par Henri Rossier
Table des matières :
2 - CHAPITRE PREMIER — Chapitre 1:1-16 — L’Amalékite
3 - Chapitre 1:17-27 — Le chant de l’Arc
4 - CHAPITRES 2 à 4 — ROYAUTÉ SUR JUDA
4.3 - Chapitre 4 — Ish-Bosheth
5 - CHAPITRES 5 à 24 — ROYAUTÉ sur ISRAËL
5.1 - Chapitres 5 à 10 — David avant sa chute
5.1.1 - Chapitre 5:1-10 — La forteresse de Sion
5.1.2 - Chapitre 5:10-25 — Victoires
5.1.3 - Chapitre 6 — L’arche en Sion
5.1.4 - Chapitre 7 — Communion
5.1.5 - Chapitre 8 — Nouvelles victoires
5.1.6 - Chapitre 9 — Mephibosheth
5.2 - Chapitres 11 à 20 — La chute de David et ses conséquences
5.2.1 - Chapitre 11 — La chute
5.2.2 - Chapitre 12 — Pardon, Discipline et Restauration
5.2.5 - Chapitre 15 — Fuite de David
5.2.6 - Chapitre 16 — Amis et ennemis
5.2.7 - Chapitre 17 — Le service
5.2.8 - Chapitre 18 — La mort d’Absalom et le coeur brisé de David
5.2.9 - Chapitre 19:1-40 — La grâce
5.2.10 - Chapitre 19:41-20 — Conflit entre frères
5.3.1 - Chapitre 21:1-14 — Ritspa
5.3.2 - Chapitre 21:15-22 — Les fils du géant
5.3.3 - Chapitre 22 — Le cantique de la délivrance
5.3.4 - Chapitre 23:1-7 — Les dernières paroles de David
5.3.5 - Chapitre 23:8-39 — Les hommes forts de David
5.3.6 - Chapitre
24 — Morija (*)
Les livres historiques de l’Ancien Testament s’occupent des voies de Dieu envers Israël depuis son entrée en Canaan. La conduite de ce peuple et la vie des hommes de Dieu y fournissent, à chaque page, l’occasion de grandes leçons morales. On y trouve enfin sous des types divers la personne, l’oeuvre et les gloires du Seigneur Jésus.
On rencontre naturellement ces trois importants sujets dans les deux livres de Samuel. Le premier de ces livres débute, comme nous l’avons vu , par la ruine de la sacrificature qui aurait dû mettre Israël en rapport immédiat avec Dieu. Mais le jugement tombé sur les fils d’Éli, l’arche prise, la rupture des relations avec son peuple, n’empêchent pas l’Éternel de lui susciter un prophète, Samuel, chargé de conserver des rapports miséricordieux avec Israël. Dieu déclare alors qu’il établira de nouvelles relations entre son peuple et Lui par un roi, son oint, devant lequel un sacrificateur fidèle marchera à toujours.
Au lieu d’attendre patiemment l’oint de l’Éternel, le peuple rebelle demande un roi comme toutes les nations. Dieu le lui octroie dans sa colère, mais avec un mélange de miséricorde. Saül désobéit, est rejeté. Alors l’Éternel suscite David le roi selon son coeur. Saül réprouvé persécute le vrai roi. Tout le reste du livre est rempli des souffrances de David. Le fils d’Isaï rassemble autour de lui, en un faible résidu, les fidèles témoins de ses afflictions qui seront les compagnons de son règne quand il aura reçu la couronne.
La période racontée dans le premier livre de Samuel préfigure les souffrances du Messie au milieu d’Israël. Elle se termine par la victoire de David sur Amalek, type de Satan dans les Écritures (Ex. 17:8-16). Le roi selon Dieu frappe l’ennemi que Saül avait épargné, tandis que le roi selon la chair, jadis vainqueur des Philistins, succombe sous leurs coups, et que tous les premiers succès de sa carrière sont réduits à néant.
Le début du second livre de Samuel nous montre David, vainqueur
d’Amalek, et la reconnaissance graduelle de sa royauté par Juda, puis par tout
Israël. Cette domination n’est réellement complète que lorsque le trône
glorieux de Salomon sera placé à Jérusalem. Nous trouvons donc, dans ce livre, l’établissement en puissance de David, le
roi de grâce,
image frappante de ce que sera le Messie au début de son
règne.
Le premier livre des Rois s’ouvre avec Salomon, roi de justice et de paix, dont la domination glorieuse sur le monde entier est le type magnifique du règne millénaire de Christ.
Remarquons toutefois, que, dans notre livre, David n’est pas
seulement l’image du Messie, mais qu’il est aussi le roi responsable
auquel Dieu a confié le gouvernement de son
peuple. Sous ce rapport, sa royauté a failli, comme toute autre relation
divinement instituée. C’est pourquoi nous trouvons dans ce livre, la chute de
David, ses terribles conséquences, la discipline exercée envers lui, son
relèvement, sa confession, et, tout à la fin, lorsque le péché a donné occasion
au sacrifice, ce dernier arrêtant la colère de Dieu et établissant, à l’autel
de Morija, un lieu de rencontre entre l’Éternel et son peuple.
Toutes les expériences de David, homme sujet à faillir, sont pleines de solennelles instructions pour nos âmes. Elles sont aussi comme le modèle anticipé des expériences du résidu de Juda, chassé de Jérusalem, puis restauré, expériences auxquelles les Psaumes donnent une expression prophétique.
Deux faits signalent le règne de David à son aurore : le jugement d’Israël et de son prince sur les montagnes de Guilboa ; la victoire remportée sur Amalek par celui qui sera roi demain. Le règne de Christ aura les mêmes caractères : il ne peut être établi que par le jugement de l’antichrist et des juifs apostats et par une victoire réduisant à l’impuissance le grand ennemi de Dieu, de son Oint et des hommes. C’est en effet, pour l’introduction du règne millénaire de Christ, que Satan sera lié (Apoc. 19:19 - 20:3).
À peine la victoire sur Amalek est-elle remportée, qu’un
messager vient du camp de Saül, « ses vêtements déchirés et de la terre sur sa
tête », avec les marques de la sympathie, du deuil et de la douleur, et avec les
hommages dus à la royauté présumée : Arrivé auprès de David, il tombe
contre terre et se prosterne. Tout autre que l’homme de Dieu eût été touché de
ces marques de déférence, mais la simple communion avec le Seigneur, jointe à
la prudence du serpent, quand il s’agit de relations avec le monde, lui fait
éviter ce piège. Nous-mêmes, en pareille occasion, nous aurons peut-être aussi
quelque peine à démêler les intentions de l’ennemi, mais évitons toute décision
précipitée. C’est ce que fait David. « D’où viens
-tu ? »
« Je me suis échappé du camp d’Israël ». « Que s’est-il passé ?
raconte-le moi, je te prie ». « Comment sais-tu
que Saül et Jonathan,
son fils, sont morts ? » Ce n’est qu’à la troisième question que le menteur
se révèle. David, l’homme spirituel, peut déjà soupçonner l’invraisemblance du
récit : « Je passais par aventure
sur
la montagne de Guilboa ». Comment ! par aventure, au fort de la bataille !
« Et voici, Saül s’appuyait sur sa lance,
et
voici, les chars et les gens de cheval
le
serraient de près ». Ici, la Parole elle-même convainc cet homme de mensonge.
Saül s’appuyait sur son épée
et ce
n’étaient pas les cavaliers, mais les archers
qui le menaçaient (1 Sam. 31:3, 4). Tout le reste du récit est la fausseté
même. Saül ne pouvait prier l’Amalékite de l’achever, car celui qui portait les
armes du roi ne se tua que lorsqu’il eut constaté
sa mort
(v. 5). Alors je me
suis tenu sur lui, et je l’ai mis à mort » (1:10).
Cet esprit de mensonge émane du grand ennemi qui ne pouvait
comprendre le coeur du fils d’Isaï. Comment aurait-il supposé, lui, le Méchant,
que David était plein de grâce, d’amour pour ses ennemis, que leur défaite
remplissait son coeur d’une affliction dépourvue de feinte ? Mais il
voulait, avant tout, amener David à recevoir de sa main
la couronne de Saül, signe d’investissement du royaume.
Sa ruse est déjouée. Plus tard, quand, transportant le Messie, fils de David,
sur une fort haute montagne, il lui offrira tous les royaumes du monde, à la
condition de lui rendre hommage, il essuiera une nouvelle et suprême défaite.
Le premier sentiment de David, apprenant la ruine de la royauté et d’Israël, est le deuil. Que son attitude est touchante ! « David saisit ses vêtements et les déchira ; et tous les hommes qui étaient avec lui firent de même ; et ils menèrent deuil, et pleurèrent, et jeûnèrent jusqu’au soir sur Saül et sur Jonathan, son fils, et sur le peuple de l’Éternel, et sur la maison d’Israël, parce qu’ils étaient tombés par l’épée » (v. 11, 12). L’homme de Dieu a tout oublié, haine, embûches, persécutions, danger continuel menaçant sa propre vie ; il ne se souvient que d’une chose, c’est que l’Éternel avait confié son témoignage à Saül et l’avait oint, et qu’il avait conduit jadis Israël à la victoire. Il mène deuil aussi sur Jonathan et, quelque coupable que fût le peuple de Dieu, il ne s’en sépare pas, comme s’il n’en faisait point partie, et pleure sur ses calamités.
Sérieuse leçon pour nous ! Le jugement est déjà prononcé, près de tomber sur cette chrétienté qui hait et méprise et souvent persécute les vrais témoins de Christ. Avons-nous envers elle et ses conducteurs les vrais sentiments de David ? Menons-nous deuil, au lieu de nous réjouir, déchirant nos vêtements, au lieu de la condamner ? La pensée que Satan trouve son compte à l’anéantissement de ce qui porte le nom de Christ, ou fait profession de lui appartenir, remplit-elle nos coeurs d’affliction ? Il devrait toujours en être ainsi : ces larmes sur la ruine, cette grâce, cette pitié pour ceux qui sont égarés, parlent plus au coeur des brebis du Seigneur mêlées à cet état de choses, que les plus justes critiques, et leur ouvre les yeux sur la nécessité de chercher leur refuge auprès du Berger d’Israël, quand déjà l’épée est levée pour détruire.
Le porteur de nouvelles assiste silencieux à ce spectacle
d’affliction, sans en comprendre le sens et sans se douter du sort suspendu sur
sa tête. C’est seulement alors que David lui adresse sa dernière
question : « D’où es
-tu ?
»
Lorsque Satan qui sait se déguiser en ange de lumière, cherche à nous tenter,
obligeons-le à nous répondre sur ses origines, à nous donner son vrai nom. Si
nous sommes avec Dieu, il se trahira toujours à la fin. Déjà le nom de son
peuple avait échappé à ce menteur, quand il rapportait l’entretien supposé avec
Saül, lui qui, probablement, n’était venu à Guilboa que pour dépouiller les
morts. Maintenant il ne pourrait se contredire. « Je suis fils d’un homme
étranger, d’un Amalékite » (v. 13). « Comment n’as-tu pas craint », dit David,
« d’étendre ta main pour tuer l’oint de l’Éternel ?… Ta bouche a témoigné
contre toi » (v. 14-16). Non, il ne peut y avoir rien de commun entre David et
Amalek, et jamais David ne recevra la couronne de sa main. Si nos coeurs
peuvent être pleins de miséricorde quand il s’agit des nécessités, des
tribulations du peuple de Dieu infidèle et de ceux qui, rejetés comme Saül, ont
néanmoins porté son témoignage, ils doivent être sans merci pour les instruments
envoyés par Satan en vue de nous tenter ; ils doivent, sans aucune
hésitation, appeler le mal, mal, et l’ennemi un ennemi.
« David prononça cette complainte sur Saül et sur Jonathan ». Il y
exprime sa douleur sur le désastre des chefs d’Israël et de leur armée, mais ce
chant de l’Arc doit être appris par les fils de Juda (v. 18). Il est un
enseignement
pour eux. Témoins du désastre d’Israël, ils devaient savoir
comment l’éviter eux-mêmes à l’avenir. Saül avait été vaincu par les archers (1
Sam. 31:3), quand lui-même était privé de cette arme. Nous apprenons en effet
par 1 Chron. 12:1-7, qu’avant la défaite de Saül le corps des archers,
appartenant à la tribu de Benjamin et, en grande partie, à la famille du fils
de Kis, s’était rallié à David et l’avait rejoint à Tsiklag. De là cette « très
grande peur » de Saül devant les archers.
Ce chant de l’Arc a un refrain poignant : « Comment les hommes forts sont-ils tombés ? » (1:19). « Comment les hommes forts sont-ils tombés au milieu de la bataille ? » (v. 25). « Comment sont tombés les hommes forts, et sont péris les instruments de guerre ! » (v. 27). Que leur avait-il donc manqué ? L’arc par lequel aussi Saül avait été vaincu !
Partout, dans l’Écriture, l’arc est l’emblème de la force
pour vaincre l’ennemi. Avec l’épée, on l’attaque corps à corps ; avec
l’arc, on le combat à distance, en s’opposant à son approche. L’archer voit
venir l’ennemi de loin, se rend compte de ses mouvements et de ses desseins et
le couche à terre avant qu’il ait attaqué. L’arc est une arme plus intelligente
que l’épée, mais elle est avant tout
le symbole de la force, car il faut
des mains et des bras puissants pour le bander et s’en servir.
Les hommes forts d’Israël, Saül en tête, avaient rencontré l’arc
d’un ennemi qui était plus fort qu’eux. L’erreur qui les avait conduits à la
ruine était d’avoir estimé leur force suffisante. Mais la force ne va pas sans
la dépendance,
car elle n’est pas en
nous-mêmes, mais en Celui qui la possède infaillible pour nous. Jésus Christ
homme en est l’exemple. Il n’a voulu chercher sa force qu’en Dieu et n’aurait
pas été l’homme parfait sans cela. Percé par les archers (Gen. 49:23, 24), sa
force ne l’a pas abandonné. Lorsqu’en apparence sa faiblesse succombait sous la
puissance de l’ennemi, son arc était demeuré ferme, sa force en son entier. Elle n’existait que dans la dépendance
:
Les bras de ses mains étaient souples « par
les mains du Puissant de Jacob ».
Dans sa vie,
n’avait-il
pas déjà manifesté la puissance de Dieu par une dépendance complète de
Lui ? Tous ses actes en faisaient foi. C’est ainsi qu’au tombeau de
Lazare, montrant sa force par la résurrection d’un mort, il ajoute :
« Père, je te rends grâces de ce que tu m’as entendu » (Jean 11:41).
Dans sa mort,
quoique
crucifié en faiblesse, il fut néanmoins la puissance
de Dieu.
Devant la croix, toute la force de l’homme et de Satan furent
réduites à néant. Par la mort, il a vaincu celui qui avait la puissance de la
mort. C’est là surtout que son arc est demeuré ferme, que les bras de ses mains
furent souples par les mains du Puissant de Jacob.
Sa résurrection
est la
démonstration publique de cette puissance de Dieu, dans laquelle il se
confiait. Dieu l’a déclaré Fils de Dieu, en puissance, en le ressuscitant
d’entre les morts. Il avait le pouvoir de reprendre sa vie, comme de la
laisser, mais, même pour sa résurrection, son âme dépendante s’attendait à la
puissance de Dieu : « Tu
n’abandonneras pas mon âme au shéol, tu
ne permettras pas que ton Saint voie
la corruption » (Ps. 16:10). « Tu
m’as répondu d’entre les cornes des
buffles » (Ps. 22:21). « Il
m’a fait monter hors du puits de la
destruction, hors d’un bourbier fangeux ; et il
a mis mes pieds sur
un roc » (Ps. 40:2). Il a été « ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père »
(Rom. 6:4). « L’excellente grandeur » de la puissance de Dieu…
a été « opérée
dans le Christ, en le ressuscitant d’entre les morts » (Éph. 1:19, 20).
Ce n’est pas tout. Son arc demeurera ferme, sa force en son
entier, à toujours
.
Quand le
Fils de l’homme viendra pour juger les peuples, l’arc d’airain qui atteindra
les pécheurs sera dans sa main. Là encore, ce sera son Dieu qui le ceindra de
force, qui enseignera ses mains à combattre (Ps. 18:32, 34). C’est dans cette
dépendance qu’il transpercera ses ennemis, sans qu’ils puissent se relever (v.
38). Ses flèches seront aiguës et atteindront le coeur des ennemis du roi (Ps.
45:5).
Oui, son arc demeure ferme et les bras de ses mains sont souples par les mains du Puissant de Jacob, jusqu’à ce qu’il vienne s’asseoir à toujours sur le trône de sa puissance.
L’homme peut avoir un arc, mais, entre ses mains, il fait défaut au moment de s’en servir. « Les fils d’Éphraïm, armés et tirant de l’arc, ont tourné le dos le jour du combat » (Ps. 78:9), et quant aux ennemis du Seigneur, « l’arc des puissants est brisé » (1 Sam. 2:4 ; Ps. 46:9 ; Jér. 49:35 ; Osée 1:5 ; 2:18).
Quant à nous, chrétiens, notre arc peut rester en son entier à
condition que nous mettions notre confiance en Dieu qui nous communique sa
force. « Va avec cette force que tu as », dit l’Éternel à Gédéon (Juges 6:14), et
l’apôtre lui-même faisait l’expérience que, quand il était faible, alors il
était fort (2 Cor. 12:10). Rien n’est
plus faible qu’un chrétien qui a abandonné Christ comme sa force.
Sachons donc
nous servir de notre arc et, semblables à Christ, les bras de nos mains seront
souples par les mains du Puissant de Jacob. Apprenons le chant de l’arc, en
nous exerçant à le bander, à y ajuster la flèche pour atteindre le but. Plus
nous nous en servirons, plus nous deviendrons forts contre l’ennemi. Les
archers de Benjamin qui s’étaient réfugiés auprès du fils d’Isaï, fidèles de la
onzième heure, peu avant la défaite d’Israël, montraient par là qu’ils ne se
confiaient pas en leur arc, avec Saül pour maître, mais dans la force de David
méprisé. Faisons comme eux ; entourons le roi rejeté. Ne gémissons pas sur
notre faiblesse, comme si elle était sans ressource ; ce ne serait ni la
foi, ni la confiance en Christ. Comptons, avec une très humble dépendance, sur
sa force qui affermira nos mains, afin de combattre pour Lui, jusqu’au jour où,
la lutte terminée, nous entrerons dans son repos éternel.
La complainte de David est l’expression touchante des affections
de cet homme de Dieu. Un
coeur rempli d’amour n’a pas de place pour le ressentiment et les griefs. S’il
avait autrefois gémi sous les accusations injustes de la haine, il a maintenant
tout oublié. Pas un mot de reproche contre celui dont les os reposaient sous le
tamarisc de Jabès. Mais oublier n’est pas assez pour ce coeur admirable ;
il aime à se souvenir ; il se rappelle que Saül a été l’oint de l’Éternel,
le porteur de son témoignage, qu’il a conduit son peuple à la victoire ;
il reconnaît les dons naturels qui le rendaient aimable pendant sa vie et attiraient
sur lui l’amour d’Israël ; il le voit revêtant magnifiquement les filles
de son peuple. Son chant exprime le respect et la douleur au sujet de celui qui
l’avait toujours haï et persécuté. S’agit-il d’Israël, qu’en un jour de
faiblesse il avait pensé combattre en se joignant aux Philistins, David
s’identifie maintenant avec lui et pleure avec ses larmes. La joie peut être la
part des filles des incirconcis, David ne la partagera jamais. Que les
montagnes de Guilboa, témoins de la défaite du peuple de Dieu, soient
maudites !
Son angoisse au sujet de Jonathan est sans bornes. Ah ! comme le coeur tendre du fils d’Isaï estimait l’affection de son ami ! « Je suis dans l’angoisse à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu étais pour moi plein de charmes ; ton amour pour moi était merveilleux, plus grand que l’amour des femmes » (v. 26) affection entièrement désintéressée, ce que serait difficilement celle d’un autre sexe. En effet, Jonathan s’était dépouillé de ses dignités et de sa gloire et de l’arc de sa force, pour en parer David, au jour de sa victoire sur Goliath, puis, avec toute la chaleur de ses convictions, il avait plaidé la cause de son ami ; enfin, son admiration pour le fils d’Isai n’avait pas diminué dans l’opprobre et l’exil où il l’avait visité, sans avoir, il est vrai, le courage de l’y suivre. Sur ce dernier point, David ne dit pas un mot. Il couvre la mémoire de son ami d’une ineffable tendresse. Il ne parle pas de son amour à lui, mais il le prouve en exaltant l’amour de Jonathan.
Oh ! comme toutes ces paroles ont la saveur et le parfum du coeur de Christ ! Seulement David avait dû être formé par la discipline à de pareilles effusions ; le coeur de Christ n’en avait nul besoin. Sa vie tout entière n’est qu’amour et grâce. « Je vous ai appelés amis », dit-il à ceux qui étaient sur le point, soit de le renier, soit de fuir en le laissant seul. « Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations », dit-il (Luc 22:28) à ceux qui, peu de temps après, ne pouvaient pas même veiller une heure avec Lui ! Prenons exemple sur ce modèle parfait !
Tout en prononçant une complainte sur Saül et sur Jonathan,
David, nous l’avons vu, avait pour but d’enseigner aux fils de Juda à se servir
de l’arc. Nous avons remarqué que l’arc signifie, pour le croyant, la force de
Dieu qui ne se manifeste que dans la dépendance. Au début du chap. 2, la
conduite de David est l’illustration de cette vérité. Les jours de son
affliction sont passés, une ère nouvelle commence ; le chemin du trône
s’ouvre devant lui ; il va prendre la place que Dieu, dès longtemps, lui a
destinée. Or la première chose que fait David, c’est de consulter l’Éternel, de
montrer qu’il dépend entièrement de Lui. On peut dire que la dépendance
caractérise avant tout sa
carrière. Auprès des parcs des brebis, quand il était aux prises avec le lion
et l’ours, devant Goliath, dans le désert de Juda, à Kéhila, à Tsiklag (1 Sam.
30:6, 7), David est l’homme dépendant et par conséquent l’homme fort. Rien
n’est plus agréable à Dieu que cela. Les incertitudes et les vacillations de
notre marche s’expliquent par notre manque de dépendance. Quand elle existe,
nous nous posons, en toute circonstance, cette première question : Quelle
est la volonté de Dieu ? Quelle oeuvre nous a-t-il préparée ? Nous
l’interrogeons pour le savoir, car on consulte Dieu quand on dépend de Lui.
Aussi notre chemin sera simple et béni, parce qu’il sera le chemin de Dieu. Il
n’offre des complications que si nous n’en référons pas à Dieu, avant de
prendre une décision.
Néanmoins les occasions ne manquent pas dans la vie de David où il oublie de consulter l’Éternel. Souvent l’ennemi nous attaque aux points où nous nous croyons invulnérables. On peut dire que l’histoire de David, modèle de dépendance, nous montre, plus qu’une autre, l’indépendance, ses dangers et ses suites. C’est ainsi que, de son propre chef, nous l’avons vu descendre deux fois à la cour du roi des Philistins. La première fois, il n’y récolte que mépris et humiliation ; la seconde fois, sous l’empire de la crainte et pensant sauver sa vie, il abandonne les heureuses expériences du désert de Juda, perd son caractère de témoin et court le danger de s’allier aux incirconcis pour combattre le peuple de Dieu. Sous la discipline, il réapprend à consulter l’Éternel et recouvre tout ce que son manque de foi lui avait enlevé (*). Nous verrons, au chap. 6, que le manque de dépendance fut cause de la « brèche d’Uzza ». Toutes ces choses sont une source d’enseignements pratiques pour nos âmes.
(*) Voyez Méditations sur premier livre de Samuel.
« David interrogea l’Éternel, disant : Monterai-je dans une des villes de Juda ? Et l’Éternel lui dit : Monte. Et David dit : Où monterai-je ? Et il dit : À Hébron » (2:1). C’est Dieu qui choisit l’endroit spécial où son oint devra se rendre. David, livré à lui-même, aurait peut-être hésité entre beaucoup d’autres, mais Dieu en détermine un seul pour son serviteur ; c’est Hébron.
Dans le livre de Josué (*),
nous avons fait remarquer ce qu’était Hébron : lieu des sépulcres, lieu de
la mort, fin de l’homme, image frappante de ce qu’est pour nous la croix de
Christ. Il était nécessaire, selon les pensées de Dieu, que David montât à
Hébron, parce que c’était le seul point de départ de la royauté, et le règne de
David n’est qu’un type de celui de Christ, fondé sur la croix. Son royaume est
la conséquence et la récompense de sa croix. Les anciens, réunis autour du
trône, chantent un cantique nouveau : « Tu es digne de prendre le livre et
d’en ouvrir les sceaux, car tu as été immolé » (Apoc. 5:9). Il inaugurera toutes
les voies gouvernementales de Dieu qui le conduiront au trône millénaire, parce
qu’il a souffert et que son sang précieux a été répandu. Chose à jamais
merveilleuse ! On voit dans le ciel, au milieu du trône et des quatre
animaux et des anciens, un agneau immolé qui est le centre de tout. Il n’est
pas sur
le trône, mais au milieu
.
De lui, comme de ce centre, partent,
et à lui aboutissent tous les conseils écrits au dedans du livre, toutes les
voies de Dieu, écrites sur son revers. Il se lève ; ces voies
s’ouvrent ; les quatre animaux, attributs des jugements divins, se mettent
en marche, la royauté du lion de Juda est établie, et les conseils de Dieu sont
accomplis à toujours. Le « c’est fait » éternel a trouvé son point de départ au
gibet d’ignominie où le Fils de l’homme a souffert, où le monde a cloué le Fils
de Dieu !
(*) Méditations sur le livre de Josué, page 114.
Mais Hébron est aussi le centre du rassemblement des bien-aimés de David. Ses compagnons y demeurent autour de lui. « Ses hommes qui étaient avec lui, David les fit monter, chacun avec sa maison, et ils habitèrent dans les villes de Hébron » (v. 3). Là même où David a son domicile, les siens ont plusieurs demeures. C’est ainsi que l’Agneau immolé, le roi d’éternité, sera « au milieu des anciens », figures de tous les saints glorifiés. En attendant ce moment glorieux, sa croix nous réunit autour de Lui. Elle reste et restera toujours le centre du rassemblement des enfants de Dieu.
Hébron devient aussi (5:1) le centre du rassemblement de toutes
les tribus d’Israël. Quand le peuple terrestre reconnaîtra Celui qu’ils ont percé
et se soumettra à Lui, il sera le premier
objet des bénédictions de son règne. Un autre fait semble encore indiqué dans
ces versets : « David monta à Hébron et ses deux femmes aussi, Akhinoam, la
Jizreélite, et Abigaïl, femme de Nabal, le Carmélite » (v. 2). L’homme de
douleurs, le roi rejeté, a non seulement, à Hébron, des compagnons et un
peuple, il y a sa femme et son épouse. Abigaïl est, comme Rebecca, un des rares
types de l’Ancien Testament qui préfigure l’Église ; elle est l’Épouse,
l’associée volontaire, humble et joyeuse de David, aux jours de sa réjection.
Akhinoam, figure plus effacée, représenterait plutôt, selon moi, le résidu
d’Israël entré en relation avec le Messie avant l’établissement de son règne (*). Quoi qu’il en soit, David possède à Hébron des
liens plus intimes que ses rapports avec son peuple. C’est ainsi que nous
voyons, à la fin de l’Apocalypse, l’Épouse de l’Agneau associée à toute sa
gloire et, dans les prophètes, Jérusalem reconnue comme bien-aimée de
l’Éternel. Ainsi le Christ devient, par sa mort, le centre de bénédictions pour
tous.
(*) Abigaïl signifie « joie du père », Akhinoam, « grâce du fils ».
« Les hommes de Juda vinrent et oignirent là David pour roi sur
la maison de Juda
» (v. 4). Comme le règne de David, celui de Christ ne
sera pas établi dans ce monde par un coup de théâtre. Son jugement
sera subit,
mais
non pas son règne. Ce ne serait pas selon les pensées de Dieu qui veut laisser
à la conscience des siens le temps d’être exercée. Il faut à Christ un « peuple
de franche volonté au jour de sa puissance », non pas un peuple pareil aux
nations qui, à part la « grande multitude » des sauvés d’entre les gentils, ne
s’approcheront du roi qu’avec les « paroles flatteuses » et mensongères d’une
apparente soumission. Ici, David est d’abord reconnu par les compagnons de sa
réjection, puis Juda se réunit autour de lui. Ensuite (5:1) viennent les autres
tribus, quand elles ont perdu le soutien de la chair dans la personne
d’Ish-Bosheth. Enfin (5:11), les nations s’approchent, captivées par la grâce
du roi et heureuses de le servir.
La suite du chapitre offre des faits importants sur une partie desquels nous aurons à revenir dans le chapitre suivant. Nous trouvons d’abord les hommes de Jabès de Galaad, loués par David, selon l’esprit de grâce qui le caractérise, de ce qu’ils ont usé de bonté envers Saül et l’ont enterré. Il leur fait annoncer que Juda l’a oint pour roi, et cette nouvelle pénètre ainsi jusqu’aux confins de la terre d’Israël.
Nous trouvons ensuite Abner, chef de l’armée de Saül, qui ne
veut pas se soumettre à David, homme honorable selon le monde, très vaillant,
avec une noblesse de coeur native, mais d’un caractère violent et orgueilleux.
Il soutient, dans la personne d’Ish-Bosheth, le principe de succession selon la
chair, revêtu d’autorité apparente, car Saül avait été choisi de Dieu. Ce
principe, les hommes le défendent à outrance, car c’est celui de la religion de
leurs pères, de la religion nationale, bien plus respectable aux yeux des
hommes que l’opinion
de quelques-uns
qui se singularisent en suivant le fils d’Isaï. Tout un système politique se
lie à ce système religieux. La chose doit être bonne, puisque Dieu y a mis son
sceau, à une époque reculée, et, par là même, respectable. Abner emploie son
énergie naturelle à le défendre. Qu’y a-t-il à objecter ? Une seule
chose : c’est que tout ce système s’oppose aux pensées de Dieu et fait la
guerre à son oint. On combat pour sa propre cause et, comme plus tard Saul de
Tarse, l’on se trouve être l’ennemi de Celui auquel Dieu a donné la suprématie.
Fait digne de remarque, David ne paraît pas dans ce conflit et
n’y joue aucun rôle, quand même, en apparence, il s’agit de lui. Un homme de
son entourage, Joab, accompagné de ses frères, se met à la tête des serviteurs
du roi. En 1 Chron. 2:16, nous voyons qu’ils étaient les propres neveux de
David, par Tseruïa, sa soeur. Ils avaient, par ce fait, une haute position et
tenaient de fort près à la maison royale. Joab, homme ambitieux, cherche à se
pousser dans le monde, et à conquérir la première place sous la royauté.
Quoiqu’il ne soit pas nommé, et pour cause, parmi les « hommes forts de David »,
il est homme de courage. Le sentiment du juste et de l’injuste ne lui manque
pas, mais il ne s’oppose à l’injustice que lorsqu’elle contrarie ses desseins,
et quand une chose juste lui est contraire il la supprime. Rien ne
l’arrête ; il est sans scrupules pour satisfaire son ambition. Quelqu’un a
dit de lui : « On le trouve partout où il y a du mal à faire ou beaucoup à
gagner ». Joab, c’est la chair politique. Son avantage est de soutenir la cause
de David. Si nous comparons Abner à Joab, le beau rôle est pour le premier. Et
cependant Joab entre en scène comme champion
du témoignage.
C’est sur lui que va bientôt reposer le poids des événements
militaires et d’autres encore ; c’est lui qui dirige en sous main et fait
mouvoir bien des intrigues. En présence de cette habileté, David lui-même se
sent faible (3:39). Du moment que la chair s’empare du témoignage, voyez le
résultat. Des ruines et rien que des ruines. L’un combat pour David, l’autre
pour celui que Dieu ne reconnaît plus. Valent-ils mieux l’un que l’autre ?
Lorsque la chair soutient David — ou Christ — les résultats ne sont pas
meilleurs que lorsqu’elle soutient l’Antichrist.
Les deux troupes (v. 12-17) se trouvent en présence. Dans quel but ? Pour essayer leurs forces. Où est Dieu ? Absent. Où est David ? Son nom n’est pas même prononcé. Dans ce champ clos, c’est à qui aura le dessus. Pas un des combattants n’échappe. David y perd ses serviteurs et le résultat est nul pour sa cause.
La suite de ce combat singulier est une bataille en règle, où Joab perd un frère chéri envers lequel Abner avait montré la noblesse naturelle de son caractère. Asçaël ne veut rien entendre ; il s’élance, plein de présomption et, victime de son désir de gloire, tombe frappé par la lance d’Abner. Joab n’oubliera pas cette mort et satisfera sa vengeance au moment où elle lui apportera le plus grand profit.
Hélas ! que reste-t-il de toutes ces luttes ? On n’y trouve rien de Dieu, rien pour Dieu, quand même le monde combat en apparence sous le drapeau du Christ ; et l’âme du fidèle n’a pour ressource que de se réfugier à Hébron auprès de celui qui est le seul centre de bénédiction et dont la présence lui donne paix, bonheur et repos excellent. Mais, quand notre David se lèvera pour combattre, marchons hardiment à sa suite, car, combattre avec Lui c’est remporter une victoire certaine et durable sur l’ennemi.
