Edward Dennett
Table des matières abrégée :
2 - Chapitre 1 — Retour de captivité sous Cyrus
3 - Chapitre 2 - Le résidu de retour de captivité
4 - Chapitre 3 — Reconstruction de l’autel et des fondements du temple
5 - Chapitre 4 — Des ennemis, du relâchement
7 - Chapitre 6 — La construction du temple reprise et achevée
8 - Chapitres 7 et 8 — Mission d’Esdras
9 - Chapitres 9 et 10 — Séparation pour Dieu
Table des matières détaillée :
2 - Chapitre 1 — Retour de captivité sous Cyrus
2.1 - Esdras 1:1 — Accomplissement de la prophétie au sujet de Cyrus
2.2 - Esdras 1:2-4 — Proclamation de Cyrus
2.3 - Esdras 1:5-11 — Effet produit par la déclaration de Cyrus
3 - Chapitre 2 - Le résidu de retour de captivité
3.1 - Esdras 2 1-42 — Ceux qui remontèrent de captivité
3.2 - Esdras 2:43-58 — Les Néthiniens et les fils des serviteurs de Salomon
3.2.1 - Esdras 2:43-54 — Les Néthiniens
3.2.2 - Esdras 2:55-58 — Les fils des serviteurs de Salomon
3.3 - Esdras 2:59-63 — Ceux dépourvus d’inscription généalogique
3.4 - Esdras 2:64-70 — Total du résidu. Signes précurseurs de déclin
4 - Chapitre 3 — Reconstruction de l’autel et des fondements du temple
4.1 - Esdras 3:1-5 — Restauration du culte selon L’Écriture
4.1.1 - Unité du peuple : il s’assemble comme un seul homme
4.1.2 - L’autel bâti sur son emplacement
4.1.3 - La fête des tabernacles
4.1.4 - Reprise des sacrifices
4.2 - Esdras 3:6, 7 — L’énergie spirituelle partiellement épuisée
4.2.1 - Ch. 3:6a — Premiers sacrifices
4.2.2 - Ch. 3:6b — L’énergie partiellement épuisée
4.2.3 - Ch. 3:7 — Des obstacles surmontés
4.3 - Esdras 3:8, 9 — Pose des fondements du temple
4.3.1 - Le rôle des conducteurs
4.3.2 - Le peuple bien associé aux conducteurs
4.4 - Esdras 3:10, 11 — Fête à la pose des fondements
4.5 - Esdras 3:12-13 — Les pleurs mêlés à la joie
4.6 - Pensées de Dieu à l’égard de son peuple — Zach. 4:8-10
5 - Chapitre 4 — Des ennemis, du relâchement
5.1 - Esdras 4:1-3 — Les ennemis se manifestent
5.1.1 - Esdras 4:1-2 — Amitié feinte
5.1.2 - Esdras 4:3 — Rejet de la collaboration
5.2 - Esdras 4:4, 5 — Relâchement du peuple, activité des ennemis
5.3 - Esdras 4:6-23 — Interdiction royale de la construction du temple
5.3.3 - Conséquences des péchés des pères
6.1 - Esdras 5:1, 2 — Intervention des prophètes, Aggée et Zacharie
6.1.3 - Esdras 5:2 — La reconstruction recommence sans autorisation
6.2 - Esdras 5:3-5 — Visite de contrôle du gouverneur
6.3 - Esdras 5:6-17 — Rapport du gouverneur au roi
6.3.1 - Esdras 5:6-10 — Rapport de la visite de contrôle
6.3.2 - Esdras 5:11-17 — La réponse des anciens des Juifs
7 - Chapitre 6 — La construction du temple reprise et achevée
7.1 - Esdras 6:1-5 — Le décret de Cyrus retrouvé
7.2 - Esdras 6:6-12 — Nouveau décret de Darius en faveur des Juifs
7.2.1 - Ordre de reprise des travaux
7.2.3 - Menaces du roi contre les ennemis
7.3 - Esdras 6:13-15 — La construction du temple reprend et s’achève
7.4 - Esdras 6:16-18 — Fête de la dédicace
7.5 - Esdras 6:19-22 — Célébration de la Pâque
8 - Chapitres 7 et 8 — Mission d’Esdras
8.1 - Structure des chapitres 7 et 8
8.2 - Esdras 7:1-10 — Généalogie d’Esdras et qualifications pour son service
8.3 - Esdras 7:11-26 — Lettre d’autorisation du roi à Esdras
8.4 - Esdras 7:27, 28 — Louange à Dieu suite à cette autorisation
8.5 - Esdras 8:1-14 — Généalogie de ceux qui montent avec Esdras
8.6 - Esdras 8:15-20 — Rassemblement du résidu. Manque de lévites
8.7 - Esdras 8:21-23 — Préparation au voyage : jeûne et humiliation
8.8 - Esdras 8:24-30 — Choix des 12 chefs de sacrificateurs pour le service des choses saintes
8.9 - Esdras 8:31-36 — Voyage et arrivée
8.9.1 - Esdras 8:31-32 Fidélité de Dieu pendant le voyage
8.9.2 - Esdras 8:35 — Sacrifices pour tout Israël
8.9.3 - Esdras 8:36 — Contact avec l’administration du roi
9 - Chapitres 9 et 10 — Séparation pour Dieu
9.1 - Esdras 9:1-4 — Humiliation d’Esdras devant le manque de séparation
9.2 - Esdras 9:5-15 — Esdras confesse les péchés du peuple
9.3 - Esdras 10:1 — La douleur d’Esdras touche la conscience du peuple
9.4 - Esdras 10:2-6 — Besoin d’une séparation immédiate
9.4.1 - Shecania se met en avant
9.4.4 - Esdras encouragé à agir
9.4.5 - Esdras intervient lui-même
9.4.6 - L’humiliation persiste
9.5 - Esdras 10:7-11 — Rassemblement général et appel à la confession
9.6 - Esdras 10:12-44 — Réponse favorable du peuple
Le livre d’Esdras marque une étape importante dans l’histoire des voies de Dieu à l’égard de son peuple Israël. Bien que soixante-dix années se soient écoulées, il se rattache directement au second livre des Chroniques, car le temps de l’exil des Juifs loin du pays de la promesse n’est pas compté. Ils avaient tout perdu à cause de leurs iniquités et de leur apostasie. Dieu avait envoyé Nébucadnetsar pour les châtier, pour détruire sa propre maison que son peuple avait profanée et souillée, et les emmener captifs à Babylone, « afin que fût accomplie la parole de l’Éternel, dite par la bouche de Jérémie, jusqu’à ce que le pays eût joui de ses sabbats » (2 Chr. 36:21). Rien de plus triste que le récit de la destruction de Jérusalem et de la fin du royaume — envisagé comme confié à la responsabilité de l’homme — si ce n’est celui, encore plus effroyable, du siège et de la prise de Jérusalem par Titus, peu après le début de l’ère chrétienne.
La longue patience de Dieu avait été démontrée par tous les moyens possibles. Dans sa grâce et sa longanimité, il avait supporté l’orgueilleuse rébellion de son peuple. Comme le Sauveur lorsqu’il était sur la terre, son cœur, plein d’amour, avait usé de patience envers la ville qui était l’expression de sa grâce royale. Il avait envoyé vers eux ses messagers, « se levant de bonne heure et envoyant, car il avait compassion de son peuple et de sa demeure. Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, et méprisaient ses paroles, et se raillaient de ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel monta contre son peuple et qu’il n’y eut plus de remède. Et il fit monter contre eux le roi des Chaldéens… ». C’est ainsi que l’épée de sa justice tomba sur son peuple coupable, car leurs iniquités étaient plus grandes encore que celles des Amoréens que Dieu avait chassés devant eux (cf. 2 Rois 21:11). Le trône de Dieu sur la terre était désormais transféré à Babylone, et alors commença le temps des nations —qui continue aujourd’hui et durera encore, jusqu’au jour où Christ lui-même établira son trône, le trône de son père David (cf. Luc 1:32-33 ; 21:24). « Lo-Ammi » (pas mon peuple) était ainsi écrit sur la race élue qui commença à faire l’expérience douloureuse de la captivité et de l’exil, sous la main de son Dieu agissant envers elle en gouvernement.
Mais maintenant, au début du livre d’Esdras, les soixante-dix années d’exil, annoncées par Jérémie sont révolues, et Esdras raconte comment Dieu agit maintenant dans ce « temps des nations » pour accomplir avec fidélité et certitude ce qu’il avait promis dans sa parole. La manière d’agir de Dieu explique son attitude à l’égard de son peuple pendant le temps des nations, et aussi, dans une certaine mesure, la singularité de cette portion de l’Écriture à laquelle se rattachent aussi les livres de Néhémie et d’Esther. Dans ces livres, on ne voit plus Dieu intervenir activement dans les affaires de son peuple, mais il travaille pour ainsi dire dans les coulisses. En même temps, reconnaissant le nouvel ordre que Lui-même a établi, il se sert des monarques des nations, entre les mains desquels il a remis le sceptre de la terre, pour exécuter ses plans.
Si nous gardons ces principes toujours présents à l’esprit, nous n’en serons que mieux préparés à aborder l’étude de ce livre avec intelligence. Il se compose de deux parties :
Deux points se dégagent de ce chapitre : la proclamation de Cyrus et son écho dans le cœur du peuple. En outre sont donnés l’énumération détaillée et le dénombrement des « ustensiles de la maison de l’Éternel, que Nébucadnetsar avait fait sortir de Jérusalem et qu’il avait mis dans la maison de son dieu » (v. 7) ; Cyrus les restituait maintenant à ceux de la captivité qui étaient sur le point de retourner à Jérusalem.
Le premier verset dévoile un mystère, en révélant la source de cette puissance qui agissait alors, et agirait encore à travers tous les événements ultérieurs rapportés dans ce livre, afin que soient accomplis les desseins de l’Éternel. Nous lisons : « Et la première année de Cyrus, roi de Perse, afin que fût accomplie la parole de l’Éternel dite par la bouche de Jérémie, l’Éternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse ; et il fit une proclamation dans tout son royaume, et la publia aussi par écrit… » etc.
Arrêtons-nous un instant et remarquons comment, quelles que soient les apparences extérieures, le Seigneur tient dans sa main les cœurs de tous les hommes, les dirigeant selon sa volonté ; comment aussi il se sert d’hommes de toutes conditions comme d’autant d’instruments en vue de l’accomplissement de ses propres desseins. Le seul fait que le nom de Cyrus soit mentionné nous fait reculer encore d’un pas dans le passé. Le prophète Ésaïe, parlant au nom de l’Éternel, s’écrie : « Qui, du levant, réveilla celui dont la justice accompagne les pas ? Il livra les nations devant lui » (És. 41:2). Et encore : « C’est moi, l’Éternel… qui dis de Cyrus : Il est mon berger, et il accomplira tout mon bon plaisir, disant à Jérusalem : Tu seras bâtie, et au temple : Tes fondements seront posés » (És. 44:24, 28). Cette prophétie avait été prononcée bien avant la destruction de Jérusalem par Nébucadnetsar, et au moins cent ans avant que Jérémie soit appelé à prophétiser. Cela montre bien que les yeux et le cœur de Dieu sont perpétuellement tournés vers les siens et leurs intérêts, et que les événements de ce monde, l’apparition et la chute des monarchies, les audacieux s’emparant du pouvoir, ne sont en fait que des instruments de sa puissance par lesquels il poursuit son œuvre, en se servant des gouvernements de ce monde pour accomplir ses propres plans à l’égard de son peuple terrestre. Avec quel calme, quelle tranquillité, les enfants de Dieu ne devraient-ils pas vivre au milieu des conflits et des bouleversements politiques !
Ainsi Dieu, par la bouche d’Ésaïe, environ deux cents ans avant l’événement relaté dans notre chapitre, avait désigné l’instrument qu’il avait choisi pour restaurer son peuple et réédifier sa maison à Jérusalem. Un siècle après Ésaïe, Jérémie prophétisa pendant les derniers jours du royaume, avertissant et suppliant tour à tour le peuple : l’avertissant de la réalité des jugements imminents, et le suppliant de se repentir et de s’humilier devant Dieu dont il avait provoqué la colère par son iniquité et sa folie. C’est en prononçant cette prophétie qu’il dit : « Et tout ce pays sera un désert, une désolation ; et ces nations serviront le roi de Babylone soixante-dix ans. Et il arrivera, quand les soixante-dix ans seront accomplis, que je visiterai sur le roi de Babylone et sur cette nation-là leur iniquité, dit l’Éternel… » (Jér. 25:11-12). Et aussi : « Car ainsi dit l’Éternel : Lorsque soixante-dix ans seront accomplis pour Babylone, je vous visiterai, et j’accomplirai envers vous ma bonne parole, pour vous faire revenir en ce lieu » (Jér. 29:10). Donc, tout d’abord, Cyrus est désigné bien des années avant sa venue au monde, ensuite, Jérémie, annonçant la captivité imminente du peuple, prophétise la durée exacte de son exil.
Mais il y a encore un autre instrument, qui n’apparaît pas dans ce chapitre mais qu’il plut à Dieu de s’associer pour accomplir ses desseins de grâce et de bénédiction envers son peuple. Dans le livre de Daniel, nous lisons : « La première année de son règne (celui de Darius), moi, Daniel, je compris par les livres que le nombre des années touchant lequel la parole de l’Éternel vint à Jérémie le prophète, pour l’accomplissement des désolations de Jérusalem, était de soixante-dix années. Et je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, pour le rechercher par la prière et la supplication, dans le jeûne, et le sac et la cendre… » (Dan. 9:2-3). Dieu avait exprimé sa pensée concernant la restauration de son peuple, et il avait aussi fourni les instruments nécessaires. Et pourtant, que trouvons-nous ? Que l’un des captifs que Nébucadnetsar avait transportés à Babylone, le prophète Daniel, avait découvert, non pas par une révélation spéciale mais par l’étude patiente des écrits de Jérémie, que Dieu avait fixé une durée de soixante-dix années pour les « désolations de Jérusalem ». Dès lors, se fondant sur cette parole infaillible, il s’adonna à la prière et au jeûne, s’humiliant devant Dieu, confessant les péchés de son peuple, et faisant des supplications pour que Dieu accomplisse sa propre parole. « Seigneur, dit-il, selon toutes tes justices, que ta colère et ta fureur se détournent, je te prie, de ta ville de Jérusalem, ta sainte montagne. Car à cause de nos péchés, et à cause des iniquités de nos pères, Jérusalem et ton peuple sont en opprobre à tous ceux qui nous entourent. Et maintenant, écoute, ô notre Dieu, la prière de ton serviteur et ses supplications, et, pour l’amour du Seigneur, fais luire ta face sur ton sanctuaire désolé » (Dan. 9:16-17). Ainsi Daniel, s’identifiant avec son peuple dans son bas état et en communion de pensée avec Dieu, eut le privilège de devenir un intercesseur pour Israël, en vue de l’accomplissement des promesses de Dieu. Sa prière fut entendue (v. 21-27), et nous apprenons par là que Dieu, dans sa grâce, permet à son peuple d’entrer dans ses propres pensées et de lui être associé dans l’accomplissement de ses plans, pour sa propre gloire.
Ainsi, tout était prêt désormais. Selon la prophétie d’Ésaïe, « celui dont la justice accompagne les pas », originaire du Levant, avait été appelé à régner sur les nations. Par son moyen, la délivrance promise allait arriver. L’étape suivante est donc celle-ci : « L’Éternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse », et cette proclamation en fut le résultat : « Ainsi dit Cyrus, roi de Perse : l’Éternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, qui est en Juda. Qui d’entre vous, quel qu’il soit, est de son peuple, — que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem, qui est en Juda, et qu’il bâtisse la maison de l’Éternel, le Dieu d’Israël (lui est Dieu), à Jérusalem. Et celui qui est de reste, dans tous les lieux où chacun séjourne, que les hommes du lieu lui viennent en aide, avec de l’argent, et avec de l’or, et avec des biens, et avec du bétail, outre les offrandes volontaires pour la maison de Dieu qui est à Jérusalem » (Esd. 1:2-4).
Trois choses sont annoncées ici :
Le reste du chapitre est consacré à la description de l’effet produit par cette proclamation. Nous disons « l’effet de cette proclamation », mais le lecteur ne manquera pas de remarquer que c’est le même qui avait réveillé l’esprit de Cyrus qui ranima aussi le courage de ceux qui s’offrirent à accomplir la sainte tâche projetée. Deux ou trois détails seulement doivent retenir notre attention. Il est important, tout d’abord, de remarquer que les chefs des pères qui s’offrirent pour ce travail appartenaient aux deux tribus de Juda et de Benjamin. Il y avait aussi des Lévites, mais ils ne comptaient pas en tant que tribu, car Lévi n’avait « point de part ni d’héritage avec ses frères ; l’Éternel est son héritage… » (Deut. 10:8-9). Il ressort clairement de plusieurs passages de l’Écriture que, même s’il s’était peut-être trouvé au milieu du peuple établi en Perse, des hommes appartenant à d’autres tribus, seules Juda et Benjamin avaient été restaurées. C’est donc uniquement à ces deux tribus que Christ, étant venu dans ce monde, fut présenté, afin qu’elles le reçoivent. Et c’est parce qu’elles le rejetèrent que seules, d’entre les douze tribus, elles passeront par la grande tribulation, « telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant » (Mat. 24:21). Cette tribulation suivra la prise de pouvoir de l’Antichrist à Jérusalem. Pour cette même raison, les dix tribus ne seront rassemblées et restaurées qu’après l’apparition du Seigneur pour sauver le résidu demeuré dans le pays (Zach. 14 ; Ez. 20:33-44, 34. et Jér. 31:6-14).
Ensuite, Dieu opéra un travail de cœur chez les voisins de ceux qui se consacraient à l’œuvre de la maison de l’Éternel. Selon les termes de la proclamation, ils « offrirent volontairement » de leurs biens, les aidant par le don d’objets d’argent et d’or. Enfin, Cyrus lui-même montra son intérêt pour ce travail (ce qui prouve bien que son cœur aussi avait été touché par la puissance divine) en restituant les ustensiles du temple que Nébucadnetsar avait fait sortir de Jérusalem et qu’il avait mis dans la maison de son dieu (Dan. 5:1-4). Et « Cyrus … les compta à Sheshbatsar, prince de Juda » (v. 6-8).
C’est ainsi que nous trouvons dans ce chapitre tous les signes d’un travail de Dieu authentique. Une unité de cœur et d’intention est réalisée chez tous ceux que cette tâche concernait, que ce soit Cyrus (sans la permission duquel les captifs n’auraient pu revenir), ou les chefs des pères de Juda et de Benjamin (qui étaient indispensables pour le travail de construction proprement dit), ou même ceux qui étaient « de reste » (mais qui, en exprimant leur communion de cœur avec leurs frères par des offrandes volontaires, contribuaient aux dépenses nécessaires). II n’y eut pas d’assemblées préalables pour s’organiser et se mettre d’accord, car la communion de cœur et d’intention était le fruit du seul travail de l’Éternel dans toutes les âmes sans distinction. Là réside la différence entre un travail divin et un travail humain, et la preuve indubitable d’une véritable action de l’Esprit de Dieu. Chaque instrument nécessaire se présente alors au moment voulu, car le travail est de Dieu et doit être accompli.
Les trois derniers versets indiquent le nombre des ustensiles sacrés que Sheshbatsar avait reçus de Cyrus et qu’il a rapportés de Babylone à Jérusalem.
Le récit concernant le registre de « ceux de la province qui remontèrent de la captivité de ceux qui avaient été transportés, lesquels Nébucadnetsar, roi de Babylone, avait transportés à Babylone, et qui retournèrent à Jérusalem et en Juda, chacun à sa ville » (v. 1) est instructif à bien des égards ; d’abord l’existence de ce registre montre combien était précieuse pour Dieu la réponse que sa grâce avait produite dans les cœurs, bien que son peuple soit entré bien faiblement dans ses pensées à l’égard de sa maison. D’autre part, Dieu a voulu que soit préservée cette liste de noms, ce qui montre qu’il accepte avec joie les plus petits fruits qui sont produits par le travail de son Esprit ; les noms mêmes de son peuple sont connus et proclamés comme un encouragement adressé à tous, à marcher dans ses voies, à prendre ses intérêts à cœur et à rester fidèles dans des temps de corruption et d’apostasie (comparer Luc 12:8 et Apoc. 3:5). Au verset 2, les noms des chefs sont donnés, puis les hommes du peuple sont classés selon leurs familles d’origine.
Si nous examinons cette liste d’un peu plus près, nous trouverons une quadruple division. Jusqu’à la fin du verset 42, il s’agit de ceux qui faisaient indiscutablement partie d’Israël, de Juda, de Benjamin ou de Lévi (parmi ces derniers, se trouvaient les chantres et les portiers). Puis suivent deux autres classes de personnes, les Néthiniens et les serviteurs de Salomon, au sujet desquels il sera nécessaire de dire quelques mots.
D’abord les Néthiniens
(v. 43-58). La question de leur
origine juive se pose. Leur nom semble vouloir dire : « Ceux qui sont
donnés » et l’on en a déduit qu’ils étaient d’une autre race. Cette
conclusion vient de la place qu’ils occupent dans ce chapitre (voir aussi 1
Chr. 9:2). Mais à l’origine, ils auraient été donnés aux Lévites pour leur
service. Donnés tout comme les Lévites d’ailleurs, mais à cette différence que
ces derniers l’avaient été par un commandement divin, et à la place des
premiers-nés d’Israël (Nomb. 8). Les Lévites avaient été donnés à Aaron, pour
le service du Seigneur dans son Tabernacle. On trouve trace des Néthiniens dans
deux passages :
Puis viennent les fils des serviteurs de Salomon
. Les
informations les concernant sont moins précises ; dans 1 Rois 9:20-21,
nous apprenons que Salomon assujettit à la servitude tout le peuple qui restait
des Amoréens, des Héthiens, etc… qui habitaient dans le pays et que les fils
d’Israël n’avaient pu détruire. Il est possible que ce soient leurs descendants
qui reçurent le nom de serviteurs de Salomon. Dans le même ordre d’idée, toute
relation avec le peuple de Dieu et avec les choses de Dieu devient un moyen de bénédiction.
Celle-ci, si elle n’est pas toujours spirituelle, est en tout cas presque
toujours temporelle quoiqu’elle puisse se limiter, à cause du péché et de
l’incrédulité, à une longueur de jours et à la prospérité terrestre. Mais pour
« les serviteurs de Salomon », comme pour les Néthiniens, il dut y
avoir plus que cela, car par grâce, ils étaient revenus de leur propre gré,
pour aider à la construction de la maison de Dieu à Jérusalem. Le nombre total
de ces deux classes était de trois cent quatre-vingt-douze.
Nous avons ensuite deux autres classes qui occupent une position particulière et, dans un sens, des plus tristes. Il y avait les fils de Delaïa, les fils de Tobija, les fils de Nekoda, six cent cinquante-deux personnes qui ne purent montrer leurs maisons de pères et leur descendance, pour prouver qu’ils appartenaient à Israël ; et à part eux, des fils de sacrificateurs, les fils de Hobaïa, les fils d’Hakkots, les fils de Barzillaï, « ceux-ci cherchèrent leur inscription généalogique, mais elle ne se trouva pas ; et ils furent exclus, comme profanes, de la sacrificature » (v. 59-62).
