. La tendresse seule convient alors ; la fidélité serait une
intruse. Ainsi en est-il ici pour Joseph. Il laissa éclater sa voix en pleurs,
de sorte que la maison du Pharaon l’entendit. 31 pleura sur le cou de tous ses
frères et les baisa ; il se jeta au cou de Benjamin et pleura, et il le baisa.
S’il parle au milieu de ses larmes, c’est seulement pour encourager ses frères,
pour leur donner des gages de son amour et leur faire comprendre qu’ils
devaient être devant lui en parfaite confiance et tout à fait libres (*).
(*) Il ne parait pas qu’il ait divulgué le péché de ses frères ni au Pharaon, ni à sa maison, ni à personne en Égypte.
Sûrement, l’on peut revendiquer ces droits et ces privilèges
pour l’heure de la séparation,
comme
pour celle de la réconciliation.
Ils
furent respectés, au moment où Joseph fut rendu à ses frères. Mais, ce moment
passé, lorsque Joseph les a présentés au Pharaon et aux gens du palais, et
qu’ils sont sur le point de retourner en Canaan, pleinement décidés à amener
leur vieux père vers Joseph en Égypte, lorsqu’ils sont là debout, Benjamin avec
eux, Siméon avec eux, lorsque tout est à la joie en vertu de la faveur qui leur
est faite et de leurs glorieuses perspectives, un mot d’avertissement n’est pas
hors de saison, et Joseph le leur donne : « Ne vous querellez pas en chemin ». La
question : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? » parla au coeur de Pierre d’une
manière toute semblable, et dans un moment pareil, lorsque la réconciliation,
comme je puis l’appeler, avait été faite, que le filet non rompu de Pierre
avait enfermé une quantité de poissons, et qu’il avait soupé sur le rivage de
la mer en compagnie du Maître qu’il avait renié.
Certes, tout ici, d’un bout à l’autre, est parfait. On trouve dans l’Écriture une magnifique morale un chef-d’oeuvre de Dieu. On sent partout en elle le souffle de l’Esprit. Elle a la tendresse de l’Esprit, sa grandeur et sa profondeur. Dans les résultats de l’histoire de Joseph et de ses frères, nous voyons des choses excellentes. Il y eut des réponses merveilleuses à ce qui avait été pour et contre Joseph, à ses prétentions futures comme aux injustices qu’il avait souffertes. Quelque haute dignité que lui eussent promise ses songes, il la reçut dans sa pleine mesure. Quelques torts qu’il eût subis, ils furent tous vengés, de la manière même que son propre coeur aurait choisie. Le jugement du péché de ses frères contre lui, fut exécuté dans leur propre coeur ; pas une seule parole dure à cet égard ne sortit de sa bouche du commencement à la fin.
Tels furent les résultats de ce qui avait été pour et contre lui. « Cela aussi vient de l’Éternel des armées ; il se montre merveilleux en conseil et grand en sagesse ».
Mais il me faut considérer encore un moment tout ceci. La
conviction dans la conscience peut n’être qu’une chose naturelle, comme un
travail ordinaire de l’âme, dont l’absence choquerait comme prouvant que la
conscience est cautérisée ou endurcie. Mais quand il y a plus que le simple
réveil naturel de l’âme, quand l’Esprit de Dieu l’a produit, il prend
possession de son objet comme d’un instrument pour s’en servir. David, quand il
a été convaincu par l’Esprit, dit à Dieu : « Contre toi, contre toi seul, j’ai
péché, et j’ai fait ce qui est mauvais à tes yeux ». Il en sera ainsi d’Israël
au jour où il sera convaincu de son péché ; car sa conscience sera alors mise en
rapport avec le Jésus qu’il a rejeté et crucifié. Comme dit l’Éternel par le
prophète : Je répandrai sur eux « un esprit de grâce et de supplications ; et ils regarderont vers moi, celui qu’ils
auront percé,
et ils se lamenteront sur lui, comme on se lamente sur un
fils unique, et il y aura de l’amertume pour lui, comme on a de l’amertume pour
un premier-né » (Zac. 12:10). Telle est la conviction, lorsque l’Esprit de Dieu,
et non pas seulement la nature, la produit. La conscience est ici en action
« par l’Esprit Saint », comme dit l’apôtre. En ce jour-là, sous l’effet de cette
autorité et de cette puissance, Israël s’adressera directement à Jésus. Ésaïe
53 présente la même chose sous une autre forme. C’est dans l’âme un travail
d’une grande valeur — un travail toujours nécessaire
en chacun de nous.
Ce travail, nous le voyons chez les frères de Joseph. Un autre
en a déjà fait la remarque d’une manière générale, mais cela mérite notre sérieuse
attention. C’est leur péché contre Joseph qu’ils se rappelaient au jour de leur
détresse. « Certainement nous sommes coupables à l’égard de notre frère »,
disent-ils, « car nous avons vu la détresse de son âme quand il nous demandait
grâce, et nous ne l’avons pas écouté ». D’autres péchés auraient pu se présenter
à leur conscience. Ruben aurait pu penser à la souillure de la couche de son
père, Siméon et Lévi, au sang répandu par eux et à leur trahison, Juda, à son
mariage ; mais, ayant été réveillés de leur sommeil de mort, par l’Esprit, et
non pas simplement par la détresse qui leur est survenue, ils se rappellent
leur péché commun,
et, comme par une
seule conscience, ils parlent de leur méchanceté à l’égard de Joseph. Or c’est
ce qui caractérise l’opération de l’Esprit pour produire cette conviction.
Un tel travail, je le répète, est nécessaire pour chacun de
nous. Mais le sang
doit faire son
oeuvre, aussi bien que l’Esprit de grâce. Joseph, comme nous l’avons vu,
interprétait ses afflictions bien que causées par les mains iniques de ses
frères, tout autrement que leur frayeur et leur culpabilité les leur avaient
fait interpréter. Ils avaient dit, avec parfaite raison : « Certainement nous
sommes coupables à l’égard de notre frère » ; lui-même dit — et c’était très vrai
— : « Dieu m’a envoyé devant vous, pour vous conserver la vie ». Tel est
l’Évangile. Nous sommes convaincus de péché, mais sauvés. Nous apprenons que
nous nous sommes détruits nous-mêmes, mais en Lui est notre secours. Le sang
est la réponse à la lance du soldat. Il coule des blessures mêmes que nos
propres mains lui ont infligées. Telle sera aussi au jour dont parlent És. 53
et Zac. 13, l’histoire du Résidu juif qui, comme nous le savons, est typifiée
par les frères de Joseph. La croix est le témoin. La foi se tient devant elle,
et là elle apprend à la fois ce que sont la ruine
et la rédemption.
