Table des matières :
1 - Juger ses frères — Matt. 7:1-5
2 - Le Corps du Racheté — 1 Cor. 6:15-20
3 - MAIS TOI… — 2 Tim. 3:10, 14 ; 4:5
4 - La Nuit, l’Aube et le Jour — Psaume 22
6 - Il faut qu’Il croisse — Jean 3:29-30
7 - L’Esprit — Galates 5:16-26
8 - Seul avec LUI — Tous les Siens avec LUI
9 - Les Murmures —1 Cor. 10:10
11 - « Avoir de saines pensées » — Rom. 12:3
12 - La Puissance et la Communion — Marc 9:1-8
13 - La FOI de Jonathan et la RELIGION de Saül — 1 Samuel 14
14 - La Connaissance — 1 Corinthiens 8:1
16 - Nos Ennemis — Psaume 139:21-24
17 - Le TÉMOIGNAGE — Apoc. 3:14
18 - LE VOIR, LE CONSIDÉRER, FIXER les YEUX sur LUI — Héb. 2:9 ; 3:1 ; 12:2
19 - Christ serviteur — Marc 1:14-45
22 - La MONDANITÉ — Philippiens 3:17-21
23 - La Délivrance — Psaume 107
25 - Le Chrétien charnel — 1 Cor. 3:1-6
26 - Ce qui nous SÉPARE du MONDE
27 - Y a-t-il de la BONTÉ dans l’HOMME — Actes 28:1-10
28 - Psaume 77 — Danger des comparaisons
30 - Les révélations et la vie secrète… — Jean 20-21
31 - L’Épée à deux Tranchants — Hébr. 4:12-13
32 - Trois Demeures — Psaumes 71 * 84 * 27
33 - Le Juge Inique — Luc 18:1-8
34 - Le Pharisien et le Publicain — Luc 18:9-14
35 - TRIOMPHE FINAL de la GRÂCE — Matth. 23:37-39
37 - Le SUBSTITUT — Psaumes 51 * 22 * 32
38 - La Nourriture et la Marche
39 - La COMMUNION, BASE du TÉMOIGNAGE — Apoc. 3:20
H. Rossier — Courtes méditations — n°1
ME 1921 p. 193-194
J’ai pensé bien des fois à publier de « Courtes méditations » (c’est ainsi que j’en ai conçu le titre) soit sur les expériences journalières de nous-mêmes, que la parole de Dieu nous oblige à faire, soit sur les connaissances nouvelles que cette même Parole nous apporte chaque jour au sujet de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Ces lumières-là sont bonnes et utiles aux hommes et l’on n’a jamais lieu de s’en repentir. D’un côté, elles maintiennent nos âmes dans une humilité salutaire, de l’autre, elles les introduisent dans une sphère de paix et de bonheur à laquelle l’Ennemi des élus n’a pas d’accès, sphère de joies pures et sans mélange qui seront notre part éternelle.
Dans le passage que nous venons de lire, il s’agit d’un sujet presque journalier : de nos relations avec nos frères. En les jugeant, nous nous faisons juger nous-mêmes. Il nous est toujours défendu de juger des motifs de leurs actions, car nul ne les connaît qu’eux-mêmes et Dieu, mais bien plus, nous ne sommes nullement autorisés à supposer à leurs actes de mauvais motifs. Une fois ou l’autre le jugement dont nous avons jugé nos frères et la mesure dont nous les avons mesurés, nous seront appliqués, que cette sentence vienne de Dieu ou des hommes. Peut-être Dieu se servira-t-il pour cela, à notre confusion, des frères que nous avons jugés nous-mêmes. Nous n’avions pas usé de miséricorde envers eux et nous voilà étonnés, confus, accablés, de nous voir jugés par eux sans miséricorde. Cela même qui était juste dans nos appréciations nous est contesté par eux, et c’est justice. N’avions-nous pas agi de même à leur égard ?
Mais il y a pis que cela.
Découvrir les défauts de nos frères est tout simplement de l’hypocrisie
. Nous passons sous silence nos
propres défauts que tout le monde voit sauf nous-mêmes ; une poutre dans
notre oeil qui nous aveugle — et nous examinons à la loupe les manquements de
nos frères ! Souvent cet acte se revêt des couleurs de la charité : « Permets,
j’ôterai
le fétu de ton oeil ».
Souvent aussi, nous cherchons, par cet esprit de jugement, à cacher notre
« poutre » aux yeux des autres. C’est une manoeuvre, hélas ! trop connue, de
stratégie : On attaque, pour ne pas être attaqué. Quel frère, appelé à
diriger les autres, n’a pas dû apprendre toutes ces choses pour lui-même, étant
atteint au centuple, et souvent d’une manière injuste, des jugements qu’il a
portés sur ses frères ! Mais, grâce à Dieu, quand il a appris cette leçon,
il la trouve profitable, et comprend cette parole sortie de la bouche du
Maître : « Bienheureux les débonnaires ». Le débonnaire est humble d’esprit,
il ne s’enfle pas, il ne suppose pas le mal, il ne juge pas, il est plein de bonté. La débonnaireté a la
plupart des caractères de l’amour. Jésus était débonnaire et humble de coeur.
En lui l’amour de Dieu a été manifesté.
H. Rossier — Courtes méditations — n°2
ME 1921 p. 205-206
L’apôtre a soin de faire
ressortir dans ce passage, en contraste avec les principes corrupteurs du
paganisme, que ce n’est pas seulement l’esprit et l’âme du chrétien, mais son corps
, qui est un membre de Christ.
Irais-je donc prendre les membres de Christ pour en faire les membres d’une
prostituée ? Quel saint respect le chrétien ne doit-il donc pas avoir pour
son corps, le gardant de tout contact avec la souillure morale
, puisque
ce corps fait partie de Christ ! « Ne savez-vous pas ? » répète
l’apôtre par trois fois. Un tel fait devrait toujours être présent à ma
mémoire, pour me préserver, dans ma conduite, de tout rapport avec la
corruption. Mon corps ne m’appartient pas plus que mon esprit et mon âme. Tous
ensemble ont été achetés à prix — et à quel prix !
L’apôtre ajoute une parole
qui me frappe beaucoup : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple
du Saint Esprit qui est en vous et que vous avez de Dieu ? » Je me demande
si nous nous rendons compte de l’étendue d’une pareille bénédiction. Quoi !
le Saint Esprit, cette personne divine,
est
venu habiter en moi
! Je l’ai reçu de Dieu. Comme jadis
l’Éternel est venu habiter dans son temple, à Jérusalem, il lui a plu — chaque
chrétien peut le dire — de venir élire domicile ici-bas dans mon corps
! Ce
n’est pas seulement que le peuple de Dieu comme ensemble, comme étant
l’Église, est le temple du Dieu vivant (Éph. 2:21 ; 2 Cor. 6:16), mais
l’Esprit l’a formé, en le sanctifiant par la vertu du sang de Christ, pour
devenir son habitation, une habitation digne de cette Personne divine : le
Saint Esprit. Remarquez que mon corps est le Naos
, non pas le Hiéron
,
ou l’ensemble des bâtiments sacrés, mais le sanctuaire
où, comme jadis l’Éternel à
Jérusalem, la personne divine du Saint Esprit habite. Il n’est pas même besoin,
comme jadis sous la loi, au jour des expiations, d’offrir un sacrifice pour
purifier ce sanctuaire, car il l’a été une fois pour toutes aux yeux de Dieu,
par le sacrifice de Christ.
Et moi, devrais-je le
considérer autrement ? Est-ce que je ne sais pas que mon corps est le Naos
du Saint Esprit qui est en moi et que j’ai de Dieu ? Il
est en moi,
mais mon corps est son
sanctuaire comme le temple était le sanctuaire de l’Éternel qui trône entre les
Chérubins. C’est de là que le Saint Esprit, cette Personne divine, déploie ses
infinies ressources, toute son activité, toute sa puissance, pour me venir en
aide, me diriger, m’instruire, me conduire dans toute la vérité, me mettre en
rapport avec les objets célestes, et combien d’autres choses encore, car ses
fonctions se diversifient à l’infini.
Qu’ai-je fait jusqu’ici de ce divin hôte ? L’ai-je traité avec la crainte et la vénération qui lui sont dues ? Quand l’Esprit m’a parlé de mon corps comme de son temple, l’ai-je écouté ? Ai-je réduit l’Esprit au seul rôle de convoiter contre la chair, afin de m’empêcher de pratiquer les choses que je voudrais ? Ou bien, le sachant dans ce temple, ai-je été attentif à éviter tout acte du corps qui le déshonorerait ? Quelle réponse ferai-je à ces questions ?
Dirige donc, ô Dieu, par ton Esprit, mes pensées, mes paroles et ma plume, afin que tu sois continuellement glorifié dans mon corps qui est Son temple !
H. Rossier — Courtes méditations — n°3
ME 1921 p. 217-218
Nous traversons les temps fâcheux
que l’apôtre nous signale dans cette épître. Les hommes qui constituent la
chrétienté ont entre leurs mains la Parole de Dieu, c’est-à-dire la vérité.
Cette vérité
qui est la forme, ou
plutôt le pouvoir formatif
de
la piété,
ils l’ont, mais n’en font
aucun usage pour pousser les âmes, y compris les leurs, vers la piété, ils en
ont renié la puissance, aussi ceux qu’ils enseignent apprennent-ils toujours
sans parvenir à la connaissance de la vérité. La chrétienté actuelle est
dominée par la corruption morale
dont
l’apôtre fait un triste tableau (3:6-7), et par la corruption spirituelle
d’hommes qui résistent à la vérité, étant
corrompus dans leur entendement (3:8).
Devant le tableau si sombre de la chrétienté, combien il est consolant de savoir que Dieu nous a tracé un chemin lumineux au milieu de ces ténèbres. Ce chemin, les enfants de Dieu sont appelés à le suivre individuellement, comme Timothée ; il est parfaitement selon le coeur de Dieu et Jésus Christ peut y être honoré et exalté comme aux plus beaux jours de l’histoire de son Assemblée.
Trois choses caractérisent le témoin actuel au milieu de la ruine. Elles sont marquées par le mot : « Mais toi… » adressé trois fois par l’apôtre à son fidèle disciple et compagnon d’œuvre :
1°
« Mais toi
(3:10), tu as pleinement compris
ma doctrine » ; c’est-à-dire : tu ne t’es
pas borné à la connaître
; tu te l’es appropriée comme faisant partie de toi-même ; tu l’as suivie et
mise en pratique.
L’apôtre avait toujours conformé sa conduite
à son enseignement
; Timothée avait fait de même. Le but
de l’apôtre était Christ dans la
gloire, et il faisait une seule chose : oubliant ce qui est derrière, il
courait en avant pour le saisir. Sa foi
, son support,
sa patience
,
marchaient
de pair avec l’amour,
avec cet amour qui supporte tout,
croit tout, endure tout, même au prix des souffrances et des persécutions.
Tout cela se résumait en un
mot pour Timothée : Il réalisait son
christianisme,
exprimé dans la parole, les enseignements et la vie de
l’apôtre.
2°
« Mais toi
(3:14), demeure dans les
choses que tu as apprises ». Timothée est exhorté à faire, pour ainsi dire, son domicile dans ces choses, à ne
s’en écarter en aucune manière, tenant
ferme l’absolue inspiration des Écritures,
car c’est par ces dernières que
l’homme de Dieu est accompli et parfaitement accompli pour toute bonne oeuvre.
3°
« Mais toi
(4:5), sois sobre en toutes
choses, etc ». Chacun de nous est exhorté à accomplir son service jusqu’au bout,
sans défaillance, et
c’est ce que Timothée avait sous les yeux dans le témoignage de l’apôtre qui
approchait de sa fin.
Puissions-nous dire, comme lui et son cher Timothée : « J’ai accompli pleinement mon service ! »
H. Rossier — Courtes méditations — n°4
ME 1921 p. 229-231
Le Psaume 22° décrit les trois phases d’une journée symbolique, remplie par la personne et l’oeuvre de notre bien-aimé Sauveur. La première phase est la nuit, vers. 1-21 ; la seconde est l’aurore, vers. 21-24 ; la troisième le plein midi, vers. 25-31.
Dans la première partie nous voyons le Christ, l’homme saint du Ps 16, l’homme juste du Ps. 17, abandonné de son Dieu, du Dieu saint (*) dans lequel il avait mis sa confiance. La nuit la plus épaisse s’est étendue sur le monde (Matt. 27:45) ; cet homme, l’homme parfait est comme rejeté dans les ténèbres du dehors. Devenu un pauvre être sans défense, il est accablé sous la souffrance la plus terrible, si aiguë que son coeur est comme de la cire, fondu au dedans de ses entrailles, et que son anéantissement ressemble à la poussière même de la mort. — Et cependant pas un instant sa confiance ne l’abandonne. Délivre-moi, s’écrie-t-il, au sein même de la détresse. « Délivre mon âme de l’épée », de l’épée du jugement brandie contre lui par la main de Dieu lui-même (Zach. 13:7). « Délivre mon unique de la patte du chien », de la troupe des hommes brutaux et violents, sans pitié, sans honte, sans pudeur, ameutés contre lui. « Sauve-moi de la gueule du lion », de Satan lui-même qui cherche à le dévorer. Tel est le tableau de l’expiation. Un seul Être pouvait comprendre et sonder cet abîme dans toute son horreur : Celui auquel s’adresse un de nos Cantiques en ces termes :
Tu souffris, ô Jésus, Sauveur, Agneau, Victime ;
Ton regard infini sonda l’immense abîme,
Et ton coeur infini, sous ce poids d’un moment,
Porta l’éternité de notre châtiment.
(*) Le mot El
, le Dieu fort en sainteté
(différent
d’Élohim le Dieu créateur) qui revient continuellement dans les Psaumes, est
fort souvent prononcé par Christ homme (voyez v. 1, 3, 10).
Il meurt, il a succombé entre
les cornes des buffles. Mais son Dieu lui répond, non pour le sauver de
la mort, mais du sein
de la mort, pour le tirer, en résurrection, hors
de la mort
. La rédemption est accomplie, la nuit est terminée, l’aurore se
lève à l’horizon (v. 21-24).
Quel contraste ! Devant
nos yeux s’ouvre un paysage merveilleux ! Le ciel est sans nuages, d’une
fraîcheur à nulle autre pareille, d’une pureté absolue ; la terre est
éclairée par la splendeur de l’aurore. « J’annoncerai ton nom à mes frères ».
C’est le ciel ! Le premier-né d’une famille céleste se présente avec elle dans
le ciel
devant son Dieu qui est leur Dieu, devant son Père qui est leur
Père. « Je te louerai au milieu de l’Assemblée » ; Il s’associe aussi avec
cette famille sur la terre
pour entonner le Cantique de délivrance que
lui seul connaît en entier, lui, le Ressuscité d’entre les morts ! Sa voix
trouve un écho dans le coeur et dans la bouche de tous ses bien-aimés.
Et voici maintenant le soleil
qui se lève (v. 25-31), un jour sans nuages, le soleil de justice avec la santé
dans ses ailes ! La terre est inondée de sa gloire comme le fond de la mer
des eaux qui la recouvrent. Une fête nouvelle est célébrée. C’est la fête des
tabernacles, la seule qui soit appelée l’assemblée solennelle, la fête du huitième
jour, la grande congrégation
(Lévit. 23:36 ; Ps. 40:9-10). Son
peuple l’a reconnu, les familles des nations se prosternent devant lui. Sa
louange s’élève de siècle en siècle de la terre jusqu’au ciel !
Cependant il y a mille fois
plus de fraîcheur dans l’étoile brillante du matin, dans le lever du jour, dans
le triomphe de la grâce
pour introduire la gloire céleste, que dans le
plein jour, dans le triomphe de la justice
pour établir la gloire
terrestre millénaire !
H. Rossier — Courtes méditations — n°5
ME 1921 p. 241-242
Quand on étudie les Psaumes on en découvre à tout moment qui, en quelques versets, embrassent des sujets immenses. Ces Psaumes ont généralement pour sujet la personne de Christ et les bénédictions que cette personne nous communique. Tel est, par exemple, le Ps. 16 où nous trouvons Jésus, comme parfait serviteur et modèle pour nous dans la carrière du service. Tel est le Ps. 22 qui nous présente Christ comme victime, accomplissant seul l’oeuvre du salut, puis comme Sauveur ressuscité, associant les siens, jusqu’aux extrêmes limites du siècle à venir à tous les résultats de son oeuvre. Tel est le Ps. 110 où Christ est assis à la droite de Dieu, faisant participer les siens à tous les résultats de la position qu’il a prise, vrai Melchisédec, Chef de l’Église laquelle est son corps, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous.
Le Ps. 23 appartient aussi à cette catégorie de Psaumes. Nous y voyons le Seigneur parcourant personnellement toute la carrière des brebis, prenant connaissance de leurs besoins, évaluant leurs ressources, sondant les dangers de la route, l’explorant jusqu’au bout, surmontant lui-même tous les obstacles afin de pouvoir ensuite se mettre à leur tête. Comme le bon Berger il les désaltère, pourvoit à leur repos et à leur nourriture, les conduit, pour l’amour de son nom dans des sentiers que le péché ne peut aborder, les dirige et les console dans l’épreuve de la sombre vallée, leur dresse une table au milieu du désert, et leur fait part des dons de son Esprit.
Ce Psaume embrasse donc toute la marche
du chrétien ici-bas, comme le Ps. 16 embrasse tout son service.
Le Seigneur a passé
dans ce chemin et le connaît bien ; il ne nous cache pas qu’il est hérissé
de difficultés. « Vous avez de la tribulation dans le monde » , nous dit-il, mais
il ajoute : « Ayez bon courage, moi j’ai vaincu le monde ».
Au Ps. 24, nous trouvons la
description de cette « maison de l’Éternel », dans laquelle la brebis « habitera
pour de longs jours » (Ps. 23:6). Qui y entrera ? C’est le Seigneur
lui-même, le fort et le puissant ; c’est lui, le Roi de gloire ! Les
portes élèveront leurs linteaux à sa taille pour qu’il puisse passer à travers
leur arche triomphale. L’Esprit de Dieu veut remplir nos yeux de la vision de
cette gloire. Mais cette gloire, il nous la donne
. Nous entrerons avec Lui
dans
« le lieu de sa sainteté » ; nous nous y tiendrons avec Lui.
Voyez comme ces trois Ps. 22, 23 et 24 se tiennent ! Ils nous conduisent après l’ignominie de la croix, dans les bénédictions de la résurrection, et à travers toute notre carrière terrestre, jusqu’au lieu où le chemin se termine dans la gloire du Fils de Dieu et de la maison du Père !
H. Rossier — Courtes méditations — n°6
ME 1921 p. 253-254
Peu d’hommes ont eu de Jésus
une appréciation plus élevée, plus exempte de toute pensée personnelle, que
Jean Baptiste. Il avait devant ses yeux l’Époux, sachant que l’Épouse avait
avec lui une relation beaucoup plus intime que n’était la sienne. Mais sa
position d’infériorité quant à la relation, était pour lui une occasion
d’admirer encore davantage le caractère du Seigneur. Il partageait, comme un
ami intime qui connaît à fond le coeur de son ami, tout ce qui faisait la joie
de ce dernier : Avoir trouvé une compagne selon son coeur, dont il pût
dire : « Cette fois, celle-ci est os de mes os et chair de ma chair ! »
II assistait en ami
à ce triomphe d’un amour dont il n’était pas
l’objet, mais dont son ami lui avait fait la confidence, car ce dernier n’avait
pas de secrets pour lui et avait pleine confiance en sa discrétion. Lui, Jean,
l’ami de l’époux est entièrement dominé par le mérite sans pareil de Celui
qu’il connaît si bien. Son coeur déborde de joie à la pensée que son Ami a
trouvé et possède une compagne digne de lui être associée. Que lui importe,
devant un tel objet, sa valeur personnelle ? « Il faut, dit-il, que Lui
croisse et que moi
je diminue ». Pour que Lui ait tout ce qui est dû à
son infini mérite, aucun mérite, aucune dignité quelconque, ne doivent subsister
à côté de Lui ; il doit occuper toute la place.
Il faut souvent aux chrétiens
une longue vie d’expériences humiliantes, pour être amenés à s’exprimer comme
Jean Baptiste. Notre homme naturel a toujours la tendance de s’élever, jamais
le désir de s’abaisser. II n’aime pas à dire comme Jean : « Il faut
que je diminue ». Sous ce rapport le plus grand des apôtres parlait de Christ
comme Jean Baptiste le plus grand des prophètes, et plus fortement encore que
lui. Quant à nous, Dieu nous apprend à parler ainsi, en nous plaçant sous une
discipline salutaire. Si nous avons eu la folie de nous croire quelque chose,
le blâme de nos proches, la critique de nos frères, les remarques d’un monde
perspicace pour nous trouver en faute, nous ont bientôt appris le néant de nos
prétentions. Alors nous comprenons que ces coups de verge nous étaient
nécessaires pour nous faire consentir à donner toute la place au Seigneur. Dieu
nous dépouille contre notre gré pour que ce résultat : « Il faut que Lui
croisse
», soit obtenu : Jean n’avait pas besoin de cette
discipline : il disait : « Il faut
». C’était un besoin de son coeur, fruit de son amour pour le
Seigneur. Nous ne pouvons éprouver de joie
quand la discipline nous
force à reconnaître notre néant et nous prouve qu’en nous estimant nous-mêmes,
en cherchant à croître,
nous avons diminué
notre Sauveur. Jean Baptiste
n’avait qu’un objet, le Seigneur, et, quoiqu’il sût qu’il était lui-même, par
position
, le plus grand des
prophètes, il savait aussi que, personnellement, il n’était pas digne de délier
la courroie de la sandale de Christ, de remplir vis-à-vis de lui l’office du
dernier des esclaves.
H. Rossier — Courtes méditations — n°7
ME 1921 p. 265-268
Si la dispensation actuelle
est l’économie de la grâce, elle peut tout aussi bien être appelée l’économie
de l’Esprit. En effet, cette grande vérité, que le Saint Esprit a été envoyé du
ciel par un Christ assis à la droite de Dieu, domine toutes les autres depuis
que l’oeuvre de la croix a été accomplie. Cependant, chose profondément
humiliante, il n’y a pas de vérité qui soit plus méconnue, en théorie et en
pratique, parmi les enfants de Dieu ! Ils demandent une nouvelle effusion
du Saint Esprit, en contradiction formelle avec le fait que l’Esprit de vérité
nous a été donné, depuis l’ascension du Seigneur à la droite de Dieu, pour être avec nous éternellement
. Ils demandent le Saint Esprit pour chaque
acte de leur vie chrétienne, oubliant que leur corps en est le temple et
niant virtuellement qu’il est en nous pour nous diriger dans toute la vérité
. Ils remplacent la direction du Saint Esprit dans l’assemblée
par des institutions humaines qui en sont la négation, et, chose plus grave
encore, ils ignorent la présence du Saint Esprit pour former en Unité
tous les membres du corps de
Christ ici-bas, en sorte qu’il y ait un seul corps et un seul Esprit. Que
dirai-je ? Cette immense lacune se fait sentir partout dans la chrétienté
d’aujourd’hui. La présence du Saint Esprit est cependant la partie dominante du
témoignage de nos jours que tant de chrétiens ignorent ou méconnaissent, comme
la justification par la foi était la partie dominante du témoignage de la
Réformation.
Je n’essayerai pas de traiter cette vérité autrement que d’une manière fragmentaire et suivant que Dieu m’en fournira l’occasion. Ce n’est qu’en l’envisageant sous toutes ses faces diverses que l’âme du chrétien arrive à se convaincre de son importance. Aujourd’hui je suis attiré par le passage qui se trouve en tête de cette méditation. Je me bornerai comme d’habitude aux quelques points que l’Esprit recommande à mon attention dans cette lecture.
Quelle puissance la
possession du Saint Esprit nous donne ! Quels fruits elle porte en
nous ! Dans quelle liberté elle nous introduit !… Et cela en
contraste avec ce que la chair
peut
nous offrir. Cette dernière a un terrible antagoniste dans la loi
et
cependant la loi n’a jamais pu la maîtriser en quoi que ce soit. Il en est
comme du démoniaque qui, lié aux pieds de fers et de chaînes, rompait les
chaînes et mettait les fers en pièces, et que personne ne pouvait dompter (Marc
5). Ainsi la chair n’a jamais pu s’améliorer, ni se soumettre ; toutes ses
oeuvres sont et resteront mauvaises. La chair n’arrive jamais à d’autre fin que
d’être « bannie du royaume de Dieu ». Elle n’a pour provisions que les passions
qui nous placent sous la domination du mal et les convoitises
qui sont l’amorce des
passions. Quand la chair entre en contact avec l’Esprit, elle n’a jamais
d’autre activité que de convoiter contre lui et de lui refuser absolument toute
soumission : Tel est le tableau de la chair, donné par l’Esprit
saint ! Toute la corruption, toute la violence, toutes les basses et
ignobles passions, tous les sentiments inavouables appartiennent à son domaine.
Et, ce qui prouve l’état désespéré de l’homme, c’est que du côté de cette
sentine (*) s’orientent ses pensées et ses
désirs. Alors l’homme ayant parfois la nausée de sa vie passée, l’Esprit de
Dieu en profite (quelle grâce !) pour le faire soupirer après une
délivrance.
(*) note Bibliquest : sentine = partie de la cale d’un navire où s’amassent les eaux
Et quand, par la puissance de
cette grâce, le changement, le don d’une vie nouvelle, par la foi au sang de
Christ, a eu lieu, quels merveilleux horizons s’ouvrent devant l’âme
délivrée ! Certes, elle a enfin renoncé et une fois pour toutes à
améliorer sa chair, mais elle a trouvé la puissance divine, non pas pour la
modifier, mais pour la laisser où elle est, dans une impuissance permanente
et définitive, en sorte que
ce chrétien qui a et aura jusqu’au bout la chair en lui, ne puisse plus
pratiquer les choses qu’il voudrait, que sa chair voudrait, mais qu’il puisse
agir dans la puissance de l’Esprit. Mais, direz-vous, comment se fait-il que
tout de même il pratique ces choses ? Je réponds : S’il les fait il
signe son malheur. Un jour, longtemps après peut-être, l’Esprit l’amène à dire,
comme David : « J’ai péché contre l’Éternel ». Alors Dieu dit :
« L’Éternel a fait passer ton péché ». David put être ainsi purifié de toute
iniquité. Mais les conséquences terribles de son péché restèrent pendant toute
sa vie selon les voies du gouvernement de Dieu envers lui. « L’épée ne s’éloigna
plus de sa maison à jamais ». Dès lors cette discipline, quelque amère qu’elle
fût, put porter des fruits bénis pendant la longue carrière du roi. Heureux
sommes-nous quand ils sont portés spontanément (v. 22), heureux aussi quand ils
sont produits grâce aux soins journaliers du Père qui émonde les sarments pour
qu’ils portent plus de fruit. « Le fruit
de l’Esprit
» est un fruit
merveilleux, car l’Esprit n’en produit jamais que d’excellents ! Le
premier : l’amour
. Tous
les autres en dépendent : « L’amour de Dieu est versé dans nos
coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné ». Combien il y aurait lieu de
s’étendre sur ces fruits de l’Esprit ; mais ne faisons-nous pas mieux de
les méditer chacun pour soi, dans un esprit de vraie humiliation ? Il me
suffit de dire ici que trois de ces fruits : l’amour, la joie, la paix,
sont relatifs à Dieu
; cinq : la longanimité, la
bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, relatifs aux hommes
; enfin un
seul : la tempérance, relatif à nous-mêmes.
Et maintenant, dans quelle
liberté l’Esprit saint nous place (2 Cor. 3:17) pour notre marche
(v. 16) et la vie
qui
la dirige (v. 25) ; enfin pour notre conduite
! (v. 18). Aucune loi ne se met en
travers de la marche de l’Esprit pour s’y opposer, car « contre de telles choses
il n’y a pas de loi » (v. 23).
Telle est la loi de l’Esprit,
la loi parfaite de la liberté ! Tout y est bon, beau, digne de
Christ ! Ah ! croyons seulement que cette puissance de l’Esprit est
nôtre ! Peut-il y avoir plus triste incrédulité que de douter du don de
Dieu ?
H. Rossier — Courtes méditations — n°8
ME 1922 p. 13-16
Je suis toujours plus
persuadé que la source de toute bénédiction pour l’âme est d’avoir affaire individuellement
et personnellement
avec Jésus. C’est ainsi que la Samaritaine est
placée en présence de Dieu et trouve la vie éternelle — que la femme adultère
apprend à connaître Celui qui ne la condamne pas, dans le seul qui ait le droit
de la condamner — que Marie de Magdala reçoit le message céleste d’un Christ
ressuscité pour le communiquer aux disciples — que Pierre retrouve la communion
perdue — que Paul, sur le chemin de Damas, reçoit la révélation de sa mission —
qu’il réalise plus tard la puissance de Christ dans son infirmité…
Et que dirai-je
davantage ? Car le temps me manquerait si je parlais d’Abraham conversant
sur la montagne, seul avec Dieu — de Jacob resté seul pour lutter avec l’ange —
de Moïse parlant seul avec l’Éternel au buisson ou dans la solitude du Sinaï, —
de Josué rencontrant seul le chef de l’armée de l’Éternel — de Samuel
s’entretenant avec Dieu dans la solitude du tabernacle — de David et des
prophètes qui, trouvés seuls avec Lui, furent consolés dans leurs afflictions,
réconfortés dans leurs angoisses et reçurent des révélations merveilleuses
qu’ils purent communiquer à d’autres ! En vérité, où que ce soit, la foi
nous sépare toujours de ce qui nous environne pour nous mettre en contact
direct avec Lui seul
!