Tant qu’ils étaient en exil, on n’avait pas pris le même soin qu’auparavant de leurs titres et de leurs qualifications. Babylone représente la corruption dans laquelle le peuple de Dieu est en esclavage à cause de ses péchés. Aussi, le temps de leur captivité était un temps de négligence pendant lequel ils souffraient sous la main de Dieu, un temps de confusion et de désordre. Il en était nécessairement ainsi, vu qu’ils étaient sans temple, sans sacrifices et sans la présence de l’Éternel. Et maintenant, par la grâce de leur Dieu, une guérison partielle était, il est vrai, intervenue ; mais cette restauration était le fait d’une action évidente de l’Esprit de Dieu. Maintenant aussi, la Maison de Dieu allait de nouveau devenir leur centre. Aussi étaient-ils très justement exercés touchant les droits de tous ceux qui étaient revenus de Babylone. Si l’un d’entre eux ne pouvait pas montrer sa généalogie, il n’avait aucun droit de prendre part au travail auquel ils avaient été appelés. Et dans le cas des sacrificateurs, les conséquences étaient plus graves encore. S’ils ne pouvaient pas montrer leur généalogie, ils étaient exclus de la sacrificature comme profanes. Il ne leur était pas dit qu’ils n’étaient pas des sacrificateurs ; le motif invoqué était que leurs droits n’étaient pas établis ; il se pouvait qu’ils le soient dans le futur. Et, de ce fait, « le Tirshatha leur dit qu’ils ne devaient point manger des choses très-saintes jusqu’à ce que fût suscité un sacrificateur avec les urim et les thummim » (v. 63). Quand le temps serait venu, ce sacrificateur qui serait revêtu d’une intelligence divine et du discernement nécessaire, par les « lumières et les perfections » de Dieu (Urim et Thummim), pourrait estimer s’ils étaient vraiment des sacrificateurs (Ex 28:30). Mais jusque là, leur prétention à ce service était rejetée. La grâce pourrait, il est vrai, restaurer ce qui avait été perdu sous la loi ; mais pour cela, ils devaient attendre patiemment.
Une situation où le même principe est transposable s’est vue durant le siècle dernier. Ce n’est pas trop de dire que l’Église de Dieu était entièrement sous la dépendance de la puissance de ce monde. La vie du peuple de Dieu était soutenue par le ministère de quelques hommes fidèles ici et là, et par l’étude de la Parole de Dieu. Mais l’Église, dans son ensemble, était prisonnière et avait été asservie dans une captivité babylonienne. Bientôt, après qu’un réveil ait eu lieu, Dieu travailla dans le cœur de plusieurs dans différents endroits, produisant de grands exercices. Un mouvement commença, et eut pour conséquence de délivrer bien des personnes. La charte de leur délivrance de la captivité, fut la parole de Dieu. Ils se tournaient vers elle jour et nuit et ils y trouvèrent la lumière et la vie. Par son moyen, ils se jugèrent eux-mêmes et jugèrent aussi leurs voies ; ils découvrirent le vrai caractère de leur esclavage passé, et dans la Parole, ils trouvèrent la direction pour leur avenir. Écoutant ses enseignements, ils dressèrent à nouveau la table du Seigneur dans toute sa simplicité. Ils apprirent que le Saint Esprit demeurait dans la Maison de Dieu et que le Seigneur avait promis de revenir lui-même chercher bientôt les siens. Puis ils furent immédiatement confrontés à la même difficulté que celle trouvée dans ce chapitre, savoir qui a le droit et la qualité nécessaire pour rompre le pain à la table du Seigneur. Dans le passé, tout bon citoyen pouvait y prendre part, et tous étaient souvent exhortés à venir. Une personne qui se proclamait chrétienne n’était jamais contredite ; et ceux, malheureusement nombreux, dont la conduite était en contradiction avec la profession de foi, étaient reçus comme les autres. De telles pratiques pouvaient-elles se poursuivre ? Alors on trouva la réponse : Seuls ceux qui pourraient montrer « leurs maisons de pères » et leur généalogie, avaient qualité, selon la Parole, pour avoir leur place à la table du Seigneur. En d’autres termes, à moins que nous n’ayons la paix avec Dieu par la possession de l’Esprit d’adoption, et que nous puissions ainsi montrer quelle est la maison de notre Père et tracer notre généalogie, nous n’avons pas le titre divin requis. La profession ne suffit pas. En un jour comme celui-là, un jour de restauration de la captivité, il faut que la valeur de notre profession puisse être vérifiée en se servant de la sûre Parole de Dieu ; car, ainsi que le dit l’apôtre : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps de Christ ? Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10:16-17).
Mais l’on objectera : Ne vous constituez-vous pas ainsi en juges des autres ? En aucune manière ; car comme le gouverneur le dit en effet dans ce chapitre, à ceux des sacrificateurs qui étaient exclus : vous êtes peut-être bien des sacrificateurs, mais vous n’êtes pas en mesure d’en apporter la preuve. Il faut donc laisser la question de côté jusqu’à ce qu’un sacrificateur se lève, ayant les urim et les thummim, quelqu’un qui soit en mesure de juger selon Dieu. Aussi désormais la charge d’apporter la preuve repose-t-elle sur celui qui désire s’approcher de la table du Seigneur et s’identifier ainsi avec le Peuple de Dieu. S’il est dans l’incapacité d’apporter cette preuve, il n’est pas exclu par ceux qui ont affaire avec lui, mais du fait de son incapacité à montrer sa « généalogie » : s’il est vraiment un membre du Corps de Christ, son titre, quoique tout soit grâce, sera pleinement reconnu dans un jour futur par le Seigneur lui-même. Il est nécessaire que ce principe scripturaire soit compris et maintenu.
La question des sacrificateurs va plus loin encore. Ces derniers, comme nous l’avons vu, avaient été exclus de la sacrificature, eux dont les fonctions étaient de servir devant l’Éternel et d’enseigner le peuple (voir Ex. 28 ; Lév. 10:9-11 ; Deut. 10:8 ; Mal. 2:5-7) ; il leur était aussi défendu, du fait de leur incapacité à prouver leur généalogie, de manger des choses très-saintes (lire Lév. 22:1-16). Quel commentaire solennel sur les pratiques qui ont prévalu pendant des siècles dans la chrétienté ! Par oubli ou ignorance de cette vérité qui veut que tous les vrais croyants, mais rien que de vrais croyants, soient des sacrificateurs (1 Pi. 2:9), on a cherché un moyen de pourvoir à ces saintes fonctions par une ordination humaine. Par surcroît, ceux-ci, une fois nommés, s’arrogent le droit exclusif de s’approcher de Dieu et d’interpréter les Écritures. C’est peu de dire que de telles pratiques sont la négation du christianisme, car elles sont pires encore, et mettent de côté l’efficacité du travail de Christ en déniant son autorité ; tout comme elles ignorent l’activité souveraine du Saint Esprit. Dieu seul établit des sacrificateurs, et quiconque est lavé d’eau (né de nouveau) est placé sous l’efficacité du seul sacrifice de Christ, sous l’aspersion de son précieux sang. Puis il est oint de l’huile de l’onction (l’onction du Saint Esprit). Il est ensuite mis à part par lui pour remplir ce service de sacrificateur (Ex. 29 et Héb. 10). Seules de telles personnes peuvent trouver leur inscription au milieu de ceux qui sont comptés par familles, ayant alors « une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant qu’il nous a consacré à travers le voile, c’est-à-dire sa chair » (Héb. 10:19-20). Là, par la grâce de Dieu, il leur est permis de se nourrir des choses très saintes, c’est-à-dire de Christ lui-même sous ses différents aspects, en communion avec Dieu et dans sa propre présence.
Il nous est ensuite dit que le chiffre total de la congrégation s’élevait à quarante-deux mille trois cent soixante personnes, sans compter les serviteurs et les servantes, au nombre de sept mille trois cent trente-sept. Parmi eux il y avait deux cents chanteurs et chanteuses. Il y avait aussi sept cent trente-six chevaux, deux cent quarante-cinq mulets, quatre cent trente-cinq chameaux et six mille sept cent vingt ânes (v. 64-67). Toute cette grande compagnie avait auparavant voyagé de Babylone jusqu’en Juda et à Jérusalem. Leurs cœurs étaient engagés dans cette sainte entreprise, à laquelle ils avaient été divinement appelés. Mais un examen attentif des éléments qui composaient cette troupe fera découvrir des signes précurseurs de déclin et de ruine. Ces pèlerins avaient-ils besoin de chanteurs et de chanteuses ? Leur pays était désolé, leur sanctuaire avait été consumé par le feu et il était désert. Eux-mêmes n’étaient qu’un faible résidu, délivré du joug de la captivité. Sans aucun doute, ce n’était pas le temps convenable pour la joie et les chants ! (comparez avec le Ps. 137). Hélas ! chaque action du Saint Esprit, produisant un réveil dans le cœur de son peuple, est rapidement limitée par l’homme, par ses propres pensées et ses désirs. Déjà, la première réaction de l’homme à l’activité puissante de Dieu, est d’assembler avec ceux qui sont réellement sous son influence, ceux qui vont corrompre le mouvement et le conduire à la ruine visible. Ce fait est illustré d’une manière remarquable dans le livre des Juges et il en a été ainsi ensuite à chaque période de l’Église !
Une partie des chefs des pères, arrivés à la maison de Dieu à Jérusalem avaient offert des dons pour l’œuvre. Ils avaient donné, selon leur capacité, librement, soixante et un mille dariques d’or et cinq mille mines d’argent et cent tuniques de sacrificateurs (v. 68-69).
Il est intéressant de remarquer comment le début du verset 68 est énoncé :
« … quand ils arrivèrent à la maison de l’Éternel qui est à Jérusalem », montrant que la maison —quel que fut son état extérieur, et rasée jusqu’à ses fondements comme elle l’avait été — existait encore aux yeux de Dieu. Ainsi, bien qu’il y ait eu trois maisons différentes jusqu’au temps du Seigneur, c’était toujours la même maison dans la pensée de Dieu. Aggée, à ce propos, dit : « la dernière gloire de cette maison sera plus grande que la première » (Aggée 2:9). Il y a incontestablement une autre raison pour la manière dont s’exprime Esdras. Il semblerait que Dieu ait employé la désolation de son sanctuaire pour toucher le cœur des chefs des pères. Quand ils arrivèrent à la maison de l’Éternel — quand ils virent, pour ainsi dire, son état — ils furent émus, et ils « donnèrent volontairement » de leurs biens ; et comme l’Esprit est attentif à le remarquer, mettant ainsi le sceau de son approbation sur cette action : « ils donnèrent… selon leur pouvoir ». Ceci est sûrement un exemple pour tous les temps, pour ceux qui ont le privilège de servir le Seigneur, soit en ayant communion avec lui à l’égard des saints qui sont dans le besoin, soit en répondant aux besoins qui sont liés à son œuvre.
Le chapitre se termine par ces mots : « Et les sacrificateurs et les lévites, et ceux du peuple, et les chantres, et les portiers, et les Néthiniens, habitèrent dans leur villes : tout Israël se trouva dans ses villes » (v. 70). Il est laissé au lecteur spirituel le soin de se demander si ce récit, lu en particulier à la lumière de ce que nous trouvons en Aggée 1, n’est pas le symptôme de la ruine de leur premier amour. Ne montre-t-il pas cette tendance à penser à eux-mêmes et à leurs propres maisons, avant de s’occuper de la maison de Dieu ? Salomon avait passé treize ans à bâtir sa propre maison, tandis qu’il n’en avait passé que sept à s’occuper du temple ; connaissant ce qu’est l’homme, nous ne sommes pas surpris que le résidu ait commencé par s’occuper de ses propres intérêts. Mais s’il en est ainsi, le chapitre suivant montre que la Parole de Dieu avait toujours une action profonde dans leurs âmes, à la gloire de ce Dieu qui les avait ramenés de la captivité, et les avait associés aux pensées de son cœur, concernant Jérusalem et son temple.
À la fin du chapitre 2, nous avons vu que « tout Israël — en fait le résidu seul, mais représentant le peuple tout entier devant Dieu — se trouva dans ses villes ». Le début de ce chapitre 3 expose une autre action remarquable de l’Esprit de Dieu. « Et quand arriva le septième mois, les fils d’Israël étant dans leurs villes, le peuple s’assembla comme un seul homme à Jérusalem » (v. 1). Dans le livre des Nombres, nous lisons : « Et au septième mois, le premier jour du mois, vous aurez une sainte convocation ; vous ne ferez aucune œuvre de service ; ce sera pour vous le jour du son éclatant des trompettes » (ch. 29:1). Cette fête des trompettes préfigurait la restauration d’Israël aux derniers jours. Le peuple s’assembla alors à Jérusalem avec une véritable intelligence spirituelle qui, jointe à leur parfaite unité, montrait qu’eux-mêmes, autant que leurs conducteurs, avaient été enseignés de Dieu et se trouvaient sous la puissance de sa Parole (Actes 2:1). Rares sont les moments, dans l’histoire du peuple de Dieu, où une pareille unité a été réalisée, parce que celle-ci ne saurait être le résultat d’un consensus général, mais uniquement celui d’une soumission de tous à la puissance de l’Esprit par la vérité. Cela n’est arrivé que deux fois dans l’histoire de l’Église (Actes 2 et 4) et ne se reproduira jamais plus sur la terre dans l’ensemble de l’Église, bien qu’on puisse l’observer peut-être dans de petites assemblées de saints. Mais ici, comme à la Pentecôte, la congrégation tout entière ne faisait qu’un. Une volonté unique s’imposait à tous et les réunissait avec une force irrésistible autour d’un même centre. Ils se trouvaient tous d’un commun accord en un seul et même endroit, dans cette ville sur laquelle les pensées et les affections de Dieu étaient alors fixées.
Pendant qu’ils étaient ainsi assemblés, « Jéshua, fils de Jotsadak, et ses frères les sacrificateurs, et Zorobabel, fils de Shealthiel, et ses frères, se levèrent et bâtirent l’autel du Dieu d’Israël, pour y offrir des holocaustes, selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse, homme de Dieu. Et ils établirent l’autel sur son emplacement ; car la terreur des peuples de ces contrées était sur eux ; et ils offrirent dessus des holocaustes à l’Éternel, les holocaustes du matin et du soir » (v. 2-3). Le gouverneur, Zorobabel, et le sacrificateur, Jéshua (secondés par leurs « frères » respectifs), étaient unis dans cette œuvre bénie, et les deux ensemble annonçaient en type Celui qui sera sacrificateur sur son trône, le vrai Melchisédec (Zach. 6:9-15).
Un de leurs motifs, en bâtissant l’autel, semble avoir été un besoin profond de la protection de leur Dieu ; or la foi discernait que cette protection serait assurée grâce à l’efficacité des sacrifices. Et que pouvait-il y avoir de plus beau que cette manifestation de leur confiance en Dieu ? Ils n’étaient qu’un faible résidu, sans aucun moyen de défense apparent, entouré par toutes sortes d’ennemis ; mais leur faiblesse même au sein du danger leur avait enseigné cette précieuse leçon que Dieu était leur refuge et leur force. C’est pourquoi leur premier objectif était de bâtir l’autel, et aussitôt que l’odeur agréable des holocaustes s’éleva vers Dieu, tout ce qui était alors donné à connaître de lui fut manifesté en leur faveur.
On remarquera aussi que leurs holocaustes étaient offerts matin et soir. Ce double sacrifice quotidien s’appelait à l’origine « l’holocauste continuel » (Ex. 29:38-46) ; grâce à lui, Dieu avait pu habiter au milieu de son peuple. Et s’il n’était plus présent parmi eux, s’il ne demeurait plus entre les chérubins qui couvraient le propitiatoire de leurs ailes puisque l’arche avait disparu, l’efficacité de l’holocauste restait toujours la même ; et tant que, par la foi, le sacrifice était offert et présenté devant Dieu matin et soir, le peuple était aussi sûrement qu’auparavant sous la protection divine ; il était tout aussi en sécurité (et même beaucoup plus) qu’au temps où Jérusalem dans toute sa gloire était entourée de murailles et de remparts. Ils auraient donc pu dire, empruntant les termes d’un de leurs psaumes : « Dieu est notre refuge et notre force, un secours dans les détresses, toujours facile à trouver. C’est pourquoi nous ne craindrons point, quand la terre serait transportée de sa place, et que les montagnes seraient remuées et jetées au cœur des mers ; quand ses eaux mugiraient, qu’elles écumeraient, et que les montagnes seraient ébranlées à cause de son emportement » (Ps. 46:1-3).
L’autel ayant été dûment rétabli, ils célébrèrent la fête des tabernacles selon ce qui est écrit (Lév. 23:33-36), « et les holocaustes, jour par jour, selon leur nombre, selon l’ordonnance, le service de chaque jour en son jour » (v. 4). La fête des tabernacles était une figure de la joie millénaire (Lév. 23:40). Israël devait se réjouir devant l’Éternel, son Dieu, pendant sept jours. Aux yeux des hommes qui considéraient leur état misérable, il pouvait paraître dérisoire que ces pauvres réchappés de la captivité célèbrent joyeusement une fête ! Mais « la foi est l’assurance des choses qu’on espère, et la conviction de celles qu’on ne voit pas », et ainsi, l’avenir devient une réalité présente. En outre, une fois que l’âme se tient devant Dieu dans la pleine acceptation de Christ tel que nous le voyons en type dans l’holocauste, elle a déjà la certitude de posséder en lui toutes les bénédictions promises. Ainsi, les Israélites croyants qui se tenaient autour de l’autel qu’ils avaient bâti au milieu des ruines du temple, et qui voyaient la fumée de l’holocauste s’élever vers le ciel, pouvaient anticiper le moment où toutes les promesses de Dieu faites à Abraham, Isaac et Jacob, seraient accomplies, où « ceux que l’Éternel a délivrés retourneront et viendront à Sion avec des chants de triomphe ; et une joie éternelle sera sur leur tête, ils obtiendront l’allégresse et la joie, et le chagrin et le gémissement s’enfuiront » (És. 35:10).
Ils offrirent aussi « l’holocauste continuel, et celui des nouvelles lunes et de tous les jours solennels de l’Éternel qui étaient sanctifiés, et les holocaustes de tous ceux qui offraient une offrande volontaire à l’Éternel » (v. 5). On remarquera que le trait saillant de chacun de leurs actes, c’est que tout était fait selon l’ordonnance, selon la parole de Dieu (v. 2, 4). Quelles qu’aient été leurs pratiques, leurs traditions et leurs coutumes à Babylone, toutes ces choses avaient été laissées sur les lieux de leur captivité ; et maintenant qu’ils étaient délivrés et ramenés sur leur terre, rien ne pouvait les satisfaire si ce n’est l’autorité de la Parole écrite.
C’est pourquoi nous pourrions résumer les rites décrits dans ce passage sous le titre de : restauration du culte selon l’Écriture. Tout cela vient d’un principe d’une immense importance, qui a trouvé une illustration dont peuvent se souvenir quelques croyants encore en vie. Il y a une cinquantaine d’années (*), il s’est produit un mouvement (auquel il a été fait allusion dans un chapitre précédent) qui, dans ses caractères spirituels, correspond dans une large mesure à cette délivrance de Babylone. Le premier objectif des saints de cette époque était, comme pour le résidu pieux, le rétablissement de l’autel (en conférant à cette expression le sens symbolique de l’adoration) et de l’ordre dans l’assemblée, dans tous ses divers aspects, selon l’Écriture. Coutumes, traditions, rites et cérémonies furent alors examinés à la lumière des pratiques apostoliques, d’après la Parole, et tout ce qui ne supportait pas l’examen fut abandonné. De la même manière, seul un résidu avait été délivré de la servitude, mais ceux qui en faisaient partie possédaient la lumière et la vie dans leurs habitations et dans leurs rassemblements, parce que, « comme un seul homme », ils cherchaient à donner au Seigneur Jésus Christ sa place légitime de prééminence, en tant que Fils sur sa propre maison. En vérité, Dieu a reconnu ce mouvement d’une manière remarquable, et s’en est servi pour rappeler aux croyants l’autorité des Écritures ; pour les ramener à la connaissance de la plénitude de sa grâce dans la rédemption, à leur position de sacrificateurs avec les privilèges qui en découlent, à la vérité de la présence du Saint Esprit, et à l’attente du retour du Seigneur. Et si la puissance spirituelle de ce temps-là fut de courte durée, son influence se fait encore sentir. Ce n’est pas trop d’affirmer que l’Église de Dieu tout entière lui est redevable, par la grâce souveraine et le décret de Dieu, de l’exposition et du maintien des vérités complètes du christianisme. Auparavant, entre les mains de ceux qui le défendaient publiquement, le christianisme avait dégénéré pour n’être plus qu’un simple code moral dont le résultat fut le socinianisme (**) ainsi qu’une infidélité générale. Ensuite, en dépit de la puissance grandissante du mal et de la multiplication des signes précurseurs de l’apostasie, jamais la vérité de Dieu et de son Fils glorifié à sa droite n’a été laissée sans un témoignage complet. Tout ceci proclame, comme une voix de trompette, que le chemin de l’obéissance à l’Écriture, dans la puissance de l’Esprit, est tout à la fois le chemin du retour à la vérité, le secret de toute bénédiction et le véritable moyen d’enrayer le déclin spirituel.
(*) N de l’Ed. : c'est-à-dire vers 1840.
(**) N. de l’Ed. : Hérésie qui se fit jour à la fin du 16 ème siècle, niant la trinité divine et la divinité de Christ.
Les cinq premiers versets de ce chapitre sont un récit touchant qui pourrait bien être étudié parallèlement à celui des premiers jours de l’Église après la Pentecôte (Actes 2-4). Dans les deux cas, on assiste à une manifestation d’énergie spirituelle, individuelle aussi bien que collective. Ainsi, ce n’est pas seulement aux nouvelles lunes et aux jours solennels qu’il nous est dit qu’ils offraient des sacrifices, car il est aussi question des « holocaustes de tous ceux qui offraient une offrande volontaire à l’Éternel » (v. 5). Lorsque l’Esprit de Dieu agit en puissance, il remplit les cœurs de beaucoup jusqu’à ce qu’ils débordent ; alors le vase, incapable de contenir tant de bénédiction, déborde de reconnaissance et de louange envers Dieu. Tel est le secret de la piété et de l’adoration.
Les deux versets suivants indiquent la fin de cette période avant d’en introduire une autre : « Depuis le premier jour du septième mois, ils commencèrent à offrir des holocaustes à l’Éternel, mais les fondements du temple de l’Éternel n’étaient pas encore posés. Et ils donnèrent de l’argent aux tailleurs de pierres et aux charpentiers, et des vivres et des boissons et de l’huile aux Sidoniens et aux Tyriens, pour amener du Liban des bois de cèdre à la mer de Japho, suivant l’autorisation qu’ils avaient de Cyrus, roi de Perse » (v. 6-7). C’est avec une joie évidente qu’il est fait mention des premiers holocaustes offerts le premier jour du septième mois. Il était doux au cœur de Dieu de voir son peuple revenir à lui en reconnaissant ses droits et le seul terrain sur lequel ils pouvaient être acceptés. Cela nous montre avec quel soin il observe la conduite des siens, et combien il prend plaisir à ce qu’ils s’approchent de lui pour l’adorer. Alors qu’il produit lui-même ces fruits dans leurs cœurs par sa grâce, par cette même grâce, il leur en attribue le mérite ! (Éph. 2:10 ; 2 Cor 5:10).
Il y a une pointe de tristesse, nous semble-t-il, dans ce qui suit : « Mais les fondements du temple de l’Éternel n’étaient pas encore posés » (v. 6). Les fils d’Israël avaient répondu magnifiquement à la grâce et à la bonté de l’Éternel pour leur restauration, ils s’étaient réjouis de se placer sous sa protection et avaient rétabli le culte selon l’ordonnance, comme il était écrit dans la loi de Moïse, homme de Dieu. Mais, pour le moment, ils en restaient là. Au lieu d’entrer dans la pensée de Dieu au sujet de sa maison, ils se reposaient sur les bénédictions dans lesquelles ils étaient désormais introduits. Leur énergie spirituelle s’était partiellement épuisée dans leurs premiers efforts, et ils étaient maintenant tentés de s’arrêter avant d’aller plus loin. Il en a toujours été ainsi dans l’histoire des vrais réveils au sein de l’Église de Dieu. Prenons, par exemple, cette œuvre de Dieu extraordinaire dont Luther fut l’instrument. Au début, l’autorité et la toute suffisance de l’Écriture furent la hache de guerre que Luther brandit contre la corruption et l’idolâtrie de Rome ; Dieu fut avec lui dans ce combat et lui accorda une délivrance remarquable. Mais qu’arriva-t-il ensuite ? Luther, et ses disciples comme lui, se reposèrent sur leurs lauriers, jouissant des fruits de leurs premières victoires, et la Réforme ne fut bientôt plus qu’un système d’églises d’État, et de credos, d’où la vie ne tarda pas à se retirer (Apoc. 3:1-3). Ils ne persévérèrent pas dans la communion avec la pensée de Dieu, ils poursuivirent avec effort leurs propres objectifs plutôt que ceux de Dieu, ce qui eut pour conséquence l’apparition rapide de signes de décadence et de ruine. Le mouvement s’arrêta, et aujourd’hui, les vérités remises en lumière disparaissent rapidement (si même elles ne sont pas déjà totalement oubliées !) des lieux qui furent la scène du combat.