Au cours de cette merveilleuse histoire, nous avons vu que la réconciliation a eu lieu. Joseph a reçu ses frères ; tout est donc prêt pour la pleine bénédiction d’Israël. La restauration doit suivre la conversion. Après la repentance d’Israël doivent venir les temps de rafraîchissement et de rétablissement. Le vieux père, avec sa maison et ses troupeaux, est amené de Canaan, et, avec ses fils présenté à Pharaon ; ils sont établis dans la meilleure partie de tout le pays, dans le pays de Goshen, à Ramsès.
Ils pouvaient laisser leurs meubles derrière
eux car le meilleur de tout le pays d’Égypte était devant
eux (Gen. 45:20), et cela se
vérifia parfaitement. Au commencement, ils avaient apporté leurs sacs vides en
Égypte pour les remplir, mais ils devaient éprouver qu’il y avait là un coeur
et une main capables de donner sans mesure et prêts à le faire ; et plus ils
étaient à vide, plus ils seraient comblés de ces richesses.
Ils n’étaient que des bergers, de pauvres étrangers, il est vrai ; mais Joseph, l’homme du jour, le seigneur de l’Égypte, « n’avait pas honte de les appeler frères ». Il les reconnaît en présence du roi, des gens du palais et de la nation, et le roi les reçoit comme tels. Ils étaient les frères de Joseph, cela suffisait au Pharaon. Ceci, assurément, est aussi pour nous. Le jour est proche, où toutes ces choses seront réalisées dans leurs grands antitypes, Christ et Israël. Christ retournera à Israël et dira : « C’est ici mon peuple, et Israël dira : L’Éternel est mon Dieu ».
Quelles que soient la grandeur et l’excellence des grâces dont
nous venons de parler, il y a plus encore. La terre elle-même doit être mise en
ordre et bénie, l’héritage doit être conservé aux yeux de tous, après que les
frères de Joseph ont été restaurés et ramenés ; c’est ce que nous allons
maintenant considérer. Au chapitre 47, Joseph devient celui qui soutient le
monde, pourvoit à sa vie et le maintient en ordre. Les hommes sont un peuple de
franche volonté au jour de sa puissance. Tout ce que fait Joseph est bon aux
yeux de tout le peuple. Les Égyptiens cèdent au Pharaon leur argent, leur
bétail, leurs terres et leurs personnes ; néanmoins tout leur est agréable, car
ils doivent la vie à Joseph. L’Égypte d’alors est une figure du monde nouveau,
du monde ramené à Dieu par la rédemption.
Elle était une « possession acquise », précisément ce que sera la terre
millénaire (Éph. 1:14). C’était la création réconciliée, délivrée par la main d’un
sauveur, du fléau de la famine, de la mort et de la malédiction. Le blé de
Joseph avait acheté les terres, le bétail et le peuple. Tout était en la main
du Pharaon, sous un nouveau caractère ; il avait acquis cette possession sur le
terrain de la grâce par la rédemption. Le Pharaon, qui était roi du pays, est
toujours roi du pays ; mais un autre, un Rédempteur du pays et du peuple, lui
est maintenant associé, ce qu’il n’était pas auparavant. Quel tableau nous
avons ici du jour millénaire, tracé par la main même de Dieu ! quelle garantie
assurée, quel beau type de la terre pendant les siècles du royaume !
Le Pharaon avait cru Joseph, lorsque Joseph lui avait annoncé
d’avance ce qui devait arriver. Avant que rien de ce qu’avait dit Joseph eût
commencé à s’accomplir, le Pharaon l’avait établi en dignité et en puissance,
lui avait donné une femme d’entre les filles des excellents du pays, et lui
avait conféré un nom qui disait à tous ce qu’il pensait de lui et comment il le
considérait (*). Joseph, de son côté, dans la
confiance que tout serait selon l’interprétation que Dieu lui avait donnée,
accepta tout de la main du Pharaon ; et ensuite,
vinrent les années d’abondance, se succédant pour donner raison aux
prédictions de Joseph et pour justifier tous les honneurs qui lui furent
conférés par le Pharaon (voir chap. 41).
(*) On nous dit que, dans l’ancienne langue égyptienne, Tsaphnath Pahnéakh signifiait « sauveur du monde » ; d’après l’hébreu, on peut le traduire par « révélateur de secrets ».
Nous avons ici de précieux aperçus de tout ce dont nous trouvons les antitypes, la réalité éternelle, dans les conseils secrets de Dieu et de son Oint. Nous n’avons qu’à nous incliner et à adorer et, tout en recueillant et butinant les richesses de la parole de Dieu, à nous réjouir et à être reconnaissants. « J’ai de la joie en ta parole, comme un homme qui trouve un grand butin ». « J’ai pris plaisir au chemin de tes témoignages, autant qu’à toutes les richesses ».
Il convenait que nous eussions dans l’histoire de Joseph cet
échantillon du monde nouveau, c’est-à-dire de l’état millénaire à venir ; car,
comme nous l’avons dit en commençant, Joseph est l’héritier,
placé devant nous pour représenter un héritier de la
grâce de Dieu, ses pères ayant avant lui présenté chacun une part dans la même
riche et abondante grâce. En Abraham, nous avons vu l’élection ;
en Isaac, la position
de fils,
à laquelle l’élection nous a prédestinés ; en Jacob, la discipline,
dans laquelle la position de
fils nous place ; et maintenant, en Joseph, nous voyons l’héritier
et l’héritage
qui
lui échoit, dernière partie aussi du mystère des conseils de la grâce et
dernière partie aussi du livre de la Genèse.
Il n’y a ici ni langage, ni paroles ; toutefois, une voix s’y
fait entendre distincte, parfaite et harmonieuse pour l’oreille du racheté. Si
nous considérons Joseph seul, nous voyons une page de l’histoire sacrée, pleine
de Jésus : d’abord un Jésus rejeté,
puis
un Jésus ressuscité et monté en haut,
et,
à la fin, un Jésus millénaire,
dans
son héritage et son royaume.
De tout temps, Dieu connaît toutes ses oeuvres. Mais ce qui ne
nous est pas dit, nous enseigne aussi sûrement que ce qui est dit. Il a formé
la lumière et les ténèbres. « À toi est le jour, à toi aussi la nuit ». Dans tout
ce magnifique tableau de l’héritage, il y a une personne que nous nous serions
attendus à voir avant tout autre,
et
cependant nous ne la voyons pas du tout.