Mais, quel que soit le prix
des bénédictions individuelles
que les relations de notre âme avec Dieu
nous procurent, il en est de plus hautes, de plus complètes, de plus célestes
pour ainsi dire, qui se rattachent à la louange
et au culte
. Ces
bénédictions sont collectives
. Or s’il est vrai qu’il n’est pas un seul
chrétien qui ne cultive ses rapports individuels avec Dieu, y en a-t-il
beaucoup qui connaissent le culte et la louange ?
S’il nous est dit que les
premiers disciples se réunissaient dans la chambre haute pour persévérer unanimement
dans la prière, entièrement séparés du monde qui les entourait, à combien plus
forte raison cela nous-est-il dit du culte ! Nous rendons culte par
l’Esprit de Dieu qui unit en un seul corps tous les adorateurs. Ceux qui ne
connaissent pas cette bénédiction ignorent la chose la plus élevée qui soit la
part des enfants de Dieu sur la terre, l’avant-goût de l’adoration céleste. Et ne
dût-il rester, au milieu des ruines actuelles de la chrétienté, que deux ou
trois enfants de Dieu réunis pour la réaliser, cela ne change rien au caractère
de cette bénédiction.
Bien-aimés frères et soeurs
en Christ, savez-vous, appréciez-vous, réalisez-vous ce qu’est le culte ?
Pour mieux cacher aux enfants de Dieu qu’il ne peut être réalisé que dans une
vraie séparation du monde, l’Ennemi de nos âmes multiplie toujours plus, sous
ce nom, des représentations trompeuses de ce que le culte n’est pas. Ainsi l’on
vous parlera d’un culte pour les enfants, d’un culte de la jeunesse, d’un culte
en musique, d’un culte de Cène, d’un culte présidé par un tel, d’une
allocution, d’un discours, d’un sermon qui sont le culte de tel ou tel, etc. Je
m’arrête, n’ayant d’autre désir que de montrer l’ignorance absolue de la
plupart des enfants de Dieu au sujet du culte, c’est-à-dire de l’adoration en
commun des rachetés, unis et dirigés par un seul Esprit, autour d’un Christ
vivant au milieu des siens, et autour du mémorial de sa mort. Ce que nous
venons de dire prouve que l’expression
du culte aura lieu le plus
souvent le premier jour de la semaine, autour de cette table du Seigneur où est
placé, sous les yeux des fidèles, le mémorial de ses souffrances et de la
parfaite délivrance qui leur est acquise par elles.
Frères et soeurs bien-aimés, cherchons et cultivons ce rassemblement des enfants de Dieu, par l’Esprit, pour Lui rendre culte, rassemblement que la plupart des membres de sa chère famille ignorent ! Oh ! comme, en réalisant ces choses, nos âmes, ayant soif de réalités, seront vite lassées de ce qui n’en a que l’apparence !
Il est encore un autre point,
très actuel, sur lequel je désire insister : Jamais l’attente du Seigneur
n’aura toute sa réalité et tout son caractère si elle n’est pas collective
.
Dans ces dernières années le Seigneur a réveillé, chez un très grand nombre des
siens, l’espérance de sa Venue, mais ceux que Dieu avait suscités comme les
agents de cette prédication, ne voulant pas sacrifier ce qu’ils appelaient
« leurs églises » à la seule Église de Christ selon la Parole, se sont bornés à
prêcher aux chrétiens l’attente individuelle
du Seigneur. Cet élan n’a
pas duré. Les âmes sont retombées dans leur indifférence. Il leur aurait fallu
l’élan collectif du coeur de l’Épouse, de l’Église, au devant de son Époux,
selon cette parole : « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! »
Tel est le cri que nous avons
à faire retentir actuellement dans le monde. Unie par un même Esprit, parlant
par un même Esprit ; que la famille de Dieu, elle seule, tout entière, que
l’Église, que l’Épouse de Christ, dise : Viens ! Nous laisserons-nous
arrêter par toutes les sectes, tristes témoins de la ruine de l’Église
responsable dans ce monde ? Avons-nous jamais pu croire que Christ les approuve ?
Faisons comme Lui : aimons l’Église
; Il l’a aimée
et
s’est donné lui-même pour elle. Délivre-nous, Seigneur, de toutes ces entraves,
afin que, lorsque tu répèteras : « Je suis l’Étoile brillante du matin »,
notre coeur tout entier, ton Épouse bien-aimée ici-bas, sous l’ardent désir du
Saint Esprit qui l’anime, s’écrie : « Amen, viens Seigneur Jésus ! »
Hosanna ! L’Époux vient ! l’Église est transmuée !
Pour les saints endormis c’est le jour du réveil !
Nous montons, emportés vers Lui sur la nuée,
Comme une goutte d’eau qui retourne au Soleil !
« Ne murmurez pas non plus, comme quelques-uns ont murmuré et ont péri par le destructeur »
H. Rossier — Courtes méditations — n°9
ME 1922 p. 25-29
Les murmures sont toujours blâmables ; ils sont parfois odieux et attirent sur ceux qui les font entendre les plus terribles jugements de Dieu.
1° Un des cas, en apparence
les plus inoffensifs, est mentionné au chap. 7 de l’évangile de Jean. Plusieurs
avaient cru en Lui et disaient entre eux : « Le Christ, quand il sera venu,
fera-t-il plus de miracles que celui-ci n’en a faits ? » Les pharisiens
entendirent la foule murmurant
ces
choses de Lui. Il n’y avait pas de mal, direz-vous, à ce que les foules se
communiquassent à voix basse l’impression favorable qu’elles avaient reçue de
la personne de Christ. C’est vrai, mais la crainte que ces hommes avaient des
principaux les empêchait de rendre à haute voix témoignage à Christ et de
réduire l’Ennemi au silence. Les pharisiens profitèrent de ce manque de courage moral
chez le peuple
pour se montrer ouvertement hostiles à Jésus.
2° Un cas fréquent de murmure
est celui qui est mentionné dans la parabole des ouvriers de la vigne au chap.
20 de Matthieu (v. 11). Ceux d’entre eux qui s’étaient engagés d’après un
principe légal : « tant d’heures d’ouvrage, tant de salaire », sont
mécontents de voir ceux de la onzième heure récompensés comme eux, parce qu’ils
étaient rétribués, non sur le principe de la loi, mais sur celui de la grâce
souveraine du maître de maison. Est-ce donc des Juifs, seuls propres justes,
asservis à la loi, que ce passage nous parle ? Beaucoup de chrétiens,
envoyés dans la vigne,
travaillent sur le principe d’un salaire convenu et ont de la jalousie contre
ceux qui sont rétribués sur le principe de la grâce. Tous ceux qui ont été
recrutés sur ce dernier principe reçoivent ce qui est juste
, (v. 7), non pas
à leurs yeux, mais à ceux du Maître. Ils acceptent leur salaire avec
reconnaissance. Les seuls qui murmurent sont ceux qui, engagés sur un pied
légal, sont remplis de jalousie envers ceux que la grâce favorise. Leur
mécontentement va jusqu’à accuser le Maître lui-même. Celui-ci répond avec
calme à cette accusation, au lieu de punir l’insolent : 1° Je ne te fais
pas tort ; 2° Il y a eu accord entre toi
et moi
(non pas vice-v
ersa
) pour un denier, journée légale de
l’ouvrier ; puis, 3° Il le renvoie avec ces paroles : « Prends ce qui
est à toi
» et dit :
4° : Je veux
donner au dernier autant qu’à toi. C’est la volonté
de la grâce
; qu’as-tu à
dire ? 5° Dieu n’est-il pas libre de faire de ce qui lui
appartient
l’usage qu’il veut ? 6°
Oses-tu voir du mal
et
murmurer quand tu te trouves devant ma
bonté ?
Ainsi le chrétien légal, sans
s’en rendre compte, accuse Dieu, et murmure contre lui, parce qu’il se croit
supérieur aux autres. Il ne peut souffrir que ces derniers soient employés par
la grâce, sans aucun mérite de leur part. Il blâme la bonté
chez Dieu
et loue ses propres mérites
. Quelle aberration ! Mais ce
murmure n’attire pas encore sur lui la colère du Maître qui lui dit
simplement ; Va-t’en
. Toute relation avec ce propre juste
est interrompue pour laisser le champ libre à la grâce.
3° En Luc 5:30, les scribes
et les pharisiens murmurent contre les
disciples
de ce qu’ils mangent et boivent avec les publicains et les
pécheurs. Le Seigneur prend leur défense et répond
pour eux
. Quel
privilège ! Laissons dire le monde, nous Ses disciples ; le Seigneur
répondra pour nous. Ces adversaires, en s’adressant aux pauvres disciples,
s’adressent aux faibles, mais les voilà qui, au lieu de rencontrer ces
derniers, rencontrent inopinément le
Fort,
du moment qu’ils attaquent ses bien-aimés. Aucune indignation chez le
Seigneur ; il se borne à couvrir les siens et la confusion est pour leurs
adversaires.
En Jean 6:61, les disciples
murmurent à leur tour, mais
non pas contre leur Maître. Leur ignorance ne comprend ni la valeur de la mort
de leur Sauveur, ni la vie éternelle que cette mort leur apporte, ni, à bien
plus forte raison, la valeur de sa résurrection. Remarquez avec quelle grâce le
Seigneur les instruit ! C’est avec la même grâce qu’il supporte
l’ignorance des Juifs murmurant contre
lui
parce qu’il se faisait supérieur à Moise.
4° Phil. 2:14 ; 1 Pierre
4:9. Une certaine catégorie de murmures, chez les chrétiens, est tout
simplement l’expression de leur mécontentement d’avoir à subir certaines
obligations, ne fut-ce que l’exercice de l’hospitalité, ou certaines règles
morales qui s’imposent à leur volonté. Ces murmures sont le résultat de
l’indépendance, qui est le péché.
On
oublie que ces entraves que nous avons à subir sont ordonnées de Dieu et ne
fut-ce que pour mettre à l’épreuve notre confiance en Lui. Le murmure est, dans
ce cas, le mécontentement des voies de Dieu à notre égard et le désir de nous en
affranchir. Cela aussi est une chose que nous devrions juger sévèrement.
5° Nous trouvons enfin le
murmure mentionné par notre titre, en 1 Cor. 10:10. Ce murmure, chose affreuse,
est la révolte contre Dieu
. Est-il possible qu’une telle chose
puisse se produire chez un enfant de Dieu ? Nous dirions : Non
. Et cependant, au jour actuel,
combien de paroles sorties de la bouche des chrétiens ou de gens réputés tels,
qui, si elles ne sont pas une révolte ouverte, frisent du moins la
révolte ! « Si Dieu existe, disent-ils, peut-il supporter que de telles
atrocités se commettent ? » « Pourquoi Dieu qui aurait pu empêcher le mal,
ne l’empêche-t-il pas ? » Paroles blasphématoires, dont ne se doutent même
pas ceux qui les prononcent ! Je réponds : Oui, Dieu existe et supporte
vos blasphèmes ! Veuillez m’expliquer pourquoi il ne vous a pas pulvérisé,
ici même, quand vous les profériez. Je dis que Dieu existe et la preuve, c’est
qu’il est patient envers vous
, comme envers tous les hommes, ne
voulant pas que vous périssiez ! Murmurer contre Dieu ! C’est ce que
fit Israël. Devant les obstacles qu’il va rencontrer au pays de Canaan, le
peuple accuse Dieu qui l’a comblé de tant de grâces, de l’avoir conduit au
désert pour l’y tuer
,
et veut
retourner en Égypte ! Ces murmures, hâtons-nous de le répéter, ne peuvent
être ceux des rachetés, des vrais enfants de Dieu, des élus, mais ne pensez pas
que ce soient uniquement ceux de ce peuple de cou roide, d’Israël, que Dieu dut
finalement rejeter de devant sa face ; l’apôtre a soin de nous avertir du
contraire en 1 Cor. 10. Ce sont les murmures de ceux qui font profession de christianisme
. Si tout le peuple qui avait murmuré contre Dieu a dû tomber
dans le désert, banni à tout jamais de la terre promise (à l’exception de Josué
et de Caleb), à combien plus forte raison devront tomber ceux qui portent le
nom de chrétiens et qui murmurent aujourd’hui : « Dieu est un Dieu qui aime
à faire le mal, qui aime à détruire les hommes. Il aurait pu empêcher tout ce
mal ; pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? » Quelques-uns d’entre eux vont
jusqu’à rendre Dieu responsable de la chute du premier homme ! Or que nous
dit la Parole ? « La face de l’Éternel est contre ceux qui font le mal », et
« ses yeux sont trop purs pour voir le mal » (Ps. 34:17 ; Hab. 1:13).
Ces hommes ont jadis péri par le destructeur. Aujourd’hui ces hommes, à moins qu’ils ne se repentent, périront de la même manière et l’accès au ciel leur sera fermé (Nomb. 14:2, 27, 29). Leur seule et unique ressource est en Celui qui peut se tenir avec l’encensoir entre les morts et les vivants (Nombr. 16:41) ; en Celui qui peut exercer la grâce sacerdotale d’Aaron en intercession pour le peuple coupable (Nomb. 17:10).
Repentez-vous donc. Aujourd’hui Dieu vous convie à la repentance !
H. Rossier — Courtes méditations — n°10
ME 1922 p. 37-39
Nous ne serons jamais conformes
à Jésus ici-bas. Il nous faut
attendre sa venue pour que « le corps de notre abaissement soit transformé
en la conformité du corps de sa gloire
». Alors, par la transformation de nos corps, nous aurons
atteint cette conformité (Phil. 3:21). Et ce ne sont pas seulement nos corps
qui seront conformes à son corps glorieux, mais nous sommes prédestinés à être conformes à l’image du Fils de Dieu,
comme
faisant partie d’une famille qu’il appelle ses frères, et dont il est le
premier-né (Rom. 8:29).
Il est cependant une chose
qui peut être toujours réalisée pour nous, dans ce monde : c’est d’être rendus conformes à sa mort.
Nous pouvons
être appelés à mourir comme Lui et dans ce cas ce sera le moyen de parvenir
comme Lui à la résurrection d’entre les morts (Phil. 3:10).
Il y a d’autre part un objet
auquel il nous est, hélas ! toujours facile de nous conformer,
parce que nous avons la chair en nous : cet objet
est le monde, aussi sommes-nous exhortés, par le passage qui est en tête de
cette méditation, à ne pas nous conformer
à ce siècle
(Rom. 12:2), ni non plus, comme il est dit autre part, « à nos convoitises d’autrefois
pendant
notre ignorance » (1 Pierre 1:14). Avec quelle facilité nous glissons sur cette
pente !
Répétons-le donc : Il
n’y a pas pour nous de conformité
possible
avec Christ ici-bas. Cela réduit à néant les prétentions qu’ont certains
chrétiens d’atteindre la perfection dans ce monde, doctrine insensée qui
suppose la perfection dans la chair ! La parole de Dieu ne nous dit-elle
pas : « Quand ce qui est parfait sera
venu,
ce qui est en partie aura sa fin » ? Et encore : « Maintenant
je connais en partie, alors
je
connaîtrai à fond comme aussi j’ai été connu » (1 Cor. 13:10, 12).
Mais s’il n’y a pas pour nous
de conformité morale ou corporelle avec Christ ici-bas, il peut y avoir, grâce
à Dieu, une transformation morale.
Cette
transformation est graduelle,
comme
nous le voyons en 2 Cor. 3:18, où il est dit que « nous sommes transformés
à la même image de gloire en gloire
» ; mais elle ne se produit jamais
que lorsque l’âme du chrétien, sous l’influence puissante du Saint Esprit,
contemple « à face découverte, la gloire du Seigneur ». Cette transformation est
produite par « le renouvellement de l’entendement » (Rom. 12:2), renouvellement
qui a lieu par l’Esprit (Tite 3:5). C’est par lui que nous éprouvons ou
discernons la volonté
de Dieu.
Ayant été délivrés, par le
fait que nous sommes morts avec Christ, de la volonté de la chair qui n’est
autre chose que « le péché », nous pouvons maintenant présenter nos corps,
dépouillés de cette volonté, en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, et
nous en disposons dans ce but. Par le renouvellement de notre entendement, nous
apprenons à goûter et à apprécier une toute autre volonté que la nôtre, celle de Dieu.
Dans ces conditions nous ne serons jamais en danger de prendre notre volonté pour celle de Dieu. Un homme d’état renommé, croyant, mais absolument aveuglé sur le jugement que Dieu portait sur lui, disait : « La volonté de Dieu est la grandeur de mon pays et toute mon activité consiste à accomplir cette volonté ». Le malheureux produisit la ruine complète de sa patrie, parce qu’il décorait sa propre volonté du nom de volonté de Dieu.
Tout autre est le
discernement de la volonté de Dieu ; il n’a lieu que lorsque la question
de notre
volonté a été définitivement
réglée et jugée, aussi pouvons-nous dire que le discernement de la volonté de
Dieu a lieu dans la mesure où nous nous tenons pour morts au péché. Au reste,
cette volonté de Dieu, discernée et éprouvée dans le coeur, fait notre joie et
notre force. Tout ce que Dieu fait est désormais bon
pour nous,
parce que Dieu le veut ; et si Dieu le veut, celui qui a été transformé,
trouve cette volonté agréable
. Il ne pense pas à ce dont cette volonté
le prive, mais il sait qu’elle est agréable à l’Amour divin
dont il
est lui-même l’objet. Alors il peut dire : En vérité, cette volonté est parfaite.
Bien-aimés ! n’ayons
affaire qu’à la volonté de Dieu seule et nos coeurs seront toujours remplis de
bonheur et de paix !
La transformation
dont nous parlons peut encore dépasser les limites
d’une transformation morale. Sous la puissante efficace du Saint Esprit, un
Étienne est transformé en la similitude des pensées de Christ ici-bas, tandis
que son visage porte déjà les traits d’un ange qui voit la face de Dieu. De
même les disciples, ces gens « illettrés et du commun », portaient sur leurs
traits et dans leur langage une ressemblance avec Jésus parce qu’ils avaient
été avec Lui (Actes 4:13).
H. Rossier — Courtes méditations — n°11
ME 1922 p. 49-52
D’où vient que l’apôtre
employait le don de grâce qu’il avait reçu à exhorter chacun de ceux qui
étaient parmi les chrétiens de Rome à n’avoir pas « une haute
pensée de lui-même
» ? C’est qu’il réalisait pleinement
de son côté les deux premiers versets de ce chapitre. Il se considérait comme
mort avec Christ et comme ayant été mis par là en pleine liberté de l’esclavage
de la chair. Il considérait la volonté
de
la chair qui ne se soumet jamais à celle de Dieu, comme absolument jugée et
condamnée sur la croix, dans la personne de notre Substitut. Cette question de
la chair était liquidée pour lui de manière à ce qu’il ne fût jamais obligé d’y
revenir. Il avait cru ce que Dieu lui disait. Il se tenait lui-même pour mort
au péché ; mais maintenant il vivait à Dieu, comme Christ vit à Dieu après
« être mort une fois pour toutes au péché ». Il pouvait se tenir devant Dieu,
considérant sa volonté
propre comme
définitivement jugée et condamnée ; mais son corps,
assujetti jadis aux convoitises de la chair, en était
maintenant délivré : c’était un corps, sans
volonté
pour ainsi dire, mais qui pouvait s’offrir en toute liberté, en
vertu de la nouvelle vie qu’il possédait en Christ, comme instrument de justice
à Dieu. Il présentait donc son corps en sacrifice vivant, saint, agréable à
Dieu et exhortait ses frères à faire de même.
Désormais, vivant à Dieu de
la même vie que Christ, il était capable d’apprécier la volonté de Dieu
et d’en jouir.
Mais n’oublions pas que,
malgré cette vie nouvelle, la chair est toujours en nous et y sera tant que
nous vivrons dans ce monde, quoique nous ne soyons plus dans la chair. Aussi
avons-nous besoin d’être continuellement exhortés à marcher comme étant libérés
du vieil homme pour être asservis à Dieu. Si nous donnons la moindre prise à la
volonté de la chair, nous allons au devant d’une défaite certaine. L’apôtre,
évitant ce danger pour lui-même, était capable d’exhorter les autres à suivre
le même chemin. Notre défaite consiste à donner de l’importance au moi
,
à penser du bien de notre vieil homme dans la chair. Ce vieil homme en nous est
si haïssable qu’il peut lui arriver de se parer des libres dons de la grâce de
Dieu pour se mettre en relief et s’enorgueillir. Ce n’était pas ce que faisait
l’apôtre : il était si affranchi du vieil homme qu’il employait « la grâce
qui lui était donnée » à exhorter ses frères pour qu’ils demeurassent dans
l’humilité. La jouissance de la volonté de Dieu nous empêche de mettre le moi
en avant, car elle condamne absolument la volonté du vieil homme. Si je l’ai
jugé, comment pourrais-je avoir « une haute pensée de moi-même » ? Or ces
chrétiens de Rome avaient besoin d’une exhortation continuelle à ce sujet,
parce qu’ils ne pouvaient pas dire comme l’apôtre : « Je suis crucifié avec
Christ, et je ne vis plus moi, mais Christ vit en moi », et que chez eux, le
vieil homme était toujours prêt à relever la tête. Ils étaient en danger de se
servir des grâces accordées au nouvel
homme
pour en orner le vieil homme
et s’estimer supérieur à d’autres
qui avaient aussi reçu des dons de grâce pour l’édification du corps de Christ.
L’apôtre, lui, avait réalisé la mort avec Christ dans toute son étendue, aussi
pouvait-il exhorter les autres sur ce pied-là. Demandons-nous si cette exhortation
ne nous atteint pas bien plus encore que les chrétiens de Rome, et si nous ne
ménageons pas d’habitude à la volonté du vieil homme une porte de derrière par
laquelle il peut s’échapper et se faire valoir.
Ce n’est que dans la mesure
où je me tiens pour mort que je perds toute haute pensée de mon importance. Non
que je ne doive pas me rendre compte de la valeur du don que Dieu m’a confié.
L’apôtre recommande à ces chrétiens de Rome de « penser de manière à avoir de saines pensées
, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun ». Si Dieu m’a
donné un « don de grâce », je dois l’estimer parce qu’il vient de lui et
le « ranimer » au besoin, mais non pas m’en parer ou m’en faire valoir. C’est ce
dont l’apôtre donnait l’exemple quand il disait : « Je n’ai été en rien
moindre que les plus excellents apôtres, quoique je ne sois rien » (2 Cor.
12:11).
On pourrait conclure de notre passage que si nous employons nos dons à recommander l’humilité aux autres, c’est que nous n’avons pas la pensée de nous en attribuer quelque mérite. Il peut cependant arriver, tant le coeur naturel est rusé, que tel chrétien doué recommande aux autres l’humilité, tandis qu’il est dominé par l’orgueil — souvent soigneusement dissimulé — de sa propre importance. On peut voir des chrétiens offensés dès que d’autres mettent en question la valeur de leur ministère. Il n’en était pas ainsi de l’apôtre ; attaqué de toutes parts, il remettait au Seigneur le soin de le justifier et, s’il avait à se défendre, il ne le faisait qu’en vue de l’édification de l’assemblée (2 Cor. 12-13).
Faisons comme lui ; employons d’une manière intelligente ce que Dieu nous a donné, pour l’édification du corps de Christ. Gardons chacun la place que le Seigneur nous a assignée, afin que tous les organes de son corps étant en exercice, et chacun à sa place, il y ait dans le corps un fonctionnement selon Dieu et pour le bien de tous. Ne cherchons pas à nous attribuer ce que Dieu a donné à d’autres, qu’il s’agisse de prophétie, de service, d’enseignement ou d’exhortation, mais avant tout, en un temps où les fondements sont ébranlés, « que l’amour fraternel demeure ! » (Rom. 12:9-10 ; Hébr. 13:1).
H. Rossier — Courtes méditations — n°12
ME 1922 p. 77-80
Par un privilège spécial trois
disciples furent conviés dans ce passage à « voir le royaume de Dieu venu avec
puissance
». Ce n’est certes pas une petite chose que la « puissance ». Cette
vision s’était tellement imposée à Pierre qu’il y revient dans sa seconde
épître pour la décrire, comme « la puis
sance et la venue
de notre Seigneur Jésus Christ ». Quand il
dit : « sa venue », c’est celle par laquelle il établira le royaume de Dieu
en gloire ; et il ajoute que les chrétiens « font bien
d’être attentifs
» à ces choses, choses dont la prophétie nous entretient, comme
étant de son domaine et qu’il ne nous est pas permis de négliger. En effet, la
venue en puissance du Seigneur anéantira tout ce qui s’oppose à lui et établira
sur la terre son règne millénaire. Mais qu’est-ce que, de fait, la vue anticipée
de cette puissance glorieuse a produit sur le coeur des trois disciples ?
Ils étaient épouvantés
. Il n’en sera point ainsi pour nous,
quand nous assisterons à son déploiement, car nous y aurons personnellement
part quand le ciel sera ouvert et que nous en sortirons comme formant le
cortège du roi. Par la même raison, cette puissance n’épouvantait pas non plus
Moïse et Élie qui apparaissaient en gloire avec Lui ; plus tard elle
n’épouvantait plus Jean, l’un des trois disciples, quand en esprit, et non plus
en chair, il pouvait contempler dans le ciel et sur la terre toute cette
puissance glorieuse à laquelle
il devait avoir part.
Nous de même, nous aurons part à cette puissance et cela bannit toute crainte de nos coeurs quand nous pensons au jour futur de sa manifestation. En attendant ce moment, une autre puissance que celle du royaume nous a été donnée : la puissance du Saint Esprit, la « puissance d’en haut » dont les disciples devaient être revêtus selon la promesse du Seigneur et qui, dès ce moment, est devenue la part de tous les rachetés. Ce don du Saint Esprit fut introduit avec des signes solennels et impressionnants de puissance, avec un souffle violent et impétueux et des langues de feu divisées. Loin d’être épouvantés devant ces manifestations, les disciples qui y avaient tous part furent remplis de joie pour rendre témoignage à la toute-puissance de la grâce.
Nous possédons aujourd’hui le
Saint Esprit, aussi bien que les premiers disciples, mais pourquoi n’avons-nous
plus part à sa puissance comme eux ? En réalité, si elle nous fait
entièrement défaut, c’est à cause de la ruine complète du témoignage de
l’Église, à laquelle dans une si grande mesure nous avons tous participé. Ce
manque de puissance est, en effet, pour nous un sujet d’humiliation
continuelle, mais il est selon Dieu que nous gardions cette attitude
d’humiliation sans essayer de nous y soustraire. C’est la seule attitude d’un
Résidu fidèle qui ait aujourd’hui la pleine approbation du Seigneur. Ne dit-il
pas à Philadelphie : « Tu as peu de
force
et tu as gardé ma
parole, et tu n’as pas renié mon nom ? »
Devant cet état de choses
dont nous sommes responsables, gardons-nous d’oublier qu’il nous reste une
chose infiniment supérieure à tout déploiement de puissance : Cette chose
est la communion
. Moïse et Élie, tout en faisant
partie de la scène où la puissance du royaume était révélée, n’étaient pas
occupés de cette dernière, ni de leur place dans le règne glorieux de Christ.
Leur jouissance était tout autre : « ils parlaient avec Jésus ». Ils
s’entretenaient avec lui de sa mort, des résultats du sacrifice que son amour
allait accomplir. Les disciples qui venaient d’être les témoins oculaires de sa
Majesté furent enseignés à rechercher les mêmes choses dont Moïse et Élie
venaient de leur fournir l’exemple. La nuée, demeure de l’Éternel, descend sur
eux et les enveloppe comme elle avait jadis enveloppé le tabernacle. Sont-ils
appelés maintenant à voir quelque chose ? Toute la vision de la puissance
glorieuse de Christ a disparu. Ils ne
voient rien
, mais ils entendent.
Qui
donc entendent-ils ? Le Père
, qui leur parle de ce qui remplit son
propre coeur, afin qu’ils aient communion
avec lui au sujet de son Fils. Il ne dit pas : « Voyez » , mais
« Écoutez », et il ajoute : « Écoutez-le
». Mais de quoi le Fils
va-t-il nous parler ? Du Père
! Tout l’évangile de Jean en
rend témoignage. Ainsi, en dehors de tout l’appareil de la puissance, notre
communion est avec le Père et avec le Fils. Il n’y a de « joie accomplie
»
que là : le plus merveilleux déploiement de puissance ne peut donner cette
joie. Nous avons part à l’amour du Père que le Fils nous révèle, à l’amour du
Fils que le Père nous révèle ; nous avons la communication des pensées les
plus intimes de la déité dans le Père et dans le Fils !
Cela nous suffit-il ?
Quand aucune puissance n’existe plus, nous contentons-nous de ne voir plus personne, sinon Jésus, seul avec nous
? Immense bénédiction, car
aucun autre objet n’est capable désormais de nous distraire. Quel
bonheur ! dirons-nous : Si la puissance a disparu par notre faute,
Dieu en tire avantage pour que désormais nous n’ayons pas d’autre ressource que
Lui !
Marie jouissait de cette communion quand elle était à ses pieds, écoutant sa parole ; elle en jouissait encore quand elle répandait son encens sur les pieds du Sauveur. Jean en jouissait aussi quand il reposait sa tête sur le sein de Jésus. Il n’avait sans doute pas beaucoup de choses à communiquer à son Maître, mais, en vertu de cette proximité, il était capable de recevoir ses confidences intimes, même prononcées à voix basse. Ce n’est pas en présence de la gloire, ni de la puissance que la joie est accomplie, mais en présence de l’amour du Père et du Fils.