Nous apprenons ainsi que pour être en sécurité, les enfants de Dieu doivent se montrer à la hauteur de leur vocation. Notre Père nous appelle à la communion avec lui-même et avec son Fils Jésus Christ. Si, oubliant cela, nous nous contentons de jouir de nos bénédictions et perdons de vue ce que Dieu désire pour nous, nous donnerons bientôt des signes de faiblesse et de déclin, soit individuellement, soit collectivement dans nos rassemblements chrétiens. Si, par contre, nous poursuivons les mêmes buts que Dieu, si nos pensées sont fixées sur ce qu’il se propose, il nous conduira à une intelligence toujours plus grande de ses desseins de grâce et de ses voies, et à un état de plus grande bénédiction. Il fait ses délices de notre joie qu’il voudrait toujours augmenter en nous associant, dans sa grâce, à ses propres desseins.
Cependant, s’il est vrai que les fils d’Israël ne persévérèrent pas diligemment à l’œuvre, ils n’étaient pas sans se soucier du but de leur restauration. Comme nous l’avons vu, ils commencèrent à s’occuper des matériaux avec lesquels ils bâtiraient le temple (v. 7). Pour comprendre les circonstances du résidu, en contraste avec la gloire du royaume lors de la construction du temple de Salomon, il faut lire 1 Rois 5 et 1 Chr. 28 et 29. Rappelons en même temps que l’Éternel était le même ; et que ses ressources étaient tout aussi accessibles à ce faible résidu par une foi en exercice qu’à David et à Salomon dans toute leur puissance et leur majesté. Il est vrai que le résidu dépendait apparemment du bon vouloir d’un monarque des nations pour obtenir la permission de bâtir et les matériaux nécessaires, mais c’était à l’œuvre de Dieu qu’ils travaillaient, et s’ils comptaient sur lui, il leur donnerait la force de la mener à bonne fin. Quand des croyants travaillent avec Dieu, les difficultés et les obstacles apparents se mettent au service de la foi pour faire intervenir Dieu devant qui les choses tortueuses sont rendues droites et les lieux raboteux aplanis.
Dans ce passage, il nous est dit comment furent posés les fondements du temple. Il y a nécessairement un intervalle d’au moins sept mois entre les versets 7 et 8. Ce qui se passa alors ne nous est pas révélé. D’après le contexte, la raison probable de cet arrêt avant le début des travaux de construction semble avoir été l’attente du bois de cèdre. Quoi qu’il en soit, « la seconde année de leur arrivée à la maison de Dieu à Jérusalem, au second mois, Zorobabel, fils de Shealthiel, et Jéshua, fils de Jotsadak, et le reste de leurs frères, les sacrificateurs et les lévites, et tous ceux qui étaient venus de la captivité à Jérusalem, commencèrent ; et ils établirent les lévites, depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, pour surveiller l’œuvre de la maison de l’Éternel » (v. 8). Trois choses sont à remarquer dans l’énoncé de ces faits :
Premièrement, quel que soit l’état du peuple dans son ensemble, Zorobabel et Jéshua — le gouverneur et le sacrificateur — sont au premier rang dans cette œuvre de l’Éternel. Occupant officiellement les premières places, ils conservent le rôle de conducteurs spirituels du peuple. C’est une situation heureuse pour les enfants de Dieu en tout temps, lorsque leurs conducteurs sont dans le secret des pensées de Dieu, et qu’ils peuvent faire appel à eux pour les aider dans le service. Tel n’est pas toujours le cas. Il peut arriver, en effet, que l’Esprit de Dieu agisse d’abord au sein de son peuple, et que les conducteurs soient mis de côté, ou contraints de suivre les autres pour conserver leur place !
Le second point à remarquer, c’est que le gouverneur et le sacrificateur savent s’associer au peuple dans leur sainte entreprise. Il s’agit d’un sûr indice de leur puissance spirituelle, en même temps qu’une preuve que Dieu travaillait avec eux. Jusque-là, il n’y avait entre eux aucune divergence ; tous étaient unis ensemble par le Saint Esprit dans un même but.
Les Lévites, par grâce, se mirent vite à l’ouvrage. Ils n’étaient que soixante-quatorze (*) (Esd. 2:40). Dans le désert, en ne comptant que ceux qui avaient « trente ans et au-dessus, jusqu’à l’âge de cinquante ans…, les dénombrés furent huit mille cinq cent quatre-vingts » (Nomb. 4:46-48). Quand l’Éternel avait ouvert devant eux la porte de la délivrance de leur captivité à Babylone, bien peu s’étaient donc souciés d’en profiter. Ils s’étaient, hélas ! établis dans le pays de leur exil ; ils avaient oublié Jérusalem et cessé de se souvenir de Sion ! La fidélité de ces soixante-quatorze n’en était que plus précieuse à l’Éternel, et, avec sa présence et sa bénédiction, ils étaient en nombre suffisant pour le servir en surveillant « ceux qui faisaient l’ouvrage dans la maison de Dieu ». La grâce avait aussi opéré dans leurs cœurs, car ils « se tinrent là comme un seul homme » pour accomplir leur devoir. Voilà un exemple de vraie communion, qui résultait du fait qu’ils étaient en parfait accord avec la pensée de Dieu au sujet de sa maison. Ils poursuivaient les mêmes buts que Dieu, et n’étaient donc pas entravés par des avis divergents. Au contraire, « comme un seul homme », ils surveillaient ceux qui faisaient l’ouvrage (v. 9). Cela augurait bien du succès de leur entreprise, et c’était également un fruit évident de l’action de l’Esprit de Dieu.
(*) Les fils d’Asaph et les fils des portiers (ch. 2:41-42) étaient aussi des Lévites. En tout, ils étaient donc trois cent quarante et un, mais ces soixante-quatorze-là seulement étaient disponibles pour cette œuvre spéciale.
Les deux versets suivants décrivent la fête célébrant la pose des fondements : « Et lorsque ceux qui bâtissaient posèrent les fondements du temple de l’Éternel, on fit assister les sacrificateurs revêtus de leurs robes, avec des trompettes, et les lévites, fils d’Asaph, avec des cymbales, pour louer l’Éternel selon les directions de David, roi d’Israël. Et ils s’entre-répondaient en louant et en célébrant l’Éternel : Car il est bon, car sa bonté envers Israël demeure à toujours. Et tout le peuple poussa de grands cris, en louant l’Éternel, parce qu’on posait les fondements de la maison de l’Éternel » (v. 10-11). Ce fut un jour de grande joie et d’allégresse, et de même qu’ils étaient revenus à la Parole, « selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse, homme de Dieu », pour y trouver des directives concernant l’autel, les sacrifices et les fêtes, de même ici, ils ont recours aux « directions de David, roi d’Israël » (v. 10) pour être guidés dans leur service de la louange (2 Chr. 5:12-13). Dans le désert, il n’est certes pas fait mention de chants de joie ! Les fils d’Israël, au bord de la Mer Rouge, avaient bien chanté le cantique de la rédemption, mais à peine ce chant s’achevait-il sur leurs lèvres qu’il fut suivi par les murmures provoqués par les difficultés et les dangers rencontrés au cours de leur pèlerinage. Mais une fois que l’arche, dans le pays, eut trouvé un lieu de repos à Sion, — même si ce ne fut que pour un temps, David avait « établi des Lévites devant l’arche de l’Éternel pour faire le service, et pour rappeler et célébrer et louer l’Éternel, le Dieu d’Israël » (1 Chr. 16:4-6). Asaph et d’autres aussi devaient jouer du luth et de la harpe ; Asaph lui-même faisait retentir les cymbales, tandis que certains sacrificateurs devaient jouer de la trompette. « Alors, en ce jour, David remit entre les mains d’Asaph et de ses frères ce psaume, le premier, pour célébrer l’Éternel », dans lequel nous lisons « Célébrez l’Éternel, car il est bon, car sa bonté demeure à toujours » (1 Chr. 16:34). Aussi peu nombreux et aussi faibles, donc, que soient les fils d’Israël qui se rassemblèrent en ce jour-là sur le mont Morija, ils obéissaient scrupuleusement et très exactement à la Parole. Engagés comme ils l’étaient dans l’œuvre de l’Éternel, ils discernaient très justement que les pensées et la sagesse humaines n’y avaient point leur place. C’est le Seigneur, et le Seigneur seul, qui doit établir l’ordre dans sa maison.
On peut distinguer trois catégories de personnes dans cette joyeuse fête. Il y avait les sacrificateurs revêtus de leurs robes, avec des trompettes, les fils d’Asaph avec des cymbales, et enfin ceux du peuple qui répondaient à la louange qu’ils entendaient par de grands cris, parce que les fondements de la maison de l’Éternel étaient posés. Nul n’avait le droit de sonner de la trompette sacrée si ce n’est les sacrificateurs (Nomb. 10), car cela se faisait nécessairement dans le lieu saint, dans la présence de Dieu, et en communion avec sa pensée, afin de discerner le moment de faire retentir les trompettes du témoignage et de la louange. De même aussi, seuls les fils d’Asaph (qui étaient des Lévites) « sous la direction du roi », devaient utiliser les cymbales sacrées (1 Chr. 25:6). Ainsi, chacun étant bien à sa place, « ils s’entre-répondaient en louant et en célébrant l’Éternel », et le refrain de leur louange était : « Car il est bon, car sa bonté envers Israël demeure à toujours ».
Mais des pleurs se mêlaient à ces accents de louange. En effet, le verset suivant nous dit que beaucoup d’entre les sacrificateurs, les lévites et les chefs des pères — tous des vieillards — qui avaient vu le temple de Salomon dans toute sa gloire et toute sa splendeur, et qui le comparaient à la maison qu’ils commençaient à bâtir, « pleuraient à haute voix » tandis que les autres poussaient des cris de joie. Et en vérité, les pleurs des uns et l’allégresse des autres convenaient aux circonstances de ce jour. Pour ceux qui avaient vu la gloire du royaume et la nuée, témoin visible de la présence de l’Éternel, dans le premier temple ; et qui contemplaient maintenant les désolations de Jérusalem, et souffraient de leur dénuement actuel et de l’insuffisance de leurs efforts pour reconstruire la maison de l’Éternel, il n’était que trop naturel que la douleur l’emportât sur la joie, quelle que soit leur reconnaissance. Pour ceux qui, au contraire, ne se souvenaient que de leur captivité à Babylone où ils avaient été privés à la fois de l’autel et du temple, il ne pouvait être question que de reconnaissance et de louange sans mélange.
Et qui peut douter que cette douleur et cette allégresse aient été également agréables à l’Éternel, vu qu’elles pouvaient être, autant l’une que l’autre, le fruit de l’œuvre de sa grâce dans leurs cœurs ? Et ne pourrait-on, en vérité, établir un parallèle avec notre époque ? Quand le Seigneur fit sortir quelques-uns de ses enfants de leur captivité « babylonienne » (si l’on peut dire) et qu’ils entrèrent de nouveau en possession de leurs privilèges sacerdotaux pour s’approcher et adorer, ils délimitèrent à nouveau, d’après la Parole, le vrai terrain du rassemblement et ils s’efforcèrent — même si ce fut avec faiblesse — de s’y établir. Alors leurs cœurs, sous la puissante influence de l’Esprit Saint, débordèrent nécessairement de reconnaissance et de louange. Ils étaient délivrés désormais des prétentions et des revendications d’un clergé, ainsi que de la corruption de l’église et de la chrétienté. Remplis de gratitude envers celui qui, dans sa grâce, avait ouvert leurs yeux et fait tomber leurs chaînes pour les introduire dans cette position bénie, ils ne pouvaient s’empêcher de « pousser des cris de joie » ! Mais d’un autre côté, les vieillards avaient une connaissance plus profonde de la Parole et avaient souvent médité sur la beauté et l’ordre de l’Église aux jours de la Pentecôte. Ils pouvaient comparer ces premiers temps à la faiblesse de leurs propres efforts pour se conformer aux directions de l’Écriture. Ils considéraient le nombre de leurs frères restés en arrière dans la servitude, et la douleur était aussi bien appropriée que la joie. Il ne pouvait y avoir qu’un mélange des deux, si bien que, comme dans le cas des enfants d’Israël, il pouvait bien être difficile de « distinguer entre le bruit des cris de joie et la voix du peuple qui pleurait ».
En résumé, cette fête célébrant la pose des fondements du temple est une scène de toute beauté. Le lecteur remarquera cependant que, conformément à la nature du livre et à la position du peuple, le récit est entièrement consacré à ce que fit et ressentit le peuple. Dieu n’intervient pas d’une manière visible dans cette scène, bien qu’apparemment tout soit fait pour lui, ou s’adresse à lui. Aussi, son peuple agit par la foi, et la foi seule pouvait le faire intervenir dans ce qui était nécessairement un acte individuel. Mais nous ne sommes pas laissés sans témoignage des pensées de Dieu à l’égard de son peuple en ce jour-là. Si nous nous reportons au livre de Zacharie, nous verrons qu’il observait les siens de près, s’intéressant à ce qu’ils faisaient. Dieu n’avait pas encore commencé à parler prophétiquement à son peuple restauré, ni par Aggée ni par Zacharie, mais quand, quelques années plus tard, il les réveilla et encouragea leurs cœurs par ce moyen, il fit allusion au jour où furent posés les fondements du temple. Zacharie dit en effet : « La parole de l’Éternel vint à moi, disant : Les mains de Zorobabel ont fondé cette maison, et ses mains l’achèveront ; et tu sauras que l’Éternel des armées m’a envoyé vers vous. Car qui a méprisé le jour des petites choses ? Ils se réjouiront, ces sept-là, et verront le plomb dans la main de Zorobabel ; ce sont là les yeux de l’Éternel qui parcourent toute la terre » (Zach. 4:8-10).
Nous apprenons ainsi combien précieux pour Dieu fut le commencement de la construction de sa maison. Son cœur était tourné vers elle, et il se réjouit toujours quand son peuple comprend ses pensées et quand, avec l’intelligence spirituelle de ses desseins, il cherche à marcher dans le chemin de sa volonté. Zorobabel avait posé les fondements, et il devait aussi achever l’œuvre, ce qui serait un signe pour le peuple que l’Éternel lui-même avait envoyé son serviteur. Vu de l’extérieur, peut-être était-ce un « jour de petites choses », mais c’était un jour porteur de la promesse de la restauration du royaume en gloire, et c’était le privilège de la foi, en un jour de petites choses, d’en voir le prolongement dans le plein accomplissement des desseins de Dieu à l’égard de son peuple. En outre, les yeux de l’Éternel, « ces sept-là », — sa parfaite intelligence et sa connaissance de toutes choses, « car ce sont là les yeux de l’Éternel qui parcourent toute la terre » (Zach. 4:10) —, se réjouiraient et verraient le plomb dans la main de Zorobabel, travaillant à l’achèvement de sa maison. Dans le chapitre précédent, ces sept yeux sont sur la pierre de coin : « Écoute, Joshua, grand sacrificateur, toi et tes compagnons qui sont assis devant toi, car ce sont des hommes qui servent de signes ; car voici, je ferai venir mon serviteur, le Germe. Car voici, la pierre que j’ai placée devant Joshua ; sur cette seule pierre, il y aura sept yeux ; voici, j’en graverai la gravure, dit l’Éternel des armées ; et j’ôterai l’iniquité de ce pays en un seul jour. En ce jour-là, dit l’Éternel des armées, vous convierez chacun son prochain sous la vigne et sous le figuier » (Zach. 3:8-10). Ces versets nous révèlent tout ce que signifiait pour Dieu cette pose des fondements de sa maison par le résidu, à Jérusalem. Elle était la garantie de l’introduction de Christ, le Germe, qui assurerait à son peuple la bénédiction promise. De ce point de vue, Dieu faisait tout, même si les fils d’Israël étaient ses instruments. C’était lui qui posait la première pierre, bien qu’il le fasse par les mains de Zorobabel (comp. És. 28:16). C’était son œuvre à lui, puisque c’était l’accomplissement de ses plans. Ses yeux étaient sur cette pierre — une pierre de grâce et de bénédiction car, en vérité, c’était « une pierre éprouvée, une précieuse pierre de coin, un sûr fondement » — et lui-même « en graverait la gravure », c’est-à-dire qu’il en révélerait et en déclarerait toute la divine signification, avant d’ôter en un seul jour l’iniquité du pays. Car, en vérité, par sa mort et par sa résurrection, Christ sauverait son peuple de ses péchés et deviendrait la première pierre, sur laquelle son peuple serait édifié « une maison spirituelle, une sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 Pi. 2:5), sur laquelle aussi son peuple Israël se reposerait, et en laquelle, mettant leur confiance, ils ne seraient jamais confus. La conséquence devrait donc être une pleine bénédiction terrestre, chacun conviant son prochain sous sa vigne et sous son figuier.
Le fait d’étudier conjointement les passages ci-dessus et le récit d’Esdras permettra au lecteur d’examiner avec un double intérêt, ce qui s’est passé ce jour-là. Si, dans Esdras, l’Esprit de Dieu veut nous faire partager les pensées et les sentiments du peuple en ce qui concernait leur travail, dans Zacharie, il nous met en communion avec les pensées de Dieu. Le peuple ne voyait peut-être guère plus loin que la promesse de la restauration du temple et de ses cérémonies, mais Dieu, pour qui mille ans sont comme un jour, voyait, dans ce « jour de petites choses », le commencement de sa puissante œuvre de grâce, en vertu de laquelle il accomplirait tous ses desseins par la venue, la mort, l’apparition et le règne de son Oint — c’est-à-dire son Roi — qu’il établirait un jour sur sa sainte montagne de Sion.
À peine les fondements du temple eurent-ils été posés que des adversaires apparurent sur la scène. Il en fut de même dans le Nouveau Testament, car partout où allait l’apôtre Paul, posant les fondements de l’Assemblée, l’ennemi redoublait d’activité, d’où son avertissement : « Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, comme un sage architecte, j’ai posé le fondement, et un autre édifie dessus ; mais que chacun considère comment il édifie dessus. Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, lequel est Jésus Christ » (1 Cor. 3:10-11). Mais, comme avec Paul, l’ennemi prit, avec Zorobabel et Jéshua, le masque de l’amitié. « Et les ennemis de Juda et de Benjamin entendirent que les fils de la déportation bâtissaient le temple de l’Éternel, le Dieu d’Israël ; et ils s’approchèrent de Zorobabel et des chefs des pères, et leur dirent : Nous bâtirons avec vous, car nous recherchons votre Dieu, comme vous, et nous lui offrons des sacrifices depuis les jours d’Ésar-Haddon, roi d’Assyrie, qui nous a fait monter ici » (Esd. 4:1-2).
Le lecteur ne peut rester un seul instant dans le doute quant au caractère de ces soi-disant collaborateurs du peuple de Dieu. Le Saint Esprit nous dit clairement qu’ils étaient « les ennemis de Juda et de Benjamin » ; bien que des paroles de paix soient sur leurs lèvres, il connaissait leurs cœurs, leurs intentions et leurs buts. En fait, ils se trahissent par leurs propres paroles ! Il en est toujours ainsi, car le simple professant ne peut comprendre les choses de Dieu. « Nous offrons des sacrifices à Dieu depuis les jours d’Ésar-Haddon, roi d’Assyrie, qui nous a fait monter ici », dirent-ils, révélant par ces mots leur véritable origine. Ils confessaient eux-mêmes qu’ils étaient, non pas des enfants d’Abraham, mais des Assyriens, et qu’ils n’avaient donc aucun droit à être comptés parmi les fils d’Israël. Ces hommes étaient en fait les ancêtres des Samaritains (2 Rois 17:24-41) qui, jusqu’à l’extrême limite de la période juive, ne cessèrent d’essayer de s’introduire dans le cercle des privilèges et des bénédictions. C’est pour cette raison, et à cause des conflits ainsi engendrés, que les Juifs n’avaient pas de relations avec les Samaritains.
Cet incident est pour nous aussi l’occasion d’apprendre la source d’un des plus grands dangers qui nous guettent dans le travail pour le Seigneur. Les sourires de l’ennemi sont à la fois trompeurs et dangereux, bien qu’il puisse paraître fort peu aimable de refuser l’aide offerte par des gens qui déclarent être vos amis ! L’Église, pour sa perte, n’a pas seulement oublié cette vérité, mais a aussi recherché systématiquement l’aide du monde dans son travail. Elle est ainsi devenue à la fois objet et agent de corruption, illustrant une fois de plus le vieil adage selon lequel « la corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire des corruptions ».
Zorobabel, Jéshua et ceux qui bâtissaient avec eux étaient doués d’un discernement divin qui leur permit de déjouer les artifices de l’ennemi. À cette offre séduisante, ils répondirent : « Vous n’avez pas affaire avec nous pour bâtir une maison à notre Dieu, mais nous seuls, nous bâtirons à l’Éternel, le Dieu d’Israël, comme nous l’a commandé le roi Cyrus, roi de Perse » (v. 3). Certains pensent peut-être que ces chefs du peuple adoptaient une position étroite et exclusive, ce qui est tout à fait exact ; mais, ce faisant, ils étaient en communion de pensée avec l’Éternel et s’appuyaient sur un principe divin qui est toujours valable, d’après lequel seuls ceux qui appartiennent au Seigneur peuvent participer au travail de sa maison. D’autres peuvent faire profession d’être de ceux qui édifient, mais ils ne peuvent construire qu’avec du bois, du foin ou du chaume. Or l’apôtre a prononcé cet avertissement solennel, valable en tous temps : « Si quelqu’un corrompt le temple de Dieu, Dieu le détruira » (1 Cor. 3:17). Il n’est pas de détresse, de difficulté, de circonstance quelconque, qui puisse justifier l’alliance de l’Église avec le monde, ou l’acceptation de la faveur et de l’aide du monde dans le saint travail de Dieu. N’étant pas du monde, comme Christ lui-même n’était pas du monde, nous méconnaissons notre propre caractère en même temps que celui du monde, si nous abolissons la différence permanente entre nous-mêmes et le monde, différence révélée dans la croix de Christ (Gal. 6:14, Jean 15:18-21).
La vraie nature de l’offre faite par ces adversaires de Juda et de Benjamin est mise en évidence par l’effet que produisit le refus de ces derniers. Que lisons-nous, en effet ? « Alors le peuple du pays rendit lâches les mains du peuple de Juda ; et ils leur firent peur de bâtir, et ils soudoyèrent contre eux des conseillers pour faire échouer leur plan, durant tous les jours de Cyrus, roi de Perse, et jusqu’au règne de Darius, roi de Perse » (v. 4-5). Ayant ainsi manqué leur but de faire échouer le travail entrepris par les fils de la déportation, ils jettent maintenant le masque de l’amitié et cherchent à contrecarrer leurs efforts par une hostilité ouverte. Telle est, en tout temps, la manière d’agir de Satan. Lui et ses serviteurs se transforment souvent en anges de lumière et en ministres de justice, parce qu’il est plus facile de tromper les saints que de les dissuader ; mais sitôt que sa présence et son activité sont décelées et mises en évidence, sa fureur ne connaît plus de bornes. Comment pourrait-il chercher à promouvoir la construction de la maison de Dieu ? Le fondement, c’est Christ, or « quelle communion y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? et quel accord de Christ avec Bélial ? » (2 Cor. 6:14-15). Mais hélas ! dans le cas qui est placé devant nous, Satan remporta une victoire temporaire car, par ses machinations, et en profitant des craintes et de l’incrédulité du peuple, il parvint à faire cesser la construction du temple, et cela jusqu’au règne de Darius, roi de Perse.