Au commencement du chap. 2, nous avons vu l’heureuse dépendance de David, au moment d’être nommé roi sur Juda. L’établissement graduel de sa royauté a porté nos pensées vers les temps futurs, où le règne de Christ sera établi en puissance. Mais ce chap. 2 contient un fait non encore mentionné et bien digne de remarque. À peine la royauté est-elle instituée, que le récit change de ton et vient nous occuper de tristes et humiliantes circonstances.
Cela tient à ce que David n’est pas seulement un type de Christ,
mais — nous le verrons maintes fois dans la suite de ce livre — le représentant
de la royauté confiée aux mains d’un homme, responsable de la maintenir. Comme
roi, David possède la puissance (non pas encore la toute-puissance) de la part
de Dieu. Il est libre d’en faire ce qu’il
veut, en vue du bien ;
libre d’abaisser ou d’élever à son gré les
hommes qui l’entourent, et de les employer à ses desseins ; libre enfin de
promulguer ordonnances et décrets pour le bien de son peuple et pour la gloire
de son Dieu. Mais, hélas ! c’est à l’homme que sont confiées cette
responsabilité redoutable et cette puissance quasi illimitée. En effet, la
royauté n’était pas, à l’origine, restreinte comme de nos jours par toutes
sortes de lois et plus ou moins sous le contrôle de la volonté du peuple. Le
roi selon la Parole n’était responsable que vis-à-vis de Dieu. Il répondait de
la conduite du peuple, et si ce dernier tombait en faute, le roi devait en
porter le jugement. Nous allons voir ce que devient cette autorité entre les
mains de David.
Le chap. 2 (v. 8-32) nous montre déjà le commencement de cette histoire. David est entouré de ses parents, hommes vaillants qui prétendent au premier rang parmi les chefs. Les fils de Tseruïa possèdent ce rang selon la chair, mais, selon Dieu, ils ne l’ont pas à un plus haut degré que les autres ; au contraire. Abishaï n’était pas des « trois premiers » ; Asçaël était « des trente » (chap. 23). Joab, nous l’avons vu, n’est pas même nommé parmi les hommes forts, mais, courageux et habile autant qu’ambitieux, fourbe, cruel et sanguinaire quand il trouve un obstacle à la réalisation de ses desseins, très avisé pour agir sur l’esprit du roi, en flattant ses faiblesses (chap. 14), cet homme arrive à conduire, en apparence du moins, les événements à son gré.
Dans toute la seconde partie du chap. 2, le roi disparaît devant ces hommes. Son entourage s’agite, décide, combat les adversaires appartenant à la maison de Saül, sans songer à consulter celui qui, seul, a le droit de prendre l’initiative. Triste accompagnement du pouvoir ! David, au temps de ses tribulations, insufflait, pour ainsi dire, son caractère à ses compagnons, ou bien, devant leurs révoltes, se réfugiait auprès de l’Éternel, pour l’interroger (1 Sam. 30:6-8). Ici, possédant l’autorité dont il est responsable, elle lui échappe et ses compagnons, avec l’apparence d’en user pour sa cause, s’en servent en réalité pour compromettre le caractère de l’Éternel et de son oint. Les visées de ceux qui entourent le trône créent au roi, pendant tout son règne, des difficultés multiples, et il avoue être trop faible pour diriger leurs sentiments et réprimer leurs actes.
Le chap. 3 continue la même histoire. En présence de ces
difficultés, la seule sauvegarde pour David était de vivre dans la dépendance
du Seigneur. La discipline la lui fera retrouver, mais l’esprit de Dieu nous
enseigne ici que le fidèle, ayant reçu de Dieu une place d’autorité, perd
bientôt, à cause de la chair qui habite en lui, le sentiment de sa dépendance.
Exerçant le pouvoir, il prend confiance en lui-même, sans éprouver le besoin du
secours de l’Éternel, comme quand il errait, pareil à la perdrix chassée sur
les montagnes. Avant que la couronne fût sur sa tête, sauf en de rares
occasions, il interrogeait Dieu, ne faisait pas un seul pas sans Lui ; dès
qu’il l’a reçue il oublie sa sauvegarde. Il la retrouvera un peu plus tard
après avoir fait d’amères expériences, car il faut se souvenir que chez David,
et c’est un des traits principaux de son caractère, la discipline porte toujours
des fruits admirables, et cela
jusqu’aux derniers moments de sa vie, jusque dans ses dernières paroles.
Nous aussi, nous avons besoin d’être disciplinés pour apprendre la dépendance. Si nous laissons agir notre volonté qui n’est pas autre chose, en somme, que l’indépendance, le Seigneur nous brise pour nous ramener sous son joug béni, si léger, si aisé à porter.
Les cinq premiers versets de notre chapitre offrent un exemple frappant
de ce que nous venons de dire. David prend plusieurs femmes à Hébron, outre
Akhinoam et Abigaïl, compagnes de sa vie errante. S’il avait consulté l’Éternel
avant de le faire, qu’est-ce que ce dernier lui eût répondu ? Lis ma
Parole. La dépendance de Dieu et celle de sa Parole sont une seule et même
chose. David avait entre ses mains les livres de la loi et n’avait qu’à les
méditer pour connaître son chemin. N’était-il pas dit au Deutéronome (17:17,
18), à propos du roi : « Il n’aura pas un
grand nombre de femmes,
afin que son coeur ne se détourne pas … » ?
Pour agir comme il le fait, il pouvait avoir toutes sortes de bonnes raisons
selon l’homme, postérité royale, etc., mais non pas selon Dieu. Pour nous en
convaincre, nous n’avons qu’à suivre la descendance de ses femmes. Si David
n’avait eu que la pieuse Abigaïl pour compagne, aurait-il vu un Amnon couvrir
sa maison de honte et de déshonneur, un Absalom se révolter contre son propre
père, un Adonija essayer de s’emparer du royaume et demander la Sunamite pour
femme ?
Non content de ces alliances, cet homme de Dieu qui peut faire sa volonté — combien cette liberté est dangereuse ! — réclame d’Ish-Bosheth (3:13-16) Mical sa femme, devenue adultère en prenant un autre mari, Mical, fille de Saül, qui après avoir autrefois aimé David d’un amour selon la nature charnelle, montrera plus tard son mépris pour la semence de Dieu, dont elle ne pouvait comprendre ni la piété, ni le dévouement aux intérêts de l’Éternel (6:20-23). Cette femme adultère, il l’arrache à son foyer, au lieu de la laisser à son nouveau mari, brisant ainsi le coeur de cet homme, honnête après tout, profondément affectionné à sa compagne et qui la suit en pleurant, sans songer à se rebeller contre l’autorité établie.
Tel est, hélas ! ce roi pieux, faisant usage de l’autorité limitée encore, bientôt illimitée, que Dieu a placée entre ses mains.
Qu’Abner, le sachant et le voulant, s’oppose à l’Éternel en
soutenant Ish-Bosheth, cela n’a pas lieu de nous étonner. Abner sait
que David est l’oint de
l’Éternel : « Que Dieu fasse ainsi à Abner, et ainsi y ajoute, si je ne
fais pas à David comme l’Éternel lui a
juré
… » (v. 9) et plus loin (v. 18) ; « L’Éternel a parlé touchant David,
disant : Par la main de
David, mon serviteur, je délivrerai mon peuple Israël de la main des Philistins
et de la main de tous ses ennemis ». Abner a conscience de n’être pas du côté de
Dieu, mais n’ayant pas l’Éternel pour objet de ses desseins et de son activité,
il ne se met guère en peine d’une telle contradiction entre ses opinions et sa
conduite. Abner n’a que la prétention de défendre un système politico-religieux
de succession. Il est honorable de pouvoir se dire les descendants directs de
ce que Dieu a établi, et si Dieu a remplacé la royauté de Saül et les formes d’une
religion sans vie, par la royauté de David, avec les ressources religieuses
qu’il donne à son peuple au milieu de la ruine, qu’importe à Abner ? Il
soutiendra malgré tout la maison de Saül. Ish-Bosheth s’appuiera sur lui, mais
qu’il prenne garde de ne pas blesser le ferme soutien de son trône. S’il veut
s’élever contre la corruption d’Abner, celui-ci par orgueil blessé, abandonnera
son maître pour se tourner vers David. « Suis-je une tête de chien, moi ? »
dit-il, et il lui annonce ouvertement ses desseins. Il les accomplit au grand
jour, dans la franchise de sa nature, et le pauvre roi, sans force pour
répliquer, ne peut que trembler devant ses menaces. Mais en tout cela, nous
voyons la providence divine qui, sous les passions de l’homme et même par elles,
prépare la voie à son oint.
Nous assistons à ces événements sans attendre rien pour Dieu, de la part de ceux qui, comme Abner, ne lui appartiennent pas. Mais que penser de David ? Pourquoi ne consulte-t-il pas l’Éternel quand cette alliance lui est proposée ? Lui qui avait refusé la couronne de la main de l’Amalékite, qui va la refuser de celle des meurtriers d’Ish-Bosheth, l’accepterait-il de la main d’Abner ? Oui, parce qu’il se sent libre, parce qu’il a toute sorte de raisons d’agir ainsi pour le bien de son royaume. Cette alliance aplanira les difficultés ; la guerre a assez duré… Tout cela est fort raisonnable selon l’homme, mais n’est pas selon la pensée de Dieu.
Abner parle aux onze tribus, réussit à les convaincre, même celle de Benjamin, alliée à Saül, et vient ensuite rendre compte à David de ses démarches. « Et Abner dit à David : Je me lèverai, et j’irai et j’assemblerai vers mon seigneur, le roi, tout Israël : et ils feront alliance avec toi ; et tu régneras sur tout ce que ton âme désire » (v. 21). Mais Dieu s’y oppose ; il ne veut pas que David reçoive le royaume d’une autre main que la sienne. Nul ne pourra se vanter d’avoir établi l’oint de l’Éternel sur le trône. Et de plus, comment permettrait-il à l’orgueil du coeur de l’homme de tailler les marches par lesquelles David monte au pouvoir ? Abner est assassiné. Dieu sait faire tourner les pires iniquités des hommes à l’accomplissement de ses desseins. Il se sert de l’acte infâme de Joab pour supprimer celui dans lequel David avait déjà mis sa confiance.
Joab commet un meurtre en pleine paix et se venge ainsi de la
mort d’Asçaël, quoique Abner l’eût « tué dans
la bataille
» (v. 30),
preuve qu’il n’y avait rien de répréhensible dans son acte (conf. 2:20-23). Tel
est le motif personnel de cette affreuse action, mais celui qui connaît Joab et
son ambition de devenir chef de l’armée, en suppose un autre. Joab craint la
valeur et l’autorité d’Abner, alors beaucoup plus éprouvée que la sienne. Si ce
dernier venait à conclure l’alliance, n’obtiendrait-il pas la première
place ? Joab a tout à gagner à sa vengeance.
Donc Abner ne sera pas le restaurateur du royaume ; Joab, bien moins encore que lui, car son meurtre devenait, sans l’intervention divine, le signal d’une guerre plus longue et plus impitoyable que celle qui tirait à sa fin.
Ce qui gagne le coeur d’Israël, c’est l’indignation du roi
contre le mal, son affliction au sujet d’un crime qui déshonorait le caractère
de l’Éternel et celui de son oint ; c’est l’humiliation, le jeûne, le
deuil public de David, en présence de tout son peuple. « En ce jour-là tout le
peuple et tout Israël
reconnurent que
ce n’était point de par le roi qu’on avait fait mourir Abner, fils de Ner » (v.
37).
Ah ! comme, au milieu de ces circonstances difficiles, David retrouve les traits précieux de son caractère ! Répudiant toute solidarité avec le mal, il prouve que, « de toute manière, il était pur dans cette affaire ». Il invoque le jugement de Dieu sur Joab : Que le sang d’Abner, fils de Ner, « tombe sur la tête de Joab, et sur toute la maison de son père ; et que la maison de Joab ne soit jamais sans un homme ayant un flux, ou la lèpre, ou qui s’appuie sur un bâton, ou qui tombe par l’épée, ou qui manque de pain » (v. 29). Et encore : « Que l’Éternel rende à celui qui fait le mal, selon son méfait ! » (v. 39). Plus tard, ce jugement de Dieu, prononcé par David, s’est exécuté (1 Rois 2:31-34).
David roi, retrouve au sujet d’Abner les accents de grâce dont David rejeté se servait à l’égard de Saül. Il prononce une complainte sur Abner : « Abner devait-il mourir comme meurt un insensé ? Tes mains n’étaient pas liées, et tes pieds n’avaient pas été mis dans des chaînes ; tu es tombé comme on tombe devant les fils d’iniquité » (v. 33, 34). Il proclame « qu’un prince, et un grand homme », était ce jour-là tombé en Israël (v. 38).
Hélas ! la puissance étant entre ses mains, qu’avait-il pu
en faire contre les « fils d’iniquité » ? Dieu seul pouvait faire le bien.
Les fils de Tseruïa étaient trop durs pour David (v. 39). Lui-même reconnaît sa
faiblesse, telle qu’elle se montrait en ce jour. Combien David nous est
sympathique pour cette parole : « Moi, je suis aujourd’hui faible, bien
que j’aie reçu l’onction de
roi »
(v.
39). Ce qui arrive atteint son coeur comme une sérieuse discipline. Faible, tu
l’étais en effet, serviteur bien-aimé de l’Éternel, malgré ton onction, mais ne
crains pas ; Dieu sera ta force et ta sauvegarde dans la faiblesse, et tes
pieds seront gardés de chute si tu cherches ta force dans la communion avec
Lui. Il en est de même pour nous. Deux choses inséparables sont notre
sauvegarde : le sentiment de notre faiblesse, joint à la dépendance de
Dieu et de sa Parole. David avait commencé dans ce chapitre par l’usage de sa
puissance et, agissant de son propre chef, il n’avait pas consulté l’Éternel.
Les événements qui l’accablent, l’amènent à la conscience de son incapacité et,
comme tout de nouveau, il ne tardera pas à apprendre la dépendance si vite
oubliée.
Au milieu de tous ces événements, Ish-Bosheth perd son royaume.
Il dépendait entièrement d’Abner qui lui assurait la victoire et le maintien de
son trône. Cet homme enlevé, il ne lui reste rien. Quand il a cherché à
s’opposer au manque de respect envers la mémoire de son père, il est abandonné
de celui qui le soutenait. C’est ce qui anéantit toute force dans la chrétienté
professante qui cherche plus ou moins à se fonder sur la succession d’une
religion selon l’homme. Alliée pour se maintenir avec les gouvernements et les
puissances d’un monde ennemi de Christ, elle devient leur esclave et n’a aucune
force pour s’opposer à leur désordre ou pour le réprimer. Je parle moins ici du
romanisme qui, comme la grande prostituée, a la prétention d’être « assis
sur la Bête » et de la gouverner, que de la Réforme qui dégénéra bien vite en
abandonnant le principe de la foi et en cherchant son appui auprès des grands
de ce monde. La ruine en fut la conséquence nécessaire. Contentons-nous de nous
tenir à part de toute intervention de l’homme dans les choses religieuses, et
disons comme David, dans le sentiment de notre incapacité pour remédier au
mal : « Ces hommes-là, les fils de Tseruïa, sont trop durs pour moi ».
Ce chapitre est le dernier de ceux qui racontent les préludes de
la royauté de David. Satan, le séducteur, ne se décourage pas dans son oeuvre
malfaisante contre l’oint de l’Éternel et, repoussé une première fois, ne
craint pas de revenir à la charge. Au chap. 1, il avait offert la couronne à
David par le moyen d’un Amalékite. Selon l’homme, il eût été fort naturel de la
recevoir, mais David ne peut accepter un don quelconque de la main d’un ennemi.
Sa foi triomphe. Il punit « celui qui était, à ses propres yeux, un messager de
bonnes nouvelles ». « Je le saisis », dit-il « et le tuai à Tsiklag, lui donnant
ainsi le salaire de sa bonne nouvelle » (4:10). Refoulé ainsi, l’ennemi ne
craint pas de reprendre l’offensive. Dans l’intervalle David avait reçu, de la main de Dieu,
la royauté sur Juda
(chap. 2). Mais, quant à la royauté sur Israël (chap. 3), il est tenté par les
propositions d’Abner qui se présentent d’une manière insidieuse, en sorte que
le roi est moins préparé à y résister. Nous avons vu que Dieu intervient et le
délivre, en se servant de l’iniquité de Joab. Ainsi l’alliance avec les onze
tribus, fruit des plans de l’homme, est réduite à néant. Ce n’est pas de ce
côté que David peut attendre la couronne.
Cependant le danger n’est pas écarté, car le grand séducteur ne se lasse point. Deux hommes méchants et criminels assassinent le fils de Saül que David lui-même appelle « un homme juste (*) » (v. 11). Baana et Récab apportent au roi la tête d’Ish-Bosheth et lui ouvrent, par leur crime, le chemin du règne sur tout Israël : « Voici la tête d’Ish-Bosheth, fils de Saül, ton ennemi, qui cherchait ta vie ; et l’Éternel a donné en ce jour au roi, mon seigneur, d’être vengé de Saül et de sa race » (v. 8). Au lieu d’accepter leur offre, David, saint dans ses voies, juge le mal, le hait et s’en sépare.
(*) Ish-Bosheth était un homme juste en contraste avec ces méchants. David ne veut pas dire qu’il fût juste devant Dieu, mais nous voyons ici, encore une fois, la grâce de David qui reconnaît toujours le bien chez ses ennemis. Grande leçon pour nous.
Le bras de la chair était indispensable à Ish-Bosheth. Lors du meurtre d’Abner, « ses mains furent affaiblies, et tout Israël fut troublé » (v. 1) car le fils de Saül avait « un grand homme » pour soutien de son trône, et tout s’écroule quand cet appui lui manque. Il n’en était pas ainsi de David. L’expérience lui avait fait connaître ce que valait l’homme et ce que Dieu valait. Cette expérience, il est vrai, se renouvelle souvent dans la vie du croyant. Quand tous les appuis naturels, ceux même que Dieu nous avait donnés, nous manquent, nous restons dans la faiblesse la plus absolue. C’est une leçon que nous devons apprendre, parce que, comme chrétiens, nous mettons souvent notre confiance en des fondements qui peuvent être ébranlés. Alors notre foi est mise à l’épreuve, et il s’agit de savoir si Dieu nous suffit comme ressource.
Nous faisons ainsi l’expérience mentionnée au Ps. 30:6. « Moi,
j’ai dit dans ma prospérité : Je ne serai jamais ébranlé ». David était un
homme de foi qui avait appris beaucoup de choses pendant les épreuves du
premier livre de Samuel. Mais lorsqu’il écrit ce psaume 30, « pour la dédicace de la maison »,
toutes les
expériences du premier livre étaient déjà passées. « Éternel ! par ta
faveur tu as donné la stabilité et la force à ma montagne
» (v. 7). Ce
n’est pas la montagne de Sion, la
montagne de Dieu
, qui « ne peut
être ébranlée », mais il parle ici de lui-même et des ressources humaines
qui lui appartenaient de la
part de Dieu. Or si ces ressources nous font défaut, quel sera l’état de notre
âme ! Nos mains seront-elles affaiblies comme celles d’Ish-Bosheth, ou
bien jouirons-nous d’une paix stable, d’une ferme assurance ? Combien
souvent, hélas ! nous devons répondre : « Tu as caché ta face, j’ai
été épouvanté » (v. 7).
Quelles que soient nos difficultés, nous avons à veiller à ce qu’elles n’influencent pas l’état de nos âmes. Si la foi est en activité, on refuse de chercher du secours dans les circonstances extérieures. C’est ainsi que David dit au Ps. 11:1 : « Je me suis confié en l’Éternel ; — pourquoi dites-vous à mon âme : Oiseau, envole-toi vers votre montagne ? » Quand nous traversons des épreuves, le monde nous dit : Va chercher ton secours dans ta montagne ; sers-toi des ressources que tu as en réserve dans ce monde. La foi répond avec David : Non, car il n’y a pas de fondement ici-bas qui ne soit détruit, mais « l’Éternel est dans le palais de sa sainteté ; l’Éternel a son trône dans les cieux ; » c’est là que je me réfugie.
À Tsiklag, David dans l’angoisse « se fortifie en l’Éternel, son Dieu » (1 Sam. 30:6). Ish-Bosheth ne connaissait pas cette ressource. Dans les jours heureux où la faveur de Dieu a donné de la stabilité et de la force à notre montagne, il nous faut chercher soigneusement et journellement la vraie source de la force, afin de n’être pas, si les difficultés surgissent, comme des oiseaux craintifs emportés, on ne sait où, par le vent d’orage, mais afin de savoir nous réfugier, dans le mauvais jour, auprès de Celui qui rassemble ses poussins sous ses ailes, à l’ombre desquelles nous chanterons de joie ! (Ps. 63:7).
Par le meurtre d’Ish-Bosheth, Récab et Baana fraient à David le
chemin de la royauté. La question se posait s’il lui était loisible d’en
profiter. Un sens spirituel plus exercé lui aurait fait refuser, dans le
chapitre précédent, l’alliance que lui proposait Abner. Il comprend ici que non
seulement il ne peut employer l’aide humaine qui s’offre à lui, mais encore
qu’il doit la refuser
comme offerte
par Satan. C’est ce que nous devons faire, quand le monde s’offre à nous
secourir.
Cette histoire nous montre que Dieu se sert de tout pour accomplir ses desseins de grâce envers David : d’Abner, de Joab, de Récab et de Baana. Certes il les désapprouve, mais sa providence fait concourir à ses voies le mal lui-même. Le mal sera jugé, mais aura servi aux conseils de Dieu. La croix n’est-elle pas, par excellence, la preuve de sa manière d’agir ?
Et maintenant, si Dieu emploie ces moyens, ai-je, moi, le droit
de m’en servir ! Nullement, car Dieu est souverain, et moi, je ne le suis
pas. Lui, peut se servir du mal, de Satan lui-même, comme il l’entend ;
moi, je suis un être placé sous Sa dépendance, et je dois obéir. L’obéissance
me fait marcher dans le chemin que la parole de Dieu me révèle, chemin de
sainteté qui me sépare du mal et du monde. Quand le monde vient m’offrir ses
services, je les refuse, car j’ai affaire à Dieu. « L’Éternel est vivant, qui
a racheté
mon âme de toute détresse
… »
(v. 9). Tel est Celui dans lequel je me confie. Je ne veux rien recevoir du
monde, parce que je dépends de l’Éternel.
En un temps de réveil qui n’est pas loin du nôtre, réveil gâté, dès son origine, par des doctrines antiscripturaires qui portent encore aujourd’hui leurs tristes fruits, mais où Dieu agissait cependant pour la conversion des âmes, quelqu’un disait à un serviteur de Dieu : Pourquoi ne vous associez-vous pas à cette activité ? N’est-il pas évident que Dieu agit ici par son Esprit ? L’autre répondit ces mots, qui, sans doute, ne furent pas compris : « L’esprit souffle où il veut, mais, moi, je dois obéir ». Cette réponse illustre ce que nous venons de dire. Dieu est souverain ; Lui seul peut se servir du mal, mais moi, je n’ai pas d’autre fonction que de m’en retirer.
Ce mélange du bien et du mal est comme un ruisseau qui charrie des eaux malsaines. Boirai-je de cette eau qui m’empoisonnera ? Je ne le puis, mais ce ruisseau est conduit jusqu’au fleuve qui l’emploie. Le fleuve est une large voie qui reçoit l’eau des ruisseaux les plus bourbeux pour la conduire à la mer. Il en est ainsi des voies de Dieu ; elles se servent des éléments les plus disparates pour alimenter la vaste mer de ses conseils. La mer se charge d’engloutir, de déposer dans ses profondeurs, de juger, en un mot, tout élément impur, en sorte qu’il ne monte d’elle qu’une eau pure vers le ciel où le soleil l’attire. C’est le travail de la mer et du soleil, et non pas le nôtre.
Mais David aurait pu raisonner ainsi : en permettant ce
meurtre, la providence de Dieu agit pour me donner le trône , je suis donc
libre de l’accepter de la main des meurtriers. Il se serait trompé, car même la
providence de Dieu nous place au milieu de circonstances où notre foi
est mise à l’épreuve, afin que nous n’acceptions pas
les choses en
présence desquelles nous sommes amenés. Nous avons l’exemple de Moïse à la cour
du Pharaon. La Providence ne l’y avait pas amené pour accepter cette position
et jouir « des délices du péché », mais afin que, le moment venu, il eût à s’en
retirer par la foi. Sa foi fut ainsi mise en exercice et, placé entre
l’adoption de la fille du Pharaon et l’affliction avec le peuple de Dieu, il
n’hésita pas à choisir
la seconde.
De même ici, les circonstances semblent ouvrir à David l’accès
au trône que Dieu veut
lui donner. Il repousse avec indignation toute
complicité avec le mal et ordonne l’exécution des coupables. Ces leçons ont une
grande importance pour nous, car nous sommes continuellement aux prises avec
les mêmes principes. Si Dieu nous place ici-bas dans une position facile, il
n’a pas pour but de nous y établir, mais que notre foi apprenne à briser ces
liens et, libre d’entraves, les quitte avec joie pour aller au-devant du
Seigneur. Sachons donc, quand le mal se présente à nous sous une forme
quelconque, le juger comme David, le rejeter ouvertement, et n’avoir aucune
communion avec lui.
L’acte de David, à la fin de ce chapitre, était donc selon les pensées de Dieu. « David commanda à ses jeunes hommes, et ils les tuèrent et leur coupèrent les mains et les pieds, et les pendirent au réservoir de Hébron » (v. 12). David, possédant l’autorité, devait l’exercer en sainteté et en justice, en sorte que ce châtiment terrible servît d’exemple.
Ce chapitre nous offre encore un enseignement, qu’il est utile
de ne pas omettre, parce que, malgré ses expériences personnelles, David reste,
jusqu’au chap. 11, un type de Christ. Le fait dont je parle, c’est qu’avant
d’obtenir la royauté sur toutes les tribus, David est méconnu
de tous,
que personne n’apprécie son coeur.
Beéroth était une ville des Gabaonites, reçus autrefois (Jos. 9) dans l’alliance du peuple d’Israël. Beéroth était comptée comme appartenant à Benjamin (v. 2), tribu de Saül, l’ardent ennemi de David. « Les Beérothiens s’enfuirent à Guitthaïm, et ils y ont séjourné jusqu’à aujourd’hui » (v. 3). La cause de leur fuite n’est pas positivement mentionnée, mais ce fait est mis en rapport avec Baana et Récab, fils d’un Beérothien. Nous pouvons en conclure que le récit de la fuite est anticipé, et qu’elle n’eut lieu qu’après le jugement prononcé par David sur les meurtriers. Alors tous les Beérothiens prennent peur et s’enfuient à Guitthaïm.
C’est que ces hommes méconnaissaient David. Ils supposaient que
le roi nourrissait des désirs de vengeance et chercherait à la satisfaire en
les rendant solidaires du meurtre commis par des citoyens de Beéroth. S’ils
avaient connu David, ils se seraient plutôt réfugiés auprès de lui en se
confiant à sa grâce. C’est l’attitude du monde envers le Seigneur Jésus. Ne
pouvant avoir confiance en un coeur qu’il ne connaît pas et redoutant son
jugement, il préfère le fuir, que d’entrer en contact avec Lui. Dans la
parabole des talents, l’esclave qui avait enfoui son talent dans la terre
méconnaissait de même ce Maître plein de grâce, quand, appelé à lui rendre
compte de sa gestion, il lui dit : « Maître, je te connaissais,
que tu es un homme dur » (Matt. 25:24).
Au v. 4, un fait qui suivit la mort de Saül, nous reporte encore
plus en arrière. La nourrice de Mephibosheth s’enfuit, portant dans ses bras
cet enfant de cinq ans ; l’histoire est la même que celle des
Beérothiens : toujours cette méconnaissance
du fils d’Isai, toujours ce sentiment si naturel au coeur de l’homme.
David, apprenant la mort de Saül et de Jonathan, avait mené deuil et prononcé
sur eux une complainte, mais il ne vient pas à la pensée de cette pauvre femme
qu’il puisse ne pas exercer de vengeance sur le fils de son ami. Elle fuit au
lieu de courir à celui qui avait juré à Jonathan et même à Saül, qu’il
n’éteindrait point leur race. Elle ne se fie pas plus à l’amour et à la parole
certaine de David, que les pécheurs ne se fient à la grâce et à la parole de
Christ. La conséquence fut que Mephibosheth « tomba et devint boiteux ». David le
retrouve plus tard, affligé et infirme par suite du manque de foi de cette
femme, qui n’avait pas profité du moment favorable pour confier son fardeau aux
mains de l’ami de Jonathan.
Récab et Baana ignorent aussi celui dont le coeur repousse le
mal. Ils se précipitent dans la ruine pour avoir méconnu
la sainteté de l’oint de l’Éternel. Ils pensent pouvoir
s’approcher de lui avec leur péché, sans que David l’abhorre et repousse ces
mains souillées du sang d’un juste.
De fait, il n’y a que les siens qui puissent le connaître et s’approcher de Lui en toute confiance, sachant que sa bonté demeure à toujours et que ses promesses sont certaines.
Tes paroles, toujours
fidèles,
Seigneur, ne passeront
jamais,
Et mon âme qui croit en
elles
N’a rien à craindre
désormais !
Par esprit de vengeance contre Ish-Bosheth, Abner avait
recommandé David aux onze tribus : « L’Éternel a parlé touchant David,
disant : Par la main de David, mon serviteur, je délivrerai mon peuple
Israël de la main des Philistins et de la main de tous ses ennemis » (3:18).
Abner était, en un sens,
le messager
de l’Éternel pour ramener à son oint le coeur du peuple ; mais il y avait
un abîme entre ses fonctions et son état moral. Nous devons en tirer une
instruction pour nous-mêmes. Dieu peut agir par un homme qui annonce des
vérités selon Dieu alors que son coeur n’a aucun rapport avec Lui. Il convenait
qu’Israël prêtât l’oreille aux paroles d’Abner, mais non qu’il s’attachât à sa
personne. Lorsque nous écoutons ceux qui présentent la parole de Dieu, il nous
faut prendre garde de distinguer la personne de ce qu’elle annonce, et de ne
pas lui attribuer une importance qui n’appartient qu’aux Écritures ;
heureux si nous pouvons constater que la conduite de celui qui parle est
conséquente avec sa doctrine et ne s’en sépare pas. Il en était ainsi de
Timothée vis-à-vis de l’apôtre Paul ; il avait pu comprendre et suivre sa doctrine, sa conduite
(2 Tim. 3:10),
tant ces deux choses étaient d’accord chez le grand apôtre des gentils. Il est
bon d’insister sur ce point : le don
est distinct de l’état moral.
Lorsqu’un homme a un don, il est nécessaire
qu’il se juge continuellement devant Dieu, afin de mettre son état moral en
rapport avec ce qui lui est confié. S’il y a un grand danger pour les auditeurs
à suivre l’homme à cause de son don, il y a un égal danger pour celui qui parle
à agir sans que son coeur et sa marche soient en rapport avec les vérités qu’il
présente.
De fait, les paroles d’Abner n’eurent aucun résultat réel pour le peuple, parce que l’Esprit de Dieu n’agissait pas dans les coeurs. Ils ne changèrent en rien leur conduite jusqu’à ce qu’Ish-Bosheth eût été supprimé et seulement, quand leur appui leur fut ôté, « toutes les tribus d’Israël vinrent vers David à Hébron » (v. 1).
L’état des tribus a ceci de remarquable qu’elles connaissaient
et avaient toujours connu
ce que Dieu
pensait de David. Le peuple dit : « Autrefois, quand Saül était roi sur
nous, c’était toi qui faisais sortir et faisais entrer Israël ; et
l’Éternel t’a dit : Tu paîtras mon peuple Israël, et tu seras prince sur
Israël » (v. 2). Ils savaient cela parfaitement, mais cette connaissance
n’exerçait aucune action sur leurs consciences. Le même phénomène se produit
aujourd’hui parmi les chrétiens. La parole de Dieu leur est familière ;
ils connaissent les pensées de Dieu au sujet de son Fils et de son Église, mais
ces vérités restent pour eux sans résultat pratique. Elles ne sont pas
descendues dans leurs consciences. C’est là qu’il faut chercher la principale
raison des divisions entre les enfants de Dieu. L’un suit une secte, l’autre
une autre ; l’un accepte telle doctrine, l’autre telle doctrine
opposée ; l’un se réclame d’un homme, l’autre d’un autre homme. Ces
divergences proviennent moins de l’état de leur connaissance que de celui de
leur conscience, et ils ne sentent pas la nécessité de marcher selon la vérité
qu’ils connaissent.
Les trois premiers versets de notre chapitre nous montrent
qu’une autre chose encore manquait à Israël. Ils n’avaient pas d’affection
pour David ; leur
affection était pour Ish-Bosheth. Quand le coeur est du côté du monde, il ne
peut être du côté de l’homme selon Dieu. Comment réunirait-on les chrétiens
autour de Christ, quand leurs pensées sont aux choses de la terre et que la
grâce et la beauté du Seigneur n’ont pas atteint leurs coeurs ? Sa
personne a peu de valeur pour un coeur partagé ; il ne la recherche pas.
Mais si les consciences sont atteintes, les coeurs le seront bientôt :
« Voici, nous sommes ton os et ta chair » (v. 1). Maintenant ces Israélites
proclament leur relation avec David ; ils la connaissaient
bien, mais ne la reconnaissaient
pas comme un fait qui dominait tout le reste. Alors ils se ressouviennent
tout à coup de ce que Dieu avait dit au sujet de son bien aimé. Quand l’Esprit
commence à agir dans les âmes, la conscience parle, le coeur se porte vers
Christ, et l’on est amené à reconnaître sa souveraineté et ses droits. « Ils
oignirent David pour roi sur Israël » (v. 3). « David fait alliance avec eux à
Hébron, devant l’Éternel », et par ce pacte il reconnaît Israël comme étant
désormais son peuple.