Asnath,
l’épouse, ne s’y trouve pas. Elle et ses enfants n’ont aucune part dans cette
grande organisation de toutes choses dans le pays ; on ne les voit pas, ils ne
sont pas même mentionnés. Auraient-ils été oubliés ? Cela ne peut être. Mais
Asnath est un type de l’épouse céleste, donnée à Joseph d’entre les gentils au
jour de sa séparation d’avec sa parenté, et sa part est plus excellente que
tout ce que le pays dans son ordre le plus parfait pourrait avoir pour elle ; sa
part est en celui et avec celui qui est le seigneur et le dispensateur de tout.
Asnath est absorbée en Joseph ; autrement dit, elle ne peut être vue qu’en lui.
Ainsi, au commencement, il nous est parlé de l’état final parfait ;
car tout ceci, dans le livre de
la Genèse, est « l’administration de la plénitude des temps », en laquelle Dieu
réunira en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux
et les choses qui sont sur la terre. Assurément, bien-aimés, à la vue de la
confusion actuelle du monde, au milieu du tumulte des pensées humaines qui est
continuellement autour de nous, il est heureux d’apprendre de la bouche de tels
témoins que la fin était devant Lui dès le commencement. « Le conseil de
l’Éternel subsiste à toujours, les desseins de son coeur, de génération en
génération ». Son peuple et ses desseins sont en tout temps devant ses yeux ; et
ces vérités consolaient les apôtres, lorsqu’ils rencontraient autour d’eux des
désappointements sans nombre au sujet de l’Église (2 Tim. 2:19).
Quatrième partie
(Genèse
48-50). — Cette partie est plutôt, pour ainsi dire, un supplément à l’histoire
de Joseph. Elle se compose des récits de quelques actes détachés pendant les
dernières années du patriarche.
La première chose mentionnée est toutefois du même genre que l’histoire elle-même. Au chapitre 48, par lequel commence cette quatrième partie, nous voyons le droit d’aînesse conféré à Joseph ; or le droit d’aînesse et l’héritage sont, dans un certain sens, une même chose.
En Israël, c’est-à-dire sous la loi, le fils aîné devait avoir une double portion du bien de son père ; et la loi enjoignait qu’elle lui appartînt par un droit inaliénable, un droit qui ne pouvait être récusé. La double portion ne devait être donnée à aucun autre enfant de la famille pour aucune raison quelconque d’affection personnelle ou de partialité (Deut. 21:15-17).
Mais, quoiqu’il en fût ainsi, le premier-né pouvait lui-même vendre ou perdre son droit d’aînesse. Ses propres actes pouvaient l’aliéner, bien que la partialité ou les préventions de son père ne pussent le faire. Nous en avons des exemples. Ésaü le vendit, et Ruben le perdit (Gen. 25; 1 Chr. 5). Dans le cas de la vente de ce droit par Ésaü, Jacob qui l’acheta, acquit naturellement le titre de fils aîné. C’était le fait de la vente même, cela est clair. Mais dans le cas de la perte du droit par Ruben, qui devait le prendre ? Il revenait au père. Alors se pose la question : auquel des fils le père devait-il le conférer ? Ce chapitre 48 donne la réponse. Il nous présente la solennité de l’acte de Jacob mourant, investissant Joseph du droit d’aînesse qu’avait forfait Ruben, son premier-né.
Lorsqu’il apprend la maladie de son père, Joseph vient auprès de son lit, amenant avec lui ses deux fils Manassé et Éphraïm. Aucun des autres fils de Jacob n’est présent. L’Esprit de Dieu, parlant par Jacob, a spécialement affaire avec Joseph.
Jacob commence par raconter à Joseph que Dieu lui a donné le
pays de Canaan. C’était spécifier ce qui appartenait à la famille, quelle
propriété il avait à léguer à ses enfants. Ensuite il adopte
les fils de Joseph ; car cela était nécessaire, afin qu’il
pût les investir des droits d’enfants, puisque, en réalité, ils étaient légalement
étrangers à Abraham, leur mère étant égyptienne. Ils étaient donc une postérité
que la loi, en son jour, aurait renvoyée (Esdras 10:3). Mais Jacob les adopte.
Il les introduit dans la famille. « Et maintenant », dit-il à Joseph, « tes deux
fils, Éphraïm et Manassé, qui te sont nés dans le pays d’Égypte, avant que je
vinsse vers toi en Égypte, sont à moi ». Ils sont constitués semence d’Abraham
et deviennent enfants de Jacob ; à la suite de cela, Jacob leur donne aussitôt
la place du premier-né ; car il ajoute : « Ils sont à moi comme Ruben et Siméon ».
C’était un acte solennel d’investiture par lequel les droits du fils aîné, la double portion qui était liée au droit d’aînesse, passaient à Joseph dans la personne de ses deux fils (voir 1 Chr. 5; Ézé. 47:13) (*).
(*) Ce titre maintenant conféré, fut plus tard reconnu, lorsque l’héritage de la famille, le pays de Canaan, dut être divisé entre les tribus, Joseph reçut alors deux parts en ses deux fils, qui furent traités comme s’ils eussent été deux fils de Jacob.
Mais nous avons encore à nous demander : pourquoi Joseph fut-il
ainsi préféré ? Le droit perdu était revenu à Jacob, et c’était à lui d’en
disposer à nouveau. Pourquoi donc fut-il donné à Joseph ? Était-ce simplement un
acte de faveur ? Je ne pourrais le dire. La grâce, je le sais, fait comme il lui
plaît dans cette importante occasion ; et si nous étions dépouillés de
nous-mêmes comme nous devrions l’être, nous trouverions nos délices dans les
voies de la grâce, même si ce que nous recevions d’elle, dans ses distributions,
était seulement une bénédiction de la main gauche, telle que celle de Manassé.
Mais quelque vrai que cela soit, je demanderai si c’est simplement
la grâce qui a ainsi conféré à Joseph les droits du fils
aîné.
Ma pensée est plutôt que Joseph les a mérités.
Jacob les avait autrefois achetés ; je crois que Joseph les
a maintenant mérités.