On remarquera que ces deux versets (4 et 5) sont un résumé de l’activité des ennemis d’Israël pendant les règnes de Cyrus, d’Assuérus et d’Artaxerxès, et que, par conséquent, le verset 24 fait suite au verset 5, les passages intermédiaires formant une parenthèse dans laquelle il nous est raconté comment les adversaires de Juda et de Benjamin arrivèrent à leurs fins. En outre, une comparaison soigneuse entre les prophéties d’Aggée et le présent chapitre semble montrer que les fils d’Israël s’étaient arrêtés de construire bien avant l’arrivée du décret d’interdiction. En effet, il ressort clairement d’Aggée 2:15 qu’ils n’avaient, au mieux, que peu progressé dans leur travail après avoir achevé de poser les fondements. La crainte de leurs adversaires était plus forte que leur foi en Dieu. Voilà pourquoi, perdant courage et ne pensant égoïstement qu’à eux-mêmes et à leurs propres intérêts, ils se mirent à construire leurs propres maisons et à dire : « Le temps n’est pas venu, le temps de la maison de l’Éternel, pour la bâtir » (Aggée 1:2). Il est vrai qu’ils n’étaient qu’un faible résidu, et que leurs ennemis étaient nombreux et actifs, mais ils auraient pu lire, dans un de leurs psaumes : « Quand les méchants, mes adversaires et mes ennemis, se sont approchés de moi pour dévorer ma chair, ils ont bronché et sont tombés. Quand une armée camperait contre moi, mon cœur ne craindrait pas ; si la guerre s’élève contre moi, en ceci j’aurai confiance : j’ai demandé une chose à l’Éternel, je la rechercherai : c’est que j’habite dans la maison de l’Éternel tous les jours de ma vie, pour voir la beauté de l’Éternel et pour m’enquérir diligemment de lui dans son temple » (Ps. 27:2-4). Mais hélas ! nos propres cœurs ne comprennent que trop bien la faiblesse en même temps que la crainte de ces pauvres déportés ; ils savent aussi combien nous sommes facilement découragés par une démonstration de la puissance de l’ennemi lorsque nous oublions que, si Dieu est pour nous, aucun adversaire ne pourra réussir dans ce qu’il a ourdi. C’est ce qui arrive lorsque nous marchons par la vue et non par la foi ! L’échec du peuple de Dieu dans ce chapitre a les mêmes causes que l’échec de ses serviteurs en tout temps.
Du verset 6 au verset 23, comme nous l’avons déjà remarqué, nous trouvons des détails sur la manière dont les adversaires du peuple de Dieu réussirent à faire promulguer en leur faveur un décret royal interdisant la construction du temple. Une première tentative, sous le règne d’Assuérus, semble avoir échoué (v. 6), mais, nullement découragés, ils persévérèrent dans leur dessein sous le règne de son successeur, Artaxerxès, et c’est alors que leurs efforts furent couronnés de succès.
Il y a plusieurs choses à remarquer pour notre instruction dans cette relation de leurs démarches. La première, c’est la coalition de toutes les peuplades diverses du pays « contre Jérusalem » : « Alors Rehum, chancelier, et Shimshaï, secrétaire, et le reste de leurs collègues, les Dinites, les Apharsathkites, les Tarpelites, les Apharsites, les Arkévites, les Babyloniens, les Susankites, les Déhaviens, les Elamites, et le reste des peuplades que le grand et noble Osnappar transporta et fit habiter dans les villes de Samarie… » (v. 9-10) — tous ceux-là se liguèrent ensemble pour contrecarrer l’édification de la maison de l’Éternel. La pensée de la chair est inimitié contre Dieu. Il n’est donc nullement difficile pour des ennemis de Dieu de réaliser entre eux, lorsqu’il est question de son témoignage, une unité d’intention et de but. Aussi différents qu’ils puissent être les uns des autres, se haïssant même entre eux, ils sont tous du même avis lorsque Dieu apparaît sur la scène ! Nous en avons un exemple remarquable dans l’histoire de notre bien-aimé Sauveur, quand les rois de la terre se levèrent, et les princes consultèrent « ensemble contre l’Éternel et contre son Oint » (Ps. 2). Hérode et Pilate eux-mêmes, qui auparavant avaient été ennemis, se lièrent d’amitié dans leur commun mépris de Christ. Il fut ainsi démontré que Satan était le dieu de ce monde, puisqu’il réussit à unir les plus grands et les plus humbles de ce monde contre le Fils de Dieu, puis, rangeant ses troupes toutes ensemble —Juifs et Romains, autorités civiles, ecclésiastiques et militaires, sans oublier le bas peuple — il poussa cette armée, animée de son propre esprit et de ses propres sentiments, à retrancher Christ de la terre des vivants. Il manifestera encore une fois, dans l’histoire du monde, son pouvoir sur le cœur des hommes pécheurs, mais ce sera alors pour sa propre destruction éternelle, et malheureusement aussi pour la leur (Apoc. 19:20). Dans ce chapitre, donc, c’est Satan, bien qu’il soit invisible, qui incite activement ces divers peuples à faire échec au travail entrepris par le résidu.
C’est ce qui apparaît dans le second point qui doit retenir notre attention. Dans la lettre adressée au roi, ces ennemis disent : « Que le roi sache que les Juifs qui sont montés de chez toi vers nous et sont venus à Jérusalem, bâtissent la ville rebelle et méchante, et que les murailles s’achèvent, et qu’ils restaurent les fondements » (v. 12). Cette déclaration trahit la façon de parler de « l’accusateur des frères », car elle était mensongère et procédait donc de Satan. « Quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, car il est menteur, et le père du mensonge ». En fait, ils étaient si loin d’avoir achevé les murailles et restauré les fondements de la ville qu’ils avaient à peine rebâti ceux du temple ! Et le lecteur remarquera que, bien que ces « ennemis de Juda et de Benjamin » aient exprimé le désir d’aider à la construction du temple sous prétexte qu’eux aussi offraient des sacrifices au Dieu d’Israël, ils se gardent bien, dans leur accusation, de faire la moindre allusion au temple, et ne parlent que de la ville. La raison de cette omission est évidente, car la proclamation de Cyrus concernait le temple. Si donc ils accusaient les Juifs de construire la ville, ils rendaient plus vraisemblables les inculpations de rébellion et de perfidie qu’ils insinuaient ; et, d’après la réponse du roi, il est clair qu’ils avaient vu juste (v. 19-20).
Un troisième point à ne pas négliger, c’est que le péché qu’Israël avait commis autrefois porte des fruits amers pour ces fils de la déportation. Leur dernier roi, Sédécias, avait « juré par Dieu » d’être fidèle à Nébucadnetsar ; mais il avait violé son serment et s’était révolté contre le roi de Babylone, provoquant ainsi la destruction de Jérusalem et encourant lui-même le jugement de Dieu (2 Chr. 36:13 ; Éz. 17:12-16). Il y avait donc du vrai dans cette accusation selon laquelle Jérusalem avait été une cité rebelle. C’est pourquoi, bien que le résidu lui-même soit l’objet de la faveur et de la protection de Dieu, et bien que personne ne puisse lui nuire tant qu’il continuait à mettre sa confiance en Dieu, les fils d’Israël devaient maintenant supporter les conséquences des péchés de leurs pères, selon le gouvernement de Dieu dans ce monde. Mais insistons bien sur le fait que ces adversaires n’auraient eu aucun pouvoir contre le peuple de Dieu, si celui-ci n’avait perdu sa confiance et s’il ne s’était découragé dans sa tâche. L’apôtre dit : « Une porte grande et efficace m’est ouverte, et il y a beaucoup d’adversaires » (1 Cor. 16:9), mais aucun de ceux-ci n’aurait pu entraver son travail, car il comptait sur « celui qui ouvre et nul ne fermera ». Il en aurait été ainsi pour le résidu sans leur paresse et leur incrédulité, car, comme nous l’avons déjà remarqué, il semble bien qu’ils aient interrompu leurs travaux avant que le décret ne soit promulgué.
Les deux motifs allégués devant le roi étaient la nécessité de parer à un futur danger et l’éventualité d’une perte de revenu. L’ennemi ayant fait ainsi appel à lui — et les faits concernant la ville dans le passé s’étant avérés exacts d’après les documents des archives royales — le roi écrivit : « Ainsi, donnez ordre de faire cesser ces hommes, et que cette ville ne soit pas bâtie, jusqu’à ce que l’ordre en soit donné de par moi. Gardez-vous de manquer à faire cela : pourquoi le dommage augmenterait-il au préjudice des rois ? » (v. 17-22). Les adversaires triomphaient donc et, ayant reçu cette lettre, ils montèrent en toute hâte à Jérusalem, forts d’une autorité royale et efficacement prémunis contre toute tentative de poursuivre les travaux de construction de la maison de l’Éternel. Ils « les firent cesser par force et par puissance », est-il écrit.
Le chapitre se termine ensuite sur cette déclaration : « Alors le travail de la maison de Dieu qui est à Jérusalem cessa ; et il fut arrêté jusqu’à la seconde année du règne de Darius, roi de Perse » (v. 24). Cependant, ce dernier verset se rattache au verset 5 et nous informe des résultats de l’opposition de l’ennemi que résumaient d’une manière générale les versets 4 et 5. La parenthèse (v. 6-23) donne des détails sur la manière dont Artaxerxès fut amené à publier son décret. Somme toute, c’est un triste chapitre qui décrit l’activité de Satan. Le seul rayon lumineux, c’est la fidélité des conducteurs d’Israël lorsqu’ils refusent l’alliance du monde. Le reste du chapitre n’est que ténèbres. Dieu n’y apparaît pas et, d’un point de vue humain, il semble que l’ennemi ait remporté une victoire totale. Pourtant, bien que Dieu n’intervienne pas, il est loin d’être un spectateur indifférent à ce qui se passe. Quoi que son peuple fasse, lui demeure fidèle, et nous verrons comment, bien qu’il veuille mettre son peuple sérieusement à l’épreuve, il n’attend que le moment favorable pour susciter une puissance à laquelle l’ennemi ne pourra pas résister, et par ce moyen, il réveillera ses serviteurs et les incitera à poursuivre le but pour lequel ils avaient été ramenés de Babylone.
Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment le peuple avait été détourné de son travail par l’activité de Satan. Dans les deux premiers versets de ce chapitre-ci, il nous est dit comment Dieu intervint, par ses prophètes, en faveur de son peuple, afin de réduire à néant les desseins de l’ennemi. Le lecteur se rappellera dans quelle situation particulière se trouvaient ces captifs restaurés. Bien que, par la grâce de Dieu, ils aient été ramenés dans leur propre pays, ils ne pouvaient jouir de la présence visible de l’Éternel au milieu d’eux comme aux jours du royaume, car Dieu leur avait ôté la suprématie de ce monde pour la donner aux nations. Le feu ne descendait plus du ciel pour consumer leurs sacrifices, et les sacrificateurs n’étaient plus en possession des urim et des thummim sacrés (2:63). Dieu n’était donc plus désormais que l’objet de la foi, et les hommes pieux devaient tenir ferme, « comme voyant celui qui est invisible ». C’est pour cette raison même que Dieu intervint, non par quelque acte de puissance destiné à confondre l’adversaire, mais par la parole de la prophétie, afin d’atteindre la conscience des siens et de les inciter à mettre leur confiance en lui, les fortifiant par-là en vue du conflit qu’entraînerait leur labeur, tout en leur assurant qu’aussi longtemps qu’ils se confieraient en lui, tous les efforts de leurs ennemis seraient vains. Nous apprenons par-là quel est le véritable rôle du prophète. Comme l’a dit quelqu’un, « la prophétie admet que le peuple de Dieu est en mauvais état, même s’il est encore reconnu comme peuple de Dieu et que la prophétie lui est adressée. Il n’est pas besoin d’un puissant témoignage envers un peuple marchant heureusement dans les voies du Seigneur. Il n’est pas davantage nécessaire de soutenir la foi d’un résidu dans l’épreuve par des espérances fondées sur la fidélité immuable de Dieu, lorsque tous, dans une paix parfaite, goûtent les fruits de sa bonté qui sont la récompense de la fidélité du peuple. La preuve de ce principe simple et facile à comprendre se trouve dans chacun des prophètes ». Il faut en outre bien faire remarquer que le prophète était suscité comme intermédiaire en matière de communication entre Dieu et son peuple, lorsque le chef responsable du peuple (il pouvait y en avoir plusieurs) avait failli. Ainsi, lorsque la sacrificature avait failli sous Éli, Samuel fut l’instrument choisi par Dieu pour délivrer ses messages à son peuple, et son ministère se poursuivit pendant le règne de Saül, tout au moins jusqu’à ce que David fût oint comme roi. Cela explique pourquoi les plus grands d’entre les prophètes apparurent sur la scène aux heures les plus sombres de l’histoire d’Israël, comme Élie et Élisée, par exemple. Il en va de même, dans notre chapitre, avec Zorobabel, le gouverneur, et Jéshua, le grand sacrificateur, qui étaient les chefs responsables des fils de la déportation mais qui, épuisés par les attaques harassantes de leurs adversaires, avaient succombé eux aussi avec le peuple et, comme lui, avaient cessé de construire la maison de l’Éternel. Dieu envoyait donc maintenant des prophètes, Aggée et Zacharie, qui « prophétisèrent aux Juifs qui étaient en Juda et à Jérusalem, au nom du Dieu d’Israël » (v. 1).
En fait, comme on peut le constater en comparant les dates des prophéties respectives de ces prophètes, Aggée reçut son premier message de l’Éternel deux mois avant que Zacharie fût envoyé, et il est à remarquer que ce premier message s’adressait à Zorobabel et à Jéshua, ce qui est une preuve de leurs manquements (Aggée 1:1). Il est de la plus grande importance — comme nous l’avons montré dans notre exposé sur Aggée — que les messages des prophètes soient lus en relation avec Esdras, car ce sont ces passages qui révèlent le véritable état du peuple. Il est bien évident que ce n’est pas seulement la crainte de l’ennemi qui poussa les fils d’Israël à cesser tout travail, mais aussi le fait que leurs propres cœurs prenaient goût à la facilité et à leur confort personnel. Ils trouvaient le temps de construire leurs propres maisons, tout en disant : « Le temps n’est pas venu, le temps de la maison de l’Éternel, pour la bâtir » (Aggée 1:1-5). Combien de fois n’arrive-t-il pas, hélas ! que des enfants de Dieu, oubliant qu’ils sont citoyens des cieux et donc pèlerins ici-bas, mettent tous leurs efforts à se construire des maisons pour eux dans un monde promis à la mort et au jugement ! C’est ainsi que les fils de la déportation, insensibles à la vue de la désolation de la maison de l’Éternel et de son état de dévastation, se détournèrent pour se construire des « maisons lambrissées ». Mais Dieu n’était pas comme eux indifférent à l’état de sa maison, et « il souffla » sur tout le produit de la terre, à cause de sa maison qui était dévastée tandis qu’ils couraient « chacun à sa maison » (Aggée 1:6-9).
Aggée était envoyé précisément pour attirer l’attention du peuple sur cet état de choses, et ses paroles étaient empreintes d’une telle énergie et d’une telle puissance qu’en un peu plus de trois semaines, les chefs du peuple et le peuple lui-même furent tirés de leur apathie égoïste, et ils « écoutèrent la voix de l’Éternel, leur Dieu, et les paroles d’Aggée le prophète, selon la mission que lui avait donnée l’Éternel, leur Dieu ; et le peuple craignit l’Éternel » (comp. Aggée 1:2 avec Aggée 1:12-15). Il semblerait donc que le verset 1 de notre chapitre d’Esdras soit une constatation générale de l’activité des prophètes, et que, dans le verset 2, nous ayons en fait l’effet produit par le premier message d’Aggée ; à moins qu’il ne s’agisse de l’effet général de l’activité prophétique parmi le peuple. « Alors Zorobabel, fils de Shealthiel, et Jéshua, fils de Jotsadak, se levèrent et commencèrent à bâtir la maison de Dieu qui est à Jérusalem, et avec eux, les prophètes de Dieu qui les assistaient ». Cette dernière expression fait allusion à l’activité ininterrompue des prophètes tandis que se poursuivaient les travaux de construction, activité par laquelle l’Éternel encourageait son peuple à persévérer dans son labeur, en déployant devant lui l’avenir glorieux qui suivra l’avènement du Messie et l’établissement de son règne. Le peuple bâtissait, les prophètes prophétisaient, chacun à la place qui était la sienne, et chacun accomplissait sa tâche en communion avec la pensée de Dieu. Si les prophètes parlaient « poussés par l’Esprit Saint » (2 Pierre 1:21), c’était l’Éternel qui « réveillait l’esprit » de ceux qui bâtissaient (Aggée 1:14). Tous donc pareillement travaillaient dans la puissance de l’Esprit, chacun occupant la place qui lui était assignée par l’action souveraine de la grâce de Dieu.
Rappelons encore au lecteur que le peuple n’attendit pas que les autorités des nations renouvellent leur mandat de construire. Il ne fait aucun doute qu’ils étaient soumis aux autorités ordonnées de Dieu, et que celles-ci avaient obtenu un décret leur interdisant de construire ; mais Dieu lui-même avait parlé, et, par conséquent, s’ils devaient rendre à César ce qui était à César, ils devaient aussi rendre à Dieu ce qui était à Dieu. Lorsque Dieu condescend à parler, ses droits sont absolus et l’emportent sur toute autre considération, quelles que soient les conséquences. Ce principe fut reconnu par des bâtisseurs d’une époque ultérieure, Pierre et Jean, qui, alors qu’on leur interdisait de parler ou d’enseigner au nom de Jésus, répondaient : « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous écouter plutôt que Dieu. Car, pour nous, nous ne pouvons pas ne pas parler des choses que nous avons vues et entendues » (Actes 4:19-20). En vérité, la foi s’attache à Dieu, faisant siens ses buts et sa puissance, et peut ainsi en paix lui abandonner toute autre question. Voilà pourquoi ces fils de la captivité obéirent à la voix de leur Dieu et poursuivirent leur travail, sachant qu’il tenait les cœurs de tous les hommes dans sa main et qu’il pouvait — comme il le fit en fin de compte — se servir de l’opposition même de leurs ennemis pour promouvoir l’œuvre de sa maison.
Le récit de la manière dont Dieu manifesta qu’il était au-dessus de tous les stratagèmes orgueilleux de l’adversaire se trouve dans le reste de ce chapitre et dans le suivant. Tout d’abord, il nous est dit ce que firent le gouverneur des nations et ses collègues : « En ce temps-là, Thathnaï, gouverneur de ce côté du fleuve, et Shethar-Boznaï, et leurs collègues, vinrent vers eux, et leur parlèrent ainsi : Qui vous a donné ordre de bâtir cette maison et d’achever cette muraille ? Alors nous leur dîmes quels étaient les noms des hommes qui bâtissaient cet édifice » (v. 3-4).
Le gouverneur, en posant cette question, était sans aucun doute dans son droit et agissait dans l’intérêt de son souverain, étant donné qu’un décret interdisant la construction de la ville — sinon celle du temple — avait été publié. Il ne pouvait connaître d’autre commandement que celui de son roi à lui. Les enfants de ce monde ne comprendront jamais les droits de Dieu sur son peuple, et il leur semble toujours que c’est une folie d’encourir la colère d’un grand de la terre pour plaire à un Autre en qui eux-mêmes ne croient pas.
Le quatrième verset est quelque peu ambigu. Si on le compare avec le verset 10, il est évident que le « nous » du verset 4 s’applique aux ennemis d’Israël. C’était eux qui avaient demandé « quels étaient les noms des hommes qui bâtissaient cet édifice » — dans le but de rapporter au roi les noms de ceux qui avaient transgressé son commandement. Là encore, c’est Satan qui agit derrière la scène ! Toutes les fois que Dieu agit sur la terre par le moyen de son peuple, Satan aussitôt s’interpose. C’est en cela que réside la force de l’expression « En ce temps-là » (v. 3). Nous ne lisons pas que le peuple ait jamais été persécuté dans la période dont parle Aggée, pendant laquelle les fils d’Israël construisirent leurs propres maisons. Mais dès l’instant où ils se remirent à construire la maison de l’Éternel, ils furent confrontés à de nouvelles ruses, pour ne pas dire à une franche hostilité. La maison de l’Éternel était un témoignage pour ce temps-là. C’est précisément ce que Satan ne peut supporter en aucun cas. Si les croyants s’établissent dans le monde, s’ils sont tout aux choses d’ici-bas, et font de la terre leur demeure — moralement parlant — Satan les laissera tranquilles. Mais aussitôt que, par le travail en eux de l’Esprit de Dieu, ils saisissent sa pensée et sortent du monde, rendant un vivant témoignage, l’adversaire cherche à les détourner de cette voie par n’importe quel stratagème ou artifice susceptible de lui faire atteindre son but. Nous trouvons une illustration frappante et parfaite de ce principe dans la vie de notre Seigneur bien-aimé, qui est en même temps une preuve de l’impuissance de Satan à toucher les enfants de Dieu tant qu’ils sont gardés dans la dépendance et l’obéissance (Matt. 4).
D’un autre côté, si Satan est impitoyable dans son opposition, Dieu n’est pas indifférent aux besoins et aux faiblesses de ses serviteurs engagés dans le conflit. Ainsi il nous est dit, aussitôt après ce nouvel effort de l’ennemi pour détourner les Juifs de leur travail : « Et l’œil de leur Dieu était sur les anciens des Juifs ; et ils ne les firent pas cesser jusqu’à ce que l’affaire parvînt à Darius ». L’œil de Dieu était sur son peuple bien-aimé et sur le danger qu’il courait, afin de lui dispenser le courage nécessaire pour faire face à l’ennemi, lui faire sentir sa présence et sa protection, et lui insuffler ainsi la force de persévérer dans son travail. En effet, qu’il est merveilleux pour nos âmes de réaliser, même seulement dans une petite mesure, que l’œil de Dieu est sur nous. Cela produit en nous cette sainte crainte qui nous délivre de la peur des hommes, et cela nous donne aussi la douce assurance d’être à l’abri dans la présence et sous la protection de celui qui, par grâce, nous a attachés à lui-même par des liens impérissables. Alors monte à nos lèvres ce défi triomphant de l’apôtre : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Nous sommes alors rendus capables de poursuivre la route sur laquelle nous avons été appelés à servir, dans la paix et la tranquillité, bien qu’entourés d’ennemis puissants, parce que nous sommes assurés du secours tout-puissant de notre Dieu qui nous incite à la persévérance autant qu’à la fidélité.
Nous avons ensuite la copie de la lettre que Thathnaï et ses collègues envoyèrent au roi Darius, qui donne de plus amples détails concernant leur visite à Jérusalem. Une brève analyse de cette lettre sera à la fois intéressante et profitable. Il est évident qu’ils étaient impressionnés par le travail de ces faibles Juifs, car voici ce qu’ils disent au roi : « Nous sommes allés dans la province de Juda, à la maison du grand Dieu ; et elle se bâtit avec de grandes pierres, et le bois se pose dans les murs ; et cet ouvrage se poursuit avec zèle et prospère dans leurs mains » (v. 8). À la différence de la lettre donnée dans le chapitre précédent, celle-ci expose au moins fidèlement les faits, bien que le but de l’une comme de l’autre fût d’arrêter l’avancement de l’ouvrage. L’ennemi, dans le cas présent, rend témoignage au dévouement et à l’assiduité de ceux qui bâtissaient.
Les deux versets suivants (9 et 10) sont une répétition des versets 3 et 4 à l’intention du roi et pour son information.
Puis, dans les versets 11 à 16, nous avons la réponse que les anciens des Juifs firent à ceux qui les interrogeaient. Rien de plus simple et de plus beau que la manière dont ils présentent leur propre histoire ainsi que celle du temple qu’ils étaient en train de construire !
