Christian Briem
Table des matières :
4 - La vraie connaissance chrétienne
6 - Participants de la nature divine
6.1 - Ayant échappé à la convoitise
7 - Caractères d’une vie de foi
7.2.6 - L’affection fraternelle
8.1 - Si « ces choses » sont en vous
8.2 - Si « ces choses » font défaut
8.4 - Un « oubli » lourd de conséquences
8.5 - Ce que nous devons « affermir »
8.6 - L’entrée dans le royaume éternel
9 - Réveil de la mémoire — par le souvenir
9.1 - Le moment de déposer sa « tente »
10 - Pas de fables, mais une révélation divine
10.3 - La lumière de la « lampe »
10.5 - La lumière de « l’étoile du matin »
Existe-t-il un être humain qui n’ait pas le désir d’être heureux ? Nous ne le pensons pas. Pourtant, parmi les hommes, le chemin qui conduit au vrai bonheur fait l’objet d’opinions totalement divergentes. Or les Saintes Écritures ne connaissent qu’un seul chemin : Christ.
La
question de savoir comment un enfant de Dieu peut vivre heureux est vite
résolue. Le croyant possède Christ
et, avec lui, tout ce qui peut le rendre heureux. Pourquoi alors s’étendre sur
ce sujet ?
Eh bien ! la jouissance de la communion avec Dieu peut facilement être troublée. Aussi la parole de Dieu accorde-t-elle une large place à notre question. Elle y est considérée sous divers éclairages, à différents points de vue. Finalement, le résultat est toujours le même : sans Christ, il n’y a pas de bonheur. Aucun vrai chrétien ne voudra contredire une telle conclusion. Et pourtant, dans notre vie pratique nous n’en tenons souvent pas compte. Et c’est la raison pour laquelle même des enfants de Dieu rachetés ne sont pas toujours véritablement heureux.
Parmi
les nombreux passages du Nouveau Testament que nous pourrions considérer en
relation avec notre sujet, je n’en connais pas qui présente plus d’intérêt que
le premier chapitre de la seconde épître de Pierre. Les onze premiers versets
surtout me paraissent propres à fournir des réponses à la question qui nous
occupe. Nous pouvons relever en particulier un fait : Dans ce qu’il écrit
sous l’inspiration du Saint Esprit, Pierre est éminemment pratique
. Alors que d’autres écrivains du Nouveau Testament
présentent la vérité chrétienne en détail, et le font en partie même d’une
manière très abstraite (comme Jean), Pierre demeure toujours pratique. Et la
question de la réalisation de notre bonheur en Christ relève finalement de la
pratique, non pas seulement de l’enseignement. A quoi sert la doctrine la plus
élevée si elle ne nous conduit pas à une attitude de piété ? Aussi un
autre apôtre, Paul, parle-t-il de « la doctrine qui est selon la piété
» (1 Tim. 6:3).
Avec l’aide de Dieu, nous désirons considérer un à un les versets de ce chapitre (2 Pierre 1) pour voir ce qu’ils ont à nous dire en relation avec notre question. Nous serons peut-être surpris de découvrir, cachées derrière des mots paraissant souvent difficiles, des indications pratiques absolument fondamentales.
Selon l’habitude à son époque, l’auteur commence par se présenter à ses lecteurs :
« Siméon Pierre, esclave et apôtre de Jésus
Christ
… » (v. 1).
Contrairement à ce que nous trouvons dans sa première épître, où il s’intitule simplement « Pierre, apôtre de Jésus Christ », l’apôtre fait précéder ici son nouveau nom « Pierre » par l’ancien « Siméon ». Lorsque le Seigneur Jésus avait demandé une fois à ses disciples ce que les hommes disaient de lui, le Fils de l’homme, Simon Pierre avait fait la belle confession : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Le Seigneur lui avait alors donné un nouveau nom : « Pierre », ou « une pierre » (Matt. 16:18). N’était-ce pas un honneur ? Et pourtant, Pierre se plaît à indiquer aussi son ancien nom. Il avait conscience d’être devenu un objet de la miséricorde divine. La miséricorde de Dieu s’était exercée envers lui et avait fait d’un « Simon » un « Pierre », une pierre vivante.
N’est-il pas révélateur qu’à la mer de Tibérias, dans les questions qu’il pose à l’apôtre Pierre pour le sonder, le Seigneur ressuscité s’adresse trois fois à lui en l’appelant « Simon » et en indiquant encore son origine humaine : « fils de Jonas » (Jean 21:15-17) ? Ah ! ce disciple avait renié trois fois son Seigneur. Seul l’ancien « Simon » était capable d’un acte aussi affreux. Dans ses épîtres, de nombreuses allusions cachées montrent qu’il n’a jamais oublié sa défaillance, mais qu’il avait l’assurance de la miséricorde et du pardon de Dieu.
Cela
est vrai de nous tous pour autant que nous ayons passé par la nouvelle
naissance. Si nous n’avons pas reçu alors littéralement un nouveau nom, nous
n’en sommes pas moins devenus des hommes nouveaux, introduits dans des relations
nouvelles. Et nous trouvons
ici un premier motif d’être heureux. Ces relations ont leur fondement dans le
Seigneur ; elles sont divines et leur durée est éternelle. Étant nés de
Dieu, nous sommes non seulement liés à la source de la vie, mais aussi unis
entre nous. Nous sommes ainsi capables d’aimer Dieu et de nous aimer les uns
les autres. Toutefois, ce thème est davantage celui de Jean. Autrefois nous
étions loin de Dieu, des pécheurs. Maintenant nous avons été approchés de lui
comme de bien-aimés enfants. Mais une question se pose à nous :
Sommes-nous conscients de ces nouvelles relations établies en Dieu ? Nous
ne serons heureux en elles que si tel est le cas.
Parmi mes lecteurs, peut-être s’en trouve-t-il un qui aspire au bonheur, mais qui n’a pas encore reçu un « nouveau nom ». Eh bien ! faites comme Pierre autrefois et laissez-vous submerger par la grâce de Dieu. Lors de sa première rencontre avec le Seigneur, cette grâce l’avait conduit à confesser : « Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Luc 5:4-11). Si vous ouvrez votre cœur au Seigneur et placez devant lui tout le fardeau de vos péchés, il vous donnera la paix avec Dieu et vous amènera dans les relations les plus précieuses qui soient avec lui-même et avec les enfants de Dieu. Tel est le premier pas vers le vrai bonheur. Innombrables sont ceux qui l’ont fait avec foi et ne l’ont jamais regretté.
L’auteur
de notre épître revêtait en outre une fonction que nous ne pourrons jamais
partager avec lui. Il était un apôtre
de Jésus Christ. Il faisait partie de ces disciples qui ont vu le Seigneur
Jésus et ont été témoins de sa résurrection (Actes 1:21, 22 ; 1 Cor. 9:1).
Dieu s’est servi de ce groupe d’hommes pour poser les fondements du
christianisme (Éph. 2:20). Plus loin dans son épître, Pierre renvoie à eux et
les nomme « vos apôtres » (3:2).
Mais
n’est-il pas significatif que de nouveau Pierre fasse précéder le titre
« apôtre » d’une autre qualification, l’expression « esclave » ? De même que
Paul, Jude et Jean, il se glorifie lui aussi d’être un esclave
de Jésus Christ. Il estimait comme un privilège de servir
son Seigneur et Maître dans l’obéissance et la soumission. En ce qui le
concerne, Jean tait en général son nom dans ses écrits. Ce n’est que dans le
dernier livre de la Bible, la « révélation de Jésus Christ », qu’il se présente
directement comme « son esclave Jean » (Apoc. 1:1).
Le
Sauveur lui-même n’a-t-il pas été le modèle inimitable du vrai « serviteur de
l’Éternel » (És. 42:1-4 ; Matt. 12:18-21) ? Prenant la forme
d’esclave, il est venu sur cette terre non pas pour être servi, mais pour
servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs (Phil. 2:7ss ; Matt.
20:28). Avons- nous déjà réalisé une fois que, par sa mort à la croix, le
Seigneur Jésus a accompli à notre égard le plus grand service imaginable ?
Mais aujourd’hui aussi il nous sert, nous lave les pieds et intercède pour
nous, il est notre avocat (Jean 13 ; Rom. 8:34 ; Héb. 7:25 ;
9:24 ; 1 Jean 2:1). Chacun de ces services revêt une valeur inestimable.
Sans eux, nous ne pourrions pas effectuer le « pèlerinage ». Et ne restons-nous
pas sans parole en lisant que, même dans la gloire du ciel, « s’avançant, il les
servira » (Luc 12:37) ? Par ce service, il nous rendra capables de jouir
des gloires de la maison du Père. Quelle grâce infinie ! Et quand, dans son
royaume, le Fils aura mis toutes choses en harmonie avec son Père, il remettra
alors le royaume (il ne lui
sera pas enlevé
) à Dieu le Père et
sera lui-même assujetti pour toute l’éternité à celui qui lui a assujetti
toutes choses (1 Cor. 15:24-28).
Devrait-il
nous en coûter de servir un tel Seigneur ? Et une partie de notre bonheur
ne réside-t-il pas en cela ? Assurément, ce n’est pas le service en
lui-même qui rend heureux, mais c’est bien plutôt Celui
que nous servons. Toutefois, il n’existe guère de privilège
plus grand pour nous que de le servir d’un cœur dévoué ici-bas sur la terre
déjà. Du point de vue divin, la vraie « grandeur » se manifeste dans le fait
qu’on est un vrai « serviteur » (Luc 22:27).
Bien que Pierre destine sa seconde épître aux mêmes personnes que la première, il s’adresse à elles différemment. Dans la première lettre, il voit les croyants, issus du peuple juif, comme « ceux de la dispersion ». Effectivement, ils étaient des étrangers sous un double aspect. D’une part, en tant que Juifs vivant dispersés parmi les nations, ils étaient des étrangers ; et, d’autre part, du fait qu’ils avaient cru au Seigneur Jésus, ils étaient devenus des étrangers aux yeux de leur propre peuple qui le rejetait. Par conséquent, ils avaient besoin de consolation et d’encouragement pour le chemin dans un environnement étranger. Pierre les leur dispense (et à nous) par sa première épître.
Mais maintenant, l’apôtre entrevoit un autre devoir. Il sait que le moment de déposer sa tente approche. Pour accomplir le mandat que le Seigneur lui avait confié : « Fortifie tes frères », il leur écrit cette seconde et dernière épître. Il veut leur rappeler encore une fois des choses importantes (1:12), les rendre capables de s’en souvenir (v. 15), et réveiller leur pure intelligence par ce rappel (3:1). Aussi choisit-il une formule adaptée à ce but et dit :
« …
À ceux qui ont reçu en partage une foi de
pareil prix avec nous, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ
»
(v. 1).
Belle
description d’un chrétien ! Les destinataires de sa lettre étaient des
chrétiens qui avaient reçu en partage avec les apôtres et les croyants habitant
à Jérusalem une foi de pareil prix. Pierre aime le mot « précieux » (ou :
« de prix »). Dans sa première épître, il parle du sang précieux de Christ
(1:19), de la pierre précieuse (2:4, 6) et mentionne que ce « prix » de Christ
nous a été révélé à nous croyants (v. 7). Et ici, dans sa seconde épître, il
qualifie la foi de précieuse et, quelques versets plus bas, les promesses (v. 4).
Si la parole de Dieu, plutôt économe en qualificatifs, désigne une chose comme
étant précieuse
, elle l’est
effectivement.
Que
faut-il comprendre par une foi de pareil
prix
? Manifestement, Pierre parle de la foi chrétienne en contraste
avec le judaïsme — donc de la doctrine chrétienne, objet de la foi. De même
qu’en Jude, versets 3 et 20, il s’agit ici de ce
qui est cru. Dans son Fils Jésus Christ — nous pouvons aussi
dire : dans le christianisme — Dieu s’est pleinement révélé. Les croyants
d’entre les Juifs avaient été introduits dans ce système « par la justice de
Dieu ». Avant d’examiner de plus près cette expression intéressante, j’aimerais
souligner que la vérité chrétienne ne peut être comprise que par la foi au
Seigneur Jésus ; il l’a lui-même dit à ses disciples autrefois :
« Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14:1). Ils le posséderaient
non pas physiquement, mais par la foi. C’est ainsi qu’ils devaient jouir de lui
et de tout ce qui se rattache à lui. Nous avons là une caractéristique de toute
l’époque de la grâce. Nous possédons tout par la foi en lui — toute vérité
chrétienne, toute bénédiction spirituelle. Il est le centre, il est l’objet de
la foi. Aussi cette foi revêt-elle un pareil prix, qu’elle soit reçue par un
apôtre ou par un simple chrétien. Toutefois, le prix que nous attachons
personnellement à la foi chrétienne est une tout autre question. En
jouissons-nous ? Sommes- nous prêts à la défendre si elle est mise en
question ?
Relevons encore un point important : On ne peut pas séparer la foi (comme ensemble de la doctrine chrétienne) de la foi personnelle (comme vertu morale). Ces deux aspects de la foi sont bien distincts, mais ils forment un tout. S’il n’y a rien à croire, la foi personnelle est inutile ; et si la foi personnelle n’est pas active, les éléments de la foi ne peuvent pas être compris. Ainsi l’un suppose l’autre.
La foi précieuse du christianisme était devenue la part des croyants issus d’entre les Juifs « par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ ». Remarquons l’ordre ici : par la justice de Dieu à la foi. En Romains 3, nous trouvons l’inverse : par la foi à la justice de Dieu (v. 22-26). Nous pouvons en déduire qu’en 2 Pierre 1, il n’est pas question du salut, de la justification. L’expression « justice de Dieu » doit plutôt être comprise ici dans le sens de « fidélité de Dieu ». Grâce à la fidélité de Dieu envers ses promesses données aux pères, le résidu du peuple d’Israël a pu entrer dans les bénédictions du christianisme.
Israël est le seul peuple sur la terre en qui, à chaque moment de son existence, Dieu trouve un résidu croyant, « un résidu selon l’élection de la grâce » (Rom. 11:5). Tel est aussi le cas pendant la dispensation de la grâce ; seulement ce résidu est aujourd’hui absorbé dans l’Assemblée de Dieu. C’est dans ce sens que les Juifs croyants étaient « ajoutés » au début de la période chrétienne (Actes 2:41, 47).
Mais
l’expression qui nous occupe offre encore une particularité que je désire
relever. Le texte grec comporte un
article commun devant « Dieu » et « Sauveur Jésus Christ ». Cela signifie qu’aux
yeux de l’auteur « Dieu » et le « Sauveur Jésus Christ » forment un
seul objet de considération. Non pas
que les deux noms doivent forcément concerner la même personne. Ce n’est pas le
sens de cette construction avec un article commun.
Néanmoins une telle façon de s’exprimer serait impossible si Christ n’était pas Dieu. Nous trouvons des expressions semblables en 2 Thessaloniciens 1:12 et Tite 2:13.
Quelqu’un dira peut-être : « Je n’ai pas besoin de ce genre de preuve concernant la divinité de mon Seigneur. J’y crois de toute manière ». C’est juste. Mais si nous nous souvenons que l’auteur véritable de l’expression qui nous occupe est Dieu le Saint Esprit, nous ne restons pas insensibles au choix et à la forme des mots employés. Nous entendrons encore beaucoup parler de la connaissance de Dieu et de Jésus, notre Seigneur, dans le verset qui suit déjà. Il est d’autant plus important de nous rappeler dès le début à quelle personne nous avons affaire quand il s’agit de notre Seigneur Jésus : il est Dieu, exactement comme le Père et le Saint Esprit. Nous touchons là un point qui constitue finalement notre bonheur le plus profond. Nous y reviendrons plus loin.
Après s’être présenté lui-même, et s’être adressé aux destinataires de l’épître en les caractérisant d’une manière si belle, l’apôtre exprime une salutation :
« Que la grâce et la paix vous soient
multipliées dans la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur
! »
(v. 2).
À
la question : Comment pouvons-nous vivre heureux comme chrétiens ?
nous trouvons ici encore une réponse : en vivant dans la grâce et la paix
de Dieu. La grâce
est l’amour
immérité. Elle constitue la source, l’origine des voies de Dieu envers nous. La
paix
en découle, en est le résultat.
Tant la grâce que la paix peuvent être expérimentées de deux façons : soit
fondamentalement, soit d’une manière plus pratique. Dans le premier cas, elles
sont liées à la conscience, dans le second, au cœur ou à l’âme.
Lorsque
nous étions dans nos péchés et que nous nous sommes tournés vers Dieu avec
repentance et foi, il nous sauva par la grâce, par la foi (Éph. 2:8). Et
maintenant que nous avons été justifiés sur le principe de la foi, nous avons
la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ (Rom. 5:1). Il s’agit de la
paix de la conscience
, l’heureuse
assurance que la question de nos péchés et de notre culpabilité est
parfaitement réglée devant Dieu. Nous avons la paix avec Dieu, aussi réellement
aujourd’hui que plus tard dans la gloire du ciel. C’est un fait établi,
inébranlable.