Nous avons déjà suivi dans l’histoire son chemin jusqu’à l’héritage. Ce chemin, comme celui de son divin Maître, dont il est l’ombre éloignée, fut le chemin de l’affliction, de la réjection et de la séparation, mais aussi celui de la justice et du témoignage. Ce chemin se termina par l’honneur et la gloire dans l’héritage ; or le droit d’aînesse est lié à l’héritage.
Il nous est donc facile de croire, comme nous l’avons dit, que
Joseph mérita le droit d’aînesse. Juda mérita la royauté, Lévi, la
sacrificature, et de même, Joseph, la double part. Son père lui donna un gage,
« les arrhes de l’héritage », car à la fin de cette scène, Jacob lui dit : « Et
moi, je te donne, de plus qu’à tes frères, une portion que j’ai prise de la
main de l’Amoréen avec mon épée et mon arc ». C’étaient des arrhes, mais c’était
plus, c’était aussi un échantillon,
un
échantillon caractéristique, qui faisait voir ce que serait l’héritage quand Joseph
en aurait la possession. Cette portion avait été gagnée,
et celle de Joseph pareillement. L’épée de Jacob avait
gagné cette portion de terrain, comme la patience de Joseph avait gagné
l’héritage et le droit d’aînesse ; et c’est en rapport avec cela que le père
mourant le loue plus tard : « Les bénédictions de ton père surpassent les
bénédictions de mes ancêtres jusqu’au bout des collines éternelles ; elles
seront sur la tête de Joseph, et sur le sommet de la tête de celui qui a été mis à part de ses frères
» ;
ou comme Moise, homme de Dieu, dit de lui : « Que la faveur… vienne sur la tête
de Joseph, sur le sommet de la tête de celui qui a été mis à part de ses
frères » (Deut. 33:16).
L’apôtre parle de « la récompense de l’héritage », mots qui ne sonnent peut-être pas comme allant parfaitement bien ensemble ; car l’héritage est à titre de grâce, la récompense est sur le principe des oeuvres. De même, le Seigneur parle de donner « la couronne de vie », mots qui peuvent aussi paraître un peu discordants à l’oreille ; car la vie est à titre de grâce, et une couronne est une récompense. Mais l’âme accepte ces choses sans difficultés. « Que toutes les bénédictions achetées et toutes les bénédictions promises soient ta part ! » dit le martyr mourant à sa femme. C’étaient des paroles sages autant que précieuses ; car, dans un sens, toutes les bénédictions sont achetées ; dans un autre sens, elles sont promises ou données, ainsi que l’exprime une hymne :
« Oui, tout indigne que je suis,
Pour moi, Seigneur, par ton sang achetée,
Une couronne d’or au ciel m’est préparée,
Don gratuit de ton amour divin ».
C’est ainsi que, selon mon jugement, Joseph reçut le droit d’aînesse ou l’héritage. Il était en sa main « la récompense de l’héritage ». C’était une chose achetée, et en même temps une chose donnée ; une chose méritée, et en même temps un don gratuit. Nous voyons la grâce dans le fait qu’elle lui a été accordée ; mais nous y voyons aussi le fruit ou le résultat de ce chemin d’affliction comme martyr, que lui, et lui seul entre tous les fils de Jacob, suivit avec patience jusqu’au triomphe final.
La scène racontée dans ce chapitre est donc en plein accord avec le caractère général de l’histoire de Joseph. Nous voyons en lui l’héritier, et en outre, ce qui lui est conféré, le droit du premier-né, la double part, avec les arrhes de cette part, « les arrhes de l’héritage ».
Au chapitre suivant (49), Joseph est simplement l’un des nombreux fils de Jacob, celui-ci étant le principal personnage. Joseph et ses frères sont ensemble sous ses yeux et objets de ses pensées, tandis que le patriarche mourant est dirigé par l’Esprit pour leur dire ce qui leur arrivera à la fin des jours. Je ne m’arrête pas davantage sur ce sujet ; je renvoie à l’histoire de Jacob, où je l’ai déjà considéré.
Au dernier chapitre (50), Joseph est de nouveau le principal
personnage — toutefois, non pas tant symboliquement que personnellement,
c’est-à-dire, non comme héritier,
mais
comme homme.
Nous y voyons Joseph
lui-même, plutôt que le seigneur de l’Égypte, son caractère et ses vertus,
plutôt que sa position et ses dignités. Considéré personnellement, il est
peut-être le caractère le plus intéressant du livre de la Genèse. Sa piété est
plus fructueuse et plus solide que celle d’aucun de ses pères. Sa marche est la
plus fidèle, la plus conséquente aussi. Il y a moins d’élévation qu’en Abraham,
je le reconnais ; il y a naturellement moins d’exercice d’âme qu’en Jacob ; mais
à travers toutes les circonstances, les épreuves, les honneurs, les
changements, il est toujours l’homme de Dieu, marchant dans sa crainte et
devant Lui. Son histoire n’est pas composée de chutes et de relèvements, ni de
premières oeuvres à recommencer. C’est un sentier de lumière ; si ce n’est pas
d’une lumière qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi (Prov.
4:18), néanmoins c’est une lumière pure, calme et constante. Dans son histoire,
on ne trouve point de visites d’anges, ni d’apparitions du Seigneur, ni de
communications d’oracles divins ; mais en Joseph lui-même, nous voyons un vase
employé par Dieu, parce qu’il est approuvé de Lui — chose très précieuse à ses
yeux. Ce n’est ni Peniel, ni Beër-Shéba, des rafraîchissements et des
illuminations de temps à autre, mais un témoignage constant au-dedans, en sorte
qu’il connaissait le chemin de Dieu et n’en sortait pas. « Jusqu’au temps où
arriva ce qu’il avait dit : la parole de
l’Éternel
l’éprouva » (Ps. 105:19). L’autorité que l’Égypte reconnut en lui,
lorsque le temps fut venu, lui l’avait auparavant reconnue dans l’Éternel. Il
fut lui-même l’homme obéissant, puis il devint l’homme d’autorité. Il persévéra
comme Christ dans ses tentations, et ensuite un royaume lui fut conféré. La
soumission fut le sentier qui l’amena à sa position glorieuse ; c’est aussi le
sentier que doivent suivre tous les héritiers du même royaume.
Mais nous trouvons encore d’autres particularités dans l’histoire de Joseph. Nous ne trouvons pas chez lui la tente et l’autel, comme chez ses pères, car nous ne voyons pas en lui la position d’étranger sur la terre, mais l’héritage, le royaume, après la souffrance et l’humiliation. Ce n’est pas la tente qui paraît dans son histoire, mais la citerne et la prison, où seul il a été, et non pas ses pères. La tente et l’autel sont les symboles de leur appel ; la citerne et la prison, puis le trône, sont les symboles du sien.