En tout premier lieu, ils se déclarent « serviteurs du Dieu des cieux et de la terre ». Quand nous avons affaire aux ruses de Satan, il n’y a pas d’arme plus puissante que la confession courageuse de ce que nous sommes véritablement. Le commencement de la chute de Pierre, ou plutôt le premier pas que Pierre fit dans ce sens, fut lorsqu’il nia appartenir à Jésus de Nazareth. Et combien de fois, dès lors, ce reniement n’a-t-il pas été le prélude à la honte et à la défaite ! Quelle bénédiction donc que ces Juifs aient été capables de prendre fermement position en confessant sans ambages qu’ils étaient serviteurs de Dieu ! Quelle bénédiction pour leurs propres âmes, découlant sûrement de leur certitude que l’œil de Dieu était sur eux, et, en même temps, quelle entière justification d’avoir commencé leur ouvrage malgré le décret du roi. En outre, ils rapportaient la cause de la destruction du temple aux jours d’autrefois : « Nos pères provoquèrent le Dieu des cieux, il les livra en la main de Nébucadnetsar, roi de Babylone, le Chaldéen, et il détruisit cette maison et transporta le peuple à Babylone » (v. 11-12). Quelle histoire que la leur ! Salomon avait construit le temple, Nébucadnetsar l’avait détruit, et la cause de toute cette souffrance était le péché de leurs pères ! Et que de preuves de la longue patience de Dieu, et de sa grâce miséricordieuse, entre ces deux événements ! Mais aussi, hélas ! quelle révélation du cœur de l’homme même entouré des soins de Dieu ! En un mot, entre ces deux époques se situe l’histoire du royaume sous la responsabilité de l’homme, établi en gloire et en magnificence sous le règne de Salomon, prince de paix (David fut le premier roi, mais c’est la construction du temple qui marque l’établissement du royaume), et détruit sous le règne du faible et méchant roi Sédécias (2 Chr. 36:11-21).
Ces anciens expliquent encore que ce travail qui était le leur était la conséquence d’un décret de Cyrus. Comme preuve ils racontent comment ce roi leur avait confié les ustensiles d’or et d’argent provenant du temple, que Nébucadnetsar avait emportés (v. 13-15). Ils ajoutent : « Alors ce Sheshbatsar est venu et a posé les fondements de la maison de Dieu qui est à Jérusalem, et depuis lors jusqu’à présent, elle se bâtit ; mais elle n’est pas achevée » (v. 16). Ce rapport, ainsi conçu par les Juifs, était non seulement exact, mais il justifiait même leur action aux yeux des hommes. Une caractéristique bien connue des lois des Mèdes et des Perses (or Cyrus était roi de Perse) était de ne pouvoir être modifiées (Dan. 6:8, 12-15, etc.). Il démontrait aussi que leurs adversaires étaient dans l’erreur par ignorance de la loi. C’est pourquoi la lettre envoyée se termine sur cette requête : « Et maintenant, s’il semble bon au roi, qu’on recherche dans la maison des trésors du roi, qui est là à Babylone, s’il est vrai que, de par le roi Cyrus, ordre a été donné de bâtir cette maison de Dieu à Jérusalem ; et que le roi nous envoie sa volonté sur cela » (v. 17).
Ainsi sollicité, le roi ordonna que l’on fît des recherches, et le décret de Cyrus fut retrouvé (ch. 6:1-5). La déclaration des Juifs fut ainsi confirmée en tout point et, mieux encore, on découvrit alors que Cyrus avait non seulement publié un décret pour que le temple soit reconstruit, mais qu’il avait également donné l’ordre « que les dépenses soient payées par la maison du roi », et que les ustensiles sacrés que Nébucadnetsar avait emportés soient restitués. Alors Darius, se conformant à ce décret, ordonna à Thathnaï, Shethar-Boznaï et leurs collègues de cesser d’inquiéter les Juifs et de leur permettre de continuer leur travail en paix.
Il est évident pour la foi que Dieu, bien qu’invisible, était à l’œuvre et qu’il se servait de la puissance de l’ennemi pour accomplir ses propres desseins, ce qui est un nouvel exemple de la manière dont il fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment. Car non seulement Darius, sur l’intervention des adversaires des Juifs, confirma le décret de Cyrus, mais il en fit paraître un autre d’après lequel tout ce qu’il était nécessaire de faire pour la maison de Dieu serait à ses propres frais. « Et de par moi, dit-il, ordre est donné touchant ce que vous ferez à l’égard de ces anciens des Juifs pour la construction de cette maison de Dieu : Que, des biens du roi provenant du tribut de l’autre côté du fleuve, les dépenses soient promptement payées à ces hommes, pour qu’ils ne soient pas interrompus ; et que ce qui leur est nécessaire, jeunes taureaux, et béliers, et agneaux, pour les holocaustes au Dieu des cieux, froment, sel, vin, et huile, selon l’ordre des sacrificateurs qui sont à Jérusalem, leur soit donné, jour par jour, sans manquer, afin qu’ils offrent de l’encens au Dieu des cieux et qu’ils prient pour la vie du roi et de ses fils » (ch. 6:8-10).
« Quand les voies d’un homme plaisent à l’Éternel, il met ses ennemis mêmes en paix avec lui » (Prov. 16:7) et, par conséquent, quand un homme se trouve dans le chemin de la volonté de Dieu, il peut en toute sécurité laisser ses ennemis dans la main du Seigneur. Ainsi, ces anciens des Juifs découvraient cette leçon si souvent enseignée dans la Parole — qu’ils auraient pu déjà apprendre et dont le peuple de Dieu a toujours besoin : « ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux » (2 Rois 6:16).
Dieu lui-même était donc le bouclier des fils d’Israël tandis qu’ils travaillaient à son service et, aussi longtemps qu’ils demeuraient obéissants à sa Parole et comptaient sur lui pour recevoir force et protection, rien ne pouvait les arrêter. Ainsi Satan, une fois de plus, tomba dans son propre piège et servit à promouvoir ce travail qu’il détestait. Ceci est à rapprocher de ce qu’écrivit l’apôtre Paul quelques siècles plus tard : « Frères, je veux que vous sachiez que les circonstances par lesquelles je passe sont plutôt arrivées pour l’avancement de l’évangile » (Phil. 1:12). Lorsque Satan réussit à jeter Paul en prison, il crut avoir remporté une victoire, tout comme il le crut dans ce cas le plus remarquable de tous où il poussa les Juifs à demander la crucifixion de leur Messie. Mais dans ces deux exemples, son succès apparent fut une défaite magistrale. Quelle que soit l’opposition ou la persécution que nous rencontrons, nous pouvons donc aller tranquillement de l’avant, avec courage et persévérance, parce que c’est à l’œuvre du Seigneur que nous travaillons, et lui-même a dit : « Et voici, moi je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle » (Matt. 28:20).
Darius alla encore plus loin, en ajoutant : « Et de par moi ordre est donné, que si quelque homme change ce rescrit, un bois soit arraché de sa maison et dressé, et qu’il y soit attaché, et que sa maison soit réduite en un tas de fumier à cause de cela. Et que le Dieu qui y a fait demeurer son nom renverse tout roi et peuple qui étendrait sa main pour changer et pour détruire cette maison de Dieu qui est à Jérusalem. Moi, Darius, j’ai donné cet ordre ; qu’il soit promptement exécuté » (v. 11-12). Le roi entourait donc ainsi les Juifs de sa propre autorité, les mettant à l’abri de nouvelles tracasseries en rendant passible de la peine de mort quiconque ferait obstacle à leur travail. Et, à en juger d’après ses propres termes, on ne peut guère mettre en doute que Darius ait eu quelque connaissance du « Dieu des cieux », car il parle de lui comme « faisant habiter son nom » dans sa maison. Quoi qu’il en soit, Dieu disposa le cœur de Darius en faveur de son peuple et de la construction de sa maison. L’effet de ce décret fut immédiat, car nous lisons que Thathnaï et ses collègues « firent ainsi promptement, selon l’ordre que le roi Darius avait envoyé », et aussitôt toute opposition cessa, et les ennemis de l’œuvre de Dieu quittèrent les lieux.
Non seulement l’opposition à l’œuvre de la maison de Dieu avait cessé, mais Dieu, dans les soins dont il entourait son peuple en réponse à leur foi, avait aussi incliné le cœur du monarque en leur faveur, si bien que son autorité royale était maintenant devenue leur sauvegarde et leur défense. Ainsi lisons-nous : « Et les anciens des Juifs bâtirent et prospérèrent par la prophétie d’Aggée, le prophète, et de Zacharie, fils d’Iddo. Et ils bâtirent et achevèrent, selon l’ordre du Dieu d’Israël et selon l’ordre de Cyrus, et de Darius, et d’Artaxerxès, roi de Perse. Et cette maison fut achevée le troisième jour du mois d’Adar : c’était la sixième année du règne du roi Darius » (v. 14-15).
Avant d’entrer dans les détails de cette déclaration, nous aimerions rappeler à nos lecteurs un cas semblable frappant, tiré de l’histoire de la construction de la maison de Dieu dans le Nouveau Testament. En rapport avec la mort d’Étienne, « il y eut une grande persécution contre l’assemblée qui était à Jérusalem ; et tous furent dispersés dans les contrées de la Judée et de la Samarie, excepté les apôtres » (Actes 8:1). Peu après, lors de la visite de Saul à Jérusalem, plusieurs années après sa conversion (cf. Gal. 1), l’hostilité se réveilla de nouveau et les Juifs de culture grecque cherchèrent à tuer Saul que les frères envoyèrent alors à Tarse (Actes 9:29-30). Puis vient cette déclaration : « Les assemblées donc, par toute la Judée et la Galilée et la Samarie, étaient en paix, étant édifiées et marchant dans la crainte du Seigneur ; et elles croissaient par la consolation du Saint Esprit » (Actes 9:31). Dieu leur avait donné du repos à l’égard des ennemis qui les persécutaient et eux, par sa grâce, en profitaient pour s’édifier dans leur très sainte foi. Il en était de même ici pour les anciens des Juifs. Ils bâtissaient, encouragés et consolés par l’Esprit Saint, par le ministère des prophètes.
Il est important de distinguer ces deux classes : d’une part ceux qui bâtissaient, d’autre part les prophètes. Comme nous l’avons fait remarquer dans notre étude du livre d’Aggée, ces deux sortes de service ne peuvent jamais être confondues. Celui qui bâtit ne peut assumer les fonctions d’un prophète, pas plus qu’un prophète ne peut échanger son manteau de prophète contre une truelle de maçon. C’est pourquoi l’apôtre dit : « Or ayant des dons de grâce différents, selon la grâce qui nous a été donnée, soit la prophétie, prophétisons selon la proportion de la foi ; soit le service, soyons occupés du service » (Rom. 12:6-7). Le travail de celui qui bâtit consiste à poser des pierres sur le fondement ; c’est en fait quelqu’un dont Dieu se sert, par la prédication ou l’enseignement de la Parole, pour rassembler des âmes et les amener comme des pierres vivantes jusqu’au fondement qui est Jésus Christ (cf. 1 Cor. 3). Un prophète non seulement encourage le peuple à travailler plus diligemment en lui communiquant la pensée de Dieu, mais éprouve aussi toute chose par sa Parole. Un prophète met la conscience en présence de Dieu, maintenant donc en éveil le sens de la responsabilité, et dispensant les conseils, la répréhension ou l’exhortation selon les besoins du moment. Il parle, poussé par l’Esprit Saint —aujourd’hui, bien sûr, par le moyen de la Parole écrite, mais guidé par l’Esprit pour choisir la parole adaptée au cas.
Ainsi les anciens d’Israël travaillaient, et les prophètes prophétisaient, et il est aussi rapporté que « ils prospérèrent par la prophétie… ». La raison en est évidente. Le Saint Esprit agissait avec puissance, d’abord par les prophètes, ensuite en éveillant dans le cœur de ceux qui bâtissaient un écho à la Parole de Dieu telle que la présentaient les prophètes. Du début à la fin de l’histoire du royaume, le peuple prospéra tant qu’il écouta la voix de ses prophètes et, d’un autre côté, toutes sortes de conséquences désastreuses s’ensuivirent lorsqu’il méprisa ces exhortations et ces avertissements envoyés du ciel. Et il n’en est pas autrement dans l’Église de Dieu. Toutes les fois que ceux qui « édifient » sont attentifs aux prophètes qui exposent et appliquent la pensée de Dieu telle qu’elle est révélée dans sa Parole, ils prospèrent, ils font œuvre durable et en reçoivent eux-mêmes de la bénédiction. Mais s’ils ne prennent pas garde aux conseils et aux avertissements divins, et qu’ils agissent suivant leurs propres pensées, ils ne font que corrompre l’œuvre à laquelle ils travaillent en y introduisant du bois, du foin et du chaume, au lieu d’or, d’argent et de pierres précieuses. Cette œuvre paraîtra peut-être plus belle aux yeux des hommes, mais elle devra subir l’épreuve du temps, et le Seigneur est seul juge de la véritable valeur d’un service.
Dorénavant il n’y eut plus d’interruption, car les fils d’Israël continuèrent leur travail jusqu’à son achèvement et, comme le souligne soigneusement l’Esprit de Dieu, ils « achevèrent, selon l’ordre du Dieu d’Israël et selon l’ordre de Cyrus, et de Darius, et d’Artaxerxès, roi de Perse » (v. 14). Tout se fit donc dans l’obéissance à Dieu, et avec la permission des autorités terrestres auxquelles, par la volonté de Dieu, ils étaient assujettis. Quel privilège béni pour ces hommes d’avoir travaillé de la sorte et — on peut bien ajouter — quel honneur pour ces monarques des nations d’être ainsi associés et de servir à l’exécution des desseins de Dieu ! Sans aucun doute — et c’est une leçon à ne pas négliger — les noms des rois sont ainsi mentionnés pour montrer, notamment, la valeur que Dieu attache à l’obéissance aux autorités établies. La seule limite, comme on l’a déjà fait remarquer, c’est quand ces autorités (« celles qui existent » Rom 13:1) cherchent à imposer leurs droits dans le domaine où Dieu est souverain. Dès l’instant où les autorités humaines sont en conflit avec les droits de Dieu sur nos âmes, leurs prescriptions deviennent pour nous nulles et non avenues. Mais, sauf dans ce cas-là, (Actes 4:19), le croyant doit toujours se soumettre aux autorités ordonnées de Dieu (Rom. 13).
Vient ensuite la date à laquelle la maison de Dieu fut achevée. C’était au troisième jour du mois d’Adar, dans la sixième année du règne du roi Darius. Il s’était donc écoulé quatre années depuis la reprise des travaux de construction jusqu’à leur achèvement (ch. 4:24). Il est impossible de dire avec précision combien d’années s’étaient écoulées depuis la pose des fondements, étant donné que la durée des règnes des souverains qui se succédèrent entre Cyrus et Darius n’est pas indiquée. Cela ne pourrait guère avoir été moins de vingt ans, et ce fut même probablement plus. Avec quelle longanimité, quelle patience, Dieu avait supporté les manquements de son peuple ! Et maintenant que son but est atteint, que sa maison est construite, avec quelles délices il attire notre attention sur la peine que s’est donnée son peuple ! Bien que tout soit l’œuvre de sa grâce, par cette même grâce il attribue à son peuple le résultat de son œuvre à Lui ! Et il en a été et en sera toujours ainsi, comme le tribunal de Christ en témoignera abondamment. Car si plusieurs d’entre nous reçoivent quelque récompense pour les bonnes œuvres que nous aurons faites dans le corps, nous confesserons à sa gloire que lui-même fut la source et l’auteur de toutes les bonnes œuvres qu’il s’est plu à apprécier en nous.
La maison de l’Éternel étant désormais achevée, voici maintenant le récit de la fête de la dédicace : « Et les fils d’Israël, les sacrificateurs et les lévites, et le reste des fils de la transportation, célébrèrent la dédicace de cette maison de Dieu avec joie ; et ils offrirent pour la dédicace de cette maison de Dieu, cent taureaux, deux cents béliers, quatre cents agneaux et, comme sacrifice pour le péché, pour tout Israël, douze boucs, selon le nombre des tribus d’Israël. Et ils établirent les sacrificateurs dans leurs classes, et les lévites dans leurs divisions, pour le service de Dieu à Jérusalem, selon ce qui est écrit au livre de Moïse » (v. 16-18).
Il était bien naturel qu’ils se réjouissent en un tel moment, car la maison de leur Dieu était l’expression de toutes les bénédictions de l’alliance sous laquelle ils se trouvaient ; et après de longues années d’échecs, de difficultés, de déceptions et de souffrance, elle était enfin là, devant leurs yeux, complètement achevée ! C’était pour cela qu’ils avaient été ramenés de Babylone, et si certains d’entre eux avaient semé dans les larmes, ils moissonnaient maintenant dans la joie. Mais on peut se rendre compte de leur faiblesse et de la précarité de leurs circonstances, en comparant cette dédicace à celle, si différente, du temple de Salomon. Le roi avait alors offert « un sacrifice de vingt-deux mille bœufs et de cent vingt mille moutons », en plus « du menu et du gros bétail, qu’on ne pouvait nombrer ni compter à cause de sa multitude », et qui avait été sacrifié devant l’arche (2 Chr. 7:5 et 5:6). S’ils s’étaient appesantis sur cet aspect-là, leur joie — comme lors de la pose des fondements — aurait bien pu être mêlée de lamentations et de larmes. Mais la foi est occupée des choses qui ne se voient pas, et elle pouvait ainsi rappeler à la mémoire de ce faible résidu que l’Éternel n’était ni moins puissant ni moins miséricordieux envers eux qu’envers Salomon. La maison avait peut-être perdu de sa gloire, et eux-mêmes n’étaient sans doute que d’humbles sujets d’un monarque des nations, mais si Dieu était pour eux — et il l’était — les ressources offertes à la foi étaient aussi illimitées que jamais. Nous ne saurions être trop pénétrés de cette idée : Christ, pour les siens, demeure le même aux jours difficiles comme aux jours prospères. Vivre dans la puissance de cette vérité nous soulève, comme rien d’autre ne peut le faire, au-dessus de nos circonstances, et nous donne le courage d’aller de l’avant quels que soient les périls rencontrés en chemin.
Or la foi agissait chez ces fils de la déportation, car nous les voyons offrir un sacrifice pour le péché pour tout Israël (v. 17). Tout Israël n’était pas là — rien que des représentants de deux ou trois tribus — mais ces quelques-uns s’y trouvaient, devant Dieu, au nom de la nation entière. Ils comprenaient cela et embrassaient ainsi, dans leur sacrifice pour le péché, toutes les tribus d’Israël. C’est là très certainement une leçon d’une grande portée pour le résidu rassemblé hors du camp, en ces derniers jours, au nom du Seigneur Jésus Christ. Peut-être sont-ils peu nombreux, à la fois pauvres et faibles, mais s’ils entrent vraiment dans la vérité de leur position, ils engloberont dans leurs cœurs et dans leurs prières tous les membres du seul Corps. En esprit, ils occuperont le terrain sur lequel ils ont été placés « avec tous les saints », sinon ils ne feront qu’ajouter une secte à toutes celles qui, déjà nombreuses, divisent l’Église de Dieu. Tout cela devient facile quand la foi est active et vivante, car la foi, qui d’un côté s’attache à Dieu, s’attache de l’autre à tous les enfants de Dieu.
Ils étaient aussi caractérisés à ce moment-là par l’obéissance. Ils rétablirent le service de la maison — les sacrificateurs et les lévites — « selon ce qui est écrit au livre de Moïse ». Le chemin de l’obéissance — qu’il s’agisse des individus ou de l’assemblée — est l’unique chemin de la bénédiction. En un pareil temps où la maison de Dieu venait tout juste d’être achevée, ils auraient trouvé que c’était folie de la part de l’homme d’y introduire ses propres pensées. Leur seul souci était de savoir ce que Dieu avait dit, ce qu’il avait ordonné. Il en fut de même lorsque la maison de Dieu fut construite à la Pentecôte, aux temps apostoliques ; et encore de même lorsque Dieu, dans sa grâce, permit que la vérité concernant l’Église soit remise en lumière au début du dix-neuvième siècle. Mais ce qui arriva après le départ des apôtres est arrivé de nouveau — comme pour le résidu, ainsi que nous le verrons dans le dernier chapitre d’Esdras : la Parole de Dieu, en tant que seul guide pour sa Maison, est mise de côté par l’homme en vue de ses propres arrangements ou de sa propre sagesse. Il n’y a pas de danger plus subtil que ces pensées et arrangements humains qui s’insinuent sournoisement dans l’assemblée, se substituant à la Parole de Dieu. Le résultat, même s’il n’a pas été recherché délibérément, est que le Seigneur est frustré de son autorité suprême sur les siens. Jamais il ne fut donc plus nécessaire que maintenant de nous souvenir des paroles de notre Seigneur ressuscité : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées » (Apoc. 2:7).
Juste après la dédicace de la maison, plus exactement après un court intervalle de temps, on célébra la Pâque. « Et les fils de la transportation célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du premier mois ; car les sacrificateurs et les lévites s’étaient purifiés comme un seul homme ; ils étaient tous purs ; et ils égorgèrent la Pâque pour tous les fils de la transportation, et pour leurs frères les sacrificateurs, et pour eux-mêmes. Et les fils d’Israël qui étaient de retour de la transportation en mangèrent et, avec eux, tous ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des nations du pays pour rechercher l’Éternel, le Dieu d’Israël. Et ils célébrèrent la fête des pains sans levain pendant sept jours, avec joie ; car l’Éternel les avait rendus joyeux, et il avait tourné vers eux le cœur du roi d’Assyrie, pour fortifier leurs mains dans l’œuvre de la maison de Dieu, du Dieu d’Israël » (v. 19-22).
Le rapprochement entre ces deux événements est très beau. La maison de son Dieu étant achevée, le peuple célèbre le mémorial de sa rédemption hors du pays d’Égypte. Il se souvenait ainsi, à la gloire de l’Éternel, du terrain sur lequel il se tenait aussi bien que du fait que le fondement de toutes ses bénédictions, de toute l’œuvre de grâce de Dieu à son égard, était le sang de l’Agneau immolé. C’était là, selon les paroles de Moïse, « une nuit à garder pour l’Éternel, parce qu’il les a fait sortir du pays d’Égypte ; — cette nuit-là est à garder pour l’Éternel par tous les fils d’Israël, en leurs générations » (Ex. 12:42). Rien ne pouvait montrer d’une manière plus éclatante combien ces fils de la captivité étaient remplis de la pensée de l’Éternel, que cette célébration de la Pâque ! Sans s’arrêter aux gloires du royaume, ils remontaient le cours du temps jusqu’à ce qu’ils aient retrouvé les écrits faisant état de tout ce qu’ils possédaient, soit en titre soit en espérance, et là ils confessaient Dieu comme le Dieu de leur salut. Ils édifiaient ainsi sur ce que Dieu était pour eux, sur le fondement du sang de l’Agneau pascal, et ils trouvaient en cela — comme ne manque jamais de le faire chaque âme individuellement — un roc à la foi immuable et inébranlable. Tout leur cœur s’attachait à cette fête, car, lisons-nous, « les sacrificateurs et les lévites s’étaient purifiés comme un seul homme ; ils étaient tous purs » (v. 20 ; cf Nomb. 9:10-14). Ils discernaient ce qui était dû à celui dont ils célébraient la fête.
Il y en avait d’autres qui participaient avec eux à cette célébration, « ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des nations du pays pour rechercher l’Éternel, le Dieu d’Israël ». Il ne nous est pas dit s’ils étaient d’entre les quelques Israélites qu’on avait laissés dans le pays alors que leurs frères étaient emmenés captifs, ou s’ils étaient d’entre les nations. En Exode 12, il est écrit, en parlant de la Pâque : « Aucun étranger n’en mangera » (v. 43), mais il est ajouté : « Et si un étranger séjourne chez toi, et veut faire la Pâque à l’Éternel, que tout mâle qui est à lui soit circoncis ; et alors il s’approchera pour la faire » (v. 48 ; voir aussi Nomb. 9:14). Ces hommes étaient donc probablement des « étrangers » (*) et, dans ce cas, ils avaient dû être attirés par ces fils de la captivité en constatant la puissance divine dont témoignait leur séparation d’avec le mal.
(*) N. de l’Edit. : Il peut aussi s’agir d’enfants d’Israël s’étant alliés aux nations et à leurs idoles pour lesquels la participation à la Pâque était au prix d’une séparation selon Nomb. 9:6-12 et rappelée dans 2 Chron 30.