Mais
en plus de cet aspect fondamental, il y a un côté plus pratique. Il concerne
notre marche et c’est celui-ci que mentionne la salutation. Dans ce sens
pratique, la grâce nous est chaque jour à nouveau nécessaire, nous avons
souvent besoin que la paix du cœur
soit retrouvée ou affermie. Nous rencontrons beaucoup de difficultés (pour ne
pas parler du péché) sur notre chemin au travers de ce monde, et sans le
recours continuel à la grâce de Dieu, nous ne pouvons pas y jouir de la paix du
cœur.
Aussi
est-il parlé ici d’une multiplication
de la grâce et de la paix : « Que la grâce et la paix vous soient multipliées
». Dieu désire que nous nous
appuyions toujours plus sur sa grâce, que nous en fassions toujours davantage
usage, que nous prenions plus conscience de notre entière dépendance de sa
grâce. Le fleuve de sa grâce est assurément toujours « plein d’eau » (Ps. 65:9),
mais souvent nous le laissons couler près de nous sans y puiser. Aussi parfois
Dieu nous force-t-il par les circonstances à compter de nouveau davantage sur
sa grâce. Il sait que de cette manière seulement nous pouvons jouir de la paix
précieuse — cette harmonie du cœur avec lui et ses pensées, que rien ne saurait
remplacer. Alors la paix aussi devient profonde « comme un fleuve » (És. 48:18),
parce qu’elle repose sur la grâce de Dieu et sur rien d’autre.
Nous qui vivons dans des jours de mécontentement, de déchirement et de dissolution, n’éprouvons-nous pas tous le besoin de cette paix ? La salutation de l’apôtre agit alors comme un baume pour nos cœurs.
À part notre passage et la première épître de Pierre, l’expression « vous soient multipliées » ne se trouve que dans l’épître de Jude (1 Pierre 1:2 ; Jude 2). Il ne s’agit certainement pas d’un hasard. Pierre a écrit sa première lettre à des enfants de Dieu dans la souffrance. Combien précisément de tels croyants ont besoin de compter davantage sur Dieu et de recourir à sa grâce ! Mais la seconde épître de Pierre et celle de Jude ont en vue les derniers jours, la fin des temps avec l’apostasie annoncée ; et Dieu promet la multiplication de la grâce et de la paix pour ces jours aussi. N’est-ce pas bien propre à nous consoler ?
Mais une adjonction remarquable est apportée, qui ne se trouve que dans la seconde épître de Pierre :
« …
Dans la connaissance de Dieu et de Jésus
notre Seigneur
» (v. 2).
Dieu
ne peut nous multiplier sa grâce et sa paix que d’une
certaine façon : dans une véritable intimité de cœur
avec lui-même et son Fils, notre Seigneur. Nous l’oublions facilement. Souvent
nous nous tenons à une certaine distance de lui, ou nous nous satisfaisons
d’une connaissance intellectuelle de Dieu et de Christ. Il en est parlé au
chapitre 2, versets 20 à 22.
Les conditions pour porter du fruit ne sont ainsi pas réunies. Dieu ne se révélera à nous que si nous marchons avec lui. Le Seigneur Jésus en a parlé dans ses paroles d’adieu : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime, sera aimé de mon Père ; et moi je l’aimerai et je me manifesterai à lui » (Jean 14:21). Aimons-nous réellement le Seigneur Jésus, avons-nous le désir qu’il se révèle davantage à nous ? Si tel est le cas, obéissons-lui et il honorera sa parole. Sa Personne bénie nous deviendra de plus en plus familière, et la grâce et la paix découleront tout naturellement. Existe-t-il quelque chose qui puisse nous rendre plus heureux — dans le temps présent déjà ?
La
connaissance de Dieu et de Jésus, notre Seigneur occupe une place centrale dans
la seconde épître de Pierre. Pour en parler, l’apôtre emploie quatre fois le
mot signifiant une « pleine connaissance » : « epignôsis
» (1:2, 3, 8 ; 2:20). Effectivement, la connaissance
du Seigneur est la clé de voûte de notre foi. Sans elle, notre vie de foi est
vide, la foi entière est vide. D’où l’importance que nous croissions dans la
grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ (3:18),
de Celui
qui est l’image du Dieu
invisible. C’est dans le Fils que le Père se révèle, et cela dans la puissance
du Saint Esprit. « En ce jour-là, vous connaîtrez que moi je suis en mon Père,
et vous en moi et moi en vous », a dit le Seigneur Jésus (Jean 14:20). Ce « jour »
est aujourd’hui. Nous avons l’immense privilège de connaître Dieu dans la
pleine révélation qu’il a donnée de lui dans son Fils. Telle est la véritable connaissance chrétienne
.
À
l’époque de l’Ancien Testament, Dieu ne s’était révélé que d’une manière
fragmentaire ; il habitait pour ainsi dire « dans l’obscurité » (1 Rois
8:12) ; et il était important que les croyants d’entre les Juifs à qui
Pierre écrivait le reconnaissent. Ils étaient trop profondément enracinés dans
les traditions des pères pour que n’existe pas le danger de négliger la lumière
éclatante de l’évangile à ce sujet. Les révélations de Dieu au cours des temps
passés, moins précises, étaient certes bénies, mais la lumière « de la
connaissance de la gloire de Dieu » n’est visible que « dans la face de Christ »
(2 Cor. 4:6). Seul le Seigneur Jésus nous a apporté la pleine connaissance de
Dieu, son Père, et cela dans la mesure où lui
le connaît. Cette révélation de Dieu, son Père, a eu lieu pendant les jours de
sa vie ici-bas et aussi après sa résurrection ; ainsi il pouvait
dire : « Celui qui m’a vu, a vu le Père » (Jean 14:9 ; comp. aussi
1:18). Dans sa première épître Jean exprime la même vérité en ces termes :
« Nous savons que le Fils de Dieu est venu, et il nous a donné une intelligence
afin que nous connaissions le Véritable » (1 Jean 5:20).
Connaître le Véritable — quelle grâce merveilleuse ! N’est-il pas étrange, humiliant même, que nous manifestions souvent si peu d’intérêt pour ce qu’il y a de plus précieux ? Si nous connaissons Dieu, nous savons aussi ce que son cœur tient en réserve pour nous. Et à cette connaissance se rattache la force morale pour une marche de piété, comme nous allons le voir.
Mais
avant de développer cette pensée, relevons encore un point : Au verset 1,
il est parlé du Seigneur Jésus comme Sauveur
;
dans le verset 2, il est présenté comme Seigneur
.
Tel est le chemin que Dieu nous fait toujours suivre, et cet ordre correspond
également à notre expérience. Nous avons d’abord appris à connaître Christ
comme Sauveur
. Sans ce premier pas,
nous serions encore dans nos péchés, nous serions perdus pour l’éternité. Mais
bien que cette expérience ou connaissance soit fondamentale, Dieu ne veut pas
que nous en demeurions là. Son intention est de nous conduire plus loin, à la
connaissance du Seigneur
— de Celui
qui a tous les droits sur nous.
Au verset 2, l’apôtre a parlé de la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. Le verset suivant nous apprend qu’à cette connaissance se rattache quelque chose d’essentiel : la puissance divine.
« Comme sa divine puissance nous a donné tout
ce qui regarde la vie et la piété, par la connaissance de celui qui nous a
appelés par la gloire et par la vertu
» (v. 3).
Remarquons
que le Saint Esprit nous présente d’abord la puissance divine
au verset 3, et ensuite, au verset 4, la nature divine
. Nous pouvons en
retirer de précieuses pensées.
Mais
considérons d’abord le verset 3. Nous, les enfants de Dieu, sommes ici les
objets de la puissance divine, de l’opération de Dieu en puissance. Dieu a un
but avec nous, et pour atteindre ce but, il a agi et il agit à notre égard dans
sa puissance divine. Ce verset nous décrit les deux choses, la manière dont il opère
et le but
à atteindre.
En
ce qui concerne la nature de l’opération de Dieu : Il nous a donné tout
ce qui regarde la vie et la piété.
Il s’agit donc de la manière selon laquelle la puissance divine a opéré à notre
égard : elle nous a tout donné. En revanche, pour comprendre le but que
Dieu poursuit, il nous faut mettre l’accent sur une autre partie du
verset : Il nous a donné tout ce qui
regarde la vie et la piété
. Et ainsi le but de l’opération de Dieu envers
nous apparaît clairement : la vie et la piété.
Quand nous pensons à ce que Dieu a fait, nous ne pouvons qu’adorer. Car quelle abondance de bénédictions ne trouvons-nous pas ici ! Il n’y a rien de ce qui est nécessaire à la vie et à la piété que Dieu ne nous ait donné. Selon Éphésiens 1, verset 3, en Christ nous possédons toutes les bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. Fondamentalement, c’est la même vérité que celle qui est exprimée dans notre verset, sauf que Pierre en montre le côté moral : Je ne possède que ce que je m’approprie de lui par la foi.
En
fait, l’expression « sa divine puissance » inclut aussi la pensée de la seule
manière possible d’atteindre les bénédictions : la puissance
de Dieu est nécessaire. Il s’agit du même mot (dynamis
) qu’en 1 Pierre 1:5 :
« Vous, qui êtes gardés par la puissance
de Dieu par la foi, pour un salut qui est prêt à être révélé ». La puissance de
Dieu opère, mais elle le fait par la foi. En d’autres termes : la
puissance de Dieu n’agit pas simplement en dehors de nous pour produire quelque
chose de grand, sans nous y faire participer d’une façon ou d’une autre. Elle
opère beaucoup plutôt en ce qu’elle fortifie notre foi — en 1 Pierre 1, afin que
nous soyons gardés, en 2 Pierre 1, pour que nous nous emparions pratiquement de
tout ce qui est donné. Que la puissance de Dieu soit nécessaire pour nous
mettre en possession de ce qui produira ensuite en nous la vie et la piété est
déjà en soi un fait très instructif.
Avec
cela, nous touchons déjà le but que Dieu a en vue pour nous : la vie et la
piété. Quant à la vie
, il s’agit
manifestement de la vie éternelle. La prérogative de Dieu est de vivifier des
âmes mortes. En communion avec le Fils, le Père donne la vie, une vie
spirituelle, éternelle (Jean 5:26 ; Rom. 6:23). Pourtant, la vie éternelle
que nous possédons par la foi au Seigneur Jésus (Jean 3:16 ; 1 Jean 5:13),
semble être considérée ici davantage sous son aspect pratique, moral. Pierre va
rarement, voire jamais, au-delà des résultats moraux. Tel est le cas ici aussi.
Il ne parle pas directement de la communication de la vie nouvelle, mais
indique que, relativement à cette vie, Dieu a fait et fait en nous tout ce
qu’il faut pour qu’elle se développe toujours plus. La vie éternelle est une
vie qui se réjouit en Dieu et lui est conforme. Et encore une fois, elle vient
de Dieu, mais jamais elle ne s’occupe d’autre chose que de Dieu et de ses
pensées.
En pensant à cela, ne devons-nous pas constater avec plus ou moins de honte la bien faible mesure selon laquelle Dieu a pu atteindre son but avec nous ? Et ne voyons-nous pas mieux maintenant la nécessité de la puissance divine afin de vaincre les mille obstacles aux effets de la vie éternelle en nous ? En fait, cette puissance nous a donné tout ce qui regarde la vie ; nous possédons la vie éternelle elle-même. Mais la puissance divine ne s’exerce ou n’opère pour nous dans cette vie que lorsque nous saisissons par la foi ce que Dieu est pour nous et ce qu’il a fait pour nous.
Outre
la vie, la piété
est nommée. Dans les
quatre premiers versets de notre épître, nous trouvons en tout quatre paires
d’expressions et il semble que, dans chacun des cas, le second élément découle
du premier. Au verset 2, il s’agissait de « la grâce et la paix » ; le
verset 3 contient deux paires : « la vie et la piété », puis « la gloire et
la vertu » ; et dans le verset 4, la dernière paire consiste en ceux qui,
d’une part, sont « devenus participants de la vie divine » et d’autre part ont
« échappé à la corruption ».
La
« piété » décrit un caractère qui correspond à Dieu ; elle signifie une
conformité morale à lui. Le but de Dieu est de susciter en nous cette piété
pratique, cette véritable crainte de Dieu. Et ce que nous venons de dire au
sujet de la « vie » s’applique également ici : La puissance divine nous a
donné tout ce qui regarde la piété, ou y conduit. Mais la réalisation
n’intervient que par la connaissance
de Celui « qui nous a appelés par la gloire et par la vertu ».
Nous avons mentionné que le but moral de Dieu pour nous est atteint quand nous saisissons par la foi ce que Dieu est pour nous. Nous voyons une fois encore ici que la connaissance de Dieu est le fondement de notre foi. Nous l’avons déjà relevé au verset 2. En cette connaissance bénie réside la force de l’âme. Dans la mesure où nous nous réjouissons en Dieu et en ce qu’il est pour nous, nous recevons la force de faire ce qui lui plaît. Il n’existe pas d’autre chemin, bien-aimés. Nous pouvons essayer tout ce que nous voulons et déployer beaucoup d’efforts pour mener une vie de piété et combattre le mal en nous et autour de nous. Mais la force pour y parvenir, nous ne la trouvons que « par la connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et par la vertu ».
La
manière dont Dieu est décrit ici mérite toute notre attention. Littéralement,
il est le « nous ayant appelés ». Quelle merveille ! Il existe quelqu’un qui
s’intéressait à nous et qui, de ce fait, nous a appelés
. Mais pourquoi devions-nous être appelés ? Il suffit
de considérer un instant le premier homme, pour qu’une telle grâce nous
apparaisse clairement.
Adam, innocent, n’a reçu aucun appel de Dieu dans le jardin d’Éden. Certes Dieu le visitait, mais il ne l’appelait pas. Pourquoi l’aurait-il donc fait ? Il se trouvait à la place même où Dieu l’avait établi. Il aurait simplement dû y rester, même quand un autre l’a appelé : le serpent. Mais depuis qu’il a prêté l’oreille aux insinuations du serpent, l’homme est en dehors du paradis de Dieu, dans le péché. Quel état terrible !
Avons-nous jamais réalisé que la délivrance d’un tel état ne peut se produire que par l’appel de Dieu ? En fait, tout le principe du christianisme réside là : Par l’appel de Dieu, le croyant est sorti de tout ce en quoi il se trouve naturellement pour être introduit dans une nouvelle position. C’est à la gloire même de Dieu que nous avons été appelés (1 Thess. 2:12 ; 1 Pierre 5:10).
Pouvons-nous mesurer, même approximativement, la portée d’un tel appel ? Certainement pas. Mais ne devrions-nous pas au moins nous arrêter plus souvent pour nous souvenir que notre appel est « en haut », qu’il s’agit d’un appel « céleste » (Phil. 3:14 note c ; Héb. 3:1) ? Très certainement. Et pourtant il y a peu de choses que nous sommes plus enclins à négliger que notre appel. Nous n’oublions pas nos dons et nos bénédictions aussi vite que notre appel. Comment cela se fait-il ? Nos pensées sont souvent tournées vers les choses de la terre et l’adversaire a un intérêt diabolique à ce que cela ne change pas. Mais Dieu ne nous perd pas de vue et il dirige nos regards en haut vers Christ dans la gloire. Aussi est-il parlé ici de « Celui qui nous a appelés par la gloire et par la vertu ».
De
nouveau, le Saint Esprit met côte à côte deux éléments : « la gloire et la
vertu », et ici encore, le second découle du premier. La gloire
est le but en dehors de ce monde, et la vertu
(ou le courage spirituel, la détermination spirituelle) est
nécessaire sur le chemin qui y conduit. Nous devrions être plus conscients que
notre Sauveur est déjà au but et que nous occuperons avec lui une position de
gloire. Avec cette perspective devant les yeux, nous ne manquerons pas
d’énergie et de détermination spirituelles pour tendre vers le but céleste. La
puissance divine nous a donné tout ce qui était nécessaire à cet effet.
Dans
les Saintes Écritures, lorsqu’il est parlé de vertu en relation avec Dieu,
comme en 1 Pierre 2:9, il s’agit de l’excellence de son être. En revanche,
quand il est question des hommes
,
« vertu » signifie le courage moral, la détermination spirituelle. Or Pierre
attribue une grande valeur à la présence de ce trait de caractère chez les
croyants. Il sait que si la « vertu » fait défaut, la vie du croyant demeure en
grande partie sans fruit pour Dieu et sans joie pour lui-même. La « vertu » est
mentionnée encore une fois au verset 5, et là elle fait partie des éléments
fondamentaux à partir desquels se développent les autres traits de la vie
spirituelle.
Assurément,
nous avons besoin de détermination spirituelle pour résister à la puissance de
la chair en nous et à celle du monde qui nous entoure. Nous trouvons à cet
égard un bel exemple en Moïse qui, par la foi, refusa
d’être appelé fils de la fille du pharaon et choisit
plutôt d’être dans l’affliction
avec le peuple de Dieu, que de jouir pour un temps des délices du péché (Héb.