Ce chapitre inaugure la seconde période du règne de David. Désormais il sera roi sur tout Israël à Jérusalem. Le Saint Esprit accentue cette distinction au vers. 5 : « David régna à Hébron, sur Juda, sept ans et six mois ; et à Jérusalem, il régna trente-trois ans sur tout Israël et Juda ».
Il en sera de même du Christ : comme histoire typique de
l’établissement de son règne, ce livre, commenté par la prophétie, est d’un
intérêt particulier. Il ne s’agit pas, dans le second livre de Samuel,
répétons-le, de la royauté établie
;
elle ne le sera qu’en Salomon ; mais de l’établissement de la royauté
en David, ce qui est autre chose.
Nous trouvons donc ici les voies de Dieu pour fonder le trône de David,
rassembler autour de lui les douze tribus, et lui soumettre les nations, en
subjuguant ses ennemis.
David ayant été reconnu roi sur tout Israël, on voit se dérouler une série d’événements en rapport avec cette proclamation.
Le premier de ces événements est d’une importance capitale (v.
6-9). Souvent des faits d’une immense portée sont traités par la Parole en
quelques versets. Nous ne pouvons mesurer à la longueur du récit la valeur que
Dieu met à tel événement. Une courte parenthèse contient parfois une somme de
vérités infinies, celle par exemple du premier chapitre aux Éphésiens qui
déroule les conseils de Dieu à l’égard de Christ et de l’Église (Éph. 1:20-23).
De même, les trois premiers versets d’Apoc. 21, nous font entrer dans toutes
les gloires de l’éternité. De même encore, le Ps. 23 nous donne en six versets
toute la vie, toute la conduite, toutes les expériences du croyant ici-bas,
depuis la croix jusqu’à l’introduction dans la maison de l’Éternel. On
multiplierait à l’infini ces exemples. Nous en trouvons un dans le passage qui
nous occupe. Il traite de la prise de Jérusalem. C’est le début d’une manière
d’agir toute nouvelle de la part de Dieu : c’est l’établissement de sa grâce dans la personne du roi,
la puissance
unie à la grâce pour accomplir les intentions de Dieu, lorsque, du côté de
l’homme, tout a manqué.
Le livre des Juges et le premier livre de Samuel (sans parler des livres de Moïse) nous ont présenté cette dernière vérité, la ruine complète, entre les mains de l’homme, de tout ce que Dieu avait confié à sa responsabilité. Israël, placé sous la loi, était ruiné comme peuple, ruinés les juges, ruinée la sacrificature, ruinée la royauté selon la chair ; tout cela terminé sans retour. En présence de toutes ces ruines, « qu’est-ce que Dieu a fait ? » (Nombres 23:23). Sa grâce se manifeste quand la fin de l’histoire du peuple sous la loi est déjà manifestée ; elle ne serait pas la grâce si elle ne s’occupait pas d’êtres déchus. Sa plénitude éclate, lorsque l’histoire du peuple responsable a abouti à une ruine irrémédiable. Dieu choisit le moment où la royauté selon son coeur est proclamée, pour occuper Jérusalem et la donner à David.
Quelle raison Dieu avait-il de s’intéresser à cet endroit plus
qu’à un autre ? Aucune, sinon d’avoir aimé
cette ville qui était au pouvoir des Jébusiens, des ennemis de l’Éternel et
de son Oint. Mais son coeur était attaché à ce lieu, car il voulait y établir
définitivement le trône de sa grâce ici-bas. « L’Éternel a choisi Sion ; il
l’a désirée pour être son habitation : C’est ici mon repos à
perpétuité ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée » (Ps. 132:13, 14). « La
fondation qu’il a posée est dans les montagnes de sainteté. L’Éternel aime les
portes de Sion plus que toutes les demeures de Jacob » (Ps. 87:1, 2).
Voilà ce que Dieu dit de Sion : il l’aimait. Quand ses yeux parcouraient la terre, ils se sont arrêtés sur cette place spéciale pour en faire son habitation. « Pourquoi, montagnes à plusieurs sommets, regardez-vous avec jalousie la montagne que Dieu a désirée pour y habiter ? Oui, l’Elternel y demeurera pour toujours » (Ps. 68:16). C’est donc l’endroit choisi de Dieu, le lieu de son bon plaisir, parce qu’il y introduit et établit son roi en grâce. N’est-ce pas là aussi que le Fils de David devait poser le fondement du salut éternel ? Jésus, la racine de David, est le roi de grâce quand tout est ruiné, comme Jésus, la postérité de David, vrai Salomon, sera le roi de gloire.
La montagne de Sion offre le contraste le plus absolu avec celle
de Sinaï. En Héb. 12:22, l’apôtre dit aux Juifs, affranchis de la loi et
devenus chrétiens : « Vous êtes venus à la montagne de Sion, et à la cité
du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ». C’est un changement absolu dans les
voies de Dieu envers Israël. Les versets 6 à 9 de notre chapitre 5, nous
indiquent le moment historique où ce changement a eu lieu, où Dieu choisit une
nouvelle montagne, en contraste avec Sinaï, pour y établir à jamais la
forteresse de David. De fait, la chose n’a pu être réalisée alors pour Israël,
à cause de l’infidélité du roi responsable, et il faudra que le peuple attende
l’établissement du règne de Christ pour être introduit dans les bénédictions de
cette nouvelle alliance. Pour nous, chrétiens, la chose a eu lieu
. « Vous êtes
venus
à la montagne de Sion », dit
l’apôtre. Aucune des exigences, ni des terreurs de Sinaï, n’existe plus pour
ceux qui croient. Nous avons trouvé ici-bas
la montagne de la grâce au
lieu où fut érigée la croix de Christ, et notre pied s’est posé sur ce sûr
fondement, premier échelon pour monter dans toutes les bénédictions célestes,
depuis la « cité du Dieu vivant » jusqu’à « l’assemblée des premiers-nés, écrits
dans les cieux ». Toutes ces choses nous appartiennent maintenant ; bientôt
nous les posséderons dans la gloire.
Les divers passages de ce chapitre correspondent à d’autres
passages du premier livre des Chroniques, qui nous donnent parfois des détails
supplémentaires sur ces événements. La prise de Jérusalem y est relatée au
chap. 11:4-9. Dans notre chapitre, les Jébusiens disent à David : « Tu
n’entreras point ici mais les aveugles et les boiteux te repousseront » (v. 6).
Ils comptaient si bien sur leurs murailles et sur leur forteresse imprenable,
qu’ils ne jugeaient pas nécessaire d’employer des hommes valides pour repousser
l’attaque du roi ; les infirmes même, pensaient-ils, suffiraient amplement
à cette tâche. « Mais David prit la forteresse de Sion » (v. 7). Pas un mot de
plus ; la chose a lieu, aussi simple que si elle n’avait rien coûté. En
effet, cette victoire ne coûte rien à Dieu. C’est ainsi qu’il combattra toute
l’inimitié de l’homme contre Lui et contre son Oint. Quelle divine
ironie ! « Rompons leurs liens, disaient-ils, et jetons loin de nous leurs
cordes ! » Dieu répond : « Celui qui habite dans les cieux se rira
d’eux, le Seigneur s’en moquera
» (Ps. 2:4).
David se montre indigné de ces paroles outrageantes des Jébusiens, et son indignation est selon Dieu. Quand nous voyons le monde occuper le domaine de Dieu, tout en étant ennemi de Christ, nos coeurs, animés par le Saint Esprit, peuvent bien être remplis d’indignation. Nous pouvons désirer ardemment que le Seigneur ait finalement la place qui lui revient de droit, qu’il ne soit plus bafoué par un monde qui l’a rejeté et que son règne s’établisse sur la terre, après le jugement des vivants. Ce sentiment est légitime.
Mais nous trouvons un autre sentiment, moins avouable, dans le coeur de David. Il est, à côté du personnage typique, l’homme énergique auquel Dieu a confié la puissance. Son autorité est contestée ; il est saisi d’une indignation humaine et ses paroles le prouvent (1 Chr. 11:6) : « Quiconque frappera le premier les Jébusiens, sera chef et capitaine ». Qu’arrive-t-il ? « Joab, fils de Tseruïa, monta le premier, et fut chef ». Joab, l’homme dont nous avons vu les ruses dès le commencement , Joab, dont David a reconnu la méchanceté, qu’il a stigmatisé devant tout le peuple du nom de « fils d’iniquité », sur la tête duquel il a invoqué le jugement de Dieu (3:28-30), qu’il a déclaré être « trop dur pour lui », Joab est l’homme auquel la parole de David fournit l’occasion d’être général en chef.
Le fait que Joab se trouve porté à la tête de l’armée, est un des plus fâcheux du règne de David, et nous constatons ici la faiblesse du roi. Une seule parole qui n’était pas dictée par le Saint Esprit et tendait à l’émulation de la chair, suffit pour porter de telles conséquences. Combien facilement l’homme abuse de la puissance que Dieu lui a confiée, pour s’en servir d’une manière indépendante ! Ce fait devrait nous donner à réfléchir. Une parole selon la chair porte souvent des fruits plus pernicieux qu’une mauvaise action.
À la fin du vers. 8, nous lisons : « Les boiteux et les
aveugles qui sont haïs de l’âme de David ! … C’est pourquoi on
dit : L’aveugle et le boiteux n’entreront pas dans la maison ». Qui parle
ainsi ? C’est David lui-même. Comme il diffère en cela de Christ ! Le
Seigneur Jésus, entrant dans ce monde, fait exactement le contraire : « Les
aveugles recouvrent la vue et les boiteux marchent » (Matt. 11:5) ; il ne
peut rencontrer un seul de ces déshérités sans que son amour et sa puissance
s’accordent pour le guérir. Même dans le cas où sa colère, une colère divine,
se donne cours, n’est-il pas merveilleux de la voir, ouvrant les écluses à sa
grâce ? « Jésus entra dans le temple de Dieu, et chassa dehors tous ceux
qui vendaient et qui achetaient dans le temple ; et il renversa les tables
des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient les colombes ; et il
leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de
prière ; mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. Et des
aveugles et des boiteux
vinrent à lui dans le temple, et il les guérit »
(Matt. 21:12-14). Sa colère et son indignation se montrent dans le zèle de la
maison de Dieu qui le dévore (Ps. 69:9), mais il purifie sa maison, non pas
pour empêcher, comme David, les aveugles et les boiteux d’y entrer, mais pour
les y introduire en les guérissant. Nous en trouvons un second exemple dans la
parabole du souper. Tous les invités se sont excusés de n’y pas venir. « Alors
le maître de la maison, en colère, dit à son esclave : Va-t’en promptement
dans les rues et dans les ruelles de la ville, et amène ici les pauvres, et les
estropiés, et les aveugles, et les boiteux
» (Luc 14:21). La colère du
maître contre les invités a pour résultat de faire asseoir les aveugles et les
boiteux à la table de son grand festin.
Il nous en est arrivé de même. L’indignation du maître envers ce peuple qui n’a pas voulu son appel de grâce, a ouvert la porte du souper des noces à de pauvres gentils, étrangers à ses promesses, incapables de le voir ou d’aller à Lui.
Tous ces faits nous prouvent combien il importe, pour une vraie intelligence de cette partie des Écritures, de maintenir la différence entre David homme et David type de Christ.
L’établissement du trône sur la montagne de Sion a pour premier résultat de faire reconnaître David par les nations. « Hiram, roi de Tyr, envoya des messagers à David, et des bois de cèdre, et des charpentiers, et des tailleurs de pierre pour les murailles ; et ils bâtirent une maison à David » (v. 11), car Hiram voulait contribuer, dans sa mesure, à l’éclat du règne qui commençait. Plus tard, sous Salomon, ce même Hiram travaille à l’édification du temple. Il joue, dans cette histoire, un rôle important comme représentant des nations amies qui viendront, de bonne volonté, se soumettre au règne du Messie.
L’histoire de David, type de Christ, continue à se dérouler dans ce chapitre. Parmi les nations, il y en aura qui ne reconnaîtront point sa suprématie et chercheront à secouer son joug. Les Philistins montent contre David ; la révolte commence par l’ennemi du dedans qui occupe l’héritage du peuple. Nous verrons plus loin les nations situées sur les confins d’Israël, Moab et les fils d’Ammon, puis la Syrie et l’Assyrie, se révolter à leur tour. La victoire sur les nations, comme la soumission des tribus, a lieu d’une manière graduelle. La Philistie est subjuguée, et le Seigneur dira d’elle, par la bouche de David : « Sur la Philistie je pousserai des cris de triomphe » (Ps. 108:9), car il ne faut pas oublier — la prophétie est très explicite à ce sujet — que les anciens ennemis d’Israël, maintenant disparus en partie, renaîtront au temps de la fin, soit pour subir leur jugement définitif, soit pour avoir part, avec le peuple de Dieu, aux bénédictions millénaires. Les Philistins sont subjugués, leurs idoles anéanties.
En même temps que l’histoire de David, type du Messie, celle de David, roi responsable, continue aussi à se dérouler. Elle nous présente mainte faiblesse, nécessitant une discipline qui amène David à se juger lui-même, afin que, restauré, il retrouve la communion avec Dieu. Il nous est infiniment profitable d’apprendre à nous reconnaître dans cette histoire, et de comprendre les exigences de la sainteté de Dieu et ses voies envers nous.
La fin de ce chapitre nous donne une instruction particulière.
Lorsque Hiram vient se soumettre au roi, il se passe un fait touchant et
caractéristique. Un trait particulier du caractère de David est l’absence
complète de confiance en lui-même ; il était humble
et avait gardé ce caractère depuis que Dieu l’avait « pris
d’auprès des parcs des brebis ». Tout en appréciant la faveur que Dieu lui
faisait en lui donnant un trône glorieux, il n’avait pas une haute opinion de
lui-même. « David connut que l’Éternel l’avait établi roi sur Israël, et qu’il avait
élevé son royaume à cause de son peuple Israël » (v. 12) ; à cause, non pas
de lui-même — il disparaît à ses propres yeux — mais à cause de son peuple Israël.
Sachant que ce royaume, dont il est le
chef, est élevé, parce que Dieu pensait à son peuple dont il avait en vue la
bénédiction, il ne se place pas au-dessus du peuple pour le dominer, par la
revendication de ses droits, mais au-dessous de lui, n’ayant en vue que son
bonheur. Il voit la place qu’Israël possède dans le coeur de Dieu et reconnaît
que Dieu a conduit toutes choses en vue de son peuple. Notre modèle parfait, le
Seigneur Jésus, a acquis par ses souffrances une place dans la gloire, mais il
l’a prise pour nous, son peuple, son Église bien-aimée. Ainsi le caractère de
David, comme homme, répond à celui de Christ, ce qui devrait toujours être
notre cas.
Mais voici que ce qui s’était produit à Hébron (3:2-5), se
reproduit à Jérusalem (v. 13-16). Nous avons dit plus haut que les marques
d’indépendance chez David, résultaient du fait qu’il était investi de
l’autorité souveraine. Il emploie sa puissance pour lui-même et agit ainsi en
opposition avec les pensées de Dieu (Deut. 17:17-19). David, outre ses raisons
politiques et autres pour prendre un grand nombre de femmes, pouvait
avoir oublié la défense de Dieu.
Il n’aurait pas dû
l’oublier :
« Il arrivera », avait dit l’Éternel, « lorsqu’il sera assis sur le trône de son
royaume, qu’il écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette loi, faite
d’après le livre qui est devant les sacrificateurs et les lévites. Et il l’aura
auprès de lui ; et il y lira tous les
jours de sa vie ».
La plus grande partie de nos désobéissances
provient de ce que nous ne restons pas en contact vivant et journalier avec la
parole de Dieu. Suivre nos propres pensées en négligeant cette direction
positive et absolue, c’est la
désobéissance.
Deux choses doivent caractériser la marche de tout enfant de
Dieu. La carrière de David, au premier livre de Samuel, illustre la première
qui est la dépendance.
Mais il est un
second caractère auquel nous ne sommes pas habitués à donner l’importance du
premier, c’est l’obéissance.
La
dépendance et l’obéissance ne devraient jamais être séparées chez l’enfant de
Dieu.
Nous venons de voir David désobéissant, nous allons le voir dépendant, sans que, pour le moment, ce désaccord influe sur sa vie spirituelle. Mais si David est à l’école de Dieu, il apprendra a ne jamais dissocier à l’avenir ces deux caractères. À la fin de notre chapitre, Dieu l’oblige, pour ainsi dire, à les joindre l’un à l’autre et lorsque, plus tard, dans le chapitre suivant, manquant à cette obligation, il ne suit pas la volonté de Dieu, exprimée dans sa Parole, nous le voyons tomber sous la discipline.
Les Philistins montent contre David (v. 17-21) ; le roi
l’apprend et descend dans la forteresse. Sa retraite était le lieu où Dieu
voulait habiter. « David interrogea
l’Éternel,
disant : Monterai-je contre les Philistins ? Les livreras-tu en ma
main ! » (v. 19). Le voici dépendant de Dieu, selon son habitude. S’agit-il
de monter contre l’ennemi, il ne sait que faire ; Dieu seul peut le
savoir, et il s’adresse à Lui : « Que ferai-je ? » immédiatement Dieu
lui répond : « Monte, car certainement je livrerai les Philistins en ta
main ». David monte ; une brèche est faite dans la digue que l’ennemi
cherche à lui opposer, et David et son armée se répandent comme un torrent
débordé qui engloutit les Philistins et leurs idoles. En 1 Chron. 14:11-22,
nous voyons ce que le roi fit de ces idoles : « Ils laissèrent la leurs
dieux, et David commanda qu’on les brûlât au feu ». Ainsi seront détruites, à la
fin, les idoles des nations (És. 2:18).
Mais tout n’est pas terminé ; l’attaque de l’ennemi se
renouvelle dans les conditions de la première, par le même peuple, de la même
manière, au même endroit. David aurait pu se dire : Puisqu’il en est
ainsi, j’agirai comme à la première attaque. Loin de là ; il se fie
entièrement à la direction de l’Éternel. Bien lui en prend, car l’Éternel lui
donne, cette fois-ci, une tout autre réponse : « Tu ne monteras pas ».
Pourquoi donc, les circonstances de l’attaque étant les mêmes, Dieu
indique-t-il à David une tout autre manière de combattre ? « Tourne-les par
derrière, et tu viendras contre eux vis-à-vis des mûriers ; et aussitôt
que tu entendras sur le sommet des mûriers un bruit de gens qui marchent, alors
tu t’élanceras, car alors l’Éternel sera sorti devant toi, pour frapper l’armée
des Philistins » (v. 23, 24). C’est que Dieu veut réunir, dans le coeur de son
serviteur, ces deux choses qu’il avait de la tendance à séparer plus ou moins,
comme nous l’avons vu dans ce qui précède. Il s’agissait pour David, non
seulement de dépendre de Dieu, mais d’obéir à sa parole, qu’il la comprît ou
non
. Il devait obéir en suivant l’ordre donné par Dieu, afin d’obtenir une
victoire nouvelle. « David fit ainsi, comme l’Éternel lui avait commandé ;
et il frappa les Philistins depuis Guéba jusqu’à ce que tu viennes vers
Guézer. »
C’est ainsi que, dans sa bonté, Dieu donne à David l’expérience
des bénédictions qui accompagnent la dépendance unie à l’obéissance
.
David aurait pu s’attribuer quelque mérite de cette seconde victoire et
peut-être s’enorgueillir, mais Dieu ne le veut pas. Il faut que son serviteur
comprenne qu’il doit obéir et, dans ce but, Dieu lui donne certains signes à
observer. L’armée en marche, dont on entend le bruit sur le sommet des mûriers,
c’est l’Éternel lui-même et son armée. Lorsque David entendit ce bruit, il
pouvait, du poste qui lui était assigné, s’élancer en avant, car, à la parole
de Dieu, il prenait l’ennemi à dos. Vis-à-vis de lui s’élevaient les mûriers.
Il savait que l’Éternel allait attaquer l’ennemi de front et lui, se lançant
sur ses arrières, la déroute était complète. Le rôle principal était à
l’Éternel ; David restait dans l’humilité. Il écoute, accomplit ce que
l’Éternel lui a commandé : c’est l’obéissance. Il remporte la victoire.
Combien cela est important pour nous ! Il faut que notre dépendance et notre obéissance se manifestent, non seulement, comme ici, dans les grandes circonstances, mais dans le détail journalier de la vie. Si nous y manquons, nous nous exposons à des châtiments, et David va nous en donner l’exemple.
Il ne suffit pas que le siège de la royauté de David — ou de
Christ — soit placé en Sion, la montagne de la grâce. Dieu lui-même veut y
habiter à toujours avec son roi (conf. Apoc. 22:1, 3). Aussi David est-il
entièrement dans le courant des pensées de Dieu, quand il va chercher l’arche
pour la ramener à Jérusalem. La gloire de
Dieu ne trouve son repos que dans le lieu de la grâce.
L’arche, le trône de
Dieu, s’associe d’une manière intime au trône de David, au trône du Fils de
Dieu. L’Éternel, resté jusque-là, par l’infidélité de son peuple, sans domicile
permanent, peut maintenant habiter avec lui, parce qu’il peut habiter avec son
oint.
Pour aller chercher l’arche, le roi assemble toute l’élite
d’Israël, trente mille hommes (v. 1). Cela peut paraître singulier. Quand il
s’agit des combats de l’Éternel, on ne voit pas que les hommes de Dieu aient
assemblé toute leur armée. C’est bien plutôt le contraire qui a lieu. Gédéon
avec trois cents hommes, Jonathan avec un seul, en compagnie de tant d’autres
capitaines, remportent les victoires les plus signalées. Dieu combat avec eux,
et que lui
importe plus ou moins de soldats ? Il peut lui convenir
d’éprouver son peuple tout entier dans la bataille, mais il n’en est pas de Lui
comme des nations. Le nombre n’est pour rien dans ses victoires.
S’agit-il, au contraire, de rendre témoignage au Dieu qui siège entre les chérubins, de l’établir au lieu de son culte, ce n’est pas trop de tout ce qui représente la force d’Israël. Comme cela est peu compris parmi les enfants de Dieu ! Est-ce donc toute l’élite qui se rassemble autour de Christ, devant le trône de Dieu le Père, pour l’honorer en Lui rendant culte ? Le culte a-t-il plus de valeur aux yeux des chrétiens que toute l’activité, quelque bénie qu’elle soit, qu’ils peuvent déployer pour Lui ! Ils font consister la vie chrétienne dans le combat pour l’Évangile, combat béni, sans doute, mais pour lequel il n’est nullement nécessaire d’assembler « toute l’élite », car on le verrait dégénérer aussitôt en une oeuvre basée sur l’association humaine — alors que le culte est ignoré, délaissé, méconnu, le centre du rassemblement des enfants de Dieu méprisé, et que ces derniers restent dispersés comme des brebis qui n’ont pas de berger !
Telle n’était pas, grâce à Dieu, la pensée de David. Le but de toute son existence errante, de toute son affliction, avait été d’arriver au moment où s’ouvre notre chapitre. Nous en trouvons la preuve au Ps. 132, sur lequel nous reviendrons plus tard.
Les rapports entre les chap. 5 et 6, ne se bornent pas à ce que nous venons de relever. David, comme roi responsable, malgré bien des manquements, était agréable à Dieu. L’Éternel ne lui cachait pas sa face ; il l’aimait pour sa fidélité, pour la grâce de ses voies, pour son esprit humble et soumis. Il lui avait enseigné, comme nous l’avons vu, à joindre l’obéissance à la dépendance. David avait compris ces choses quand il s’agissait de combattre l’ennemi. Les comprendra-t-il aussi bien lors des événements qui vont se dérouler ?
Le moment venu pour réunir les tribus autour de l’arche, leur
centre divin, qu’avait à faire David ? À consulter l’Éternel. Quand même,
en ramenant l’arche, il était dans les pensées de Dieu, le comment
de cet acte ne dépendait pas de lui et, en comprenant cela,
il se serait épargné un sérieux châtiment. S’il avait consulté l’Éternel et sa
Parole, il aurait su de quelle manière il devait amener l’arche à Jérusalem.
Les Philistins (1 Sam. 6:7) avaient placé l’arche sur un
« chariot neuf » pour la renvoyer sur le territoire d’Israël. Ils agissaient par
ignorance, et Dieu, au lieu de leur exprimer sa désapprobation, avait tenu
compte de la crainte qui les faisait agir. Évidemment, David se souvenait de ce
fait, lorsqu’il suivait la manière des nations pour ramener l’arche au lieu
qu’elle devait occuper. « Ils montèrent l’arche de Dieu sur un chariot neuf
et l’emmenèrent de la
maison d’Abinadab qui était sur la colline » (v. 3).
Mais si Dieu pouvait avoir égard à l’ignorance des Philistins, il ne supporte pas, chez ceux qui lui appartiennent, une désobéissance positive à sa Parole. Il était expressément ordonné aux lévites de porter l’arche, ainsi que tous les vaisseaux du sanctuaire (Nomb. 4:15).
Ce que fit David devrait parler à la conscience des enfants de Dieu. On organise un culte volontaire selon les systèmes et les pensées de l’homme, qui sont toujours l’opposé des pensées de Dieu. Or il est de toute importance aux yeux de Dieu que les siens obéissent quand il s’agit du culte, la plus haute expression de la vie chrétienne, comme aussi dans les moindres détails de cette vie, et Dieu doit tenir compte de la désobéissance de ses enfants.
Tout en montrant un coeur rempli de piété envers Dieu, David
désobéit, parce qu’il ignore la portée et les conséquences de son acte ;
mais David n’a pas d’excuse, parce qu’il ne
devait pas l’ignorer.
Cela est d’autant plus frappant qu’il était rempli de
joie à la pensée de donner enfin à son Dieu la place qui lui était due. « David
et toute la maison d’Israël s’égayaient devant l’Éternel avec toutes sortes
d’instruments de bois de cyprès : avec des harpes, et des luths, et des
tambourins, et des sistres, et des cymbales » (v. 5). Rien ne manquait à
l’expression de leur joie… et cependant il y manquait quelque chose. Les
trompettes n’y étaient pas, ces trompettes d’argent qui devaient sonner quand
l’arche se mettait en mouvement (Nomb. 10:1-10 ; conf. Ps. 150 et le v. 15
de notre chapitre). Ce n’était qu’un détail, direz-vous, comme le chariot
neuf ; mais ce détail révélait un fait d’une haute gravité, c’est que
David n’avait pas pris la parole de Dieu pour règle de sa conduite.
Hormis cela, toute la maison d’Israël était en joie. Il y avait beaucoup de piété dans cette cérémonie auguste, mais elle était gâtée par quelque arrangement humain. Pour la jouissance des coeurs, cela avait peu d’importance, mais beaucoup pour Celui qui a dit : « Écouter est meilleur que sacrifice ». Il arrive un moment où l’immixtion de l’homme dans le culte de Dieu fait boiter ce culte en quelque endroit. « Les boeufs bronchent » (v. 6), et naturellement les hommes pensent qu’ils doivent leur venir en aide, appuyer de leur bras le système qui chancelle. Ils oublient que c’est folie profane de vouloir venir en aide à Dieu. C’est le cas d’Uzza, fils d’Abinadab, le premier, le principal agent de ce transport. Il sent le besoin tout naturel de soutenir ce qu’il a fait et ne se rend pas compte qu’il porte la main sur Dieu. « Ils arrivèrent à l’aire de Nacon, et Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les boeufs avaient bronché » (v. 6).
Je parle ici du culte des enfants de Dieu, mais que ne
devrait-on pas ajouter sur le soi-disant culte du monde ? Ce n’est plus
par quelques points qu’il pèche, car sous des formes qui lui donnent une apparence
de culte divin
, il n’y a pas l’ombre d’une réalité. Cependant on ne voit
pas que le jugement de Dieu tombe sur cet état de choses. La raison en est
simple : Dieu en est absent. Il en fut autrement dans le cas d’Uzza :
« La colère de l’Éternel s’embrasa contre Uzza, et Dieu le frappa là, à cause de
sa faute ; et il mourut là, près de l’arche de Dieu » (v. 7). Son jugement
fut immédiat, car quand il est question des enfants de Dieu que le Seigneur a
placés dans une position de témoignage, il ne leur permet pas d’introduire un
élément humain dans le culte, sans leur faire sentir son jugement.
Ce qui arrive ici à David arriva aux Corinthiens qui avaient
introduit un élément charnel à la table du Seigneur. Dieu ne pouvait tolérer la
chose. « C’est pour cela », dit l’apôtre, « que plusieurs sont faibles et malades
parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment » (1 Cor. 11:30). Dieu était un
feu consumant pour eux, comme pour Uzza, et nous avons à nous en souvenir.
David a été forcé de le comprendre. Lui devant qui
l’Éternel avait fait
nue brèche contre les Philistins
à Baal-Peratsim, c’est aujourd’hui contre
lui
que le jugement de Dieu fait la brèche. « Il appela ce lieu-là du nom de
Pérets-Uzza (brèche d’Uzza) » (v. 8).
Le premier sentiment du roi est l’irritation : « David fut irrité
de ce que l’Éternel avait fait une brèche ». Cela se comprend, mais ne s’excuse
pas. Voici un homme, rempli du désir de servir l’Éternel, de lui rendre
l’honneur qui lui est dû ; le voici rempli de joie et de louanges ;
ayant tout ordonné pour rétablir le culte de son Dieu ; — il manque dans un
détail, et la colère de l’Éternel
s’embrase contre lui ! David avait un coeur plus pieux que le nôtre.
Quelle blessure à ses affections ! Comment ! — pouvait-il dire — me
juger de cette manière, quand Il voyait mon intention de le glorifier !
Au v. 9, un second sentiment s’élève dans le coeur du roi,
sentiment tout aussi peu excusable que le premier. « David eut peur
de l’Éternel en ce jour-là ». Il
détourne l’arche de son chemin. « Comment l’arche de l’Éternel entrerait-elle
chez moi ? Et David ne voulut pas retirer l’arche de l’Éternel chez lui,
dans la ville de David, mais David la fit détourner dans la maison d’Obed-Édom,
le Guitthien » (v. 9, 10). À cause de la discipline, David considère l’Éternel
comme un juge sans pitié et s’irrite contre lui. Il oublie dans ce moment que
c’était un Dieu de grâce qui l’avait choisi, conduit, gardé, rendu vainqueur,
qui avait fait de lui le porteur de la royauté sur la montagne de Sion. Il ne
peut comprendre que la grâce puisse le juger et que, plus on est près de Dieu,
moins il souffre dans les siens ce qui le déshonore. Mais Dieu va lui prouver
que d’autres profitent de ce dont il s’est privé à son grand dommage. La
présence de l’arche est une source d’abondantes bénédictions pour la maison
d’Obed-Édom, le Guitthien ; « et l’Éternel bénit Obed-Édom et toute sa
maison » (v. 11).
Enfin David a appris sa leçon ! On lui rapporte (v. 12) ce
qui s’était passé, et l’on voit que ces faits ont porté leur fruit pour sa
conscience. En 1 Chron. 15:12-13, au sujet de ce même événement, David appela
les sacrificateurs et les lévites, et leur dit : « Sanctifiez-vous, vous et
vos frères, et faites monter l’arche de l’Éternel, le Dieu d’Israël, au lieu
que je lui ai préparé. Car, parce que
vous ne l’avez pas fait la première fois,
l’Éternel, notre Dieu, a fait une
brèche parmi nous ; car nous ne l’avons pas recherché conformément à l’ordonnance ».
Cette brèche, David comprend qu’elle
a été faite à cause de sa désobéissance et qu’il ne peut y avoir de sainteté
que dans un chemin d’obéissance.
Quand l’arche avait été mise sur le chariot neuf, les sacrificateurs et les lévites n’avaient pas eu besoin de se sanctifier, mais quand ils avaient à la porter eux-mêmes, ils sont bien obligés de le faire ; ils ne pouvaient, sans se juger, entrer en contact avec les objets du sanctuaire.
Les sacrificateurs occupent donc la place que Dieu leur a assignée, mais de plus, David entre, quant au culte, dans un ordre de choses absolument conforme aux pensées de Dieu. « Il arriva que quand ceux qui portaient l’arche de l’Éternel avaient fait six pas, il sacrifiait un taureau et une bête grasse » (v. 13). David fait du sacrifice le centre même du culte. La première fois, chose étonnante, on avait oublié les sacrifices ! Le chariot (voyez l’importance d’un détail omis) n’avait pas besoin de s’arrêter, tandis que les sacrificateurs et les lévites portant l’arche, il fallait des pauses pendant lesquelles les sacrifices étaient offerts.
Et les trompettes, et la joie, et David exultant de toute sa force devant l’Éternel ! Le roi était vêtu d’un éphod de lin (v. 14), vêtement distinctif des sacrificateurs. Le voici redevenu un type de Christ dans sa gloire future. Il y a un peu de Melchisédec dans la personne de David, tel qu’il nous est présenté ici. C’est la royauté unie à la sacrificature. La bénédiction s’élève du peuple à Dieu, par la bouche de David, elle descend de Dieu sur tout le peuple par son intermédiaire (v. 17, 18).