Hélas, après eux, nous n’en voyons point d’autres éprouver une telle attirance ! Bien plutôt, ce sont les fils d’Israël qui par la suite furent attirés par les nations. Il en est constamment de même avec le peuple de Dieu. Quand l’Esprit de Dieu est à l’œuvre au milieu des siens, et que, par conséquent, ils marchent dans une certaine mesure à la hauteur de leur vocation, il y aura toujours beaucoup d’âmes qui, fortement attirées par ce qu’elles voient, rechercheront leur compagnie et leur communion. Quand, au contraire, la vie et la puissance disparaissent et font place à la froideur et à l’indifférence, c’est le monde qui attire, non pas l’Église. D’où ce fait que chaque mouvement, au sein de l’Église de Dieu, exerce le plus d’influence à son début, parce qu’alors la puissance de l’Esprit se déploie de la façon la plus évidente.
Après la Pâque, ils célébrèrent, d’après la Parole de Dieu, la fête des pains sans levain, pendant sept jours, avec joie (cf. Ex. 13). Cette fête suivait immédiatement la Pâque dont elle tire sa signification particulière. L’apôtre nous a expliqué cela lorsqu’il dit : « Notre pâque, Christ, a été sacrifiée : c’est pourquoi célébrons la fête, non avec du vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec des pains sans levain de sincérité et de vérité » (1 Cor. 5:7-8) ; c’est-à-dire que dès l’instant où nous sommes rachetés, Dieu a des droits sur nous, et il désire que nous répondions à ces droits par des vies de sainteté, la séparation d’avec le mal, et la séparation pour lui. La fête durait sept jours, période parfaite représentant en type la durée de notre vie. Ainsi, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, tous les droits de Dieu sur son peuple sont fondés sur la rédemption. « Vous n’êtes pas à vous-mêmes ; car vous avez été achetés à prix » (1 Cor. 6:20). Cette leçon, présentée sous des termes différents, se retrouve invariablement dans toute l’Écriture : Dieu est saint, nous aussi devons être saints. Il ne doit pas être trouvé de levain dans nos maisons, mais nous devons célébrer la fête perpétuellement, avec les pains sans levain de sincérité et de vérité.
Ces deux aspects ne doivent jamais être dissociés dans notre enseignement : si la grâce, une grâce infinie, s’est déployée pour notre rédemption, la grâce doit aussi être opérante dans le cœur des rachetés. Si Dieu nous appelle hors du monde, ce n’est pas pour que nous retournions faire de nouveau notre demeure dans le monde. Si, par sa grâce, nous sommes lavés dans le sang précieux de Christ, il attend sûrement de nous que nous gardions nos vêtements sans souillure. Si donc le souvenir de notre rédemption est doux à nos cœurs, si nous faisons nos délices de nous trouver autour de la Table du Seigneur pour nous nourrir de ce qui représente son corps et son sang, célébrons aussi, avec cette même joie, la fête des pains sans levain, en témoignage à celui qui nous a rachetés et pour la gloire de son précieux nom. C’était un temps heureux pour ce pauvre résidu, car la bénédiction de Dieu reposait sur lui, et le cœur du roi des nations était bien disposé à son égard. Les nuages s’étaient momentanément dissipés, et il pouvait se reposer sous les doux rayons de la faveur de Dieu comme de celle des hommes.
Ici se termine la première partie du livre. Les quatre chapitres restants traitent de la mission et de l’œuvre d’Esdras.
Nous abordons maintenant la seconde partie de ce livre. La première raconte le retour du peuple venant de Babylone et la construction du temple, alors que la seconde rend compte de la mission personnelle et de l’œuvre d’Esdras. Remarquons ici encore que partout sont apparents les signes indiquant que l’autorité gouvernementale sur la terre est désormais confiée, non plus aux Juifs, mais aux nations : ainsi, la mission d’Esdras est datée du « règne d’Artaxerxès, roi de Perse », et son ordre de mission émanant du roi est donné en entier (v. 11-26) ; cela prouve qu’à ce moment-là, le peuple de Dieu était sous la domination des nations, et que Dieu lui-même reconnaît toujours les autorités établies à l’origine par sa volonté souveraine.
Pour commencer, quelques brèves indications sur la structure des chapitres 7 et 8 seront peut-être utiles au lecteur :
Après la généalogie d’Esdras, un court résumé de la permission royale de partir accordée à Esdras, de son voyage jusqu’à Jérusalem, et de l’objet de sa mission, est donné (v. 6-10). Puis vient la lettre du roi conférant à Esdras l’autorisation d’agir, ainsi que les pouvoirs nécessaires pour exécuter son travail. Ce chapitre se termine par la louange qu’Esdras fait monter vers Dieu pour avoir incliné le cœur du roi en faveur du temple de l’Éternel, et pour avoir étendu sur lui « sa bonté devant le roi » (v. 27-28).
Au chapitre 8 sont énumérés ceux qui profitèrent volontairement de cette autorisation royale pour sortir de Babylone avec Esdras. Tous ceux-là ayant été rassemblés « vers le fleuve qui s’en va vers Ahava », et aucun des fils de Lévi n’ayant été trouvé parmi eux, Esdras prit des mesures pour que l’on recherchât « des serviteurs pour la maison de notre Dieu » (v. 15-20). Et, après tous ces préparatifs, nous trouvons encore deux actions préliminaires : d’abord un jeûne avec des supplications devant Dieu (v. 21-23), puis la mise à part de douze d’entre les chefs des sacrificateurs pour qu’ils se chargent de l’argent, de l’or et des ustensiles, « l’offrande pour la maison de notre Dieu » (v. 24-30). Enfin, le récit du voyage et de l’arrivée à Jérusalem, et la narration des préparatifs nécessaires afin qu’Esdras puisse se mettre à l’ouvrage, sont donnés.
On voit ainsi qu’il est souhaitable de lire les chapitres 7 et 8 d’affilée, étant donné qu’ils forment un récit continu dont les dix premiers versets du chapitre 7 sont la préface ou l’introduction.
La généalogie d’Esdras remonte jusqu’à Aaron (v. 1-5). Tous les droits et les privilèges de la sacrificature lui revenaient donc légitimement (cf. chap. 2:62). En outre, c’était un « scribe accompli de la loi » de son Dieu, et par-là même qualifié pour enseigner au peuple les statuts de l’Éternel (cf. Lév. 10:8-11 et Mal. 2:4-7). Esdras était devenu sacrificateur par sa naissance et sa consécration, mais il ne devint « scribe versé dans la loi de Moïse qu’avait donnée l’Éternel, le Dieu d’Israël » que par son étude personnelle de l’Écriture. Une fonction héréditaire ne pouvait donc, même chez les Juifs, conférer les qualités requises, pour bien la remplir. Celles-ci ne pouvaient venir que d’un contact intime avec Dieu par les Écritures, car si, en vertu de sa consécration, le sacrificateur était par grâce en droit de servir devant Dieu, il ne pouvait le faire d’une manière acceptable que dans une parfaite obéissance à la Parole. Et il lui était impossible d’enseigner à moins de connaître lui-même la pensée de Dieu. L’abandon de ce dernier aspect du service conduisit la sacrificature à l’échec et à la corruption, car la Parole de Dieu était tombée dans un oubli si complet aux jours de Josias, que la découverte d’une copie de la loi dans le temple fit littéralement date sous son règne.
Il est donc d’un intérêt capital, comme lorsqu’on trouve une fleur d’une rare beauté au milieu des sables du désert, de découvrir en Esdras un homme qui, tout en restant très attaché à sa lignée sacerdotale, trouvait sa joie et sa force dans la loi de son Dieu. Au verset 10 est révélé le secret de cette réussite : il « avait disposé son cœur à rechercher la loi de l’Éternel, et à la faire ». Que le lecteur médite cette déclaration si riche de sens et si instructive ! « Esdras avait disposé son cœur ». Ainsi priait l’apôtre pour les croyants d’Éphèse, afin que les yeux de leur cœur (« cœur » est bien le mot juste) fussent éclairés, pour qu’ils connussent quelle est « l’espérance de son appel » etc. (chap. 1:18). Oui, c’est au cœur que les révélations de Dieu s’adressent. C’est au cœur de Marie de Magdala que le Seigneur s’est manifesté au sépulcre, plutôt qu’à l’intelligence de ses disciples Nous ne saurions accorder trop d’importance à cette vérité. La préparation du cœur (et cela aussi procède du Seigneur) est ce qu’il y a d’essentiel, que ce soit pour l’étude de la parole, pour la prière, ou pour l’adoration (cf. 1 Cor. 8:1-3 ; Héb 10:22 ; 1 Jean 3:20-23). Il y a quelque chose de plus : si Esdras avait disposé son cœur à rechercher la loi de l’Éternel, c’était avant tout afin de « la faire ». Ce n’était donc pas pour augmenter en lui la connaissance, ni pour ajouter à sa réputation de docteur ; mais afin que son cœur, sa vie et ses voies soient transformés, et que sa marche personnelle soit une preuve incarnée de cette vérité, et par-là même, agréable à l’Éternel.
Il est ensuite question d’enseigner, d’« enseigner en Israël les statuts et les ordonnances ». On ne néglige jamais impunément cet ordre, car si l’enseignement ne procède pas d’un cœur lui-même soumis à la vérité, il est non seulement impuissant à influencer les autres, mais il endurcit aussi le cœur de celui-là même qui enseigne. C’est là le secret de plus d’un échec dans l’Église de Dieu. Les saints sont parfois troublés par un soudain abandon de la vérité, voire par la chute de certains des leurs qui occupaient jadis une place de docteur ; mais toutes les fois qu’on ferme les yeux sur l’état du cœur et qu’on laisse l’activité de l’esprit s’exercer sur les choses divines, l’âme est exposée aux plus subtiles tentations de Satan. Un véritable docteur doit pouvoir, dans une certaine mesure, s’en référer comme Paul à son propre exemple et dire, comme l’apôtre le disait aux Thessaloniciens : « vous savez quels nous avons été parmi vous pour l’amour de vous » (voir aussi Actes 20 et Phil. 3).
De plus, il est clair qu’Esdras était en communion avec la pensée de Dieu quant à son peuple. Son cœur était occupé d’eux, car nous apprenons qu’il avait recherché auprès du roi la permission de monter à Jérusalem, et que « le roi lui accorda toute sa requête, selon que la main de l’Éternel, son Dieu, était sur lui » (v. 6). Son désir était donc le bien, la bénédiction de son peuple, le peuple de son Dieu ; mais, étant assujetti au roi, il devait obtenir son autorisation, car le Seigneur ne veut pas que nous méprisions l’autorité sous laquelle nous sommes placés, même pour le servir, lui. Cependant, si l’Éternel avait mis au cœur d’Esdras le désir de le servir, alors lui-même influençait le roi pour qu’il répondît à la requête de son serviteur. Comme il est bon de nous abandonner entre ses mains ! Nous sommes souvent tentés de sauter par-dessus les barrières que l’homme peut dresser sur notre chemin, d’enfoncer les portes que la main de l’homme a peut-être fermées, mais pour notre consolation et notre force, rappelons-nous que le Seigneur peut ouvrir son chemin devant nous quand il le veut, et que notre part est de nous attendre tranquillement à lui, prêts à avancer quand il en donnera le signal. Cette disposition à reconnaître que la main de Dieu était sur lui caractérisait ce dévoué serviteur (cf. chap. 7:9 et 8:18, 22, 31, etc.), et ce fut la source de sa patience autant que celle de son courage. Les détails du voyage, dont nous avons un bref aperçu dans les versets 7 à 9, nous occuperont dans le prochain chapitre.
Nous pouvons donc passer d’emblée à la lettre d’autorisation du roi qui donnait plein pouvoir à Esdras pour agir, définissait l’objet de sa mission et, par l’intermédiaire des trésoriers du roi de l’autre côté du fleuve, lui fournissait les moyens d’exécuter son service pour tout ce qui touchait à l’ordre de la maison de l’Éternel.
Tout d’abord, après la salutation — qui montre bien qu’Esdras était un vrai témoin au milieu des nations — le roi décrète que « tous ceux du peuple d’Israël et de ses sacrificateurs et des lévites qui, dans mon royaume, sont disposés à aller à Jérusalem avec toi, y aillent » (v. 13). Cyrus, comme on l’a vu au chapitre 1, avait lui aussi accordé ce même privilège et maintenant, bien des années plus tard, l’Esprit de Dieu est de nouveau à l’œuvre pour délivrer son peuple par le moyen du roi. Mais aucune contrainte humaine ne devait être exercée : si un homme montait, ce devait être de son plein gré, car Dieu voulait des serviteurs de franche volonté. S’il y avait contrainte, ce ne devait être que celle du Saint Esprit.
Ensuite, dans les versets 14 à 20, la portée des objectifs de la mission d’Esdras est soigneusement définie jusque dans ses détails. Il était « envoyé par le roi et ses sept conseillers pour t’enquérir au sujet de Juda et de Jérusalem, selon la loi de ton Dieu qui est dans ta main » (v. 14). Il devait en outre se charger de l’argent et de l’or que le roi et ses conseillers avaient librement offerts au Dieu d’Israël, ainsi que de ceux que l’on trouverait dans la province de Babylone, avec l’offrande volontaire du peuple… etc. Et tout cela devait servir à acheter du bétail pour les sacrifices, ou comme Esdras et ses frères en décideraient « selon la volonté de leur Dieu ». Le lecteur pourra regrouper les détails de la mission d’Esdras par ses propres soins. Il est bon, cependant, d’attirer son attention sur quelques points particulièrement instructifs. On ne peut manquer d’observer que ce monarque des nations s’en réfère en toutes circonstances à la volonté de Dieu ou, plus exactement, qu’il ordonne que tout se fasse dans la soumission à cette volonté. On dirait presque que, tout païen qu’il soit, il était en pleine communion avec ce que se proposait Esdras ; et, du fait qu’il reconnaissait l’Éternel comme « le Dieu des cieux » (v. 21, 23), il est permis de penser que la grâce avait visité son cœur. Quoi qu’il en soit, il veille soigneusement, et par tous les moyens possibles, à ce que la mission d’Esdras puisse être exécutée ; en même temps, il confie à ce dernier le soin de gouverner son peuple « selon la sagesse de son Dieu ». Pour finir, la désobéissance à la loi de Dieu et à celle du roi est déclarée passible de sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort. La leçon est transparente : Dieu est souverain dans le choix de ses instruments ; il agit comme il lui plaît parmi les habitants de la terre comme en haut dans les cieux ; et personne ne peut arrêter sa main ou lui dire : « Que fais-tu ? » On trouve une illustration de cela dans notre chapitre, dans le fait qu’« Artaxerxès, roi des rois », et « Esdras, sacrificateur, scribe accompli de la loi du Dieu des cieux » sont placés sous le même joug pour accomplir les pensées de Dieu à l’égard de son peuple et de sa maison à Jérusalem.
Esdras lui-même est rempli d’adoration en contemplant la puissante main de son Dieu opérant des merveilles car, après avoir pris connaissance de la lettre du roi, il exulte en exprimant la louange : « Béni soit l’Éternel, le Dieu de nos pères, qui a mis de telles pensées dans le cœur du roi, d’orner la maison de l’Éternel qui est à Jérusalem, et qui a étendu sur moi sa bonté devant le roi, et ses conseillers, et tous les puissants princes du roi ! » (v. 27-28). Et il ajoute : « Et moi, je fus fortifié selon que la main de l’Éternel, mon Dieu, était sur moi, et je rassemblai d’Israël des chefs pour monter avec moi ». Il montrait par là qu’il était un véritable homme de foi, voyant en Dieu la source de toute chose. Il se perdait de vue lui-même et, dans son cœur, Dieu était tout et en tous. Ainsi, ce n’était pas sa requête qui avait poussé le roi à agir, mais c’est Dieu qui avait mis la chose dans le cœur du roi. Ce n’était pas l’influence d’Esdras qui l’avait recommandé au roi et à ses princes, mais c’est Dieu qui avait étendu sa grâce sur lui en leur présence. Ce n’était pas par son propre pouvoir qu’il avait rassemblé les chefs pour monter avec lui, mais c’est Dieu qui l’avait fortifié en mettant sa main sur lui. Dans tout cela, il est un exemple remarquable pour chaque croyant. Heureux celui qui, comme Esdras, a appris à vivre dans la présence de Dieu ; à voir, derrière les actions des hommes, la puissance qui les dirige toutes ; et à tout recevoir — faveurs ou persécution, aide ou obstacles — comme venant du Seigneur. Cette âme-là possède le secret d’une paix parfaite au milieu de la confusion et de l’agitation du monde, comme aussi en présence de la puissance de Satan.
Le rapport étroit qui existe entre ce chapitre-ci et le précédent saute aux yeux. Le chapitre 7 se terminait par ces mots : « et je rassemblai d’Israël des chefs pour monter avec moi », et celui-ci commence ainsi : « Et voici les chefs des pères et la généalogie de ceux qui montèrent avec moi de Babylone, sous le règne du roi Artaxerxès ». Cette généalogie, qui se poursuit jusqu’à la fin du verset 14, montre à quel point étaient précieux au cœur de Dieu les noms mêmes de ceux qui répondirent à son appel en un pareil moment. Cette réponse elle-même est le fruit de sa grâce mais, usant de cette même grâce, il prend plaisir à attribuer à son peuple ce que lui-même avait produit dans leurs cœurs. Ces hommes formaient une troupe déjà considérable : plus de mille cinq cents âmes. Ils s’étaient rassemblés dans le but de retourner au pays de leurs pères, qui était celui de tout leur passé ainsi que de toutes leurs espérances.
La première chose que fit Esdras fut de les rassembler « vers le fleuve qui s’en va vers Ahava, et nous campâmes là trois jours ; et je considérai le peuple et les sacrificateurs, et je n’y trouvai aucun des fils de Lévi » (v. 15). Il n’y avait rien que deux sacrificateurs : Guershom, fils de Phinées, et Daniel, fils d’Ithamar ; mais de la famille des lévites, en dehors des sacrificateurs, il n’y en avait pas un seul ! Esdras avait bien de quoi être peiné, car c’était un triste symptôme de l’état dans lequel le peuple était tombé. Seuls les sacrificateurs avaient accès au lieu saint de la maison de leur Dieu, et seuls les lévites étaient les serviteurs agréés pour tout ce qui touchait au service du lieu saint. Et pourtant, lorsqu’on avait proclamé qu’ils pouvaient rentrer dans leur pays et retrouver leurs privilèges, ils étaient restés froids et indifférents ! Ils s’étaient fait une demeure là où leurs pères avaient suspendu leurs harpes aux saules et pleuré au souvenir de Sion. Et il en est de même aujourd’hui avec le peuple de Dieu. Dès l’instant où il se laisse tenter par l’ennemi pour penser aux choses qui sont sur la terre, il se désintéresse de ses privilèges spirituels et, si rien ne vient le tirer de sa léthargie, il peut même devenir « ennemi de la croix du Christ » (Phil. 3:18). Aucun enfant de Dieu ayant quelque intelligence de sa vocation céleste ne saurait se satisfaire d’avoir sa demeure dans Babylone.
Esdras ne pouvait non plus être satisfait de partir sans lévites. Il connaissait en outre les besoins de la maison de Dieu, et ce serviteur dévoué s’attristait de voir ces hommes se soucier davantage de leurs propres affaires que des parvis de l’Éternel. Il prit des mesures en conséquence pour atteindre leurs consciences, afin qu’ils puissent encore se joindre à lui dans sa mission à Jérusalem. À cet effet, il envoya chercher quelques-uns de leurs chefs au nombre desquels se trouvaient « Joïarib et Elnathan, hommes intelligents ». Qu’il est heureux pour le peuple de Dieu lorsque, en un temps de ruine et de corruption, il se trouve encore des hommes intelligents. Par leur moyen Dieu empêche ses saints de tomber toujours plus bas, et il garde vivant en eux ce qui peut encore subsister de foi et d’espérance. Esdras savait où il pouvait découvrir de tels hommes, et son zèle pour l’œuvre qu’il avait à cœur d’accomplir s’exprime dans la mission qu’il leur confia en ces termes : « Et je les envoyai à Iddo, qui était chef dans la localité appelée Casiphia, et je mis dans leurs bouches des paroles pour les dire à Iddo et à ses frères, les Néthiniens, dans la localité appelée Casiphia, pour nous amener des serviteurs pour la maison de notre Dieu » (v. 17). Le Seigneur Jésus lui-même dit en esprit : « le zèle de ta maison m’a dévoré » (Ps. 69:9 ; Jean 2:17), et cela parce que la gloire du Père était toujours son but suprême. Le nom de Dieu, l’honneur de Dieu, faisaient toujours les délices de son âme. Esdras aussi, selon sa mesure, désirait que l’Éternel fût honoré dans sa maison. Il était donc en communion avec le cœur de Dieu lui-même, et c’est là le secret du zèle qu’il déploya pour trouver « des serviteurs pour la maison de notre Dieu ».
Or Dieu travaillait avec lui, comme Esdras le reconnaît lui-même lorsqu’il dit : « Et ils nous amenèrent, selon que la bonne main de notre Dieu était sur nous, un homme intelligent d’entre les fils de Makhli, fils de Lévi, fils d’Israël, et Shérébia et ses fils et ses frères, au nombre de dix-huit ; et Hashabia, et avec lui Ésaïe, d’entre les fils de Mérari, ses frères et leurs fils, au nombre de vingt ; et des Néthiniens, que David et les princes avaient donnés pour le service des lévites, deux cent vingt Néthiniens, tous désignés par leurs noms » (v. 18-20). Mais le nombre des lévites demeurait inférieur à quarante, alors qu’il y avait deux cent vingt Néthiniens, ce qui prouve encore une fois qu’au contact des choses qui plaisent à la chair, à Babylone, les espérances et les privilèges propres aux fils d’Israël avaient cessé en pratique d’exercer leur pouvoir sur eux. À côté de cette paresse des lévites, il est beau de considérer le nombre des Néthiniens (probablement issus d’une race étrangère) qui répondirent à l’appel d’Esdras. Peut-être est-ce pour cela qu’il est dit qu’ils furent « tous désignés par leurs noms ». Dieu, remarquant leur fidélité, voulut qu’ils soient mentionnés dans l’Écriture.
Tout était prêt désormais en ce qui concernait le rassemblement du peuple, mais Esdras aussi bien que le peuple avaient besoin de se préparer pour ce voyage qu’ils avaient entrepris. C’est pourquoi il dit : « je publiai un jeûne, pour nous humilier devant notre Dieu, pour lui demander le vrai chemin pour nous et pour nos enfants, et pour tout notre avoir. Car j’avais honte de demander au roi des forces et de la cavalerie pour nous aider en chemin contre l’ennemi ; car nous avions parlé au roi, en disant : La main de notre Dieu est en bien sur tous ceux qui le cherchent ; et sa force et sa colère sont contre tous ceux qui l’abandonnent. Et nous jeûnâmes, et nous demandâmes cela à notre Dieu, et il nous exauça » (v. 21-23).
L’œuvre de Dieu ne doit jamais être entreprise à la légère, et ce fut avec un vrai discernement, tant du caractère de cette œuvre que de ce qui était dû à la gloire de l’Éternel qui l’avait appelé à cela, qu’Esdras proclama ce jeûne, afin que lui-même et le peuple s’affligent devant leur Dieu. La chair -sous aucune forme et en aucune manière — ne peut être mise au service du Seigneur, et c’est seulement dans une vraie séparation d’avec tout ce dont elle pourrait se nourrir, dans l’humiliation et dans la présence de Dieu, que nos motifs, nos intentions et nos buts sont mis à l’épreuve et paraissent au grand jour. Ainsi, parmi ceux qui s’étaient rassemblés autour d’Esdras, certains avaient peut-être été attirés par d’autres choses que le bien de la maison de leur Dieu. Et il en est toujours ainsi, dans n’importe quelle action de l’Esprit Saint. C’est pourquoi Esdras voulut qu’ils soient tous sondés par la lumière de la sainte présence de Dieu, afin qu’ils apprennent que rien ne leur serait profitable pour les protéger et les guider dans leur voyage, et que rien ne pourrait les soutenir en chemin ou dans leur service ultérieur, sinon la bonne main de leur Dieu. C’est ainsi que, tous ensemble, ils jeûnèrent, affligèrent leurs âmes et prièrent.