H. Rossier — Courtes méditations — n°13
ME 1922 p. 89-92
Ce chapitre nous présente le
contraste entre la foi
de Jonathan et la religion
de Saül et nous montre la valeur qu’il
faut attribuer à l’une et à l’autre. Le sujet ayant été traité autrefois dans
les « Méditations sur le premier livre de Samuel », nous le reprenons ici sous
forme d’aphorismes, en vue de le compléter.
La foi agit sans prendre conseil des hommes charnels,
entièrement
en dehors d’eux et à leur insu. Elle ne confie ses desseins qu’à ceux qui
possèdent la même foi (v. 1-3).
La foi cherche
l’occasion de servir le peuple de Dieu ; elle tient le
monde pour ennemi de Dieu et entièrement séparé, par son incirconcision, du
peuple de l’Éternel (v. 4).
La foi est humble.
Elle a conscience de l’indignité
et de la culpabilité de l’homme, conscience de la ruine du peuple de Dieu.
L’homme de foi se sent indigne d’être secouru autrement que par la grâce ;
il dit : « Peut-être » ; mais, d’autre part, il s’appuie sur la
puissance de Dieu pour sauver « avec peu ou beaucoup de gens », c’est-à-dire par
les moyens qui conviennent à Celui-ci. Dans le sentiment de sa petitesse,
l’homme de foi désire être un instrument de bénédiction et s’offre à Dieu pour
cela (v. 6).
La foi de Jonathan trouve un écho
dans le coeur du jeune homme qui
porte ses armes, homme de foi lui-même, humble et inconnu, car nous ignorons
jusqu’à son nom. Ce jeune homme s’associe à la foi de son maître, comme
Timothée à celle de Paul, car dès l’enfance, par la connaissance des saintes
lettres, Timothée « portait les armes » de l’apôtre. Ce « jeune homme » de Jonathan
estime hautement celui qui possède de telles armes, et il en connaît l’usage.
Sa foi s’associe à l’homme qui n’a pas d’autre but que la gloire de l’Eternel
et le salut du peuple (v. 7).
La foi ne se cache pas ;
elle ne craint pas le témoignage de Dieu, mais se montre en public
aux adversaires (v. 8).
La foi ne retourne jamais en arrière,
mais il y a des occasions où il lui
faut savoir attendre
et rester sur
place. C’est la patience de la foi. Le signe pour agir provient d’un appel
direct de Dieu, par quelque canal qu’il nous parvienne (v. 9-10).
La foi s’associe toujours avec le peuple de Dieu, tout entier
; elle n’accepte pas d’être appelée
d’un autre nom que celui d’Israël
, ni par le monde religieux, ni par le
monde ennemi (voyez 13:3 ; 14:11-12). Les ennemis de Dieu tombent devant
la foi, toujours associée à la parole de Dieu (les armes de Jonathan) qui les
juge (v. 13).
Un homme de foi seul
a plus de force que toutes les organisations
dans lesquelles le monde
croit concentrer sa force pour servir Dieu. Jamais ces organisations
n’acquerront le salut au peuple de Dieu.
Les armes du monde ne servent à ceux qui les possèdent qu’à s’entretuer (v. 16). Les armes d’une profession sans vie ne lui servent de rien ; les armes de la foi sont seules efficaces.
Ce que le monde appelle sa
religion
n’a rien de commun avec la foi.
Une telle assertion peut
paraître téméraire, mais ce chapitre de Samuel, comme tant d’autres, vient la
confirmer d’une manière absolue.
Extérieurement, tout l’avantage religieux est non pas du côté de Jonathan, mais du côté de Saül. Sans doute, l’Ennemi a privé tous ces Hébreux de leurs armes, comme il réussit de plus en plus à priver la chrétienté de la parole de Dieu ; cependant, pour sauver les apparences, elles existent encore, aussi bien entre les mains de Saül, qu’entre celles de Jonathan. La différence entre le professant, Saül, et l’homme de foi, Jonathan, c’est que le premier ne fait pas usage de ses armes et que le second a un compagnon de sa foi pour les porter. Il en est ainsi de la chrétienté.
La parole de Dieu n’est donc
pas absente de ce que nous appelons la
religion,
mais elle est inefficace. La masse du peuple, ne la connaissant
pas, ne peut en faire usage.
Saül a la masse du peuple et
tout le reste de l’armée avec lui. Jonathan a un seul homme. Saül a le
sacrificateur avec lui, mais ce dernier n’est pas l’objet du choix de l’Éternel
(voyez 2:34-35). Le sacrificateur est ici l’homme
officiel
. Il porte
l’éphod ; il est censé être le seul qui puisse connaître la pensée de Dieu
et l’interroger pour le peuple ; le seul qui puisse faire approcher
l’arche, signe de la présence de Dieu et de son habitation au milieu
d’Israël ; le seul qui, par le sacrifice sur l’autel, permette au peuple
de s’approcher de Dieu — mais Dieu ne répond
pas
. Celui qui
siège entre les Chérubins est avec Jonathan. Sans la foi, la possession des
signes extérieurs de la présence de Dieu avec son peuple ne donne aucune
confiance à l’âme quand le danger se présente. Le tumulte va croissant, les
formes religieuses ne servent plus de rien, Saül dit : « Retire ta main »,
et se passe de ces vaines formalités : La victoire est attribuée à celui
qui n’a pas perdu son temps à ces choses. Mais, de fait, il n’y a pas
de victoire, quoique l’homme puisse
affirmer le contraire : Le monde ne le voit pas, mais Dieu voit et sait
que, dans le combat dont il est ici question, il a donné la victoire à la foi
de deux faibles hommes.
Le monde religieux s’attribue
toujours le succès comme le démontre une occasion précédente où Jonathan avait
eu le seul rôle (13:3-4). Il invoque le même Dieu que l’homme de foi, mais,
quand il s’agit de victoire, au lieu d’attribuer le succès à la foi, il ne
l’attribue qu’à lui-même et ne cherche que son propre avantage. Il dit :
« Jusqu’à ce que je me sois vengé
de mes ennemis
» (14:24).
Saül croit remédier à son incrédulité par le serment téméraire qu’il fait prêter au peuple. Vaine formalité qui n’a pour résultat que de rendre Saül responsable de la violation de ce serment et met en danger la vie de l’homme de foi qui seul avait remporté la victoire.
En résumé, tout l’imposant
appareil religieux qui est avec Saül est frappé
de la stérilité la plus complète
.
Saül ne se sert pas de ses armes ; son armée n’en a pas ;
l’arche n’est pas même utilisée ; le sacrifice n’est pas offert ; la
sacrificature n’est d’aucun profit ; le serment ôte au peuple toute sa
force ; l’autel, par lequel on s’approche de Dieu, n’a d’autre réponse que
le jugement. Cette religion, au lieu d’exalter Jonathan, le sauveur d’Israël,
prononce son arrêt de mort !
H. Rossier — Courtes méditations — n°14
ME 1922 p. 101-105
Le chapitre placé en tête de
cette méditation nous apprend que certains chrétiens possèdent une connaissance
qui les distingue d’autres
chrétiens, ignorants et plus faibles qu’eux. Cette connaissance affranchit ceux
qui la possèdent de certains scrupules de conscience auxquels leurs frères sont
sujets ; mais, en usant de leur liberté, ils pèchent contre les faibles,
et, en péchant contre eux, ils pèchent contre Christ (v. 12). Voilà où une
certaine connaissance peut faire tomber un chrétien dans ses rapports avec ses
frères ; mais, en outre, elle lui fait courir, quant à lui-même, un danger
tout aussi positif : « La connaissance enfle ». Elle nous donne de l’orgueil
et nous remplit de notre importance. Elle met en relief, elle fait revivre et
exalte, pour ainsi dire, le vieil homme dont la croix de Christ nous avait délivrés !
Ne courons-nous pas, aujourd’hui comme jadis, pareil danger ? Nous pouvons
avoir une appréciation exacte de la non-valeur de ce que le monde appelle « sa
religion », et n’en tenir aucun compte, mais nous pouvons, par là, blesser la
conscience de nos frères faibles qui en sont sortis, mais attachent encore
quelque importance aux choses dont ils se sont séparés.
Il est encore une autre forme
de connaissance
. Celle-ci nous met en rapport avec
les choses saintes et provient directement de l’action du Saint Esprit en nous.
C’est ainsi que nous lisons en 1 Cor. 12:8-10 : « À l’un est donnée, par
l’Esprit, la parole de sagesse ; et à un autre la parole de connaissance,
selon le même Esprit… et
à un autre des dons de grâce de guérison, par le même Esprit, et à un autre des
opérations de miracles… » Or, que faisaient les Corinthiens de tous ces dons,
car il ne leur en manquait aucun
, « ayant été enrichis en Christ en
toute parole et toute connaissance ? » (1 Cor. 1:5, 7). Ils s’en servaient
pour se faire valoir, ou, ce qui revient au même, ils « s’enflaient d’orgueil »
(1 Cor. 4:6, 19 ; 5:2 ; 13:4), quand ils auraient dû les employer en
vue de l’utilité
du corps de Christ
(12:7) et pour l’édification (14:3, 5). De là venait aussi que, dans leur
esprit charnel, ils préféraient faire montre de dons miraculeux au milieu de
l’assemblée, que de s’employer à un service plus humble où le vieil homme ne
pouvait prendre l’occasion de s’enorgueillir.
Aujourd’hui que, par suite de
la ruine de l’Église professante, ces manifestations miraculeuses ont disparu,
le même esprit peut se faire jour dans l’exercice des dons que la grâce nous a
laissés, et nous laissera jusqu’à la fin, pour l’édification du corps de Christ
(Éph. 4:11-13). Cet esprit se montre surtout en ce qui concerne la connaissance
, c’est-à-dire l’enseignement. On verra l’évangéliste, ou celui
qui édifie, aspirer à être docteurs, alors que leurs dons sont infiniment
supérieurs à celui-ci pour la conversion des âmes ou leur avancement dans la
piété. Quelle est donc la cause de cette singulière aberration, si ce n’est,
qu’enseigner les autres semble donner plus de relief, selon la chair, à celui
qui enseigne, comme un professeur occupe une position supérieure à celle de ses
élèves ? L’enseignement est nécessaire, mais nous avons à « désirer avec
ardeur les dons spirituels, surtout de
prophétiser
» (14:1), non
pas d’enseigner, parce que la prophétie, dans le sens de cette épître, met les
âmes directement
en rapport avec Dieu
et que notre moi n’y trouve pas son compte, n’ayant là ni place, ni importance.
Nous venons de toucher ici au
second danger de la connaissance, même en tant que don spécial de l’Esprit.
Aussi Jacques peut-il nous dire : « Ne soyez pas beaucoup de docteurs,
mes frères, sachant que nous
en recevrons un jugement plus sévère » (Jacq. 3:1). Le jugement de ce « docteur »
est d’autant plus sévère qu’enseignant les autres, sa place spéciale le charge
d’une responsabilité supérieure à la leur.
Que faut-il donc penser de notre chair, si la connaissance, comme don de l’Esprit, peut être employée pour parer ou faire valoir le vieil homme ?
Mais il est une connaissance
qui ne s’accompagne jamais d’aucun danger
et qui est, au contraire,
une source de bénédictions infinies pour celui qui la possède et pour ceux
auxquels il la communique. Elle diffère entièrement des deux précédentes par son objet
. L’objet de ces dernières était le moi
. On y pense, a
dit un frère, « comme à une chose qu’on possède,
qui est en nous,
qui est notre
connaissance ».
La connaissance dont nous
parlons a Christ pour objet
; c’est ce qui lui enlève tout
danger pour l’âme et devient, au contraire, une source de jouissance toujours
renouvelée.
Cette connaissance n’enfle
jamais : elle nous humilie profondément, tout en nous remplissant de joie.
Elle nous met en contact habituel avec la Parole, mais pour y chercher Celui
qui y est révélé, Jésus-Christ. Jamais nous ne pourrons atteindre la plénitude
de cette connaissance, tant que nous serons ici-bas où nous ne « connaissons
qu’en partie » ; il nous faudra être introduits dans la perfection de la
gloire pour connaître à fond comme nous avons été connus (1 Cor. 13:12). Dans
notre état d’imperfection, nous ne pouvons qu’y croître, selon qu’il est
dit : « Croissez dans la grâce et dans
la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ ».
Cette connaissance nous
libère de nos attaches aux choses de la terre : « Et je regarde aussi », dit
l’apôtre, « toutes choses comme étant une perte à cause de l’excellence de la connaissance
du Christ Jésus, mon Seigneur » (Phil. 3:8). L’apôtre avait un
sentiment si profond que cette connaissance était incomplète, que, bien loin de
« s’enfler », plein d’une humilité profonde, il s’exprimait au bout de sa
carrière comme s’il était au début
de
cette connaissance (Phil. 3:10). Comment aurait-il pu songer à s’enorgueillir
de sa connaissance quand toute sa vie de fidélité chrétienne n’aboutissait qu’à
la conviction qu’il en était encore aux éléments de la connaissance de Christ.
Connaître Christ, n’est pas
autre chose que connaître l’amour,
cet
amour de Christ
qui surpasse toute
connaissance (Éph. 3:19). La connaissance de l’amour de Christ a pour
conséquence que nous nous attachons aux objets auxquels cet amour s’attache,
comme il est dit : « Comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous
aimiez l’un l’autre » (Jean 13:34). Cette connaissance n’enorgueillit jamais,
car « l’amour ne s’enfle pas » (1 Cor. 13:4), mais notre passage du chap. 8:1 le
définit ainsi : « L’amour édifie
». Connaître Jésus, c’est connaître l’amour. L’amour de Christ
édifie notre propre âme au lieu de lui nuire ; l’amour édifie l’âme de nos
frères en contribuant à les faire croître dans la connaissance de Christ ;
l’amour attire les âmes à Christ au lieu de les attirer à l’homme. Toute autre
chose, même « la connaissance, aura sa fin » ; tandis que l’amour ne périt
jamais. « Or maintenant ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et
l’amour ; mais la plus grande de ces choses, c’est l’amour » (1 Cor.
13:13).
H. Rossier — Courtes méditations — n°15
ME 1922 p. 113-116
Il arrive souvent, chez le chrétien qui possède quelque énergie naturelle, que, en face d’une difficulté, le besoin d’agir se fasse immédiatement sentir. On se lance dans l’action pour conjurer le mal qu’on prévoit, ou pour remédier à celui dont on sent la menace pour soi et les autres. Cette énergie entraîne souvent une série de maux incalculable. La Parole nous présente plus d’un fait de ce genre. L’énergie intempestive de l’apôtre Pierre l’aurait conduit à sa perte éternelle si la grâce ne s’était occupée d’avance de sa chute et n’avait opéré sa restauration. L’énergie charnelle de Saül a le dessus quand sa patience est mise à l’épreuve. Il offre l’holocauste au lieu d’attendre l’arrivée de Samuel, et, comme conséquence de ce manque de patience, l’Éternel met fin à son règne (1 Sam. 13:8-14). Repassons devant Dieu notre propre histoire et nous y découvrirons aisément des cas semblables. Un danger menaçant pour nos frères (je ne parle pas ici de choses qui pourraient nous menacer personnellement) se présente ; nous courons à la brèche et engageons le combat. Si nous avions consulté l’Éternel, il nous aurait dit peut-être : « L’Éternel combattra pour vous, et vous, vous demeurerez tranquilles », (Ex. 14:14) ou bien : « Ce n’est point à vous de combattre dans cette affaire ; présentez-vous et tenez-vous là, et voyez la délivrance de l’Éternel qui est avec vous » (2 Chron. 20:17).
Le fait est qu’il faut au
chrétien beaucoup plus de force pour l’attente patiente, que le monde
appellerait inaction ou paresse, que pour le déploiement de l’activité.
L’apôtre dit : « Étant fortifiés en
toute force,
selon la puissance de sa
gloire
pour toute patience
» (Col. 1:11). Peut-on imaginer une
force et une source de force plus grandes, pour aboutir à ce que les hommes
appelleraient un si mince résultat ? Si nous voulons connaître la patience
et la réaliser en la puisant à sa source, nous n’avons qu’à considérer le
Seigneur Jésus, soit dans sa carrière terrestre, soit dans sa séance actuelle à
la droite de Dieu. Si Jésus n’avait pas attendu patiemment deux jours là où il
était, le miracle de Béthanie n’aurait pas eu lieu ; un mort n’aurait pas
été ressuscité du sein de la corruption ; le Seigneur n’aurait pas été
« déclaré Fils de Dieu en puissance », avant qu’il fut proclamé tel dans sa propre
résurrection ; et la gloire de Dieu n’aurait pas été manifestée à la foi
de Marthe !
La cause secrète pour
laquelle la patience nous est si peu sympathique c’est que de fait elle ne se
développe jamais sans plus ou moins de souffrance
; or l’homme naturel n’aime pas
la souffrance. Était-ce une chose indifférente au coeur du Sauveur, sachant que
sa présence empêcherait son ami Lazare de mourir, d’être éloigné de lui alors
qu’Il eût pu être avec lui ? Or pas une fois, dans les circonstances les plus
douloureuses de sa vie, sa patience ne lui a fait défaut un seul instant :
il était parfait en cela comme en toutes choses.
Il est si vrai que la
patience et la souffrance sont inséparables, dans la carrière chrétienne, que
le verbe correspondant en grec au substantif patience ne peut être autrement
traduit que par le mot endurer
(1 Cor. 13:7 ; 2 Tim.
2:10 ; Hébr. 10:32 ; 12:2, 3, 7, etc.). Notre mot « patience » est
dérivé lui-même du mot souffrir
.
Mais revenons à la patience
de Christ. Il dit au Psaume 40 : « J’ai attendu patiemment l’Éternel ». En effet,
Il l’a attendu jusqu’aux dernières limites de la patience. Quand il était
plongé « dans le puits de destruction et dans le bourbier fangeux » sa patience
attendait encore la réponse de Dieu. Aussi sa propre résurrection et notre
salut éternel en ont été le fruit et les conséquences de la part de Dieu. Nous
pouvons suivre à chaque pas cette patience merveilleuse à travers toutes les
péripéties des heures qui précèdent la croix. « Il est opprimé et affligé, il
est conduit à la boucherie, et il n’ouvre pas sa bouche » ; « il donne son
dos à ceux qui le frappent et ses joues à ceux qui arrachent le poil ; il
ne cache pas sa face à l’opprobre et aux crachats. Rien ne le fait sortir du
chemin de la patience. Qu’est-ce donc qui le soutient ainsi ? L’amour
,
cet amour qui « supporte tout, croit tout, espère tout, endure
tout » (1 Cor. 13:7) ; merveilleuse description de la
patience de Celui qui est l’amour parfait ! Sa patience a tout supporté
afin d’atteindre le but proposé qui était de nous acquérir pour Dieu et pour
Lui. Il a enduré
la croix, ayant
méprisé la honte, à cause de la joie
qui
était devant lui. Maintenant encore, assis à la droite de Dieu, il s’offre à
nous comme le modèle de la patience ; seulement nous ne trouvons plus chez
un Christ glorifié la patience dans la souffrance
, mais la patience dans le désir
. Il dit : « Tu as gardé la
parole de ma
patience » (Apoc.
3:10) ; il encourage ses bien-aimés à l’attendre continuellement et à
désirer Sa venue, comme Lui attend et désire que le Père lui donne le signal de
se lever du trône pour venir prendre son Épouse auprès de Lui.
Si la patience est une des
perfections inhérentes à la nature même de l’homme parfait, il n’en est pas
ainsi de nous, chrétiens. Ayant la chair en nous, il nous faut apprendre
la patience, contraire à
toutes les aspirations du vieil homme. C’est pourquoi il est dit, ce qui ne
pouvait être dit de Christ, que « la tribulation produit
la patience ».
Celle-ci nous conduit elle-même à l’espérance (Rom. 5:3) et nous en fait
apprécier toute la valeur (1 Thess. 1:3). Aussi ces résultats bénis de la
tribulation ne font pas désirer à notre homme nouveau de s’y soustraire quoique
nous puissions être ébranlés par elle (1 Thess. 3:3). Mais, dans ce dernier
cas, notre châtiment reviendra chaque matin jusqu’à ce que nous ayons accepté
la tribulation pour apprendre à goûter les fruits bénis de la patience. Plus
nous avançons dans le chemin de la foi, plus notre patience revêtira les traits
de celle de Christ. C’était ce que l’apôtre désirait pour ses chers
Thessaloniciens : « Que le Seigneur » leur disait-il, « incline vos coeurs à
l’amour de Dieu et à la patience du Christ
! »
Combien nous devons désirer,
à mesure que nous faisons des progrès dans la carrière chrétienne, de réaliser
davantage cette patience du Christ, fruit de l’amour
! L’épître à
Tite la fait ressortir comme étant l’ornement des vieillards dans la famille de
Dieu ! (Tite 2:2).
H. Rossier — Courtes méditations — n°16
ME 1922 p. 125-129
Ce Psaume nous offre de telles richesses qu’il serait impossible, même avec une simple énumération de son contenu, de n’en pas faire un volumineux traité. Telle n’est pas mon intention dans ces Courtes méditations où je voudrais plutôt consigner les vérités qui atteignent journellement mon coeur et ma conscience. Ces vérités nous portent à nous connaître davantage nous-mêmes, pour nous juger davantage, et à connaître davantage le coeur de Christ pour l’aimer davantage.
Je rappellerai seulement ce qui
constitue pour moi les trois divisions de ce Psaume. La première, v. 1-13, nous
présente les sentiments d’un coeur qui, avant de connaître la grâce, fait
continuellement, sans pouvoir l’éviter, la
rencontre de Dieu
sur la terre. Dans la seconde division, v. 14-18, l’âme a
fait, non pas la rencontre angoissante d’un Dieu qui la sonde, mais la connaissance d’un Dieu qui l’aime.
Aussitôt
tout change pour elle. Elle éclate en louanges, car elle connaît maintenant ses
oeuvres ;
elle connaît ses pensées ;
mais, bien plus encore,
elle le connaît lui-même
, lui-même en résurrection, lui-même au delà de
la mort ! Le croyant et Lui sont désormais inséparables : « Si je
me
réveille, je suis encore avec
toi
! ». La troisième
division v. 19-24, a trait à la conduite
du
croyant. Il ne peut se contenter de connaître les richesses insondables de
Christ et d’en jouir ; il sent que sa conduite doit être mise d’accord
avec la connaissance qu’il a de lui. C’est sur ce côté pratique du Psaume que
s’arrête aujourd’hui ma méditation.
Connaissant Dieu, tel qu’Il s’est révélé à nous en Jésus, nous sommes appelés, pour lui être agréables, à haïr tout ce qu’Il hait et à mettre notre coeur d’accord avec tout ce qu’Il aime, en y trouvant nos délices. Or nous en sommes empêchés par deux ennemis de Dieu, également haïssables : l’un est le monde, l’autre, notre propre coeur naturel, notre chair de péché.
S’agit-il du monde, Dieu a pu
l’aimer jusqu’à donner son propre Fils pour sauver ceux qui croient. Jésus
s’est présenté comme le « Sauveur du monde ». Maintenant que le monde, en
rejetant le Sauveur a montré qu’il hait Dieu et qu’il est mûr pour le jugement,
cela n’empêche pas la grâce de Dieu de continuer à s’exercer envers les
pécheurs, jusqu’à ce qu’il ne reste plus pour eux aucun espoir. Nous, les
enfants de cette même grâce, nous sommes tenus de la présenter au monde de la
même manière : « Nous supplions
pour
Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Cor. 5:20). Mais nous ne
pouvons agir ainsi qu’en vivant nous-mêmes dans une sainte séparation du monde
et de tout ce qu’il peut nous offrir pour nous tenter. Tout mélange avec lui
nous affaiblit, ou même nous paralyse entièrement et réduit à néant la mission
que Dieu nous a confiée : « Ne savez-vous pas » nous est-il dit, « que
l’amitié du monde est inimitié contre Dieu ? » (Jacq. 4:4). Aussi l’âme qui
est en communion avec Dieu considère-t-elle le monde, non pas sous l’aspect
qu’il prend souvent à notre égard (car il peut être très aimable et gracieux
pour nous) mais selon l’attitude qu’il a prise envers Christ. « N’ai-je pas en
haine, ô Éternel, ceux qui te haïssent ? N’ai-je pas en horreur ceux qui
s’élèvent contre toi
? Je les hais d’une parfaite haine ; ils
sont pour moi des ennemis » (v. 21-22).
Cette haine du monde n’est pas chez le chrétien, le fruit de l’orgueil ni celui de la dureté et de la sécheresse du coeur. Puissions-nous allier sans cesse la haine du monde et des choses qui s’y trouvent, avec l’amour qui caractérise l’évangile annoncé aux pécheurs ! Ce Psaume lui-même ne peut nous en parler parce qu’il est, comme tous les Psaumes, le tableau prophétique des sentiments du Résidu d’Israël sous l’oppression des ennemis de la fin.
Je me hâte d’arriver au second ennemi
, sujet de ma méditation,
c’est-à-dire : mon coeur naturel, la chair qui est toujours en moi. Le
Psalmiste le mentionne en dernier lieu. Comment le combattre et le rendre
impuissant ? Ma chair se retrouve toujours absolument la même, soit que je
me trouve encore éloigné de Dieu, comme au commencement de ce Psaume, soit que
je Lui appartienne en vertu du salut gratuit. N’est-ce pas précisément la chair
en moi qui m’engage dans les voies du monde ? Seigneur, tu m’as donné un
coeur nouveau, un coeur qui aime ce que tu aimes et hait ce que tu hais. Mais
si mon coeur et mes pensées d’autrefois, si cette chair que je ne possède plus
seule, puisque j’ai ton Esprit et ta vie, m’engage dans une « voie de chagrin »,
comment résisterai-je ? Je n’ai que toi, ô Dieu, pour résister. Il ne me
suffit pas de haïr le monde d’une parfaite haine, il faut que j’échappe à son
influence. Mais comment cela peut-il se faire ? Il faut que mon coeur, mes
pensées, ma personne soient mis d’accord avec le coeur, les pensées, la
personne de Christ que Dieu m’a fait connaître (v. 17-18), et qu’ainsi ma
conduite soit en parfaite opposition avec celle du monde. Alors je dis :
« Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon
coeur
; éprouve-moi,
et connais mes pensées
». Toi qui m’as sondé et connu jadis,
quand il n’y avait que le péché dans mon coeur et que je ne songeais qu’à
t’échapper, sonde-moi et connais-moi maintenant qu’il y a deux natures en moi,
afin de me mettre d’accord avec la nature nouvelle que je possède en Christ, et
que rien dans ma marche et mon témoignage ne vienne l’entraver. Je n’ai rien à
te cacher, ô mon Dieu, et ne le désire pas ; et, du reste, n’ai-je pas
fait jadis l’expérience que tu vois et connais tout en moi ? Agis en moi,
toi qui es lumière, pour que mes yeux voient tout ce qui est contraire à ta
gloire ; mets-moi pleinement d’accord avec elle ! Tu le sais, je sens
le besoin d’être sondé par toi, parce que mon homme nouveau a le désir de
t’être agréable et de glorifier ton Fils bien aimé !
« Regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin », quelque voie qui conduise à cette chose terrible : le déshonneur jeté sur Christ. Cette crainte s’empare de mon coeur ; toi seul peux y remédier en sorte que mon Sauveur soit glorifié et que moi-même je ne sois pas malheureux et confus.
Ce désir d’être « sondé et
éprouvé » (non pas connu) nous le trouvons au Ps. 26 dans la bouche de Christ.
Lui, peut affirmer que son coeur est parfaitement d’accord avec Dieu, soit
quant à la communion de ses pensées, soit quant à la haine absolue de tout mal.
Aussi peut-il dire au vers. 12 : « Mon pied se tient
au chemin uni » Il n’a pas besoin d’y être conduit,
comme dans notre Psaume, où
l’âme désire être sondée, pour être mise
d’accord
avec le caractère de Christ tel qu’il est décrit au Ps. 26, et
aussi au Ps. 16.
Comment pourrai-je discerner le moindre mouvement de la chair en moi, si tu ne me sondes pas ? N’arrive-t-il pas souvent que ma communion avec toi est troublée sans que je sois capable de voir quelle en est la cause ? Toi seul tu peux me le montrer car « tu es plus grand que mon coeur, et tu connais toutes choses ». Tu m’enseigneras ; et c’est ce que Dieu fait toujours quand je m’approche de lui avec un coeur sans fraude qui ne lui cache rien.
Mais il faut encore qu’après m’avoir révélé ce qui serait « une voie de chagrin », lui-même me conduise dans un chemin qui ait toute son approbation, chemin où il n’y ait ni chute, ni faux pas, chemin où Christ soit pleinement glorifié : le chemin où lui-même a pleinement glorifié le Père.
Quel bonheur, quand l’âme en
est arrivée là ! Mais il ne nous faut pas supposer qu’elle atteigne
définitivement le but ici bas. Les mots : « Sonde-moi et connais mon
coeur ; éprouve-moi et connais mes pensées » doivent revenir chaque matin
sur mes lèvres, afin que chaque jour
je sois gardé de la voie du chagrin et conduit dans la voie qui l’honore.