11:24, 25). Moïse ne voulait pas de ce monde ni de ses joies. Il dit « non » aux
séductions de la chair et du monde et se mit du côté de ces esclaves méprisés
qui n’en demeuraient pas moins le « peuple de Dieu ». Il faut de la vertu, de la
détermination spirituelle pour agir ainsi. Moïse les possédait et ainsi il
repoussa ce à quoi il aurait tendu selon sa nature humaine : le palais, le
trône, la couronne d’Égypte. Il choisit plutôt ce que l’homme naturel n’aurait
jamais désiré : être en communion avec ceux qui étaient juste assez bons
pour faire des briques. Mais Moïse voyait en ces hommes le peuple de Dieu. Cela
faisait toute la différence.
A notre époque, n’avons-nous pas également besoin de cette énergie spirituelle pour nous fermer au monde sous ses mille et une formes ? Et sommes-nous prêts à nous identifier au petit groupe de ceux qui forment aujourd’hui le « peuple de Dieu » ?
Hélas, nous cédons trop souvent aux tentations, parce que la « vertu » nous fait défaut ; et il s’ensuit que nous tombons fréquemment. Si nous ne maintenons pas cette détermination spirituelle vivante dans nos cœurs, nous reglissons tôt ou tard dans ces choses que nous avions une fois abandonnées. Tandis que si nous avons comme objet devant nos yeux la gloire dans laquelle notre Sauveur est déjà, le courage spirituel, la force morale se développera en nous sur le chemin qui y conduit.
Dieu nous a appelés par la gloire et par la vertu. En relation avec cela, un autre grand don nous a été fait, comme nous le montre le verset qui suit :
« Par lesquelles il nous a donné les très
grandes et précieuses promesses, afin que par elles vous participiez de la
nature divine
» (v. 4).
L’expression
« par lesquelles » se rattache à « la gloire et la vertu ». L’auteur dit en quelque
sorte : En relation avec la « gloire » et avec la « vertu », Dieu nous a donné
les très grandes et précieuses promesses. Pierre ne présente pas ici les
promesses elles-mêmes, mais il les qualifie de très grandes et précieuses. Plus
loin dans son épître, il mentionnera la promesse de la venue du Seigneur et la
promesse de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre (3:4, 13), mais le sens
paraît ici plus général, plus vaste. Quoi qu’il en soit, ces promesses sont en
contraste avec les promesses et espérances terrestres du peuple d’Israël, comme
nous le voyons par exemple en 1 Pierre 1:3 à 5. Ce point revêtait une
importance particulière pour les saints issus de ce peuple. Mais si les
promesses qui nous sont données ici en Christ sont mises en relation avec la gloire
et la vertu
, c’est bien parce que, d’une part, elles se réaliseront dans
la gloire, mais que, d’autre part, elles déploient leur puissance déjà
maintenant sur le chemin qui y conduit.
Nous avons là une chose propre à nous réjouir profondément. Les bénédictions véritables du chrétien ne sont pas rattachées à cette terre — elles sont intangibles et ne peuvent être perdues. Elles trouveront leur plein accomplissement dans la gloire. Mais le fait d’en avoir connaissance produit en nous — si la « vertu » est présente — la force morale. Certes, nous ne sommes encore qu’en chemin vers la gloire, mais celle-ci jette déjà sa lumière sur notre chemin. Avec les très grandes et précieuses promesses, Dieu est du côté de ceux qui manifestent de la détermination spirituelle. Fortifiés et encouragés par ces promesses, nous « participons de la nature divine ».
En
arrivant à ce passage, nous nous apercevons, si nous ne l’avons pas fait
auparavant, que cette expression a une signification différente de celle que
nous lui donnons habituellement. Lorsque nous parlons de la « nature divine en
nous », nous pensons à la vie divine que nous avons reçue par la nouvelle
naissance. Et il est incontestable qu’à notre conversion nous avons reçu la
nouvelle vie, divine, et que, dans ce sens, nous sommes devenus participants de
la nature divine. Car : « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu
» (1 Jean 5:1). Mais Pierre ne
parle manifestement pas de cela ici. Sinon il aurait dû dire que, par les
promesses, ils étaient devenus
participants de la nature divine. Or il écrit : « afin que… vous participiez
». Il s’agit donc d’une
intention, non pas d’un fait accompli. Là encore, comme nous l’avons déjà vu
plusieurs fois, il est occupé des résultats moraux souhaités, non pas de la
chose elle-même.
Si
nous avons goûté que le Seigneur est bon, si nous vivons notre vie en communion
avec lui, nous participerons, dans un
sens moral
, de la nature divine. Voilà ce qui nous est présenté dans notre
verset. Nous sommes introduits — si nous osons nous exprimer ainsi — dans une
atmosphère qui correspond à Dieu ; nous respirons dans la même atmosphère
que celle où Dieu se trouve. Et quel est le résultat ? Notre cœur
s’élargit dans la joie de ce qu’Il est ; nous partageons ses pensées et
ses sentiments. Dans le sens le plus vrai du mot, nous devenons « spirituels » et
manifestons même les caractères de Dieu.
Ce n’est de loin pas peu de chose ; cela constitue plutôt la vraie conclusion ou le vrai sommet de tout ce qui a été présenté dans ces versets. D’abord nous recevons la capacité de nous réjouir en Dieu. Et dans la mesure où nous faisons usage de cette capacité et marchons en communion avec Dieu, la joie en lui s’approfondit. Ainsi nous sommes rendus capables de participer d’une manière pratique aux caractères divins et de les manifester dans la vie quotidienne. Ce sujet revêt une importance telle pour le Saint Esprit qu’il va nous montrer dans la suite, par toute une chaîne de vertus spirituelles, comment la nature divine doit se développer en nous (v. 5-7). Nous allons nous en occuper un peu plus loin.
Mais auparavant, un autre résultat de la puissance divine nous est présenté dans la seconde moitié du verset 4 :
« Ayant échappé à la corruption qui est dans
le monde par la convoitise
» (v. 4).
Quand le cœur est rempli de Christ et de la gloire à laquelle nous sommes appelés, le Saint Esprit opère en nous et nous conduit à la victoire sur le péché. C’est la seule manière de remporter la victoire sur les désirs coupables : en étant occupés de quelque chose d’autre, de meilleur !
Les
hommes de ce monde sont sans cesse entraînés et poursuivis par leurs désirs et
convoitises, mais leur chemin aboutit à la corruption. Déjà maintenant la
corruption est dans le monde — par la convoitise. Avons-nous déjà réfléchi à ce
qui se cache, quant au principe, derrière la convoitise, derrière les désirs
charnels ? Rien d’autre que la volonté
de l’homme déchu. La convoitise de la chair, et la convoitise des yeux, et
l’orgueil de la vie ne sont « pas du Père » (1 Jean 2:16). Ils caractérisent bien
plutôt la création déchue. Ne cherchant ni ne trouvant sa satisfaction en Dieu,
l’homme la cherche partout et ne la trouve nulle part ; il s’ensuit que
l’âme est toujours plus profondément rabaissée et empêtrée dans le péché. Et
ainsi l’homme devient le jouet de ses propres convoitises et se trouve déjà
maintenant dans la corruption.
Nous étions autrefois nous aussi dans le monde, accomplissant notre volonté propre. Mais, grâce infinie, maintenant nous sommes délivrés de notre volonté propre et, dans un certain sens, nous sommes devenus maîtres de nous-mêmes et de nos désirs ! Car nous respirons l’atmosphère sainte et pure de la présence de Dieu — une atmosphère dans laquelle le cœur trouve sa joie à faire la volonté de Dieu. Lorsque nous serons introduits dans la gloire céleste, toute convoitise impure, toute tache, toute souillure par le péché, auront passé pour toujours : voilà une pensée bien propre à nous remplir de bonheur ! Mais ici Pierre semble vouloir nous dire : « N’attendez pas pour cela d’être au ciel : vous pouvez en avoir une grande partie ici-bas déjà sur la terre. Vous possédez la nouvelle nature qui se réjouit en Dieu ; et si cette nouvelle nature trouve de la place pour se développer, la grâce et la paix se multiplient et vous échappez à la corruption qui est dans le monde par la convoitise ». Paul donne le même enseignement : « Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit » (Gal. 5:25).
Être participants de la nature divine, quel privilège inestimable ! Quelle grandeur admirable dans ce que Dieu a opéré ! De pécheurs nés dans la poussière, il a fait des êtres capables de jouir de la communion avec lui, de partager ses pensées et de l’adorer. Et si même, aujourd’hui d’une manière plus manifeste que jamais, la corruption est dans le monde ou, comme Jean l’exprime, le monde « gît dans le méchant » (1 Jean 5:19), nous avons déjà échappé à cette scène souillée dans la mesure où nous réalisons la communion avec Dieu. Nous anticipons alors effectivement quelque chose du ciel et c’est à cela que Dieu aimerait nous encourager par ces paroles.
L’apôtre
Pierre avait qualifié les croyants de « participants de la nature divine » dans
un sens moral, pratique (v. 4). Nous avons vu qu’ils sont appelés à manifester
les caractères de Dieu dans la vie journalière. Sans la possession de la vie
éternelle, ce serait impossible. Toutefois, bien qu’en elle-même la vie
éternelle soit parfaite et ne puisse pas être perdue, dans ses manifestations
pratiques, elle peut croître. Elle demande, par la puissance de l’Esprit, des
soins, de l’épanouissement. Il n’en va pas autrement de la vie naturelle. Un
enfant nouveau-né possède la vie exactement comme un adulte. On a la vie ou on
ne l’a pas. Néanmoins, chez un petit enfant, les manifestations de la vie ne
sont de loin pas aussi développées que chez un adulte. La croissance
doit se produire dans le domaine spirituel également.
Croître et porter du fruit sont des principes divins que l’on trouve aussi bien
dans la création visible que dans la nouvelle création.
Aussi, dans les versets 5 à 7, Pierre nous montre une chaîne de vertus spirituelles dans lesquelles le caractère chrétien des croyants doit se développer. Il leur avait présenté ce qui était propre à les consoler et à rafraîchir leurs cœurs. Mais maintenant, il va parler de leur état pratique. Et ainsi, il rattache les exhortations qui vont suivre à ce qu’il a dit précédemment par les mots : « pour cette même raison ».
« Pour cette même raison aussi, y apportant
tout empressement, joignez à votre foi, la vertu ; et à la vertu, la
connaissance ; et à la connaissance, la tempérance ; et à la
tempérance, la patience ; et à la patience, la piété ; et à la piété,
l’affection fraternelle ; et à l’affection fraternelle, l’amour
» (v.
5-7).
L’apôtre
parle d’abord de l’empressement
ou du
zèle que les croyants devraient apporter. Nous pourrions être surpris que notre empressement
soit considéré comme
étant la première condition pour la réalisation de vertus spirituelles aussi
élevées que celles mentionnées dans la suite. Mais Dieu sait combien rapidement
nous nous relâchons dans la jouissance des privilèges qui nous sont conférés. Aussi
nous exhorte-t-il à apporter tout
empressement
, du zèle de toute manière, en joignant ou en « fournissant » les
caractères chrétiens. Mais une telle exhortation ne nous « accable » pas, ne nous
décourage pas. Car le « pour cette même raison » indique la relation bénie entre
nos privilèges (v. 1-4) et leur réalisation (v. 5-11) : nous connaissons
déjà ce qui nous appartient ; et c’est la croissance dans cette
connaissance qui stimulera en nous l’empressement, afin qu’il en résulte du
fruit pour Dieu.
D’un autre côté, n’est-il pas terrible de penser que la certitude de parvenir finalement au ciel nous amène souvent à relâcher notre zèle ? Nous sommes alors bien peu conscients des conséquences durables qui résulteront du manque de diligence ici-bas sur la terre. Le présent et le futur ne sont pas du tout aussi éloignés l’un de l’autre que nous sommes enclins à le croire. Or, se satisfaire d’aller au ciel, sans avoir vécu pour Christ ou sans l’avoir honoré dans notre marche ici-bas ne reflète pas une juste appréciation de la grâce de Dieu. Le ciel sera merveilleux ; mais, dans un certain sens, il sera aussi un reflet de la fidélité que nous aurons manifestée pour son nom sur la terre.
Remarquons
encore un point clairement établi ici : Nous ne sommes pas encore arrivés
au but de notre foi, la gloire de Dieu. Nous sommes certes sur le chemin qui y
conduit, mais celui-ci est plein de dangers. Il y a le monde
qui nous entoure et la chair
en nous — et le diable
qui sait se
servir de l’un et de l’autre pour nous nuire. Face à ces menaces, nous avons
besoin de tout empressement afin de ne pas succomber. C’est de cette manière
que Pierre considère en général le salut
:
comme un processus, une délivrance continue qui se poursuit jusqu’à la fin de
la marche ici-bas et aboutit finalement dans la gloire (comp. 1 Pierre 1:5).
L’apôtre
Paul parle aussi du « salut » sous cet aspect. Par exemple en Philippiens
2 : « Travaillez à votre propre salut (en note : dans le sens
de : amener à bonne fin en travaillant) avec crainte et tremblement » (v.
12). — En 1 Corinthiens 15, nous trouvons également le salut en cours de réalisation
: Par
l’évangile, nous sommes sauvés (littéralement : en train d’être sauvés)
(v. 2 ; comp. aussi 1:18). Le Seigneur Jésus a une sacrificature qui ne se
transmet pas, qu’il exerce en notre faveur, afin de « sauver entièrement ceux
qui s’approchent de Dieu par lui » (Héb. 7:25). Dans ce sens, le salut trouve
son achèvement à la fin
du chemin et
inclut le salut du corps, la délivrance de toutes les circonstances, la délivrance
totale de la puissance, même de la présence du péché.
En
revanche, d’autres passages montrent que, pour ce qui concerne son âme, le
chrétien qui a cru possède déjà le plein salut dans le Christ Jésus. Telle est
sa position fondée sur l’œuvre de Christ : il est sauvé, Dieu l’a
sauvé et il reçoit
le salut de l’âme (Éph. 2:8 ; 2 Tim. 1:9 ; Tite
3:5 ; 1 Pierre 1:9). Il s’agit de différents aspects d’une seule et même
chose. Toutefois dans notre passage, il est question de notre pratique, de
notre progression sur le chemin de l’expérience chrétienne. Et alors les
exhortations à la vigilance, au zèle et à d’autres caractères semblables, sont
à leur place (comp. aussi Héb. 6:11). Dans ce sens, la réalisation de progrès
en dépit de tous les obstacles dépend de notre responsabilité. Certes, nous
sommes gardés par la « puissance de Dieu », mais, comme nous l’avons déjà vu,
cela se produit « par la foi ».
Aussi
la foi
est-elle ici la première chose
mentionnée ensuite par Pierre. Il ne dit pas de celle-ci comme des éléments
suivants qu’elle doit être « jointe », « fournie » ou « mise à disposition ». La
raison en est bien simple : la foi est supposée présente en ceux à qui il
écrit.
Par
« foi », il faut manifestement entendre ici le principe
moral de la foi, la puissance
de la foi dans l’individu et non pas la doctrine chrétienne. Or, cette foi
personnelle est le commencement de tout pour les enfants de Dieu. Sans elle,
ils n’ont rien. Même l’amour, le dernier élément de l’énumération, n’est pas
imaginable sans la foi : car celle-ci est « opérante par l’amour » (Gal.
5:6). Tout ce qu’il y a de précieux dans notre vie résulte de la foi. Elle est
l’alpha et l’oméga de notre vie chrétienne. Plus j’y pense aujourd’hui, plus je
fais mienne la prière des disciples : « Augmente-nous la foi ». Par la foi
seule — les yeux fixés sur Jésus, le Fils de Dieu — nous pouvons vaincre le
monde (1 Jean 5:4, 5). Il est presque inutile de dire que la foi est occupée
non pas des choses visibles de ce monde, mais des choses invisibles du monde de
résurrection de notre Seigneur. Elle est comme une main qui se tend dans le
monde invisible du bien et ramène les choses qu’elle y trouve dans le monde
visible. Pouvoir croire est un cadeau inestimable — c’est le « don de Dieu ».
Sept fruits
ou caractères de la vie nouvelle doivent
résulter de la foi. Bien qu’ils soient présentés dans un ordre et une suite
divinement sages, l’apôtre ne parle pas de la simple addition d’une chose à
l’autre, comme s’il s’agissait de marches successives qu’il faut gravir les
unes après les autres. Quand même ces sept éléments sont progressifs quant à
leur caractère, les croyants doivent porter en eux et manifester tous
ces traits. C’est comme si
quelqu’un reçoit une pomme qualifiée de « délicieusement juteuse ». Il mord le
fruit et constate : « Elle est juteuse, mais elle manque d’acidité ». Un
croyant peut être très gentil, mais manquer de détermination ou de patience.