On peut se demander si aujourd’hui, on n’entreprend pas souvent trop à la légère un service pour Dieu, et si nous n’y gagnerions pas en puissance spirituelle et en efficacité si, avant de nous lancer dans quoi que ce soit au service de Dieu, nous nous trouvions plus souvent dans cette attitude d’Esdras et de ses compagnons. Loin de nous de vouloir insinuer le moins du monde que les serviteurs de Dieu ne recherchent pas ainsi sa face, avant de commencer leur service. Nous pensons plutôt à la nécessité de s’en remettre collectivement à Dieu, avec jeûne, avant d’entreprendre un travail qui intéresse l’ensemble des saints. L’Église primitive l’avait compris, car nous lisons : « Or il y avait à Antioche, dans l’assemblée qui était là, des prophètes… Et comme ils servaient le Seigneur et jeûnaient, l’Esprit Saint dit : Mettez-moi maintenant à part Barnabas et Saul, pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés » (Actes 13:1-2). Si seulement il y avait un retour à une telle pratique, dans la puissance du Saint Esprit (car se contenter de l’imiter, sans cette puissance, serait plus qu’inutile), on pourrait s’attendre en toute confiance à ce que l’enseignement et le ministère de la Parole produisent beaucoup plus de fruits.
Un autre motif poussait Esdras à rassembler le peuple. Esdras était un homme de foi, qui avait ouvertement reconnu devant le roi qu’il comptait sur Dieu pour le protéger pendant son voyage. Pour cette raison, Esdras ne voulait pas demander d’escorte militaire, et maintenant, conformément à ce dont il avait fait profession, lui-même ainsi que le peuple s’en remettaient à Dieu pour être guidés, « pour lui demander le vrai chemin, pour nous et pour nos enfants, et pour tout notre avoir ». Comme tout croyant le sait bien, c’est une chose d’exprimer sa confiance en Dieu avant que surgisse une difficulté, et c’en est une autre de demeurer dans cette dépendance lorsqu’on est confronté à cette difficulté et qu’on la vit. Esdras était capable des deux, capable aussi de se reposer dans l’assurance que la main de son Dieu serait sur tous ceux qui le recherchaient réellement, de même que sa puissance et sa colère seraient contre tous ceux qui l’abandonneraient. Sans doute exposa-t-il toutes ces choses devant l’Éternel pendant ce jeûne. Il s’était en effet porté garant de la fidélité de Dieu devant un monarque des nations, si bien que le nom et l’honneur de l’Éternel étaient en jeu lorsqu’il se présentait comme son serviteur. Esdras nous dit : « Et nous jeûnâmes, et nous demandâmes cela à notre Dieu, et il nous exauça ». Oui, Dieu prend plaisir à répondre à la confiance des siens, et à défendre la cause de ceux qui témoignent de ce qu’il est pour eux au milieu des épreuves et des dangers. Et le lecteur doit bien remarquer que le danger évoqué par Esdras n’était nullement imaginaire, puisqu’il déclare après coup, à la gloire de son Dieu, que Celui-ci les « délivra de la main de l’ennemi et de toute embûche sur le chemin » (v. 31). Certainement Dieu est le refuge et la force des siens, « un secours dans les détresses, toujours facile à trouver », et ils en feraient encore plus parfaitement l’expérience si, comme Esdras, ils apprenaient à compter seulement sur Dieu comme sur celui qui répond à tous les besoins, en toutes circonstances sans exception. Lorsque Néhémie, quelques années plus tard, fit le même voyage, il était accompagné de chefs de l’armée et de cavaliers (Néhémie 2:9). En lui, l’exercice de la foi n’était pas aussi profond, bien qu’il ait eu sincèrement à cœur les intérêts de l’Éternel. Qu’il vaut mieux se confier en l’Éternel qu’en un bras visible ! Ceux qui s’attendent à lui, comme Esdras, ne seront jamais confus.
Esdras aussitôt après sépara « douze des chefs des sacrificateurs, Shérébia, Hashabia, et dix de leurs frères » pour qu’ils se chargent des offrandes qu’il avait reçues pour la maison de leur Dieu, jusqu’à leur arrivée à Jérusalem (v. 24-30). Il les choisit pour cette raison qu’ils étaient « saints, consacrés à l’Éternel », comme l’étaient aussi les ustensiles (v. 28). Comme l’a dit le prophète, « Soyez purs, vous qui portez les vases de l’Éternel » (Ésaïe 52:11). Et cela, nous le savons, était selon l’ordre divin, car personne d’autre que les sacrificateurs et les lévites ne pouvait toucher ou porter les ustensiles sacrés et autres objets de la maison de Dieu (cf. Nombres 4). Par une conception tout à fait erronée de ce fait et de la nature du christianisme, est née cette coutume ecclésiastique de mettre à part une classe d’hommes — le clergé — pour exercer le ministère dans l’Église. Il est tout à fait vrai que ceux qui, d’une manière ou d’une autre, exercent un ministère de la part du Seigneur en faveur de son peuple, doivent nécessairement être mis à part pour leur service, mais cela doit être le fait non pas des hommes mais de l’action souveraine de Dieu en grâce, par la puissance du Saint Esprit. Sous la loi, il y avait une classe distincte d’hommes — les sacrificateurs et les lévites — mais ceux-ci étaient divinement choisis et divinement consacrés, tandis que sous la grâce, bien qu’il y ait toujours des dons et des services distincts (1 Cor. 12), tous les croyants pareillement sont sacrificateurs et, en tant que tels, ont le droit inaliénable d’entrer dans le lieu très-saint, dans la présence même de Dieu.
Ce fut donc aux sacrificateurs qu’Esdras confia la garde des ustensiles sacrés, de l’argent et de l’or qui avaient été donnés comme offrande volontaire à l’Éternel, le Dieu de leurs pères. Et il leur enjoignit de veiller sur ces choses, et de les garder disant : « jusqu’à ce que vous les pesiez devant les chefs des sacrificateurs et des lévites, et devant les chefs des pères d’Israël à Jérusalem, dans les chambres de la maison de l’Éternel » (v. 29). Ces mots, « jusqu’à ce que vous les pesiez », expriment un principe d’importance. Non pas qu’Esdras ait douté de la fidélité des sacrificateurs qu’il avait choisis mais, comme l’apôtre plus tard, il voulait veiller « à ce qui est honnête, non seulement devant Seigneur, mais aussi devant les hommes » (2 Cor. 8:21). Le peuple aurait pu avoir parfaitement confiance dans l’intégrité d’Esdras autant que dans celle des sacrificateurs, mais le but d’Esdras était de ne donner aucune occasion à l’activité de l’ennemi, en faisant peser les ustensiles, l’argent et l’or, d’abord lorsque les sacrificateurs les reçurent en main propre, et de nouveau lorsqu’ils les apportèrent à Jérusalem. C’était une preuve de sa propre fidélité et de celle des sacrificateurs. Certainement, son exemple est digne d’être suivi par ceux qui, en quelque sorte, ont la charge des offrandes du peuple de Dieu. De tels hommes doivent veiller à rendre compte de leur gestion, sans attendre qu’on les y invite. Bien des difficultés au sein de l’Église de Dieu auraient pu être évitées si cette pratique avait été adoptée. On peut aussi remarquer qu’à leur arrivée à Jérusalem, la pesée fut exécutée par d’autres qu’Esdras lui-même, et que « tout le poids en fut inscrit » (v. 33-34). En langage d’aujourd’hui, on dirait que les comptes d’Esdras furent apurés. Cela eut lieu le quatrième jour après la fin de leur voyage.
Au verset 31, nous avons une courte déclaration (à laquelle il a déjà été fait allusion) à propos de leur voyage. Elle fait simplement état de la fidélité de leur Dieu en réponse à leurs prières. « Et nous partîmes du fleuve Ahava le douzième jour du premier mois, pour aller à Jérusalem. Et la main de notre Dieu fut sur nous, et il nous délivra de la main de l’ennemi et de toute embûche sur le chemin. Et nous arrivâmes à Jérusalem… » Au chapitre 7:9, il est dit qu’ils commencèrent à monter le premier jour du premier mois, qui fut probablement celui du rassemblement du peuple « vers le fleuve qui s’en va vers Ahava » (ch. 8:15). Le voyage lui-même dura donc un peu moins de quatre mois, et Esdras témoigne du fait que Dieu les conduisit sains et saufs à travers tous les périls et les dangers, les protégeant de tous leurs ennemis. Certainement, « le nom de l’Éternel est une forte tour ; le juste y court et s’y trouve en une haute retraite » (Prov. 18:10).
Ils n’oublièrent pas non plus l’Éternel, une fois surmontées les difficultés de leur voyage, car « les fils de la transportation qui étaient revenus de la captivité présentèrent des holocaustes au Dieu d’Israël, 12 taureaux pour tout Israël, 96 béliers, 77 agneaux, 2 boucs en sacrifice pour le péché, le tout en holocauste à l’Éternel ». Il est extrêmement touchant de voir ce faible résidu — comme ce fut aussi le cas lors de la dédicace de la maison de Dieu (6:17) — embrasser dans sa foi Israël tout entier. Ils n’étaient qu’en petit nombre mais ne pouvaient accepter de terrain plus étroit que celui des douze tribus, comme ils en témoignèrent par le nombre de leurs offrandes. Il en est de même — ou plutôt il devrait en être de même aujourd’hui — pour ceux qui sont réunis hors du camp, au nom du Seigneur Jésus Christ, sur le principe du seul corps. Sans doute sont-ils, eux aussi, peu nombreux, faibles et démunis, mais s’ils ont quelque intelligence de la glorieuse position dans laquelle ils ont été introduits, ils refuseront tout autre principe de rassemblement plus étroit que celui du seul corps dont tous les croyants sont membres. Et s’ils maintiennent cette vérité dans toute sa puissance, leurs sacrifices de louange en témoigneront en présence de tous. S’ils ne le font pas, quoiqu’ils professent, ils tomberont dans un sectarisme des plus étroits, ce que le Seigneur hait par-dessus tout. Peut-être les méprisera-t-on à cause de leur pauvreté et de leur basse condition, mais si — « avec toute humilité et douceur, avec longanimité », se supportant l’un l’autre dans l’amour — ils s’appliquent à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix, en maintenant devant Dieu la conscience de ne faire qu’un avec tous les saints, alors le Seigneur les soutiendra richement par son approbation et sa bénédiction.
On remarquera qu’il y avait deux sortes de sacrifices : les holocaustes et les sacrifices pour le péché. D’après leur nombre, il semblerait que les douze boucs, ainsi que les douze taureaux, aient été pour tout Israël, et que les autres offrandes aient été individuelles, expression spontanée de cœurs reconnaissants envers l’Éternel, pour sa miséricorde à leur égard, parce qu’il les avait amenés sains et saufs à Jérusalem et à sa maison.
S’étant ainsi placés sous l’efficacité des sacrifices et ayant établi leurs relations avec Dieu sur le seul terrain possible, « ils remirent les édits du roi aux satrapes du roi et aux gouverneurs de ce côté du fleuve, et ceux-ci donnèrent leur appui au peuple et à la maison de Dieu » (v. 36). Cet ordre est aussi instructif que merveilleux. Ils se placèrent d’abord sous la faveur de Dieu par leurs offrandes, et seulement ensuite se tournèrent vers les officiers du roi. C’est à Dieu qu’ils accordaient leurs premières pensées ainsi que la première place, confessant par là que tout dépendait de lui. Il répondit à leur confiance en touchant les cœurs des satrapes et des gouverneurs, et en les inclinant en faveur de son peuple et de ce qu’il se proposait de faire.
Quelle bénédiction de dépendre entièrement de Dieu et de ne s’attendre qu’à lui pour servir sa cause !
Quiconque recherche le bien du peuple de Dieu doit s’attendre à une vie d’épreuves et de souffrance. En effet, animé des affections de Dieu lui-même pour les siens, le serviteur s’identifiera à eux autant qu’il le pourra dans leur état et dans leur condition, tout en travaillant au milieu d’eux pour la gloire de Dieu. Nous en trouvons un exemple parfait dans la vie de celui qui a pu dire : « le zèle de ta maison m’a dévoré », et un autre, d’une valeur peu commune, chez son serviteur Paul qui déclare, dans la puissance de l’Esprit Saint : « J’endure tout pour l’amour des élus, afin qu’eux aussi obtiennent le salut qui est dans le christ Jésus, avec la gloire éternelle » (2 Tim. 2:10). Telle fut aussi l’expérience d’Esdras dont il est question au début de ce chapitre. Rempli d’un saint zèle, il avait été poussé à monter à Jérusalem, afin d’« enseigner en Israël les statuts et les ordonnances ». Or dès le début, il découvre que beaucoup parmi le peuple élu étaient déjà tombés presqu’aussi bas, sinon plus, que les Cananéens que Dieu avait dépossédés devant eux : « Et quand ces choses furent terminées », dit-il, « les chefs s’approchèrent de moi, en disant : Le peuple d’Israël, et les sacrificateurs et les lévites, ne se sont pas séparés des peuples des pays, quant à leurs abominations, savoir celles des Cananéens, des Héthiens, des Phéréziens, des Jébusiens, des Ammonites, des Moabites, des Égyptiens, et des Amoréens, car ils ont pris de leurs filles pour eux et pour leurs fils, et ont mêlé la semence sainte avec les peuples des pays ; et la main des chefs et des gouverneurs a été la première dans ce péché » (v. 1-2).
Tels sont les hommes ! Tels sont même les enfants de Dieu lorsqu’ils suivent les penchants de leurs propres cœurs, au lieu de marcher dans l’obéissance à sa Parole ! Remarquons, en outre, que lorsque les saints tombent dans le péché, il s’agit souvent de fautes plus graves et plus grossières que celles que commettent les gens du monde, comme si Satan, ayant remporté l’avantage sur eux, voulait se moquer et triompher d’eux en exhibant les vices les plus horribles ! Dans le cas placé devant nous, les fils de la déportation étaient tombés non seulement dans les abominations des Cananéens (et d’autres anciens habitants du pays), mais aussi dans celles des Ammonites, des Moabites, des Égyptiens et des Amoréens — c’est-à-dire dans toutes les formes possibles de la corruption. Et tout cela s’était produit en si peu de temps, quelques années seulement après l’achèvement du temple ! Objets d’une grâce spéciale de Dieu qui les avait délivrés de leur captivité à Babylone, ils avaient tourné sa grâce en dissolution. Quelle patience, quelle longanimité de la part de celui qui les avait une nouvelle fois rétablis dans le pays de leurs pères, au lieu d’agir en jugement avec eux sur-le-champ ! Mais si son peuple reste le même, toujours prêt à retomber dans ses péchés, lui non plus ne change pas dans sa miséricorde et dans sa grâce ! C’est pourquoi les dons et l’appel de Dieu sont sans repentir, et en cela uniquement réside la sécurité des siens.
Le péché particulier auquel il est fait ici allusion, est d’avoir « mêlé la semence sainte avec les peuples des pays », en s’alliant avec eux par mariage, ce qui avait été expressément défendu (Ex. 34:12-16). (*)
(*) Que cela ne fût pas seulement par de telles alliances, on peut le déduire du passage d’Exode ci-dessus, comme aussi du chapitre 25 des Nombres. En fait, toutes les abominations des nations idolâtres nommées ici allaient de pair avec ces mariages.
C’était donc en désobéissant délibérément qu’ils avaient contracté ces alliances indignes avec le monde, dont ces mariages sont le type : le péché permanent du peuple de Dieu à chaque époque. Ainsi dit l’apôtre Jacques : « Adultères, ne savez-vous pas que l’amitié du monde est inimitié contre Dieu ? Quiconque donc voudra être ami du monde, se constitue ennemi de Dieu » (ch. 4:4) ; et l’apôtre Paul s’écrie : « Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les incrédules ; car quelle participation y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? ou quelle communion entre la lumière et les ténèbres ? et quel accord de Christ avec Béliar ? » (2 Cor. 6:14-15). Car si l’Éternel a daigné dire qu’il était marié à Israël (És. 54 ; Jér. 2), il est dit aussi des croyants d’aujourd’hui qu’ils sont mariés à Christ (Rom. 7:2 ; 2 Cor. 11:2). Pour le Juif, donc, comme pour le chrétien, s’unir au monde est à la fois une infidélité et un péché, et revient à oublier la sainte position de séparation à laquelle l’un et l’autre ont respectivement été appelés.
Ce péché n’était pas le fait d’une classe particulière du peuple. « La main des chefs et des gouverneurs a été la première dans ce péché », lisons-nous, et les sacrificateurs et les lévites, tout autant que le peuple, sont distinctement nommés. Il semble donc que les princes et les gouverneurs aient été les premiers à donner l’exemple, et que les autres n’aient été que trop prompts à le suivre. « Un seul pécheur détruit beaucoup de bien » (Ecc. 9:18), tout particulièrement lorsqu’il occupe une position élevée et qu’il a de l’influence. Lorsqu’un porte-drapeau faiblit, au jour de la bataille, les soldats sont souvent découragés et facilement battus ; de même, une fois que Satan a réussi à faire sa proie d’un chef de l’Église de Dieu, il lui est souvent facile de prendre au piège beaucoup de croyants moins en vue. C’est pour cette raison que le péché d’un chef ou d’un sacrificateur, sous la loi, exigeait un plus grand sacrifice que le péché d’un homme du peuple. C’est donc quelque chose de solennel — non seulement pour lui-même mais à cause des conséquences qui découlent de ses actes — lorsqu’un « prince » ou un « gouverneur » se fait le conducteur du peuple dans le chemin de la mondanité et de l’idolâtrie.
Telles furent les graves nouvelles qui parvinrent aux oreilles d’Esdras peu après son arrivée à Jérusalem et, dans le verset suivant, nous voyons l’effet qu’elles produisirent sur cette âme pieuse et fidèle. « Et quand j’entendis cela », dit-il, « je déchirai mon manteau et ma robe, et j’arrachai les cheveux de ma tête et ma barbe, et je m’assis désolé » (v. 3). Ainsi fut-il frappé d’une grande et indicible douleur à cause des péchés de son peuple. Le secret de cette peine si intense, dont tous ces signes extérieurs d’humiliation devant Dieu étaient l’expression, c’est qu’il ressentait au plus profond de son cœur le déshonneur jeté sur le saint nom de l’Éternel. Il est relativement facile de sympathiser avec les enfants de Dieu lorsqu’ils sont eux-mêmes déshonorés par leur conduite coupable aux yeux du monde, mais seuls ceux qui, par la puissance du Saint Esprit, sont en communion avec la pensée de Dieu, partagent ses affections pour les siens et sont, par-dessus tout, remplis de zèle pour défendre sa gloire, peuvent justement évaluer leur péché et la manière dont il affecte le saint Nom dont ils sont eux-mêmes appelés. Seuls ceux-là peuvent s’abaisser, prendre sur eux le péché, le faisant leur et le confessant entièrement devant Dieu. Moïse, Néhémie et Daniel en sont des exemples, à des niveaux différents, comme aussi Esdras ; mais tous ceux-là, ainsi que d’autres que l’on pourrait nommer, ne sont que des types imparfaits de celui qui s’est tellement identifié aux siens qu’il a pu dire, en confessant leurs péchés : « O Dieu ! tu connais ma folie, et mes fautes ne te sont pas cachées » (Ps. 69:5).
La douleur et l’humiliation d’Esdras furent le moyen d’atteindre la conscience des autres, ou plutôt d’attirer à lui tous ceux qui, dans une certaine mesure, s’étaient lamentés sur l’état du peuple, car il nous dit : « et vers moi s’assemblèrent tous ceux qui tremblaient aux paroles du Dieu d’Israël, à cause du péché de ceux qui avaient été transportés » (v. 4). « C’est à celui-ci que je regarderai », dit l’Éternel, « à l’affligé, et à celui qui a l’esprit contrit et qui tremble à ma parole » (És. 66:2) ; car le fait de trembler à la Parole de Dieu est la preuve d’une conscience délicate, de quelqu’un qui marche dans la crainte de Dieu et qui désire être trouvé dans ses sentiers. Quelle bénédiction de trouver encore de tels hommes parmi les fils de la captivité, même s’il semble que la cause de leur tremblement ait été leur appréhension des conséquences de la transgression de leurs frères, plutôt que la sainte crainte d’offenser leur Dieu. Quoi qu’il en soit, où étaient-ils allés, et quel avait été leur témoignage avant l’arrivée d’Esdras ? Mais le fait de prendre fermement position aux côtés d’Esdras à ce moment critique est la preuve qu’ils étaient sincères et, par la même occasion, nous apprenons notre incapacité à aider nos frères jusqu’à ce que nous ayons pris clairement et ouvertement position contre le mal dans lequel ils ont été pris au piège. La fidélité à Dieu est la première qualité requise pour pouvoir aider les autres.
Esdras demeura ainsi dans l’humiliation profonde, accablé par une douleur indicible, « jusqu’à l’offrande du soir ». Si, d’un côté, il avait le cœur brisé à cause du péché du peuple, de l’autre, il discernait par la foi le seul terrain sur lequel il pouvait s’approcher de Dieu à ce sujet. En un mot, il saisissait l’efficacité du sacrifice comme fondement sur lequel il pouvait paraître devant Dieu pour lui exposer toutes les iniquités des fils d’Israël (cf. 1 Sam. 7:9 ; 1 Rois 18:36, etc.). L’offrande du soir était un holocauste qui, consumé entièrement sur l’autel, montait en odeur agréable à l’Éternel et, dès lors qu’Esdras se tenait devant Dieu dans l’intelligence de la pleine valeur du sacrifice — valeur dans laquelle nous avons en type ce que Christ a été pour Dieu dans sa mort — il était assuré que son intercession était entendue. Le Seigneur lui-même, pour cette raison, a pu dire : « Quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils » (Jean 14:13). C’est alors qu’Esdras, comme s’il comprenait la valeur du sacrifice, se leva de son humiliation et, ayant déchiré sa robe et son manteau, il tomba sur ses genoux, étendit ses mains vers l’Éternel son Dieu et confessa les péchés de son peuple. Examinons un peu les épanchements de ce cœur accablé.
Remarquons, tout d’abord, à quel point il prend la place du peuple devant Dieu. « Mon Dieu » dit-il, « je suis confus, et j’ai honte de lever ma face vers toi, ô mon Dieu ; car nos iniquités se sont multipliées par-dessus nos têtes, et notre coupe a grandi jusqu’aux cieux » (v. 6). Pas même en esprit, il ne se sépare des coupables. Lui et eux — en fait, le peuple tout entier — ne font qu’un, un seul corps devant Dieu. Il en était ainsi aux yeux de Dieu lui-même, car lorsqu’Acan transgressa son commandement, Dieu dit à Josué : « Israël a péché ». Esdras le comprenait et était donc qualifié pour devenir intercesseur en faveur du peuple devant Dieu, car à moins de bien saisir que nous ne faisons qu’un avec le peuple de Dieu, que son péché et sa douleur sont notre péché et notre douleur, nous ne pouvons véritablement les porter sur nos cœurs devant le Seigneur au jour de leur détresse. Ayant ainsi pris leur place, Esdras confessait qu’ils n’avaient cessé de pécher dès les jours de leurs pères, et que le comportement de Dieu en jugement envers eux était la conséquence de leur iniquité lorsqu’il les livra « en la main des rois des pays, à l’épée, à la captivité, et au pillage, et à la confusion de face, comme il paraît aujourd’hui ». Il justifiait Dieu dans toute sa manière d’agir avec son peuple dans le passé, puis il reconnaissait la grâce dont l’Éternel leur Dieu avait fait preuve à leur égard en leur laissant des réchappés et en leur donnant « un clou dans son saint lieu, afin que notre Dieu éclaire nos yeux et nous redonne un peu de vie dans notre servitude, car », ajoute-t-il, « nous sommes serviteurs ; mais, dans notre servitude, notre Dieu ne nous a pas abandonnés, et il a étendu sa bonté sur nous devant les rois de Perse, afin de nous redonner de la vie pour élever la maison de notre Dieu et pour restaurer ses ruines, et pour nous donner des murs en Juda et à Jérusalem » (v. 8-9).