H. Rossier — Courtes méditations — n°17
ME 1922 p. 153-156
Ceux qui ont compris la
pensée de Dieu pour les temps de la fin, ont le privilège de pouvoir réaliser jusqu’au
bout
ce que le Seigneur attend de ses témoins, car il ne sera pas suscité de
témoignage nouveau jusqu’à la venue du Seigneur.
Cette réalisation de la
pensée de Dieu et de Christ, nous la trouvons exprimée dans les épîtres à
Philadelphie et à Laodicée. Dans la première, il s’agit d’un témoignage
collectif
très faible, car sa faiblesse coïncide avec la ruine de l’Église
professante (Sardes) sortie de la Réformation. Dans la seconde, il s’agit d’un témoignage
individuel
, le seul qui semble subsister encore quand l’Assemblée
responsable est sur le point d’être vomie de la bouche de Christ.
Le témoignage collectif
actuel est accompagné de l’aveu public que l’on possède peu de force, mais
aussi de la conviction qu’Il est notre Boaz (« En lui est la force »), Lui qui a
le pouvoir absolu d’ouvrir et de fermer. Mais ce témoignage consiste d’abord à
ne pas renier le nom de Celui qui dit : Je suis le Saint
; à
répondre, par une vraie séparation du monde, au caractère du Seigneur qui est
et a toujours été le Saint
, séparé pour Dieu de tout mal. Ce témoignage
consiste en second lieu à garder la parole du Seigneur, à la garder dans toute
son intégrité, comme étant la vérité même, le caractère de Celui qui est la
Parole faite chair, révélé entièrement dans les Saintes Écritures.
Il n’est point difficile de réaliser ces choses collectivement, ne serait-on que deux ou trois pour le faire. On trouve dans cette réalisation des liens heureux d’amour entre frères exprimés par le nom de Philadelphie, et découlant du sentiment de l’amour de Christ. Ces liens sont étrangers à ceux qui ne possèdent pas les deux choses que Jésus loue en Philadelphie : Garder sa Parole et ne pas renier son nom. Le sentiment de la ruine pousse en même temps ces âmes à attendre le Seigneur et Celui-ci leur confirme la promesse qu’Il vient bientôt.
Philadelphie ne serait pas Philadelphie, c’est à-dire l’amour fraternel uni à peu de force, si l’on devait s’attendre à voir le nombre des chrétiens, attachés à la Parole et séparés du monde, s’augmenter beaucoup et devenir un puissant témoignage au temps de la fin. Cependant, si le témoignage philadelphien était plus fidèle on pourrait voir, avant l’enlèvement de l’Église, un plus grand nombre d’enfants de Dieu garder « la parole de la patience de Christ » et s’écrier : « Viens ! Amen, viens Seigneur Jésus ! »
Le témoignage individuel
devient toujours plus pressant à mesure que le temps de la fin approche. Ce
témoignage est, à le considérer de près, le même témoignage que Philadelphie a
rendu collectivement. Le croyant individuel jouit de la communion avec le
Seigneur, mais il a le privilège de faire une connaissance encore plus intime
de Christ que Philadelphie ne l’a fait comme assemblée. Il comprend mieux ce
qu’est l’Amen
(Apoc. 3:14). Ne trouvant plus dans l’Église aucune
réalisation de la pensée de Christ, il est rejeté uniquement sur Celui qui est,
lui seul, la pleine révélation et le plein accomplissement de toutes les
promesses de Dieu relatives au salut, au St-Esprit, à la vie éternelle, à
l’héritage. Quand le fidèle serait laissé seul au milieu d’un monde apostat lui
manquera-t-il rien, s’il a l’Amen
?
Vous direz que la ruine du
témoignage de Dieu dans ce monde doit le remplir de découragement ?
Non ; car si vous étiez tout seul à avoir « entendu sa voix » (v. 20) un
autre témoin resterait encore. Ce témoin, c’est Lui
. Même mon témoignage
individuel isolé pourrait venir à manquer (bien que je sois certain que le
Seigneur ne se laissera jamais sans témoignage, au milieu de la pire apostasie)
que lui demeurerait le témoin fidèle
. Et de plus, il est le témoin
véritable
. Il s’est manifesté à Philadelphie comme « le Véritable »,
pleinement révélé dans la parole de Dieu qui est la vérité, comme Lui-même est
la vérité. Ici, il se manifeste à l’âme individuellement, quand la parole de
Dieu est abandonnée, comme Celui dont le témoignage peut être connu par cette
même Parole.
Que tu es heureux, pauvre témoin isolé de Laodicée ! ton témoignage, c’est Christ qui le représente, et ce témoignage, tu peux le connaître tout entier dans la Parole, sans qu’il y manque rien ! Es-tu moins puissant, toi, parce que tu es seul ? Non, puisque le Témoin fidèle et véritable est avec toi, qu’il entre chez toi, s’assied à ta table, est en communion avec toi et t’invite à sa communion ! (v. 20).
Nouvelle grâce ! il est
encore « le commencement de la création de Dieu
». Quand tout ce qui est
de l’ancienne création s’est moralement effondré, lui est le commencement de
celle de Dieu
, d’une nouvelle création basée sur sa résurrection d’entre
les morts. Te voilà, pauvre isolé, introduit dans cet ordre de choses tout
nouveau, tout spirituel et céleste, peuplé des milliers de myriades dont il est
le Chef ! Regrettes-tu la faillite de l’ancienne création ? Cette
création disparaîtra entièrement, consumée par le feu inexorable du jugement,
elle passera avec un bruit sifflant de tempête. La nouvelle création seule
subsistera. Elle a son commencement en Christ, et ce commencement n’aura
point de fin à jamais
!
H. Rossier — Courtes méditations — n°18
ME 1922 p. 165-168
Le nom de Jésus
que nous rencontrons dans ces
trois passages est l’humble nom d’homme de notre Seigneur, celui qu’il a reçu
en entrant dans le monde (Luc 1:31), sous lequel il s’est anéanti jusqu’à la
mort de la croix, mais devant lequel il faudra que tout genou se ploie, jusqu’à
ceux des réprouvés. Pour nous, ce nom de Jésus est un nom d’intimité, jamais de
familiarité, même quand « il n’a pas honte de nous appeler ses frères », car ce
serait méconnaître étrangement son caractère divin et sa dignité suprême que de
l’appeler « notre frère ».
Dans le premier de ces
passages (2:9) il est dit : « Nous
voyons Jésus
». Nous n’y sommes
pas invités, mais pour nous, le voir est un fait. Nous ne le voyons sans doute
pas avec les yeux de la chair, mais avec ceux de l’Esprit et, malgré cela,
c’est une vue réelle
. Nous le suivons en Esprit, lui que
nous avons « vu de nos yeux » ici-bas, — lui qui a été fait un peu moindre que
les anges à cause de la passion de la mort — jusque dans les lieux célestes où
nous le voyons maintenant couronné de gloire et d’honneur. Nous le verrons plus
tard de nos propres yeux, quand il sera venu nous prendre et que nous lui
serons semblables ; notre vue actuelle n’en est pas moins une réalité car
la foi est la démonstration des choses qu’on ne voit pas.
Il n’est pas dit ici que nous voyions autre chose que lui, alors même que c’est dans le ciel que nous le voyons couronné de gloire et d’honneur. L’apôtre Jean, quand, en esprit, il y monte par la porte ouverte, voit beaucoup de choses, et n’est pas en danger de leur donner une place prépondérante parce qu’elles se concentrent toutes sur l’Agneau qui en est le centre et le point culminant ; mais nous, étant encore sur la terre, nous sommes gardés de toute distraction en n’ayant devant les yeux que Jésus, dans la gloire dont il est couronné. Toute vaine spéculation disparaît devant cette vue. Quand nous serons en réalité là-haut, comme Jean y fut en esprit, rien de ce que nous verrons ne sera capable de détourner nos yeux parfaits de l’objet capital, en donnant aux objets accessoires une valeur qui diminuerait celle de Jésus.
Dans le second passage (3:1)
nous sommes invités à considérer Jésus.
Considérer un objet,
c’est le regarder avec soin sous ses faces
diverses,
et deux de ces faces, propres à l’épître aux Hébreux, sont
présentées à notre attention, afin que nous en connaissions toute la valeur. La
première nous montre Jésus comme l’apôtre de notre confession, de notre appel
céleste, la seconde comme notre souverain sacrificateur. L’apôtre de l’appel terrestre
d’Israël était Moïse, son souverain sacrificateur, Aaron. Ces deux caractères
se réunissent en Jésus pour conduire le peuple de Dieu vers la Canaan céleste,
à travers le désert de ce monde. Comme apôtre
de notre confession, il nous a annoncé « le grand salut », la nouvelle d’une
rédemption accomplie qui nous donne le droit d’hériter de la gloire. C’est vers
cet héritage qu’il nous conduit. Comme souverain
sacrificateur
, non
seulement il nous a ouvert l’accès au trône de la grâce, dans le sanctuaire,
mais il s’occupe à nous secourir en sympathisant à nos infirmités, et il est
capable de sauver jusqu’au bout ceux qui s’approchent de Dieu par Lui (7:25).
Quand nous le considérons, quelle assurance cela nous donne ! Le salut
dont nous devons hériter nous est acquis, l’aide et le secours pour l’atteindre
ne peuvent nous manquer, car notre Melchisédec a une sacrificature qui ne se
transmet point.
Dans le troisième passage
(12:2), il nous est dit : « fixant
les yeux sur Jésus
, le chef
et le consommateur de la foi ». Nous sommes souvent accablés par la longueur de
l’effort. À mesure que nous avançons, l’arène semble s’étendre à perte de vue.
Ne pourrions-nous nous arrêter un instant pour nous distraire de la fatigue, et
reprendre la course après nous être restaurés ? Imprudents ! « Ne
savez-vous pas que ceux qui courent dans la lice courent tous, mais un seul
remporte le prix ? Courez de telle manière que vous le remportiez » (1 Cor.
9:24). Bien d’autres sont autour de vous, témoins des avantages d’une vie de
foi, en des promesses non accomplies, en un but non encore atteint. Mais ce
n’est pas à ces témoins souvent fautifs, toujours fragiles que nous sommes
exhortés à regarder. L’apôtre nous dit de détourner nos regards de tout autre
objet pour les fixer sur Jésus
seul.
A-t-il jamais manqué de patience ? S’est-il jamais arrêté dans sa
course ? Non, il l’a poursuivie jusqu’au bout sans aucune défaillance, et
il est arrivé au but. « Il est maintenant assis à la droite de Dieu ». Rien ne
l’a arrêté, ni la contradiction des pécheurs, ni la croix, ni la honte, mais il
a atteint le but proposé, la joie qui était devant lui, la joie d’avoir
glorifié le Père, d’avoir accompli l’oeuvre de salut, d’avoir acquis son
Épouse. Fixez les yeux sur Jésus ! Il est « le chef de la foi
» ;
il a marché à la tête de nous tous pour atteindre ce but que nous atteindrons à
sa suite ; il est le « consommateur de la foi
» car jusqu’à
aujourd’hui lui seul est parvenu à cette « consommation ».
Qu’il nous soit donné à tous de réaliser ces choses ; de voir Jésus par la foi ; de nous exhorter les uns les autres à le considérer, de fixer les yeux sur lui sans les détourner sur d’autres objets. Là est notre bonheur et notre force. Heureux ceux dont la force est en Lui ; ils marcheront de force en force ! Le but est près d’être atteint ; Sion, la montagne de la grâce royale sera bientôt gravie et nous pourrons nous reposer là où Il se repose lui-même en nous attendant !
H. Rossier — Courtes méditations — n°19
ME 1922 p. 177-180
Il n’a fallu rien moins que
tout un évangile pour nous décrire la carrière du Seigneur comme serviteur
ici-bas et modèle de notre
propre service, sans parler de l’éternité qu’il nous faudra pour embrasser son
caractère de serviteur dans le ciel. Le passage en tête de ces lignes ne nous
donne donc que quelques détails de ce service. Notons-les en passant.
Le mot « aussitôt » qui frappe
tous les lecteurs de l’évangile de Marc nous montre le bon serviteur prompt à
s’acquitter de sa tâche, n’ayant pas besoin d’un commandement spécial pour
l’accomplir, mais connaissant les habitudes de son Maître et ayant les yeux
fixés sur lui pour accomplir ses moindres désirs, avant même qu’il ait parlé.
Aussitôt une chose terminée, ce serviteur en entreprend une autre. Le mot « aussitôt »
indique aussi l’ordre
du service. Une maison bien ordonnée a, du matin au soir, une
série d’occupations qui se succèdent sans se confondre, n’empiètent pas les
unes sur les autres, viennent chacune à son heure, à son moment du jour. Le
passage que nous venons de lire illustre admirablement cette vérité.
Aux vers. 34 et 44, comme dans le reste de cet évangile, Jésus défend de dire à personne ce qu’Il a fait. Dans les autres évangiles il fait la même défense, mais à la suite de son rejet comme Messie, car il abandonne ses droits à la royauté pour souffrir et mourir. Ici, dès le début, avant d’être rejeté, nous trouvons la même injonction. Un serviteur ne fait pas parler de lui, ni ne fait publier sa renommée.
Détail de toute beauté, nous le voyons dans ce chapitre « entrer et sortir ». Service au dedans, service au dehors. Il entre à Capernaüm dans la synagogue ; il en sort pour entrer dans la maison de Pierre ; longtemps avant le jour il sort dans un lieu désert. Ainsi son service s’exerce dans toutes les sphères.
N’est-il pas à la fois intéressant et humiliant pour nous de constater ces choses ? Sommes-nous toujours en éveil pour accomplir, au moindre signe, la volonté du Maître ? Prenons-nous bien garde de ne pas nous faire valoir par les résultats de notre service, d’effacer volontairement notre personnalité pour faire uniquement ressortir la gloire de Celui que nous servons ? Bornons-nous notre activité à un lieu restreint ou l’appliquons-nous au dehors comme au dedans, selon l’occasion qui nous est offerte ? Nous voyons, dans le court espace de temps compris dans ce passage, Jésus parcourir la Galilée, marcher le long de la mer, visiter partout les synagogues, entrer dans une maison particulière, recevoir à la porte ceux qui se présentent, se rendre dans les bourgades, se tenir dans un lieu désert. Dans chacun de ces endroits, il accomplit un service spécial.
Ce service est en premier lieu l’évangile (v. 14-15) et c’est par là que le vrai serviteur commence toujours. Il annonce que, du côté de Dieu, le temps est accompli, que, du côté de l’homme, il faut une oeuvre dans la conscience et dans le cœur : la repentance et la foi.
Un autre caractère de son
service, c’est qu’il appelle ses disciples à le suivre.
Pour nous, aucun service n’est possible sans cela, mais
nous ne pouvons exhorter les autres à faire de même à notre égard ; le
Seigneur seul a l’autorité de nous attirer à sa suite. Si nous sommes fidèles,
nous aurons le privilège de dire à nos frères, comme Paul, le fidèle
serviteur : « Imitez-moi », car il servait le Seigneur avec un coeur non
partagé. Suivre Jésus, c’est le prendre pour guide ; sa parole est
l’aimant qui attire les disciples. Ils laissent tout
pour le suivre. Du
moment que les liens ou les occupations les plus légitimes sont un empêchement
pour le service, il faut les rompre, car il s’agit ici de le suivre, afin
d’obtenir la faveur de chercher les âmes, comme Lui (v. 17).
La journée du serviteur,
avons-nous dit, est employée de diverses manières. À Capernaüm, il enseigne un
auditoire qui a le nom de connaître l’Éternel et se réunit pour entendre sa
Parole. Son enseignement ne consiste pas, comme celui des scribes, en choses apprises
qui ne répondent jamais aux besoins des âmes, mais est avec autorité
,
provenant de Dieu en ligne directe. Il délivre ensuite le démoniaque : il
a la même autorité dans ses actes que dans sa doctrine. Jamais l’un ne
contredit l’autre. Pouvons-nous dire qu’il en soit de même dans notre
service ? Ces choses ne devraient-elles pas toujours être d’accord chez un
vrai serviteur ? — Le voici maintenant dans la maison de Pierre et d’André
occupé à relever une seule personne, rendue, par la fièvre, inapte au service.
Il faut, pour qu’elle puisse reprendre son activité, l’affranchir
de ce qui l’entrave. Ce relèvement coûte autant de
peine à Jésus que la guérison d’un lépreux et a la même importance à ses yeux.
Dans le court sommeil de la
nuit il puise des forces nouvelles pour reprendre sa tâche avant le jour, mais
il les puise avant tout, à peine réveillé, dans l’entretien avec son Père.
C’est ainsi qu’il connaît le moment propice pour la guérison des foules ou la
prédication dans les bourgades (v. 37-38). C’est aussi la prière qui donne la
puissance à la prédication. Au milieu de ces scènes si diverses resplendit le motif
par excellence de toute l’activité de ce Serviteur sans pareil. Ce motif est l’Amour
!
H. Rossier — Courtes méditations — n°20
ME 1922 p. 189-193
Le mal peut être envisagé de deux manières : comme le mal en nous, ou comme le mal dans le monde.
Le livre de Job fait le
tableau d’un croyant placé devant la question du bien et du mal en lui
. En réponse aux accusations de ses amis, lui présentant son
épreuve comme un jugement de Dieu sur le mal qu’il a commis, il se défend et
conclut selon Élihu : « Moi, je suis net, sans transgression ; je suis
pur, et il n’y a pas d’iniquité en moi ». En effet, n’avait-il pas dit
lui-même : « Jusqu’à ce que j’expire je ne lâcherai pas ma
perfection » ? et encore : « Que Dieu me pèse dans la balance de la
justice ; il reconnaîtra ma perfection ». La conclusion de toute cette
histoire de Job, c’est que nous ne connaissons et ne jugeons réellement le mal
qui est en nous que lorsque nous nous trouvons en présence de Dieu,
c’est-à-dire du bien parfait. Alors nous arrivons à un résultat diamétralement
opposé à nos conclusions premières et nous disons : « Voici, je suis une
créature de rien… Je mettrai ma main sur ma bouche ». « Maintenant mon oeil t’a
vu ; c’est pourquoi j’ai horreur de moi et je me repens dans la poussière
et dans la cendre » (Job 38:37, 42:6). La lumière de la présence de Dieu nous
fait seule prendre en horreur le mal en nous, et nous conduit à une vraie
repentance.
Le Ps. 51 fait le tableau
d’un croyant obligé
de s’occuper du mal
en lui
pour retrouver la communion avec Dieu qu’il avait perdue par son
péché. Il dit : « Je connais mes transgressions et mon péché est
continuellement devant moi » (v. 5) ; mais il sait que Dieu ne méprise pas
un coeur brisé et humilié. C’est la vraie repentance à la vue du mal. Le
croyant trouve alors un Dieu qui, au lieu de lui compter ses transgressions, a
usé de grâce envers lui et les a effacées selon la grandeur de ses compassions.
Dieu l’amène à avoir le mal, son péché, continuellement devant lui, afin de lui
apprendre que Dieu a trouvé, dans le sang de Christ, un moyen de ne plus jamais
s’en souvenir.
S’agit-
il du mal en dehors de nous,
du mal dans
lequel le monde est plongé, la question est tout autre, et nous apprenons par
maint exemple de quelle manière il faut s’en occuper sans perdre la communion
avec le Seigneur.
La première condition pour
considérer le mal selon les pensées de Dieu est d’en être entièrement séparé
soi-même ; sans cela nous ne pourrions jouir d’un seul moment de bonheur.
Le cas de Lot en est un exemple frappant. Lot avait une « âme juste », mais
privée de communion avec Dieu parce qu’il avait choisi sa part avec le monde et
était allé y habiter. Dans ce milieu il avait continuellement le mal sous les
yeux et ne pouvait
le chasser de ses
pensées. La conséquence était que lui, « le juste Lot, était accablé
par la conduite débauchée de ces
hommes pervers, car ce juste qui habitait parmi eux, les voyant et les
entendant, tourmentait de jour en jour
son
âme juste, à cause de leurs actions iniques » (2 Pierre 2:7-8). Il ne songeait
pas à justifier le mal, bien au contraire ; mais il était sans force et
sans ressource contre lui ; il n’avait pas un instant de repos ou de
contentement dans son âme. Son affliction d’un mal qu’il voyait incurable était
incessante, mais il n’avait aucune possibilité de s’en abstraire pour se
nourrir du bien, car il en était incapable, n’ayant pas une bonne conscience
devant Dieu. Tout autre était Abraham. Ne s’occupant que du bien et jouissant
de la présence de l’Éternel, le mal ne produisait chez lui qu’un désir :
l’intercession pour les iniques et les impies. Or le rôle d’intercesseur n’est
jamais accompagné de tourment ; nous le remplissons dans l’heureux
sentiment des ressources de Dieu pour remédier au mal, mais avec la conviction
qu’il arrivera un moment où, pour la gloire de Dieu, le jugement sera
inévitable. Le danger que courait son frère n’avait fait que mettre en jeu chez
Abraham toute l’énergie de la foi, pour voler à son secours lors de la bataille
des rois.
Nous voyons souvent dans les
Psaumes les croyants aux prises avec le mal en dehors d’eux, et en face des
circonstances les plus propres à les accabler ou même à les désespérer. Leur
attitude sera-t-elle, dans ce cas, celle du pauvre Lot ? Rien n’est plus
instructif que de l’apprendre par la lecture du Ps. 73. Tant que l’esprit
d’Asaph est livré à lui-même pour juger la cause du triomphe du mal dans le
monde, tandis que lui, croyant, voit son châtiment revenir chaque matin, il ne
peut arriver à résoudre cette énigme. Le moyen de juger le mal sans se laisser
abattre, est d’entrer dans le sanctuaire où l’on trouve en Dieu le bien
parfait. Alors nous comprenons le jugement absolu de Dieu sur le mal du dehors,
au temps assigné, mais, placés en pleine lumière, nous portons en même temps
un jugement complet sur le mal en nous-mêmes,
jugement qu’Asaph n’avait jamais porté à ce point
jusque-là. Le prophète ne peut désormais montrer aucune dureté dans son
jugement du monde, parce qu’il a appris à juger beaucoup plus sévèrement encore
le mal dans son propre coeur. Si, comme Asaph, nous entrons dans le lieu saint
pour y habiter, nous apprendrons à détester le mal dans le monde, tout en nous
détestant nous-mêmes.
Au Ps. 94 le croyant n’assiste pas seulement au spectacle du mal dans le monde ; il est lui-même victime des méchants. Dieu se sert de cette tribulation comme d’un châtiment, mais le fidèle ne perd pas pour cela la jouissance de son bonheur (v. 12), car il fait d’autant plus l’expérience des consolations de l’Éternel, comme les délices de son âme. L’apôtre exprime aussi cette pensée en 2 Cor. 1:3-4. Au lieu de faire l’expérience du mal avec Satan, le croyant la fait avec Dieu. La même vérité est exprimée au Psaume 139. Le fidèle a le mal en haine parce qu’il a Dieu seul en vue (v. 21-22), mais Sa présence amène à se juger impitoyablement lui-même, aussi est-il conduit « dans le chemin éternel ».
Cependant il peut arriver que le croyant, par manque de vigilance, devienne la proie du Méchant. Si cela arrive, comme David nous en est un exemple, il lui faudra, pour retrouver la lumière de la face de Dieu, remonter péniblement avec les larmes de la repentance, le chemin parcouru, jusqu’à ce qu’il ait rejoint le vrai chemin de Dieu là où il l’avait quitté. Il sera même parfois obligé de remonter pour cela jusqu’au début même de sa carrière.
Une âme qui vit habituellement dans la présence de Dieu et jouit de sa position céleste en Christ, sera toujours capable de discerner le bien et le mal, le bien, pour le faire, le mal, pour en être entièrement séparée. C’est ce dont notre Sauveur bien-aimé nous a donné l’exemple parfait. Il marchait au milieu de tout le mal qui caractérise le monde ennemi de Dieu, sans en être atteint en aucune manière, sinon pour en souffrir. Il en était si séparé qu’il ne prenait pas sur ses lèvres les noms de ceux qui « couraient après un autre » (Ps. 16). Il marchait tellement au-dessus du mal que sa vie douloureuse nous est présentée comme un chemin de délices. Ces délices, il les trouvait dans « les saints qui sont sur la terre », dans le bel héritage qui lui était dévolu, dans la face de son Dieu, rassasiement de joie pour son âme, dans les plaisirs qu’il avait à sa droite pour toujours. Le sépulcre même et la mort étaient pour lui le chemin de la résurrection et de la vie !
H. Rossier — Courtes méditations — n°21
ME 1922 p. 213-215
Il est très instructif de comparer les croyants entre eux : Lot avec Abraham, Jonathan avec David, etc. On voit d’un côté où conduit un coeur partagé, malgré les traits divins qu’il lui est donné de reproduire, de l’autre, où conduit un coeur parfait avec Dieu. Jonathan est un exemple de l’énergie d’une foi personnelle, et d’un amour entièrement désintéressé pour David, l’oint de l’Éternel. Ces vertus se développent merveilleusement, même dans un milieu où l’homme de foi se trouve associé à une profession religieuse correcte, mais à laquelle le vrai nerf manque absolument. Du moment que David était rejeté, Jonathan aurait dû faire un pas de plus ; il fallait abandonner tout le système professant pour se joindre au vrai roi. C’est là que ce coeur, si sympathique, mis à l’épreuve, manque d’énergie morale, et il en subit les tristes conséquences.
Lot est un caractère bien
moindre que celui de Jonathan, car sa foi manque d’énergie personnelle. Il ne
commence pas bien, car il marche avec Abraham, c’est-à-dire par la foi
d’Abraham. L’énergie d’Abraham lui suffit. Il est le juste Lot
et cela le caractérise comme homme de foi, mais c’est
tout. La justice pratique personnelle dans nos voies ne suffit pas. Il faut
l’énergie de la foi ; il faut que le coeur ait un seul objet ; il
faut la séparation du monde ; sinon le monde nous submergera. Mais ce qui
caractérise surtout Lot en mal, c’est qu’il choisit
. Placé, sans énergie
spirituelle devant les choses du monde, il « lève les yeux
» et choisit.
Il choisit sans aucune hésitation. Plus tard, hélas ! il montre la plus
grande hésitation quand il s’agit de quitter ces choses.
Abraham ne choisit pas ;
il abandonne
. Il abandonne d’autant plus volontiers que, lors de son séjour
en Égypte, il avait dû apprendre, par la perte de la communion avec Dieu, ce
que c’était que de suivre sa propre pensée pour sortir de l’épreuve, quelque
plausibles que fussent d’ailleurs ses motifs.
Lot lève les yeux
et choisit les choses belles qui attirent ses
regards ; des choses, direz-vous, établies comme un jardin d’Eden par la
bonne providence de Dieu. Où était donc le mal ? Il était, a dit un frère,
en ce que Satan avait planté Sodome au milieu du jardin de l’Éternel. Or c’est
fatalement vers Sodome que la marche de Lot l’entraîne. Il a cherché dans ces
choses la satisfaction de ses désirs ; il y trouve les plus épouvantables
tribulations, comme unique conséquence de son infidélité.
J’ai dit : Abraham abandonne
. Il le fait pour Dieu, mais Dieu ne veut pas rester son
débiteur. Il dit : « Lève tes yeux
». Quand c’est Dieu qui nous le dit, et non pas notre coeur,
nous pouvons les lever sans crainte. Abraham lève les yeux sur l’étendue et les
détails de l’héritage que Dieu veut lui donner ; il se promène de long en
large dans ce bon pays qu’il ne possède qu’en espérance, mais cela suffit à sa
foi. Le résultat de cette jouissance est qu’il adore l’Éternel qui lui a tout
promis et lui donne l’assurance de ces choses. C’est l’autel permanent
d’Hébron, l’autel du lieu où
Abraham habite.
Au reste l’on peut dire que,
depuis l’appel de Dieu, Abraham était coutumier
de l’abandon
, mais, à
mesure qu’il avance dans le chemin, il apprend à abandonner mieux et davantage,
même jusqu’à tout son espoir d’avenir, dans la personne d’Isaac, son fils
bien-aimé.
Le résultat du choix
de Lot est déplorable pour lui.
Quant à son coeur
, tout ce qu’il peut faire, c’est de « tourmenter son
âme juste » ; ce n’est ni la paix, ni la communion, ni la puissance, ni la
joie. Quant à son intelligence
, il ignore comment Dieu estime le
monde et le jugement qu’il prononce contre lui. Quant à sa foi
, il craint le
danger, là où est pour lui le salut, et manque absolument d’assurance. Quant à
son témoignage
, il le perd entièrement, se voit repris par le monde et un
objet de risée pour ses gendres. Quant à sa marche
elle se termine par un effondrement.
Quelle différence d’avec
Abraham ! Près de Dieu sur la montagne, jouissant des choses à venir,
adorateur plein de paix, intercesseur, ami de Dieu, dépositaire de ses
révélations et de ses secrets quant à l’héritage (ch. 13), quant au jugement du
monde (ch. 18) et au-dessus de tout quant à l’héritier
lui-même, qu’Abraham finit par posséder comme sa part à jamais ! Outre
cela, Abraham est victorieux, délivre son frère, refuse
les dons du monde après avoir abandonné
le monde (14:23). Enfin nous voyons chez lui les traits
multiples de la foi qui obéit, s’attache à la parole de Dieu, vit dans sa
dépendance, nous rend étrangers dans le monde, espère, persévère, renonce,
combat victorieusement, justifie, réalise la mort, saisit la résurrection, et
fait toutes ces choses, parce qu’elle s’attache à Christ et aux choses
invisibles !