« David dansait de toute sa force devant l’Éternel » (v. 14). Il se rendait ridicule ; c’est du moins ce que Mical, fille de Saül, sent et exprime en voyant son mari oublier sa dignité pour exalter l’Éternel seul. Il arrive souvent au monde de juger ridicule le culte rendu à Dieu par ses enfants ; et plus il sera selon Dieu, plus ceux qui le rendent seront méprisés. C’est que l’adorateur ne fait pas cas de lui-même. « Nous », dit l’apôtre, « qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair » (Phil. 3:3). David, pour lui-même, n’était rien ; il était vil : « Je me rendrai plus vil encore que cela, et je serai abaissé à mes yeux » (v. 22). Cela ne peut convenir au monde, mais grâce à Dieu, il y a des âmes simples qui comprennent cet abaissement et l’estiment un honneur quand il s’agit de l’Éternel : « Auprès des servantes dont tu as parlé, auprès d’elles, je serai honoré ».
David dansait devant l’Éternel et le faisait pour Lui, s’oubliant lui-même afin que Dieu fût glorifié. La dignité royale était dépouillée ; il n’était plus qu’un simple adorateur, rempli de joie en présence de l’Éternel des armées qui siège entre les chérubins, et qui venait définitivement faire sa demeure au milieu de son peuple.
« Ils amenèrent l’arche de l’Éternel, et la placèrent en son lieu, dans la tente que David avait tendue pour elle » (v. 17). Tout le peuple est béni et rassasié ; Mical, laissée dans son orgueilleuse solitude, à sa honte, est frappée de stérilité jusqu’à sa mort. Elle est désormais une inconnue pour David. Le caractère de cette fille de Saül était digne de celui de son père. Chez Saül, haine ; chez Mical, mépris de l’oint de l’Éternel. Il ne peut plus y avoir aucune communion entre elle et le roi qui abandonne au jugement la fille de la race déchue, tandis que lui, l’élu de l’Éternel, est établi prince sur son peuple, sur Israël.
Les deux chapitres précédents nous ont montré les changements importants produits dans les voies de Dieu envers Israël par l’établissement, en Sion, de la royauté de David. Le roi y amène l’arche, associant ainsi le trône de Dieu à son gouvernement. Ce n’est pas encore, nous l’avons vu, un état de choses fondé à perpétuité, comme sous le règne de Salomon.
C’est pourquoi nous ne trouvons pas ici l’ordre régulier du
culte. David amène l’arche à Jérusalem, mais non pas les autres objets du
tabernacle. Il dresse pour l’arche une
tente,
mais ce n’est pas la
tente du désert.
Ils placèrent l’arche de l’Éternel « en son lieu, dans la tente que David avait
tendue pour elle » (6:17). Le tabernacle
lui-même,
avec l’autel,
se trouvait autre part.
Dans le premier livre de Samuel, le tabernacle et l’arche sont à Silo. L’arche est emmenée en captivité par les Philistins, mais quand elle remonte en grâce, elle ne retrouve pas sa place en Silo, dans l’endroit où l’on pouvait s’approcher de Dieu par le sacrifice.
Dans le deuxième livre de Samuel, Silo disparaît, mais le
tabernacle n’est pas transporté à Jérusalem. On le retrouve à Gabaon, sans
qu’il nous soit dit comment il y est arrivé. Une chose est certaine, c’est que
le tabernacle et l’autel de l’holocauste sont à Gabaon lorsque David amène
l’arche sur la montagne de Sion : « Et David laissa là, devant l’arche de
l’alliance de l’Éternel, Asaph et ses frères, pour faire le service devant
l’arche continuellement, selon l’oeuvre de chaque jour… et Tsadok, le
sacrificateur, et ses frères les sacrificateurs, devant le tabernacle
de l’Éternel, au haut lieu qui était à Gabaon,
pour offrir des holocaustes à
l’Éternel sur l’autel
de l’holocauste
continuellement » (1 Chron. 16:37-41). Plus tard, lors de la peste de Jérusalem,
quand David, sur l’ordre de l’Éternel, bâtit un autel sur la colline de Morija
et y sacrifie, il est dit : « Le tabernacle de l’Éternel, que Moïse avait
fait dans le désert, et l’autel de l’holocauste, étaient en ce temps-là sur le
haut lieu de Gabaon ; et David ne put point aller devant cet autel pour
rechercher Dieu, car il était épouvanté à cause de l’épée de l’ange de
l’Éternel » (1 Chron. 21:29, 30). C’est encore à Gabaon que Salomon sacrifiait
au début de son règne : « Et le roi s’en alla à Gabaon pour y sacrifier,
car c’était le principal haut lieu ; Salomon offrit mille holocaustes sur
cet autel » (1 Rois 3:4).
Tout cela nous montre, pendant le règne de David, un état de désordre ou plutôt de grande faiblesse quant au culte de l’Éternel. Silo était virtuellement abandonné depuis la ruine de la sacrificature (Ps. 78:60, 61) ; la maison de l’Éternel n’était pas encore bâtie à Jérusalem et le culte était pour ainsi dire scindé entre l’arche de Sion et l’autel de Gabaon. Les autres ustensiles étaient restés dans le tabernacle. Ils sont mentionnés en 1 Rois 8:4. Gabaon étant une ville des fils d’Aaron (Jos. 21:17), on peut supposer que, comme pour Nob (1 Sam. 21:6), les objets du sanctuaire s’y trouvaient sous la garde des sacrificateurs.
Quoi qu’il en soit, le culte de l’Éternel, sous le règne de David,
était bien loin de ce qu’il aurait dû être. Mais une chose suffisait à David,
objet de tous ses désirs pendant ses afflictions (Ps. 132:1-8) : il avait
trouvé un lieu de repos pour le trône de l’Éternel des armées, pour l’arche de
sa force. Là où David était établi, il avait maintenant avec lui le Dieu
d’Israël, car « le nom » (6:2) représente la personne
. Sa ressource,
précieuse entre toutes, au milieu de la dispersion des objets saints, en un
temps de transition auquel allait succéder la gloire de son successeur, sa
ressource, dis-je, était la présence de Dieu lui-même
avec lui et avec
son peuple Israël.
C’est aussi, dans le jour actuel, ce qui constitue la bénédiction des fidèles. L’Église est dans un état de ruine et de véritable désordre, mais une chose nous suffit : c’est d’avoir la présence personnelle du Seigneur au milieu de nous. Ayant un tel privilège, comment nous laisserions-nous décourager par l’état de choses qui nous entoure ? Avec Lui, bien mieux que David, n’avons-nous pas le culte ? Cette présence suffisait à remplir de joie et d’actions de grâces le coeur du roi.
Au chap. 7, David habite dans sa maison : la puissance de Dieu lui a donné du repos de tous ses ennemis ; sa royauté est proclamée , l’arche est avec lui. Alors, dans son affection pour l’Éternel, il désire lui bâtir un lieu permanent de repos. L’arche pourrait-elle encore habiter « sous des tapis », dans une demeure de passage, quand David habite une maison de cèdres, solide et fondée dans sa beauté ? Il fait part de son désir à Nathan, le prophète ; désir d’un coeur pieux, car il voulait voir la gloire établie en Israël. Nathan l’approuve : « Va, fais tout ce qui est dans ton coeur, car l’Éternel est avec toi » (v. 3).
Si David s’occupait pieusement du repos de Dieu en Israël, ni lui,
ni le prophète, ne connaissaient le moment
que Dieu avait décrété pour
cela. David ne devait pas
faire ce qui était dans son coeur ; il
lui fallait dépendre de Dieu et s’attendre à Lui. Nathan ne pouvait pas
se fier à son don de prophète pour diriger David. Le roi, malgré sa piété, se
trompe ; le prophète, avec toutes ses lumières, fait erreur.
David est un homme qui dépend réellement de l’Éternel, mais en
combien d’occasions cette dépendance lui fait défaut ! Il ne pouvait pas
même se confier à son affection pour le Seigneur et venait de l’apprendre lors
de la « brèche d’Uzza » ; il devait interroger Dieu, et pas plus que le roi,
Nathan n’était exempt de cette obligation. Il faut que chacun de nous,
individuellement, ne dépende que de Dieu ; les hommes les plus pieux ne
peuvent Le remplacer. Lot marche un temps avec
Abraham
; hélas, quelle fut sa fin ! Abraham marchait avec Dieu ; considérons
l’issue de
sa conduite et imitons sa foi. Certes, nous pouvons écouter des conseils, en
demander à ceux qui sont plus avancés que nous en connaissance, en sagesse, en
vraie piété ; c’est ce que font les coeurs humbles qui n’ont pas confiance
en eux-mêmes, — mais nous ne devons dépendre
que de Dieu pour nos décisions et pour notre marche.
L’Éternel a compassion de son serviteur ; il voit dans son coeur le désir de l’honorer et lui révèle sa pensée secrète. « Il arriva, cette nuit-là, que la parole de l’Éternel vint à Nathan, disant : Va, et dis à mon serviteur, à David : Ainsi dit l’Éternel : Me bâtirais-tu une maison pour que j’y habite ? Car je n’ai pas habité dans une maison, depuis le jour où j’ai fait monter les fils d’Israël hors d’Égypte, jusqu’à ce jour ; mais j’ai marché çà et là dans une tente et dans un tabernacle » (v. 4-6). Jamais, dit-il, je n’ai pris de repos jusqu’ici ; j’ai toujours été errant avec mon peuple. Tant que l’ordre définitif n’est pas établi, je n’ai pas dit un mot au sujet d’un lieu de repos à me bâtir.
Pourquoi cela ? C’est que Dieu estimait qu’il n’avait pas
encore trouvé son repos définitif
à Lui ;
il continuait d’agir ; il sacrifiait son propre repos à celui de son
peuple, à celui de son roi, et son activité se déployait encore en leur faveur,
afin de les établir sur la montagne de son héritage, de les y planter, comme il
était dit au cantique de Moïse : « Tu les introduiras et tu les planteras
sur la montagne de ton héritage » (Ex. 15:17), et Dieu n’avait pas encore
terminé ce travail. Il veut l’achever et prend le rôle de travailleur en faveur
de ce misérable peuple ; il laisse, pour ainsi dire, entièrement de côté
ses intérêts à Lui, afin d’établir définitivement son peuple dans un repos que
rien ne viendra troubler, pour toujours. Le mot « pour toujours » caractérise
toutes les bénédictions de ce chapitre (v. 13, 16, 24, 26, 29). Telle est la pensée
de Dieu pour les siens.
Nous aussi, nous avons le Seigneur qui travaille à notre
bénédiction. N’a-t-il pas dit : « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et
moi je travaille » ? (Jean 5:17). Il n’a pas encore cessé de travailler par
son Esprit et sera à l’oeuvre jusqu’au moment où « Il verra du fruit du travail
de son âme, et sera satisfait » (És. 53:11). Alors Dieu pourra avoir du repos,
en donner à son peuple, à son Roi qu’il établira Chef sur toutes choses ;
alors il se reposera Lui-même. « Le roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de
toi : tu ne verras plus le mal. En ce jour-là, il sera dit à
Jérusalem : Ne crains pas ! Sion, que tes mains ne soient pas
lâches ! L’Éternel ton Dieu, au milieu de toi, est puissant ; il
sauvera ; il se réjouira avec joie à ton sujet : Il se reposera dans son amour
,
il s’égayera en toi avec chant de triomphe ! » (Soph. 3:15-17).
Voilà le repos de Dieu. Quand il aura introduit dans le repos tous les objets
de son amour, qu’il les aura autour de Lui, dans la gloire, sans changement
désormais, sans qu’aucun nuage puisse passer sur eux ;
Quand le Seigneur verra ce que son coeur réclame,
De son oeuvre à la croix le fruit mûr et parfait,
alors ce sera le repos de Dieu. Oui, il se reposera dans son amour. Le repos de la création a duré un jour et a été troublé ; le repos de la rédemption ne le sera jamais et durera « pour toujours ».
Le premier livre des Rois nous présente ce repos en type,
dans le règne glorieux de
Salomon, faible image de celui de Christ. Alors la justice et la paix régneront
sur la terre après s’être
« entrebaisées » sur la croix (Ps. 85:10). Et ce ne sera pas la fin. De nouveaux
cieux et une nouvelle terre succéderont aux premiers et la justice y habitera
quand son règne aura pris fin
(2 Pierre 3:13).
Avant que ces choses aient lieu, nous trouvons dans notre livre une période de transition, où Dieu travaille pour amener le plein accomplissement de ses conseils.
Dieu dit à David ce qu’il a fait pour lui : « Je t’ai pris des parcs, d’auprès du menu bétail, pour que tu fusses prince sur mon peuple, sur Israël » (v. 8). Telle était son origine. « J’ai été avec toi partout où tu as marché ; et j’ai retranché tous tes ennemis de devant toi, et je t’ai fait un grand nom, comme le nom des grands qui sont sur la terre » (v. 9). Dieu l’avait soutenu en grâce de son premier à son dernier pas ; partout il avait été avec lui et avait voulu le rendre puissant et honoré.
« Et j’ai établi un lieu à mon peuple, à Israël, et je le
planterai, et il habitera chez lui, et ne sera plus agité ; et les fils
d’iniquité ne l’affligeront plus comme au commencement, et depuis le jour où
j’ai établi des juges sur mon peuple Israël » (v. 10, 11). Quelle grâce, quelle
tendre pitié pour ce peuple ! Il l’appelle son peuple
avec délices. Et quant à David : « Je t’ai donné du
repos de tous tes ennemis », mais je veux faire plus encore pour toi. Tu
voudrais me bâtir une maison ? C’est moi qui me mets à ton service pour
t’en établir une, non pas une maison de cèdres, mais : « L’Éternel
t’annonce qu’il te fera une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu
dormiras avec tes pères, je susciterai après toi ta semence, qui sortira de tes
entrailles, et j’affermirai son royaume. Lui, bâtira une maison à mon
nom ; et j’affermirai le trône de son royaume pour toujours
» (v. 13, 14). Est-ce seulement dans la personne de
Salomon ? Non, Dieu dirige les regards de David vers Christ, la postérité
de David. Quelles pensées devaient remplir le coeur du roi, en présence d’un
tel honneur fait à sa race ! Les promesses de la grâce vont jusqu’au
royaume éternel : « Moi, je lui serai pour père, et lui me sera pour fils ».
Le fils de David sera le Fils de Dieu ! (Héb. 1:5). Quelle perspective
pour le coeur de David ! Un fleuve de grâce coule vers lui et découlera de
lui !
Après cela, Dieu parle à David de Salomon, non plus comme type
de Christ, mais comme homme faillible auquel une responsabilité sera confiée
comme tel ; il peut tomber sous la discipline et sous le châtiment de
Dieu. « S’il commet l’iniquité, je le châtierai avec une verge d’hommes
et avec des plaies des fils des hommes » (v. 14),
mais sa descendance sera établie à toujours : « Ma bonté ne se retirera
point de lui, comme je l’ai retirée d’avec Saül que j’ai ôté de devant toi. Et
ta mai
son et ton royaume seront
rendus stables à toujours devant toi, ton trône sera affermi pour toujours » (v.
15, 16).
Dieu a-t-il menti ? La descendance de David semble avoir
pris fin, les faibles vestiges de son trône paraissent tomber en poussière avec
Zorobabel, qui ne mérite pas le titre de roi, et voici déjà que la voix de
Zacharie crie à Zorobabel (Zach. 4:6-10). « Réjouis-toi avec transports, fille
de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi
; il est juste
et ayant le salut, humble et monté sur un âne, et sur un poulain, le petit
d’une ânesse » (9:9). Il n’y a donc pas d’interrègne… Mais le Messie, le vrai
roi, est rejeté par son peuple ! Sans doute, le trône est maintenant perdu
et la promesse de Dieu à David ne s’est pas réalisée ? Où est le
roi ? Où est la succession de la semence de David ? Mais non, le
trône existe ! Avant que Dieu l’établisse de nouveau sur la terre, il est
établi dans les cieux. Le fils de David est allé « recevoir un royaume et
revenir » (Luc 19:12). Il est reconnu chef de la partie céleste de son royaume,
avant que la partie terrestre lui soit soumise à son tour. « Le roi est mort,
vive le roi ! » disent les hommes en acclamant le successeur du souverain
décédé, mais le Christ est mort une fois ; le Christ, son propre successeur,
vit éternellement !
Depuis la croix de Christ et sa réjection par les Juifs, nous avons une parenthèse qui va de la formation de l’Église, jusqu’au moment où le Seigneur l’enlèvera pour l’introduire dans la gloire avec Lui. C’est seulement ensuite qu’il revendiquera ses droits sur la partie terrestre de son royaume. Toutes « les grâces assurées de David » se réaliseront en Celui dont le royaume sera affermi à toujours.
J’aime à donner pour titre à ce chapitre : « La Communion ». Dieu y confie à David toutes ses pensées, non seulement au sujet de lui et de son peuple, mais au sujet de Christ. David « entre, s’assied devant l’Éternel », et en toute liberté, en toute confiance, s’adressant au Dieu des armées qui siège entre les chérubins, lui communique ses propres pensées, les pensées de la reconnaissance la plus profonde pour tout ce que Dieu a fait pour lui. Il se réjouit avec Dieu de ce que Dieu a le dessein d’accomplir pour lui, son peuple et sa maison.
La première chose digne de remarque, c’est l’humilité du roi. Il n’a aucune pensée d’orgueil. La communion avec le Seigneur, au lieu d’élever l’homme, l’abaisse à ses propres yeux. « Qui suis-je, Seigneur Éternel ! et quelle est ma maison, que tu m’aies amené jusqu’ici ! » (v. 18). Comme il connaît bien son origine et s’en glorifie, parce qu’elle exalte le Dieu qui l’a « pris d’auprès des parcs du menu bétail ! »
Ne pouvons-nous pas dire les mêmes paroles, nous, tirés de si bas, pour avoir part à l’ère glorieuse qui va s’ouvrir ? « Qui suis-je et quelle est ma maison que tu m’aies amené jusqu’ici ! Et encore cela a été peu de chose à tes yeux, Seigneur Éternel ! et tu as même parlé de la maison de ton serviteur pour un long avenir » (v. 19). Tu as montré ta grandeur en me donnant un grand nom, à moi, un être misérable et sans valeur. Ah ! ce n’est pas moi, c’est Toi, dont la grandeur est magnifique ! « Est-ce là la manière de l’homme, Seigneur Éternel ? » (v. 19). « Et David, que pourrait-il dire de plus ? » Il se tient devant Dieu, donnant libre cours aux sentiments qui le remplissent, mais sachant que ses paroles seront toujours trop faibles pour les exprimer. Ensuite (v. 23, 24) il bénit l’Éternel de ce qu’il a fait pour son peuple.
Au v. 25 arrive la prière qui termine ce chapitre. On y trouve
le caractère d’une vraie prière de
communion
: Fais ce que tu as voulu faire et ce que tu as dit. « Que la
maison de ton serviteur David soit affermie devant toi…, car
tu as
révélé à ton serviteur, disant : Je te bâtirai une maison ». « Qu’il te
plaise de bénir la maison de ton serviteur,… car toi, Seigneur Éternel, tu as
parlé » (v. 26-29).
Nous pouvons nous former sur cette attitude. Ayant reçu dans nos coeurs les communications divines, éprouvons ce que sont les prières de coeurs qui demandent à Dieu les choses que Lui-même nous a promises, car il aime à donner les choses que nous Lui demandons, à nous accorder selon nos pensées et nos désirs, parce qu’étant le fruit de la communion avec Lui, elles sont ses pensées et ses désirs.
Après le chapitre 7 qui est, au moral, le point culminant de
toute l’histoire de David, le chap. 8 relate une série de victoires. Les
victoires de notre chapitre ont pour point de départ la communion de David avec
son Dieu, comme celles du chap. 5 étaient le fruit de sa dépendance et de son
obéissance. Quand nous sommes en communion avec Lui, Dieu n’a pas besoin de
nous discipliner, comme il le fit dans le cas d’Uzza. La communion nous permet
de marcher en avant, certains d’être dans le chemin de Dieu, sans avoir besoin
d’une instruction spéciale qui nous le fasse connaître, et nous pouvons
réaliser cette parole : « Je t’instruirai, et je t’enseignerai le chemin où
tu dois marcher ; je te conseillerai, ayant
mou oeil sur toi
». Notre chemin devient celui de Dieu, parce que nos pensées
ne diffèrent pas des siennes. Aussi est-il dit à deux reprises dans ce
chapitre : « L’Éternel sauvait David partout
où il allait
(*) » (v. 6, 14).
(*) Il faut aussi remarquer que les victoires du chap. 5 suivent l’établissement de la royauté en Sion, et celles du chap. 8, l’établissement du trône de Dieu au même lieu. Dans le premier cas, Dieu revendique vis-à-vis des nations le caractère et la dignité de son oint, dans le second, sa propre gloire comme Dieu d’Israël. Les nations devront se courber sous cette double suprématie. Je ne doute pas que des événements pareils ne précèdent l’établissement définitif des bénédictions millénaires.
Comme le Seigneur à la fin, quand il jugera les nations, David
leur applique diversement
le
jugement, soit selon le caractère de ses ennemis, soit suivant la façon dont
ils se sont conduits envers son peuple.
Il frappe d’abord les Philistins et les subjugue (v. 1), en s’emparant de leur capitale MéthegAmma (*), et ces ennemis jurés d’Israël sont privés par là de ce qui était le boulevard de leur force.
(*) « Le frein de la capitale ».
Moab est l’ennemi orgueilleux, s’élevant contre Dieu et contre son oint, le peuple cruel et sans pitié pour Israël. David en détruit les deux tiers, mais il fait grâce à un résidu auquel il conserve la vie : « Il en mesura… un plein cordeau pour les laisser vivre ». « Ils devinrent serviteurs de David : ils lui apportèrent des présents » (v. 2).
De même les Syriens de Damas, venus au secours d’Hadadézer, roi de Tsoba, vaincus par la puissance de David, « devinrent ses serviteurs : ils lui apportèrent des présents » (v. 3-6).
Aux v. 13-14, Édom est entièrement subjugué. En 1 Chron. 18:12,
c’est par la main d’Abishaï, frère de Joab ; au Ps. 60, par Joab lui-même.
Quels que soient les instruments employés, la victoire est attribuée ici à
David. Édom est la seule de toutes les nations, renaissant à la fin pour le
jugement, dont aucun « reste » ne sera conservé. Dieu le jugera sans merci pour
la manière dont il s’est comporté vis-à-vis de son peuple, car il était le plus
méchant et le plus ardent à le vouloir détruire. N’avait-il pas jadis « refusé
de laisser passer Israël par ses limites » pour entrer en Canaan ? (Nomb.
20:21). « Éternel ! » dit le résidu affligé de Babylone, « souviens-toi des
fils d’Édom, qui, dans la journée de Jérusalem, disaient : Rasez, rasez,
jusqu’à ses fondements ! » (Ps. 137:7). Le prophète Abdias, dont l’unique
sujet est le jugement d’Édom, dit : « La maison de Jacob sera un feu, et la
maison de Joseph, une flamme ; et la maison d’Ésaü sera du chaume ;
et elles y mettront le feu et la dévoreront ; et il n’y aura pas de
reste de la maison d’Ésaü
, car l’Éternel a parlé » (v. 18) ; tandis que
toutes les autres nations conserveront un « reste ». Ainsi s’accomplira à la fin
cette parole terrible de l’Éternel : « J’ai haï Ésaü » (Mal. 1:3), car, dit
Abdias, « l’Éternel a parlé ».
Un autre événement a lieu, au v. 9 de notre chapitre. Tohi, roi de Hamath, apprenant que David avait frappé Hadadézer qui était continuellement en guerre avec lui, envoie au roi son fils Joram avec des vases d’argent, d’or et d’airain. Tohi reconnaît de sa libre et franche volonté la délivrance que Dieu a opérée par David et n’offre pas ses présents par contrainte (conf. v. 2, 6).
Tout ceci nous montre que les nations auront des caractères très divers au temps de la fin. Les unes seront brisées avec une verge de fer et forcées de se soumettre ; d’autres se donneront l’apparence de la soumission, comme il est dit : « Les fils de l’étranger se sont soumis à moi en dissimulant » (Ps. 18:44 ; 2 Sam. 22:45) ; d’autres enfin, non pas comme un Tohi isolé, mais une grande foule que personne ne pourra dénombrer (Apoc. 7:9, 10), se soumettant au joug du Christ, accepteront sa victoire comme leur délivrance.
Tout le butin de la victoire sur l’ennemi (v. 11, 12), aussi bien que les offrandes volontaires de Tohi sont consacrés par David à l’Éternel. Il ne s’en attribue quoi que ce soit. À quoi ces richesses serviront-elles ? 1 Chron. 18:7, 8, nous montre qu’elles furent apportées à Jérusalem et que, de la grande quantité d’airain, Salomon fit pour le temple de l’Éternel « la mer d’airain, et les colonnes, et les vases d’airain ». Au chapitre 6, David avait donné au trône de l’Éternel la place qui lui était due dans le gouvernement du royaume. Dès lors, sa seule pensée c’est que le fruit de toutes ses victoires soit employé à orner l’habitation définitive et immuable de son Dieu au milieu d’Israël. Les victoires du chap. 5 avaient servi à l’affermissement du trône de David ; celles du chap. 8, à la glorification du trône de Dieu qui siège entre les chérubins.
Deux ou trois Psaumes se rattachent, d’une manière spéciale, aux événements de ce chapitre. Il est intéressant de voir comment les chants prophétiques de David sont le fruit de ses expériences personnelles ou s’y relient, mais aussi comment ces expériences ne sont qu’un faible facteur dans le cours prophétique des événements, une image atténuée des souffrances de Christ et des gloires qui suivront.
Le Psaume 60, se rapportant à notre chapitre, nous prouverait, si cela était nécessaire, que ces événements ne sont pas simplement l’histoire de David, mais représentent en type l’établissement futur, sur la terre, du royaume de Christ.
(*) La suscription de ce Psaume nous annonce qu’il est un « témoignage de David pour enseigner ; quand il fit la guerre contre les Syriens de Naharaïm (Mésopotamie) et contre les Syriens de Tsoba, et que Joab revint et frappa les Édomites dans la vallée du Sel, au nombre de douze mille ». Le début de ce Psaume est remarquable : « Ô Dieu ! tu nous as rejetés, tu nous as dispersés, tu t’es irrité ; ramène-nous. Tu as fait trembler la terre, tu l’as fendue : répare ses brèches, car elle chancelle. Tu as fait voir à ton peuple des choses dures, tu nous as donné à boire un vin d’étourdissement » (v. 1-3). Aucune circonstance du second livre de Samuel ne correspond à ces paroles, mais c’était bien là l’histoire d’Israël dans le premier livre. À la suite de son infidélité sous la sacrificature et sous la royauté de Saül, Israël avait, en effet, bu le vin d’étourdissement à la fin de ce livre ; il le boira, bien plus mortel encore, sous l’Antichrist.
(*) Le second livre des Psaumes, auquel appartient le Ps. 60, a
trait aux circonstances futures du résidu quand il sera chassé de Jérusalem
,
et nous amène jusqu’à l’établissement du royaume de David et à la victoire sur
les nations. Le Ps. 72 termine ce livre par le règne de Salomon établi sur son
peuple comme roi de justice et de paix.
« Tu as donné une bannière à ceux qui te craignent, pour la déployer à cause de la vérité, afin que tes bien-aimés soient délivrés » (v. 4, 5). Quelle est cette bannière ! C’est David, comme nous le voyons en Ésaïe 11:10. « Et, en ce jour-là il y aura une racine d’Isaï, se tenant là comme une bannière des peuples : les nations la rechercheront, et son repos sera gloire ». Cette bénédiction n’est que partielle dans notre chapitre : elle aura son plein accomplissement en « Jéhova-Nissi » (l’Éternel mon enseigne), en Christ, vraie racine d’Isaï, avant son établissement comme vrai Salomon dans son règne. Lui sera la bannière autour de laquelle Israël se rassemblera pour marcher de victoire en victoire. « Afin que tes bien-aimés soient délivrés » : en effet, ces victoires du vrai David seront la délivrance du résidu d’Israël.
(v. 6). « Dieu a parlé dans sa sainteté : je me réjouirai ; je partagerai Sichem et je mesurerai la vallée de Succoth ». Sichem, Succoth, nous rappellent le commencement de l’histoire d’Israël, dans la personne de Jacob, son père (Gen. 33:17-20). Ce sont les premiers endroits où il s’établit quand, après avoir erré en pays étranger, il rentre sur la terre de la promesse. Il en sera de même pour le résidu d’Israël, entourant le vrai David, et rentrant à sa suite en possession de son pays.
(v. 7). « Galaad est à moi, et Manassé est à moi, et Éphraïm est la force de ma tête ; Juda est mon législateur ». Toutes les tribus d’Israël reconnaîtront le vrai roi.
(v. 8). « Moab est le bassin où je me lave ; sur Édom j’ai jeté ma sandale. Philistie, pousse des cris de triomphe à mon sujet ! » Le Messie ayant été reconnu, les trois grands ennemis de notre chap. 8 sont subjugués ; la Philistie reconnaît hautement la suprématie de l’oint de l’Éternel.
Aux v. 9-12, le résidu demande : « Qui me conduira dans la ville forte ! Qui me mènera jusqu’en Édom ? » et répond : « Ne sera-ce pas toi, ô Dieu, qui nous as rejetés et qui n’es pas sorti, ô Dieu, avec nos armées ». Un plus grand que David, leur Messie, Dieu lui-même, sera là pour les conduire. Ce Psaume, provoqué par les expériences de David et les faits de son histoire, s’applique donc d’une manière positive à la personne du Seigneur Jésus.
Nous retrouvons ce même Ps. 60, en partie du moins, au Ps. 108:6-13, du cinquième livre. Les premiers versets (v. 1-5) sont empruntés au Ps. 57:7-11 du deuxième livre. Le Ps. 57 fut composé lors de la fuite de David devant Saül, dans la caverne. Aux v. 7 à 11, David se réjouit des résultats de la délivrance que l’Éternel a opérée en sa faveur. Il passe en quelque sorte du premier au second livre de Samuel et dit : « Mon coeur est affermi, ô Dieu ! je chanterai et je psalmodierai… Éveille-toi, mon âme ! Éveillez-vous, luth et harpe ! Je m’éveillerai à l’aube du jour. Je te célébrerai parmi les peuples, ô Seigneur ! je chanterai tes louanges parmi les peuplades ; car ta bonté est grande par-dessus les cieux, et ta vérité atteint jusqu’aux unes. Élève-toi, ô Dieu ! au-dessus des cieux ; que ta gloire soit au-dessus de toute la terre ».
Les vers. 6-13 du Ps. 108 sont les mêmes qu’au Ps. 60, mais la
pensée y diffère de celle de ce dernier ; c’est-à-dire que David remporte
la victoire, afin que l’Éternel soit célébré parmi les nations
et aussi
que
ses bien-aimés soient délivrés, tandis qu’au Ps. 60, il n’est question que de
la délivrance de ses bien-aimés.
Les circonstances du cinquième livre des Psaumes, dont le Ps.
108 fait partie, sont le retour d’Israël
dans son pays,
non pas encore sous le règne de Salomon, type de Christ
pendant le millénium, mais sous le règne de David, le roi de grâce, et en des
temps troublés (comme en 2 Sam. 8) par l’apparition de l’Assyrien
qui veut s’emparer de la terre d’Israël, à l’aube de la
période millénaire. Lorsque tous les ennemis sont défaits et que le roi
« a poussé, des cris de triomphe
sur la Philistie » (conf. Ps. 60:8), le résidu demande qui le conduira jusqu’en
Édom (vers. 10). Ésaïe 63:1-6, nous donne la réponse : « Qui est celui-ci
qui vient d’Édom … ? J’ai été seul à fouler le pressoir, et d’entre les
peuples pas un homme n’a été avec moi… Car le jour de la vengeance était dans
mon coeur, et l’année de mes rachetés était venue… Et j’ai foulé les peuples
dans ma colère ».
Ce sera la dernière des victoires successives du Messie sur ses ennemis : tout seul, il les foulera aux pieds.
Combien il est intéressant de rapporter toute l’histoire de l’Ancien Testament à son antitype, et de ne pas s’en tenir aux enseignements moraux que l’on peut en tirer, car la Parole tout entière nous parle du Seigneur Jésus. C’est Lui qu’il nous faut y chercher avant tout. Si nous étudions la Parole avec prière, sous le regard du Seigneur, elle nous amène nécessairement à la connaissance de sa Personne. Nous avons besoin d’être occupés de Lui, avant tout. Alors la gloire de son royaume, sa victoire sur les nations, la reprise de ses relations avec son peuple, seront pour nous d’un immense intérêt, bien que ces choses ne nous concernent pas personnellement. Nous nous réjouirons à la pensée de le voir occuper la place qui lui est due, car l’Éternel établira ce règne de gloire sur la terre pour Celui qui a accompli l’oeuvre merveilleuse de la rédemption, oeuvre par laquelle Dieu a été pleinement glorifié, et nous a sauvés pour toujours.
Nous sommes arrivés ici à l’une des divisions du livre. Cette
division est marquée par les v. 15 à 18 de notre chapitre. Nous les
retrouverons avec quelques modifications, au chap. 20:23-26. Ces versets nous
présentent l’ordre du règne de David,
et
le chap. 8 termine proprement l’histoire de l’établissement du roi comme type
du Messie. Mais la présence de Joab à la tête de l’armée, l’exercice de la
sacrificature par deux souverains sacrificateurs, nous prouvent que l’ordre
définitif n’est pas encore fondé, comme il le sera sous le règne de Salomon.
Les chap. 9 et 10 sont une espèce d’appendice qui présente en type, au chap. 9, la grâce du Messie envers le résidu d’Israël et, au chap. 10, cette même grâce offerte aux nations qui la repoussent, en attirant sur elles le jugement de Dieu.