Dieu ne se satisfait pas de ce que ses enfants ne manifestent que l’un ou
l’autre de ses caractères. Toutes les qualités
de la nature divine doivent apparaître dans les siens.
Aussi
l’écrivain sacré continue-t-il : « … joignez à votre foi, la vertu… » Il
veut dire : Veillez à ce que votre foi soit telle qu’elle produise tout
cela : vertu, connaissance, tempérance, patience, piété, affection
fraternelle, amour. J’ai déjà indiqué quelques façons différentes de rendre le
mot « joindre » : « fournir, mettre à disposition ». Le sens premier de ce
terme se rapporte à la disposition et à l’entraînement d’un grand chœur pour
une cérémonie officielle. En général, les frais étaient pris en charge par un
bienfaiteur ou sponsor fortuné : Il fournissait
tout ce qui était nécessaire pour l’occasion. C’est le mot contribuer
. Plus tard, il a été généralisé et a pris alors le sens
de « fournir, accorder, donner ». Il me semble toutefois que l’expression
« contribuer » est bien adaptée au contexte : « … joignez à votre foi, la
vertu, contribuez-y par la vertu ».
La foi nous relie à Dieu et, comme premier résultat, la « vertu » est présentée ici. Nous avons déjà vu en rapport avec le verset 4 ce qu’il faut entendre par ce terme : énergie et détermination spirituelles, courage moral. Nous avons besoin d’une telle détermination en vue de chacun des trois ennemis mentionnés.
Pour
ce qui concerne Satan
, il ne
négligera rien pour nous détourner du chemin de l’obéissance. Il l’a fait à
l’égard du Seigneur Jésus, le Fils de Dieu et il le fera envers ceux qui le
confessent et sont devenus maintenant eux-mêmes des « fils de Dieu ». Et de même
que le Sauveur lui a résisté uniquement par la parole de Dieu, par le « il est
écrit » (Matt. 4), nous devrions nous également utiliser cette seule arme dans
un tel combat. « Prenez aussi… l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu »,
lisons-nous en Éphésiens 6. Seule la foi, dans la puissance de l’Esprit, peut
manier correctement cette épée. Aussi, dans sa première épître, Pierre
dit-il : « Résistez-lui (au diable), étant fermes dans la foi » (5:9).
Suivre
le Seigneur Jésus et défendre ses droits implique également que nous nous
engagions sur le champ de bataille. Pour le faire, nous avons besoin de courage
moral. Aussi celui-ci occupe-
t-il la première place dans cette énumération des fruits de la foi. Il s’agit
du courage d’un soldat qui s’avance résolument contre tous les adversaires.
Si
nous pensons à la chair
, nous
reconnaissons vite que, pour mettre fin à son activité, l’énergie spirituelle
est également nécessaire. Comment pourrions-nous jouir de la communion pratique
avec Dieu, si nous laissions libre cours à la vieille nature en nous ?
Dieu désire que nous soyons maîtres de nous-mêmes, et capables de choisir le
bien et de rejeter le mal.
Une telle puissance ne peut découler que d’un attachement conscient à Dieu, plein de foi. Le cœur est alors dirigé par le bien, et la communion avec Dieu est entretenue. Avec cela, nous ne « combattons » pas contre le péché en nous, mais nous nous tenons pour « morts » au péché (Rom. 6:11) : nous avons choisi l’autre côté. Quelle part bénie ! Puissions-nous seulement la réaliser davantage !
En
relation avec le monde
, nous avons
déjà vu en Moïse un bel exemple de détermination spirituelle. Il « refusa » et il
« choisit » (Héb. 11:24, 25). Daniel aussi « arrêta dans son cœur » qu’il ne se
souillerait point par les mets délicats du roi, et ensuite il « demanda » quelque
chose de meilleur (Dan. 1:8). La « vertu » est donc cette énergie qui sait refuser
et choisir
; qui est capable de dire non aux offres pressantes
que le monde nous présente mille fois par jour, pour avancer plutôt vers le but
placé devant nous, Christ dans la gloire. Et comme nous trouvons, en Galates
5:22, une liste du « fruit de l’Esprit » en contraste avec les « œuvres de la
chair » énumérées au verset 19, nous avons ici le chemin du croyant par
opposition à celui du monde religieux (comp. 2 Pierre 2 et 3).
Refuser
et choisir
— il est difficile de définir mieux ce qu’implique la détermination spirituelle
dans un monde tel que celui-ci et avec un cœur comme le nôtre. Elle conduit à
se renoncer soi- même et rend possible une pleine communion avec Dieu. Il n’y a
pas d’autre chemin pour parvenir au vrai bonheur.
Cependant,
la force spirituelle n’est pas tout. Nous avons également un grand besoin de connaissance
. Aussi est-il ajouté :
« à la vertu, la connaissance ». Nous ne sommes pas exhortés à ajouter un élément
à la vertu : la connaissance ; puis à la connaissance, un autre
élément et ainsi de suite. La pensée est plutôt la suivante : Dans
l’exercice de la vertu, la connaissance doit se développer ; dans la
connaissance, la tempérance, etc. L’un s’épanouit à partir de l’autre, n’est
pas concevable sans l’autre, mais se trouve contenu en germe dans le premier.
Tel me semble être le sens de ce passage qui devrait se lire ainsi : « À
votre foi, fournissez aussi la vertu ; à la vertu, la connaissance, etc. »
Pour le chrétien, il n’est pas demandé de zèle aveugle, ni de grands efforts personnels sur des chemins impies ; mais il s’agit de la direction par la parole de Dieu pour chaque pas. Les Juifs avaient du zèle pour Dieu, « mais non selon la connaissance », d’après le jugement de la parole de Dieu (Rom. 10:2). Aujourd’hui également, on trouve beaucoup d’engagement et d’activité dans le domaine chrétien, mais pas toujours accompagnés de la connaissance. Seule la connaissance de Dieu et de ses pensées nous garde du fanatisme et d’autres voies de volonté propre.
Nous
ne pouvons pas non plus apprendre les choses de Dieu si nous n’avons pas
l’intention sincère de vivre selon elles. Esdras avait disposé son cœur à
rechercher la voie de l’Éternel, et à la faire
(Esdras 7:10). Dieu n’est pas prêt à nous donner une connaissance stérile. En
fait, nous ne pourrions guère nuire davantage à notre être intérieur qu’en nous
satisfaisant d’une connaissance purement extérieure des choses de Dieu, pensant
les connaître, alors que la « vertu » nous fait défaut. Une telle connaissance
intellectuelle enfle (1 Cor. 8:1) et mène à l’hypocrisie.
La vraie connaissance de Dieu — et c’est ce dont l’apôtre parle ici — rend humble. Dieu veut que nous connaissions les choses qui nous ont été données par lui (1 Cor. 2:12). Aussi est-ce très précieux que la « vertu » soit suivie de cette connaissance et qu’elle en soit accompagnée. Car la connaissance approfondie de Dieu, de ses voies et de ses pensées, élargit notre cœur et le remplit de bonheur. En même temps, nous discernons plus clairement le chemin de la vérité et échappons aux multiples erreurs qui s’introduisent aujourd’hui dans la chrétienté.
Soulignons encore une fois le principe si important : La vérité de Dieu et toutes les bénédictions que Dieu donne ne peuvent être réellement connues et apprises que par l’obéissance — que si nous marchons en elles.
Cette
connaissance conduit à la tempérance
,
c’est-à-dire la maîtrise de soi. Parlant de l’Écriture, l’apôtre Paul dit
qu’elle est utile d’abord pour enseigner et ensuite pour corriger (2 Tim.
3:16) ; nous trouvons le même ordre ici. Si nous apprenons la vérité, la
première chose que nous sommes alors amenés à reconnaître est que ses revendications
s’adressent d’abord à nous-mêmes.
L’importance de la tempérance ou de la maîtrise de soi nous apparaîtra clairement si nous considérons un peu son antonyme : la débauche. Ne pas garder le contrôle sur soi-même, laisser libre cours aux convoitises, conduit immanquablement à la débauche. On ressemble alors à un bateau sans gouvernail sur une mer houleuse. Où s’échouera-t-il finalement ?
Quelle différence lorsque notre cœur est rempli de la connaissance de Dieu et qu’il est heureux ! Nous avons alors la puissance pour réfréner nos « appétits », pour tenir nos désirs sous contrôle. Nous nous imposons volontairement des limites et ne laissons pas le champ libre à nos désirs. Ce contrôle de soi, lié à la connaissance de la parole de Dieu, ne débouche pas sur une abstinence légale (tempérance) à la manière de Colossiens 2:21 : « Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas ! » Il ne s’agit pas non plus de l’abstention du mariage ou de viandes que Dieu a créées pour être prises avec actions de grâces par les fidèles et par ceux qui connaissent la vérité (1 Tim. 4:3).
Le
chemin de Dieu n’est pas fait de restrictions légales, purement extérieures,
que l’on s’impose, mais consiste à soigner l’homme intérieur jour après jour
dans la communion du Seigneur. De cette manière seulement nous pouvons nous
gouverner nous-mêmes et maintenir un certain ordre dans notre être intérieur.
Et soyons bien assurés d’une chose : nous ne pourrons rien diriger ou
garder en ordre si nous ne commençons pas ici, c’est-à-dire par nous-mêmes
.
Dans le monde occidental où nous vivons, beaucoup sont saisis aujourd’hui d’une démesure bien propre à nous faire peur. N’existe-t-il plus de frontière ? Pensons seulement à des mots clés tels que consommation, jouissance, plaisir, expérience, possession. Tout est exploité à fond ; on voudrait retirer de tout le maximum possible.
Une telle exhortation n’est-elle pas dès lors particulièrement importante pour nous à notre époque : « Joignez… à la connaissance, la tempérance » ? Il ne s’agit pas simplement de garder une certaine mesure, mais nous sommes appelés à réfréner notre propre volonté, à contrôler notre propre « moi ». La connaissance que nous pouvons posséder des pensées de Dieu nous sera très utile à cet effet, car nous savons bien ce qu’il pense à l’égard de toutes choses et quel est l’aboutissement de toutes choses dans le monde.
« …
Et à la tempérance, la patience
» —
tel est le maillon suivant ajouté par le Saint Esprit à la chaîne. Considérons
d’abord brièvement la notion de « patience ».
Le
mot employé dans l’original pour « patience » signifie littéralement « demeurer
sous ». Sous quoi ? Sous les circonstances dans lesquelles Dieu nous a
placés. La patience a affaire avec des circonstances, des choses
, contrairement à la longanimité, un caractère proche, qui se
réfère à des personnes
. La
longanimité ou longue patience est également imputée à Dieu, elle le
caractérise même. Ne supporte-t-il pas avec patience même des êtres
méchants ? Mais jamais la patience (« demeurer sous ») n’est attribuée à
Dieu, car il n’est en aucune manière touché par les choses ou les circonstances
dans le sens qu’il se trouve sous
elles. En Romains 15, il est appelé le « Dieu de patience » et un peu plus loin
le « Dieu d’espérance » (v. 5 et 13). Mais dans les deux cas, non pas parce qu’il
demeure sous quelque chose ou qu’il espère quelque chose, mais parce qu’il
donne et la patience et l’espérance à celui qui regarde à lui.
Si
Dieu n’est pas touché par les circonstances, nous le sommes assurément. Nous
souffrons sous l’effet de celles-ci et Dieu le sait. Nous avons alors besoin de
patience, de rester dessous. C’est plus que de la longanimité. Celle-ci ne
représente qu’une partie du mot employé pour patience. La pensée est peut-être
mieux rendue par ferme persistance
.
Cela nous montre clairement que cette patience n’est pas une affaire purement
passive, telle que nous nous la représentons la plupart du temps. Manifester de
la fermeté et de la persistance requiert une puissance spirituelle beaucoup
plus grande. Nous le voyons d’une manière très belle en Colossiens 1 où toute
la force et la puissance de la gloire de
Dieu
sont déployées, pour amener les croyants à « toute patience et
constance (ou longanimité), avec joie » (v. 11).
L’épître qui nous occupe ne nous conduit toutefois pas aussi loin. Pourtant nous apprenons ici une chose absolument essentielle pour notre vie pratique. Du fait que nous connaissons par la foi la vérité de Dieu et que, par conséquent, nous nous imposons des restrictions dans ce monde, le cœur est libre et peut être occupé des choses célestes. Et dans la mesure où nous y trouvons notre satisfaction profonde, la patience devient plus facile.
Ma main tremble en écrivant de tels mots ; et pourtant je sais qu’il en est ainsi. La phrase suivante, due à la plume d’un autre, est aussi absolument vraie : « Même si nous devions tout perdre ici-bas, nous ne perdrions pourtant encore rien de ce qui nous appartient réellement ».
Que le Seigneur Jésus nous aide à voir les choses davantage sous cet angle — à les voir telles qu’elles sont en réalité ! Et qu’il nous accorde de la patience, une ferme persistance dans les jours difficiles que nous vivons, afin que nous demeurions malgré tout heureux dans son amour !
La
piété
vient ensuite, et ici également
nous examinerons d’abord le mot en tant que tel. Il est dérivé d’un verbe
signifiant « avoir un bon respect ». La « piété » décrit donc une attitude
appropriée à l’égard de Dieu, et les expressions dévotion
ou crainte de Dieu
conviennent bien également. La piété est en contraste absolu avec la vie impie
des faux docteurs et leurs œuvres iniques
(2 Pierre 2:6, 7).
La vraie piété — qu’il convient de distinguer soigneusement de la caricature qu’en ont fait les hommes, la bigoterie — s’exprime au travers d’une vie de communion avec Dieu, dans une soumission volontaire à sa volonté, car on sait qu’elle est de beaucoup la meilleure. On se confie comme un enfant en Dieu, parce qu’on connaît son amour et qu’on en jouit ; et on craint d’autant plus de le déshonorer en pensées, en paroles ou en actes.
Ce caractère précieux de la vie divine découle tout naturellement de la patience : « Et à la patience, la piété ». Si notre foi est éprouvée par des circonstances de toute sorte, mais qu’elle se manifeste dans la patience, la piété se joint à elle comme compagnon heureux, paisible. Quel dommage de devoir maintes fois y renoncer, parce que nous ne comptons pas véritablement sur Dieu et que nous intervenons nous-mêmes !
Nos fréquentations nous marquent soit en bien soit en mal. Et si les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs (1 Cor. 15:33), inversement, nos relations avec Dieu favorisent le bien. Tenons-nous donc près de Dieu ! Nous vivrons alors aussi pieusement dans le présent siècle ; car nous ressemblons tous à ce qui occupe nos pensées.
L’apôtre Paul nous montre, sous un aspect un peu différent, ce qui constitue le « mystère de la piété » : la vérité de Christ (1 Tim. 3:16). La vérité enseignée de Dieu concernant Christ aura toujours la vraie piété comme résultat pratique, là où elle est reçue avec foi (6:3). Sinon, soit il ne s’agit pas de la vérité, soit la foi manque.
Comme
cela a été dit au début, cette piété doit être présente tout au long de la vie.
Sans elle, il n’y aurait ni vertu, ni tempérance, ni patience. Toutefois, elle
doit trouver de la place pour se développer. À vrai dire, il semble curieux que
la piété, si importante, ne soit nommée qu’ici, à un rang assez reculé.
N’est-ce pas peut-être pour nous enseigner une leçon supplémentaire ? Si
nous nous connaissons, si nous regardons autour de nous — combien de choses
dans le chrétien sont de nature à empêcher le développement de ce
caractère ! Chez nous aussi, combien d’obstacles doivent être enlevés du
chemin avant que nous puissions jouir de cette bénédiction d’une manière durable
: Voir Dieu en tout,
introduire Dieu dans tout, reconnaître Dieu en tout, faire confiance à Dieu en
tout, se réjouir en Dieu en tout temps ! Car, en réalité, c’est cela la piété
, chers amis.
Le
sommet de la pyramide des caractères produits par Dieu est presque
atteint : « Et à la piété, l’affection fraternelle ». D’un cœur ayant la
foi, qui fait preuve de courage moral, qui connaît Dieu, sait se contrôler, use
de patience et de piété, découle librement de la sympathie pour les autres
croyants : l’affection fraternelle
est en activité. Si nous donnons à Dieu dans nos cœurs la place qui lui
revient, nous en aurons aussi pour ceux qui lui sont chers : nous aimerons
les frères. C’est ce que Dieu nous « enseigne » : « Or, quant à l’amour
fraternel, vous n’avez pas besoin que je vous en écrive ; car vous-mêmes,
vous êtes enseignés de Dieu à vous aimer l’un l’autre » (1 Thess. 4:9).