H. Rossier — Courtes méditations — n°22
ME 1922 p. 225-228
Les deux grands écueils de la
profession chrétienne sont le légalisme
et
la mondanité,
deux choses par
lesquelles Satan empêche les âmes non converties de trouver le salut par
Christ, et détruit tout progrès spirituel chez les âmes qui le connaissent. Ces
deux écueils sont d’autant plus dangereux qu’ils se lient à la profession du
christianisme et ne sont pas le partage des incrédules. Ils n’est pas dit de
ces derniers qu’ils marchent
(v. 18),
tandis que cela nous est dit des professants. Rencontrer Jésus sur le chemin de
Damas avait mis fin à la religion légale de Saul de Tarse ; il avait
trouvé que désormais il ne pouvait avoir aucune confiance dans la chair. Faire
la connaissance de Christ dans la gloire avait coupé court chez lui à toute
mondanité possible, car le Seigneur lui annonçait par Ananias « combien il
devait souffrir
pour son nom » (Actes
9:16).
Le commencement du chapitre
dont nous avons lu quelques versets nous parle du légalisme
par lequel les judaïsants cherchaient à remettre les
chrétiens sur le pied d’hommes dans la chair vis-à-vis de Dieu. Ils insistaient
auprès d’eux sur la circoncision. Ce piège a sans doute changé de forme, mais
le légalisme n’en est pas moins la caractéristique de la chrétienté actuelle. À
cette tendance le christianisme professant n’a pas de remède, mais l’apôtre met
les vrais croyants en garde contre une telle religion. Nous sommes la
circoncision, dit-il, nous qui avons trouvé dans la croix la fin du vieil
homme, dans un Christ ressuscité le commencement de l’homme nouveau et, avec
lui, le don du Saint Esprit par lequel nous pouvons rendre culte à Dieu.
Notre passage nous parle du
second écueil : la mondanité.
Le
légalisme rattache l’homme à la
chair,
la mondanité le rattache à la terre
.
L’apôtre Paul était, devant les chrétiens, l’exemple d’un homme
ayant un but glorieux et céleste, avec un seul objet, entièrement en dehors de
ceux qui sont sur la terre. Les gens au sujet desquels il les mettait en garde
étaient l’exemple du contraire : ils marchaient, mais sans but
céleste ; ils avaient leurs pensées aux choses terrestres ; et cela
les constituait ennemis de la croix du
Christ
. Il ne dit pas
ici : « Plusieurs d’entre vous
marchent », car ces gens ne sont pas présentés ici comme faisant partie de
l’Assemblée, mais tel était, déjà alors, le commencement du mal qui plus tard a
tout envahi dans la chrétienté : une profession chrétienne, entièrement
étrangère à la vie de Dieu. Ces gens, portant le nom de Christ, étaient pour
l’apôtre un sujet de déception et de larmes amères. Ils étaient ennemis de la
croix du Christ dans leur marche
, non pas peut-être dans la profession
qu’ils faisaient du christianisme, mais ils marchaient de manière à
montrer qu’ils n’avaient aucun intérêt
céleste
. C’est une chose à
remarquer dans les jours que nous traversons. Le christianisme professant
ignore Christ dans la gloire tout en parlant de la croix, tandis que, pour le
chrétien, ces deux choses, la croix et la gloire, sont inséparables comme
l’apôtre va le montrer. Si nous n’avons pas la croix, c’est-à-dire les
souffrances pour Christ pendant notre vie sur la terre, nous serons privés de
la gloire céleste, et cette absence de souffrances « a pour fin la perdition ».
Les souffrances, la mort journalière ici-bas, ne faisaient pas l’affaire des
hommes dont parlait l’apôtre ; toute leur activité avait, au contraire,
pour but de les éviter. Ils les haïssaient, quand l’apôtre, lui, recherchait
« la communion des souffrances de Christ », parce qu’elles étaient le chemin de la
gloire. Malgré leur profession ils n’avaient pas la croix pour point de
départ ; ils lui avaient tourné le dos, puisque leur fin
était la perdition,
l’opposé
de la gloire. Tout au contraire, le chrétien « attend du ciel le Seigneur Jésus
Christ comme Sauveur
» pour
le libérer de ce qui est mortel en le revêtant d’un corps de gloire semblable
au sien. L’attendons-nous ainsi ? Oui, si nous portons la croix. Sans
elle, comment pourrions-nous parler de la délivrance de nos corps, du salut
final ? Le Dieu de ces hommes était leur ventre, siège des jouissances
matérielles, centre d’une vie facile et sans épreuves, dans laquelle la chair
trouve à se satisfaire. Tel était « leur Dieu », celui dont ils professaient le
culte. Ces hommes n’avaient aucun intérêt pour les choses divines et ne
pouvaient les comprendre ; le Dieu du chrétien, le Seigneur Jésus-Christ,
était un étranger pour eux, quand même ils portaient son nom.
« Leur gloire est dans leur
honte » : ils se glorifient de ce qui est honteux aux yeux de Dieu
,
que ce soit la fortune, les ambitions, les passions ou les souillures de
ce siècle mauvais, dont la croix de Christ nous a retirés. « Leurs pensées sont
aux choses terrestres » : Toutes les relations du chrétien sont dans le
ciel ; c’est là que sont établis et conservés ses droits de
bourgeoisie ; c’est de là qu’il attend le Seigneur Jésus pour être retiré
du milieu de ces choses auxquelles ils n’appartient plus et qu’il traverse
comme un étranger. La gloire du chrétien n’est pas dans la satisfaction de son
corps, qu’il considère comme un corps d’abaissement, jusqu’à ce qu’il soit
transformé en la conformité du corps glorieux de son Sauveur. Il ne peut
prétendre à la conformité
avec le
Seigneur ici-bas ; mais il l’atteindra à sa venue. En attendant, il peut
être transformé
moralement de gloire
en gloire à son image et c’est le précieux privilège de ceux qui le contemplent
maintenant à face découverte avant de lui être rendus semblables dans la
gloire.
Certes l’apôtre était bien loin d’envier ces heureux du monde, car nous le voyons pleurer sur eux. Pour lui, le ciel possédait de telles attractions qu’il ne faisait qu’une chose : « courir droit au but ». Et si l’attache du corps était une entrave, une charge, une source de gémissement souvent (2 Cor. 5:4), il était soutenu par une espérance que partage tout chrétien fidèle : la venue du Seigneur pour transformer notre corps vil en la conformité du corps de Sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses !
H. Rossier — Courtes méditations — n°23
ME 1922 p. 237-240
J’ai souvent médité ce magnifique Psaume au point de vue de son application prophétique, mais je désire le considérer aujourd’hui dans son adaptation aux vérités de l’Évangile, aspect qui n’est pas moins précieux que le premier.
« Célébrez l’Éternel !
car il est bon ; car sa bonté demeure à toujours ». C’est ainsi que ce
Psaume commence. Nous touchons ici à l’illusion des hommes au sujet du
caractère de Dieu : ils parlent beaucoup du « bon Dieu », mais Dieu n’est
pas « le bon Dieu » qu’ils pensent ; il est un Dieu juste qui ne peut pas
supporter le péché. Il n’y a que les
rachetés
qui puissent célébrer sa bonté : « Que les rachetés
de l’Éternel le disent », parce que cette bonté s’est
montrée dans leur rachat,
dans leur délivrance du joug de Satan
: « ceux qu’il a rachetés de la main
de l’oppresseur » — et dans leur rassemblement
: « il les a rassemblés des pays, du
levant et du couchant, du nord et de la mer ». Ces trois preuves de la bonté de
Dieu ne devraient pas être séparées : Dieu nous rachète et nous délivre
pour nous rassembler. Ne pas connaître le rassemblement
des rachetés
, ou plutôt ne
pas l’estimer, c’est ne connaître qu’imparfaitement la bonté de Dieu.
Depuis le v. 4 de ce Psaume, nous trouvons la condition dans laquelle se trouvent les pécheurs avant leur délivrance ; depuis le v. 33 les circonstances qui font suite à cette dernière. La considération de ces choses est très instructive pour nos âmes.
L’état de ceux qui ne sont
pas rachetés peut être envisagé à quatre points de vue : Ils sont dans le désert
(v. 4-9),
en prison
(v. 10-16), malades
et
mourants
(v. 17-22)
et dans la tourmente
(v. 22-23). Tel est l’état de l’homme.
1° Quand une âme que Dieu cherche est réveillée, elle a la conscience de sa solitude. La société des hommes ne lui apporte rien ; aucun d’entre eux ne songe à lui venir en aide ; pas de ressources dans ce chemin désert ; pas de ville pour y habiter, pas de repos dans la société de ses semblables. Puis vient la soif, la faim, la défaillance et pas de secours. C’est la description de l’âme déjà réveillée — car les morts ne sentent ni faim, ni soif — réveillée au sentiment de ses besoins. Mais bientôt le malaise se change en angoisse, l’angoisse en détresse ; alors on « crie à l’Éternel ». Il faut en arriver là pour trouver la délivrance. Dieu a tout dirigé dans ce but ; la réponse ne se fait pas attendre : « Il les délivra de leurs angoisses ». Dans les vers. 7-9 il répond exactement, absolument, surabondamment, aux besoins de l’âme éprouvée dans le désert. Le chemin solitaire se change en un chemin droit qui conduit à un but certain ; le désert, en ville habitable ; l’âme altérée est rassasiée, l’âme affamée remplie de biens. Elle célèbre Dieu pour sa bonté et ses merveilles. Les louanges découlent nécessairement de la connaissance de la grâce.
2°
L’âme est environnée de
ténèbres ; la mort jette son ombre sur toutes choses ; l’esclavage de
Satan se fait sentir dans son horreur. L’âme a conscience que telle est la
suite de sa rébellion contre les paroles de Dieu et du mépris avec lequel elle
a repoussé ses conseils de grâce. Pauvre captive, ayant le sentiment de son
état, elle cherche à en sortir
et ne le peut pas ; aucune lumière : elle est loin de Dieu ;
elle essaye de marcher, l’obscurité et ses fers l’en empêchent ; elle
trébuche et il n’y a pas de secours. L’horreur d’une telle position est mille
fois aggravée du fait que, dans ce Psaume, l’âme sent
son état et voudrait y échapper, tandis qu’un indifférent ne
le sent qu’imparfaitement et est moins accablé par son malheur. La détresse
produit le cri et le cri trouve une réponse complète. L’âme est amenée à la
lumière ; les liens sont rompus, les portes d’airain, brisées par la
victoire de Christ et par sa résurrection ; les barres de fer, mises en
pièces ; tous les moyens de réduire sa proie à une captivité nouvelle sont
désormais enlevés à l’Ennemi.
3° Voici la maladie qui
assaille le pécheur et il touche déjà aux portes de la mort. La mort ! ses
iniquités l’ont amené là ! C’est bien plus terrible encore que « l’ombre
de la mort
» du v. 10. Se trouver avec ses péchés en face de la mort !
On crie ; Dieu délivre ! Sa Parole suffit pour faire connaître une
entière délivrance (v. 20). Combien
de conversions opérées dans ces circonstances et par ce moyen ! Ceux-là
aiment à raconter « les oeuvres » par lesquelles ils ont été délivrés et leur
joie s’exhale en louanges !
4° Voici enfin l’heure de la tourmente et du désastre. L’homme a pensé l’affronter par sa sagesse, en éviter les dangers ; il croit avoir construit son navire de manière à dominer les flots agités. La tempête arrive et « toute sa sagesse est réduite à néant » (v. 27). Le jugement est là, pire que la mort elle-même ; « ils montent aux cieux, ils descendent aux abîmes » ; l’épouvante les saisit ; « leur âme se fond de détresse ».
Il y a gradation dans ces
quatre cas : l’âme défaille dans le désert, est humiliée dans la prison, a
en horreur, devant la mort, tout ce qui
la ramène au sentiment de l’existence ; est fondue enfin devant le
jugement. Ce malheureux crie ; il est entendu ; le jugement est
arrêté ; l’âme est amenée au port désiré, elle a trouvé Dieu comme « le
Dieu de bonté ». Elle le célèbre, comme nous l’avons vu au commencement, dans
« la congrégation du peuple ». La jouissance de la délivrance et les louanges ne
sont complètes que lorsque l’oeuvre de la rédemption nous a amenés à la
communion des saints dans l’assemblée
.
Les vers. 33 à 43 nous présentent les
circonstances à travers lesquelles les
rachetés
peuvent être appelés à passer. La paix, la joie, le fruit béni,
les richesses spirituelles sont là. On ne manque de rien quand on a trouvé la
délivrance. Mais voici que surgissent les jours d’épreuve. Les saints sont
abaissés, humiliés, méprisés, réduits à un petit nombre. Il faut toute une
oeuvre de Dieu envers nous, après la délivrance, pour nous apprendre ce que
nous sommes et que Dieu ne peut faire aucun cas de nous. Alors, quand nous
sommes arrivés à cette conviction, Dieu nous relève et nous affermit. C’est un
sujet de joie pour le coeur renouvelé, et le moyen de réduire au silence toute
iniquité dans notre conduite. L’homme sage comprend que ce sont « les bontés de
l’Éternel » qui ont fait ces choses !
H. Rossier — Courtes méditations — n°24
ME 1922 p. 249-254
Plus je considère ce sujet,
plus je découvre que la Parole doit jouer un rôle non seulement prépondérant,
mais unique et absolu
dans la vie du chrétien. À mesure que nous
approchons de l’éclosion dernière du mal, de l’Antichristianisme avec
l’apostasie et toutes les formes d’idolâtrie qui le caractériseront, il est
urgent que le chrétien fidèle se tienne strictement à la Parole. Elle est la
ceinture de sauvetage qui nous permet de nager sans enfoncer contre le courant
des eaux effrayantes de l’incrédulité.
La chrétienté a traversé deux grandes époques dans lesquelles le rôle de la Parole a été remis en mémoire. Nous ne parlons pas du moment qui ne dépassa pas la vie du dernier apôtre, où la grâce et la vérité venues par Jésus-Christ, furent pleinement établies, et définitivement révélées par les Saintes Écritures et exercèrent une influence puissante, quoique momentanée, sur le coeur et la conscience de l’Église. À cette révélation première et immuable, il ne restait rien à ajouter ; elle n’était susceptible d’aucun développement subséquent. Cette Parole qui « demeure éternellement » est restée dès lors complète, inaltérable, et c’est à sa manifestation initiale que tout chrétien doit et devra recourir jusqu’au bout.
L’autorité de la Parole fut pleinement reconnue du temps des apôtres qui furent les instruments pour la compléter, mais, de leur vivant même les symptômes du déclin se faisaient déjà sentir : ce dernier ne fut complet que du jour où le dernier apôtre eût été retiré de la scène. Dès lors la Parole a subi des éclipses prolongées. La première a duré dès les premiers siècles du christianisme jusqu’à la Réformation. Pendant cette longue période, toutes les vérités qu’elle contient furent graduellement submergées ou altérées par l’effort de Satan pour en soustraire aux âmes la bienfaisante influence. Les fidèles ne réagirent qu’en petit nombre contre le courant et furent persécutés ou mis à mort. C’est alors que les Écritures miraculeusement remises en lumière créèrent pour ainsi dire la Réformation et purent être placées dans toutes les mains pour éclairer les âmes.
Nous avons dans l’Ancien
Testament l’exemple d’une révolution semblable. Au commencement du règne de
Josias (2 Rois 22), la parole de la loi était ensevelie et les ténèbres seules
du lieu très saint la conservaient ignorée à côté de l’arche. Même le souverain
sacrificateur n’en connaissait pas l’existence. Comme plus tard à la
Réformation, elle fut retrouvée là où, suivant l’ordre de Deut. 32:26, elle
devait être conservée. Elle-même n’avait subi aucune altération
, mais
personne ne la connaissait en ce temps-là. Cette Parole condamnait le
peuple : aussitôt que le roi la lut, il déchira ses vêtements, pleura et
s’humilia. Pour lui, la seule chose à faire était d’abolir l’idolâtrie (2 Rois
23) qui s’étalait avec impudence jusque dans le temple de Dieu, et d’en revenir
à la vérité première, à la Pâque, mémorial de la délivrance d’Égypte. De même à
la Réformation, la Parole retrouvée produisit immédiatement son fruit,
c’est-à-dire le reniement de l’idolâtrie romaine et la proclamation du salut
gratuit par la foi, salut qui, comme la Pâque, mettait le peuple à l’abri du
jugement et le justifiait aux yeux de Dieu.
La seconde éclipse dura
depuis la Réformation jusqu’au début du siècle dernier. La ruine de ce qui
venait d’être rétabli d’une manière si éclatante s’accentua de plus en plus. Un
« état de mort, avec le nom de vivre » remplaça le zèle du début. Le mélange des
croyants avec le monde fut à peine limité, en sorte qu’à part quelques
remarquables exceptions, il était difficile de distinguer dans la chrétienté
professante ce qui était
de Dieu ou ne l’était pas. C’est alors que se
produisit un réveil comparable à celui dont nous parle le chap. 8 du livre de
Néhémie. Comme jadis, la nécessité de rebâtir la muraille s’imposa au faible
Résidu de Juda auquel Dieu ouvrait de nouveau la terre promise ; la
séparation du monde devint, dans ce second réveil, la première nécessité pour
toute âme fidèle. Dès que, sous Néhémie, la muraille fut rebâtie, la Parole
acquit pour le peuple une autorité toute nouvelle. Ce ne fut pas, comme sous
Josias, la Parole retrouvée
, mais la Parole ouverte
(v. 5) par
l’Esprit de Dieu, la Parole expliquée
par ce même Esprit, lue distinctement
devant tous, en sorte de la faire comprendre
. Le résultat fut la
répudiation de toute alliance avec le monde (Néh. 9) et la fête des
tabernacles
. De même le réveil dont nous parlons n’eut plus pour sujet,
comme à la Réformation, l’abolition de l’idolâtrie romaine et la justification
par la foi, mais la séparation du monde dans le témoignage public et la vie
privée des chrétiens. Les résultats ne se firent pas attendre. Comme pour le
résidu de Juda, lors de la fête des tabernacles, toutes
les vérités de
la Parole furent remises en lumière, comme étant les choses enseignées dès le
commencement du christianisme. Il y eut, comme jadis, une expression
remarquable de la joie et de la liberté du peuple de Dieu, et la connaissance
(selon le type du huitième jour de la fête) des bienfaits de la résurrection de
Christ et du don du Saint Esprit ; la connaissance de l’Église formée à la
Pentecôte, par ce même Esprit envoyé du ciel, en un seul corps ici-bas ;
celle des divers ministères donnés par Jésus-Christ à son Église et libres de
s’exercer ; les privilèges célestes révélés aux chrétiens ; la joie
du culte en Esprit et en vérité, retrouvée ; enfin la prédication de
l’Évangile en dehors de toute restriction ecclésiastique.
Ce régime est celui sous lequel l’Assemblée de Christ se trouve maintenant. La vérité, toute la vérité de la Parole est remise en lumière dans ses grands traits, sans infirmer en rien les vérités du salut individuel révélées à la Réformation. Mais il ne faut pas oublier, et c’est un sujet de douleur et d’humiliation, que ce Réveil a failli comme la Réformation et comme tout ce qui a été confié à la responsabilité de l’homme ; cependant les vérités qu’il a apportées demeurent, comme celles que la Réformation avait introduites, et il n’y en aura pas de nouvelles jusqu’à la venue du Seigneur.
Il est néanmoins certain qu’aujourd’hui les chrétiens ne sont pas mis à l’épreuve par la vérité du salut par la foi, car la profession chrétienne s’en est saisie, et chacun, dans le Protestantisme, proclame y croire. Ce sont les vérités remises en lumière en dernier lieu qui mettent les âmes à l’épreuve et les séparent du monde. Or c’est précisément cette séparation qui empêche un si grand nombre de chrétiens de reconnaître ces vérités et même ils les admettraient volontiers si leur conscience n’y voyait la nécessité de les mettre en pratique, selon cette parole : « Sortez du milieu d’eux, et soyez séparés, dit le Seigneur », et celle de « la réunion en un de tous les enfants de Dieu dispersés ». Certainement le sentiment de cette obligation pousse seul un si grand nombre de chrétiens à se constituer en adversaires de ces vérités.
Pour ceux qui les
maintiennent et combattent pour elles, la question solennelle se pose
maintenant : Jusqu’à quel point exercent-elles une influence absolue et
essentielle sur notre vie chrétienne ? Avons-nous compris et réalisé quel
est le caractère du monde aux yeux de Dieu ? Savons-nous
que,
depuis la croix, Satan est devenu « le prince de ce monde » ou bien, nous
bornons-nous à le dire
? Veillons-nous soigneusement à ce que
l’Ennemi ne s’empare pas de nos coeurs par toutes les convoitises « qui sont
dans le monde » ? Avons-nous compris que notre place doit être avec Christ
« hors du camp » ? Avons-nous réalisé que le caractère du corps de Christ
est d’être, comme la muraille de Jérusalem, exclusif
de tout élément
étranger ? qu’il y a « un seul corps » et non plusieurs corps de
Christ ? que notre appel est céleste, et que nous entrerons en possession
de notre héritage à la venue du Seigneur ? Je n’énumère pas toutes les
choses que l’Esprit de Dieu a remises en lumière pour ces derniers temps ;
je pose seulement cette question : Si nous connaissons ces vérités, qu’en
faisons-nous ? Comme toute vérité de Dieu, elles réclament une obéissance
implicite. Si nous ne possédions qu’une révélation, altérée par ceux qui nous l’ont
transmise, l’on comprendrait que les chrétiens n’ y obéissent qu’en partie,
mais il n’en est point ainsi. Le Chap. 3 de la première épître aux Corinthiens
nous montre que chaque mot
de cette révélation nous est donné par
inspiration, en sorte qu’il n’y a aucune excuse quelconque au moindre acte
de désobéissance à son égard. Cette obéissance implicite est du reste le secret
de notre force et la source de tous nos progrès. Si nous n’obéissons pas à une
première vérité, quelle qu’elle soit, que Dieu nous présente dans sa Parole,
jamais Il ne nous en confiera une seconde. De là le pauvre bagage, l’attitude
stationnaire de tant de chrétiens. En vérité, l’on peut dire que ce qui crée
essentiellement la différence entre les chrétiens de nos jours, c’est le plus
ou moins d’obéissance à la Parole, à toute
parole sortie de la bouche de
Dieu. Oui, l’obéissance à la Parole forme la base même de toute notre vie
chrétienne
!
H. Rossier — Courtes méditations — n°25
ME 1922 p. 277-281
Notre Méditation précédente
signalait l’écueil principal de la vie chrétienne. Il consiste en ce que la
Parole n’a pas dans notre coeur la place qu’elle devrait avoir. Cela ne
signifie point qu’elle ne soit pas connue : jamais peut-être les âmes n’ont
été mises en contact avec elle plus qu’aujourd’hui, mais elle n’exerce pas sur
la conscience des chrétiens une influence incontestable et toute-puissante. Il
n’en est jamais autrement quand les chrétiens sont charnels
et cela ressort d’une manière très frappante de la
première épître aux Corinthiens. Pourquoi donc l’apôtre accuse-t-il ses chers
enfants dans la foi d’être « charnels », d’être « de petits enfants en Christ », de
ne pouvoir « supporter la nourriture solide », d’être « des hommes » ? Ce
n’est pas qu’ils ne connussent pas la parole de Dieu, mais, la connaissant, ils
ne la mettaient pas en pratique. « Ne savez-vous pas ? » leur répète-t-il
neuf fois dans les premiers chapitres de cette épître. Ce n’était donc pas la
connaissance de la Parole qui leur manquait, mais ils ne faisaient pas usage de
cette connaissance pour régler leur marche sur elle. Toutes les fautes que
l’apôtre leur signalait quant à leur conduite dans l’assemblée de Dieu
dépendaient de ce manque de conscience dans la manière dont ils se servaient de
la Parole.
Leur principale faute (car il
y en avait d’autres) était l’importance
qu’ils donnaient à l’homme.
Ils ne
« manquaient d’aucun don de grâce » ; ils avaient été « enrichis en toute
parole et toute connaissance », ils possédaient « la pensée de Christ »
(1:5, 7 ; 2:16), mais ils étaient charnels
!
Pourtant Dieu les avait
choisis hors du monde et de ses prétentions : il n’y avait parmi eux,
selon la chair
, ni beaucoup de sages, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de
nobles ; ils faisaient plutôt partie des choses faibles, viles et
méprisées du monde, de celles même qui ne
sont pas
, car Dieu voulait
ôter à la chair tout prétexte pour se faire valoir ou s’enorgueillir. Qu’est-ce
donc que la chair, si malgré cela, ils étaient enflés d’orgueil, et à ce point
aveuglés, qu’ils supportaient parmi eux des péchés répudiés même par le
paganisme ?
Le fait que toutes les grâces
reçues ne les avaient pas amenés à un jugement foncier de l’homme,
les faisait donner à ce dernier une place parmi eux, que
Dieu lui refuse absolument. L’un se disait disciple de Paul, l’autre d’Apollos,
l’autre de Pierre ; d’autres considéraient même Christ homme comme un chef
d’école : de là les discussions, les divisions, les sectes, les disputes,
au mépris de l’unité du corps de Christ. Au lieu d’être des saints
, ils étaient des hommes
, par conséquent « charnels, et
marchant à la manière des hommes » (3:3, 4). Dans ce chemin aucun progrès
spirituel n’est possible : la « nourriture solide » n’était pas faite pour
eux ; l’apôtre devait les nourrir de lait, c’est-à-dire des premiers
éléments de la foi, d’un Christ mort et ressuscité qui avait mis fin, sur la
croix, à l’homme dans la chair. De là sa description de l’Évangile au chap.
15:1, où il est obligé de leur faire
savoir
les vérités les plus élémentaires du christianisme.
Cette tendance charnelle engendrait l’orgueil, le désir de se produire, l’absence de jugement dans les choses de Dieu et de discernement dans les choses du monde.
Il est à remarquer que les
Corinthiens furent amenés au jugement d’eux-mêmes et à une repentance selon
Dieu par les exhortations de l’apôtre, et purent recevoir dans la seconde
épître des lumières qui donnèrent un caractère céleste à leur foi ; mais
pourrait-on en dire autant des chrétiens actuels ? N’offrent-ils pas un
spectacle des plus affligeants, sans parler du mépris des obligations que la
parole de Dieu nous impose ? Cette place donnée à l’homme
ne caractérise-t-elle pas aujourd’hui l’ensemble du
témoignage chrétien ? Il va sans dire que je ne parle pas de ceux qui, ne
connaissant pas Dieu et, ne possédant pas sa vie, ne peuvent
avoir que l’homme
devant
les yeux. Ceux dont je parle sont de vrais croyants ; ils ne forment pas
même une classe de croyants, mais constituent ici-bas, aux yeux de Dieu, le
corps de Christ. Or je demande si notre manière de penser, de faire un choix
parmi les hommes que Dieu envoie pour le bien de son peuple ici-bas, diffère de
celle des Corinthiens. Un chrétien disait que les croyants qui se choisissent
un homme pour les conduire, sont pareils à des enfants indisciplinés que leur
père, à son départ, laisserait libres de choisir eux-mêmes leur précepteur. Ils
choisiraient naturellement celui qui conviendrait le mieux à leurs goûts et
s’opposerait le moins à leurs travers : Combien cet homme officiel serait
différent de celui que le père aurait choisi !
Admettons que cet homme soit éminent par sa piété, son dévouement, son éloquence, son désintéressement ; plaçons-le même au plus haut degré de l’échelle morale, ce choix est-il aujourd’hui plus approuvé de Dieu qu’il ne l’était du temps des Corinthiens ? Certes, bien moins encore, car où sont aujourd’hui les Paul, les Apollos, les Céphas pour remplir ces fonctions ? Nous ne parlons pas de ceux qui disent encore aujourd’hui : Pour moi je suis de Christ ; je m’en tiens au sermon sur la montagne comme à l’exposé le plus parfait de la vie chrétienne !
N’est-ce pas de cet esprit charnel que sont sorties toutes les soi-disantes églises qui se partagent la chrétienté professante ?
Une chose me frappe quant à
l’état charnel de beaucoup de chrétiens : Ils accordent à l’homme
leur confiance suivant l’opinion qu’ils se font de sa piété
. Consulter la Parole sur ce que sont
les dons de l’Esprit et sur les caractères qu’ils doivent revêtir pour l’édification
du corps de Christ, n’aborde pas même leur pensée. Aussi qu’arrive-t-il ?
Ces chrétiens n’ont aucun égard aux dons
que
le Seigneur envoie à son Assemblée et ainsi la bénédiction qui leur était
destinée est perdue pour eux. Cette manière charnelle de considérer les dons a
un résultat presque invariable sur les dons eux-mêmes, quand on les rencontre
dans les organisations humaines. L’homme, exalté par ceux qui l’ont choisi,
conscient de l’importance que ce choix lui donne, s’estime lui-même et travaille
à devenir un centre d’attrait pour les âmes. De cette manière un très grand mal
est produit. Les âmes sont soustraites à la dépendance immédiate de la Parole
qui serait leur guide, et exemptées de l’obéissance à cette même Parole qui les
sortirait de toute attache et milieu antiscripturaires. Elles suivent l’homme,
défendent l’homme, partagent les opinions de l’homme. Si vous leur prouvez que
l’homme qu’elles ont choisi s’écarte, dans ses enseignements, de la parole de
Dieu, elles défendront son enseignement à la face même de la Parole écrite.