Au chap. 9, la maison de Saül revient, au moment voulu, à la mémoire de David ; il cherche quelque reste de cette race pour lui faire du bien, à cause de Jonathan, son ami (v. 1). Il trouve Mephibosheth, pauvre rejeton de cette famille, portant sur sa personne la conséquence du manque de foi de la femme qui était chargée de lui.
Il en sera du Seigneur Jésus comme de David. Le temps viendra où le Messie renouera ses relations avec le résidu d’Israël dont les pères, comme Jonathan, l’avaient reconnu pendant les jours de sa réjection et, malgré leur faiblesse, l’avaient aimé comme leur âme. Ce premier résidu, converti aux jours de Jésus, a pris fin et s’est fondu, pour ainsi dire, dans l’Église chrétienne après la résurrection du Seigneur. L’Église forme, au temps actuel, la grande parenthèse qui sera fermée par la venue de Jésus pour l’enlèvement des saints. C’est alors seulement que le vrai David se souviendra des rejetons de Jonathan, postérité morale des premiers disciples juifs. Il saura découvrir cette postérité dans un résidu misérable qui jadis, ne se fiant pas à la grâce, avait tourné le dos au Messie et qui souffre maintenant des résultats de son incrédulité.
Ce résidu aura deux caractères que nous retrouvons à chaque pas
dans les Psaumes. Il portera le poids de la colère divine en gouvernement,
contre un peuple rebelle dont il aurait dû se
séparer, mais il portera aussi, comme Mephibosheth, le caractère de la grâce
qui sera son partage. Les Psaumes expriment, par la bouche du résidu, ces deux
ordres de pensées, en apparence contradictoires : 1° le gouvernement de
Dieu, s’exerçant en colère extérieure contre le résidu, parce qu’il fait partie
du peuple qui a crucifié le Messie et s’est chargé aussi de « la coulpe du sang »
(Ps. 51:14). 2° La grâce agissant dans le coeur de ces justes pour les amener à
reconnaître le Seigneur comme Sauveur et à partager la gloire de son royaume.
Relevons maintenant dans ce récit les traits qui ont rapport à nos propres relations avec Christ.
David donne cours à sa miséricorde envers ceux qu’il veut bénir.
Il n’y avait aucune raison pour que son intérêt se portât sur la maison de
Saül : de tout temps elle lui avait fait la guerre et, quant à son état
actuel, sa misère seule pouvait attirer les pensées du roi. Mais c’est
précisément la misère qui attire la grâce. David dit : « Y a-t-il encore
quelqu’un qui soit demeuré de reste de la maison de Saül ? et j’userai de
bonté envers lui, à cause de Jonathan » (v. 1), et plus loin : « J’userai
envers lui d’une bonté de Dieu » (v. 3), c’est-à-dire d’une bonté divine.
Tsiba vient lui apprendre qu’il
reste un pauvre misérable, perclus des deux pieds pour avoir fui jadis celui
qui ne pensait qu’à bénir. Le roi le fait chercher, ce Mephibosheth qui était
du nombre de ces « aveugles et boiteux
haïs
de l’âme de David » (5:8), et le boiteux se présente devant lui. De quels
sentiments devait être agité le coeur de ce pauvre infirme ! Avec quelle
angoisse il devait envisager le sort qui l’attendait ! David avait bien
dit à Tsiba qu’il userait de bonté envers un des descendants de Saül, mais,
quand il aurait devant lui le rejeton de cette race qui l’avait traqué sans
merci, songerait-il encore à exercer envers lui la miséricorde promise ?
« Et David dit : Mephibosheth ! » Il l’appelle par son nom ; ce nom que personne n’avait prononcé devant lui. David me connaît donc ; il se souvient de moi ! doit penser le misérable. Et Mephibosheth, prosterné aux pieds du roi, dit : « Voici ton serviteur ».
David fait ce que fait toujours le Seigneur quand il veut gagner
la confiance d’un pécheur ; il lui dit : « Ne crains point », quand
cette pauvre âme, effrayée du jugement attendu, se trouve aux pieds de son
juge. « Ne crains point, car certainement j’userai de bonté envers toi, à cause
de Jonathan, ton père ». Il se souvient de son alliance avec Jonathan ; il
s’était lié envers lui par des promesses qui étaient sans repentance (1 Sam.
20:14-17) ; il ne pouvait, ni ne voulait en revenir. Mephibosheth n’avait
rien à craindre, car son juge
lui dit : « Certainement,
j’userai de bonté envers toi ».
Mais David ne s’en tient pas là : « Je te rendrai tous les
champs de Saül, ton père ». Il le fait rentrer dans son héritage. Puis :
« Tu mangeras continuellement le pain à ma table ». La grâce du roi lui donne une
place des plus marquantes à sa cour. Il mange avec le roi ; et bien plus
encore : « comme un des fils du roi
»
(v. 11). David lui donne, aux yeux de tous, le titre et la relation de
fils !
Ce devait être, à le considérer, la misère même, que cet homme.
Incapable de se mouvoir, ce pauvre impotent devait être porté à la table du
roi. Que devaient penser de lui ceux du dehors qui auraient assisté à l’un des
festins du palais ! Mais pour David
il est un fils, placé dans la position la plus élevée qu’il puisse lui donner.
N’est-ce pas ce que nous trouvons en Éph. 2:6, 7 ? « Dieu nous a fait
asseoir ensemble dans les lieux célestes, dans le Christ Jésus, afin qu’il
montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce, dans sa
bonté envers nous dans le Christ Jésus ». David agit de même envers
Mephibosheth. Le fait d’être assis comme fils à sa table était, dans la pensée
du roi, mille fois plus précieux que le fait d’être héritier, aussi lui
répète-t-il ces paroles par trois fois (v. 7, 10, 13).
Remarquons que le fait d’être introduit dans cette relation très
glorieuse ne changeait rien à l’état
de
Mephibosheth. Le chapitre se termine par ces mots : « Et il était boiteux
des deux pieds ». Aux yeux des autres, à ses propres yeux, il est donc
nécessairement le même. « Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il
n’habite point de bien », dit Paul, en Rom. 7:18. Aux yeux de David, il est tout
autre chose ; il est revêtu de toute la dignité
d’un fils du roi. C’est ainsi que nous, chrétiens, qui
« n’avons aucune confiance dans la chair », nous devons rester où nous sommes,
en considérant ce que Dieu a fait de nous
. Il ne nous voit plus dans
notre misère. Pour exalter sa grâce, il donne à de pauvres boiteux des deux
pieds un droit à sa présence dans la gloire.
Que se passe-t-il dans le coeur de Mephibosheth, en se voyant l’objet d’une telle faveur ? « Il se prosterna, et dit : Qu’est ton serviteur, que tu aies regardé un chien mort tel que moi ? » Devant David il se qualifie de chien, d’être impur et méprisable, image de souillure ; un chien mort, objet infect et rebutant, qu’on repousse du pied. En parlant ainsi à David, il prenait — d’autres que lui pouvaient le savoir — la place que David avait prise vis-à-vis de Saül, son ancêtre : « Qui poursuis-tu ? Un chien mort … » (1 Sam. 24:15). Le roi puissant, devant lequel se tenait Mephibosheth, avait pris autrefois la même place que lui ; il était entré dans la connaissance, dans l’appréciation de ce qu’étaient la souillure, la mort, la réjection, pendant les jours de son affliction. C’est à un tel sauveur que Mephibosheth avait à faire.
Lorsque la Syrophénicienne se trouve en présence du Messie : « Il ne convient pas », lui dit-il, « de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ». -- « Oui, Seigneur », répond-elle. Elle accepte cette sentence. « Oui, Seigneur », c’est vrai ; je confirme ce que tu viens de dire ; je suis indigne, mais tu es la grâce en laquelle je me confie. « Même les chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants » (Marc 7:24-30). Ces paroles vont directement au coeur de Jésus. Une foi qui, malgré notre profonde indignité, ne doute nullement de son amour et de sa puissance, est sûre de recevoir en échange une abondance de bénédictions divines. Notre indignité ne sert qu’à mettre en lumière la grandeur de la grâce.
Le résidu juif de la fin arrivera aussi au jugement complet de lui-même en présence de Celui qu’il a rejeté. Il dira : Est-il possible que je ne l’aie « rien estimé », Lui, le Fils de Dieu ? Et Lui s’est servi de mon inimitié pour se laisser frapper à ma place ! Il est entré dans ma condition, comme un agneau mené à la boucherie, sans ouvrir la bouche, ayant résolu de me sauver à tout prix.
La part de Mephibosheth ne peut lui être ôtée : « Il mangera
continuellement
le pain à ma table »
(v. 7, 10 ; « il mangeait toujours à
la
table du roi » (v. 13). « Tu ne retireras point ta bonté de ma maison, à jamais ».
Il habitait
à Jérusalem, au lieu même que le roi avait choisi pour
sa demeure. Nous possédons ces mêmes privilèges et cette série de grâces qui
appartenaient à Mephibosheth, est aussi notre lot actuel et futur. Nous avons
l’héritage et nous le posséderons
. Nous habitons
dans
la maison du Père et nous y habiterons
pour
la durée des jours. Il nous fait
asseoir
à sa table ; nous y serons
à jamais. En vérité, quand nous serons à
ce festin de l’avenir, l’amour qui s’est abaissé pour nous sauver, consentira à
se faire éternellement le serviteur de notre joie !
Comme Mephibosheth, il nous faut prendre, devant la grâce, la mesure de ce que nous sommes et, nous jugeant nous-mêmes, comprendre que notre position glorieuse d’enfants de Dieu ne dépend que de l’amour dont le coeur de Christ est rempli pour de pauvres êtres tels que nous.
La grâce de David ne s’adresse pas au résidu juif seulement. Au chap. 10, il la présente à des gentils rebelles. Moab et Ammon, descendants de Lot, formaient presque un seul peuple, ayant été de tout temps alliés, ensemble et avec les ennemis d’Israël, pour nuire au peuple de Dieu. « L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel ; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais ; parce qu’ils ne sont pas venus à votre rencontre avec du pain et de l’eau, dans le chemin, lorsque vous sortiez d’Égypte, et parce qu’ils ont loué à prix d’argent contre toi, Balaam, fils de Béor, de Pethor, en Mésopotamie, pour te maudire. Mais l’Éternel, ton Dieu,… a changé pour toi la malédiction en bénédiction, car l’Éternel, ton Dieu, t’a aimé » (Deut. 23:3-5). Telle est l’ordonnance de Dieu à leur égard. Israël ne devait jamais chercher leur paix ni leur prospérité ; et cependant David désire gagner par sa grâce, si ce n’est ce peuple comme tel, du moins le coeur du chef de la nation en lui apportant des consolations.
Il en sera de même à la fin des temps : la grâce de Dieu, apportée par le règne du Christ, sera offerte aux nations. Des messagers seront envoyés pour engager les gentils à se soumettre. Une grande multitude d’entre eux trouvera aisé le joug du fils de David ; d’autres, comme Hanun, refuseront de rien accepter de Lui.
Mais cette histoire, comme celle de Mephibosheth, nous parle d’autre chose encore que du règne futur de Christ et de sa grâce offerte aux nations de la fin. Nous y trouvons aussi les voies de Dieu pour le temps actuel.
« David dit : J’userai de bonté envers Hanun, fils de Nakhash, comme son père a usé de bonté envers moi » (v. 2). Nous n’avons aucune raison de penser que ce Nakhash ne soit pas le même qui nous est présenté au premier livre de Samuel, ch. 11, et dont l’orgueil et la fureur désiraient se satisfaire en crevant l’oeil droit de tous les habitants de Jabès de Galaad, pour jeter l’opprobre sur Israël. Dieu les délivra par la main de Saül, mais nous voyons combien cet homme méchant et sanguinaire était ennemi du peuple de Dieu, et son caractère naturel fait ressortir d’autant plus ce que notre chapitre dit de lui.
« Son père a usé de bonté envers moi ». La Parole n’en dit rien dans le récit des pérégrinations de David ; le premier livre des Chroniques n’en fait aucune mention. L’histoire, en un mot, ne s’en souvient pas — mais David, type de Christ, se souvient d’un acte de bonté de la part de cet homme qui devait le haïr comme futur roi d’Israël. En un temps où l’oint de l’Éternel était rejeté, ce Nakhash (Dieu avait en tout cas la haute main dans tous ses actes) lui avait montré de la bienveillance.
Il peut arriver que le monde, qu’un homme appartenant au monde
ennemi du peuple de Dieu, fasse une chose pour Christ, laisse parler son coeur,
pour offrir quelque secours à ceux qui représentent ici-bas le Seigneur Jésus.
Cet homme peut oublier son acte, le monde aussi peut l’oublier ; il n’est
consigné nulle part, mais le Seigneur ne l’oublie pas. Un tel homme n’en reçoit
pas au ciel
une récompense, mais les yeux, le coeur, les pensées du
Seigneur Jésus sont attirés vers lui ; il ne veut pas rester le débiteur
de celui qui, bien qu’ennemi dans le fond, a fait quelque chose pour Lui.
« David l’envoya consoler par ses serviteurs au sujet de son père ». Nakhash
était mort ; il avait été, sans doute, un bon roi pour son peuple, et Hamm,
son fils et son successeur, affligé de cette grande perte, avait besoin d’être
consolé. David pense à lui.
Il en est de même aujourd’hui. Le Seigneur n’oublie rien, et en
échange d’un acte de bonté à son égard, accompli par un homme méchant, il lui
envoie de quoi le rendre heureux. Ce sont des consolations
, des choses
qui peuvent réconforter l’âme sur laquelle pèse la douleur introduite dans le
monde par le péché. David connaissait les besoins de Hanun ; il savait
pouvoir les remplacer par des sentiments de douceur et de joie. Il ne lui
envoie ni présents, ni richesses, ni honneurs, mais ce qui vaut infiniment
mieux, de quoi le consoler. Il l’envoie par ses serviteurs ; recevoir
ceux-ci, c’était le recevoir lui-même.
Il en est ainsi de l’Évangile annoncé au monde. Combien il est encourageant de penser que le Seigneur a les yeux sur chacun et qu’il n’oublie pas les coeurs des pécheurs, portés vers Lui, ne fût-ce qu’un seul moment, pour leur offrir ses bénédictions, à eux et à leurs enfants.
Quel bonheur pour Hanun, s’il avait compris les intentions du roi. La grâce est toujours le caractère de David. Elle fait de lui le type remarquable du Seigneur Jésus, sans parler de ses souffrances et de ses afflictions. Ne l’a-t-il pas montrée, cette grâce, dans le cours même de ce livre, en présence du triste sort de Saül, du sort tragique d’Abner et d’Ish-Bosheth ? David n’a que du bien à dire de ses ennemis ; il oublie leur animosité et leurs outrages ; son coeur noble et large s’élève au-dessus de toute considération personnelle pour ne considérer ses adversaires qu’à la pure lumière de la grâce. C’est ainsi que Jésus envoie à ses pires ennemis l’heureux message du salut !
Hanun ne le reçoit pas. S’il avait été seul, peut-être son coeur eût-il été touché ; il ne chasse pas immédiatement les messagers, mais il est mal conseillé ; les chefs des Ammonites excitent sa défiance : « N’est-ce pas pour reconnaître la ville, et pour l’explorer, et pour la détruire, que David t’a envoyé ses serviteurs ? » Combien, lorsque Jésus n’est pas connu, ces suggestions réussissent aisément ! Ces gens, disent-ils, sont des hypocrites ; leur but est de nous faire la guerre.
Ah ! que de fois, par ces insinuations, les serviteurs du Seigneur ont été arrêtés dans leur oeuvre pour gagner des âmes à Christ !
Le monde a plus de confiance dans l’opinion de ses conseillers que dans le message de Christ, et ces derniers feront tout pour détourner de l’Évangile ceux des leurs qui auraient quelque inclination à le recevoir. De la défiance à l’outrage il y a moins de distance qu’il ne semblerait.
« Hanun prit les serviteurs de David, et fit raser la moitié de leur barbe, et fit couper leurs vêtements par le milieu jusqu’au bas des reins, et les renvoya » (v. 4). C’était la plus grande ignominie qu’on pût infliger aux ambassadeurs d’un roi. Il leur fallait traverser le territoire d’Hanun, déshonorés, à demi-nus, objets de risée et de moqueries. Est-il étonnant qu’ils fussent « très confus » ? David envoie à leur rencontre pour leur dire : « Habitez à Jéricho jusqu’à ce que votre barbe ait poussé ; alors vous reviendrez » (v. 5).
Le dernier message de grâce — et combien Hanun se doutait peu
que ce fût le dernier — a été repoussé. La conséquence en est un jugement
terrible qui commence dans ce chapitre et continue dans les suivants, jugement
sans pitié, produit par l’indignation pour l’outrage
fait à la grâce.
Quand les fils d’Ammon virent qu’ils s’étaient mis en mauvaise odeur auprès de David, ils « envoyèrent, et prirent à leur solde des Syriens de Beth-Rehob et des Syriens de Tsoba, vingt mille hommes de pied, et le roi de Maaca avec mille hommes, et ceux de Tob, douze mille hommes. Et David l’apprit, et il envoya Joab et toute l’armée, les hommes forts » (v. 6, 7).
On outrage le Seigneur Jésus et l’on a peur de Lui ; on se montre son ennemi et, voulant éviter le jugement, l’on fait une confédération pour lui résister. « Pourquoi s’agitent les nations, et les peuples méditent-ils la vanité ? Les rois de la terre se lèvent, et les princes consultent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint. Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes ! Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera. Alors il leur parlera dans sa colère, et, dans sa fureur, il les épouvantera : et moi, j’ai oint mon roi sur Sion » (Ps. 2:1-6). Les événements se développent rapidement dans le monde. Le moment n’est pas éloigné où la confédération des peuples parlera ainsi contre l’Oint de l’Éternel. Malheur à eux ! Le moment n’est pas loin non plus où l’Éternel se moquera d’eux et où il exaltera, par son jugement, Celui qu’il a oint roi sur Sion.
Nous retrouvons ici, chez David, quelques signes de faiblesse. N’aurait-il pas dû se mettre à la tête de son armée au lieu de la confier à Joab ? Il semble que cette vie de luttes continuelles lui pesait un peu, et qu’il pensait pouvoir remettre à d’autres la conduite de la guerre, pour s’accorder un peu de repos.
Les fils d’Ammon sortent pour faire face à l’armée d’Israël, tandis que les nations alliées cherchent à la tourner. Joab combine habilement son plan de bataille. Plaçant son frère Abishaï contre les Ammonites, lui-même fait face aux Syriens. Il dit à son frère : « Si les Syriens sont plus forts que moi, tu me seras en aide ; et si les fils d’Ammon sont plus forts que toi, j’irai pour t’aider ». Joab ajoute : « Sois fort, et fortifions-nous à cause de notre peuple et à cause des villes de notre Dieu ; et que l’Éternel fasse ce qui est bon à ses yeux » (v. 11, 12). Commençons par être forts, dit Joab. Combattons pour l’honneur de notre nation, et à cause des villes de notre Dieu. Voilà ce que nous avons à faire, et que l’Éternel fasse ensuite ce qu’il jugera bon ; nous ne refusons pas son aide. C’est un peu la devise du monde : Aide-toi, le ciel t’aidera. La piété de Joab ne dépasse pas ce niveau.
Joab remporte la victoire, mais une victoire inutile. Les fils
d’Ammon et les Syriens s’enfuient ; les premiers rentrent dans leur ville.
Ils sont plus battus que vaincus ou faits prisonniers. La bataille est sans
fruit ; c’est à recommencer. David avait remis aux mains de l’homme ce que
Dieu lui
avait confié. La leçon est pleine de mansuétude, car David ne
subit pas de défaite ; mais l’enseignement du Seigneur le fait rentrer
dans le vrai chemin.
Les Syriens se rassemblent de nouveau ; alors « David
assembla tout Israël, et passa le Jourdain, et vint à Hélam ; et les
Syriens se rangèrent en bataille contre
David,
et se battirent avec lui.
Et les
Syriens s’enfuirent devant Israël ; et David tua aux Syriens sept cents
chars et quarante mille cavaliers, et il frappa Shobac, chef de leur armée, et
il mourut là. Et tous les rois qui étaient serviteurs d’Hadarézer virent qu’ils
étaient battus devant Israël, et ils firent la paix avec Israël, et le
servirent. Et les Syriens craignirent d’aider encore aux fils d’Ammon ». C’est
une victoire réelle et complète, si complète que les rois se soumettent à
Israël.
David devait tirer instruction d’un tel fait. Il s’était soustrait à sa responsabilité, mais maintenant il avait appris à l’école de Dieu le danger de cette abstention.
Restent les fils d’Ammon ; la tâche est plus difficile, nous allons le voir. Mais nous assisterons aussi aux terribles expériences de David pour n’avoir pas appris, une fois pour toutes, la leçon que le Seigneur lui donnait d’une manière si miséricordieuse.
Du chap. 11 au chap. 20, nous avons l’histoire de David, roi responsable. Ces chapitres racontent la chute terrible du roi, la discipline qui l’atteint, les conséquences de sa faute, et enfin son relèvement. Le eh. 20, se termine, comme nous l’avons dit plus haut (conf. 8:15-18), par l’énoncé de l’ordre de son royaume, mais d’un ordre moins complet que le premier, David n’y étant plus le type du Messie.
Fait très remarquable, le premier livre des Chroniques ne dit
pas un mot de l’histoire de Bath-Shéba, d’Ammon et de Tamar, d’Absalom, et de
la fuite de David et de la restauration du roi. Les trois premiers versets de 1
Chron. 20 contiennent le premier verset de 2 Sam. 11 et les versets 29-31 du
chap. 12. Silence absolu sur tout le reste. L’explication en est simple. Cette
omission est une des innombrables preuves d’un plan divin dans les différents
livres de la Bible. Le livre des Chroniques ne nous parle pas du roi responsable
et, comme tel, mis à l’épreuve, mais du roi, établi en grâce et en bénédiction selon les conseils de Dieu.
Au chap. 21, nouvel appendice, nous montrant le jugement de la maison de Saül.
Les chap. 22 et 23 relient les paroles de David, type de Christ, aux paroles de David, roi responsable.
Enfin, après l’énumération des hommes forts de David, le livre se termine, au chap. 24, d’une manière admirable par le sacrifice de Morija qui, comme on l’a dit, « arrête par grâce la colère de Dieu et établit le fondement du lieu de culte où Il peut se rencontrer avec Israël ».
En lisant ce chapitre, un sentiment de profonde humiliation emplit le coeur de tout enfant de Dieu. Il y a plus de trente siècles que ces faits se sont passés, mais trente siècles écoulés n’empêchent pas que Dieu ait été déshonoré par un de ses serviteurs. Le péché a pu être effacé, mais l’outrage fait à Dieu subsiste.
Le péché est d’autant plus grave qu’il a lieu dans la vie de cet homme qui, malgré plus d’une faiblesse, avait reçu le témoignage que « la méchanceté » n’avait jamais été trouvée en lui (1 Sam. 25:28). Et voici qu’au milieu de sa carrière, ce serviteur de Dieu devient adultère, hypocrite et meurtrier ! Ah ! si nous avons quelque zèle pour la gloire du Seigneur, quelque affection pour ses rachetés, pleurons de voir un David, reniant tout son passé, fouler aux pieds la sainteté de l’Éternel, lui qui devait en être le représentant devant le monde ! Qu’il est humiliant de penser que David, le bien-aimé, ait pu compromettre le nom de l’Éternel invoqué sur lui, lui qui avait été favorisé d’une proximité si spéciale avec Dieu et comblé de grâces merveilleuses !
La vie des croyants offre, dans son ensemble, des caractères très différents :
On voit des croyants, ou des chrétiens, mal commencer leur carrière, mais, apprenant à se juger sous la discipline, finir bien leur course, et parfois d’une manière glorieuse. Ce fut le cas de Jacob, dont les jours furent « courts et mauvais », mais dont la vie se termina en pleine vision de la gloire.
On voit plus fréquemment des croyants qui commencent bien leur carrière et la finissent mal. C’est l’histoire de Lot qui, n’ayant pas la foi d’Abraham, marchait cependant sur ses traces. Sa vie se déroule ensuite dans l’affaiblissement moral causé par son amour pour les biens terrestres, et se termine de la manière la plus honteuse. C’est l’histoire de Gédéon, humble et se défiant de lui-même, courageux pour purifier sa maison des faux dieux, puis chef d’Israël et vainqueur de Madian — ensuite, tout à la fin, faisant pécher sa maison et tout le peuple par un éphod dont il fait une idole. C’est enfin l’histoire de Salomon. Il avait tout : sagesse, justice pratique, oubli de lui-même, connaissance des pensées de Dieu, désir de le glorifier, puissance. Dieu se sert de lui pour porter aux générations futures les sentences de la sagesse. Salomon finit mal. Il aime beaucoup de femmes étrangères qui détournent son coeur après leurs dieux. Le serviteur du vrai Dieu devient idolâtre !
Entre ces deux chemins, nous voyons celui d’un croyant qui, du commencement à la fin, marche fidèlement, sans broncher, dans l’esprit de sainteté personnelle et de séparation du monde. Ce fut le cas d’Abraham, dont la foi et la dépendance ne se démentirent que rarement, et qui jugeait toujours sa marche quand elle avait troublé sa communion avec Dieu. Mais ce fut, avant tout, le chemin de Christ, le sentier uni du parfait serviteur, comme nous le trouvons au Ps. 16. Là pas une tare : confiance absolue, complète obéissance, dépendance parfaite, justice pratique sans défaut, sainteté divine dans un homme, foi inébranlable, amour sans limite, espérance sans défaillance. Devant un tel chemin il ne reste qu’à adorer. Mais nous pouvons le suivre et il nous en donne la capacité et la puissance. Il y aura toujours entre Lui et nous la différence du parfait à l’imparfait, du fini à l’infini, mais, tant que nos regards ne se détournent pas de Lui, nous trouvons le secret d’une marche qui le glorifie jusqu’au bout dans ce monde.
Le cas de David est rare, mais non unique, dans l’Écriture. David a bien commencé et bien fini, mais le milieu de sa carrière a été un effondrement moral. On pourrait citer aussi l’histoire de l’apôtre Pierre sur laquelle nous n’insisterons pas.
Pourquoi Dieu a-t-il permis cette chute de David ? La réponse est pleine d’instruction et, dans un sens, très précieuse pour nous. Comme Abraham est un modèle de foi, David, dans le premier livre de Samuel, est un modèle de grâce. Partout la grâce s’épanouit chez lui et domine ses voies. Vis-à-vis de ses ennemis, de ses amis, de tous ceux qui l’entourent, il la manifeste toujours. Son coeur est rempli de l’amour de Dieu, pénétré d’une ineffable tendresse. Sincères sont les larmes qu’il répand sur Saül, son persécuteur ; il a tout oublié, et il ne reste place dans son coeur que pour la grâce. Et cependant il a suffi que cet homme fût livré un moment à lui-même pour qu’il fût plongé dans les ténèbres et que toute trace de ce qui le remplissait auparavant fût effacée.
Il nous faut des exemples pareils pour apprendre à connaître la chair en nous : « En moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’y a point de bien ». Il n’y a pour elle ni culture, ni purification, ni amélioration possible ; la seule place qui lui convienne est d’être clouée à la croix.
Après la confession du péché devant Dieu, cette chute si rapide
est suivie d’un travail long et douloureux de relèvement. Pierre versait des
larmes amères en sortant de la cour, témoin de son reniement, mais ce n’est pas
alors qu’il retrouve la communion avec le Seigneur. De même pour David, ce ne
fut que plus tard qu’il put célébrer la grâce d’un coeur parfaitement libre. Il
ne suffisait pas qu’il l’eût manifestée plus ou moins fidèlement dans sa
carrière ; Dieu voulait lui montrer sa
grâce à Lui
, pleine et entière, en des circonstances qui avaient fait de
David un meurtrier. Misérable objet de jugement, il devient celui dans lequel
Dieu exalte et glorifie sa grâce triomphante.
Mais comment un homme de Dieu a-t-il pu tomber d’une telle
hauteur ? L’Éternel lui avait confié une autorité et une responsabilité.
Il devait en user dans l’activité incessante de la foi, pour servir l’Éternel
et son peuple. Que fait David ? Il se
repose.
C’était en la saison où les rois de la terre se mettent en
campagne ; car les gens du monde déploient souvent plus d’activité pour la
réussite de leurs desseins, que les chrétiens pour le service de Christ. Ces
derniers pensent pouvoir se reposer un moment, s’asseoir au bord du chemin.
Mais nous n’avons pas été engagés comme serviteurs pour être des esclaves
paresseux.
« Alors David envoya Joab et ses serviteurs avec lui, et tout Israël ». Ce qu’il avait appris à la fin du chap. 10, aurait dû le placer, cette fois encore, à la tête de son armée. Tel est le début, souvent insignifiant, d’une chute. Une fois, deux fois, Dieu parle à son serviteur pour le reprendre ; il manque, Dieu le restaure : il retombe, Dieu le laisse suivre son chemin. David reste à Jérusalem ; un peu d’oisiveté le détache des intérêts de la guerre. Un passant survient : c’est la convoitise. Les yeux du roi sont attirés par un objet qui lui paraît désirable ; sa chair est conquise ; l’autorité dont il dispose sert son désir ; le mal est consommé ; l’oint de l’Éternel est un adultère !
Combien a-t-elle duré, la satisfaction de sa chair ? À peine la faute est-elle commise qu’elle porte ses fruits… une grossesse. La circonstance est grave, le roi est plein d’appréhension. Son caractère est compromis, son péché va être dévoilé ; il faut le cacher. On agit toujours ainsi quand on a perdu le sentiment de la présence de Dieu. David est aux prises avec les circonstances ; il s’y débat, veut les diriger, et, dans son aveuglement, ne voit pas que Dieu les conduit.
Il fait venir Urie du camp, s’enquiert hypocritement de Joab, du
peuple, de la guerre (v. 7). En avait-il cure ? Toutes ses pensées
n’étaient-elles pas tendues vers le seul but de cacher son péché ? Urie,
envoyé par le roi auprès de sa femme, a couché, avec tous les serviteurs, à
l’entrée du palais. « Pourquoi », dit le roi, « n’es-tu pas descendu dans la
maison ! » Belle réponse d’Urie : « L’arche, et
Israël, et Juda, habitent sous des
tentes
; et mon seigneur Joab et les serviteurs de mon seigneur
campent dans les champs, et moi, j’entrerais dans ma maison ? » (v. 11).
C’était à l’école de David qu’il avait appris ce dévouement. Au chap. 7:2,
David ne disait-il pas à Nathan : « Regarde, je te prie ; moi j’habite
dans une maison de cèdres, et l’arche de
Dieu habite sous des tapis
» !
Ce désir pieux et ce témoignage de David avaient été reçus, avaient
porté des fruits dans son entourage. Urie parle comme le David d’autrefois.
Quel reproche involontaire il adresse à son maître vénéré ! Cet homme est
un simple et noble coeur. Dieu, dit-il, m’appelle à un service, à une activité
pour Lui, et tant qu’il ne se repose pas, je ne puis me reposer.
David ne tient aucun compte de ces paroles sérieuses ; sa seule préoccupation est de pousser Urie à l’acte par lequel le roi puisse couvrir son péché. Il enivre son serviteur et, malgré cela, Urie reste ferme dans sa décision. David se débat, comme un oiseau dans sa cage, sans ressource contre la main qui l’y a enfermé. Satan lui suggère le seul moyen d’échapper à la publicité de sa faute ; il devient le meurtrier d’Urie, responsable du même péché que son peuple commettra plus tard, en mettant à mort « le juste » qui ne lui résiste pas (Jacq. 5:6). Il prend Joab, meurtrier lui-même, pour complice, lui qui avait dit : « Que le sang d’Abner tombe sur la tête de Joab » (3:28, 29), et devient l’esclave de l’homme qui avait tout intérêt à l’asservir.
À la nouvelle de la mort d’Urie, tué près de la muraille de
Rabba avec quelques-uns des « hommes forts », David fait dire à Joab : « Que
cela ne soit pas mauvais à tes yeux,
car
l’épée dévore tantôt ici, tantôt là » (v. 25). Arrivé à ses fins il rassure son
complice, puis il prend dans sa maison Bath-Shéba qui devient sa femme et lui
donne un fils.
L’histoire, au lieu d’être terminée, ne fait que commencer. À la
fin de ce chapitre, rempli de corruption et de honte, on trouve un petit mot,
la seule chose à laquelle David n’eût pas pensé, la seule dont il eût dû se
souvenir : « La chose que David avait faite fut mauvaise aux yeux de l’Éternel ».
Prenons garde à nos voies. Pour tomber il ne faut qu’un instant, mais pour éviter une chute nous avons à veiller longuement sur ce qui la précède. Oui, que notre vigilance soit journalière, pour ne pas marcher dans un « chemin de chagrin » et pour être conduits « dans la voie éternelle » (Ps. 139:24). Dans cette voie tout est paix pour nos âmes ; c’est le chemin de la vie qui aboutit à la jouissance sans nuages de la présence de Dieu : « Ta face est un rassasiement de joie, il y a des plaisirs à ta droite pour toujours » (Ps. 16:11).
Un certain temps s’était écoulé depuis la faute de David. La guerre contre Ammon, commencée au chapitre précédent qui, à lui seul, embrasse les événements de près d’une année, cette guerre continuait encore. Le siège de Rabba n’était pas achevé, et nous savons qu’à cette époque, le siège d’une ville pouvait durer des années. Pendant toute cette période, la conscience de David était restée muette, quoique son péché fût sur lui, et le fruit de sa transgression devant ses yeux.