Une autre particularité à relever, est que le Seigneur n’est
jamais appelé le Dieu de Joseph, comme il est appelé « le Dieu d’Abraham et le
Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ». Nous pouvons comprendre pourquoi. Joseph fut
plutôt au nombre des fils
qu’au
nombre des pères.
L’alliance ne fut
pas faite avec lui, comme elle l’avait été avec Abraham, Isaac et Jacob ;
personne ne fut mis de côté, afin que lui possédât la bénédiction. L’alliance
fut faite avec Abraham séparé de son pays, de sa parenté et de la maison de son
père. Elle fut renouvelée avec Isaac, Ismaël étant mis de côté. Elle fut de
nouveau renouvelée avec Jacob, Ésaü étant mis de côté. Mais elle ne fut pas
renouvelée avec Joseph ; car il était seulement un des fils de Jacob, et tous y
étaient également intéressés : ils étaient tous la semence en vue de l’alliance,
et Joseph n’était pas plus de cette semence qu’aucun des autres. Il n’y a donc
point de raison pour le titre caractéristique de « Dieu de Joseph ». Car, tandis
que la grâce fut déployée dans l’appel d’Abraham, puis de nouveau dans le choix
d’Isaac, le plus jeune, et dans le choix de Jacob, le plus jeune, elle ne fut
déployée en Joseph que dans la mesure commune à l’égard de toute la semence,
mesure qui se déversait sur les autres comme sur lui (*).
(*) Dieu est dans la suite appelé « le Dieu d’Israël », comme auparavant il avait été appelé le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ceci parce que son alliance fut avec la maison d’Israël.
Ainsi Joseph est placé devant nous, et nous le considérons soit moralement,
soit symboliquement :
soit avec ses vertus caractéristiques, soit dans sa
place typique particulière. Mais il reste encore une chose à dire sur lui : Il pleura beaucoup.
Paul dit qu’il « se souvenait » des larmes de Timothée ; or il y eut dans les yeux de Joseph bien des larmes dont il est bon que nous nous souvenions. David et Jonathan pleurèrent beaucoup, aussi bien que Paul et Timothée ; mais, je pourrais dire de Joseph qu’il versa plus de larmes qu’eux tous. Il eut des occasions plus variées de le faire. Certes, au milieu des progrès atteints de nos jours en fait de culture et d’ordre social, ce que nous devons désirer, c’est une effusion d’affections vives, réelles et profondes. Les larmes sont souvent précieuses, et quelquefois sacrées.
Au commencement, lorsque Joseph vit la conviction de péché réveiller la conscience de ses frères, il pleura. C’étaient des larmes à la fois de tristesse et de joie. Il sympathisait avec eux dans leur angoisse, mais il ne pouvait que se réjouir de voir le trait nécessaire atteindre son but et causer cette vive douleur.
Joseph pleura encore lorsqu’il vit Benjamin après lui le seul fils de sa propre mère, morte en lui donnant naissance, le seul des fils de son père (à ce moment tous présents devant lui), qui n’eût pas été coupable à son égard. Ce Benjamin il le voyait là devant lui ; c’était la nature qui faisait couler ces larmes.
Il pleura encore, lorsqu’il vit l’oeuvre de la repentance se continuer chez ses frères. Son coeur était fortement ému envers eux, jusqu’à ce qu’enfin les paroles de Juda le firent déborder ; la conviction de leur conscience avait alors enfin ramené leurs coeurs. Ces mots : « Le vieux père » et « le jeune homme », qui revenaient si souvent sur les lèvres de Juda, avaient une éloquence irrésistible, et Joseph ne put plus se contenir. Il éclata en sanglots, et la maison du Pharaon l’entendit. Mais il y avait ici plus que les larmes de la nature. C’étaient les entrailles du Christ, c’étaient les larmes du père sur le cou du fils prodigue.
Il est beau de le voir pleurer dans chacune de ces occasions ; mais il y a plus encore.
Il se jeta sur le visage de son père, aussitôt qu’il eut expiré, et pleura. C’était pour Joseph comme le tombeau de Lazare ; le lieu où Joseph et le Seigneur peuvent pleurer ensemble.
Il pleura encore lorsque, après la mort de son père, ses frères
commencèrent à douter de son amour. C’était un désappointement pour lui. Cette
récompense d’un amour constant, patient, qui les avait servis, le fit pleurer —
pleurer, nous pouvons le dire, dans l’esprit de Celui qui pleura sur Jérusalem.
Pendant des années, il avait fait tout ce qu’il avait pu pour gagner leur
confiance. Il les avait nourris, eux et leurs petits enfants. Des années
s’étaient passées, et nous ne voyons pas qu’il leur eût fait aucun reproche
direct ou indirect. La douleur au sujet de la mort de leur père venait de leur
faire voir les affections communes qui les liaient tous ensemble. Il leur avait
donné toute raison d’avoir confiance en lui. Et pourtant, après tout, ils
avaient peur de lui. C’était un coup terrible pour un coeur tel que celui de
Joseph. Toutefois il ne s’en montre pas froissé, si ce n’est que ses larmes
coulent et qu’il assure de nouveau ses frères de son amour diligent et fidèle.
De telles larmes n’ont-elles pas un caractère tout particulier de beauté ? Elles
sont comme les soupirs de l’esprit contristé du Seigneur. « Jusques à quand
serai-je avec vous ? » « Pourquoi êtes-vous craintifs ? » « Je suis depuis si
longtemps avec vous, et tu ne m’as pas connu ? » C’étaient là des soupirs
semblables à ceux du coeur attristé de Jésus. Jésus versait des larmes saintes,
et il en faisait, comme de tout
ce qui montait de lui vers Dieu, un sacrifice en parfum de bonne odeur ; Joseph,
David et Paul, Jonathan et Timothée aussi, ont versé des larmes précieuses,
qui sont comptées au nombre
des trésors de l’Esprit dans le coeur des enfants de Dieu.
Tel fut Joseph ; il appartient à cette même compagnie ; entre tous ceux dont nous parle le livre de la Genèse, il est peut-être, je le répète, celui qui nous attire le plus. Nous voyons en lui la grâce et l’intégrité que nous trouvons en Isaac ; toute sa conduite porte le cachet de la « piété » ; mais, en outre, il y joignait quelque chose que nous ne remarquons pas en Isaac : il avait de la fermeté — de l’énergie, aussi bien qu’un coeur sensible.