L’apôtre s’élevait de toute
son autorité apostolique contre cette tendance sectaire. Après la première
épître aux Corinthiens, rien n’est plus instructif sous ce rapport que le
premier chapitre de l’épître aux Galates. Tout
ce qui est de l’homme
y est mis de côté comme
absolument incompatible avec le ministère chrétien. Cela veut-il dire que les
fidèles ne doivent pas se souvenir de leurs conducteurs qui leur ont annoncé la
parole de Dieu et imiter leur foi en considérant l’issue de leur
conduite ? ou qu’ils ne soient pas appelés à suivre le modèle que ces
hommes de Dieu ont mis sous leurs yeux par leur fidélité à la parole
divine ? (Phil. 3:17). Certes pas ! mais, quant à l’importance
qu’on voulait leur donner,
l’apôtre dit : « Ni celui qui plante n’est
rien,
ni celui qui arrose ; mais Dieu qui donne l’accroissement » (1
Cor. 3:7). Et, quant à la récompense
de
son propre travail il l’attend de Dieu seul dont il est collaborateur (1 Cor.
3:8-9).
H. Rossier — Courtes méditations — n°26
ME 1922 p. 289-293
Le monde est un vaste système, inauguré par la convoitise du premier homme, lorsqu’il fut tenté par Satan dans le jardin d’Éden. Cette convoitise amena l’homme à désobéir à Dieu, péché qui l’exclut désormais de Sa présence. L’homme est dès lors esclave de Satan et du péché, et toutes les choses qui sont dans le monde sont devenues pour lui un attrait et un objet de convoitise.
Cependant, au début, malgré
le péché et la convoitise, le monde n’était pas encore organisé
comme
système. Il le devint partiellement, lorsque Caïn bâtit la ville d’Hénoc (Gen.
4:17-22) et y installa tout ce qui peut rendre le monde agréable à l’homme
séparé de Dieu. Ce système s’est ensuite étendu de plus en plus, pour arriver à
son apogée lorsque le monde, conduit par Satan, eut rejeté le Fils de Dieu qui
lui était envoyé comme Sauveur. Dès lors, Dieu étant publiquement banni du
monde, Satan acquit son titre incontestable de « prince du monde ».
Désormais ce système, avec les principes qui le font agir, avec tous les objets qu’il contient et avec les hommes qui recherchent ces objets, est appelé le monde.
Le monde peut revêtir des aspects
divers. Il peut être le monde religieux, le monde politique, le monde
industriel ou artistique, le monde des plaisirs, etc., il conserve toujours ce
trait dominant : il est le monde de Satan
; il
est, comme son prince,
l’ennemi de Dieu, du moment qu’il a rejeté et crucifié le Fils de Dieu
qui lui était envoyé comme Sauveur.
Au milieu de cet état de choses, Dieu, dans sa grâce, s’est acquis par l’oeuvre de la rédemption, une famille qui n’est pas du monde comme Jésus n’est pas du monde, mais qui est appelée à le traverser comme Christ lui-même. Les membres de cette famille sont néanmoins continuellement en danger de se laisser gagner par les principes du monde et par la convoitise des choses qui s’y trouvent, parce que, tout en n’étant plus dans la chair, chacun d’eux a la chair en lui ; aussi Dieu nous exhorte continuellement à être séparés de ces choses tout en les traversant comme témoins de Christ. « N’aimez pas le monde », nous dit-il, « ni les choses qui sont dans ce monde : si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui ».
Considérons donc un peu ce par quoi nous en sommes séparés.
Pour le dire en un
mot, ce qui nous sépare du monde, c’est Christ.
En lui est la puissance effective de cette séparation, et cette dernière a
lieu de quatre manières.
1° D’abord cette séparation a été complète dès la mort de Christ sur la croix. « En se donnant lui-même pour nos péchés, il nous a retirés du présent siècle mauvais » (Gal. 1:4). Ce « présent siècle » n’est pas autre chose que le monde actuel (2 Tim. 4:10 ; Rom. 12:2), car ce dernier est resté le même depuis la croix, sauf que son état moral s’est encore aggravé. De quelle manière en avons-nous été retirés ? Deux grands faits ont eu lieu pour nous à la croix de Christ : D’abord l’expiation qui nous a entièrement délivrés du joug par lequel Satan nous retenait captifs ; ensuite le voile déchiré, par lequel ce qui nous séparait de Dieu était ôté pour toujours, afin de nous frayer un chemin nouveau jusqu’à Lui (Hébr. 10:20).
En Gal. 6:14-15, la pensée de
notre séparation du monde par la croix de Christ est encore accentuée :
« Qu’il ne m’arrive pas à moi, de me glorifier, sinon en la croix de notre
Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le monde
m’est crucifié,
et moi au monde
». C’est la croix de Christ qui sépare le chrétien du monde.
Paul se place pour ainsi dire devant elle, comme une nouvelle créature, et il
voit là le monde crucifié, jugé définitivement et condamné comme absolument
mauvais, puisqu’il a traité le fils de Dieu d’une pareille manière. Désormais
il n’y a aucun lien quelconque entre lui et la nouvelle créature. Paul
réalisait cela. Pour lui le monde était mort, jugé, condamné ; le monde ne
lui était plus rien, n’avait plus aucune valeur pour lui, aucun droit sur lui,
et ne lui pouvait rien. — Mais de plus, le chrétien a le privilège de se
considérer lui-même comme cloué sur la croix de Christ et de voir le monde
depuis ce lieu-là. Tout ce qui, en moi, appartenait au monde, dit l’apôtre, a
été jugé sur la croix et mis de côté, en sorte que je ne suis plus rien pour le
monde, que je n’ai aucune valeur pour lui, que je n’y ai aucun droit et ne puis
y prendre aucune place.
2° Ce qui nous sépare du
monde, c’est en second lieu un Christ ressuscité et assis dans les lieux
célestes. Il y est monté dans ce but, car il dit : « Ils ne sont pas du
monde comme moi je ne suis pas du monde… Et moi je me sanctifie moi-même pour
eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité » (Jean 17:14-19). Il
nous laisse encore après lui comme ses témoins dans ce monde qu’il a
quitté ; bien plus, il nous y a envoyés de là-haut, comme il y a été
envoyé lui-même, mais il déclare à deux reprises que nous ne sommes pas plus du
monde que lui. Il est bien remarquable que cette merveilleuse prière du
Seigneur à son Père, comme s’il était déjà de l’autre côté de la croix, soit
toute remplie de l’affirmation que les siens n’appartiennent pas plus au monde
que lui, bien qu’ils y soient envoyés en témoignage pendant le temps de la
grâce pour y proclamer le salut par l’Évangile. Pour que nous puissions
répondre au caractère de séparation que nous avons à manifester en traversant
ce milieu de ténèbres, le Seigneur a soin d’attacher nos coeurs à Lui dans le
milieu céleste qu’il occupe maintenant. Notre sauvegarde est d’avoir nos affections
liées à la personne d’un
Christ céleste. Il faut que nos coeurs
soient quelque part. Où sont-ils ?
Ici-bas, ou en haut ? Aux intérêts du monde, ou à ceux de Christ ?
Sur la terre, ou dans le ciel, où notre vie est cachée avec le Christ en
Dieu ? Le chrétien dont le coeur a réalisé la perfection, la beauté,
l’amour de Jésus dans le ciel, n’aura pas de difficulté à ne trouver aucune
valeur aux choses que le monde pourrait lui offrir et les estimera comme des
ordures afin de gagner Christ, car en Lui il a trouvé un trésor que rien ne
peut égaler et dont rien ne peut même approcher.
3° Mais nous sommes encore
séparés pratiquement du monde par un autre caractère de Christ : Il est
notre espérance.
« Nous savons que,
lorsqu’il sera manifesté nous lui serons semblables, car nous le verrons comme
il est. Et quiconque a cette espérance en
lui, se purifie comme lui est pur
»,
c’est-à-dire se sépare de tout ce qui tient au péché qui règne dans le
monde, et à l’impureté de la chair.
La même pensée est exprimée sous une autre forme en 2 Pierre 1:19. L’apôtre y présente le monde comme un lieu obscur dans lequel la lampe prophétique éclaire nos pas, pour que nous nous rendions compte de l’état véritable de ce milieu que les jugements divins vont atteindre ; mais l’étoile du matin, levée dans nos coeurs, un Christ qui vient, objet de nos affections et de notre espérance, nous sépare de ce monde d’une manière beaucoup plus efficace que l’annonce des jugements qui vont fondre sur lui, et nous attacher à cette personne bénie à laquelle nous pouvons crier par la foi : Viens, Seigneur Jésus !
4° Ce qui nous sépare pratiquement
du monde est, en dernier lieu, notre
témoignage
, comme il est
dit en 1 Cor. 6 : « Nous sommes le temple du Dieu vivant. Quelle
participation peut-il y avoir entre la justice et l’iniquité ; quelle
communion entre la lumière et les ténèbres ? C’est pourquoi sortez du
milieu d’eux, et soyez séparés
, dit le Seigneur », et l’apôtre
ajoute : « Ayant donc ces promesses, bien-aimés, purifiez-vous, vous-mêmes,
de toute souillure de chair et d’esprit, achevant la sainteté dans la crainte
de Dieu ».
Le cas de l’aveugle-né en Jean 9 est encore un exemple frappant de la séparation, même involontaire, opérée par un témoignage fidèle à notre Seigneur et Sauveur. Ayant recouvré la vue, cet homme devient un témoin vivant de Christ au milieu du monde ennemi qui l’entoure. « Voulez-vous aussi, vous, devenir ses disciples ? » leur dit-il. Il est chassé dehors. Le voilà définitivement séparé du monde et de sa religion par un témoignage fidèle rendu à Jésus. Cette exclusion est son trésor et sa joie. Dehors, il trouve le Fils de Dieu, rejeté lui-même du monde qui vient de chasser son disciple !
H. Rossier — Courtes méditations — n°27
ME 1922 p. 301-304
Nous n’avons qu’à consulter
le troisième chapitre de l’épître aux Romains, v. 9-18, pour apprendre qu’il
« n’y a point de juste, non, pas même un seul » ; qu’il « n’y en a aucun qui exerce la bonté, non, pas même un
seul
» et qu’il « n’y a point de crainte de Dieu devant leurs yeux ». C’est
ainsi que Dieu voit les hommes et les juge. L’apôtre en conclut que la foi
seule peut mettre l’homme en
rapport avec Dieu.
À première vue l’arrêt de l’épître aux Romains semble concorder avec plusieurs des faits qui nous sont présentés dans le passage placé en tête de cette méditation. Le vaisseau qui porte l’apôtre et ses compagnons s’échoue dans la tempête sur l’île de Malte. Les soldats sont d’avis de tuer les prisonniers dont Paul fait partie, malgré l’assurance de ce dernier qu’ils seraient tous sauvés et son affirmation que « Dieu lui a donné tous ceux qui naviguaient avec lui ». Nous voyons encore que, poussés par leur affreux égoïsme, les matelots cherchent à se sauver en s’emparant de la chaloupe, ne tenant aucun compte de la vie du reste de l’équipage.
À seconde vue nous trouvons
plusieurs faits qui semblent contredire l’enseignement de cette épître. Parmi
les personnes cruelles ou égoïstes qui se trouvent sur le vaisseau, la plus
élevée en grade, le centurion Jules, traite Paul avec humanité
en lui permettant, à Sidon, d’aller vers ses amis pour jouir
de leurs soins (27:3). Ce même Jules, voulant sauver l’apôtre, empêche les
soldats d’exécuter leur cruel dessein (v. 43).
Les mêmes sentiments se
manifestent chez les barbares, habitants de l’île. Il nous est dit qu’ils
usèrent d’une humanité peu ordinaire
envers
Paul, ses compagnons, et tous les passagers.
La suite du récit nous parle
de Publius, principal de l’île, qui reçut et logea pendant trois jours, avec beaucoup
de bonté
l’apôtre et ses
compagnons. Toute cette sollicitude pour les malheureux naufragés fut
récompensée : le père de Publius, gravement malade, fut guéri par la
prière et l’imposition des mains de l’apôtre. Les habitants de l’île eux-mêmes
reçurent, par la guérison de leurs malades, le salaire de leur dévouement, et
fournirent en retour à l’apôtre et à ses compagnons tout ce qui leur était
nécessaire pour le voyage.
De tels faits semblent contredire l’affirmation de l’état irrémédiable du coeur de l’homme, et cependant il n’en est rien. D’où vient que le centurion Jules, se prenant d’affection pour l’apôtre, lui vient en aide et réussit à le sauver des mains des soldats ? Du fait que Dieu, pour accomplir ses desseins, entoure Paul des soins de sa providence et dirige à son gré les sentiments et le coeur de cet homme. D’où vient l’humanité des barbares ? Ne sent-on pas que le Seigneur veille sur son serviteur et incline à son gré vers lui le coeur des habitants de l’île ? Bien plus, en excitant leur compassion envers ses serviteurs, Dieu se fraye un chemin pour répondre en grâce à leurs propres besoins. Il guérit leurs malades. C’est sans doute une récompense, mais une récompense des sentiments et dispositions que lui-même a produits. Quelle était la source de la bonté de Publius ? Comme Jules, il était peut-être attiré par le caractère de Paul ; mais la grâce seule agissait pour rendre ce caractère attractif.
En dehors donc de la foi, l’on peut constater chez les pécheurs des sentiments de compassion, de dévouement, de reconnaissance. Ces sentiments, Dieu les provoque et les emploie à ses desseins de grâce. Jésus lui-même les reconnaît comme aimables et dignes d’intérêt, quand même, comme on le voit chez le jeune homme riche (Marc 10:21), ils ne font pas avancer d’un seul pas le coeur de l’homme dans la connaissance de Dieu.
Tout cela revient à dire que Dieu peut incliner les coeurs les plus ignorants, les plus indifférents ou les plus endurcis, à des sentiments qui accomplissent ses desseins de grâce ou de délivrance envers les siens, et que, ayant posé ce premier jalon, Il s’en sert pour amener ces mêmes personnes à sa connaissance par le moyen des serviteurs du Seigneur qu’elles ont secourus. La Bible abonde en exemples pareils. Je citerai, au hasard de ma mémoire, Abraham en présence des fils de Heth, David en présence d’Ornan, Daniel dans la fosse aux lions en présence de Darius, Néhémie trouvant grâce devant Artaxerxès. Oui, Dieu façonne les coeurs des hommes, souvent les plus endurcis, pour accomplir ses desseins de grâce.
Ce n’est pas tout. Il y a une seconde raison au déploiement de certaines qualités dans le coeur de l’homme pécheur. Ces qualités, si l’on ose parler ainsi, sont inhérentes à la nature humaine en tant que nature animale. On trouve l’amour maternel et le soin de sa progéniture chez la femelle des animaux, comme chez la femme ; l’attachement à son maître chez le chien, comme chez l’homme, etc. Ce sont des traits instinctifs appartenant à l’espèce animale, et dont Dieu se sert pour protéger sa création. Il les a mis lui-même dans l’homme et les animaux pour la conservation de l’espèce ou pour protéger une faiblesse qui, étant exposée à mille dangers, ne pourrait subsister sans ces qualités.
Telle est la simple explication de ce qui, dans notre passage, n’a que l’apparence d’une contradiction. On rencontre des natures plus ou moins nobles, plus ou moins généreuses, désintéressées, émues de compassion, promptes au dévouement… mais pourquoi, je le demande, le caractère de Christ soulève-t-il toujours la haine dans le coeur de l’homme naturel ? Comment se fait-il, quand un homme divinement parfait, un homme plein de grâce et de vérité, un homme qui est l’amour divin personnifié, vient se présenter au monde pour le sauver, que tous, sauf ceux qui l’ont reçu par la foi, le haïssent et crient : Qu’il soit crucifié ?
H. Rossier — Courtes méditations — n°28
ME 1922 p. 325-327
Si vous avez traversé les heures d’épreuve dont ce Psaume nous entretient ; si, au milieu des bouleversements actuels, vous avez ardemment désiré de voir de meilleurs jours ; si, perdant courage, vous désespérez, dans l’amertume de votre âme, lisez ce Psaume ; il vous instruira.
Asaph commence par nous décrire les circonstances qu’il traverse. La nuit l’environne ; son âme est pleine d’angoisse et ne trouve nulle part de la consolation dans sa détresse. Il lui semble que Dieu l’a rejeté pour toujours, qu’Il ne lui montrera plus jamais Sa faveur, que Sa bonté est tarie, qu’Il a oublié d’user de grâce. Alors il compare sa détresse actuelle avec « les années des siècles passés ». Il est en danger d’en tirer la conclusion que Dieu a changé de caractère, qu’Il a « enfermé ses miséricordes dans Sa colère », c’est-à-dire que Sa grâce a pris fin et qu’il ne reste plus que la colère dans le coeur de Dieu.
Mais c’est précisément dans
cette comparaison qu’est l’infirmité
d’Asaph
(v. 10). Du reste, cette infirmité lui est assez familière. Lisez le Psaume 73
où il compare le sort des méchants qui prospèrent avec son propre sort, à lui
dont le châtiment revient chaque matin. En elle-même, il le sent dans ce
Psaume, cette comparaison est un grand mal ; mais comparer le présent avec
le passé, en concluant que Dieu n’est plus le même est un mal tout aussi, si ce
n’est plus grand. Dans le premier cas, Asaph est profondément humilié et ses
yeux sont ouverts quand il entre « dans les sanctuaires de Dieu ». Alors il voit
la fin des méchants et la destinée glorieuse du juste.
Dans notre Psaume, Asaph
reconnaît son infirmité, mais il n’entre pas dans le sanctuaire. Il constate
seulement que c’est là que se trouve la voie
de l’Éternel. L’action divine reste un mystère pour le croyant, tant qu’il
est encore en dehors du lieu saint. Il lui est donc impossible de juger du
caractère de Dieu d’après ses voies secrètes qu’il ne connaît pas.
Cependant les traces des voies
de Dieu sur la terre
sont
aussi mystérieuses qu’elles le sont dans le sanctuaire. Elles sont « dans la mer
et dans les grandes eaux », c’est-à-dire dans la mer Rouge et dans le Jourdain,
où il n’y a que des obstacles sans aucun chemin. Mais, au lieu que ce soit là
que « ses miséricordes sont enfermées dans la colère », c’est de ce jugement même
sur le Pharaon et toute son armée, qu’est sortie la délivrance d’Israël. C’est
là qu’ont été manifestées les miséricordes de Dieu envers son peuple. C’est
aussi à travers le Jourdain, barrière infranchissable à la limite du désert,
que Dieu a frayé un chemin pour introduire Israël en Canaan et renverser les
murailles de Jéricho. Dieu avait donc un double but : Manifester dans une même voie
sa colère en jugement
et sa miséricorde.
Son caractère est-il
différent aujourd’hui ? Nullement. Pour être tranquilles quant au présent,
nous n’avons qu’à « nous souvenir de ses merveilles
d’autrefois
». Nous avons,
comme Israël, notre Mer Rouge et notre Jourdain. Le sang de Christ qui nous a
rachetés du monde a vaincu Satan et toute son armée ; la mort de Christ,
en dépit de tous les obstacles, nous a mis en possession de notre héritage
céleste.
Ne fais donc aucune comparaison, pauvre être affligé. Souviens-toi des merveilles d’autrefois. Ce qui, sur la terre, semble faire obstacle au peuple de Dieu, a toujours été le moyen de sa délivrance. La justice et la sainteté de Dieu s’exercent dans « la mer » et dans « les grandes eaux », mais c’est là aussi que son amour se manifeste : son amour tout entier pour nous, son jugement inflexible contre ses ennemis.
Donc, comparer la prospérité des méchants avec les épreuves des justes ne vaut rien ; c’est porter envie au monde et douter de la bonté de Dieu. Comparer notre condition actuelle avec notre condition passée ne vaut rien ; c’est douter de la bonté de Dieu et l’accuser d’avoir changé, Lui qui est le Même, hier, aujourd’hui et éternellement. Ah ! maintenant ton âme éprouvée a compris cette énigme ! Elle n’est plus tentée d’opposer les caractères de Dieu l’un à l’autre, pour le trouver en faute ! Si elle ne voit pas la trace des voies de Dieu dans ce monde, elle sait que là où tout semble confus, Dieu montre ce qu’Il est : insondable, immuable, saint, juste, plein de grâce et d’amour ; et que, à travers tout, il conduira sûrement son peuple comme un troupeau, « par la main de Moïse et d’Aaron » (v. 20). Comment douterais-tu ? Comment te plaindrais-tu ? N’as-tu pas pour te conduire jusque dans la terre promise l’apôtre et le Souverain Sacrificateur de ta profession ?
H. Rossier — Courtes méditations — n°29 [25 bis]
ME 1923 p. 29-31
Il y aurait lieu de s’étendre longuement sur la paresse. C’est une chose méprisable, que Dieu réprouve et qui, partout où elle domine, a les conséquences les plus désastreuses. Les Proverbes ne peuvent assez faire ressortir combien elle est blâmable, car elle n’est pas stigmatisée moins de vingt fois au cours de ce livre. Le Nouveau Testament nous en entretient aussi à plus d’une reprise et je désire citer les quatre passages qui, dans ce livre, nous en parlent au point de vue de la vie chrétienne.
Les Hébreux étaient devenus paresseux à écouter
.
Ce n’était pas qu’ils l’eussent toujours été. Il y avait eu un temps où,
sortis du Judaïsme, par la foi au Seigneur Jésus Christ, ils avaient été
illuminés de sa gloire qui éclipsait toute autre gloire — un temps où la loi,
tout en demeurant inébranlable, avait perdu sa valeur d’autrefois à leurs yeux,
puisqu’ils avaient trouvé en Christ « la fin de la loi, pour justice à tout
croyant » — un temps où ils avaient souffert avec joie pour Son nom. Mais la
fraîcheur des premières impressions s’était perdue, ce qui avait amené un
certain sommeil ; ils étaient devenus, à la longue, paresseux à écouter,
fruit de la distraction et de quelque indifférence à l’égard de la personne du
Seigneur. Les impressions reçues s’étaient émoussées dans le coeur et l’esprit
des auditeurs, car un homme distrait s’intéresse difficilement à l’objet qui
est devant lui. Ils avaient ainsi perdu de vue un Christ céleste, glorifié à la
droite de Dieu, proclamé, par Lui, « sacrificateur pour toujours, selon l’ordre
de Melchisédec ». Peu à peu la personne même du Sauveur ressuscité leur devenait
étrangère ; ils n’étaient plus à cette hauteur et il était dès lors
difficile de leur expliquer les choses qui concernent un Christ céleste. Ce qui
les réjouissait au commencement était maintenant rabaissé à des principes,
vrais peut-être, mais qui ne les élevaient pas au-dessus de l’atmosphère
terrestre. Tout l’effort de l’apôtre consistait donc à les ramener à la
nourriture des hommes faits, à la contemplation d’un Christ ressuscité.
Cette paresse à écouter ne caractérise-t-elle pas aujourd’hui un grand nombre d’entre nous ? Qu’est devenue la soif de le connaître, l’ardeur, le zèle d’autrefois à entendre parler de Christ ? Qu’est devenu le premier amour ? L’apôtre ne nous dirait-il pas aujourd’hui, avec plus de raison que jadis aux Hébreux : « Lorsque vous devriez être des docteurs, vu le temps, vous avez de nouveau besoin qu’on vous enseigne quels sont les premiers rudiments des oracles de Dieu ? »
Il
est un autre genre de paresse tout
aussi pernicieux que celui dont nous venons de parler. C’est la paresse au sujet de l’espérance
chrétienne
: « Nous désirons »,
dit l’apôtre, « que chacun de vous montre la même diligence pour la pleine
assurance de l’espérance jusqu’au bout : afin que vous ne deveniez pas paresseux ».
Demandons-nous si cette
espérance est aussi vivante dans nos coeurs que lorsque nous avons cru ?
La paresse à espérer reporte nos pensées aux intérêts d’en bas ; nous
prive de la réalisation des choses qui sont « au dedans du voile » où l’espérance
pénètre comme une ancre de l’âme ; nous empêche de voir Jésus notre
précurseur céleste, « devenu souverain sacrificateur pour l’éternité selon
l’ordre de Melchisédec ».
La paresse à écouter et la paresse à espérer conduisent donc au même résultat : à perdre la jouissance présente de la personne de Christ.
Ici
la paresse consiste à ne pas faire
valoir le don
que le Seigneur nous a
confié. C’est proprement le caractère du monde, car, sous ce rapport, tout
homme a reçu un don ; mais combien il est sérieux d’enfouir ce don et de
ne pas s’en servir pour plaire au Maître ! Celui qui, placé dans le cep,
est un sarment sans fruit sera bientôt jeté dehors et brûlé au feu. Il en sera
ainsi du professant
; mais combien cet exemple est fait
pour atteindre notre conscience à nous, chrétiens, afin que nous
n’entendions pas ces paroles : « Méchant et paresseux
esclave ! »
« Quant à
l’activité, pas paresseux
; fervents en esprit ; servant le Seigneur ». Il s’agit ici de la paresse, du manque
d’activité dans le service
. Marie était « fervente en esprit ».
Marthe avait dû apprendre d’abord à ne pas être distraite de Lui par son
activité même ; mais elles servaient le Seigneur l’une et l’autre. La
ferveur d’esprit rendait le service de Marie supérieur à celui de sa soeur,
mais chacune était active à sa manière et, selon ses dons. Marthe servait Christ
à table dans la personne de ses disciples ; Marie le servait dans le
culte, la plus haute fonction qui soit confiée au chrétien ici-bas. Les
services peuvent être très divers, mais doivent tous se résumer dans cette
parole : « servant le Seigneur
».
Que ces exemples nous apprennent à haïr la paresse, et à travailler chacun, selon la mesure de foi que Dieu lui a départie !
H. Rossier — Courtes méditations — n°30 [26 bis]
ME 1923 p. 41-43
Il y a pour moi quelque chose d’infiniment encourageant dans ces deux derniers chapitres de l’évangile de Jean. Dieu ne tient pas compte de notre insuffisance, de notre pauvreté spirituelle et de nos manquements pour nous favoriser de ses révélations. Voyez les disciples : Ils ont peur des Juifs et ferment soigneusement leur porte pour les empêcher d’entrer ; Thomas est incrédule ; Pierre, quoique repentant, n’est pas encore restauré ; tous retournent à leurs filets, depuis longtemps abandonnés ; et cependant, quelle abondance de révélations ils reçoivent ! Dieu ne tient compte de leur état, semble-t-il, que pour leur apporter une plénitude de bénédictions nouvelles. Ils reçoivent, comme conséquence de la mort et de la résurrection de Christ, des révélations merveilleuses quant à leur position céleste, quant à leurs relations avec le Père et le Fils, quant à la perfection de cette oeuvre qui leur apporte la paix et, en mystère, quant à l’avenir prophétique du Résidu d’Israël. Ces révélations, en dépit de leur faiblesse, ils sont appelés à les communiquer à d’autres.
Ne pourrions-nous pas dire la même chose de nous-mêmes, nous que le Seigneur appelle à un témoignage spécial dans ces derniers temps de l’histoire du monde ? Quel est notre état moral pour que nous soyons les dépositaires, non pas, sans doute, de révélations nouvelles, mais de tant de vérités cachées et comme ensevelies sous les ruines de la chrétienté professante ? Cet état est, hélas ! si misérable que le monde méprise notre témoignage à cause, en partie du moins, de l’insuffisance de ceux auxquels il est confié.
Mais n’allons pas penser que
le Seigneur soit indifférent à ce que nous mettions notre état moral d’accord
avec ce qu’Il nous a confié. À côté des révélations si précieuses qui nous ont
été faites, le Seigneur apprécie chez les siens un état d’âme d’un prix
supérieur même au privilège d’être choisi comme dépositaire des vérités de la
Parole, c’est la vie
secrète avec
Jésus.
L’apôtre Jean nous en offre
l’exemple au chap. 21. Ce cher disciple est si peu occupé de lui-même, qu’il semble
avoir perdu jusqu’au souvenir de son propre nom. Il ne pense, ni à son
indignité, ni à son insuffisance, ni à quoi que ce soit d’autre qu’à l’amour du
Seigneur pour lui. Un frère demandait une fois dans sa prière :
« Donne-nous de ne penser à nous, ni en bien, ni en mal ». Jean réalisait cela.
L’amour de Christ l’étreignait ; il avait déjà vu cet amour à l’oeuvre
lors de la première pêche miraculeuse (Luc 5:9). La répétition d’un miracle,
auquel Pierre devait sa conversion, n’ouvrait pas même les yeux de ce dernier,
tandis que Jean, rempli de Jésus seul, le reconnaît aussitôt et dit :
« C’est le Seigneur ! » Pour lui, ce miracle ne peut être que le fruit de la
puissance et de l’amour, et où les trouver, si ce n’est en Christ ?