L’Éternel intervient alors, après avoir longtemps attendu la repentance ; Nathan le prophète, porteur de sa parole, vient de sa part réveiller l’âme du roi. — Comme ce chapitre diffère du 7° ! En un temps de prospérité et de joie, tout entier au service de l’Éternel, David n’avait qu’une pensée : bâtir une maison à son Dieu. Une première fois, le Seigneur lui avait envoyé Nathan pour lui annoncer que le moment n’en était pas venu, mais aussi pour lui ouvrir les trésors de sa grâce, car son but était de réjouir l’âme de David. Aujourd’hui la scène a changé. Le prophète lui est envoyé pour le placer dans la lumière d’un Dieu saint et juste, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal et qui doit le juger.
Nathan parle en parabole, et David aveuglé ne voit pas que ce récit le concerne. Il y avait, dit le prophète, deux hommes dans une ville, l’un riche, l’autre pauvre ; l’un possédant du gros et du menu bétail, l’autre, une seule petite brebis qu’il chérissait. Un voyageur entra chez l’homme riche qui, pour épargner son propre bétail, prit la brebis de l’homme pauvre et l’apprêta pour l’homme qui était venu chez lui.
Ayons l’oeil sur un tel voyageur, car nous sommes tous exposés à
recevoir sa visite dans nos maisons. Assurément, quand il se présente, mieux
vaut lui fermer la porte. Ce voyageur, c’est la convoitise, une convoitise passagère,
non pas de celles
qu’on loge et nourrit habituellement chez soi. Ce voyageur était entré chez le
roi, sachant qu’il y trouverait de quoi se nourrir. Nos coeurs aussi,
contiennent toujours les éléments voulus pour succomber aux tentations de
Satan. David, oubliant la dépendance de Dieu, avait cru pouvoir se reposer, au
lieu de servir et de combattre. Ces éléments suffisaient pour que le voyageur
se fît ouvrir la porte, et marquât son passage de désordres et de ruines.
« La colère de David s’embrasa fort contre l’homme ; et il dit à Nathan : L’Éternel est vivant, que l’homme qui a fait cela est digne de mort ; et il rendra la brebis au quadruple, parce qu’il a fait cette chose-là et qu’il n’a pas eu de pitié » (v. 5, 6). Le coeur, la conscience de David sont en mauvais état et cependant son jugement reste juste. Quoiqu’étant lui-même sous le joug du péché, il le juge sévèrement chez les autres. Quand il ne s’agit pas de nous-mêmes, nous avons souvent un discernement clair et complet du mal chez autrui, sans que nos propres coeurs soient jugés (Matt. 21:41).
« Et Nathan dit à David : Tu es cet homme ! » Quel subit effondrement ! David a prononcé sa propre sentence ; il est digne de mort ! Ce coup atteint nécessairement son coeur, mais il descend jusqu’aux couches profondes de sa conscience. Placé soudain dans la lumière, un pécheur qui ne connaît pas Dieu peut être convaincu, avoir la bouche fermée, sans que cette conviction pénètre plus avant, mais, pour l’enfant de Dieu, un tel état ne peut être que momentané.
L’Éternel rappelle maintenant à David tout ce qu’il a fait pour
lui : « Je t’ai oint pour roi sur Israël, et je t’ai délivré de la main de
Saül, et je t’ai donné la maison de ton seigneur, et les femmes de ton seigneur
dans ton sein, et je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda ; et si
c’était peu, je t’eusse ajouté telle et telle chose » (v. 7, 8). Les trésors de
ma grâce étaient à toi, et tu as péché en présence de mon amour !
« Pourquoi as-tu méprisé la parole de
l’Éternel,
en faisant ce qui est mauvais à ses yeux ? » En quoi
l’avait-il donc méprisé ? Dieu l’avait comblé de bénédictions, et il leur
avait préféré la satisfaction de ses convoitises !
Le même jugement est prononcé contre Éli (1 Sam. 2:30), parce
qu’il avait honoré ses fils plus que Dieu. Il craignait l’Éternel, mais l’avait
méprisé en laissant ses fils fouler aux pieds son sacrifice et son offrande
qu’il avait commandé de faire dans sa demeure. Aussi l’Éternel lui dit :
« Ceux qui me méprisent
seront en
petite estime ». Nous trouvons la même vérité en Luc 16:13 : « Nul serviteur
ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou
il s’attachera à l’un et méprisera
l’autre
: vous ne pouvez servir
Dieu et les richesses ». Avoir comme objets de convoitise les choses que ce
monde peut offrir, c’est mépriser Dieu. L’âme s’en doute généralement fort peu,
mais Dieu l’estime ainsi.
« Parce que
tu m’as méprisé
», répète-t-il au v. 10.
David avait préféré le péché à Dieu. Quelle chose affreuse ! Nos consciences ne nous disent-elles rien ! Chaque coeur naturel a des convoitises qui l’attirent. Par « convoitises », il ne faut pas entendre seulement les souillures du monde, mais « la convoitise des yeux, la convoitise de la chair, l’orgueil de la vie », la vanité, les plaisirs, l’ambition. Ces choses trouvent un facile accès dans le coeur du chrétien, et combien de jours et d’années se passent souvent sans que nous leur fermions la porte ? Chaque fois que nous l’ouvrons à cet hôte, nous méprisons le Seigneur lui-même. De là le jugement de Dieu sur son serviteur.
Les grâces accordées à David, étaient terrestres ; les nôtres sont « des bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ ». Ces choses ont-elles un tel prix pour nos coeurs, qu’ils n’aient plus aucun asile à offrir « au voyageur » ? La discipline et le jugement du Seigneur tomberont sur nous, dans le mesure où nous accueillons ou rejetons cet hôte.
Le prophète annonce à David trois choses : « L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais ». Dieu n’a pas révoqué cette parole de sang. Puis (v. 11, 12) : Tu as semé pour la chair, tu en récolteras la corruption. Ces deux choses qui, dès l’origine, ont caractérisé le monde assujetti au péché (Gen. 6:11), allaient devenir les hôtes habituels de la maison du pauvre roi coupable.
Avant de nous exposer au gouvernement de Dieu en discipline,
souvenons-nous que ce gouvernement est inflexible.
Nous ne pouvons éviter les conséquences de nos actes, de notre
conduite ; toute la parole de Dieu nous le prouve. La première épître de
Pierre nous montre que, même sous l’économie de la grâce, les principes du
gouvernement de Dieu sont immuables. Sans doute, l’âme d’un chrétien qui tombe
doit être restaurée, mais dans ce monde
il n’est pas délivré des conséquences de son acte.
David en a fait l’amère expérience jusqu’au bout de sa carrière, quoique son âme, pleinement restaurée, ait pu recommencer à chanter sur la harpe les « doux cantiques d’Israël ». La discipline elle-même devient alors un thème nouveau pour célébrer les richesses de la grâce.
Nathan ne dit qu’un mot : « Tu es cet homme », pour
convaincre David. Celui-ci ne dit qu’un mot en la présence de Dieu : « J’ai
péché contre l’Éternel
». Quand
l’âme a vu cela, elle a fait un pas immense. Lorsqu’un chrétien est tombé et
que Dieu a mis à nu son péché, l’on trouve habituellement chez lui la
confession de sa faute : « J’ai péché ». Mais qu’importe cela, une fois ce
péché mis en lumière ? David dit : « J’ai péché contre l’Éternel »,
non pas : J’ai péché contre Urie, ou contre
la femme d’Urie. Nos péchés contre les autres peuvent nous être pardonnés par
ceux que nous avons offensés ; nous pouvons remédier, dans une certaine
mesure, à nos péchés contre nous-mêmes, mais qu’avons-nous à dire, quand nous
avons péché contre l’Éternel ? On dit : « J’ai péché » ; on est
honteux de son péché, parce que les hommes le voient, mais c’est autre chose
quand on est convaincu que ce qu’on a fait a été « mauvais aux yeux de
l’Éternel ».
Ayant produit cette conviction complète de péché, Dieu ne fait
pas attendre longtemps son pauvre serviteur coupable. Il ne lui dit de nouveau
qu’une parole : « Aussi l’Éternel a fait passer ton péché ». Il ne dit
pas : L’Éternel fera,
mais « a
fait
passer ton péché ». Il s’était occupé à l’avance du péché de son serviteur ;
il a pourvu à ce qu’il fût ôté de dessus lui et qu’il n’en fût plus question
devant Dieu. C’est ce que nous trouvons à la croix de Christ.
Nathan dit ensuite à David : « Tu ne mourras pas ; toutefois, comme par cette chose tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer, le fils qui t’est né mourra certainement. Et Nathan s’en alla dans sa maison » (v. 14, 15). « Tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer ». Telle est la conséquence que le monde tire de nos fautes. Satan emploie chacun de nos péchés pour produire, dans le coeur des hommes, une aversion ouverte contre Dieu et contre Christ. Voilà, dit le monde, où les conduit leur religion ; et Dieu est blasphémé. Satan excite les convoitises chez un chrétien, non seulement pour pouvoir l’accuser, mais pour produire chez les hommes témoins de sa chute, de l’aversion contre Christ, afin qu’ils ne se tournent pas vers Lui pour obtenir le salut.
La violence et la corruption dans sa maison avaient été annoncées à David comme fruit de son péché. La troisième chose est la mort de son enfant. La mort s’abat, non pas sur lui, coupable, mais sur son fils chéri. Il faut que le jugement de Dieu atteigne, d’une façon visible et immédiate, aux yeux de tous, la maison du roi. L’enfant tombe malade : le pauvre père est dans l’affliction, le jeûne, les supplications. S’il était possible que Dieu lui fît grâce ! Non, la discipline doit avoir son cours. Quel supplice pour ce coeur, dont la tendresse était extrême, devant la victime innocente de sa faute !
L’enfant meurt. David se lève de terre, se lave, s’oint d’huile
et change de vêtements. C’est comme un nouvel homme, commençant une nouvelle
carrière. Il entre dans la maison de l’Éternel et se prosterne. Est-ce pour
mener deuil ? Non, mais pour reconnaître la justice, la sainteté, l’amour
de Dieu, la revendication de son caractère dans la discipline. David se relève restauré
;
il peut entrer dans sa maison et se faire servir à manger. Après s’être courbé
devant Dieu, il est en chemin pour retrouver la communion avec Lui.
Ses serviteurs lui disent : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu as jeûné et tu as pleuré à cause de l’enfant, pendant qu’il était en vie ; et quand l’enfant est mort, tu te lèves et tu manges ». David répond : « Tant que l’enfant vivait encore, j’ai jeûné et j’ai pleuré, car je disais : Qui sait : l’Éternel me fera grâce, et l’enfant vivra ? Mais maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? Pourrais-je le faire revenir encore ? Moi, je vais vers lui, mais lui ne reviendra pas vers moi » (v. 21-23). « Je vais vers lui ». David est satisfait maintenant de porter, jusqu’au bout de sa carrière, le sceau de cette discipline dont la mort de son fils est le témoin. « Lui ne reviendra pas vers moi ». Cette joie ne peut être la part de David, mais il accepte comme nécessaire, le chemin de la mort, dans lequel il aura à marcher désormais pour retrouver son fils.
Le roi peut maintenant consoler Bath-Shéba. La grâce coule de nouveau vers lui. Il a un fils qu’il nomme Salomon (le pacifique) et que Dieu fait appeler par Nathan du nom de « Jedidia » (le bien-aimé de l’Éternel). La grâce introduit Bath-Shéba, que sa souillure empêchait d’avoir part aux bénédictions, dans la lignée du Messie (Matt. 1:6). Elle devient la mère du roi de paix et de gloire. La grâce aime à se montrer envers des êtres déchus qu’elle associe à Christ, pour manifester dans les siècles à venir qu’elles sont ses « immenses richesses ».
Pour se rendre compte de la manière dont l’âme de David fut
restaurée, il est nécessaire de considérer le Ps. 51. D’autres Psaumes font
allusion aux mêmes circonstances, mais, selon notre habitude, nous ne citons
dans ces méditations que les Psaumes, dont le titre fait allusion aux
événements qui les ont occasionnés. Tel est le Ps. 51 : « Psaume de David ;
lorsque Nathan le prophète vint à lui, après qu’il fut entré vers Bath-Shéba ».
Ce Psaume, prophétique comme tous les Psaumes, dépasse de beaucoup les
circonstances de la vie de David. Ainsi : « Fais du bien, dans ta faveur, à
Sion ; bâtis les murs de Jérusalem » (v. 18), a trait à des événements
futurs. La « coulpe du sang » n’est pas seulement le meurtre d’Urie, mais celui
du Messie. David lui-même, comme nous le verrons dans la suite de cette
histoire, est le type du résidu de Juda, placé sous la colère gouvernementale
de Dieu. Ce même Psaume peut aussi être employé dans la prédication de
l’Évangile pour décrire l’état d’un pécheur
, revenant à Dieu, comme le
fils prodigue, et disant : « J’ai péché contre le ciel et devant
toi » ; mais, ce que nous cherchons ici, ce sont les sentiments individuels
produits dans l’âme du croyant
, privé de la communion par sa chute, et
ayant perdu la joie de son salut
.
Deux pensées dominent dans le coeur de David au début de ce Psaume ; la première, c’est que la grâce est la seule ressource de sa transgression (v. 1) ; la seconde, qu’il a péché contre Dieu seul (v. 4) (parole sortie, comme nous l’avons vu, de la bouche de David en présence du prophète), « afin que tu sois justifié quand tu parles, trouvé pur quand tu juges ». J’ai péché, dit le roi, en sorte que la justice contre le péché soit manifestée. Ô Dieu ! tu trouves moyen, par mon péché, de te justifier toi-même. Tu te justifies en montrant que tu ne supportes pas le péché. Pour moi, c’est la condamnation absolue, mais toi, tu sauras en tirer ta gloire ! Ce sont là des sentiments dignes d’un saint que Dieu amène jugé et humilié en sa présence.
Ensuite le Psaume nous montre trois états du coeur chez le croyant restauré. Ces trois états et leurs conséquences sont dépeints dans les trois divisions de ce Psaume.
(v. 1-6). Premier état du coeur, décrit par ces mots :
« Voici, tu veux la vérité
dans l’homme intérieur, et tu me feras
comprendre la sagesse
dans le secret de mon coeur ». « La vérité dans le
coeur », Dieu veut tout d’abord la produire, en nous introduisant devant Lui
quand nous avons péché. Souvent l’âme juge un acte
et ne va pas plus
loin, mais ce n’est pas encore toute
la vérité dans le coeur. David juge
son acte : « Car je connais mes transgressions, et mon péché est continuellement
devant moi » (v. 3) ; mais il juge encore son état
: « Voici,
j’ai été enfanté dans l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçu » (v. 5).
Il ne lui suffit pas de juger son péché
; il juge le péché
en lui, ce qu’il a été dès sa naissance. Il ne se contente pas de dire :
« J’ai outragé Dieu », mais il remonte à la source de cet outrage et comprend que
la raison de tout ce mal était dans son coeur. La sagesse consiste à discerner
ces choses.
(v. 7-13). La vérité dans le coeur a porté ses fruits : un
second état du coeur en est la conséquence : « Crée-moi un coeur pur
,
ô Dieu ! et renouvelle au dedans de moi un esprit droit » (v. 10). De
quelle manière ce coeur pur pouvait-il être produit ? « Purifie-moi
du péché avec de l’hysope, et je serai pur
; lave-moi, et je serai
plus blanc que la neige » (v. 7). Il parle de l’hysope avec lequel on faisait
aspersion du sang sur le lépreux, puis du lavage d’eau. Sous la loi, à chaque
péché, l’aspersion du sang devait être renouvelée ; pour nous, le
sacrifice a été offert une fois pour toutes ; mais en outre, l’âme du
croyant a besoin continuellement du lavage d’eau par la Parole, appliqué par
notre Souverain Sacrificateur aux souillures contractées pendant la
marche : « Lave-moi
, et je serai plus blanc que la neige ». — Mais,
pour avoir un coeur pur, il faut autre chose que notre purification
personnelle : « Cache ta face de mes péchés, et efface toutes mes
iniquités » (v. 9) ; il est nécessaire que Dieu lui-même ne s’en
souvienne plus
. Pour un saint de l’Ancien Testament, ce n’était pas une
chose faite, et nous ne pourrions nous exprimer de la même manière que ce v.
9 ; mais, quand nos coeurs ont été purifiés de toute iniquité, nous nous
présentons devant Dieu avec la conscience
qu’il ne s’en souvient plus.
La conséquence en est le retour de la joie du salut, et l’esprit
d’affranchissement qui nous soutient.
Aux v. 14-19, nous trouvons un troisième et dernier état de
coeur, état qui, depuis sa chute et son relèvement, caractérisera désormais
David jusqu’à la fin de sa carrière. « Les sacrifices de Dieu sont un esprit
brisé
. Ô Dieu ! tu ne mépriseras pas un coeur brisé et humilié
»
(v. 17). Ce qui le brise, c’est de se trouver en présence de « la coulpe du
sang » (v. 14), de penser qu’il a versé le sang du juste Urie, image prophétique
du sang de Christ versé par Israël, et qui reste sur ce peuple et ses
descendants jusqu’au moment où le résidu retournera à Lui, le coeur brisé et
humilié. Nous aurons, par la suite, à revenir sur ce sujet ; mais
n’oublions pas que Dieu nous discipline pour nous amener, par degrés, du coeur
vrai et du coeur pur, au coeur brisé, seule condition qui nous convienne en
présence de la croix, seul sacrifice que Dieu accepte avec celui de la louange
(v. 15), seul état du coeur qui ne nous expose pas à des chutes nouvelles.
L’âme de David est restaurée, sa conscience purifiée, son coeur humilié ; — malgré cela, il faut que les voies du gouvernement de Dieu à son égard aient leur cours. Ce que Nathan a prédit : « L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais… je susciterai de ta propre maison un mal contre toi… je ferai cette chose-là devant tout Israël et devant le soleil », tout cela doit infailliblement s’accomplir : David en subira la nécessité, avec un coeur brisé.
Les choses rapportées dans ce chapitre sont odieuses. C’était « une infamie en Israël » (v. 12, 13). La parole de Dieu les relate, parce qu’elle est « la vérité », et nous dépeint l’homme tel qu’il est, dans toute sa laideur, pour nous faire horreur de sa corruption. Ces faits affreux d’immoralité et de violence sont le fait de deux fils de David, Amnon et Absalom, aussi éloignés de Dieu l’un que l’autre. Un ami, parent et conseiller, Jonadab, se trouve là pour pousser Amnon dans le bourbier (v. 4, 5) ; ce même homme connaîtra plus tard le complot d’Absalom sans s’y opposer (v. 32).
Combien sont courtes et vaines les délices du péché ! À peine a-t-on trempé ses lèvres dans la coupe, que déjà l’on en goûte l’intolérable amertume ! « Amnon haït Tamar d’une très grande haine, car la haine dont il la haït était plus grande que l’amour dont il l’avait aimée » (v. 15). Il a immédiatement horreur de cette pauvre victime involontaire de son acte infâme. Il juge tout, excepté lui-même. Absalom, violent et fourbe, se venge par le fratricide du déshonneur de sa soeur.
Cependant, chez David restauré, une chose me frappe, comme étant
d’une application plus générale. Il manque d’un certain discernement spirituel
qui n’était pas dans son caractère avant sa chute. Déjà tout était en règle
entre son âme et Dieu quand, au chap. 12:26-31, il était allé faire le siège
de Rabba. Le jugement des fils d’Ammon était juste et selon les pensées de Dieu,
mais il semble que David mêle ses impressions personnelles, soit à la victoire,
soit à la vengeance. Son sens spirituel n’a plus le ressort
d’autrefois.
Il prend la couronne du roi et la met sur sa tête, tandis que jadis (ch.
8:11 ; conf. 1 Chron. 20:2) il avait consacré à l’Éternel tous les trésors
des nations. Il exerce sur le peuple une vengeance cruelle, dont 1 Chron. 20:3,
qui nous présente le roi selon les conseils de Dieu, omet au moins une partie.
Jamais en d’autres temps David n’avait fait de telles choses.
Mais il y a plus. Dans notre chapitre 13, toutes les intentions bienveillantes de David, ses désirs de concorde entre ses enfants, tournent contre lui. Il agit involontairement en sens inverse de ce qu’il faudrait. Ainsi c’est lui qui, au v. 7, envoie Tamar dans la maison d’Amnon. Plus tard, quand Absalom mûrit la pensée du meurtre, David cherche d’abord à résister, pensant que, s’il cède à la prière de son fils, il pourrait en résulter du mal ; mais il cède, envoyant, pour sauvegarder Amnon, ses autres fils avec lui. Tout cela ne dénote peut-être pas un jugement spirituel bien affiné.
Le v. 39 nous apprend en outre que le méchant Absalom était le fils du coeur de David. « Le roi David languissait d’aller vers Absalom, car il était consolé à l’égard d’Amnon, parce qu’il était mort ». Dans le chapitre suivant, David se laisse facilement persuader de faire rentrer Absalom à Jérusalem, et cette décision est la cause immédiate de tous les désastres qui surviennent ensuite. Sans doute, Dieu accomplit par là ses desseins, mais tous ces faits nous offrent une sérieuse instruction. Quand un croyant est tombé en se livrant à sa propre volonté, son âme, même restaurée, a perdu un certain ressort spirituel ; s’il lui est arrivé de mépriser ou de considérer comme peu importante la communion avec le Seigneur et qu’il l’ait perdue, il lui faut un certain temps pour retrouver l’intelligence spirituelle qui accompagne cette communion. C’est comme si la chute avait amené chez le croyant un arrêt de croissance spirituelle.
Toute âme qui s’expose à la discipline du Seigneur et à celle de l’Assemblée, en donne fréquemment l’exemple. Elle peut être restaurée, retrouver la communion de Dieu et des saints ; une force secrète a fui sous l’action du péché, et peut-être ne la retrouvera-t-elle jamais.
Que Dieu nous donne d’estimer sa communion comme une chose très précieuse, si précieuse que nous soyons jaloux de ne pas la perdre, ainsi que la force et le discernement qui l’accompagnent.
Nous avons remarqué plus haut que le premier livre des Chroniques garde le silence sur les événements qui nous occupent. Dans notre récit, David n’est plus qu’incidemment le type de Christ, mais représente plutôt le résidu restauré, traversant la tribulation sous la culpabilité de la mort du Juste. Cependant toutes les expériences de David dans ces chapitres sont aussi pour nous d’une application immédiate, parce que, placés comme lui dans une position de responsabilité, nous sommes des objets de discipline comme lui.
Le chap. 14 nous montre comment Joab réussit à gagner le coeur de David. Nous avons déjà remarqué que Joab ne fait jamais une chose qui ne lui soit utile. S’il a embrassé la cause de David, ce n’est pas par affection, quoiqu’il fasse preuve d’un certain attachement à son maître, mais parce qu’il estime le parti de David le plus propre à satisfaire ses vues ambitieuses. Elles n’allaient pas jusqu’à la royauté ; il était assez avisé pour savoir que l’accès au trône lui était fermé ; son ambition se bornait à être généralissime, ministre de la guerre, conseiller du roi. Si quelque obstacle à ses desseins se dressait devant lui, il était prompt à le surmonter et un crime ne l’arrêtait pas.
Avant tout, Joab cherchait à se rendre indispensable. Le meilleur moyen était de se faire le serviteur des faiblesses du roi. Quand David se débarrasse d’Urie en le remettant aux mains de Joab, ce dernier n’a pas une parole de reproche ; il agit sans hésitation. David coupable a gagné un complice discret, mais qui, par sa discrétion même, est devenu son maître. La réputation du roi dépend désormais de Joab. Seulement les plans de ce dernier sont déjoués par l’intervention divine. Dieu parle, David se reconnaît coupable ; la lèpre, au lieu de rester cachée, est publiquement manifestée et reconnue dans l’humiliation et dans les larmes, non seulement devant Dieu, mais devant les hommes.
Ainsi tous les plans de Joab sont déjoués, tous ses intérêts lésés ; il ne peut plus dominer son maître par son crime secret : il lui faut s’y prendre autrement pour regagner son influence. Au moment de s’emparer de Rabba, déjà privée de la source d’eau qui l’alimente, Joab fait dire à David : « Maintenant assemble le reste du peuple et campe contre la ville, et prends-la, de peur que moi je ne prenne la ville et qu’elle ne soit appelée de mon nom » (12:28). Quel désintéressement ! Mais ne regagne-t-il pas ainsi son ascendant sur le coeur du roi ? David obéit ; nous avons vu, dans le chapitre précédent, que sa victoire sur Babba n’est pas en faveur de son instinct spirituel, mais Joab redevient indispensable et retrouve l’ascendant qu’il avait perdu.
À la fin du chap. 13, le roi languissait après Absalom. C’était une fâcheuse faiblesse. Absalom était un meurtrier ; la loi de l’Éternel ne permettait pas à David de languir après lui. Le meurtrier tombait entre les mains du vengeur du sang, et l’expiation ne pouvait être faite que par le sang de celui qui l’avait versé (Nomb. 35:33). David l’avait montré pour l’Amalékite, pour Baana et Récab. Absalom, rentrant de son exil volontaire, la sentence devait être exécutée. L’épargner, c’était ajouter une désobéissance à une transgression. Le fait d’avoir épousé Maaca, fille de Talmaï, roi de Gueshur (Absalom s’était réfugié chez son grand-père), était une transgression de David. Talmaï était un des rois cananéens épargnés par l’infidélité du peuple (Jos. 13:2-3) ; tout mariage avec eux était interdit à Israël (Ex. 34:15, 16). Bien avant que cette interdiction fût prononcée, le sens spirituel d’Abraham lui en avait fait une loi (Gen. 24:3). David s’était servi de la puissance souveraine pour enfreindre cette ordonnance, au lieu d’obéir à la loi.
Tous ces faits humiliants auraient dû imposer silence aux
affections de David ; mais Joab veille, intéressé à ce que le roi ne suive
pas le simple chemin de l’obéissance. « Joab, fils de Tseruïa, s’aperçut
que le coeur du roi était pour Absalom » (v. 1). Il n’est pas homme à n’en pas
profiter et prépare une intrigue indigne, pour amener David à rappeler le
fugitif à Jérusalem. Les paroles qu’il met dans la bouche de la femme thekohite
portent à supposer chez Joab l’arrière-pensée que David pourrait désigner
Absalom comme son successeur : « Ils ont dit : Livre celui qui a
frappé son frère, afin que… nous détruisions aussi l’héritier
» (v. 7). « Pourquoi as-tu pensé ainsi contre le peuple
de Dieu ? » (v. 13). « L’homme
qui veut nous exterminer, moi et mon fils ensemble, de l’héritage
de Dieu » (v. 16). En vérité, on peut voir dans les
paroles de cette femme, que Joab avait la pensée de se ménager pour l’avenir
une position auprès d’Absalom, qui lui serait certainement reconnaissant de
l’avoir ramené à la cour.
Et Joab avait l’audace, pour accomplir cette machination, de se
porter garant, auprès du roi, des pensées de Dieu : « Dieu ne lui a point
ôté la vie, mais il a la pensée
que
celui qui est chassé ne demeure plus chassé loin de lui ! » (v. 14).
En tout cela David était excusable, sans doute, si nous pensons
aux sentiments naturels d’un père pour son fils, mais coupable comme serviteur
de Dieu. L’Éternel lui avait désigné, par la bouche du prophète (12:24, 25),
celui de ses fils sur lequel reposait son choix ; c’était Salomon, fils de
Bath-Shéba, que Dieu avait appelé « Jedidia, le bien-aimé de l’Éternel ». Joab se
rendait compte que le coeur
de David caressait en secret, sans se
l’avouer peut-être clairement à lui-même, la pensée d’avoir Absalom pour
successeur. Entre la parole positive de Dieu et les insinuations intéressées de
Joab, le roi pouvait-il hésiter ? Il aurait dû comprendre qu’Absalom,
malgré tous ses avantages extérieurs (v. 25-27), quoiqu’il fût un homme plus
beau et peut-être tout aussi imposant que Saül, ne pouvait être l’homme des
conseils de Dieu. Il avait vu son frère Éliab, dont même un Samuel
pensait : « Certainement l’oint de l’Éternel est devant lui » (1 Sam. 16:6),
mis de côté, malgré sa belle apparence, pour lui faire place, à lui, le pauvre
gardeur de brebis. C’est une chose sérieuse de nous laisser diriger par nos
affections naturelles, quelque légitimes qu’elles soient, et non par le
jugement spirituel que Dieu nous a donné.
Ce n’est certes pas qu’à cette époque tout ne fût que faiblesse
chez le roi bien-aimé. Il y avait dans son coeur une corde divine que l’on ne
faisait jamais vibrer en vain. Joab le savait bien et ne manque pas de s’en
servir. L’appel à la grâce trouvait toujours un écho chez David ; la
Thekohite vient donc plaider pour la grâce, auprès de lui. Le roi cède,
oubliant, que la grâce n’est pas seule en cause ; Dieu est aussi un Dieu
juste, et l’on ne peut exalter sa grâce aux dépens
de sa justice. Le conseil de Joab, suivi par David, le conduit à
un abus de la grâce, d’autant plus sérieux que ses sentiments naturels étaient
en jeu. C’est comme le miel dont le mélange avec les sacrifices était interdit
(Lévit. 2:11). La grâce ne doit donner aucune place aux sentiments, aux liens
humains, à la douceur de la nature humaine. Tel ne fut pas le cas de David.
Cédant à son amour paternel, il ne discerne pas suffisamment l’oeuvre de
l’ennemi, quoiqu’elle ne pût lui échapper entièrement : « La main de Joab
n’est-elle pas avec toi dans tout ceci ? » (v. 19). La femme avoue :
« Joab a fait cela » (v. 20) ; et le roi dit à Joab : « Voici, j’ai fait cela
» (v. 21). Il prend
maintenant la responsabilité de ce que Joab a voulu faire. L’ennemi, Absalom,
est reçu à Jérusalem, et quel ennemi !
Cependant David ne veut pas que le coupable se présente devant lui. Joab accepte la décision de son maître. Une fois, deux fois, il refuse de voir Absalom qui le fait appeler, sentant qu’il est de son intérêt d’être avec le roi. Absalom, dans son emportement, fait mettre le feu au champ de Joab, usant de violence envers celui qui, après avoir plaidé sa cause, était allé le chercher à Gueshur et l’avait ramené à Jérusalem, comptant s’en faire un obligé. Joab, poussé par ses intérêts, vient s’enquérir auprès d’Absalom des raisons de son acte, et il lui faut, contre son gré, intercéder auprès de David pour qu’il consente à revoir son fils.
En Absalom, Joab a trouvé son maître. Dieu permet toutes ces choses. Il s’est déjà servi des ruses, de l’habileté, de la méchanceté, de la cruauté de Joab, pour accomplir ses desseins ; il va se servir d’Absalom dans le même but, et ses voies ne seront, en définitive, que grâce envers David. Mais Joab est obligé d’obéir à celui qu’il pensait dominer. Il ne l’oubliera pas. Absalom est devenu un obstacle à ses vues, une puissance sur laquelle il ne peut plus compter et qui se tourne contre lui. Quand le moment sera propice, Joab tuera Absalom.
Si Joab, tout en coopérant avec David, n’a aucun des mobiles de
cet homme de Dieu, le caractère d’Absalom est, dès le début, celui d’un
réprouvé, fils, au moral, de Satan qui est « meurtrier dès le commencement ».
Plus tard, tous les mauvais instincts de sa nature se donnent carrière pour
atteindre son but. Il use de flatteries, prend l’apparence de la justice, du
désintéressement (v. 3, 4), de l’amour (v. 5), pour « dérober les coeurs des
hommes d’Israël » (v. 6). Il trompe les simples (v. 11), feint de rendre culte à
l’Éternel et de le servir (v. 7, 8), tout cela pour s’emparer de la royauté et
se substituer à l’oint de l’Éternel, à son propre père sur son trône, — car il
hait son père, il hait tout ce qui n’est pas lui-même. Il s’allie avec
Akhitophel qui avait auprès du peuple la réputation qu’aurait eue un prophète,
car « le conseil que donnait Akhitophel, en ces jours-là, était comme si on se fût enquis de la parole de
Dieu
». Il s’exalte enfin, se déifie presque de son vivant (18:18).
Tous ces traits caractériseront à la fin des temps le grand ennemi du roi d’Israël, « l’Antichrist », « l’homme de péché », et « l’inique » (2 Thess. 2:3, 8). Il séduira le peuple, supportera son culte national pour le renverser ensuite, s’élèvera et s’exaltera lui-même jusqu’à se faire adorer comme Dieu, se fera passer pour le vrai Messie, niera le Père et le Fils, réunira dans sa personne le faux roi avec le faux prophète. Nous le trouvons caractérisé au point de vue juif, dans le livre de Daniel (11:36-39), et le Seigneur avertit ses disciples, premier noyau du résidu juif de la fin, aussi longtemps que le Messie vivant au milieu d’eux n’avait pas encore été rejeté, de s’enfuir dès qu’ils verraient établie dans le temple de Jérusalem, l’abomination dont Daniel avait parlé.
C’est ce qui arrive ici. David fuyant devant Absalom est un type frappant des Juifs fidèles de la fin. Des deux côtés la coulpe du sang innocent d’Urie, du sang du Messie rejeté ; des deux côtés l’âme restaurée à la suite de ce crime ; des deux côtés l’intégrité du coeur, mêlée au sentiment profond de la faute ; des deux côtés enfin, les conséquences de la faute, subies sous le gouvernement de Dieu qui ne peut laisser le crime impuni, mais qui soutient l’âme restaurée, au milieu de la colère apparente qu’elle doit porter aux yeux de tous, comme un fardeau dont elle sait que Dieu la délivrera à la fin pour la ramener dans la joie sans nuage de sa présence.