Remarquons
le rang occupé par l’affection fraternelle dans cette énumération ! Elle
ne vient pas immédiatement après la « foi ». Il faut d’abord de la « vertu », de la
détermination spirituelle, afin de me séparer pour Christ de tout mal, de tout
ce dont la sainte parole de Dieu m’écarte — même si certains de mes frères se
trouvent peut-être encore liés à ces choses. Le chemin de Dieu consiste d’abord
dans la séparation, ensuite dans l’unité. Citons deux autres exemples à ce
sujet. En Hébreux 2:11, il est parlé de la sanctification
des croyants en premier lieu et ensuite du fait qu’ils sont tous d’un
. Et en Jean 17, le Seigneur exprime
d’abord la demande que les siens soient « sanctifiés
par la vérité » (v. 19), avant de parler de leur unité : « afin qu’ils
soient un
» (v. 22).
L’affection fraternelle est le résultat de la piété ; on ne la trouve que dans une vraie dévotion. « Par ceci nous savons que nous aimons les enfants de Dieu, c’est quand nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements » (1 Jean 5:2). Telle est la pierre de touche divine du vrai amour. Nous aimons les frères en vérité uniquement lorsque notre amour est « flanqué » ou placé sous la sauvegarde de l’amour pour Dieu et de l’obéissance à ses commandements. Aussi ne devrions-nous pas juger simplement d’après ce qui éveille en nous un sentiment heureux et le prendre pour de l’affection fraternelle. Nous ne devrions pas non plus insister à tout prix sur certains commandements divins, et fermer les yeux avec autant de détermination sur d’autres commandements, de Dieu aussi, allant dans une direction différente. Nous n’avons pas le droit d’attribuer à certains d’entre eux plus d’importance qu’à d’autres. Tous les commandements de Dieu sont Ses commandements. Ainsi, nous devons mesurer notre amour envers les frères, le jauger selon l’obéissance aux commandements divins. Minimiser le mal chez mon frère ou même l’ignorer n’est pas de l’amour : c’est manifester une indifférence extrême à son égard. La véritable affection fraternelle ne se trouve en fait que dans la piété.
Tout
notre amour qu’est-il d’autre sinon un reflet de son amour ? Nous, nous
aimons parce que lui nous a aimés le premier (1 Jean 4:19). Et ses
commandements que sont-ils d’autre sinon l’épanchement de son amour parfait
envers nous ? « Et nous avons ce commandement de sa part, que celui qui
aime Dieu, aime aussi son frère » (v. 21). Mais cela signifie que nous aimons
les frères, précisément parce qu’ils sont des frères
. Si nous aimons Dieu, nous aimons également ses enfants car
ils sont issus de lui. « Quiconque aime celui qui a engendré, aime aussi celui
qui est engendré de lui » (5:1). Pour ce seul motif, nous recherchons leur bien,
à cause de cela uniquement, ils nous sont chers. Nous devons agir comme des
hommes qui viennent directement de Dieu et sortent en grâce, dans la dépendance
envers lui, pour aider les autres quel que soit leur état. N’avons-nous pas
tous plus ou moins manqué à cet égard ? N’aimons-nous pas trop souvent
seulement ceux qui nous aiment aussi ? Le Seigneur Jésus dit que les
pécheurs en font autant (Luc 6:32). Qu’il nous aide à aimer les enfants de Dieu
parce qu’il les aime
! Telle est
la meilleure manière de les aimer.
Il ressort clairement de tout ce qui a été dit concernant l’affection fraternelle que celle-ci a ses limites et ses dangers. Cela tient d’une part à son caractère et d’autre part à ses objets. Combien facilement elle est mélangée à des sentiments purement naturels, combien vite elle dégénère en partialité ! Aussi l’affection fraternelle n’est-elle pas placée au-dessus de l’amour, mais l’inverse. L’amour est le couronnement de l’affection fraternelle. Cela s’explique déjà du fait qu’il ne peut pas être dit : « Dieu est affection fraternelle », alors que nous lisons : « Dieu est amour ». Mais avec cela nous arrivons déjà au dernier point de cette précieuse chaîne : l’amour. Nous allons voir qu’il est aussi nécessaire à l’affection fraternelle comme correctif.
Sans
aucun doute, l’amour en tant que tel est le caractère le plus élevé de la vie
nouvelle, de la vie divine. Car non seulement l’amour est « de Dieu », mais Dieu
lui-même « est amour » (1 Jean 4:7, 8, 16). Par conséquent, l’amour est
directement un caractère de Dieu. Nous avons rappelé plus haut que cela ne peut
pas être dit de l’amour fraternel. L’affection fraternelle est certes un lien
précieux ; mais elle peut facilement dégénérer en un amour purement humain
et disparaître finalement tout à fait. En revanche, l’amour
au sens propre est divin. Il ne périt jamais (1 Cor. 13:8).
Ainsi, même là où l’affection fraternelle se manifeste d’une manière réelle et
selon Dieu, l’amour doit y être joint : « Et à l’affection fraternelle,
l’amour ».
L’amour
est non seulement le couronnement de l’affection fraternelle et de toutes les
autres vertus, mais il donne lui seul à tous les autres caractères leur pleine
valeur et leur substance. Devant Dieu, rien n’a véritablement de valeur sans
l’amour. Ainsi, quand bien même l’amour est nommé en dernier, au rang le plus
élevé, il opère à reculons dans tous les traits de la vie mentionnés
précédemment et doit être présent en nous dès le commencement, comme nous
l’avons rappelé. Cela montre une fois encore clairement que nous ne devons pas
voir dans cette énumération une simple addition de différentes qualités.
Celles-ci devraient beaucoup plutôt être toutes
présentes en nous.
L’amour
n’est pas pour autant seulement le résultat final de tous les autres
caractères, mais il en est aussi la source. « Par-dessus toutes ces choses »,
nous sommes appelés à nous revêtir de l’amour, qui est le lien de la
perfection, dit l’Écriture (Col. 3:14). Dans ce passage aussi, l’amour est
considéré comme l’élément qui confère à chacune des autres vertus son vrai
caractère, son caractère divin. Tel un vêtement enfilé par-dessus les autres
habits, il maintient toutes les pièces en ordre et à leur place. Ainsi, tant
dans l’épître aux Colossiens que dans notre verset, l’auteur a devant les yeux
le plein développement
de l’amour —
un développement qui englobe et touche tous les autres caractères.
La
différence entre « affection fraternelle » et « amour » est très remarquable. On en
a déduit que l’affection fraternelle
,
normalement, s’exprime envers les frères dans la foi, tandis que l’amour
couvre un domaine plus étendu et
signifie l’amour envers tous les hommes. Mais je ne pense pas que telle soit la
pensée du Saint Esprit. Car, tout à fait indépendamment de la question de
savoir s’il convient d’attribuer une valeur plus élevée à l’amour envers les
hommes qu’à l’affection fraternelle, il s’agit clairement ici du caractère de l’amour
, non pas du domaine
de son application.
L’affection
fraternelle est très précieuse et en même temps élémentaire. Là où elle existe,
la vie divine est présente. L’amour envers les frères est précisément la preuve
que « nous sommes passés de la mort à la vie » ; en effet, il est ajouté,
« parce que nous aimons les frères » (1 Jean 3:14). Mais du fait que cet amour
est en des hommes faillibles et a pour objet des hommes faillibles, il doit
être conduit et régi par un principe supérieur. Ce principe est « l’amour
», l’amour en tant que tel. Comme
nous l’avons mentionné plusieurs fois, il est la nature de Dieu. Dieu est aussi
« lumière » (1:5). Mais quand Dieu dans sa nature agit
, il le fait en tant qu’amour
.
Bien que la mesure soit infiniment grande, nous devons pourtant nous aussi
aimer selon le même caractère que lui. Dès lors, ce ne sont pas les frères
que nous voyons d’abord devant
nous, mais, dans notre amour, Dieu
occupe la première place. Cela fait toute la différence. Mais si Dieu prend la
première place dans notre cœur, notre amour restera aussi à l’abri de toute
dégradation, de tout mélange ou refroidissement. Telle est la leçon que nous
avons à apprendre ici.
« L’amour » qui doit résulter de « l’affection fraternelle » n’implique donc certainement pas un amour général envers les hommes en tant que tels. Ce serait non pas une progression, mais une régression dans le caractère de l’amour. L’amour pour les frères est d’une nature infiniment plus noble que celui envers des êtres pécheurs. Ce dernier porte plus le caractère de compassion et de charité (Matt. 5:44). Mais l’affection fraternelle est l’expression d’une relation éternelle, existante, établie par Dieu. Pour la créer, pour introduire ne serait-ce qu’un seul homme dans la famille des enfants de Dieu, Christ a dû mourir (Jean 12:24).
Si nous sommes maintenant appelés à manifester un amour de la même nature que Dieu, où pouvons-nous le voir ? La réponse nous remplit de bonheur : en Christ ! Lui, le Fils de Dieu et le Fils du Père, est l’expression parfaite de l’amour de Dieu. Aussi levons les yeux sur lui et contemplons-le, avec foi ! Il nous aidera à manifester le fruit le plus élevé de la foi, l’amour, sans rien attendre en retour. C’est ainsi que Dieu aime. Il ne cherche pas un motif pour son amour dans l’objet de son amour. L’exemple sublime de l’apôtre Paul, qui pouvait dire, concernant les Corinthiens : « Si même, vous aimant beaucoup plus, je devais être moins aimé » (2 Cor. 12:15), prouve que des hommes rachetés sont aussi capables de manifester un amour de cette nature.
Comme nous l’avons vu, dans les versets 2 à 5 du chapitre 1, l’apôtre présente les caractères d’une vie de foi. Sept traits doivent résulter de la foi en Christ ou être « joints à notre foi » : la vertu (ou : détermination spirituelle), la connaissance, la tempérance (ou : maîtrise de soi), la patience, la piété, l’affection fraternelle et l’amour. Telles sont les choses pour la réalisation desquelles nous sommes exhortés à « apporter tout empressement ».
Au fur et à mesure que ces sept fruits de la vie divine ont été ainsi placés devant nous, nous avons certainement baissé plus d’une fois la tête avec confusion devant le Seigneur et reconnu combien peu nous les manifestons ! En effet, ces versets nous offrent de nombreux motifs de nous examiner et de nous juger nous-mêmes. Prenons le temps de le faire, bien-aimés ! Mais le Seigneur ne veut pas nous décourager. Au contraire, dans les versets qui suivent, il nous donne quelques encouragements clairs et nous sentons bien que nous en avons besoin.
Les caractères mentionnés revêtent une telle importance pour l’écrivain sacré que, depuis le verset 8, il ne revient pas moins de cinq fois sur ce qu’il appelle « ces choses » (v. 8, 9, 10, 12, 15).
Nous
pouvons donc difficilement surestimer leur valeur. Nous ne serons pas non plus
surpris que l’apôtre montre maintenant quels résultats
produit le fait de posséder ou non ces choses. Dans les
deux cas, il y a
des résultats ou des
conséquences, et tel est le point qui va être considéré maintenant.
L’apôtre poursuit le cours de la pensée en l’introduisant par un « car » :
« Car, si ces choses sont en vous et y
abondent, elles font que vous ne serez pas oisifs ni stériles pour ce qui
regarde la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ
» (v. 8).
Nous
aurons remarqué qu’ici de nouveau l’apôtre parle de la connaissance
de notre Seigneur Jésus Christ. Les déclarations de ce
verset sont donc en relation avec la connaissance de notre Seigneur,
c’est-à-dire avec le discernement de sa personne. Tout en découle. Au verset 2,
Pierre a commencé par cela : la grâce et la paix sont multipliées « dans
la connaissance ». Elle est aussi le
moyen dont Dieu se sert pour nous donner tout ce qui regarde la vie et la
piété : « par
la connaissance »
(v. 3). Puis la connaissance fait encore partie des fruits de la nouvelle vie
(v. 5). Et maintenant, au verset 8, tout aboutit de nouveau à la connaissance
de notre Seigneur Jésus Christ : « pour ce qui regarde la connaissance », ou
« en vue de la connaissance ». Cette dernière traduction semble mieux
correspondre à la pensée du passage : il s’agit de ne pas être oisifs ni
stériles en vue
de la connaissance,
ou pour [parvenir à] la connaissance. Ainsi la connaissance du Seigneur Jésus
est le commencement
, la continuation
et le but
de la vie chrétienne. Paul parle de ce but en ces termes :
« … Pour le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la
communion de ses souffrances » (Phil. 3:10). Tout le bonheur du chrétien,
chacune de ses bénédictions, sont liés à la connaissance de son Seigneur. Sans
elle, il n’y a ni croissance ni fruit pour Dieu.
Il
convient ici de considérer deux points. Le premier est le suivant :
seulement si ces choses sont en nous, et dans une mesure croissante, nous
pourrons traverser intact un monde dont Satan est le dieu et le chef et dans
lequel les convoitises d’une part et, d’autre part, l’opposition ouverte
s’unissent afin de nous rendre oisifs et stériles pour ce qui regarde la
connaissance de Jésus Christ, notre Seigneur. Mais ensuite — et c’est le second
aspect — il nous faut garder constamment le Seigneur Jésus devant les yeux et
marcher dans la communion avec lui. Si nous apprenons jour après jour de lui,
dans sa communion, nous ne pourrons pas être oisifs ni stériles pour ce qui
concerne le discernement de sa personne bénie. D’un côté, comme nous l’avons
vu, dans la connaissance de Dieu et de Jésus Christ notre Seigneur, nous
trouvons la force pratique (v. 2, 3). Mais, d’un autre côté, si ces choses sont
en nous, nous entrerons aussi plus profondément dans la connaissance de Christ.
Aussi lisons-nous ici : « pas oisifs ni stériles pour ce qui regarde
(ou : pour
,
en vue de
) la connaissance de notre
Seigneur ». Nous trouvons aussi cet aspect en Colossiens 3, où il est dit du
nouvel homme qu’il est renouvelé en
connaissance
selon l’image de Celui qui l’a créé (v. 10).
Le but de toutes les interventions de Dieu à notre égard est de nous amener à mieux connaître Christ. Pierre savait que tout ce qui ne conduit pas à une connaissance plus profonde du Seigneur Jésus signifie une perte pour le croyant. Nous sommes rendus moralement capables de traverser ce monde dans la mesure selon laquelle nous connaissons Christ.
Arrêtons-nous
encore un moment sur les mots oisifs
et stériles
! Dieu ne veut pas
d’ouvriers oisifs (« Va vers la fourmi, paresseux », Prov. 6:6) ; et s’il a
fait de nous des sarments demeurant dans le cep, c’est afin que nous portions
du fruit. Le Seigneur a dit : « En ceci mon Père est glorifié, que vous
portiez beaucoup de fruit » (Jean 15:8). Mais à lui
seul appartient de juger si quelqu’un porte du fruit ou est oisif
et stérile. Quelle pensée réconfortante ! Quand les Égyptiens privaient
les Israélites de la paille nécessaire pour faire les briques et leur
imposaient un service encore plus dur afin de leur faire abandonner la pensée
de célébrer une fête au Dieu d’Israël dans le désert, les fils d’Israël durent
entendre de la bouche du Pharaon ces paroles : « Vous êtes paresseux,
paresseux ; c’est pourquoi vous dites : Allons et sacrifions à
l’Éternel » (Ex. 5:17). Et lorsque Marie répandit le parfum de grand prix sur son
Seigneur, il se trouva même parmi les disciples de Jésus certains qui
qualifièrent son acte de « gaspillage » (Matt. 26:8).
Le monde ne comprend rien à la valeur de la vraie adoration, et il est humiliant que des chrétiens non spirituels n’en aient en général pas non plus l’intelligence et considèrent le fait de s’occuper de la personne de Christ comme secondaire, comme une perte de temps. En tout cas, leur attitude conduit à cette conclusion. Mais le croyant qui fait des progrès dans le chemin et dans la connaissance du Seigneur n’est ni oisif ni stérile aux yeux de Dieu. Et au jour de Christ, la fidélité — non pas le succès — sera récompensée (2 Tim. 2:5 ; Luc 19:17).
« Car celui en qui ces choses ne se trouvent
pas est aveugle, et ne voit pas loin, ayant oublié la purification de ses
péchés d’autrefois
» (v. 9).
Lorsqu’il
a parlé de l’aspect positif (« ces choses » sont
présentes), l’apôtre s’est servi du pluriel : « en vous ». Mais maintenant,
en relation avec le côté négatif (« ces choses » ne se trouvent pas
), il utilise le singulier :
« celui en qui ». Il passe également du « vous » personnel au « celui » impersonnel.
Nous pouvons en déduire qu’il illustre maintenant un état anormal
pour un croyant, qui peut néanmoins très bien se
rencontrer dans des cas individuels.
À
cet égard, les expressions employées dans l’Écriture sont très
encourageantes ; car d’une manière générale, on y trouve la description de
ce qui est normal
pour un chrétien.
Concernant le verset 14 de Romains 8 : « Car tous ceux qui sont conduits
par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu », quelqu’un a posé une fois à
l’auteur de ces lignes la question suivante : Qu’en est-il donc de ceux
qui ne se laissent pas
conduire par
l’Esprit : Dieu ne les considère-t-il alors pas
comme ses fils ? La réponse a consisté dans le principe
qui vient d’être mentionné : Dieu montre ce qui est typique et normal pour
ses enfants. Mais il se voit parfois contraint, pour nous avertir, de présenter
ce qui est maladif et anormal. Tel est précisément le cas dans notre verset.