Ainsi, vivre dans Son amour
nous ouvre les yeux et la mémoire, bien plus que les vérités dont nous sommes
dépositaires, et nous rend capables de les communiquer à d’autres. Pierre, qui
l’a appris de Jean, pourra être plus ardent que lui, se jeter à la mer pour atteindre
plus vite le Seigneur, mais Jean l’a reconnu. Tout ce qu’a été le Seigneur, dès
le début de Sa carrière s’est déroulé, comme tout de nouveau, devant les yeux
de son disciple à la vue de la pêche miraculeuse. Jésus parle beaucoup à Pierre
pour le restaurer ; il ne parle pas plus à Jean qu’aux autres disciples
assemblés, mais nous pouvons dire avec certitude que sa présence suffit
parfaitement au coeur du disciple bien-aimé, et qu’il ne quitte pas son Maître
des yeux. La preuve nous en est donnée, car à peine Jésus se met-il en marche
que Jean marche après lui. Il ne dit pas comme Pierre peu de jours
auparavant : « Je te suivrai ; je laisserai ma vie pour toi ». Non, il
ne dit pas une parole ; il suit le Seigneur. Et il en a la récompense :
c’est à lui qu’il est donné d’embrasser d’un coup d’oeil tout le temps qui nous
sépare encore de la venue du Seigneur en gloire. Il en a, personnellement, une
révélation si claire que, par inspiration, il peut la consigner pour nous dans
l’Apocalypse. Pierre a des questions
, Jean a un objet
, et cet
objet est devenu, pour lui, le point de départ de tout progrès dans les choses
révélées.
Il ne suffit donc pas d’avoir reçu des révélations. L’attachement sans réserve à la personne de Christ et l’oubli de nous-mêmes, nous rendent capables de les communiquer à d’autres d’une manière efficace. La pauvreté des résultats ne dépend donc ni de la valeur des révélations, ni de l’insuffisance des vases qui les contiennent, mais du degré d’intensité de notre vie secrète avec le Seigneur.
H. Rossier — Courtes méditations — n°31 [27 bis]
ME 1923 p. 65-68
Je désire insister sur un
certain caractère de la Parole, en tant qu’arme de combat : l’épée à deux
tranchants, caractère dont nous sommes loin de faire un usage constant. Sans
doute la Parole est, pour nous, bien plus encore qu’une épée : elle est
une lampe et une lumière, une eau rafraîchissante et une nourriture ; elle
est une source de salut, de vie, de joie, de puissance et de connaissance ;
la révélation de la grâce et de la gloire, la révélation de Christ à nos âmes.
Mais, en outre, nous sommes appelés à manier cette Parole et à en faire divers
usages, ou plutôt, à combattre par elle de
diverses manières
.
Pour apprendre à nous en servir, nous n’avons qu’à considérer la manière dont le Seigneur l’a employée, l’emploie et l’emploiera.
Dès qu’il entre dans son ministère (Matt. 4:1-10) il prend cette Parole, comme épée de l’Esprit, pour combattre Satan. Seul, au désert, sans appui, sans ressource aucune, sauf cette arme, il réduit l’Ennemi au silence et l’oblige à se retirer. Il nous laisse cette épée pour la manier après Lui contre ce même Adversaire. En Apoc. 2:12-16, c’est avec la Parole, épée aiguë à deux tranchants, sortant de sa bouche, que le Seigneur combat le mal dans l’Église responsable, dont Satan a réussi à faire le siège de son royaume en y introduisant des doctrines perverses, la souillure, et l’union sacrilège avec le monde. Nous aussi, nous avons à combattre le mal par le même moyen, comme Antipas, le fidèle témoin, et nous en recevrons la récompense. Nous avons, dans la chrétienté qui nous entoure, à combattre avec l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu, contre les artifices du Diable qui y a son trône.
En Apoc. 19:15, c’est avec l’épée aiguë à deux tranchants, sortant de sa bouche, que le Seigneur exercera le jugement sur les nations et établira son règne. Comme il a été seul sur la croix pour établir le règne de la grâce, il sera seul pour établir le règne de la justice. Mais, nous le voyons dans ce passage, il associera tous les saints avec Lui pour partager les fruits de sa victoire, comme il les associe maintenant avec Lui-même dans la jouissance des résultats de son oeuvre rédemptrice.
Ceci m’amène au sujet proprement dit de ma méditation, au chap. 4 de l’épître aux Hébreux.
Nous trouvons dans ce passage (v. 12-16) deux choses indispensables pour arriver au bout de la traversée du désert. Ces deux choses sont la parole de Dieu et la sacrificature de Christ.
La Parole, dont le Seigneur
est la souveraine expression est « vivante et opérante, et plus pénétrante
qu’aucune épée à deux tranchants ». Elle n’est pas dirigée contre les ennemis du
dehors, mais contre nous-mêmes
. Si elle pénètre, ce n’est pas pour une
action momentanée ou superficielle. Cette épée est sortie de l’arsenal
divin ; elle est souverainement intelligente ; rien ne lui
échappe ; elle sait s’insinuer dans les parties les plus secrètes et les
plus subtiles de notre être, à nous croyants. Tout ce qui est animal
, —
car elle « atteint la division de l’âme et de l’esprit », — alors même que ce
serait revêtu des formes et des couleurs les plus captivantes, ne peut lui en
imposer. La Parole fait une distinction des plus tranchées entre ce qui
appartient à la chair et ce qui appartient à l’Esprit, distinction que nous
sommes incapables de faire nous-mêmes, tant elle est subtile, pas plus que nous
ne pouvons séparer nos jointures et nos moelles.
Notre désir est, par exemple, de faire le bien, de soutenir matériellement l’oeuvre de Dieu. Dans quelle mesure cherchons-nous à accroître par là notre influence. Nous pensons aider aux nécessiteux. Dans quelle mesure y poursuivons-nous la satisfaction de nous-mêmes et cherchons-nous l’approbation de nos frères ou du monde ? Nous voici engagés activement dans le ministère. Dans quelle mesure y donnons-nous une part à notre « moi », en faisant valoir notre éloquence, en essayant de paraître plus spirituels que nous ne le sommes réellement ? Laissons-nous à l’Esprit toute sa place en n’en gardant aucune pour nous-mêmes ? Si nous n’agissons pas ainsi, l’épée à deux tranchants, maniée d’une main sûre, nous pénétrera et nous atteindra. Ne l’évitons pas. Notre orgueil, notre vanité, notre suffisance, en souffriront. La blessure sera souvent cruelle. Parfois nous aurons de la peine à pardonner aux instruments que Dieu emploie pour manier l’épée… Le moyen d’éviter toute déconvenue, c’est de prendre nous-mêmes l’épée à deux tranchants et de nous en percer les entrailles : Nous l’avons entre nos mains ; si nous savons l’appliquer à d’autres, commençons par l’appliquer à nous-mêmes. Voyons en quoi elle nous condamne, pour savoir en quoi elle nous approuve. Ne cherchons pas à excuser notre froideur, notre préoccupation de nous-mêmes, notre mondanité, les apparences dont nous nous parons hypocritement, quand la vie intérieure n’y correspond plus.
Telle est donc la Parole, appliquée à l’enfant de Dieu qui porte et portera jusqu’au bout de la course la chair en lui. L’effet de cette Parole est de nous placer en présence de Christ devant lequel tout est découvert sans rien de caché. Lui disons-nous : « Sonde-moi et connais mon coeur ; éprouve-moi et connais mes pensées » (Psaume 139:23), ou cherchons-nous à éviter la Parole qui veut mettre à nu tout motif charnel dont notre marche serait entravée ? Laissons-la venir à nous sans lui faire obstacle.
Notre peu de succès réel dans la prédication de la Parole dépend souvent de ce que nous prétendons l’appliquer aux âmes des autres, avant de l’avoir laissée pénétrer en nous pour nous apprendre à faire la différence entre l’âme et l’Esprit. Soyons sincères, soyons vrais, soyons attentifs à ce côté du combat qui est le combat contre nous-mêmes, le jugement de nous-mêmes, et non pas seulement le combat contre les puissances de ténèbres en dehors de nous !
H. Rossier — Courtes méditations — n°32 [28 bis]
ME 1923 p. 77-80
Aussi longtemps qu’il est
dans ce monde, le chrétien a trois demeures
fixes et inébranlables. Nous disons « fixes », parce que ce qui caractérise
son pèlerinage, c’est une tente
,
dressée jour après jour, dans le désert. Dans ce sens, la tente nous
suffit, comme aux patriarches. Nous savons qu’elle n’est pas durable, qu’elle
peut-être détruite d’un moment à l’autre, mais nous savons aussi que déjà notre
domicile éternel est préparé dans les cieux, dans la personne d’un Homme
ressuscité et assis, comme tel, à la droite de Dieu.
Les trois demeures dont nous
parlons sont tout autre chose. Pendant qu’il traverse le monde, le chrétien a
un lieu de refuge
, un lieu de repos
, un lieu
de
délices
, lieux entièrement
en dehors des limites de cette création, et par conséquent célestes ; or
c’est de ces demeures-là que nous désirons dire quelques mots.
Le Psaume 71 nous parle de la
première. Comme le croyant dans ce Psaume, nous, chrétiens, nous sommes
menacés, pendant le voyage, de dangers de toute espèce, dangers suscités par
Satan, et dont il cherche à faire usage pour nous perdre. Ces dangers sont une
menace de chaque instant pour notre vie spirituelle. Au dehors, les ennemis
nous environnent, prompts à nous assaillir : la haine, la tribulation, les
obstacles ; — au dedans, d’autres ennemis nous assaillent, par le moyen
des convoitises que le monde nous offre pour nous faire succomber, si nous
prêtons l’oreille à ses appels. Ces ennemis sont de tous les instants. Comment
leur échapper ? « Viens, mon peuple, dit le Seigneur ; entre dans tes
chambres et ferme tes portes sur toi ; cache-toi pour un petit moment »
(És. 26:20). Il nous faut avoir un refuge assuré contre le danger. C’est ce que
nous voyons dans ce Psaume 71. Ce refuge
est Dieu lui-même
: « Sois
pour moi un rocher d’habitation, afin que j’y entre
continuellement ; tu as donné commandement de me sauver, car tu es mon
rocher et mon lieu fort ». Quelle sécurité ! Du moment que nous nous
réfugions dans cette forteresse, nous pouvons être certains d’y trouver une consigne
absolue donnée en notre faveur,
une délivrance, un salut inébranlable. Ce rocher nous offre une
habitation ; il nous faut y « entrer continuellement
». Dès
qu’un danger surgît, il nous faut courir à Dieu lui-même, notre
refuge. Il garde toujours la même valeur, depuis notre naissance spirituelle, à
travers toute notre jeunesse et jusqu’aux cheveux blancs (v. 5-6, 17-18).
Il y a sans doute, outre un
refuge à chercher, un combat à livrer à ciel ouvert, et pour lequel nous avons
à revêtir l’armure complète de Dieu ; mais ce dont nous parlons ici, c’est
des ennemis embusqués, nous guettant pour nous faire tomber dans la fosse, et
non pas du combat en rase campagne. Résistons
à l’ennemi quand il se démasque ; fuyons
devant les ennemis
embusqués, pour nous réfugier en Dieu dans la forteresse qui nous offre une
sécurité absolue. Le danger passé, nous pourrons en sortir pour vaquer à
d’autres devoirs, mais le moment d’après il nous faudra peut-être en reprendre
le chemin. Ne nous est-il pas dit : « afin
que j’y entre continuellement
» ?
Cette entrée est pour nous la confiance, la prière, un recours continuel
à Celui qui est notre gardien et notre force.
Le refuge nous offre ainsi
une sécurité
de chaque instant.
Au Psaume 84 notre trouvons
la seconde demeure. Ce n’est plus la forteresse ; c’est le
temple
qui n’est pas un lieu de refuge,
mais un lieu de repos,
après lequel
soupire une pauvre âme craintive et que le moindre souffle agite. Dans le
temple, dans ces parvis de Dieu, le croyant trouve une double source de
repos : D’abord le repos fondé sur la personne du Fils du Dieu vivant qui,
après avoir achevé son oeuvre en notre faveur, nous a devancés et s’est assis à
la droite de Dieu — ensuite le repos fondé sur l’oeuvre elle-même, sur le
sacrifice de Christ, sur les autels de Dieu. À cette oeuvre il ne reste rien à
ajouter, puisque Dieu lui-même y a trouvé Son repos.
Le résultat de l’habitation
dans ces aimables demeures et du repos dont l’âme y jouit, c’est l’adoration ou
le Culte
: « Bienheureux ceux qui
habitent dans ta maison ; ils te
loueront
sans cesse ! » (v. 4).
Au Psaume 27, nous trouvons
la troisième demeure. Ce n’est plus le temple et ses sacrifices, mais le lieu
secret du temple, la « loge » de la maison de l’Éternel, le lieu très saint
. C’est une
demeure beaucoup plus intime que les « parvis » de l’Éternel : une
merveilleuse habitation ! Le croyant ne demande qu’une seule chose, c’est
d’y habiter tous les jours de sa vie, et non pas de s’y réfugier à l’occasion.
Il veut y contempler « la beauté de l’Éternel » et « s’enquérir diligemment de Lui
dans son temple ». Il faut pour cela un travail soigneux et continuel, une étude
heureuse, une activité spirituelle constante, mais qui n’a rien de difficile ni
de décourageant. L’âme est abreuvée au fleuve des délices de Dieu qui est
Christ.
C’est plus que le repos,
c’est la communion
, un état dans lequel l’âme est pleinement à l’unisson
de tous les sentiments, de tous les désirs, de toutes les joies du Père et du
Fils. Rien n’est plus élevé dans la vie chrétienne. Nous en avons parlé
longuement ailleurs (*).
(*) Communion et Psaumes de communion, par H.R. — Bibliquest : voir index des études bibliques sur l’Ancien Testament, à Psaumes
Remarquez que, lorsque vous
avez la Communion, vous avez aussi tout le reste. La communion nous donne un refuge
assuré contre toutes les entreprises de l’ennemi : « Car, au mauvais jour,
il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa
tente, il m’élèvera sur un rocher. Et maintenant ma tête sera élevée par-dessus
mes ennemis qui sont à l’entour de moi » (v. 6). — De même la communion est à la
base du culte et de l’adoration
: « Et je sacrifierai dans sa tente
des sacrifices de cris de réjouissance ; je chanterai et je psalmodierai à
l’Éternel » (v. 6).
Les ennemis, les dangers de la route, ne pourront jamais abattre celui qui est en communion avec le Seigneur et demeure dans le lieu secret de son tabernacle — son repos ne pourra jamais être troublé et son culte sera digne de son Objet !
H. Rossier — Courtes méditations — n°33 [29]
ME 1923 p. 117-119
La parabole du Juge inique,
bien qu’elle présente, comme au chap. 17, la condition du Résidu juif de la
fin, est pleine d’instruction pour nous, chrétiens. Le juge inique ne possède
pas les premiers éléments de la connaissance de Dieu, semblable en cela à
beaucoup de dignitaires dans la chrétienté actuelle : « Il ne craignait pas
Dieu et ne respectait pas les hommes ». Pour celui qui n’a pas cette crainte de
Dieu, la Sagesse divine est lettre morte ; sans cette crainte, le
caractère d’un Dieu qui a en horreur le mal, sous toutes ses formes, n’est pas
même soupçonné. L’âme est sans Dieu
. Le résultat, pour cet homme, est
qu’ayant, non pas Dieu, mais lui-même
pour point de comparaison, il se
constitue juge de tous les hommes, sauf de lui-même, car, sans Dieu, l’homme
naturel est incapable de se juger : il se fait centre, à la place de Dieu,
et, ne se jugeant pas, il juge les autres. Ce jugement le portera toujours à ne
pas respecter les hommes, à les mépriser. Il se dresse une statue, au milieu de
la faillite et de la ruine morale de l’humanité, et reste seul, à son sens, intact
sur ces débris.
Le caractère de la pauvre
veuve qui, comme nous le verrons, est le tableau fidèle du Résidu juif de la
fin, offre cependant un important point de contact avec le nôtre. Hâtons-nous
de le constater, car il sert de thème à l’exhortation du Seigneur à ses
disciples. « Ils devaient », comme cette veuve, « toujours prier et ne pas se
lasser ». Il y a devant nous une infinité de besoins, soit en ce qui nous
concerne, soit en ce qui a rapport au peuple de Dieu, soit en ce qui a trait au
monde : Sujets de prières, d’intercessions, de supplications continuelles
auprès du Dieu de grâce. Voilà ce que nous avons à faire, mais dans de tout
autres circonstances que la veuve. Elle invoque le juge
; nous, chrétiens, nous ne le pouvons jamais, car nous
invoquons le Père. « Père, pardonne-leur », dit le Seigneur entre les mains de
ses bourreaux. Elle dit : « Venge-moi de mon adversaire » et nous ne pouvons
qu’implorer la pitié de Dieu à leur égard. Cependant, au milieu de l’épreuve,
suscitée par le monde contre les saints, nous savons que Dieu « use de patience
avant d’intervenir pour nous ». Nous savons que Dieu jugera, mais que sa promesse
est certaine, et que s’il use
de patience, c’est qu’il « ne veut pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent
à la repentance ».
Le Seigneur fait allusion ici
aux « élus qui crient à lui jour et nuit » pour que « justice leur soit faite »
comme au Psaume 81:1. Cette pauvre veuve est donc l’image du Résidu juif,
traversant la tribulation à la fin des jours, et pouvant invoquer instamment la
vengeance du Juge, parce que cette vengeance sera pour ces croyants-là, le seul
moyen de délivrance. Toute cette scène n’a donc pas trait à nous directement,
mais outre qu’elle nous engage à toujours prier et à ne pas nous lasser, elle
veut nous convaincre que Dieu use de patience avant d’intervenir pour les siens
en jugement. De son côté, rien ne manquera : « Je vous dis que bientôt
il leur fera justice ». Ces mots sont prophétiques, mais ont pu,
par anticipation, se réaliser historiquement et partiellement pour les
disciples du Seigneur lors de la destruction de Jérusalem.
Jésus ajoute : « Mais,
quand
le fils de l’homme viendra,
trouvera-t-il de la foi sur la
terre
? » De fait, le Résidu
juif qui « crie à Lui nuit et jour », ne sera convaincu de l’intervention en
délivrance du « fils de l’homme » que lorsqu’il le verra
. Il faudra
donc qu’Il paraisse aux yeux de ces fidèles pour qu’ils croient.
Ce fut le cas de Thomas. Le Seigneur lui dit : « Parce
que tu m’as vu
, tu as cru
. Bienheureux ceux qui n’ont point vu
et qui ont cru ». « Ne sois pas incrédule,
mais croyant
» (Jean 20:27-29). Donc, sous ce
rapport
seul,
le Résidu sera incrédule
et ne croira
à la réalité de la délivrance par le fils de l’homme en personne,
par Celui que le peuple avait
jadis crucifié, que quand ils l’auront vu de leurs yeux. Ce n’est donc pas de
cette foi-là, de la foi qui accompagne la vue, que le Seigneur parle ici, quand
il dit : « Le fils de l’homme trouvera-t-il de la foi sur la terre ? »
mais de la foi de ceux qui ont cru à l’intervention du fils de l’homme sans le
voir. La rencontrera-t-on peut-être chez l’un ou l’autre du Résidu qui, sous
l’influence de réminiscences chrétiennes, aura attendu le Christ, comme fils de l’homme
, au lieu d’espérer seulement dans l’intervention céleste de
l’Éternel ? C’est la question que le Seigneur laisse ouverte ici et à
laquelle il ne nous est pas donné de répondre. Mais il est de fait que, jusqu’à
ce qu’ils le voient, ceux du Résidu seront incrédules par rapport à cette
intervention personelle
. Jusque-là leur foi sera en Dieu
(v. 7) à qui, dans leur détresse, ils crient nuit et jour. De
plus, ils savent, par cette même foi en Dieu, qu’il interviendra un jour,
puisqu’ils disent : « Jusques à quand ? » Mais la foi, notre foi au
Fils de l’homme maintenant invisible, et venant
personnellement se manifester
, par
le jugement, pour établir son règne, leur manquera. Ils seront incrédules
jusqu’à ce que l’Homme crucifié leur montre ses blessures.
H. Rossier — Courtes méditations — n°34 [30]
ME 1923 p. 129-132
Cette parabole, comme celle
du « Juge inique » (v. 1-9), nous parle de la prière, en prenant pour exemples le
Pharisien, propre juste, et le publicain, conscient de son état de péché. Le
Juge inique « ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes » ; le
Pharisien, sans craindre Dieu davantage, se donnait toute l’apparence de le
craindre, et priait dans le temple, quoique, de fait, il ne se confiât pas en
Dieu, mais en lui-même. Du moment qu’il s’estimait « juste », qu’avait-il besoin
de Dieu ? Voici donc un homme qui, tout en professant publiquement avoir
des relations avec Dieu, lui est complètement étranger, ignore Son caractère,
s’attribue un caractère de justice que Dieu seul possède, fait de lui-même,
sans s’en douter peut-être, un centre qu’on ne trouve qu’en Dieu, et, en
réalité, se passe entièrement de Lui. Cela le porte à prononcer audacieusement
son panégyrique devant Dieu ! En vertu de son excellente opinion de
lui-même, il prend, vis-à-vis des hommes, une attitude pire encore que celle du
juge inique qui « ne les respectait pas » ; il « tient le reste des hommes pour
rien
». La propre justice n’est que l’orgueil sous une forme religieuse,
orgueil plus haïssable que celui de l’incrédulité. Elle se dresse, comme le juge
inique, une statue au milieu de la ruine du reste des hommes, qu’elle considère
avec un souverain mépris.
Le pauvre publicain,
réalisant qu’il était devant Dieu, le craignait
. Cette crainte qui est
la haine du péché est le commencement de la sagesse. Il se mettait de lui-même,
sans qu’il fût nécessaire de l’y forcer, à la dernière place, place qui lui
était assignée par l’orgueil du pharisien. « Il se tenait loin », réalisant
pleinement son éloignement de Dieu par le péché ; « il ne voulait même pas
lever ses yeux vers le ciel » , car il réalisait sa complète indignité pour
s’adresser à Dieu ; « il se frappait la poitrine », dans le sentiment de sa
culpabilité, mais pénétré de la repentance qui l’accompagne. Dans cet état, il
reconnaissait n’avoir que deux alternatives : ou la colère de Dieu qui lui
était due, ou bien la miséricorde dont il se sentait indigne, mais qui, seule,
était capable de le sauver.
Il « descendit dans sa maison, justifié plutôt que le Pharisien », bien que n’ayant pas encore reçu la réponse à son appel douloureux. Mais il emportait, de la présence de Dieu, la conviction que la grâce seule pouvait le mettre à l’abri de la colère, et que grâce et jugement provenaient de la même source.
Cette parabole, tout en ne décrivant aucunement l’état dans lequel la grâce nous a placés, nous chrétiens, n’a-t-elle pas aussi quelque chose à nous dire ? Les deux personnages dont elle nous parle ne sont ni l’un, ni l’autre, une image de ce que nous sommes. Un propre juste, dans le sens du Pharisien, peut être un professant, mais n’est pas un chrétien du tout. Le publicain ne représente pas non plus le chrétien, dont le caractère propre est d’être justifié de tout péché par la foi en Christ ; mais nous trouvons ici une instruction pratique qui souvent nous échappe et se résume, au v. 14, par cette parole : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé ».
Le pharisien s’élève et tient
les autres pour rien ; le publicain s’abaisse. Demandons-nous lequel de
ces deux états est le miroir du nôtre. Aucun homme, réellement chrétien, ne
parlera comme ce pharisien ; mais, rencontrera-t-on peut-être des
chrétiens qui, confiants dans leurs propres dons ou leurs capacités
spirituelles, regardent de haut ceux qu’ils estiment moins capables qu’eux-mêmes ?
Ils ne sont pas propres-justes comme le pharisien, mais ils partagent son
orgueil religieux qui, comme nous l’avons montré, est à la base de la propre
justice ; orgueil de l’homme, conscient de sa propre valeur et n’estimant
aucunement que les autres soient supérieurs à lui-même. Le publicain, lui,
n’estime pas être quelque chose et ne se compare pas à d’autres, parce qu’il a
pris Dieu
pour point de comparaison et qu’il sait être le néant même
devant la perfection du Dieu juge.
Telle est la leçon que le Seigneur nous apprend aujourd’hui. Nous jugeons très facilement le Pharisien, mais songeons-nous qu’il y a quelque chose de très assimilable à la propre justice, l’orgueil religieux, se trahissant par la bonne opinion de nous-mêmes ? Le publicain en était exempt et telle est la leçon qu’il nous donne, à nous qui sommes, par l’Évangile, beaucoup plus avancés que lui dans la connaissance de la faveur du Dieu d’amour.
Il est très frappant que la conclusion de cette parabole soit exactement la même que celle des conviés qui choisissaient les premières places à table. Comme dans notre chapitre, il est dit au v. 11 du chap. 14 : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé ». Dans ce chap. 14 il s’agit de l’orgueil mondain, dans notre chapitre, de l’orgueil religieux. L’orgueil mondain cherche à acquérir la première place aux dépens des autres, jusqu’à ce que Celui qui nous a conviés nous humilie en nous mettant à la dernière place. L’orgueil religieux s’élève dans ses pensées en usurpant la place due à Dieu et, par ce fait, estime ses frères pour rien, jusqu’à ce que Dieu lui montre qu’un pauvre pécheur repentant a plus de valeur à ses yeux que celui qui croit occuper une place éminente parmi le peuple de Dieu.
Prenons donc à coeur cette instruction, car le pharisaïsme s’insinue facilement dans nos rapports avec nos frères. Celui qui s’estime très haut est toujours en danger de tenir ses frères pour rien et de tomber très bas.
H. Rossier — Courtes méditations — n°35 [31]
ME 1923 p. 141-144
Au commencement de son
ministère, Jésus monte sur une montagne et prononce les béatitudes (Matth. 5).
Elles s’adressent à ceux qui ont le coeur brisé, à ceux qui sont dans le deuil,
aux humbles, à ceux qui haïssent le mal et recherchent ce qui plaît à Dieu,
mais tout cela ne va pas sans des persécutions et des souffrances de toute
espèce, de la part des hommes. Quel sombre tableau ! Eh bien !
ceux-là qui souffrent sont déclarés bienheureux parce qu’ils endurent toutes
ces peines et ces tribulations à cause de Christ. L’Évangile, la bonne
nouvelle, leur a été apportée parce qu’ils étaient des pauvres. C’est pour des
pauvres que le Seigneur a été envoyé (Luc 4:18). Ce sont eux qui sont l’objet
et le couronnement de sa mission (Matth. 11:5 ; Luc 7:22). Comme cela nous
encourage à garder un caractère de pauvreté, de justice pratique, de petitesse,
de souffrance de la part du monde ! Le bonheur
appartient à ceux qui sont tels. Avons-nous soif d’un autre bonheur, car le
monde croit qu’il existe ? Il se trompe. Contrairement à la voie de la
justice, le bonheur dont le monde parle ne peut être cherché que dans le péché
qui conduit invariablement à la misère, à la mort et au jugement.
* * *
Mais arrivons maintenant à la fin du ministère du Seigneur. Il avait apporté une plénitude de bénédiction aux pauvres et à tous ceux qui souffrent, il avait répandu ses guérisons tout le long du chemin, il avait consolé, rassuré, soulagé — il dépose maintenant son mandat et quitte la scène, mais à vide ! « Pourquoi », s’écrie-t-il, « suis-je venu et il n’y a eu personne ». Il lui faut assister à la faillite de sa mission. Sauf quelques isolés qui, trouvant auprès de lui, par la foi, les paroles de la vie éternelle, se sont attachés à ses pas, tous l’abandonnent. Désormais la haine relève la tête et se donne libre carrière contre lui. Tous les principaux complotent ensemble pour le faire mourir. Les pharisiens, les scribes, les docteurs de la loi s’entendent pour se débarrasser de Dieu dans cet homme. Mais c’est par la sentence même prononcée contre Lui qu’il va accomplir l’oeuvre de la rédemption. Toutefois il faut, avant la proclamation du salut accompli, qu’une malédiction définitive soit prononcée sur cette race impie : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » Au lieu des neuf « béatitudes » du commencement de sa carrière, il prononce les sept « malheur ! » de la fin. Ce refrain terrifiant sort de la bouche de Celui qui avait au commencement prononcé la plénitude divine de la grâce et de la bénédiction. Il prononce maintenant une sentence définitive dont rien ne sera jamais retranché. Le fouet brandi sept fois frappe le dos de tous ces infâmes, le déchire et y laisse ses marques sanglantes (Matth. 23:13-36). Ils ont beau grincer des dents ou chercher à éviter ses coups ; ils ne peuvent échapper. Les sept « Malheur ! » du chap. 23 ne sont que l’exécution du jugement qui avait suivi la malédiction du figuier stérile au chap. 21:18-20. « Que jamais aucun fruit ne naisse plus de toi ! » avait dit le Seigneur. Ce figuier est l’homme comme tel, sous l’emblème du peuple le plus favorisé de Dieu, mais devenu, par le rejet du Sauveur, un arbre inutile dont toute sève s’est à jamais retirée sous la malédiction, avant qu’il soit coupé et jeté au feu.
* * *
Mais le Seigneur ne peut
s’arrêter au jugement. Quand tout est perdu du côté de l’homme, il reste encore
le salut opéré par les souffrances de la croix, un salut éternel, la grâce
et la gloire
, libre don de Dieu aux pauvres pécheurs (Psaume 84:11).