David, un si beau type de Christ au commencement de sa carrière, est devenu, par son péché, un type du résidu souffrant. Seulement, tout le long des Psaumes, le résidu est encouragé en trouvant, par la bouche de David prophète, que le Messie lui-même est entré d’avance, en sympathie et pour lui montrer le chemin, dans les tribulations et les détresses que lui, le résidu, devra subir. Les fidèles seront ainsi fortifiés chaque jour par les paroles prononcées par l’Esprit de Christ, et dans lesquelles ils trouveront, au milieu de leur détresse, l’expression prophétique de leur foi et de leur confiance en Dieu. Nous allons donc rencontrer, dans cette partie de l’histoire de David, les expériences de l’âme sous les conséquences de sa faute et les encouragements que lui donne l’Esprit de Christ, sous le gouvernement de Dieu (*).
(*) Il est très digne de remarque que la série des Ps. 3 à 7, servant de préface à tout le livre des Psaumes (**), commence par le « Psaume de David, lorsqu’il s’enfuyait de devant Absalom, son fils ». De fait, cette série tout entière appartient à cette période, comme le montre le Ps. 7, qui mentionne les outrages de Shimhi relatés en 2 Sam. 16. Tout cela prouve que la fuite de David devant Absalom est bien un type prophétique de la position et des sentiments du résidu dans les Psaumes. Ajoutons encore que le Ps. 71, ainsi qu’une portion du livre 2 dont il fait partie, se rapporte directement à cette période de l’histoire de David.
(**) Les Ps. 1 et 2 en sont le sommaire. Ils présentent les deux grands sujets des Psaumes : le caractère des fils du royaume (Ps. 1), et les conseils de Dieu au sujet du Messie (Ps. 2). On y trouve l’indication de tous les personnages du drame : les justes, le peuple apostat, les nations, le Messie.
David s’enfuit en hâte, dès qu’il apprend que les coeurs des
hommes d’Israël suivent Absalom. Ce n’est ni lâcheté, ni faiblesse de sa part,
c’est de la foi
. La foi ne suivra jamais le chemin que l’homme naturel
aurait choisi. Qui n’eût opposé dans ce moment une armée bien aguerrie à une
conjuration naissante ? Qui n’eût tenté, une fois au moins, le sort des
armes, quand tout Jérusalem était encore avec le roi légitime ? David
fuit, non parce qu’Absalom est le plus fort, mais parce qu’il est la verge de
Dieu levée en châtiment sur son serviteur. Mais ce n’est pas à lui seul que
David pense, c’est à Jérusalem, la ville de l’Éternel, à laquelle il veut
épargner une épreuve ou une ruine que sa résistance lui attirerait.
Donc, le roi sort et s’arrête au bord du Cédron. Cette fuite hâtive est cependant si calme qu’elle a plutôt l’air d’un cortège royal que d’une défaite. C’est qu’elle est dominée par le sentiment profond qu’on est avec Dieu dans la tribulation. Le roi fugitif devient immédiatement le centre du peuple dans cet exode. Derrière lui sa maison et tout le peuple qui lui est resté fidèle ; à ses côtés ses serviteurs ; à l’avant-garde ses guerriers. N’est-il pas frappant que les hommes d’armes ne forment point l’arrière-garde, quand l’ennemi se trouve sur les talons de ce peuple sans défense ? Non, ils marchent devant le roi, ses hérauts, ses témoins par le chemin du désert. Les compagnons d’Absalom pouvaient considérer cette marche comme une déroute ; les Keréthiens, les Peléthiens et les Guitthiens y voyaient un suprême honneur. Or remarquez ceci : au moment où le vrai roi d’Israël devient un étranger et un fugitif par la rébellion de son peuple, des étrangers sont mis à la place d’honneur. Les Keréthiens et les Peléthiens, des tribus philistines, émigrées, dit-on, de la Crète, les Guitthiens, des gens de Gath, quittant la capitale de la Philistie et leur pays d’origine pour associer leur sort à celui de David. Leur roi d’autrefois avait perdu son autorité sur eux ; le roi de l’Éternel était devenu la boussole qui les orientait désormais.
Tout cela nous parle de Christ. Rejeté d’Israël, il est devenu
le centre d’attraction pour les nations étrangères aux promesses et qui
n’avaient aucun droit aux bénédictions du peuple. Rejeté, il est devenu bien plus
encore, le centre de tout, celui que les siens suivent avec délices, parce
qu’ils ne trouvent de sécurité qu’auprès de Lui dont le monde n’a pas voulu,
parce qu’ils savent
que le temps de sa réjection prendra fin, et que
ceux qui ont partagé ses tribulations partageront certainement sa gloire. Oui,
le centre de tout, cet homme qui garde encore son aspect d’étranger, méprisé du
monde — modèle à suivre — objet de service, car ses serviteurs l’entourent,
attentifs à ses volontés — objet de témoignage — et de quel heureux
témoignage ! …
C’est dans cette période de l’histoire de David que les coeurs
se manifestent. Sous le régime du trône, il est plutôt question de soumission
que d’amour, mais un Christ rejeté attire le dévouement, et c’est dans ces
circonstances qu’on peut voir si les siens Lui sont attachés. Il y en eut à
Jérusalem, en ces temps-là, qui s’accommodèrent fort bien de la domination
impie d’Absalom, mais grâce à Dieu, il y eut des coeurs dévoués qui ne
doutèrent pas de David et surent, malgré tout, que l’Éternel était avec lui,
qui lièrent leur sort au sort du roi, et ne craignirent pas de se compromettre
en déclarant ouvertement lui appartenir. Ah ! la peur de se
compromettre ! Il n’est point étonnant de la trouver chez des chrétiens
qui n’ont de chrétien que le nom et qui, au fond, appartiennent au monde et ne
veulent pas s’en séparer. Mais, chez les enfants de Dieu, quelle honte !
Quoi, vous n’osez pas confesser le nom de votre Sauveur devant les
hommes ? L’opinion du monde a donc sur vous une telle influence ? Son
opprobre n’est pas votre suprême honneur ? Voulez-vous donc agir en
ennemis de la croix de Christ ? N’est-ce pas ce qui faisait pleurer
l’apôtre, quand il voyait des hommes portant Son nom, préférer les choses de la
terre à l’opprobre de la croix ? (Phil. 3:18).
Itthaï, le Guitthien, était différent de ces gens-là. Tout se
réunissait pour l’excuser de ne pas lier son sort à celui de David. Étranger,
émigrant qui n’avait pas encore acquis un droit de bourgeoisie en Israël, venu
d’hier, il était moralement comme le petit enfant qui s’essaie à ses premiers
pas. David lui-même n’attendait pas de lui l’effort qu’il fallait pour le
suivre. « Retourne- t’en », lui dit-il, « et emmène tes frères. Que la bonté et la
vérité soient avec toi ! » Il le bénit même, pour lui faire bien comprendre
qu’en de telles circonstances un manque de décision ne lui serait nullement
imputé à mal. Eh bien ! cet étranger fait preuve d’une grande foi. Il ne
faut, pour une grande foi, ni beaucoup d’intelligence, ni une longue vie
chrétienne ; il suffit d’avoir une haute idée du Seigneur, de savoir que
rien ne peut l’égaler ni lui être comparé, que Lui seul est capable de
satisfaire complètement tous les besoins. David a beau l’excuser, lui donner
congé, l’exhorter à s’en retourner, rien ne le convainc ; il reste, il ne
connaît pas d’autre place, pas d’autre maître. Qui pourrait-il servir, si ce
n’est David ? Absalom n’est-il pas l’ennemi de son seigneur ? Qui
l’arrêterait ? La mort ? mais si David doit mourir, la mort est
bienvenue à Itthaï. Il s’y attend et la met en première ligne : « Soit pour
la mort
, soit pour la vie ». La vie vient pour lui après la mort. De
quelque manière, en quelque lieu que ce soit, là où David sera, « là aussi sera
son serviteur ». Comme de tels sentiments rafraîchissent le coeur du roi
fugitif, celui de notre bien-aimé Sauveur. Ce qu’Itthaï désire, Jésus nous le
promet : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et où je suis, moi,
là aussi sera mon serviteur : si quelqu’un me sert, le Père l’honorera »
(Jean 12:26). Le Seigneur nous dit : Dans la mort, peut-être, mais dans la
gloire, à coup sûr. En le servant, nous sommes assurés de la gloire, puisque
c’est là qu’il se trouve à toujours. Remarquons encore que le coeur du Père est
satisfait du dévouement à son Fils. L’avons-nous servi dans l’humiliation,
alors nous pouvons être certains que le Père nous donnera une place d’honneur
pour ne pas avoir craint de partager son opprobre devant le monde. Un pauvre
Guitthien ignorant aura cette place ; une pauvre Moabite l’occupera aussi,
elle qui n’avait pas hésité à suivre Naomi, aïeule du roi fugitif : « Ne me
prie pas de te laisser, pour que je m’en retourne d’avec toi ; car où tu
iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon
peuple, et ton Dieu sera mon Dieu » (Ruth 1:16).
« Va, et passe ! » dit le roi à Itthaï, et il passe le torrent du Cédron, tournant le dos à l’ennemi triomphant, ayant en face de lui le chemin du désert (v. 23). Qu’importe ! David est son berger, il ne manquera de rien.
Quel contraste entre cet étranger et Pierre, le disciple juif, qui avait suivi le Seigneur dès le commencement. Ah ! comme il était prompt à dire, sans que Jésus le lui demandât : « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller et en prison et à la mort » (Luc 22:33). Pierre pensait à ce qu’il était, Itthaï à ce que son seigneur était pour lui. Pauvre Pierre ! Sa foi était, sans qu’il s’en doutât, la plus petite, la plus misérable qu’il fût possible de voir, car il avait une haute idée de lui-même.
Voici maintenant Tsadok et Abiathar apportant l’arche de l’Éternel. David la refuse ; il ne peut accepter un tel honneur. L’arche est entrée dans son repos et ne peut recommencer avec David les pérégrinations du désert. David reprend ici le rôle du résidu repentant et souffrant. Les nations pourront, avec une apparence de raison, lui demander : « Où est ton Dieu ? » et se moquer de sa confiance, comme dans le deuxième livre des Psaumes qui exprime les sentiments du résidu fuyant loin de Jérusalem devant l’Antichrist (Ps. 42:10, etc). Avec ces sentiments David dit au sacrificateur : « Reporte l’arche de Dieu dans la ville ; si je trouve grâce aux yeux de l’Éternel, alors il me ramènera, et me la fera voir, elle et sa demeure. Et s’il dit ainsi : Je ne prends point de plaisir en toi ; — me voici, qu’il fasse de moi ce qui sera bon à ses yeux ». Admirable résultat de l’action de l’Esprit de Dieu sur un coeur exercé par la discipline. Soumission parfaite à la volonté de Dieu, sachant que l’on a mérité le jugement — confiance parfaite en sa bonté qui demeure à toujours, en son intérêt pour les siens qui en sont indignes ! Tout ce qui lui arrive est juste, mais David compte sur la grâce, acceptant l’humiliation et laissant à Dieu le soin de le justifier, car « c’est Dieu qui justifie ».
Ces sentiments font contraste avec ceux d’Itthaï, mais les uns ne sont pas moins beaux à leur place que les autres. On trouve la puissance de Dieu dans la foi, mais elle est tout aussi merveilleuse quand elle produit « toute patience » chez un pauvre être faible, battu par la tempête, n’ayant aucune force en lui-même pour résister au flot grandissant du mal.
David monte en pleurant la montée des Oliviers, nu-pieds, la tête couverte. Le peuple qui le suit porte le deuil comme lui. Cette humiliation, Christ l’a subie et portée en sympathie pour son peuple bien-aimé, vers la fin de sa carrière. Celui qui pleurait sur Jérusalem s’est trouvé aux prises, en Gethsémané, avec l’assaut terrible de Satan. Il y était question, sans doute, de choses encore plus grandes et étendues que de sympathies pour le résidu souffrant d’Israël, d’une oeuvre bien plus importante que la délivrance finale de son peuple, mais il s’agissait d’elle aussi, car « dans toutes leurs angoisses, le Christ a été en angoisse ». C’est en ce lieu que l’homme qui mangeait avec lui, a levé, comme Absalom, le talon contre lui, qu’il l’a trahi par un baiser ; c’est là aussi que, dans l’angoisse de son âme, il a versé plus que les pleurs de David, et que sa sueur est devenue comme des grumeaux de sang tombant sur la terre.
En ce moment, tout vient accabler le pauvre roi. Il apprend la trahison d’Akhitophel. Toutes les ressources lui manquent, sauf une seule, mais parfaitement suffisante : Il se prosterne devant Dieu. — « Rends vain », lui dit-il, « le conseil d’Akhitophel ».
Dieu donne à la prière de son serviteur une réponse immédiate.
Hushaï, l’intime ami du roi,
le rejoint. David, plein de discernement spirituel, le renvoie, sachant que
Dieu le destine à « annuler le conseil d’Akhitophel ».
Hushaï retourne à Jérusalem. Quelles que soient nos préférences, il nous faut toujours être au lieu où Christ nous place. Un serviteur de Christ peut toujours être là où se tient l’arche et la sacrificature, puisqu’il y trouve Christ. N’est-il pas à la fois l’arche et le sacrificateur ? Nous sommes appelés à diverses fonctions pour sa cause. Le témoignage et le service sont une chose ; autre chose est la lutte contre les ruses de l’ennemi pour faire triompher le nom de Christ ; autre chose encore, d’entrer en sa présence pour Lui rendre culte. Toutes ces fonctions diverses nous appartiennent. La tâche de Hushaï était ardue ; il en est de même aujourd’hui pour ceux qui ont à lutter contre les ennemis de Christ, des Akhitophel qui prétendent au caractère de prophètes et sont au fond de faux prophètes, qui connaissent les pensées du Seigneur et emploient leur savoir pour anéantir son autorité. Mais si le Seigneur nous envoie au milieu des ennemis, allons-y sans crainte. Anéantir le conseil d’Akhitophel, n’est-ce pas restituer à notre David la place qui Lui appartient ?
Les circonstances que David traverse mettent a l’épreuve l’état des coeurs, aussi les divers caractères des hommes qui viennent au-devant du roi sont-ils, sous ce rapport, très instructifs pour nous.
Nous avons vu Itthaï, un coeur né d’hier pour David, et par cela
même un coeur simple. Le roi dont il est devenu le serviteur, est tout pour
lui. Avec un tel objet, l’on est toujours bien dirigé. Tsadok et Abiathar n’ont
pas tort d’estimer que l’arche doit être avec le roi ; ils ont une
intelligence générale des pensées de Dieu, mais tiennent moins compte de Ses voies
envers David. Ce dernier les leur enseigne lui-même en les renvoyant. Il doit
compter entièrement sur Dieu pour être ramené, ayant mérité cette
discipline ; et même s’il était entièrement rejeté, David se soumettrait,
car tout ce que Dieu fait est bon.
Hushaï a un autre caractère, aussi beau dans son genre que celui
d’Itthaï et, de fait, ayant bien plus l’expérience des pensées de Dieu. Hushaï
est « l’intime ami de David » ; un grand amour les unit et ils n’ont pas de
secrets l’un pour l’autre — et cependant Hushaï, à l’opposé d’Itthaï, consent à
être pour un temps séparé de son ami. Cela lui coûte, à lui qui était venu
au-devant de David lui exprimer toute sa sympathie, mais il choisit la
meilleure manière de le servir et retourne à Jérusalem. Hushaï, avec un amour
calme et profond pour son ami, a la connaissance
que n’avaient pas même
les souverains sacrificateurs, connaissance qui lui est du reste communiquée
par David lui-même : « Tu annuleras le conseil d’Akhitophel ». C’est dans
l’intimité de Christ que nous recevons la communication de ses pensées.
Le chapitre 16 nous parle en premier lieu de Tsiba, prompt à
l’action, prompt au service. Bâter les ânes, les charger de tout ce qui est
nécessaire pour les compagnons de la fuite du roi, les rejoindre, rien ne lui
coûte. Beau zèle, bel effet de la grâce dans le coeur, car rien ne l’obligeait
à cet acte. Et cependant le coeur zélé manque de droiture, ou pour dire le
moins, impute à Mephibosheth des motifs qui lui sont étrangers. Je ne crois pas
qu’il mente sciemment ; il ne dit pas que Mephibosheth lui ait communiqué
ses desseins, mais constatant un retard dans les décisions de son maître, il
lui prête des intentions
qui, nous le voyons au chap. 19, étaient loin
de son coeur. Rien n’est dangereux comme de prétendre lire dans les pensées des
autres pour connaître leurs motifs. Une certaine acuité de jugement, jointe à
une certaine connaissance du coeur humain, nous y porte facilement. Nos
conclusions sont toujours peu charitables. Démêler les bonnes intentions étant
d’un médiocre intérêt, nous insistons plutôt sur les mauvaises. Or Dieu se
réserve le jugement de ce qui se passe dans les coeurs ; Lui seul en
connaît et en juge les secrets. Le Seigneur nous dit : « Ne jugez pas, afin
que vous ne soyez pas jugés » (Matth. 7:1) ; ne nous exposons donc pas à
être jugés nous-mêmes par les autres. C’est ce qui arrive plus tard à Tsiba,
mis en présence de Mephibosheth. David, n’étant pas ici un type de Christ,
manque, semble-t-il, d’une certaine clairvoyance. Il revient plus tard (19:29)
sur sa décision ; néanmoins il offre ici un bel exemple de Celui qui
récompensera au centuple ce qui a été fait pour lui, quelle que soit la
faiblesse de ses serviteurs : « Voici, tout ce qui est à Mephibosheth est a
toi » (v. 4).
Après l’exemple du dévouement, nous trouvons celui de la haine.
Dieu la permet, car elle fait partie de sa discipline envers David, mais ce fut
aussi la part de Christ : « Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:25). Comment
n’en serait-il pas de même pour ses disciples ? Mais Lui seul pouvait
dire : « Sans cause
». Les motifs de haine de Shimhi étaient sans
doute illégitimes, et David n’y avait nullement donné prise, mais le roi
humilié tenait pour vrai le jugement de son ennemi. Shimhi calomniait
David : « Sors, sors, homme de sang, et homme de Bélial ! L’Éternel a
fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, à la place duquel tu as
régné, et l’Éternel a mis le royaume dans la main d’Absalom, ton fils et te
voilà pris dans ton propre mal, car tu es un homme de sang » (v. 7, 8). Indigne
calomnie ! Être accusé de cette manière, lui qui avait épargné Saül dans
la caverne et au milieu de son camp endormi, qui pour le mal ne lui avait
jamais rendu que du bien, qui s’était montré juste, patient, saint dans toutes
ses voies (1 Rois 15:5), ne se vengeant jamais, qui avait respecté en Saül
l’oint de l’Éternel, qui avait honoré d’un chant de deuil la mort de son
ennemi !
Toute son intégrité se soulevait contre une telle accusation — et cependant il était un homme de sang ! Shimhi ne le savait pas, mais Dieu le savait. Ce méchant était un instrument divin pour rappeler sa faute à David : « Qu’il maudisse, car l’Éternel lui a dit : Maudis David ! » (v. 10). David accepte la malédiction ; son coeur brisé ne cherche ni défense, ni excuse, ni aucune compensation dans sa justice passée. Pour lui, c’est le jugement de Dieu, et son seul recours est la grâce : « Peut-être l’Éternel regardera mon affliction, et l’Éternel me rendra le bien pour la malédiction qui tombe aujourd’hui sur moi » (v. 12). N’est-il pas ici de nouveau le type frappant du résidu juif : l’intégrité, la justice pratique, et l’humiliation causée par le meurtre du Juste, dont ils avaient dit : « Que son sang soit sur notre tête et sur celle de nos enfants » — alliées dans un même coeur ?
Abishaï, digne fils de Tseruïa, cherche à détourner David de
l’humble soumission aux voies de Dieu en discipline. « Pourquoi ce chien mort
maudit-il le roi, mon seigneur ? Laisse-moi passer et lui ôter la tête ».
On ne peut attendre d’Abishaï qu’il se traite lui-même de chien mort comme
Mephibosheth, ou comme David devant Saül. Quelque haïssable que fût Shimhi, lui
et Abishaï se valaient aux yeux de Dieu. Le sentiment de notre indignité nous
préserve de paroles outrageantes contre la race à laquelle nous appartenons. Un
misanthrope est toujours un homme qui s’estime meilleur que les autres.
Cependant l’occasion semblait justifier ces paroles. Dieu avait été méprisé,
outragé. Ne fallait-il pas prendre son parti contre l’homme violent ?
C’est ce que fit Pierre lorsque la troupe du traître Judas emmenait son maître.
Pierre avait-il raison quand il s’agissait d’un plus grand, d’un plus digne que
David ? « Remets ton épée en son lieu », lui dit Jésus, « car tous ceux qui
auront pris l’épée, périront par l’épée » (Matt. 26:52). Les paroles d’Abishaï
montrent encore une complète incapacité d’entrer dans les souffrances de David
sous la discipline de Dieu, de comprendre à la fois son humble soumission et la
résolution inébranlable qui le faisait marcher dans ce chemin. Comment la
chair, dont la volonté, ennemie de Dieu, ne peut se soumettre à Lui, comment la
chair comprendrait-elle une parfaite dépendance qui n’a d’autre volonté que
celle du Père ? Pierre nous en fournit de nouveau l’exemple. Le Seigneur,
ayant montré à ses disciples qu’il fallait qu’il souffrît beaucoup de la part
des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu’il fût mis à
mort, « Pierre se mit à le
reprendre,
disant : Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera
point ! » Que lui dit le Seigneur ! « Va arrière de moi, Satan, tu m’es
en scandale ; car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles
des hommes » (Matth. 16:23). David dit à Abishaï : « Qu’y a-t-il entre moi
et vous, fils de Tseruïa ? » Leurs pensées ne pouvaient être produites que
par la chair et provenaient de l’ennemi. David accepte le calice de la main de
Dieu, comme Jésus plus lard en Gethsémané. « Peut-être », dit-il, « l’Éternel
regardera mon affliction, et l’Éternel me rendra le bien pour la malédiction
qui tombe aujourd’hui sur moi ». Quelle parole ! Soyons-en persuadés, Dieu
est le Dieu de grâce, et la malédiction n’est pas plus le terme de ses voies
envers ses bien-aimés, qu’elle ne le fut à l’égard de Christ ?
Hushaï, accueilli par Absalom, ne s’oppose pas au conseil d’Akhitophel au sujet des concubines de David. Son intimité avec ce dernier lui est d’un grand secours, car il ne pouvait ignorer ce que Dieu avait dit au roi et il devait laisser cours au décret divin (12:11, 12). Akhitophel, croyant fortifier par ce moyen les mains d’Absalom (v. 21), ne faisait qu’accomplir la parole de Dieu, avancer la fin de ses voies, et hâter la restauration de celui qu’il pensait détruire. Ce méchant sera bientôt pris dans ses propres filets, et lui qui, pour faire le mal, ne semble pas avoir d’autre motif que de le faire, finit comme Judas auquel il ressemble, et cet « intime ami » qui avait levé le talon contre David (Ps. 41:9), s’étrangle et meurt.
Le roi, comme nous l’avons vu, avait renvoyé Tsadok, Abiathar et Hushaï à Jérusalem, pour les y employer à son service. Les démonstrations de dévouement ne suffisent pas, quelque précieuses qu’elles soient au coeur du maître, et ne sont que le prélude du service. Il en est de même pour nous, chrétiens ; et, comme Hushaï et les sacrificateurs, il ne nous est pas loisible de choisir le lieu, ni la manière dont nous le servirons ; c’est à lui à les déterminer. Il s’agissait ici d’annuler le conseil d’Akhitophel, d’empêcher que ce faux prophète ne réussît à ruiner la cause de David.
Dans les v. 1-4, nous découvrons le dessein caché de
l’ennemi : il en veut à David. Il estime avec raison que, ce dernier
supprimé, tout s’écroulera et que le peuple deviendra la proie d’Absalom. « Je
frapperai le roi seul ;
et je
ramènerai à toi tout le peuple » (v. 2). Ainsi agit le prince des
ténèbres : tout son effort tend à supprimer Christ. Il a ameuté, dans ce
but, le monde contre Lui, mais à la croix, au lieu de gagner la partie, il l’a
perdue, et son pouvoir a été brisé. Mais il ne se tient pas pour battu. Il
ameutera plus tard, au moment qu’il croira favorable, les rois de la terre pour
briser le joug de Christ. Alors « celui qui habite dans les cieux se rira d’eux,
le Seigneur s’en moquera » (Ps. 2).
La parole d’Akhitophel parut « bonne aux yeux d’Absalom et aux
yeux de tous les anciens d’Israël » (v. 4), convaincus de l’excellence du moyen
proposé par cet homme. Comment se fait-il donc qu’Absalom se décide à appeler
aussi Hushaï, l’Arkite, pour l’entendre ? Comment se fait-il qu’après
l’avoir entendu, Absalom et tous les hommes d’Israël disent : « Le conseil
d’Hushaï, l’Arkite, est meilleur que le conseil d’Akhitophel » ? (v. 14).
C’est que Dieu dirige les circonstances, les décisions des hommes et leurs
appréciations, tout en un mot, comme il l’entend et pour accomplir ses
desseins. À considérer les choses du dehors, Dieu semble indifférent à ce qui
se passe ; le mal triomphe, le mal domine, les hommes surpassent les
imaginations de leur coeur ; mais Dieu est caché derrière la scène, Dieu,
auquel rien ne peut résister et auquel Satan même sert d’instrument. Pour nous
la puissance de Satan est formidable, pour Dieu elle est moins que le fétu de
paille qu’un léger souffle emporte. « Le Dieu de paix
», est-il dit,
« brisera bientôt Satan, sous vos pieds ». Ce n’est ni le puissant Créateur ni le
Dieu de vengeance, qui brise cette puissance formidable ; c’est le Dieu de
paix. Cet acte ne lui coûte aucun effort ; il brise paisiblement cet
ennemi sous les pieds de ses saints
Le bon parfum du service
est
répandu partout dans ce chapitre. Chacun concourt à cette activité, dans le but
de donner au maître la place qui lui revient et que des méchants lui ont
enlevée. Hushaï, l’ami de David, est le premier au danger, mais aussi le
premier instrument de la victoire. Les sarificateurs sont les premiers
confidents. Leurs fils, Jonathan et Akhimaats, portent le message qui doit
sauver David et sa troupe. Une simple et obscure servante (v. 17) s’emploie à
le leur faire parvenir. La femme de Bakhurim, tout aussi obscure, aussi peu
nommée que la Marie de Matt. 26:6-13, aussi respectueuse qu’elle du domaine que
Dieu a confié à sa responsabilité, une femme qui garde la maison, accomplit son
service envers les envoyés et leur ménage une cachette que l’ennemi ne peut
découvrir. Son service est une « bonne oeuvre » envers David,
quoiqu’il ait les deux messagers pour objet immédiat.
Il y a là une chaîne ininterrompue de service concourant au même but. Un
chaînon manquant, David deviendrait la proie d’Absalom. Le dévouement de la
pauvre servante a tout autant de valeur pour le roi que le beau
désintéressement de Hushaï. Aucun n’est méprisable et les plus humbles auront
peut-être la meilleure place, quand il sera dit : « Celui-ci et celui-là
sont nés en elle » (Ps. 87:5). « En quelque lieu que cet évangile soit prêché »,
dit le Seigneur, « dans le monde entier ce que cette femme
a fait sera
aussi publié en mémoire d’elle » (Matt. 26 :13).
Non seulement les différents services, quels qu’ils soient, forment un tout, parce qu’ils n’ont qu’un but et un objet ; il est encore digne de remarque que le service de l’un appelle, pour ainsi dire, le service de l’autre. D’un bout à l’autre de ce récit, chaque agent se met à l’oeuvre, suscité par l’agent précédent. Souvent, en des moments de lassitude et de découragement spirituel, nous nous plaignons du peu d’empressement de ceux qui nous succèdent à servir efficacement le Seigneur, à risquer quelque chose, confort, gain, réputation, pour maintenir vis-à-vis du monde les droits de notre Maître. De telles plaintes sont sans efficace, et ressemblent fort au cri d’Élie : « Je suis resté moi seul ! » Ce que nous avons à faire, c’est de redoubler de zèle, d’un zèle sans défaillance pour servir le Bien-aimé. Comme les ondes du son, de la lumière et de la chaleur, l’ébranlement s’en fera bientôt sentir au-delà de notre sphère restreinte.
David averti, tout son peuple passe le Jourdain, sans qu’il en manque un seul (*). Grâce au service, le vrai peuple de Dieu met une barrière entre lui et l’ennemi. Akhitophel, blessé dans son orgueil, mais surtout appréhendant le triomphe final de David, s’ôte la vie, se précipitant dans le jugement éternel pour échapper à la vengeance future ! (v. 23).
(*) Nous retrouvons ici l’image du résidu fuyant Jérusalem, poursuivi par le dragon, la Bête et le faux prophète, et gardé hors des limites d’Israël, malgré le fleuve débordant, sans que tombe un seul cheveu de leur tête (Apoc. 12:16).
David, poursuivi par Absalom, arrive à Mahanaïm. C’est là que Jacob, revenant de son exil, rencontra l’armée de Dieu pour le garantir des entreprises d’Ésaü. C’est là que David, reprenant sous la discipline le chemin de l’exil, se trouve sous la même égide. Combien rassurant pour l’âme ! Nos circonstances peuvent changer : que ce soit la force ou la faiblesse, le creuset ou la restauration de l’âme ; dans l’un ou l’autre cas, le danger restant le même, qu’il vienne d’un Ésaü ou d’un Absalom, les ressources de notre Dieu restent immuables.
Amasa remplace Joab à la tête de l’armée du fils rebelle. Il était cousin de Joab par les femmes, mais aussi par le déshonneur de sa mère. Joab, nous le verrons, ne pardonne jamais rien, ni une tache sur sa famille, ni sa place usurpée, ni le danger d’une compétition pour le commandement suprême.
À Mahanaïm, nous trouvons le service envers le peuple de David,
comme auparavant envers le roi lui-même. Il est touchant de voir un même zèle
amener trois personnages si différents de position, de nationalité, de
caractère. Un objet d’intérêt commun fait tomber toutes les barrières. Shobi,
l’Ammonite, fils de Nakhash, frère de ce Hanun qui avait outragé les envoyés de
David (10), homme de race royale, est associé avec Makir, fils d’Ammiel, de
Lodebar, simple serviteur de Saül et jadis gardien du pauvre Mephibosheth
(9:4). Barzillaï, le Galaadite, de Roguelim, se joint à eux ; il avait
l’autorité de l’âge et le prestige des grandes richesses (19:32) ; mais
l’âge n’arrête pas son service, et toutes ses richesses sont employées à
entretenir le roi et son peuple. Le peuple
attire tout spécialement la sympathie de ces hommes : « Le peuple a
faim, et il est fatigué, et il a soif dans le désert » (v. 29). Rien ne leur
coûte, quand il s’agit des compagnons du roi fugitif ; ils agissent par la
foi ; leur intérêt n’entre pas même en ligne de compte dans leur service.
L’autorité de l’un, l’activité de l’autre, les richesses et la considération du
troisième, sont mis aux pieds de David, représenté par ses compagnons. Tous ces
hommes désirent, comme Abigaïl, laver les pieds des serviteurs de leur
seigneur, et cet abaissement n’en est pas un, car il exalte et glorifie un
David abaissé aujourd’hui, mais établi demain en gloire au-dessus de tous les
rois de la terre.
David passe le peuple en revue et le range sous Joab, Abishaï, et Itthaï, le Guitthien, seul jugé digne par le roi de conduire l’armée au même rang que les chefs accrédités depuis longtemps. Cependant Itthaï « était venu d’hier », un étranger sans liens avec le peuple de Dieu. Quel motif, dans ce moment critique, l’a fait élever à un poste d’une telle importance ? Son attachement sans réserve pour David. De même, le Seigneur nous confie un service en vue, selon la mesure de notre amour pour Lui.
David voudrait sortir avec son peuple pour la bataille. Tous
répondent : « Tu ne sortiras point ». De part et d’autre ces sentiments sont
selon Dieu. Au lieu de sortir jadis avec le peuple, David était resté à
Jérusalem (11:1) et avait dû en porter les conséquences ; il comprend
maintenant que sa place est avec l’armée ; mais le peuple a aussi raison,
car il apprécie la valeur de David : « Tu es comme dix mille d’entre nous »
(v. 3). Ce que la haine d’Akhitophel comprenait bien : « Je frapperai le
roi seul… L’homme que tu cherches est autant que le retour de tous » (17:2,
3) ; l’amour du peuple le comprend bien mieux encore. Il y a des deux
côtés la conviction que tout dépend de David ; seulement, chez le peuple,
c’est la foi
, pour laquelle David, absent du champ de bataille, est tout
autant que David présent. « Il est bon », disent-ils, « que, de la ville, tu nous
sois en secours ». David cède à leur prière : « Je ferai ce qui est bon à
vos yeux » (v. 3, 4). C’est ainsi que le Seigneur Jésus agit envers nous. Comme
jadis pour le centurion et la Syrophénicienne, il cède à la foi, se laisse
faire violence, car il ne peut autrement que répondre à ce que sa propre grâce
a produit dans le coeur.