Il lui restait à rendre à la mémoire de son père les derniers devoirs de la piété ; et il le fait, nous n’avons guère besoin de le dire, en toute fidélité. Comme son père l’avait désiré, il l’ensevelit dans le pays de Canaan. Mais tout est fait en grande solennité — et c’est une occasion qui mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
Dans les temps d’autrefois, le culte était un cérémonial magnifique. Temples, autels, fêtes, jours saints, sacrifices et autres choses semblables y étaient essentiels, et il était dirigé par des officiants de différents ordres en vêtements spéciaux. La raison en était qu’en ces jours-là, le culte figurait d’avance certains grands mystères qui devaient être accomplis plus tard. Mais aujourd’hui ces mystères ont été accomplis dans la manifestation de Christ, de sa personne, de son oeuvre, de ses souffrances et de ses victoires, — de sorte que maintenant un culte somptueux n’est pas autre chose qu’un travestissement de tout ce qui se trouve dans sa pleine réalité et sa pleine efficace en Christ.
Ce qui est vrai du culte, l’est aussi des cérémonies funèbres. Autrefois, elles devaient être somptueuses, parce que la résurrection n’était alors qu’en perspective ; et ces cérémonies étaient des espèces de gages de la résurrection à venir, il convenait donc que le gage fût magnifique et correspondît à la gloire dont il proclamait la réalité. Mais maintenant, depuis que la résurrection a réellement eu lieu dans la personne du Seigneur Jésus, Fils de Dieu, les obsèques somptueuses, de même que le culte cérémonial, sont plutôt une honte, comme si le grand mystère n’avait pas encore été réalisé et n’avait pas été efficace. Car ce n’est pas la pompe funéraire qui est maintenant le gage de notre résurrection future, c’est la résurrection du Seigneur, prémices d’une moisson assurée.
Par conséquent, le culte et les obsèques doivent aujourd’hui,
par leur simplicité, proclamer la foi de l’Église en des mystères accomplis.
Nous avons devant nous la
victoire du Seigneur Jésus. Nous n’en donnons ni n’en recevons de gages, comme
dans les ordonnances ; mais nous la célébrons. Joseph d’Arimathée fit au corps
du Seigneur des obsèques coûteuses, comme ici Joseph, fils de Jacob, au corps
de son père aimé et vénéré. Nous lisons de Jésus : « On lui donna son sépulcre
avec les méchants ; mais il a été avec le riche dans sa mort ». Au jour de Joseph
d’Arimathée, le sépulcre n’avait pas encore été dépouillé ; on pouvait donc
encore lui donner un gage, comme celui des jours du patriarche. Mais dans
l’ensevelissement du Seigneur Jésus, nous voyons réellement pour la dernière
fois un gage ; car il est les prémices de ceux qui sont endormis. Les linges et
le suaire restent dans le sépulcre vide, butin d’un combat glorieux, trophée
d’une glorieuse victoire. La mort a été vaincue, et la foi célèbre aujourd’hui
ce dont les services et les coutumes, les ordonnances et les cérémonies,
n’étaient que les gages et les ombres. J’ajoute que la foi profita plus tard de
cet enseignement, car les obsèques qui suivirent la mise au tombeau de Jésus ne
furent accompagnées ni des aromates, ni du sépulcre du riche. Elles ne prirent
guère de temps, quoique faites avec amour et respect. « Des hommes pieux
emportèrent Étienne pour l’ensevelir et menèrent un grand deuil sur lui ».
Si nous avions de la foi, nous apprécierions profondément tout cela. Nos privilèges sont certainement grands. Dans les services de la maison de Dieu, la table a maintenant succédé à l’autel et, au lieu d’un sacrifice, nous faisons une fête en mémoire d’un sacrifice. Nous avons ainsi à voir la mort et l’ensevelissement aussi, à la lumière de la résurrection de Jésus.
Nous signalons ces choses à propos de l’ensevelissement de Jacob. Sa mort a un effet moral dans la famille, faisant ressortir (comme c’est souvent le cas, lorsque le chef de la famille est retiré) ce dont on ne soupçonnait pas la présence ; et il faut que Je médite un peu là-dessus.
La simplicité de la foi
des
patriarches était très remarquable. Elle était, comme leurs moeurs — belle,
parce qu’il n’y avait chez eux aucune affectation. Il n’y avait non plus chez
les saints de la Genèse aucune trace d’un esprit de servitude. Les patriarches
marchaient dans l’assurance du fait que Dieu était leur Dieu, que ses promesses
étaient leur part, et que la cité et le pays de la gloire étaient leur
héritage. Ils vivaient et mouraient dans cet esprit de foi. Leurs âmes
n’étaient souillées par aucun soupçon ou arrière-pensée, aucun doute, aucune
méfiance de la grâce. Et cela est sûrement d’autant plus étrange que, tandis
que nous n’apercevons nulle part chez eux cet esprit de servitude, nous le
voyons partout ailleurs, et d’un bout à l’autre des Écritures, dès que nous
quittons le livre de la Genèse. Il serait inutile de relever tous les cas
signalés par la Parole. Cet esprit travaille naturellement partout. Assurément
nous le reconnaissons en nous-mêmes, et nous le voyons en chacun de ceux qui
nous entourent
Comment se fait-il donc qu’il ne se montre pas chez les patriarches ? Est-ce parce qu’ils étaient constamment les témoins de la grâce et de l’élection de Dieu pour eux-mêmes, et n’avaient jamais entendu la voix de la loi ? Sans doute, et nous pouvons être certains que cela contribuait à former leur caractère. Mais, en outre, cette absence d’esprit de servitude était admirablement d’accord avec leur position dispensationnelle : ils étaient comme des enfants qui n’avaient jamais encore quitté la maison paternelle. Étant dans l’enfance, ils ne pouvaient pas se conduire en la présence de Dieu dans un esprit de crainte et d’incertitude, plus qu’un enfant, n’ayant pas quitté la maison paternelle, ne pourrait être porté à mettre en question son droit à la table et au logement dans la maison de son père. C’est en raison de la beauté et de la perfection morale de ces temps d’enfance dans ce livre de la Genèse, que nous y voyons chez les saints cette foi enfantine dans toute sa simplicité. Ils commettent des fautes, et cela occasionnellement par manque de foi, sous la pression de certaines circonstances ; mais leurs âmes ne sont jamais contaminées par un esprit de méfiance et de servitude. Nous voyons cela tout du long jusqu’à la fin du livre, quand, ayant dépassé le caractère patriarcal proprement dit, nous rencontrons un autre caractère chez les frères de Joseph, aussitôt après les obsèques de Jacob.