Combien est touchante cette fin de Matth. 23, inscrite en tête de notre
méditation ! « Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui
lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants
comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas
voulu ! » C’est le cri d’un coeur divin, navré devant l’endurcissement de
la ville bien-aimée. Ses ailes représentaient la douce chaleur de l’amour, la
protection, la sûreté absolue, mais tous Ses appels à la ville bien-aimée
avaient été vains et s’étaient heurtés à une volonté obstinée qui ne voulait
pas de la grâce. « Vous ne l’avez pas voulu
! » Telle est la cause du
jugement de l’homme : une volonté absolument opposée à toutes les offres,
à tous les appels de la grâce ! Leur « maison déserte » ; telle est la
conséquence de leur obstination jusqu’à ce jour. La seule ressource qui leur
fût offerte leur est maintenant retirée ; mais, chose merveilleuse, Dieu
va leur donner mille fois plus que ce qu’ils ont refusé ! Il n’est pas
selon son caractère de finir par le jugement ; Il est, avant tout le Dieu
d’amour. Il avait commencé par les béatitudes ; les hommes n’en ont pas
voulu et le jugement est prononcé contre eux, mais un jour viendra où ils
diront : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! » Alors ce
qui leur avait été offert
et qu’ils n’ont pas voulu leur sera donné
. Leur histoire se terminera par la grâce triomphante qui
introduira le règne de la gloire dans ce monde comme au ciel. Alors se
réalisera cette parole : « L’Éternel donnera la grâce et la gloire ! »
H. Rossier — Courtes méditations — n°36 [32]
ME 1923 p. 205-210
Il y a pour l’homme un bonheur initial
. Avant de le connaître tout était pour lui misère et malheur.
Je ne dis pas qu’il ne cherche, en sa qualité de pécheur, à atteindre le
bonheur, mais, ne le connaissant pas, comment saurait-il où
le
chercher ? Il poursuit, l’une après l’autre toutes les formes de bonheur
que son ignorance lui suggère, sans même parler des mauvaises convoitises et
des souillures que le monde et son prince lui offrent comme un appât. Toujours
déçu, le malheureux finit, s’il est sincère, ce qu’il est, du reste, très
rarement, par tomber dans l’indifférence d’un effort inutile, ou dans un amer
dégoût suivi d’un sombre désespoir.
Mais, dès que l’âme du
pécheur commence à être travaillée et que la conscience le force à se présenter
devant Dieu, repentant, confessant ses péchés, et réalisant pour la première
fois ce qu’est la crainte de Dieu, le voilà qui, pour la première fois aussi, a
trouvé le bonheur. Il peut dire : « Bienheureux
celui dont la transgression
est pardonnée et dont le péché est couvert ! Bienheureux
l’homme à qui l’Éternel ne compte pas le péché ! »
Il ne cherche plus, comme il le faisait précédemment, à rien cacher à Dieu, car
il n’y a plus de « fraude » dans son coeur, comme quand il prétendait s’approcher
de Dieu, dans son état d’inconversion (voy. Ps. 32:1-2). Le poids énorme qui
pesait sur sa conscience a disparu ; la paix, la faveur de Dieu lui sont
acquises. Tel est le premier bonheur.
* * *
Le deuxième bonheur peut être
défini ainsi : le bonheur actuel
dans la marche
. Il commence
après la conversion et nous accompagne jusqu’au moment où nous quittons ce
monde pour être auprès du Seigneur. L’intervalle entre ces deux moments, qui
comprend de fait tout notre vie chrétienne, la Parole nous le dépeint comme un bonheur perpétuel
. Ah ! direz-vous, rien n’est moins vrai que ce que vous
dites-là ! Ne trouvons-nous pas dans ce monde des tristesses, des deuils,
des pertes, des souffrances perpétuelles, des désillusions, des tentations où
nous succombons, des combats où nous sommes vaincus ? Appelez-vous cela le
bonheur ? Oui, certes
,
si
vous vous mettez en route avec votre bonheur initial ; non
, à coup
sûr, si vous marchez en reniant votre origine. D’où vient que l’épître aux
Philippiens, dont le sujet est précisément l’expérience chrétienne dans la
marche, ne nous parle que
de joie,
jamais de malheur, et nous décrive le racheté comme capable de marcher « sans
broncher jusqu’au jour de Christ » ? D’où vient que l’épître aux Hébreux ne
nous parle jamais du péché que comme aboli, et du chrétien, que comme capable
de le rejeter et d’aboutir victorieusement au terme de son témoignage ?
(voy. aussi Jude 24).
Telle est la marche
chrétienne. Idéale,
direz-vous. Non
pas, mais normale
. Comprenez-vous maintenant pourquoi
elle peut être une marche bienheureuse d’un bout à l’autre ?
C’est ce que Dieu attend de
nous ; il a tout préparé pour cela ; il a ôté tout obstacle à la
réalisation de ce bonheur. Ne sommes-nous pas entièrement purifiés par le sang
de Christ, justifiés par la foi, scellés du Saint Esprit ? N’avons-nous
pas la vie éternelle et la puissance de cette vie ? Ne sommes-nous pas
ressuscités avec Christ, assis en Lui dans les lieux célestes ? L’amour de
Dieu n’est-il pas versé dans nos coeurs ? Sans doute, nous avons la chair,
le péché, le vieil homme en nous, mais nous ne sommes plus dans la chair. Dieu
nous donne le droit de nous tenir pour morts au péché, parce que le péché dans la chair
a été condamné en
Christ sur la croix. Christ est mort une fois pour toutes au péché et il vit à
Dieu ; et moi aussi je puis me tenir moi-même pour mort au péché et vivant
à Dieu dans le Christ Jésus.
Toute raison pour être malheureux dans la chair m’est donc ôtée ; et,
Christ vivant en moi, toute raison d’être bienheureux m’est fournie.
Voyons maintenant, après
avoir accentué l’entière capacité du nouvel homme pour être heureux, où et
comment se montre le bonheur chez le chrétien. Avez-vous remarqué que les
Psaumes qui nous présentent toutes les sortes de souffrances pouvant assaillir
et accabler les saints, sont le livre où il nous est plus souvent parlé de
bonheur que dans tout le reste de la Bible ? Pourquoi ? C’est que la
souffrance est le moyen employé pour nous faire jouir du bonheur dans la
manifestation de toutes les qualités du nouvel homme : dans la dépendance,
dans la confiance, dans l’humilité, dans la sainteté, dans le repos, dans la
force, trouvée en Lui seul et nous permettant de marcher de force en force,
dans la liberté des relations ininterrompues avec Dieu, même dans la discipline
qui a pour but de nous faire
rentrer dans ce chemin bienheureux si nous nous en écartons.
Ces qualités morales du
fidèle représentent, sauf la dernière
, les caractères de Christ lui-même.
Comment ne trouverions-nous pas notre bonheur à les réaliser dans le
développement journalier de toutes les perfections du parfait serviteur :
dévouement, débonnaireté, justice, sainteté, paix, vérité, sympathie,
miséricorde, amour ? Comment ne pas être heureux si, dans la mesure où
nous manifestons ces choses, nous souffrons de la part du monde ? Christ a
traversé ces souffrances dans une paix parfaite et dans une joie accomplie
qu’il nous a laissées et données. Nous pouvons donc les traverser de la même
manière, nous qui avons reçu de Lui la nature divine, la vie éternelle et le
Saint Esprit, puissance de cette vie.
Et comment, en outre, ne jouirions-nous pas de notre bonheur, quand, au milieu des tribulations nous sommes puissamment soutenus par l’espérance ?
Or maintenant, demandons-nous
d’où vient que tant de chrétiens ne sont pas heureux ? C’est que, d’un
côté, tout en ayant le pardon de leurs péchés, ils n’en ont pas fini avec
eux-mêmes, qu’ils ne sont pas affranchis
. Ils n’usent pas du privilège de se
tenir pour morts au péché et pour vivants à Dieu. Ils ne peuvent pas
dire : « Je suis crucifié avec Christ, et je ne vis plus, moi, mais Christ
vit en moi » ; et : « Je n’ai aucune
confiance en la chair » (Gal. 2:20 ; Phil. 3:3).
C’est que, d’un autre côté,
ils n’ont pas rompu avec le monde et ne peuvent dire : « Qu’il ne m’arrive
pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ,
par laquelle le monde m’est crucifié, et
moi au monde
» (Gal. 6:14).
Tel est le secret du bonheur
actuel dans la marche. Un chrétien, vraiment affranchi du vieil homme et du
monde, sera, à travers tout et en toute occasion, un homme pratiquement
bienheureux. Ayant la chair en lui, il est toutefois continuellement en danger
de retourner aux choses qu’il avait abandonnées. De là les châtiments et la
discipline du Père qui ont pour but de nous ramener au bonheur que notre folie
nous avait fait abandonner. Il va sans dire « qu’aucune discipline, pour le
présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse
; mais,
plus tard, elle rend le fruit paisible
de
la justice à ceux qui sont exercés par elle » (Hébr. 12:11).
* * *
Considérons maintenant le
troisième bonheur. Ici nous ne parlons pas du bonheur éternel, mais du bonheur final
dans lequel le chrétien entre
au bout de sa course. C’est ce qui
est appelé dans la Parole : « l’entrée
dans le royaume éternel de
notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2 Pierre 1:11). Cette entrée peut nous
être richement ou pauvrement donnée. Et de quoi cela dépendra-t-il ? De la
manière dont nous aurons réalisé notre second bonheur dans notre marche
ici-bas. À ce sujet, l’une des expériences les plus solennelles de ma vie a été
la suivante :
Un chrétien de ma
connaissance avait pleinement joui du premier bonheur qui accompagne la
conversion. Peu de temps après il avait marché selon les convoitises du vieil
homme et avait dû être retranché de la communion de l’Assemblée. De longues
années s’écoulèrent. Le jour de sa mort il me fit appeler et me dit : Je
désire que vous parliez sur ma tombe et que vous disiez publiquement à tous les
assistants, à mes frères en Christ et aux gens du monde qui seront présents,
que je ne doute pas un seul instant de mon salut, mais que je quitte cette terre
sans aucun bonheur
et dans une
profonde tristesse
que ne diminue
pas même la pensée de voir le Seigneur, parce que toute ma vie a été inutile
pour Lui
. Ce message d’outre-tombe, communiqué à une nombreuse assistance,
eut, je pus m’en convaincre, un effet salutaire sur quelques-uns. Ainsi, sur
les trois bonheurs du chrétien, cet homme en avait à jamais perdu deux pour
satisfaire ses convoitises.
Si, jour après jour, nous
réalisons notre second bonheur ici-bas, nous pourrons dire du troisième, notre
course terminée, au moment d’entrer en Sa présence : « Ta face est un rassasiement de joie
; il y a des plaisirs à ta droite
pour toujours ! » (Ps. 16:11).
H. Rossier — Courtes méditations — n°37 [33]
ME 1923 p. 217-219
Il fallait la chute affreuse de David dans l’affaire d’Urie, pour nous enseigner ce qu’est, livré à lui-même, l’homme le plus favorisé de Dieu, un racheté, un croyant, même un homme inspiré dont la bouche a prononcé les hymnes d’adoration les plus élevés de la Bible ; mais aussi pour nous apprendre ce qu’est la grâce, dans laquelle Dieu sait allier à la fois son horreur du péché et les conséquences du péché sous son gouvernement, avec son amour sans bornes pour le pécheur.
Nous trouvons, au Ps. 51, le
premier résultat du fait que David, après son péché, est placé en présence de
Dieu, au moyen de la Parole qui lui est adressée par le prophète. Ce résultat
est la repentance. Nous voyons un homme convaincu de péché jusque dans les
profondeurs de son être. Je ne crois pas que la parole de Dieu nous présente
une horreur du péché plus absolue, une repentance plus complète que celle-là.
Le péché est jugé jusque dans ses racines : « Voici, j’ai été enfanté dans
l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçu » (v. 5) ; le péché est continuellement
devant les yeux et dans la mémoire du transgresseur (v. 3) ; le sang
répandu pèse sur sa conscience (v. 14) ; c’est contre Dieu
, contre
Dieu seul qu’il a péché et il sait avoir affaire à un Dieu juste qui ne peut
supporter l’iniquité (v. 4). Sa seule, son unique ressource est donc la
grâce
(v. 1). Le Dieu qu’il a offensé peut seul lui pardonner, le purifier
(v. 7) ; il faut que ses péchés ne soient plus, qu’ils soient effacés pour
toujours de la mémoire de Dieu (v. 1).
Mais plus encore, car,
quelque grande que soient ces grâces, elles ne lui suffisent pas : il lui
faut devenir une nouvelle créature
; il faut qu’un nouveau coeur, un
coeur pur, lui soit donné (v. 10).
* * *
Cependant la repentance, sans
laquelle il n’y a point de salut, ne suffit pas pour rendre heureux. Le « coeur
brisé et humilié » (v. 17) trouve le chemin du bonheur au Ps. 22 et le Psaume 32
nous montre où ce chemin aboutit. Le pécheur découvre qu’un autre s’est substitué à lui
, a fait siens tous ses péchés et en a porté toutes les
conséquences, afin de l’en décharger à toujours.
Le coupable dit au Ps. 32:3 : « Quand je me suis tu, mes os ont dépéri ». « Tous mes os se déjoignent » répond le substitut (Ps. 22:14). — « Je rugissais tout le jour » (32:3), dit le coupable, et le substitut répond : « Te tenant loin des paroles de mon rugissement » (22:1). — Le coupable dit : « Jour et nuit ta main s’appesantissait sur moi » (32:4) ; et le substitut répond : « Je crie de jour, mais tu ne réponds point ; et de nuit, et il n’y a point de repos pour moi » (22:2). — « Ma vigueur s’est changée en une sécheresse d’été » dit le coupable : (32:4) ; et le substitut s’écrie : « Ma vigueur est desséchée comme un têt, et ma langue est attachée à mon palais ; et tu m’as mis dans la poussière de la mort ! » (22:15).
Ah ! désormais le
coupable sait que « sa transgression est pardonnée et que son péché est couvert »
(32:1) et peut se dire bienheureux
! Son substitut s’est chargé de cet
immense fardeau, mais le transgresseur a dû traverser tous les stages de la
repentance avant de réaliser la puissance de la rédemption. Il a fallu que
« dans son esprit il n’y eût pas de fraude » (32:2), qu’il ne couvrît
en quoi que ce soit son iniquité devant Dieu, et
cela avait eu lieu au Ps. 51. Alors Dieu
peut la recouvrir
. Telle
est la dispensation par laquelle le croyant connaît, comme nous l’avons dit
dans la Méditation précédente, le bonheur initial
de sa carrière.
H. Rossier — Courtes méditations — n°38 [34]
ME 1923 p. 229-232
Pour entreprendre une longue marche, il est nécessaire d’avoir pris de la nourriture et ensuite de renouveler ses forces avec les aliments dont on a fait provision. Je désire aujourd’hui montrer en quelques mots l’influence de la nourriture sur la marche du chrétien.
Après la Pâque et la mer
Rouge (types de la Rédemption qui, d’un côté, nous met à l’abri du jugement de
Dieu, de l’autre nous délivre de l’esclavage de Satan et nous amène à Dieu), le
peuple d’Israël est appelé à entreprendre la marche à travers le désert. Ici il
n’a qu’une seule nourriture, nourriture uniforme sans doute aux yeux de
l’homme, mais contenant tous les éléments qui entretiennent la vie et
pourvoient aux obstacles de la route ; de même il n’a qu’une boisson,
l’eau vive sortant du rocher frappé. — Dans la nuit mémorable qui précéda sa
sortie d’Égypte, le peuple s’était nourri, une
fois pour toutes,
en figure, d’un Christ mort, et n’avait plus désormais
qu’à célébrer le mémorial
de la Pâque. Dans le désert il se nourrit en
figure d’un Christ vivant, descendu du ciel, d’un Christ homme venu pour faire
la volonté de Dieu, pour le glorifier dans la soumission d’une humble
dépendance, pour servir son Dieu et pour servir ceux qu’il venait sauver.
En décrivant les vertus de
cet homme sans apparence qui était le pain vivant descendu du ciel et n’a pas
cessé d’être ce pain vivant, puisqu’il est « la manne cachée » dans le
sanctuaire, combien je suis humilié de savoir si peu proclamer ses vertus, si
peu les réaliser dans la marche journalière ! C’est qu’il est nécessaire,
pour les faire valoir, d’imiter le peuple, c’est-à-dire de récolter la manne
chaque matin, pour la manger chaque jour. Un jour sans manne était un jour sans
force, un jour où la défaillance atteignait en chemin celui qui avait négligé
de se pourvoir de cette nourriture. La fatigue de l’Israélite n’avait aucun
rapport avec la qualité
de l’aliment
céleste, car il y avait dans ce dernier, jour après jour, une force suffisante
pour chaque étape du voyage. De même pour nous : un chrétien qui se
nourrit journellement des perfections de Christ homme, qui le suit dans son
service, dans son dévouement, dans son parfait oubli de lui-même, dans son
inlassable activité, dans ses sympathies, ses miséricordes et son amour, dans
sa sainteté et sa pureté absolues, dans une vie où chaque instant était
consacré à Dieu et aux hommes… Aux hommes ? quand pas un instant de
cette vie ne passait sans souffrir de leur part ! Mais comment connaître
cette vie ? Nous l’avons dans la Parole qui n’en est pas un reflet affaibli,
mais l’expression vivante elle-même. C’est par la Parole qu’elle se communique
à nous. Jamais si, cherchant Christ dans la Parole, nous le récoltons chaque
jour, nous ne sentirons aucune lassitude de la marche ! Dans cette manne
est la force de nos âmes. « Bienheureux », est-il dit, « celui dont la force est en toi
! » (Ps. 84:5).
Mais, prenons-y garde, dès que le désir des aliments de l’Égypte s’est emparé de nos coeurs, la manne a perdu sa valeur : « Il n’y a rien, si ce n’est cette manne, devant nos yeux », dit le peuple infidèle (Nomb. 11:6). En nous nourrissant de Christ, tel qu’Il s’est manifesté comme homme ici-bas et tel que sa Parole nous le fait connaître, nous arriverons victorieusement et sans entrave au bout de la course.
Telle est la nourriture du chrétien pour sa vie journalière, alimentée par la vie divine manifestée dans l’homme Christ Jésus ; vie qui nous amènera finalement en Canaan où la manne cessera et où nous serons rassasiés du blé du pays. Mais nous, chrétiens, nous avons le privilège de jouir à la fois, déjà ici-bas, de la nourriture du désert et de la nourriture de Canaan.
Le Psaume 23, tout en nous
menant dans le désert, nous parle de cette autre nourriture. En effet, la
nourriture d’une brebis n’est pas la même que celle d’un voyageur. Mais, en tout
premier lieu la brebis a le Berger avec elle pour la conduire, et rien que Sa
présence
lui fait dire : « Je ne manquerai de rien ». À sa suite
elle est nourrie dans le désert de tout
ce que le pays céleste offre de meilleur : Repos au milieu de l’abondance,
âme désaltérée en buvant aux eaux courantes de la vie et de l’Esprit. Ce sont
les bénédictions spirituelles et célestes que le Berger connaît bien et vers
lesquelles il dirige nos pas. Avec ce rassasiement de joie qui comble tous nos
désirs et répond à tous nos besoins, le voyage à travers la vallée où règne
l’ombre de la mort nous est facile. L’âme pleine de repos est maintenant pleine
d’assurance. « Je ne craindrai aucun mal », dit-elle ; « tu es avec moi ». Les
pâturages herbeux ne sont pas toujours là, mais tout va bien si tu
es
là. Tu
as des ressources pour toutes les circonstances.
Mais voilà que l’aspect
désolé d’un monde où la mort jette ses ombres lugubres fait place à l’aspect
nouveau, bien autrement angoissant, d’un désert plein de dangers, rempli à
chaque pas d’ennemis et d’embûches. Ici la brebis a besoin d’un renouvellement
de provisions, d’une nourriture appropriée au caractère de la contrée sauvage
qu’elle doit traverser. La table dressée ne rappelle-t-elle pas le grand souper
de la grâce ? La tête ointe d’huile, la connaissance par le Saint Esprit
d’un Christ céleste ? La coupe comble n’est-elle pas la joie dans Sa
communion et dans la louange ? Ainsi, du commencement à la fin, cette
nourriture-là est céleste et acquiert toujours plus de prix à mesure que nous
approchons du terme du voyage. Ce terme, la brebis peut en dire avec une pleine
assurance : « Mon habitation sera
dans
la maison de l’Éternel pour toujours ! »
H. Rossier — Courtes méditations — n°39 [35]
ME 1923 p. 241-244
Les titres que prend le Seigneur en s’adressant aux sept églises de l’Apocalypse sont comme le reflet de ce qu’il a à blâmer et parfois à louer dans chacune de ces églises. De fait, ces titres ne sont élogieux que deux fois : dans l’épître à Smyrne et dans celle à Philadelphie ; je veux dire que, dans ces deux cas l’état de l’assemblée correspond aux caractères que le Seigneur prend vis-à-vis d’elle. À Smyrne il est « le premier et le dernier, qui a été mort et qui a repris vie », quand l’Assemblée est encouragée à être fidèle jusqu’à la mort dans les persécutions, pour obtenir la couronne de vie. À Philadelphie il est le Saint et le Véritable qui a la clef de David, la puissance, quand l’Assemblée a peu de force, a gardé la parole du Véritable et n’a pas renié le nom du Saint. Dans les cinq autres épîtres, et d’une manière toute particulière dans la dernière, celle à Laodicée dont nous venons de lire un verset, les titres du Seigneur forment le contraste le plus absolu et expriment le jugement le plus complet sur l’état moral de chaque assemblée.
Nous ne pouvons nous
dissimuler qu’à mesure que nous avançons vers l’apostasie finale, dernière
période de la chrétienté représentée par Laodicée, le témoignage collectif
des saints, si impressionnant au commencement
des Actes, quand le don du Saint Esprit à la Pentecôte avait formé les croyants
en un seul corps sur la terre, s’est perdu de plus en plus. Or c’est
précisément après l’abandon de ce témoignage initial par le mélange de l’Église
avec le monde, que sont écrites les épîtres aux sept assemblées. Néanmoins, un
témoignage collectif se retrouve à Philadelphie, lorsque Sardes, l’église issue
de la Réformation, n’a plus que le nom de vivre, mais est morte. Hélas !
Philadelphie, à son tour, a aussi perdu ce caractère collectif, en tant qu’elle
donnait pour ainsi dire son nom à une période distincte de l’histoire de
l’Église responsable, et nous assistons bien plutôt aujourd’hui à l’état de
« tiédeur » de Laodicée qui précède le moment où elle sera « vomie de la bouche »
du Seigneur, comme un objet qui excite son dégoût.
En parlant ainsi nous ne
voulons nullement dire que, si ces divers états de l’Église se suivent
historiquement, ils ne puissent coexister
dans une mesure. Nous ne doutons pas que les quatre dernières
églises : Thyatire (le catholicisme), Sardes (le protestantisme),
Philadelphie (un réveil du témoignage collectif chez les fidèles de nos jours),
et Laodicée (la tiédeur générale et l’abandon final de ce témoignage) n’existent
jusqu’à la fin (comme l’attestent les chap. 2:26-28 et 3:11), avec leurs
caractères respectifs, seulement c’est surtout de leur succession historique
que l’Esprit de Dieu se propose de nous entretenir dans ce livre prophétique.
Revenons maintenant à Laodicée.
Tout témoignage
à Christ
(car c’est Lui qui est le seul objet
du témoignage chrétien) y est complètement absent et, chose encore plus
aggravante, il est remplacé par le témoignage
que Laodicée se rend à elle-même
.
Que dit-elle en effet ? « Je
suis riche et je
n’ai besoin de rien ». L’exaltation du
vieil homme, les mérites de l’ancienne créature, dont Dieu n’avait pu faire
autre chose, après l’avoir éprouvée de toute manière depuis la chute, que de la
condamner définitivement en la clouant à la croix, sont venus remplacer à
Laodicée Celui qui est déclaré, en résurrection, « le commencement de la
création de Dieu ». Cette condamnation absolue du vieil homme, la nécessité
d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle création, y sont entièrement ignorées.
Au milieu de ce naufrage définitif, Christ reste seul
comme « le témoin fidèle et véritable ». Cherchez un témoignage
collectif au milieu de cet abandon radical de la vérité, vous n’en trouverez
pas même une trace. Cherchez un témoignage
individuel
, vous le trouvez
dans la personne du « témoin fidèle et véritable ». Où se tient-il, ce
témoin ? À la porte. C’est la seule place qui lui convienne, la seule
qu’il ait choisie. Oui, mais chose infiniment précieuse, c’est de là qu’il fait
appel à la piété individuelle. Il frappe à la porte ; il parle. La brebis
entend la voix du bon Berger et lui ouvre. Il entre ; il vient faire
domicile chez celui qui le reçoit. Bien plus encore, il dit : « Je souperai avec lui et lui avec moi
». Ces paroles sont l’expression de la communion individuelle
la plus complète entre Christ et le
fidèle, entre le fidèle et Christ. Elles assimilent le croyant isolé au
témoignage de Philadelphie elle-même, dont le caractère, malgré sa grande
faiblesse, est avant tout la communion
avec
le Saint et le véritable. Cette communion fait du saint isolé à Laodicée un témoin
à son tour.
Tout en regrettant les temps heureux d’autrefois où, dans l’Église naissante, tous les croyants, avaient communion les uns avec les autres (1 Jean 1:3-4), le croyant d’aujourd’hui ne se plaint, ni ne se lamente. Il trouve dans le souper avec le Seigneur une communion plus précieuse, plus intime que celle de Philadelphie, si même la communion avec les saints venait à lui manquer totalement ; ce qui, grâce à Dieu, n’est pas le cas et ne le sera jamais tant que la venue du Seigneur n’aura pas enlevé tous ses bien-aimés auprès de lui, sans qu’il en manque aucun !
H. Rossier — Courtes méditations — n°40 [36]
ME 1923 p. 297-299
Je suis toujours plus frappé du grand nombre d’enfants, appartenant à des familles chrétiennes, dont on ne peut mettre en doute qu’ils connaissent le Seigneur, mais chez lesquels ne se manifeste aucun besoin de Lui rendre un témoignage public. Ils se contentent d’être corrects dans leur conduite, de ne pas prendre part aux divertissements du monde où ils savent que leurs parents ne se rendraient pas, de ne pas se laisser entraîner dans des voies qui renieraient l’enseignement scripturaire dont les principes leur ont été inculqués dès leur tendre jeunesse… et ils s’en tiennent là.
En admettant qu’il n’y ait
pas à discuter sur la réalité de leur vie ou de leurs convictions chrétiennes,
qu’est-ce donc qui leur manque ? Une chose essentielle sans laquelle on ne
peut prétendre à porter le nom de chrétien. Cette chose essentielle est la
marche
.
Que dirait-on d’un enfant qui
à sept ans (je m’exprime par un chiffre symbolique) n’aurait pas encore fait un
seul pas ? Avec quelle angoisse ses parents, pendant ces sept ans qui
étaient pour eux d’interminables années, n’ont-ils pas attendu quelque
manifestation de vie dans les membres jusqu’ici inertes de leur enfant ?
En toute autre chose ce jeune être semble normal, sa vue est bonne, son
intelligence développée ; il entend, parle, lit, écrit, s’occupe de ses
mains, comme tout autre enfant. Seulement il ne se tient pas debout et ne marche pas
!
Faut-il conclure à une paralysie des membres inférieurs qui laissera ce pauvre être impotent toute sa vie ? Quelle perte immense pour lui, quel chagrin profond pour ceux qui l’entourent ! N’y a-t-il donc pas d’espoir ? Y a-t-il chez lui une simple indolence qui craint l’effort ? Serait-ce, peut-être, que, ne voulant pas rompre avec les objets qu’il aime et dont il s’est entouré, il reculerait devant l’obligation de se mettre, par l’activité extérieure, en contact avec de nouveaux objets qui ne l’attirent pas, et regretterait ceux qui l’entourent dans sa chambre d’infirme, et qu’il a disposés autour de lui, depuis tant d’années selon son goût ?
Hélas ! quel qu’en soit le motif, un pareil état est une perte immense pour celui qui s’en contente, et un grand chagrin pour ses parents qui voient un membre de leur famille empêché de déployer autour de lui une activité normale et réduit à ne s’occuper que de lui-même au lieu de vivre pour les autres !
Si, continuant à parler en figure, nous admettons, non plus une coupable et condamnable indolence, mais l’incapacité totale de se mouvoir, supposant l’absence de vie dans un point de cet organisme, que faut-il pour rendre ce malade capable de marcher ?
Deux choses : un médecin
et un remède. Or l’un et l’autre sont à la disposition de telles âmes. « Veux-tu
être guéri ? » dit le médecin. « Je n’ai personne », répond le malade. Voilà
le besoin
créé ! « Lève-toi,
prends ton petit lit et marche », réplique le médecin. Une seule parole
appliquée en puissance à son état, voilà le remède
trouvé ! Le malade qui avait perdu courage, marche maintenant et peut par
là constater lui-même qu’il est guéri (Jean 5:6-11).
Souvent, quelle ineffable
grâce de Dieu, l’existence d’un besoin n’est pas même nécessaire. On s’attend,
comme le mendiant à la belle porte du temple, à recevoir quelque aumône (Act.
3). Cela n’a aucun rapport avec l’état d’un pauvre être boiteux dès le sein de
sa mère et qui n’a pas même l’idée de la possibilité d’une guérison. Le voilà,
mis en rapport immédiat avec la parole de
Dieu
. Cette parole lui
apporte un nom
: « Jésus Christ le Nazaréen ». Du côté de Dieu, une seule
chose était nécessaire, la grâce et la puissance contenues dans le nom de
Jésus. Au mendiant, une seule chose est demandée : de « regarder ceux qui
lui parlent ». Il les regarde
attentivement
. Soyez
certain que si, sur le conseil des apôtres, les yeux de votre âme sont fixés
attentivement sur le Christ révélé dans la parole de Dieu, vous serez rendus
capables de « marcher, de sauter et de louer Dieu ! »