Il est donc possible qu’un enfant de Dieu ne vive pas dans ces choses. Qu’en résulte-t-il ? Avant d’aborder cette question, soulignons encore le fort contraste entre les versets 8 et 9. L’auteur ne connaît que ces deux états : « Ces choses » sont présentes ou elles ne le sont pas. Nous pouvons nous demander : Dans la pratique, n’existe-t-il pas de degrés ? Évidemment, il s’en trouve. Mais l’Écriture ne place pas devant nous la « gamme des gris », avec tous les états intermédiaires possibles.
Nous devons apprendre — et tel est bien le sens de cette manière de présenter — que dans les choses de Dieu il n’y a pas d’arrêt : ne pas avancer signifie reculer. Ne pas croître, c’est régresser. À cet égard, nous sommes comme la lune : soit nous croissons, soit nous diminuons. Il n’existe pas de milieu.
En fait, il est impossible de vivre dans ces choses sans manifester les fruits correspondants — de même qu’il n’est pas possible de se tenir au soleil sans réfléchir ses rayons. Si nous ne les reflétons pas, c’est que nous avons quitté le soleil !
Ne
pas marcher dans la communion avec le Seigneur conduit à l’aveuglement
spirituel. Placez devant un tel chrétien les vérités
glorieuses de la parole de Dieu — il ne les voit pas ! Et de ce fait, son
cœur reste froid et insensible. Il est déjà bien assez triste que le dieu de ce
siècle ait aveuglé les pensées des incrédules
,
pour que la lumière de l’évangile de la gloire du Christ qui est l’image de
Dieu, ne resplendisse pas pour eux (2 Cor. 4:4). Mais il est encore infiniment
plus triste qu’un enfant de Dieu, un croyant qui, par principe, peut « voir » (v.
6), ignore la gloire de la personne du Seigneur et la vérité de Dieu !
Peut-être trouve-t-on encore, dans une certaine mesure, une compréhension rationnelle des vérités divines, mais le cœur ne saisit pas véritablement leur beauté et leur valeur.
Or, pour pouvoir comprendre les bénédictions infinies du christianisme, il est absolument nécessaire d’avoir les yeux de notre cœur éclairés par l’Esprit de Dieu (Éph. 1:18). Cela demeure toujours vrai et vaut pour tout enfant de Dieu. Mais, dans notre verset, il est question d’un aveuglement résultant de pensées mondaines. Nous avons déjà relevé précédemment que Dieu n’accorde pas de lumière à celui qui n’est pas disposé à marcher en elle.
L’Ancien
Testament nous donne plus d’un exemple sérieux en relation avec notre sujet.
Après son péché avec Bath-Shéba, David n’a-t-il pas été aveugle quant à
lui-même et à la vérité de Dieu ? Il ne comprit, ne « vit » qu’il était
personnellement concerné qu’au moment où le prophète Nathan lui dit sans
détours : « Tu
es cet
homme ! « (2 Sam. 12:7). Et Balaam ne demeura-t-il pas aussi aveugle à
toute sa folie ? Il voyait moins que l’ânesse qu’il montait (Nomb. 22:23).
Samson se laissa aller à la convoitise de la chair et perdit non seulement sa
force, mais aussi la vue. Les Philistins lui crevèrent les yeux. Il ne savait pas
que l’Éternel s’était
retiré de lui (Juges 16:20, 21). Plus tard dans l’histoire d’Israël, Dieu doit
constater à l’égard de son peuple apostat : « Éphraïm s’est mêlé avec les
peuples ; Éphraïm est un gâteau qu’on n’a pas retourné. Des étrangers ont
consumé sa force, et il ne le sait pas
.
Des cheveux gris sont aussi parsemés sur lui, et il ne le sait pas
» (Osée 7:8, 9). Une telle ignorance est de
l’aveuglement spirituel.
Après
le qualificatif « aveugle », Pierre ajoute « et ne voit pas loin ». Pense-t-il à
une sorte de premier degré de cécité, comme cela peut se rencontrer dans le
domaine naturel ? Il ne semble pas. L’aveuglement de celui en qui « ces
choses » ne se trouvent pas a plutôt son origine dans sa vue limitée :
parce qu’il ne voit pas loin, il est aveugle. Deux faits viennent appuyer cette
interprétation. Premièrement, l’ordre des expressions : aveugle
— il ne voit pas loin
. Si l’apôtre avait voulu montrer une évolution
logique ou dans le temps, il aurait dû dire d’abord : « il ne voit pas
loin ». Deuxièmement, traduit littéralement, le texte original de notre verset
se présente de la manière suivante : « celui-ci… est aveugle, ne voyant pas loin
». Un état permanent
de myopie constitue l’aveuglement. Nous en verrons la confirmation plus bas.
Si un enfant de Dieu néglige la communion avec Dieu, celle-ci est remplacée par l’amour du monde dans le cœur (comp. 1 Jean 2:15, 16). Mais cet amour du monde agit comme un poison insidieux et trouble inévitablement la perception spirituelle. La capacité de voir « loin » disparaît. Au lieu d’être fixé en haut, le regard s’abaisse, il se détourne des choses célestes lointaines, pour se poser sur ce qui est proche, terrestre, mondain. Arrivé à ce point, on est effectivement aveugle pour les choses célestes. On ne les voit plus, parce que le regard ne se porte « pas loin ».
Quelle
évolution bouleversante ! En général, elle se manifeste d’abord par le
fait qu’on trouve toujours moins de temps pour la prière et la lecture de la
parole de Dieu. La fréquentation des réunions perd aussi de son importance.
Lorsque Christ n’est plus l’objet du cœur, des prétendus devoirs, même les
occupations nécessaires liées aux intérêts terrestres, remplacent petit à petit
la vie spirituelle, jusqu’au moment où la pauvreté remplit l’âme. Ah !
posons-nous tous la question : nos propres regards ne sont-ils pas trop
souvent dirigés en bas, attirés par ce qui est proche, par la sphère
terrestre ? Nous pouvons être assurés d’une chose : une telle
direction du regard ne nous conduira jamais au vrai bonheur. Assurément, nous
devons nous acquitter de nos devoirs terrestres. Il ne s’agit pas de cela ici.
C’est exclusivement une question de cœur
:
Où sont dirigés les regards de notre cœur
?
Même lorsque les exigences des devoirs terrestres sont très fortes, le regard
peut être fixé avec foi en haut sur le Seigneur. Il ne le laissera pas sans
réponse et remplira le cœur d’un bonheur profond. Et n’est-ce pas un privilège
inappréciable de pouvoir regarder « loin » ? Seule la parole de Dieu, dans
la puissance du Saint Esprit, nous permet d’avoir ce regard, soit dit en
passant.
La perte de la vue spirituelle (être aveugle, et ne pas voir loin) s’accompagne de celle de la mémoire spirituelle : « Ayant oublié la purification de ses péchés d’autrefois ».
Qu’est-ce
que cela signifie ? Certainement pas, comme on le suppose souvent, qu’un
tel chrétien n’est plus sûr d’être sauvé et a perdu la certitude du salut qui
faisait sa joie jusqu’ici. En effet, qu’a
-t-il
oublié ? Que ses péchés d’autrefois ont été ôtés, pardonnés
? Non, absolument pas. Il a oublié qu’il a été purifié
, tiré de ses péchés d’autrefois,
de ses anciennes habitudes, de son mode de vie avant sa conversion.
Parce que son esprit est totalement absorbé par les choses visibles environnantes, il a perdu la conscience que le christianisme est un domaine saint, céleste. Et ainsi, il a perdu de vue la véritable position chrétienne de pureté et ne discerne plus les différences fondamentales avec la nature et les pratiques du monde. Quand on ne voit plus ces différences, le pas suivant — celui du retour au monde — n’est pas loin. Toute déviation des chemins de Dieu aboutit sous une forme ou l’autre dans le monde. On abaisse petit à petit la mesure, jusqu’à ce que finalement on tombe au niveau du monde, à ses manières d’agir et à ses principes. Un tel chrétien a pratiquement laissé échapper toute la vérité.
Ne pouvons-nous pas penser ici à Lot, le neveu d’Abraham ? Il est le portrait, placé devant nous comme avertissement, d’un chrétien retourné dans le monde. Son cœur l’attirait non pas en Canaan, mais vers Sodome, malgré la méchanceté de cette ville. Et ainsi il connut aussi ce sort funeste : il ne voyait pas les différences entre Canaan et Sodome, entre le « jardin de l’Éternel » et le « pays d’Égypte » (Gen. 13, 10). Un jour on finit par suivre son cœur. Lot l’a fait : d’abord, il dressa ses tentes « jusqu’à Sodome » (v. 12). Puis il « habita » dans cette ville impie (14:12) pour enfin « s’asseoir à la porte » comme juge (19:1). Ces trois étapes marquent une descente fatale. Le dernier épisode que le récit historique de l’Écriture donne de Lot le montre dans un état d’avilissement indescriptible (19:30ss). Mais tout a commencé lorsqu’il « leva les yeux et vit toute la plaine du Jourdain, qui était arrosée partout » (13:10). Lui également n’a « pas vu loin ».
Le chrétien qui se laisse diriger par des pensées mondaines et, en conséquence, abandonne pratiquement sa position de pureté, perd la joie liée à la paix avec Dieu. Son propre cœur le condamne. — Notre but demeurant de chercher, en nous appuyant sur ce passage de 2 Pierre 1, une réponse à la question : Comment peut-on vivre heureux comme chrétien ? nous devons constater ici : pas de cette manière ! Les pensées mondaines — notre verset nous le montre — rendent aveugle et privent de la joie et de la paix de Dieu. En revanche, si nous pensons à ce que Dieu a fait pour nous dans la rédemption et comment il nous a retirés de ce présent siècle mauvais pour lui, nous nous attacherons à lui avec reconnaissance et lui consacrerons notre vie dans la pureté et la piété. Plus nous nous souvenons de quelle ruine morale il nous a sauvés, plus nous lui serons reconnaissants de pouvoir maintenant vivre dans « ces choses ».
Mais ensuite, nous sommes encore appelés à « affermir » quelque chose, comme nous y exhorte l’apôtre Pierre. Dans les versets 10 et 11, il lie deux autres encouragements positifs à cette exhortation. Au verset 8, nous avons trouvé le premier : Si « ces choses » sont en nous, elles nous conduiront à une connaissance plus profonde de notre Seigneur Jésus Christ. Mais maintenant il ajoute :
« C’est pourquoi, frères, étudiez-vous
d’autant plus à affermir votre appel et votre élection, car en faisant ces
choses vous ne faillirez jamais
» (v. 10).
Pierre
se sert ici de l’appellation « frères ». Cela donne un plus grand poids à la
parole d’exhortation, surtout du fait que nous avons ici la seule occasion dans
ses épîtres où l’apôtre s’adresse sous cette forme à ses destinataires. En
outre, par cette expression, il s’unit à ses lecteurs ; on ne peut
assurément pas être plus qu’un « frère » : « Vous, vous êtes tous frères »
(Matt. 23:8). Quelle part heureuse de faire partie des « frères » ! S’il est
des choses que nous ne sommes pas
,
« apôtre de Jésus Christ » par exemple, nous sommes
frères.
Pour
la seconde fois, Pierre évoque la notion de zèle : « étudiez-vous ». S’il
introduit d’une telle manière sa première exhortation dans les versets 5 à 7,
et la deuxième, au verset 10, dans la suite, il emploie toujours uniquement des
concepts abstraits. Cela montre qu’il ne pense pas en premier lieu à des œuvres
extérieures. Nous devons déployer du zèle pour aspirer aux vertus morales. Ici
il s’agit d’affermir notre appel et notre élection. Cette déclaration a déjà
déconcerté de nombreux enfants de Dieu. Que pouvons-nous
faire relativement à notre appel et à notre élection, afin de
les rendre plus sûrs, demandent-ils ? Que se passera-t-il si, à la fin,
nous n’y arrivons pas ? Est-ce que, malgré tout, nous pouvons être
perdus ?
Commençons
par l’expression « affermir », car une bonne partie de la réponse est fondée sur
ce verbe. En grec, cet infinitif se trouve à une forme (présent moyen) qui a
une double signification : les lecteurs doivent faire une telle chose pour eux- mêmes
et la faire constamment
. Les efforts continuels en
vue d’affermir notre appel et notre élection ont donc lieu en vue de nous-mêmes
, et des autres
, pouvons-nous ajouter. Il s’agit de notre
côté, du côté humain. Pour ce qui en est de Dieu, de son
appel et son
élection, nous n’avons rien à affermir. Devant Dieu, et en soi,
tout est assuré, parce que cela vient de son propre cœur d’amour et parce qu’il
a trouvé des moyens pour établir les choses sur un fondement éternellement sûr.
Avec
cela, nous touchons déjà à un deuxième point. Il est dit : votre
appel et votre
élection, non pas : l’appel et l’élection de Dieu
. Cela ne signifie pas qu’il
s’agit de choses fondamentalement différentes, mais ce sont deux aspects
différents d’une seule et même chose. Il est vrai que Dieu nous a appelés et
élus — et son nom en soit loué ! Nous reviendrons dans un instant
là-dessus. Mais Pierre — ou disons plutôt : Dieu — ne se satisfait pas de
ce côté. Il désire que nous soyons conscients
de ce fait et que nous nous en réjouissions
.
Ceux de dehors aussi doivent remarquer en nous voyant que nous avons été appelés
par Dieu d’une manière aussi merveilleuse. Et comment « l’affermissement »
peut-il se produire ? En ceci que nous faisons
« ces choses »
et que nous marchons dans le chemin que le Saint Esprit a
décrit si magnifiquement par la plume de Pierre. Ainsi notre appel et notre
espérance nous deviennent plus précieux, et la gloire plus attrayante. Et les
choses célestes, éloignées, se rapprochent, s’éclairent — en contraste avec ce
qui se passe chez celui qui est devenu aveugle et ne voit pas loin, et qui a
même oublié ce qu’il avait appris lors de sa conversion.
Un
troisième point confirme ce qui vient d’être dit. Il concerne l’ordre
des notions : appel —
élection. Il est évident qu’il s’agit là de notre
côté, car cela correspond exactement à notre expérience. Nous avons d’abord
vécu notre appel
par Dieu et, plus
tard seulement, nous avons appris que Dieu nous a élus
en Christ avant la fondation du monde déjà (Éph. 1:4). Aussi
l’ordre est-il inversé lorsqu’il est question du côté de Dieu
: élection (ou aussi prédestination) — appel. Notre
élection est un acte de la grâce souveraine de Dieu. Elle a eu lieu avant que
le monde ait été appelé à l’existence. Mais notre appel des ténèbres à sa
merveilleuse lumière a eu lieu dans le temps (1 Pierre 2:9 ; Rom. 8:29, 30).
Lorsque cet aspect est placé devant nous, tout est ainsi sûr — si sûr que la
chaîne d’or de Romains 8 s’achève par les mots : « Il les a aussi
glorifiés ».
Suit
maintenant la précieuse certitude : « Car en faisant ces choses vous ne faillirez jamais
. » Quel encouragement !
Dieu nous garde (Jude 24), il nous garde sur ce chemin et de cette manière.
Veillons seulement à vivre dans les choses qui nous ont été présentées aux
versets 5 à 7 : faisons des progrès dans notre tentative de joindre ces
différents caractères les uns aux autres ! Nous expérimenterons alors
aussi la triple protection de Dieu dont parle le psalmiste au psaume 121 :
nous serons gardés de tout mal, notre âme sera gardée et il gardera notre
sortie et notre entrée — « dès maintenant et à toujours ».
Avec le verset 11, qui termine l’introduction de l’épître, nos regards sont effectivement portés dans l’éternité :
« Car ainsi l’entrée dans le royaume éternel
de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ vous sera richement donnée
(plutôt fournie) » (v. 11).
Le
mot rendu par « donner » est le même que celui qui est traduit par « joindre » au
verset 5 : Si nous
« joignons »
(ou : fournissons) ces choses les unes aux autres, et si elles sont en
nous richement ou d’une manière croissante, Dieu
« donne » (ou : fournit) alors aussi quelque chose richement : l’entrée
dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Cela montre
qu’il y aura là une juste récompense pour chaque pas accompli fidèlement dans
le chemin de Dieu ici-bas. Quelle valeur acquiert dès lors notre vie sur la
scène terrestre ! Combien cela devrait nous amener à vivre davantage pour
Dieu, afin de lui plaire ! La réponse de Dieu sera éternelle.
Pierre
parle du royaume
, non pas de
l’assemblée ou de la famille de Dieu. Dans ces dernières, Dieu a donné par
grâce à chacun des siens une place égale, et Pierre ne pourrait ainsi pas
parler d’une riche entrée dans la maison du Père
.