Il fut alors apparent qu’ils n’avaient pas en leur frère une pleine et tranquille confiance. Il y avait eu entre eux un objet d’intérêt commun, Jacob, et ce dernier avait été à un haut degré l’objet de leur confiance, au détriment de Joseph lui-même. Leur hardiesse ne provenait pas de ce qu’était Joseph et de ce qu’il avait fait ; le fondement de leur confiance était dans la circonstance de la présence de Jacob au milieu d’eux. Ils s’étaient repentis, ils avaient été convaincus de leur péché et avaient reçu la vie ; néanmoins, leur confiance n’honorait pas Joseph, comme ce dernier l’avait largement mérité.
Cela peut aussi nous apprendre quelque chose. Demandons-nous si l’appui et la communion des autres venant à nous manquer, nous trouverions que notre entière confiance avait été de tout temps en Jésus, et que, ayant si bien appris à connaître la grâce, nous avions pu demeurer sans voile en la présence de la gloire. Le départ d’un Jacob n’aurait produit aucun nuage dans l’atmosphère où vivent nos âmes.
Nous arrivons au terme des jours de Joseph. Toutefois, avant
d’être témoins de sa mort, nous avons (chose qu’il est de saison pour nous de
remarquer en des jours pleins d’événements comme sont les nôtres) un bel
exemple de la connaissance que possède la
foi du cours de l’histoire du monde.
Je ne parle pas ici de la connaissance prophétique
de ce qui va arriver parmi les nations comme l’eut
Daniel, lorsqu’il annonça l’apparition des divers empires, et montra ce que
signifiait la grande statue à la tête d’or et aux orteils de fer et d’argile. L’Esprit
lui communiquait cette
connaissance, le Seigneur remplissant son coeur et celui d’autres avec lui de
sa propre lumière Je parle seulement de ce que la foi
connaît quant au cours des choses qui doivent lui arriver.
Joseph dit à ses frères : « Je meurs, et Dieu vous visitera certainement, et vous fera monter de ce pays-ci dans le pays qu’il a promis par serment à Abraham, à Isaac et à Jacob ».
Les enfants d’Israël étaient à ce moment très heureux dans le pays d’Égypte. Ils jouissaient de la pleine faveur du roi ; ils possédaient la partie la plus riche du pays, et l’un d’entre eux était le second dans le royaume. On ne pouvait voir dans tout ce qui les concernait le moindre symptôme de danger ou de changement. Joseph lui-même avait tout le bonheur que les circonstances pouvaient lui donner. « Il vit les fils d’Éphraïm de la troisième génération ; les fils aussi de Makir, fils de Manassé, naquirent sur les genoux de Joseph ».
Mais au milieu de tout cela, Joseph parle de Dieu qui les visiterait ;
paroles qui
annoncent des jours d’affliction qui étaient proches, jours tels que Dieu
serait alors leur seul ami, leur seul secours.
C’était une parole étrange, fort étrange ! Qui pouvait y croire ?
Les hommes d’état et les politiques auraient dit : Joseph rêve-t-il ? Mais non,
Joseph ne rêvait pas. La parole de Dieu était sa sagesse. L’oracle divin, au
chap. 15, avait donne d’avance l’avertissement que l’Égypte opprimerait Israël,
mais que Dieu leur ferait du bien et les ramènerait en Canaan. Cette parole de
la bouche de Dieu était tout pour Joseph, tout pour la foi — les apparences
n’étaient rien. L’oracle l’avait prononcée. Joseph la croyait et s’en
souvenait. C’est ainsi que, par la foi, Joseph vit l’affliction
d’Israël au jour de la prospérité la plus brillante et
des plus belles espérances d’Israël ; il vit l’inimitié
de l’Égypte ; il vit dans les beaux champs et les moissons dorées de Goshen
des fours à briques
et des chefs de corvées.
De même autrefois,
pendant cent vingt années successives de semailles et de moissons, de vendanges
et de récoltes, où l’on vendait et on achetait, où l’on plantait et on
bâtissait, Noé avait, par la même foi, vu un monde couvert par les eaux du
déluge.
La foi avait ainsi la connaissance du cours des choses à venir ;
et aujourd’hui, la foi doit être semblable à l’homme politique, et, quelles que
soient les apparences, avoir, par la lumière de la parole de Dieu, quelque
connaissance des choses à venir. Or c’est là le seul acte de la vie de Joseph
qui soit mentionné dans Héb. 11, comme acte de foi. Il est signalé d’une
manière frappante entre un si grand nombre d’actes de foi et de piété racontés
qui caractérisèrent sa marche avec Dieu. Mais cet acte méritait d’être ainsi
mis en lumière. Il faisait clairement voir que Joseph vivait de la parole de
Dieu, au milieu des attraits et des occupations du monde qui l’entourait, et
que son esprit s’élevait au-dessus de toutes les apparences du moment. Abraham,
par des visions et des paroles divines avait été instruit de cette histoire
future d’Israël en Égypte ; Joseph ne fit que se servir de ce qu’Abraham avait
reçu. Il ne nous est pas dit que l’Éternel ait visité Joseph, comme il visita
Abraham. Joseph, sans doute, n’atteignit pas à la hauteur de son ancêtre, mais
nous voyons en lui ce qui est moralement le plus important : la lumière et
l’assurance d’un esprit croyant, les conceptions et les décisions de la foi. Il
se souvenait de ce qu’Abraham avait entendu, et il se conduisit d’après ce dont
il se souvenait. Ce qui lui manquait en élévation personnelle, comme oracle de
Dieu, il le possédait en puissance morale, comme croyant. Pour moi, s’il me
fallait choisir entre les deux, je préférerais croire
qu’être inspiré.
Or
Joseph croyait, lorsque, comme nous lisons, il « fit mention de la sortie des
fils d’Israël et donna un ordre touchant ses os » (Héb. 11:22). C’était là si je
puis m’exprimer ainsi, la connaissance
politique de la foi,
c’est-à-dire la connaissance par la foi de ce qui
devait arriver sur la terre. Et c’est là ce qui rend un Noé ou un Joseph plus
sages que tous les premiers ministres de tous les royaumes. Nous savons comment
tout ce qu’avait dit Joseph s’accomplit ; comment, contre toute prévision, les
fours à briques défigurèrent les belles campagnes de Goshen ; comment les chefs
de corvées opprimèrent Israël. Nous savons comment, aux jours de Noé, les eaux
couvrirent les sommets des montagnes, et comment un vaisseau, en apparence très
follement construit sur la terre devint la seule arche de sûreté sur les eaux
du déluge.