Dans ces confessions d’Esdras, l’ordre suivi est des plus instructifs. Ayant reconnu les péchés de ses frères et justifié Dieu dans ses voies à l’égard de son peuple, aussitôt après il exalte la grâce qui les a visités dans leur bas état et qui les a ramenés — simple résidu qu’ils étaient — dans le pays, leur permettant une nouvelle fois de restaurer la maison de leur Dieu. Mais pourquoi expose-t-il ces preuves de la grâce et de la miséricorde de l’Éternel, sinon pour bien montrer le caractère du péché de son peuple ? En effet, il poursuit : « Et maintenant, ô notre Dieu, que dirons-nous après cela ? Car nous avons abandonné tes commandements ». Puis il confesse qu’ils ont péché à la fois contre la lumière et contre la grâce. Il ne cache rien, ne minimise rien, mais expose tout au grand jour devant Dieu, tout en reconnaissant que si, après toute la grâce dont ils avaient été les objets (v. 13), ils enfreignaient de nouveau les commandements de Dieu et s’alliaient encore avec ces « peuples qui font ces abominations », Dieu, dans son courroux, pourrait aller jusqu’à les consumer, « en sorte qu’il n’y aurait ni reste ni réchappés » (v. 14). Il conclut ensuite en justifiant Dieu une nouvelle fois, et en prenant parti contre lui-même et contre le peuple, disant : « Éternel, Dieu d’Israël, tu es juste, car nous sommes un reste de réchappés, comme il paraît aujourd’hui. Nous voici devant toi dans notre culpabilité, car, à cause de cela, on ne peut se tenir devant toi » (v. 15).
Il y a beaucoup de choses, dans cette confession inspirée, à recommander à l’attention des enfants de Dieu. Les caractères principaux en ont déjà été indiqués, mais nous désirons insister sur le fait qu’Esdras, du début jusqu’à la fin, justifie Dieu et met à nu devant lui les iniquités de son peuple Cette déclaration n’est pas seulement une preuve de l’action du Saint Esprit, mais aussi un gage de bénédiction. Là où il y a confession, il y a toujours aussi restauration et puissance spirituelle, d’où le fait que c’est toujours un signe de mauvais état spirituel lorsque l’on ne prend pas cette place devant Dieu. Arrêtons-nous donc un moment pour nous interroger nous-mêmes. Nous avons plus d’une fois fait remarquer l’analogie qui existe entre ce résidu et celui qui se réunit aujourd’hui au nom du Seigneur Jésus Christ. N’en existe-t-il pas une également entre leurs péchés respectifs ? Et n’est-ce pas le fait que nous nous sommes largement alliés avec les gens du monde ? N’avons-nous pas adopté leurs habitudes, leurs manières d’agir et leurs coutumes ? La mondanité n’est-elle pas notre gangrène ? L’Égypte n’a-t-elle pas laissé ses traces partout dans l’Assemblée ? Ne faisons-nous pas plus grand cas des richesses et de notre rang social que des fruits de l’Esprit ? De plus, n’est-ce pas chose rare, dans nos réunions, que nous confessions véritablement nos péchés (nous ne parlons pas de nos péchés individuels, mais des péchés du peuple de Dieu) ? Bien plus, ne répugnons-nous pas intérieurement à entendre exposer nos péchés devant le Seigneur ? Si, par exemple, les entorses que nous faisons à la Parole de Dieu sont confessées, ainsi que notre mépris de l’autorité de Christ, notre froideur, notre infidélité au Seigneur et à sa vérité, le fait que nous ne sommes pas séparés du monde — si toutes ces choses sont énumérées dans nos réunions de prières, n’y a-t-il pas souvent des signes manifestes d’impatience, des sentiments semblables à ceux exprimés dans Malachie : « En quoi avons-nous fait ceci ou cela ? » Nous ne saurions pourtant apprendre trop tôt cette leçon : que le Seigneur veut la vérité. Si nous sommes aveugles quant à notre état spirituel, lui le voit ; et jusqu’à ce que nous soyons amenés à le reconnaître, il doit, à cause de l’amour même qu’il a pour nous, agir à notre égard en discipline et en châtiment.
Remarquons aussi qu’Esdras ne prie pas une seule fois pour obtenir le pardon. En effet, avec un peu d’intelligence de la pensée de Dieu, il était impossible qu’il priât de la sorte. Lorsqu’il existe un mal connu dans nos cœurs ou dans l’Assemblée, il nous incombe d’abord de le juger, non pas de prier pour être pardonnés. Ainsi, alors que Josué demeurait prostré sur sa face devant l’Éternel après la défaite infligée à Israël par les hommes d’Aï, l’Éternel lui dit : « Lève-toi ; pourquoi te jettes-tu ainsi sur ta face ? Israël a péché… ». Et pourtant, combien de fois Satan ne séduit-il pas les enfants de Dieu, en un temps de mal évident, en leur suggérant, sur le conseil de l’un ou l’autre, de « prier à ce sujet » ! Confessons nos péchés, bien sûr, mais alors recherchons immédiatement la grâce et la force pour agir à l’égard du mal, et nous en séparer ! Et si, dans ce chapitre, nous avons vu Esdras se jeter sur sa face devant l’Éternel, confessant la culpabilité de son peuple, nous le verrons au chapitre suivant plein d’énergie pour régler la question du péché qu’il avait confessé, sans prendre de repos jusqu’à ce qu’il soit ôté.
L’Éternel se servit de la douleur de son serviteur pour atteindre la conscience de son peuple, coupable d’avoir transgressé ses commandements, car en vérité, la douleur d’Esdras n’était pas une douleur ordinaire. Tout indique qu’il souffrait intensément, car il « priait et faisait sa confession, pleurant et se prosternant devant la maison de Dieu ». Par sa prière, sa confession, ses larmes et sa profonde humiliation devant Dieu, il avait exprimé toute sa douleur à cause des péchés d’Israël, et cela publiquement, « devant la maison de Dieu ». Ceux dont il avait plaidé la cause l’apprirent donc, et « il se rassembla vers lui, d’Israël une très-grande congrégation d’hommes et de femmes et d’enfants, car le peuple pleurait beaucoup » (v. 1).
Apparemment, les larmes des fils d’Israël avaient pour cause soit une réelle contrition, soit la crainte des conséquences de leurs méfaits. Esdras était revêtu d’autorité (cf. ch.7:25-26), et son zèle pour son Dieu avait été démontré. Ils savaient donc qu’il en viendrait à les séparer du mal dont il s’était humilié devant Dieu, ce qui entraînerait pour beaucoup d’entre eux les plus amères conséquences. Bien qu’ils aient agi selon leur propre volonté, et désobéi, leurs cœurs étaient sans doute sincèrement attachés aux femmes qu’ils avaient épousées, ainsi qu’à leurs enfants. Se séparer d’eux impliquait donc peut-être la rupture des liens les plus tendres, perspective qui avait bien de quoi les faire pleurer ! Que ce soit là l’explication de leurs larmes est assez évident, puisque les femmes et les enfants se trouvaient parmi la congrégation qui s’était rassemblée autour d’Esdras. Hélas ! qu’il est difficile de revenir sur ses pas lorsqu’on a été infidèle et qu’on a péché, et que de fois les fruits amers d’une telle conduite demeurent jusqu’à la fin de notre vie !
Il y en avait cependant qui voyaient la nécessité de passer tout de suite à l’action dans cette affaire, et à n’importe quel prix, sachant, comme ils en étaient certainement conscients, que l’Éternel ne pouvait les bénir ni les faire prospérer dans le pays tant qu’ils vivaient en profanant ouvertement ses commandements. « Et Shecania, fils de Jekhiel », lisons-nous, « des fils d’Elam, prit la parole et dit à Esdras : Nous avons été infidèles à notre Dieu, et nous avons pris des femmes étrangères d’entre les peuples du pays. Mais maintenant, il y a espérance pour Israël à cet égard. Et maintenant, faisons alliance avec notre Dieu pour renvoyer toutes les femmes et ceux qui sont nés d’elles, selon le conseil de mon seigneur et de ceux qui tremblent aux commandements de notre Dieu, et qu’il soit fait selon la loi. Lève-toi, car la chose repose sur toi, et nous serons avec toi ; sois fort et agis » (v. 2-4).
Plusieurs points de ce discours de Shecania sont dignes de retenir notre attention. Tout d’abord, il vaut la peine de remarquer, comme on l’a signalé dans le chapitre précédent, la manière dont l’Éternel se sert du zèle pieux d’un seul homme pour en amener d’autres à prendre conscience de leur état. Avant l’arrivée d’Esdras, leur conscience à tous semble avoir été émoussée. Pas même Jéshua ni Zorobabel ne semblent avoir été troublés par le péché qui régnait parmi eux. Esdras était seul — décidé à le rester s’il le fallait — à prendre le parti de Dieu contre la transgression du peuple. Mais cela demandait du courage ainsi qu’un œil simple, deux qualités qu’Esdras, par grâce, possédait ; et Dieu était avec lui dans ce chemin qu’il avait choisi. Et maintenant, nous voyons l’effet produit : Shecania s’avança, au nom des fils d’Israël, reconnaissant leur péché et acceptant la nécessité de se soumettre à la Parole, tandis qu’à ses côtés se tenaient ceux qui tremblaient aux commandements de Dieu (auxquels il est fait allusion au chapitre 9 verset 4) et qui avaient été attirés aux côtés d’Esdras. Aux mauvais jours, le seul chemin de la bénédiction — et même de la réussite, au sens divin du mot — est le chemin de la fidélité.
En second lieu, on peut remarquer que les femmes et ceux qui étaient nés d’elles devaient être renvoyés. Celles-ci, n’étant pas d’Israël, étaient impures, et les enfants issus de ces mariages mixtes étaient eux aussi considérés comme impurs.
Cela se passait sous la loi, mais maintenant, sous la grâce,
c’est l’inverse. Non pas qu’un chrétien soit libre de s’allier par mariage avec
une personne incrédule, mais, comme l’enseigne l’apôtre, « le mari
incrédule est sanctifié par la femme, et la femme incrédule est sanctifiée par
le frère, son mari ; puisque autrement vos enfants seraient impurs ;
mais maintenant, ils sont saints » (1 Cor. 7:14). C’est-à-dire que, si des
maris ou des femmes, convertis après leur mariage, se trouvent unis à des
inconvertis, la directive ci-dessus s’applique à leur cas. Sous la loi, comme
dans le passage placé devant nous, la femme païenne et ses enfants devaient
être renvoyés ; mais sous la grâce, la femme incrédule est sanctifiée par
son mari et les enfants sont saints. On comprendra aisément que la sanctification
dont il est ici question est d’un caractère purement extérieur, de même que la
sainteté des enfants. Sous la loi, les femmes et les enfants étaient renvoyés
parce qu’ils étaient impurs, et ne pouvaient, comme tels, être admis dans la
congrégation d’Israël ; mais sous la grâce, la femme inconvertie est
sanctifiée par son mari, et, de ce fait, considérée comme mise à part pour
Dieu, avec son peuple sur la terre. Il en est de même pour les enfants (*) : ils sont saints, c’est-à-dire séparés du
monde par la mort et la résurrection de Christ et, par conséquent, estimés sur
la terre
comme appartenant à son peuple.
(*) Il y a une différence entre la sanctification de la femme ou du mari, et la sainteté des enfants : la première est relative tandis que la seconde est absolue.
Si cette sainteté est purement extérieure, sans aucune puissance salvatrice en elle-même, comme c’est sûrement le cas — car le salut est toujours lié à l’exercice personnel de la foi dans le Seigneur Jésus Christ — elle confère cependant à celui qui en est l’objet l’inestimable privilège d’être là où se trouve la bénédiction, dans la sphère où le Saint Esprit demeure et agit. La grâce ne saurait être resserrée dans les limites étroites de la loi, comme notre Seigneur lui-même nous l’a appris lorsqu’il dit : « Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin nouveau rompra les outres, et il se répandra, et les outres seront perdues ;… » (Luc 5:37). Combien il nous est précieux d’apprendre que le cœur de Dieu s’intéresse à tous ceux qui sont unis par des liens naturels à son peuple, sur la terre !
Remarquons aussi que Shecania reconnaît l’autorité de la Parole. « Qu’il soit fait », dit-il, « selon la loi ». Le rétablissement de l’autorité de la loi sur les voies, sinon sur les cœurs et les consciences du peuple, était le but de la mission d’Esdras (chap. 7:10), et Dieu lui avait maintenant fourni une aide dans la personne de Shecania. Il n’y a, en vérité, aucun autre moyen d’amendement parmi le peuple de Dieu. Au cours des siècles, comme on peut l’observer dans chaque dispensation, des coutumes, des maximes humaines, des traditions et autres choses de ce genre sont adoptées aux dépens de la Parole écrite (cf. Matt. 15 ; 1 Tim. 4), engendrant beaucoup de corruption, aussi bien dans les cœurs et dans les vies que dans le gouvernement de la maison de Dieu. Le seul remède, dans les temps d’abandon, est donc de mettre rigoureusement en pratique cette Parole « vivante et opérante, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants », et de dire non à tout ce qu’elle condamne. De cette manière également les âmes elles-mêmes sont amenées dans la présence de Dieu, prennent conscience de ses droits, et sont encouragées à écouter « ce que l’Esprit dit aux assemblées ». La conscience de chacun est réveillée, éclairée et, par l’action de l’Esprit de Dieu, tous ceux qui tremblent à la parole de l’Éternel (ch. 9:4) sont attirés l’un vers l’autre dans le seul et même désir que le nom de l’Éternel soit honoré et sa suprématie rétablie. Ainsi le conseil de Shecania venait de Dieu, fruit d’une juste perception de la cause des péchés d’Israël et de ce qui était dû à celui dont le nom avait été profané par les transgressions de son peuple.
Finalement, c’est lui qui pousse Esdras à agir. « Lève-toi », dit-il, « car la chose repose sur toi, et nous serons avec toi ; sois fort et agis (v. 4). De quelle reconnaissance ces paroles durent-elles remplir le cœur accablé d’Esdras ! Il ne fait aucun doute qu’il vit en elles l’intervention de Dieu en réponse à ses prières. Il avait en effet appris où était la source de toute sagesse et de toute force ; aussi se tourna-t-il vers l’Éternel avant de chercher à remédier au mal qui prévalait-au milieu d’Israël. C’est pourquoi l’Éternel alla devant lui, préparant le chemin et inclinant le cœur du peuple à confesser, puis à ôter son péché. Il est inappréciable d’apprendre, comme l’a fait Esdras, que rien ne peut être accompli pour Dieu par la simple énergie humaine, que c’est seulement dans la mesure où Dieu lui-même donne la sagesse, la force et le discernement, en même temps que l’occasion, que nous pouvons accomplir quoi que ce soit.
Esdras ne manqua pas de saisir l’occasion que l’Éternel avait ainsi placée devant lui, « et il fit jurer aux chefs des sacrificateurs, des lévites, et de tout Israël, d’agir selon cette parole ; et ils jurèrent » (v. 5). Ainsi les obligea-t-il, par un serment solennel, à tenir leur promesse. On ne peut qu’être frappé par la force spirituelle dont fit preuve cet homme seul. Le secret de cette force, c’est qu’Esdras était en communion avec la pensée de Dieu, prenant fidèlement son parti au milieu de l’infidélité générale. C’est pourquoi Dieu était avec son serviteur et œuvrait avec lui. Apparemment, Esdras était quasiment seul, mais en vérité Dieu était avec lui, et c’est ainsi que les cœurs des fils d’Israël s’inclinèrent devant lui. Quelle différence lorsque nous laissons Dieu intervenir ! Plus d’un serviteur pourrait être découragé devant l’opposition et les difficultés auxquelles il est confronté, mais dès qu’il lève les yeux vers le Seigneur, il apprécie tout en fonction de lui et, aussitôt, les obstacles qui faisaient son désespoir ne sont plus pour sa foi que des occasions de manifester la puissance de celui en qui il a mis sa confiance. C’est pourquoi notre seul souci devrait être de veiller à ce que, comme Esdras, nous travaillions avec Dieu.
Le travail, cependant, n’était pas encore fait, et la douleur d’Esdras persista aussi longtemps que demeura le péché, car Esdras ressentait au plus profond de son cœur le déshonneur jeté sur le nom de son Dieu. Alors, lisons-nous, « Esdras se leva de devant la maison de Dieu, et alla dans la chambre de Jokhanan, fils d’Éliashib ; et il entra là : il ne mangea point de pain et ne but point d’eau, car il menait deuil sur le péché de ceux qui avaient été transportés » (v. 6). Esdras ressentait selon Dieu, le péché de son peuple et, pour cela, Dieu l’habilita à séparer son peuple de son péché. Quand le Seigneur descendit de la montagne et qu’il chassa le démon du jeune homme lunatique, ses disciples lui demandèrent : « Pourquoi n’avons-nous pu le chasser ? » Jésus leur répondit : « À cause de votre incrédulité », puis, après leur avoir déclaré que par la foi il était possible de transporter des montagnes, il ajouta : « Mais cette sorte ne sort que par la prière et par le jeûne ». Nous pouvons dire, assurément, qu’un esprit impur était entré en Israël en ces jours-là, et c’est précisément parce qu’Esdras s’était tenu devant Dieu, priant et jeûnant, que Dieu avait pu se servir de lui pour le chasser. N’est-ce pas là le secret de toute puissance spirituelle ? Il n’y a, en vérité, aucune puissance en dehors de moments passés seuls avec Dieu. C’est pourquoi le manque de puissance trahit toujours le fait que nous avons bien peu ressemblé à Esdras tel qu’il apparaît dans ce passage !
Là-dessus, « on fit passer en Juda et à Jérusalem un appel à tous les fils de la transportation de se rassembler à Jérusalem » dans les trois jours sous peine de confiscation de tous leurs biens et d’exclusion de la congrégation, en cas de désobéissance (v. 7-8). Tous vinrent, « tous les hommes de Juda et de Benjamin », le neuvième mois, le vingtième jour du mois. Ce dut être une scène frappante, dont on se souviendrait sans effort, que celle qui est ici décrite : « Et tout le peuple était assis dans la place de la maison de Dieu, tremblant à cause de cette affaire et à cause des pluies ». Leur inconfort physique ne faisait qu’ajouter à leur détresse morale. Esdras se leva et s’adressa à eux, les accusant d’abord d’avoir péché (v. 10), puis les engageant à en faire confession à l’Éternel, le Dieu de leurs pères. « Et faites ce qui lui est agréable, et séparez-vous des peuples du pays et des femmes étrangères » (v. 11). Sa pensée allait donc d’abord à ce qui était dû à l’Éternel ; mais si le peuple se confessait à Dieu, il devait aussi se soumettre à sa volonté. Trop souvent l’âme s’illusionne elle-même : elle confesse son péché sans le juger. Esdras était trop versé dans la Parole et dans les voies de Dieu pour permettre cela, d’où l’obligation pour le peuple de se juger et de se séparer du mal tout en le confessant. L’ordre suivant lequel devait s’opérer cette séparation est également très instructif : « séparez-vous des peuples du pays et des femmes étrangères ». Étant donné que le péché consistait à avoir épousé ces femmes étrangères, on aurait pu penser que celles-ci seraient mentionnées les premières. Mais quelle avait été la cause de ces mariages, sinon l’association avec les peuples du pays ? Là était la racine du mal, et c’est pourquoi Esdras s’en occupe d’abord. Ainsi, toutes les fois que l’on s’est éloigné de Dieu, il n’y a ni gain ni restauration possible jusqu’à ce que la racine du mal soit découverte. Le Seigneur lui-même a parfaitement illustré cette vérité dans sa manière d’agir pour restaurer Pierre : Il lui demanda trois fois : « M’aimes-tu ? » ajoutant même une fois : « plus que ne font ceux-ci ? », pour juger la cause profonde de sa chute, à savoir la confiance de Pierre dans son propre amour pour Christ, qu’il croyait plus grand que celui des autres. Esdras agit selon ce même principe lorsqu’il exigea que le peuple se sépare, en premier lieu, des peuples du pays.
La puissance de Dieu était manifestement encore avec son serviteur. Le peuple accéda à la demande de celui-ci, car ils avaient été amenés à comprendre que « l’ardeur de la colère » de leur Dieu était sur eux à cause de leurs péchés : « Oui, à nous de faire selon tes paroles », répondirent-ils. Ils alléguèrent seulement l’impossibilité d’exécuter le travail sur-le-champ car, dirent-ils, « le peuple est nombreux, et c’est la saison des pluies, et il n’y a pas moyen de se tenir dehors ; et ce n’est pas l’œuvre d’un jour ni de deux, car nous avons grandement péché dans cette affaire. Que nos chefs donc, pendant cette affaire, se tiennent là pour toute la congrégation, et que tous ceux qui, dans nos villes, ont pris des femmes étrangères, viennent à des époques déterminées, et avec eux les anciens de chaque ville et ses juges, jusqu’à ce que l’ardeur de la colère de notre Dieu soit détournée de nous » (v. 12-14).
On se rendit à la demande et à l’avis du peuple, et nous trouvons ensuite les noms de ceux qui furent employés pour régler cette affaire (*). Un peu plus loin, nous lirons qu’« Esdras, le sacrificateur, et des hommes qui étaient chefs des pères, furent séparés selon leurs maisons de pères, et tous par leurs noms. Et ils s’assirent le premier jour du dixième mois, pour examiner l’affaire ; et, le premier jour du premier mois, ils en eurent fini avec tous les hommes qui avaient pris des femmes étrangères ». Ainsi donc, en deux mois, le travail fut achevé. Après cela est donnée la liste des noms de ceux qui avaient péché, à propos de laquelle il y a quelques remarques à faire.
(*) Il n’est pas certain que ceux qui sont nommés au v. 15 ne se soient pas plutôt opposés à la proposition du peuple. Une des versions de la Bible dit : « s’opposèrent à cela ». Il est en revanche certain qu’Esdras et les chefs des pères firent le travail.
Tout d’abord, les noms des sacrificateurs qui étaient tombés dans le péché sont rapportés, et ces derniers sont divisés en deux classes. Au verset 18, il est question « des fils de Jéshua, fils de Jotsadak, et de ses frères » et, aux versets 20-22, d’autres sacrificateurs (cf. chap. 2:37-40). Les premiers, à ce qu’il semble, étaient tenus pour les plus coupables, et cela non sans raison, car Jéshua, par la grâce de Dieu, avait été associé à Zorobabel, tous les deux étant à la tête du peuple pour bâtir la maison de Dieu. Cela montre à quel point ils avaient perdu conscience du caractère de leur péché, car « les lèvres du sacrificateur gardent la connaissance, et c’est de sa bouche qu’on recherche la loi, car il est le messager de l’Éternel des armées » (Mal. 2:7). Or, dans le cas présent, les sacrificateurs avaient corrompu le peuple par leur mauvaise conduite. Mais alors que l’on statuait sur leur cas, « ils s’engagèrent à renvoyer leurs femmes, et ils offrirent pour leur faute, un bélier du troupeau comme offrande pour le délit ». On remarquera que cela n’est dit que de ceux de la famille de Jéshua. Les noms des autres sacrificateurs, lévites, chantres, portiers et fils d’Israël, sont simplement énumérés.
Cela nous conduit à faire cette seconde remarque : rien n’échappe au regard de Dieu. Par lui, toutes nos actions sont pesées et enregistrées pour être un jour manifestées, soit pour magnifier sa grâce, soit (en tenant compte des incroyants) comme motif d’un juste jugement. « Car il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal » (2 Cor. 5:10).
Remarquons pour finir que, bien qu’Esdras continue à travailler au milieu de son peuple — comme on peut le constater d’après Néhémie 8:1 — il n’apparaît plus comme le personnage principal, c’est-à-dire le chef. En même temps que ce chapitre, son service particulier prend fin. Esdras le discerne, ce qui demande une grande grâce. La tentation, lorsque le Seigneur utilise un de ses serviteurs pour quelque service public particulier, c’est de croire qu’il doit nécessairement rester au premier rang. Si le serviteur succombe à cette tentation, il s’attire de la souffrance et mène le peuple à la ruine. Le Seigneur peut en envoyer un aujourd’hui, et un autre demain. Béni est le serviteur qui sait reconnaître, comme le fit Esdras, le moment où sa mission particulière est achevée, et qui accepte, comme Jean le Baptiseur, de servir désormais à n’importe quoi, ou même à rien, pourvu que son Seigneur soit glorifié.