Là, nous sommes tous « seulement » des enfants
.
On ne peut pas être plus ou moins enfant. On l’est ou on ne l’est pas.
Il
en va autrement en ce qui concerne le royaume. Là il y aura des différences,
correspondant à la fidélité qui aura été manifestée ici-bas envers son nom. Et
de même que, par la grâce
de Dieu,
nous aurons une place commune dans la gloire céleste, selon le gouvernement
de Dieu, une place
différente, juste et, par conséquent, inégale nous sera attribuée dans le
royaume du Seigneur.
Sur ce point, il convient de distinguer entre ce qui est exclusivement le fruit de l’œuvre de Christ et ce qui, dans une certaine mesure, est aussi celui de notre propre ouvrage. Néanmoins, les titres et les dignités dans le royaume, si grands soient-ils, n’entrent pas en considération lorsqu’il s’agit du Père et de nos relations avec lui comme tels. Le privilège d’être enfants de la famille divine, membres du corps de Christ et de faire partie de l’épouse céleste du Seigneur Jésus est pure grâce et ne résulte en aucune manière de notre combat, de notre fidélité. C’est sans conteste l’aspect le plus élevé.
Pourtant
il y aura des choses très précieuses qui représentent clairement une réponse à
la fidélité manifestée. Le caillou blanc
,
avec un nouveau nom écrit dessus, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit
(Apoc. 2:17), est le témoignage de l’approbation du Seigneur, et parle de la
communion cachée du cœur avec lui. Mais ce caillou dépend manifestement de ce
que le Seigneur trouve en nous quelque chose à louer. Ainsi les couronnes que
l’on porte là doivent être acquises ici-bas. Par conséquent, notre position
dans le royaume éternel de notre Seigneur sera déterminée par la mesure de
notre identification avec lui et ses intérêts ici-bas.
Ce
royaume éternel
n’a en soi rien de
passager, ce n’est pas le royaume millénaire, malgré toute la bénédiction qu’il
comporte. La remise de celui-ci selon 1 Corinthiens 15:24 ne touche en rien le
royaume éternel dont il est parlé dans notre verset. Cet aspect éternel du
royaume est également présenté en Apocalypse 22 ; il est dit des esclaves
qui s’y trouvent : « Et ils régneront aux siècles des siècles » (v. 5). Il y
aura donc un royaume immuable, au sujet duquel il ne nous est rien révélé de
plus. Mais nous savons ceci : notre Seigneur Jésus Christ en sera le
centre éternel et, quant à nous, une entrée
nous est donnée dans ce royaume.
Par
« entrée », il ne faut pas nous représenter seulement une porte ou un portail que
l’on franchit. Il s’agit bien plutôt de l’acte d’entrer
ou de pénétrer. Et quand entrerons-nous dans le royaume
éternel de notre Seigneur ? À notre mort ou lorsqu’il viendra pour nous
prendre auprès de lui, soit par l’enlèvement, soit par la résurrection ?
Il me semble que l’entrée dans le royaume éternel ne concerne directement ni notre mort ni notre résurrection. Naturellement, par l’une comme par l’autre nous sommes introduits dans la proximité immédiate du Seigneur et, par conséquent, aussi dans ce domaine sur lequel il a le contrôle pour l’éternité et que nous ne quitterons plus jamais. Mais l’auteur pense manifestement au temps présent et dit : Si vous faites « ces choses » et vivez en elles, par là même, ici-bas déjà, l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur vous sera alors richement donnée. Cela signifie que le croyant qui marche avec Dieu est rendu capable dans une grande mesure d’anticiper la gloire future du royaume et d’en jouir aujourd’hui déjà. Il se sait sur le chemin qui y conduit, son cœur regarde au loin et est en harmonie avec ce qui l’attend là. Dieu n’a rien à reprendre chez un tel chrétien ; au contraire, dans ses voies gouvernementales, il lui ouvre toute grande l’entrée dans ce merveilleux royaume.
Quelle part bénie, chers amis ! Voulons-nous laisser l’amour du monde et l’obstination nous en priver ? Soyons-en certains : Le moment arrive où nous le regretterons profondément et dirons : « Ah ! si seulement j’avais vécu plus pour Christ, mon Sauveur, au lieu de m’être tellement conformé au monde, d’avoir été si froid, si superficiel, si partagé ! »
Encore une fois : la réponse de Dieu à la fidélité manifestée aujourd’hui sera éternelle.
Au début de sa seconde épître, l’apôtre Pierre insiste beaucoup sur l’expression « ces choses ». Il l’utilise cinq fois en tout dans les quinze premiers versets. Aux versets 5 à 7, il indique ce qu’il entend par ces mots. Il s’agit des sept éléments dont nous nous sommes occupés plus haut et qui constituent la vie de foi chrétienne en tant que telle. Après avoir présenté « ces choses », l’apôtre y revient déjà trois fois dans les versets qui suivent immédiatement, 8, 9 et 10. Et nous avons vu que si nous voulons vivre heureux comme chrétiens, elles doivent « être en nous » et y « abonder », nous devons les « faire ».
L’auteur poursuit maintenant cette pensée et en vient à parler une quatrième fois de « ces choses » :
« C’est pourquoi je m’appliquerai à vous faire
souvenir toujours de ces choses, quoique vous les connaissiez et que vous soyez
affermis dans la vérité présente
» (v. 12).
L’apôtre
tient beaucoup à rappeler les grandes vérités chrétiennes aux croyants, bien
qu’ils les connaissent. Dans ces versets, il ne parle pas moins de trois fois
de ce rappel
: « vous faire
souvenir » — « vous réveiller en rappelant ces choses à votre mémoire » — « vous
rappeler ces choses ».
Plus
loin, il caractérise même ses deux
épîtres de cette manière : « Dans l’une et dans l’autre, je réveille votre
pure intelligence en rappelant ces choses à votre mémoire » (3:1). Pierre n’a
pas du tout l’intention de leur présenter quelque chose de nouveau. Il veut
leur rappeler ce qu’ils savaient déjà, en quoi ils étaient affermis comme
l’ayant reçu de Dieu.
En
général, le rappel répété de choses connues ne nous paraît pas particulièrement
important ni souhaitable. Mais nous nous trompons. S’adressant aux Philippiens,
Paul remarque : « Vous écrire les mêmes choses n’est pas pénible pour moi,
et c’est votre sûreté » (Phil. 3:1). Cela signifie que le fait de se répéter
dans ce qu’il leur écrivait contribuait à leur sûreté. Après la résurrection,
les disciples cherchaient le Seigneur Jésus au mauvais endroit : parmi les
morts. Comment était-ce possible ? Les femmes venues au sépulcre avaient
oublié les paroles de leur Seigneur et les deux anges doivent leur dire :
« Souvenez-vous
comment il vous parla
quand il était encore en Galilée… » (Luc 24:6). Puis il est ajouté : « Et
elles se souvinrent
de ses paroles ».
Plus tard le Seigneur lui-même rappelle à ses disciples ce qu’il leur avait dit
précédemment : « Ce sont ici les paroles que je vous disais quand j’étais
encore avec vous… » (y. 44).
En oubliant, nous perdons énormément. Aussi le rappel de choses connues une fois est-il de toute importance. Comme le montrent clairement les passages cités, il est produit par les paroles prononcées initialement. Nous pouvons aussi dire d’une manière générale : par la parole de Dieu. La Parole, par laquelle nous avons reçu la vérité, est aussi le moyen par lequel celle-ci nous est rappelée toujours à nouveau. Il n’existe aucune autre autorité divine. C’est pourquoi l’apôtre Pierre avait tellement à cœur de ne pas leur écrire quelque chose de nouveau, mais de leur rappeler la parole de la vérité qu’ils avaient déjà reçue.
Quand
nous parlons d’oubli
, il ne faut pas
penser simplement à une mauvaise mémoire. L’oubli de vérités qu’on a connues
une fois a des causes plus profondes, morales. Nous l’avons déjà vu dans notre
chapitre, quand l’apôtre a parlé d’un oubli de la purification des péchés
d’autrefois (v. 9). Les Hébreux croyants aussi se voient reprocher d’avoir
oublié l’exhortation qui s’adressait à eux comme à des fils (Héb. 12:5). Et,
concernant les croyants de Galatie, l’apôtre Paul pouvait seulement s’étonner
qu’ils se montrent si vite prêts à abandonner des principes fondamentaux de
l’évangile (Gal. 1:6ss).
On oublie rapidement ce qui ne nous paraît pas particulièrement précieux. Voilà ce dont il s’agit. Nous apprenons ainsi combien nous avons besoin d’être toujours à nouveau réveillés par le rappel de la vérité à notre mémoire, afin qu’elle reste précieuse ou le redevienne pour nous.
Pierre
parle de la « vérité présente ». Qu’entend- il ? Il parle certainement de la
vérité chrétienne
en contraste avec
ce qui était révélé autrefois sous l’ancienne alliance. Il est évident que la
Bible entière est la parole de Dieu, et aussi que « toutes les choses qui ont
été écrites auparavant ont été écrites pour notre instruction » (Rom. 15:4).
Pourrions-nous par exemple nous passer des instructions morales de l’Ancien
Testament ? Ou des types ? Ou des prophéties ? Chaque temps ou
époque a eu une « vérité présente », et nous devons l’estimer et en tirer du
profit pour nous. Mais le danger existait, et existe toujours, de perdre de vue
les bénédictions typiquement chrétiennes qui caractérisent la période actuelle.
Il ne pouvait pas y avoir de révélation parfaite de Dieu avant que Christ soit
venu dans le monde et qu’il ait glorifié Dieu ici-bas dans sa vie et dans sa
mort. Christ est cette révélation, et nous la trouvons dans le Nouveau
Testament.
L’apôtre pourrait-il dire de nous aussi que nous sommes affermis dans la vérité présente ? En tout cas, Dieu veut que nous connaissions les choses qui nous sont données par lui (1 Cor. 2:12). Nous ne pourrions pas être heureux autrement.
Pourtant, il y a quelqu’un qui s’y oppose constamment. Certes, le diable ne peut pas nous ravir les bénédictions elles-mêmes, mais il peut très bien nous en ôter la jouissance. C’est ce que l’apôtre a devant les yeux lorsqu’il poursuit :
« Mais j’estime qu’il est juste, tant que je
suis dans cette tente, de vous réveiller en rappelant ces choses à votre
mémoire
» (v. 13).
Tant
qu’il était en vie, il estimait juste, comme étant son devoir, de réveiller
les croyants en leur rappelant
ces choses. La manière de s’exprimer de l’apôtre est intéressante. Après
l’image de l’oubli, il prend maintenant celle du sommeil. Par le rappel nous
devons être réveillés
de la léthargie
spirituelle (la somnolence, l’inertie, l’apathie) dans laquelle nous tombons si
facilement sous l’influence de Satan et du monde dont il est le chef. Le mot
employé est fort ; il est utilisé en Jean 6 pour décrire la mer qui
« s’élevait » par un grand vent (v. 18). Nous avons parfois nous aussi besoin
d’un bouleversement. Dieu peut se servir d’un « grand vent » pour rappeler à
notre mémoire nos bénédictions propres. Acceptons-le ! Nous serons plus
riches après que nous ne l’étions avant (comp. Héb. 12:11).
Pierre ne voit pas seulement les dangers auxquels se trouvent exposés les enfants de Dieu ; il est également conscient de ne disposer plus que de très peu de temps pour son service. Tout cela confère à ses paroles une solennité pressante.
« Sachant que le moment de déposer ma tente
s’approche rapidement, comme aussi notre Seigneur Jésus Christ me l’a montré
»
(v. 14).
Je suis toujours impressionné par l’expression « déposer ma tente ». Suivant le terme scripturaire dans un autre passage (2 Cor. 5:1, 4), Pierre considère son corps comme une « tente » seulement, comme un domicile provisoire pour cette courte vie. Il sait qu’il est en chemin vers la patrie céleste, éternelle ; et quand la mort approche, elle n’est pour lui que le moment de déposer sa tente.
Le croyant n’a plus besoin de craindre la mort. Pour lui, elle signifie uniquement l’abandon de ce qui est mortel. Que peut faire la mort sinon nous ouvrir la porte de ce domaine où elle n’a plus aucun pouvoir ? Ainsi, nous pouvons maintenant déjà nous écrier triomphalement : « Où est, ô mort, ton aiguillon ? où est, ô mort, ta victoire ? » (1 Cor. 15:55). Enlever un vêtement, être « dépouillé », quitter une tente délabrée —, telle est la mort pour un enfant de Dieu.
Même les circonstances accompagnant sa mort n’angoissent pas l’apôtre. Il est parfaitement au clair sur ce qui l’attend. Quand, encore confiant en ses propres forces, il s’était déclaré prêt à laisser sa vie pour son Maître, celui-ci lui avait dit : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard » (Jean 13:36), à savoir dans la mort.
Ensuite, à la mer de Tibérias, le Seigneur ressuscité lui avait indiqué quel genre de mort il connaîtrait : « Quand tu étais jeune, tu te ceignais, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas » (Jean 21:18). N’était-ce pas une allusion claire à une mort violente, au martyre ?
Maintenant
Pierre est
vieux, et il sait que le
moment de déposer sa tente va arriver bientôt ou subitement. « Notre Seigneur
Jésus Christ » — remarquons le titre complet qu’il emploie pour le Seigneur — le
lui a montré. La question de savoir si cela se rapporte aux paroles du Seigneur
à la mer de Tibérias ou à une autre révélation, plus tardive, qui ne nous est
pas communiquée, dépend de la manière selon laquelle on traduit le mot grec
« tachinós » au verset 14. En fait, il signifie à la fois : « bientôt,
proche, imminent » et « rapide, prompt, subit ». Ce terme ne revient que deux fois
dans le Nouveau Testament, et la seconde occasion se trouve dans notre épître
aussi, au premier verset du chapitre 2. Là, il a clairement le sens de « rapide,
subit » : « une prompte destruction ». Ne pouvons-nous pas en déduire que,
dans le verset qui nous occupe également, Pierre parle non seulement de sa mort
prochaine
, mais de sa mort subite
, rapide
, et qu’il se réfère donc aux paroles du Seigneur qui nous
sont rapportées en Jean 21 ?
Son service parmi les saints connaîtrait une fin subite. Comprenons-nous le sérieux de ces mots ? Les destinataires de son épître ne pourraient tout à coup plus entendre la voix de ce berger soucieux du bien du troupeau. Quel appel à leurs cœurs, mais aussi aux nôtres !
D’un autre côté, nous voyons également ici la grâce merveilleuse du Seigneur Jésus. Lorsque son serviteur était plus jeune, il pensait pouvoir suivre son Maître dans la mort par ses propres forces. Mais cela s’est terminé par un échec total, par le terrible reniement de Celui qu’il aimait pourtant tellement. Il avait manqué la meilleure occasion de glorifier son Seigneur face à la mort. Était-ce perdu pour toujours ? Tel paraissait bien être le cas après la crucifixion et l’ensevelissement du Seigneur. Mais ensuite, par les paroles citées plus haut, le Seigneur ressuscité, dans sa bonté, donna à son serviteur une nouvelle chance pour le temps où il serait devenu vieux. Il lui dit en quelque sorte : « Quand ce jour sera venu, Simon, je t’accorderai la grâce de me glorifier en cela même où tu as manqué autrefois. Suis-moi ! »
Cet homme était devenu vieux maintenant, il avait suivi fidèlement son Seigneur pendant des décennies. Pour cette dernière grande épreuve, il s’appuie sur la fidélité et la grâce de Celui qui lui accorderait encore une fois cette occasion de mourir pour lui.
Toutefois, une différence essentielle existe entre Pierre et nous, quand bien même nous avons beaucoup à apprendre de l’apôtre et de sa foi. Ce serviteur du Seigneur avait une déclaration claire du Seigneur à son sujet et concernant la fin de sa vie : non seulement il atteindrait un âge avancé, mais ensuite il glorifierait aussi le Seigneur par une mort particulière (Jean 21:19). Et ainsi, pendant toutes les années de son service, Pierre attendit sa mort (violente) avec confiance en la parole de son Seigneur — dans une paix profonde.
Quant
à nous, par principe, nous n’attendons pas la mort. Notre espérance est
beaucoup plutôt déterminée par la venue du Seigneur pour l’enlèvement des
saints. Le Seigneur ne nous a pas parlé de notre mort, mais nous a annoncé son
retour. Naturellement il peut aujourd’hui aussi donner à l’un des siens qu’il
va prendre auprès de lui par la mort la certitude que dans son cas particulier tel
sera le chemin. Paul également a eu
cette certitude vers la fin de sa vie (comp. Actes 20:29 ; Phil.
2:17 ; 2 Tim. 4:6). Mais c’est différent de ce que nous voyons chez
Pierre.
L’apôtre va parler une cinquième et dernière fois de « ces choses », soulignant encore par là leur importance :
« Mais je m’étudierai à ce qu’après mon départ
vous puissiez aussi en tout temps vous rappeler ces choses
» (v. 15).