Je le demande : N’en est-il pas de même pour la foi ? N’avons-nous pas, en croyant à la parole de Dieu, toute certitude pour connaître le chemin que le monde suit d’heure en heure, malgré tous ses raffinements et tous ses progrès ? Ne sommes-nous pas bien fondés pour savoir qu’il marche vers le jugement ? Assurément. Le Seigneur Jésus a été rejeté dans ce monde ; ce fait donne au monde son caractère devant Dieu. Aucun progrès dans l’ordre civil et dans la culture intellectuelle, et même aucune dissémination de vérités divines parmi les nations, ne peut en aucune façon détourner de dessus le monde le jugement qui l’attend en raison de son crime. Le ciel peut être aussi serein qu’il l’était pour Israël aux jours de l’Égyptien Joseph ; la foi sait que cette surface polie va être bientôt brisée. Les circonstances ne donnent jamais un objet à la foi, mais bien la parole de Dieu, et nous ne devons pas permettre aux circonstances et aux apparences de détourner l’oeil de la foi de dessus son objet. La maison balayée et ornée, comme elle l’est aujourd’hui, est pleine de promesses. Il en était ainsi du pays de Ramsès et de l’amitié du Pharaon, aux jours de Genèse 50. Mais de telles promesses sont des paroles de vanité pour l’oreille de la foi, qui ne s’y arrête pas. Comme dit Jérémie au roi de Juda lorsque l’armée alliée fut arrivée et que l’armée ennemie se fut dispersée et se fut retirée : « N’abusez point vos âmes », de même la foi dit en cette heure-ci à la génération qui se vante de ses progrès : « N’abusez point vos âmes ». Elle le dit avec hardiesse ; car elle sait parfaitement que la dernière condition de la maison balayée et ornée sera pire que la première.
Joseph donna ensuite une preuve qu’il croyait à son propre témoignage. Comme Jacob, son coeur était en Canaan, le pays de l’alliance, le pays des sépulcres de ses pères. Comme Jacob aussi, il fit jurer ses frères, disant : « Certainement Dieu vous visitera, et vous ferez monter d’ici mes os ». Le monde invisible était pour lui une réalité, comme il l’avait été pour ses pères. L’appel de Dieu avait mis chacun d’eux en rapport avec ce qui était au delà de la mort ; aussi leurs pensées et leurs coeurs y étaient-ils avant qu’ils y fussent eux-mêmes. Il était pour eux aussi naturel de mourir que de vivre.
« Joseph mourut, âgé de cent dix ans ». Ses frères, les enfants d’Israël, lui furent fidèles, comme ils l’avaient été à leur père Jacob. Ils embaumèrent aussitôt son corps. Dans la suite, Moise l’emporta avec lui hors d’Égypte ; et enfin, Josué l’ensevelit à Sichem dans le pays de Canaan (voir Gen. 50:26; Ex. 13:19; Josué 24:32).
Nous sommes arrivés à la fin de l’histoire de Joseph, et en même temps à la fin du livre de la Genèse, le livre de la création et des premières voies de Dieu, le livre des patriarches, des premières familles des enfants des hommes et de l’enfance des élus de Dieu.
En quittant ce livre, nous ne sommes pas, je crois, sans sentir que nous passons sur un terrain moins élevé, et la plupart d’entre nous éprouveront ce sentiment.
Dans la Genèse, le Seigneur se
manifeste lui-même ;
dans la suite, il manifeste
ce qu’est l’homme.
Pendant les
temps dont nous parle ce livre l’homme, comme je l’ai dit, n’était sous aucune
loi. Dieu se faisait connaître à lui par de nombreuses et diverses voies et
révélations de lui-même. Mais dès que la loi est introduite, ce qui a lieu peu
après les derniers faits racontés dans la Genèse, l’homme est nécessairement
mis en avant et nous devons le voir, non pas simplement comme ayant été appelé
de Dieu, mais comme étant dans sa propre position et dans son propre caractère.
Assurément, c’en est assez pour nous faire sentir que nous sommes, dans un
certain sens, sur un terrain moins élevé. Dans le déploiement des conseils de
Dieu et de ses ressources pour remédier aux manquements de l’homme, puis dans
les nouvelles manifestations de Dieu lui-même, lorsque la condition de l’homme
a été mise au jour, il va sans dire que nous parcourons tout le volume du
commencement à la fin.
Mais, quelque variés et merveilleux que soient les conseils qui
nous sont développés à mesure que nous avançons à travers l’Écriture, quelque
diverse que soit la sagesse de Dieu, néanmoins nous pouvons dire qu’il n’y a
aucune partie de l’Écriture dont on ne trouve quelque mention ou quelque ombre
dans ce livre de la Genèse. Ces mentions et ces ombres sont difficiles à
apercevoir et obscures, mais les principes de tout ce que contient la Parole se
trouvent dans cette première leçon élémentaire. On y voit l’expiation, la foi,
le jugement, la gloire, le gouvernement, l’appel, le royaume, l’Église ; Israël,
les nations, les alliances, les promesses, les prophéties ; ainsi que le Dieu
bienheureux lui-même dans sa sainteté, son amour et sa vérité, les actes de sa
main, et les opérations et les fruits de son Esprit, tout cela et d’autres
choses semblables. La création y est déployée au commencement. Quand elle a été
souillée et ruinée par la main de l’homme, la rédemption est annoncée. Ensuite,
dans les histoires d’Énoch
et de Noé,
les cieux et la terre sont les
scènes de la rédemption, comme au commencement ils avaient été les scènes de la
création. Puis en Abraham, Isaac, Jacob
et
Joseph,
nous voyons l’homme (le
principal sujet de la rédemption) dans son élection, son adoption, sa
discipline et son héritage. Nous avons considéré ces mystères dans nos
méditations ; ils sont sous nos yeux, pour que nos âmes les étudient, à mesure
que nous passons de l’une à l’autre de ces histoires.
Si les cieux racontent la gloire de Dieu, et si l’étendue annonce l’ouvrage de ses mains, de même dans les pages de l’Écriture nous reconnaissons, avec non moins de clarté et de certitude, le souffle de son Esprit.