Au verset 13, l’apôtre parle de la période où il est encore en vie ; au verset 14, de sa mort prochaine ou subite ; et maintenant, au verset 15, il indique le temps qui suivra sa mort. En vue de ce temps précisément, il prend des dispositions pour mettre les croyants en état de se rappeler ces choses alors aussi. De quelle manière le fait-il ?
Relevons
d’abord ce qu’il ne fait pas
ou
comment il ne procède pas
. Il ne les
confie pas à un successeur. La pensée d’une succession apostolique humaine lui
est aussi étrangère qu’à l’apôtre Paul (comp. Actes 20:29ss). Il ne désigne
personne qui poursuivrait son œuvre après sa mort. Il ne recommande pas non
plus les croyants à l’assemblée de Dieu, comme si elle pouvait remplacer les
apôtres. Non, les dispositions qu’il prend consistent à écrire ces lettres,
afin qu’après son départ les saints trouvent quelque chose venant de lui, qui
leur rappelle les enseignements qu’il leur avait donnés. En d’autres
termes : en vue de sa mort, il fonde la foi des saints sur la Parole
inspirée de Dieu.
Nous
avons là un fait d’une très grande importance. Le fondement de notre foi et la
règle de notre vie ne se trouvent que dans la Parole écrite de Dieu. Comme
Pierre, Paul voyait aussi la fin de son service arriver et était conscient de
la progression du mal. À qui recommande-t-il les saints ? « Et maintenant
je vous recommande à Dieu
, et à la parole
de sa grâce, qui a la puissance
d’édifier… » (Actes 20:32). Et, peu avant son martyre, dans sa dernière épître
inspirée, ce même apôtre attire l’attention de son enfant bien-aimé, Timothée,
sur les saintes lettres
qui seules
peuvent rendre sage à salut par la foi qui est dans le Christ Jésus (2 Tim.
3:15).
Il
est aussi très révélateur que, dans leur dernière épître respective, les deux
apôtres insistent sur l’inspiration des
Saintes Écritures
. « Toute écriture est inspirée de Dieu » (2 Tim. 3:16).
Voilà comment s’exprime Paul face à des docteurs qui voulaient détourner les
hommes de la vérité et les entraîner vers des fables. Pierre voit aussi des
faux docteurs se lever parmi les saints (2 Pierre 2:lss) ; de sorte qu’à
la fin du premier chapitre, il dit : « Car la prophétie n’est jamais venue
par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant
poussés par l’Esprit Saint » (v. 21).
Notons à propos que chacun des mots aussi sont inspirés de Dieu, et non pas seulement les pensées. Le verset 13 de 1 Corinthiens 2 l’établit clairement : « … Desquelles aussi nous parlons, non point en paroles enseignées de sagesse humaine, mais en paroles enseignées de l’Esprit, communiquant des choses spirituelles par des moyens spirituels ». Nous avons ici la définition fournie par le Nouveau Testament de ce que nous appelons « l’inspiration verbale des Saintes Écritures ».
Quand Pierre, faisant allusion à sa mort, parle de son « départ », il emploie un mot très intéressant : « exodos ». Le lecteur aura sans doute observé ici et là sur les portes ou les sorties le mot « EXIT » (sortie). L’évangéliste Luc se sert de ce mot dans la description qu’il donne de la scène sur la montagne de la transfiguration (Luc 9:31) — une scène à laquelle Pierre aussi fait allusion plus loin. Moïse et Élie « parlaient de sa mort [en note : litt. : sortie, départ] qu’il allait accomplir à Jérusalem ». Et quelle sortie fut celle du Seigneur ! Moïse n’avait certes pas « accompli sa sortie » de manière parfaite : il était mort dans le désert, parce qu’il avait parlé légèrement de ses lèvres (Ps. 106:33) ; il ne put pas entrer dans le pays. Élie n’avait pas non plus accompli sa course d’une manière irréprochable : il avait osé accuser le peuple de Dieu (1 Rois 19:10, 14 ; Rom. 11:2-4) ; il dut oindre son successeur sur-le-champ. Mais le Seigneur Jésus a « achevé » l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire (Jean 17:3). Il n’y a pas eu de défaillance chez lui, pas d’ombre. Son « départ » correspondait parfaitement à la pensée de Dieu. Et Pierre aussi attend la fin sans crainte. Pour lui, il s’agissait uniquement de déposer sa tente, pour être absent du corps et présent avec le Seigneur (2 Cor. 5:8).
D’une manière ou d’une autre, nous connaîtrons nous aussi un jour le « départ ». Puissions-nous alors dire avec l’apôtre Paul : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi » (2 Tim. 4:7) ! Tout le reste sera sans importance.
L’apôtre fait tout pour montrer aux saints les sûrs fondements divins de leur foi. Celle-ci repose non pas sur des fables ingénieusement imaginées, par lesquelles autrefois déjà les faux docteurs causaient de grands dommages (2:1 ss), mais sur la révélation divine. Pour étayer sa déclaration, Pierre va parler maintenant de ce qu’il a vécu avec Jacques et Jean sur la montagne de la transfiguration — de faits qui pouvaient être attestés par la bouche de plusieurs témoins. C’est sans doute la raison pour laquelle il ne s’exprime dès lors plus au singulier, mais au pluriel.
« Car ce n’est pas en suivant des fables
ingénieusement imaginées, que nous vous avons fait connaître la puissance et la
venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais comme ayant été témoins oculaires de
sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle
voix lui fut adressée par la gloire magnifique : « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir ». Et nous, nous entendîmes cette voix
venue du ciel, étant avec lui sur la sainte montagne
» (v. 16-18).
La venue de Christ, son règne ici-bas en puissance et en gloire, avec ses saints, ne sont pas des fables. Au contraire, il s’agit de réalités importantes, dont la lumière, l’éclat est propre à encourager notre cœur dans le chemin, souvent difficile, sur lequel nous sommes engagés.
En effet, avant de prendre autrefois les trois disciples avec lui sur la sainte montagne, le Seigneur Jésus leur avait dit en quelque sorte : « Je vais souffrir et être rejeté, et celui qui veut me suivre doit s’attendre à connaître la même chose » (comp. Luc 9:23-26). Mais ensuite, il leur fit entrevoir la fin : « De ceux qui sont ici présents, il y en a quelques- uns qui ne goûteront point la mort jusqu’à ce qu’ils aient vu le royaume de Dieu » (v. 27). Et ainsi, sur la montagne de la transfiguration, il leur montra une image du royaume « en miniature ».
Ce que ces trois hommes ont vu et entendu sur la montagne n’était pas seulement la révélation de la gloire suprême accordée au Christ rejeté ; c’était aussi une image très instructive de sa gloire dans le royaume à venir, lorsque toutes les souffrances et tout le mépris auront pris fin pour toujours. Aussi l’apôtre exprime-t-il la différence avec la première venue du Seigneur (quand il souffrit et mourut) par les mots : « la puissance et la venue (ou : présence) de notre Seigneur Jésus Christ ». La mention de la « puissance » à côté de la « venue » montre clairement qu’il ne s’agit pas ici de la venue du Seigneur pour l’enlèvement. En revanche, quand la « venue » est nommée seule et n’est pas limitée par des adjonctions indiquant la puissance ou la manifestation, en règle générale il est question de l’enlèvement (par exemple, 1 Cor. 15:23 à la différence de 1 Jean 2:28).
La scène sur la montagne de la transfiguration ne doit pas non plus être prise pour une allusion à l’éternité — car alors Christ aura remis le royaume à son Dieu et Père (1 Cor. 15:24) —, mais elle donne une image du Millénium, elle constitue une prophétie tant pour les yeux que pour les oreilles de Pierre et de ceux qui étaient là avec lui.
Elle
montre le Fils de l’homme dans sa gloire, entouré de ses saints célestes. Les
uns (représentés par Moïse) ont passé par la mort et ont été ressuscités. Les
autres (représentés par Élie) ont été enlevés sans voir la mort. Avec Jésus,
ils entrent tous les deux dans
la
« nuée », dans la proximité immédiate de Dieu, le Père. Ses saints terrestres
(représentés par Pierre, Jacques et Jean), seront sous
le rayonnement de sa gloire — dans des corps naturels sur la
terre. Ils se trouveront à portée de cette gloire, ils pourront en voir et en
entendre quelque chose, mais ils n’y auront pas eux-mêmes de part. Le fait que
les trois disciples eurent peur comme Moïse et Élie entraient dans la nuée avec
le Seigneur (Luc 9:34) montre aussi clairement qu’il n’est pas possible de
supporter la gloire céleste dans un corps naturel.
De
la « gloire magnifique », la voix du Père se fait entendre : « Celui-ci est
mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir ». Dieu réunira toutes choses
sous une
tête dans le Christ (Éph.
1:10) — dans la Personne en qui il a trouvé un tel plaisir.
Mais posons-nous ici la question : Le Seigneur ne suffit-il pas pour remplir nos cœurs aussi d’une joie profonde, d’un bonheur inexprimable ? Quelqu’un d’autre peut-il y revendiquer une place ? Son amour et sa gloire nous appartiennent. N’est-ce pas assez pour nous rendre parfaitement heureux ?
De la scène glorieuse sur la sainte montagne, de ce coup d’œil sur le royaume à venir, l’apôtre passe assez brusquement à la parole prophétique :
« Et nous avons la parole prophétique rendue
plus ferme, (à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe
qui brille dans un lieu obscur), jusqu’à ce que le jour ait commencé à luire et
que l’étoile du matin se soit levée dans vos cœurs
» (v. 19).
Pourquoi ce passage rapide à un nouveau sujet ? Il semble y avoir deux motifs. D’abord, la transfiguration sur la sainte montagne attestait les prophéties de l’Ancien Testament. Les prophètes avaient parlé de cette gloire et du royaume, et la scène merveilleuse donnait à leurs paroles une confirmation fiable. Il est clair que les prédictions étaient absolument sûres en elles-mêmes. Mais, étant donné la mort ignominieuse de Christ, il a paru bon à Dieu, dans sa sagesse, de confirmer la vérité de la seconde venue du Seigneur et de son royaume par la transfiguration. Dans ce sens, nous avons la parole prophétique rendue « plus ferme ».
Mais,
second motif, la parole prophétique est aussi une « lampe », dont on ne néglige
pas impunément la lumière. Et que voyons-nous d’abord à cette lumière ?
Que le Fils bien-aimé, le Roi du royaume, serait rejeté
dans l’intervalle. Le monde a refusé de le reconnaître, et
les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament parlent également de ce
rejet. Nous allons considérer dans un instant de plus près cet aspect et ses
conséquences.
Mais
en tout cela, il convient d’être conduit par la Parole écrite et non par les
opinions des hommes. Aussi est-il ajouté : « … à laquelle vous faites
bien d’être attentifs ». Ne nous contentons pas de lire de telles paroles, mais attachons
-nous à leur accorder notre attention
et à nous y tenir
. Telle est la signification
complète du mot grec. Dieu désire que la parole prophétique atteigne notre
conscience et ait des effets sur notre vie.
Nous
le comprenons mieux si nous nous rappelons encore une fois le double contenu
de cette parole. Un verset de la
première épître de Pierre nous apportera une aide précieuse à cet égard. Il y
est parlé de l’Esprit de Christ, l’Esprit prophétique, par lequel les prophètes
de l’Ancien Testament ont rendu témoignage de Christ. Et de quoi
témoignaient-ils ? « Des souffrances
qui devaient être la part de Christ et des gloires
qui suivraient » (1, 11). Tels sont les deux pivots de la prophétie. Ils
ressemblent à deux pics qui, vus de loin, semblent être tout proches l’un de
l’autre. Mais, en s’approchant, on découvre qu’une large vallée les sépare.
Cette « vallée » est la période actuelle de la grâce. Elle ne fait pas l’objet de
la prophétie de l’Ancien Testament. Regardant en quelque sorte de loin, les
prophètes ne pouvaient pas la discerner. En revanche, nous vivons dans ce temps
et nous regardons rétrospectivement un des pics et par anticipation l’autre.
La
parole prophétique montre donc non seulement la gloire future de Christ dans le
royaume, mais aussi ses souffrances et son rejet sur la terre. Elle manifeste
l’état du monde, dénonce sa fausse religion et indique son cours et sa fin.
Elle ressemble à une lampe
, et
celle-ci est d’une grande valeur pendant la nuit qui a commencé avec la
réjection de Christ. Elle éclaire la scène sombre ; et nous faisons bien
d’y être attentifs nous aussi. Car on ne peut pas mépriser sans perte la
lumière qu’elle jette sur le monde qui va bientôt être jugé.
La « lampe » est pour la nuit, pour éclairer les ténèbres spirituelles de ce monde conduit par Satan, son chef (Éph. 6:12 ; Jean 12:31). Notre appréciation de ce qu’est le monde devrait se fonder sur la lumière que la « lampe » de la parole de Dieu nous accorde à son sujet, et non pas sur les hautes professions de ceux qui croient au progrès dans le monde. Et ainsi cette lumière nous donnera aussi un motif pour nous séparer de ce système impie. « Toutes ces choses devant donc se dissoudre, quelles gens devriez-vous être en sainte conduite et en piété » (3:11) !
La prophétie s’occupe principalement de la terre, des Juifs, des nations, de tout le mal ici-bas, de la venue du Seigneur pour le jugement. Mais tout cela n’est pas l’objet propre de notre cœur, ne constitue pas l’espérance typiquement chrétienne. Même la restauration d’Israël et l’établissement du royaume n’en forment pas le sujet. Il y a une lumière plus élevée, une meilleure espérance, et Pierre en parle aussi : « … Jusqu’à ce que le jour ait commencé à luire et que l’étoile du matin se soit levée dans vos cœurs ».
Ne pensons pas que Pierre entende par là : « Jusqu’à ce que Christ se lève comme soleil de justice, avec la guérison dans ses ailes », selon les expressions du dernier prophète de l’Ancien Testament (Mal. 4:2). Il s’agira alors à vrai dire du « jour de l’Éternel », mais celui-ci n’est pas encore venu. Remarquons encore que dans notre verset l’article devant « jour » est entre crochets (qu’il n’y a donc pas d’article dans l’original). Ainsi, Pierre ne dit pas : « jusqu’à ce que le jour soit arrivé », mais : « jusqu’à ce que [le] jour ait commencé à luire ». Il parle de l’aube, du lever du jour dans le cœur. Les enfants de Dieu sont « du jour », ils sont « des fils de la lumière et des fils du jour » (1 Thess. 5:4-8).
De ce fait, pour ce qui concerne leur espérance, la lumière du jour (ou : le jour) les remplit déjà, avant la venue du jour lui-même. De même que la lumière naissante du matin éclaire d’abord les sommets des montagnes avant de briller dans la vallée, nous aussi, dans la communion avec Dieu et la séparation du monde, nous serons remplis de la lumière et de la gloire du matin avant qu’il se lève pour cette pauvre terre. Quelle joie n’éprouvons-nous pas maintenant déjà — une joie et un bonheur dont le monde aveugle ne connaît rien !
Mais ensuite, nous trouvons encore la lumière de « l’étoile du matin » (littéralement : du dispensateur de lumière, du chandelier). Pierre fait ici brièvement allusion à la venue du Seigneur Jésus pour l’enlèvement. Il dit en quelque sorte : « La prophétie est bonne, mais il y a encore mieux : Le Seigneur Jésus lui-même viendra. » Il est lui l’objet de nos cœurs et sa venue est notre espérance. Comme il est « la racine et la postérité de David » pour Israël, il est aussi « l’étoile brillante du matin » pour nos cœurs (Apoc. 22:16).
Quelle lumière allume en nous l’espérance de son retour ! Avant que le jour se lève, il viendra comme l’étoile du matin. Nous lui appartenons déjà, alors qu’il fait encore nuit, et nous serons enlevés auprès de lui avant que le monde le voie. Celui-ci dort encore, tandis que nous jouissons déjà de lui — nous le connaissons avant de l’avoir vu. Lorsqu’il se lèvera comme le soleil, nous le verrons dans sa gloire, nous partagerons même celle-ci avec lui ; mais nous le connaissons maintenant déjà — derrière les nuées.
Nous savons que notre part est en haut avec Christ. Et nous savons aussi qu’avant de venir pour juger le monde, il viendra pour nous, afin de nous prendre auprès de lui dans la gloire. Nous n’attendons aucun autre événement qui doive intervenir auparavant. Nous n’attendons rien d’autre que la venue de notre Seigneur. Si nous réalisons cela par la foi, l’étoile du matin s’est alors effectivement levée dans nos cœurs.
Existe-t-il une seule chose qui puisse nous rendre plus heureux que l’espérance de le voir comme il est ? Oh ! lire dans son visage — qui un jour a été « défait plus que celui d’aucun homme » — y lire combien il nous a aimés ! « Seigneur Jésus, viens aujourd’hui encore ! »