Le peuple défile devant le roi. En présence de tous, David recommande aux chefs « d’user de douceur envers le jeune homme, Absalom » (v. 5). Quelle tendresse pour ce fils rebelle ! — mêlée de faiblesse peut-être, mais qui nous fait penser à l’amour sans réserve du Seigneur pour ses ennemis. Ah ! s’ils pouvaient revenir, se repentir à la onzième heure ! Sa patience envers eux n’atteint-elle pas jusqu’aux dernières limites ? Ce n’est que lorsqu’elle est absolument épuisée que Dieu verse sa colère dans la coupe où il ne reste plus rien de la miséricorde.
Ce qui suit n’a pas besoin de commentaires. Le fils impie est suspendu au bois pour sa malédiction et sa honte. La chevelure dont il se glorifiait est l’instrument de sa ruine. Cet homme qui, dès sa jeunesse, avant qu’il eût des fils (v. 18, conf. 14:27), avait érigé un monument « pour rappeler la mémoire de son nom », est enterré sous un tas de pierres inconnu dans la forêt d’Éphraïm, tandis que son monument, demeuré jusqu’à ce jour, rappelle son humiliation et son terrible jugement. Il en sera de même de l’Antichrist et de la Bête qui s’élèveront contre le Seigneur. Leur chute sera d’autant plus terrible qu’ils se seront exaltés jusqu’à Dieu (És. 14:12-20).
On voit la main de Dieu dans ce désastre, mais, chose effrayante, on y voit aussi la main meurtrière de Joab. Toujours il fait le mal. Il donne ici la mesure de son respect pour la volonté et la personne du roi. Son intérêt le porte à supprimer Absalom qui jadis humilia son orgueil (14:32, 33) et pourrait lui nuire un jour en le remplaçant par Amasa. Il tuera Amasa lui-même quand le meurtre d’Absalom n’aura pas produit les résultats désirés. Un homme du peuple avait plus de respect pour la volonté du roi, que le chef même de son armée (v. 12, 13).
La déroute est complète, Israël s’enfuit devant Juda victorieux. Akhimaats voudrait être le premier à porter la bonne nouvelle à David. Lui qui avait exposé sa vie pour l’avertir d’un danger menaçant, ne veut maintenant laisser à personne le privilège de lui annoncer son triomphe. Joab, toujours politique et sachant les sentiments du roi pour Absalom, cherche à l’en dissuader, mais en vain. Que cela lui nuise personnellement ou entrave sa carrière, peu importe à Akhimaats ; la politique de Joab n’est pas la sienne. Quoi qu’il arrive, il veut, prosterné devant le roi, reconnaître le premier la dignité qui lui est rendue. C’est là que tend toute son énergie, car tout son coeur appartient à David. Peut-être a-t-il aussi la pensée d’amortir et d’adoucir le coup que la mort d’Absalom va porter au coeur de son maître bien-aimé ; ce qui est certain, c’est qu’il n’a en vue que sa gloire. Il devance le coureur envoyé avant lui. Puissions-nous courir comme Akhimaats ! courir, pour nous trouver les premiers aux pieds de notre Sauveur victorieux, sans nous laisser devancer par personne !
Lorsque Cush annonce la fatale nouvelle, le coeur de David est brisé d’une douleur inconsolable : « Mon fils Absalom ! mon fils ! mon fils Absalom ! Fussé-je mort à ta place ! Absalom, mon fils, mon fils ! » (v. 33).
« Fussé-je mort à ta place ! » David ne le pouvait pas. Cela
était réservé à un seul
qui mourut
pour des impies, le seul qui fut compté parmi les transgresseurs et qui porta
les péchés de plusieurs (És. 53:12). Mais David pouvait donner essor à sa
douleur au sujet de la perte définitive de celui dont il avait si ardemment
désiré le salut.
À tout ce deuil se mêlaient sans doute des sentiments humains,
c’est pourquoi David dut avoir le coeur brisé
. Tout en étant beaucoup, l’esprit bri
sé (Ps. 51:17) ne suffit
pas. Avec un esprit brisé, la volonté propre ne peut agir. Avant d’avoir
l’esprit brisé, David avait suivi sa volonté, qui l’avait conduit à l’adultère
et au meurtre d’Urie. Un esprit brisé fait l’abandon de sa volonté pour
dépendre de Dieu (15:25, 26 ; 16:10-12 ; 18:4). Il n’était pas
nécessaire que l’esprit
de Jésus fût brisé. Ne dit-il pas, en entrant
dans le monde : « Me voici, pour faire, ô Dien, ta volonté » ?
Mais il faut tôt ou tard que notre coeur
soit brisé, aussi bien que notre esprit. Dieu commence tantôt
par l’un, tantôt par l’autre. Pierre, quand il pleura amèrement, avait
réellement le coeur brisé et humilié,
car
le brisement de coeur ne va pas sans l’humiliation (Ps. 51:17). Pierre n’a
l’esprit brisé que plus tard : « Quand tu étais jeune », lui dit Jésus, « tu
te ceignais, et tu allais où tu voulais
; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains,
et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas
» (Jean 21:18).
Souvent le coeur ne se brise pas en une fois ; celui de
David le fut en trois occasions : à la cour d’Akish, quand il vit qu’il
avait déshonoré le Seigneur et que lui-même était dans la poussière (Ps.
34:18) ; après la perte de son enfant (Ps. 51:17) ; enfin, dans notre
chapitre. Ici l’humiliation était déjà complète, et cependant il fallait encore
que les affections naturelles
fussent
consumées et réduites en cendres, pour que des affections divines occupassent
seules le coeur de David. Dieu n’obtient ce résultat que par ce moyen. Ce n’est
que dans un coeur brisé que le Seigneur peut occuper toute la place.
Le coeur de Christ fut aussi brisé, mais d’une manière toute différente du nôtre. Son amour méconnu, voilà ce qui lui brisait le coeur. Plus cet amour se montrait, plus la haine s’élevait contre lui. « L’opprobre m’a brisé le coeur » (Ps. 69:20). Il n’avait pas besoin, comme nous, de ce brisement pour être dépouillé. Il était l’amour même, mais son coeur humain était brisé par l’impossibilité de montrer cet amour en face de la haine de l’homme, dont la seule réponse à tant de grâce était l’opprobre et l’ignominie de la croix. Et malgré cela, le coeur brisé du Sauveur a supporté la malédiction et tout le poids du jugement de Dieu, afin de sauver ceux qui l’injuriaient et lui crachaient au visage. .
Mais n’oublions pas que pour nous un brisement continuel est nécessaire. Chaque fois que Dieu veut montrer en nous quelque nouveau caractère de Christ, il brise notre coeur pour le faire apparaître. Il en fut ainsi de l’apôtre Paul. La lumière et la vie de Jésus, sortant d’un vase brisé, réchauffaient et vivifiaient l’âme de ses frères.
Désormais Dieu n’a plus besoin de briser David. Le soleil enfin se lève radieux ; son coeur est rempli d’une grâce qui sort de sa cruelle épreuve, et il va devenir pour d’autres le dispensateur de cette grâce divine.
Joab reprend David de sa faiblesse ; Joab exhortant David ! Mais qui donc avait amené ce mal et arraché les entrailles de ce père, sinon lui seul ? Sans doute, c’était selon les voies de Dieu qui donnait cours au châtiment annoncé (12:10, 11), et David devait y reconnaître Sa main ; mais malheur à l’instrument inique par lequel s’accomplissaient ces voies. Seulement ce n’était pas encore le moment de la rétribution. Dieu ne permet pas même que Joab soit remplacé par Amasa, comme David, froissé, en avait l’intention (v. 13). David obtempère au conseil de Joab. C’est, je n’en doute pas, parce qu’il reconnaît la justice des voies de Dieu à son égard. Lorsque, plus tard, il remet le jugement de Joab à Salomon, ce n’est pas de la mort d’Absalom qu’il l’accuse proprement, mais surtout du meurtre d’Abner et d’Amasa en temps de paix (1 Rois 2:5). David donc s’assied à la porte de la ville, où tout le peuple se présente devant lui.
Maintenant la discipline est terminée. En 1 Samuel, elle avait eu lieu pour garder David dans le chemin de la dépendance. Il n’y avait pas d’amertume alors, mais l’heureuse conscience de la faveur divine. Dans le deuxième livre, la discipline est amère, car elle s’accompagne de la conscience d’avoir déshonoré le Dieu saint. Mais aussi, quels fruits elle porte ! Dieu remplit le coeur brisé, comme lui seul peut le faire, et la vie de Jésus se manifeste au dehors. Nous entrons dans une scène de grâce, de pardon et de paix, expression de ce qui occupe maintenant le coeur du roi.
Aux v. 9-15, c’est la
grâce.
Les dix tribus avaient trahi et abandonné David pour suivre l’inique
Absalom ; elles reviennent les premières et parlent de ramener le roi.
David en a connaissance, et ouvre ses bras à Juda,
si lent, si paresseux jusqu’ici à reconnaître le trône de son
roi et qui aurait dû en porter la peine. « Vous êtes mon os et ma chair », lui
dit-il (v. 12). Amasa avait été le chef de l’armée qui poursuivait David,
d’autant plus coupable qu’il était, comme Joab, cousin du roi. « N’es-tu pas mon
os et ma chair ! » lui fait-il dire (Iv. 13). Sa grâce ne demande
rien ; bien au contraire, elle trouve son bonheur à faire du bien à ses
ennemis.
Aux v. 16-23, nous trouvons le pardon.
Le roi l’accorde à Shimhi qui, pour éviter le sort qui
l’attend, vient faire sa soumission : « Ne m’impute pas d’iniquité… ne te
souviens pas de l’iniquité commise par ton serviteur… Je sais que j’ai péché »
(v. 19, 20). Abishaï, toujours le même (conf. 16:9), voudrait tirer vengeance
de Shimhi. David l’arrête : « Qu’ai-je à faire avec vous, fils de
Tseruïa ? car vous êtes aujourd’hui des
adversaires
pour moi. Ferait-on
mourir aujourd’hui un homme en Israël ? »
Non, c’est le jour de grâce et de pardon. Quelle que soit la réalité des sentiments exprimés par Shimhi, David ne s’y arrête pas ; il ne les juge pas maintenant ; il lui en sera demandé compte plus tard, quand sa conduite les fera connaître (1 Rois 2:36-46). « Tu ne mourras point », dit David au coupable.
Aux v. 24-30, nous avons une scène de paix
(v. 24, 30). Mephibosheth descend à la rencontre de son
bienfaiteur ; il avait mené deuil depuis le départ de David. Tsiba l’avait
trompé et calomnié. Ici, l’on découvre un nouveau trait du caractère de Tsiba.
C’était en compagnie du méchant Shimhi qu’il avait passé le Jourdain pour aller
à la rencontre du roi (v. 16, 17). Le silence de David à son égard est
caractéristique, mais, en apparence, c’est Mephibosheth que David reprend.
Peut-être que, pour suivre David fugitif, son infirmité n’était pas un obstacle
aussi insurmontable qu’il l’avait pensé. Peut-être avait-il, comme Jonathan,
son père, un certain manque de courage moral pour s’associer aux dangers que
courait son bienfaiteur. La chose ne nous est pas révélée, et nous en sommes
réduits à des conjectures. Mais ce qui est certain, c’est qu’en l’absence de
son roi, sa vie avait été une vie d’affliction, de deuil, de voeux et d’ardents
désirs pour son retour (v. 24). Comment donc David peut-il le traiter si rudement ?
« Pourquoi me parles-tu encore de tes affaires ? » (v. 29). Ces paroles
rappellent un peu celles, en apparence si dures, de Jésus à la Syrophénicienne.
Le Seigneur les prononçait pour mettre la foi de cette femme à l’épreuve. Quand
un ingénieur a construit un pont, il y fait passer des fardeaux très lourds
pour l’éprouver. Il en est ainsi des paroles de David. La précieuse foi de
Mephibosheth est mise à l’épreuve, et il n’en sort qu’un parfum de dépendance
et de renoncement à lui-même. Cette foi a trois caractères : Mephibosheth
accepte la volonté de David comme étant la volonté de Dieu : « Le roi, mon
seigneur, est comme un ange de Dieu : fais donc ce qui est bon à tes yeux »
(v. 27). Cette volonté, quelle qu’elle soit, est bonne aux yeux de
Mephibosheth, parce qu’elle l’est aux yeux de David (conf. Rom. 12:2). Il
reconnaît, en second lieu, qu’il n’a aucun droit à la faveur du roi par sa
descendance ou sa valeur personnelle : « Car toute la maison de mon père
n’était que des hommes morts devant le roi, mon seigneur ; et tu as mis
ton serviteur parmi ceux qui mangent à ta table ; et quel droit ai-je
encore ? et pour quel sujet crierai-je encore au roi ? » (v. 28).
Enfin, lorsque David reprend : « Je l’ai dit : Toi et Tsiba partagez les
champs » (*), Mephibosheth répond : « Qu’il
prenne même le tout, puisque le roi mon seigneur, est revenu en paix dans sa
maison » (v. 30). Il renonce à tous ses avantages temporels ; il lui suffit
que son seigneur ait retrouvé la place qui lui est due.
(*) David ne l’avait pas dit (conf. 16:4), ce qui semble indiquer qu’il reconnaissait avoir erré en quelque mesure.
Ah ! puisse notre foi, mise à l’épreuve, produire toujours de tels fruits !
À l’opposé de Mephibosheth, Barzillaï (v. 31-40) est éprouvé par
l’offre de bénédictions temporelles. Il était très riche, mais bien différent
du jeune homme que « Jésus aima », il avait mis sa fortune à la disposition du
roi pendant son séjour à Mahanaïm (v. 32). Son grand âge ne l’avait pas empêché
de se donner, corps et biens, au service de David. Celui-ci lui offre une
récompense
proportionnée à son dévouement : « Passe avec moi, et je
t’entretiendrai auprès de moi à Jérusalem » (v. 33).
Mais Barzillaï n’avait pas travaillé pour une récompense et, ne s’en jugeant pas digne, la refuse. « Combien seront les jours des années de ma vie, pour que je monte avec le roi à Jérusalem ? Je suis aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans ; puis-je distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais ? Ton serviteur peut-il savourer ce que je mange et ce que je bois ?… Et pourquoi ton serviteur serait-il encore à charge au roi, mon seigneur ? » (v. 34, 35). Que son fils Kimham profite du fruit de son travail, loin de s’y opposer, il s’en réjouit (v. 37, 38). Plus tard, comme Mephibosheth à la table de David, les fils de Barzillaï mangeront à la table de Salomon (1 Rois 2:7).
Trois choses suffisent à cet homme de Dieu, outre le bonheur de
voir les droits du roi reconnus au-delà du Jourdain et de le voir réintégré
dans son royaume. La première est la belle promesse
du v. 38. « Kimham passera avec moi, et je lui ferai ce qui sera bon à tes
yeux ; et tout ce que tu voudras de
moi, je te le ferai ».
La seconde est qu’au moment de prendre congé de lui
David lui laisse le gage de son amour : « Le roi baisa Barzillaï
». Comme Énoch, il reçoit (par un baiser) le
témoignage d’avoir été agréable à Dieu, dans la personne de son oint. La
troisième est que le roi « le bénit » (v.
39).
Jésus aussi, quittant ses disciples bien-aimés, étend ses mains pour les bénir
et garde encore aujourd’hui la même attitude vis-à-vis de nous. Ses mains,
quoique invisibles, restent étendues sur nous, laissant dans nos coeurs la
certitude de toute l’efficacité de son oeuvre. Barzillaï retourne en son lieu
avec la chaleur de l’amour, la joie des bénédictions, la promesse de
David : « Tout ce que tu voudras de moi, je le ferai », et cette autre
promesse glorieuse que son fils, que ses fils même, passeront avec le roi pour
ne plus jamais le quitter et être assis à toujours à la table du roi de
gloire !
Pareil à David, le résidu d’Israël retrouvera en réalité, comme le peuple l’eut autrefois en figure, un chemin pour rentrer en Canaan. Le Jourdain, le fleuve de la mort, est ce chemin. Il faut être mort avec Christ pour entrer dans l’héritage et dans les bénédictions des promesses. Puis vient Guilgal (19:40), le lieu de la circoncision, où l’opprobre d’Égypte fut roulé de dessus le peuple. Pour la première fois, ces fidèles de la fin sauront en réalité ce qu’est la vraie circoncision du Christ, « le dépouillement du corps de la chair ». Ils entreront dans le royaume de Dieu comme des êtres nés de nouveau.
Ce passage qui s’applique au résidu, s’applique aussi, quoique
d’une autre manière, à nous-mêmes. Sans doute, nous sommes maintenant morts avec
Christ ; nous avons été circoncis, une fois pour toutes, dune circoncision
qui n’a pas été faite de main, qui est la circoncision du Christ (Col.
2:11) ; nous ne pouvons pas être chassés des lieux célestes qui sont notre
héritage ; mais notre infidélité a nécessairement pour conséquence la
discipline du Seigneur. C’est ainsi que nous pouvons et devons perdre la jouissance
des choses célestes par une
chute, et si nous ne sommes pas chassés de Canaan comme David ou le résidu, du
moins lui sommes-nous devenus étrangers, étant rejetés dans le monde dont la
grâce de Dieu nous avait retirés.
Il suffit pour cela d’oublier un instant, en retournant aux
choses dont la croix nous a séparés, que la mort de Christ, comme le Jourdain
et Guilgal, nous sépare du monde et de la chair. Alors, pour retrouver la
puissance de ce que notre folie avait méprisé, nous sommes obligés de refaire en pratique
le chemin jadis parcouru, de
renouveler connaissance avec notre Jourdain et notre Guilgal et, par la
repentance, de retrouver le but de la croix et la puissance de cette mort avec
Christ, par laquelle nous avions été crucifiés au péché et au monde. Que Dieu
nous donne de faire ces expériences avec sa Parole et non par des chutes
positives. L’histoire de David nous apprend l’immense perte qu’une chute
occasionna à son âme, malgré la perfection de la grâce qui se glorifia en le
restaurant.
Du chap. 19:41, au chap. 20:2, nous assistons au dissentiment entre Israël et Juda. De fait, ni l’un ni l’autre parti n’avait pleinement raison. Israël avait trahi en masse, mais était revenu le premier après la mort d’Absalom (19:10) ; Juda s’était montré lent et paresseux d’abord, mais avait racheté ce peu d’empressement en répondant à l’appel de la grâce, alors qu’Israël délibérait encore (19:11-15).
Jalouses de cette décision de Juda, les dix tribus s’en
plaignent au roi. Juda répond en faisant valoir ses liens étroits avec le fils
d’Isaï et insinue qu’en ramenant le roi il n’a pas, comme d’autres, des motifs
intéressés (19:42). Israël réplique : « J’ai dix parts au roi, et aussi en
David j’ai plus que toi ; et pourquoi m’as-tu méprisé ? Et ma parole
n’a-t-elle pas été la première pour ramener mon roi ? » (v. 43). Tous ces
discours sont de la chair. L’ambition de jouer un rôle dans les choses de Dieu,
la jalousie en présence de l’activité de nos frères, l’amour propre blessé, la
préoccupation de nous-mêmes, ne sont certes pas le fruit de l’Esprit et des
affections divines. Juda, malgré sa position meilleure, ne vaut pas mieux que
les dix tribus. « La parole des hommes de Juda fut plus dure
que la parole des hommes d’Israël » (v.
43). Ceux qui ont raison agissent sans
amour,
et il ne peut en résulter qu’une division. Elle s’accomplit au chap.
20:1, 2. À l’instigation de Satan qui emploie Shéba, fils de Bicri, pour cette
oeuvre, Israël qui venait de dire : « J’ai dix parts au roi », s’écrie
maintenant : « Nous n’avons point de part en David, ni d’héritage dans le
fils d’Isaï » (v. 1). Tout Israël, pour une question personnelle, se sépare
ainsi de lui ; c’est ce que l’ennemi désire. Il est souvent difficile au
début de deviner ses intentions, mais le moment arrive toujours où il se
démasque et entraîne après lui les pauvres saints aveuglés. Quelle folie de
préférer à David un « homme de Bélial », un Shéba, fils de Bicri,
Benjaminite ! Il en est toujours ainsi dans les luttes intestines du
peuple de Dieu. Le but de Satan est de détourner les âmes de Christ. Peu lui
importe ensuite que Juda reste attaché à l’oint de l’Éternel. Ce petit nombre
n’est-il pas déconsidéré par le fait d’avoir été plus dur de parole que ceux
d’Israël ? Il est humiliant pour Juda d’avoir manqué dans le conflit, mais
une chose lui reste : la grâce de David l’avait prévenu. « Vous êtes mon os
et ma chair ». C’était lui qui avait incliné leurs coeurs comme un seul homme en
réveillant chez eux le sentiment de leur union intime avec lui, (19:14). Tout
le mérite en revenait à David. Par sa grâce, « les hommes de Juda s’attachèrent à leur roi
, depuis le
Jourdain jusqu’à Jérusalem » (v. 2). La bénédiction est donc pour Juda, malgré
sa faute, car il est gardé là où David se trouve.
Ayant repris sa place au milieu du résidu de son peuple, David purifie sa maison de la corruption qui s’y était introduite. Il n’en chasse pas ses femmes souillées, pour la réédifier sur un nouveau pied, car il était lui-même coupable de toute cette ruine. Le mal, les vases à déshonneur, la souillure, sont là. David en porte la peine et l’humiliation, tout en se purifiant personnellement de ces choses, afin d’être un vase à honneur pour l’Éternel. Il ne s’allie nullement au mal que, pourtant, il avait provoqué. Au contraire, sa séparation est publique.
Il comprend qu’il doit être désormais un « vase à honneur, sanctifié, utile au Maître, préparé pour toute bonne oeuvre ».
Ces choses, cher lecteur, s’appliquent à nous aussi. Nous traversons le temps de ruine, proclamé dans la seconde épître à Timothée. Nous ne pouvons rétablir la maison de Dieu, ni briser les vases à déshonneur, mais nous pouvons nous retirer de l’iniquité, portant ainsi le sceau du « solide fondement de Dieu » (2 Tim. 2:19-21).
David, décidé à renvoyer Joab, cherche à tenir la promesse faite à son neveu Amasa, en le faisant chef de l’armée (conf. 19:13) ; il le charge de rassembler les hommes de Juda pour poursuivre le fils de Bicri. Amasa tarde à s’acquitter de sa mission. Peut-être David manque-t-il de patience, car Amasa n’était pas un traître et il était déjà arrivé à Gabaon, non loin de Jérusalem, quand le corps d’Abishaï et l’élite sortaient de la capitale (v. 8). Le fait est que, par crainte du mal que Shéba pourrait faire, David retombe par Abishaï entre les mains de Joab. N’aurait-il pas dû consulter l’Éternel à ce renouvellement de son règne ? Dieu qui avait incliné une fois le coeur d’Israël, ne pouvait-il le faire une seconde fois ?
Joab, ambitieux sans scrupules, pour qui tout acte servant ses intérêts est légitime, redevient meurtrier pour la troisième fois, afin de reconquérir sa place.
Devant la ville d’Abel, la sagesse d’une femme arrête l’effusion du sang. La guerre fratricide prend fin par la mort de Shéba, le vrai coupable. Joab a lui-même une parole de sagesse ; il accuse Shéba d’avoir « levé sa main contre le roi, contre David » (v. 21). C’était, en effet, entrer au vif de la question, car l’attaque de Shéba était dirigée contre le roi. La femme d’Abel se rend compte que juger le coupable est la seule chose à faire pour ramener la paix : « Voici, sa tête te sera jetée par la muraille » (v. 21). Il ne s’agit pas, comme on le dit si souvent, que chacun reconnaisse ses torts et s’en humilie ; cela n’ôte pas le mal ; mais celui qui avait levé sa main contre David devait être retranché.
N’est-ce pas ce qui devrait toujours avoir lieu dans les conflits entre frères au sujet de la doctrine ? Les uns jugent, les autres acceptent l’hérétique, et la paix ne peut être rétablie que par le retranchement du méchant.
Ce chapitre se termine, comme le chap. 8:15-18, par l’énumération de l’ordre restauré dans l’administration du royaume. Ce qui suit est comme l’épilogue du livre.
Le royaume d’Israël restauré de nouveau, après les épreuves
terribles et méritées qui l’ont assailli, on aurait pu croire qu’une ère de
paisible prospérité allait s’ouvrir pour lui ; au contraire, il est visité
d’une nouvelle plaie. Je ne doute pas que cette famine n’ait pu avoir lieu à un
autre moment du règne, car il est dit : « Il y eut, du temps de David,
une famine… » (v. 1), mais ce n’est jamais sans
intention que l’Esprit de Dieu intervertit l’ordre du récit, comme nous le
voyons à la fin des Juges et dans cent endroits des évangiles.
Le gouvernement de Dieu ne peut ignorer le mal, quel qu’il soit, et le juge avec d’autant plus de sévérité que l’assemblée est relativement dans un bon état. Bien des années s’étaient écoulées depuis l’acte sanguinaire de Saül ; l’histoire de ce roi n’en fait pas mention ; le peuple l’a peut-être oublié, peut-être aussi est-il inconnu à David, mais Dieu ne l’a pas oublié, et ce fait est resté devant ses yeux. L’assemblée d’Israël n’avait pas trempé dans le crime ; Saül qui l’avait commis était mort depuis longtemps ; pourquoi donc le remettre en mémoire ? C’est qu’il s’agit ici d’un principe de toute importance dans les voies de Dieu, soit envers son ancien peuple, soit envers l’Église. Le peuple est solidaire de l’acte de Saül, parce qu’il a eu lieu sur le terrain de l’assemblée d’Israël. La violation des engagements et du serment fait au nom de l’Éternel (Jos. 9:18), rendait la congrégation coupable du péché de son conducteur. Des générations s’étaient succédé depuis ; elles pouvaient invoquer leur ignorance — le crime reste, et Dieu, en temps voulu, le remet en mémoire.
Des faits pareils ne se passent-ils pas de nos jours et ne parlent-ils pas aux consciences des saints ? Peu importe le temps écoulé, l’Assemblée est solidaire de l’iniquité qu’elle a laissé commettre et reste souillée par un acte contre lequel elle n’a pas protesté.
Le lecteur connaît l’histoire des Gabaonites, on peut la lire au 9° chap. de Josué. Les Amoréens s’étaient fait recevoir par ruse dans la congrégation d’Israël, afin d’échapper au jugement de leur peuple. Dieu considérait comme lié ce que l’assemblée avait lié : elle ne pouvait révoquer son serment. Sans doute en plaçant les Gabaonites dans une position d’esclavage vis-à-vis du peuple, la grâce de Dieu avait affranchi Israël des suites d’un faux pas fait à la légère et par ignorance, mais la conséquence d’une décision selon la chair demeurait en permanence. Saül en juge autrement, car un homme dans la chair fait toujours exactement le contraire de ce que l’Esprit aurait enseigné. Et cependant Saül était plein de « zèle pour les fils d’Israël et de Juda » (v. 2), mais d’un zèle qui s’alliait hélas ! fort bien avec la haine contre l’oint de l’Éternel. Saul de Tarse était aussi rempli d’un zèle qui faisait de lui le persécuteur de Christ dans son Assemblée. De nos jours encore, on peut être zélé pour sa nation, pour son église, sans que Dieu y ait aucune part.
Ce Saül qui, pour son propre serment téméraire, aurait sacrifié
son propre fils, libérateur d’Israël (1 Sam. 14:24, 44), ce même Saül méprise
le serment par lequel Josué et les princes d’Israël s’étaient engagés au nom
de l’Éternel
vis-à-vis des
Gabaonites.
La famine sévit trois années de suite, les coups se répètent sur
l’assemblée de Dieu. La conscience de David est amenée, par l’épreuve, à
désirer en connaître la cause : « David rechercha la face de l’Éternel » (v.
1). C’était sa seule ressource, et Dieu lui répondit immédiatement :
« C’est à
cause de Saül et de sa
maison de sang, parce qu’il a fait mourir les Gabaonites » (v. 1). « Sa maison
de sang
!… » Quand le fils de Guéra, poursuivant David humilié, lui
criait : « Sors, sors, homme de sang!... L’Éternel a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de
Saül… car tu es un homme de sang ». Dieu enregistrait ces injures d’un homme
de la maison de Saül, mais maintenant, le temps est venu d’exprimer Sa
pensée sur cet outrage ; Dieu
qualifie la maison de Saül de sanguinaire et justifie celle de David.
David, après avoir consulté l’Éternel sur la cause du châtiment, aurait dû, sans doute, continuer à le faire sur la manière de rendre justice aux Gabaonites. Au lieu de cela, il consulte ces derniers qui demandent sept hommes de la famille de Saül pour les pendre « devant l’Éternel à Guibha » (v. 6). David y consent, car, quoiqu’il en fût de sa faiblesse, le jugement était nécessaire. Mephibosheth en est préservé. David qui l’avait, en une autre occasion, traité avec une apparence de dureté, montre ici qu’il le porte toujours sur son coeur. Ce n’est pas un David, qui oublie ses serments. N’avait-il pas juré à Jonathan : « L’Éternel sera entre moi et toi, et entre ma semence et ta semence, à toujours » ? (1 Sam. 20:42).
Les deux fils de Ritspa, et les cinq fils de Mical (ou Merab)
fille de Saül (conf. 1 Sam. 18:19), sont livrés aux Gabaonites. Le procédé de
ces derniers — l’on ne peut s’étonner de leur indifférence aux prescriptions de
la loi — n’est pas d’accord avec l’ordonnance du Deutéronome : « Et si un
homme a commis un péché digne de mort, et qu’il ait été mis à mort, et que tu
l’aies pendu à un bois, son cadavre ne passera pas la nuit sur le bois ;
mais tu l’enterreras sans faute le jour
même,
car celui qui est pendu est malédiction de Dieu ; et tu ne rendras pas
impure la terre que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage » (Deut. 21:22,
23).
La « moisson des orges » pouvait être une excuse pour désobéir ainsi aux injonctions de l’Écriture, mais des excuses ne justifient pas la désobéissance. Il est probable cependant, d’après le récit, qu’ils furent enlevés du gibet pour rester exposés sur le rocher, au lieu de recevoir leur sépulture.
Ritspa, fille d’Aïa, mère de deux d’entre eux, déjà mentionnée
auparavant au sujet du différend entre Abner et Ish-Bosheth (3:7), Ritspa accomplit
un acte de piété qui mérite que son nom vive dans la mémoire des croyants. Elle
se constitue la gardienne des sept cadavres. Le motif de son dévouement n’est
pas que ses deux fils sont parmi les condamnés, car elle veille sur les cinq
autres aussi bien que sur les siens. La postérité de celui qui avait été « l’élu
de l’Éternel » (v. 6) lui tient au coeur. Elle montre sa piété envers la maison
de son époux et de son maître. De plus, Ritspa est une femme de foi
.
Elle garde leur corps de toute profanation et les veille, n’ayant pour remplir
sa pénible tâche que le sac de deuil qu’elle étend sous elle. Elle allie ainsi
son deuil avec sa piété vigilante envers les morts. Il faut que leur sépulture
au moins soit honorée. Elle ne veut pas les laisser de jour en pâture aux
oiseaux des cieux, de nuit, aux bêtes des champs, comme s’ils étaient criminels
et réprouvés. C’est ainsi qu’agissaient les nations envers le peuple de Dieu
(Ps. 79:2), mais ce n’est pas ainsi que l’Éternel a commandé
et qu’on agit en
Israël !
La foi de Ritspa est récompensée : « Ce qu’elle avait fait fut rapporté à David » (v. 11). L’acte de cette femme est digne d’être enregistré dans le coeur du roi. Au milieu de son deuil, quelle joie ! Elle a trouvé un coeur qui la comprend et qui trouve son bonheur à la récompenser ; une grâce qui répond à ses désirs. Les os des descendants de Saül sont réunis à ceux de leurs pères dans le sépulcre de Kis. Celle femme était dans le chemin de Dieu et a obtenu la réponse que réclamait sa foi.
Désormais l’Éternel peut être propice au pays, car le jugement est exécuté, mais la grâce aussi a eu son cours, car, dans ses voies, Dieu ne s’arrête pas au jugement, et ce dernier prépare le chemin au triomphe de la grâce.
La fin de l’histoire de David a le caractère de son commencement. Goliath semble reprendre vie. Il en fut de même pour le Seigneur : après la tentation au désert, Satan le laissa pour un temps et réapparut en Gethsémané, cherchant à l’effrayer pour lui faire abandonner son oeuvre. Ses efforts furent vains et, dans le dernier cas comme dans le premier, la dépendance de Jésus remporta la victoire.
Qu’après la victoire de Christ, les « enfants du géant » s’attaquent à ses rachetés, pensant en avoir plus facilement raison que de leur Maître, leur sort sera le même ; ils sortiront vaincus de la lutte. Ce combat se répète quatre fois avec les Philistins ; c’est d’entre ces ennemis du dedans que sortent les enfants du géant, ces « loups dévorants » qui cherchent à ravir le troupeau en effrayant ses conducteurs.
La première fois, David est personnellement en jeu (v. 15-17).
Il était descendu avec ses serviteurs, ne tenant compte ni de son âge, ni de
ses forces : « David était fatigué »
(v.
15). Jishbi-Benob, qui était des enfants du géant, redoutable par son
arme — « le poids de sa lance était de trois cents sicles d’airain » invulnérable
à cause de « l’armure neuve » dont il était ceint, veut profiter de l’apparente
faiblesse du roi. Mais « Abishaï, fils de Tseruïa le secourut
, et frappa
le Philistin et le tua » (v. 17). C’est ainsi que ce serviteur de David est mis
à l’épreuve ; il n’abandonne pas son maître dans le danger et a l’honneur
d’être le sauveur de David. N’en est-il pas ainsi de nous ? Le Seigneur
ayant combattu pour nous et nous ayant délivrés, n’avons-nous pas dans un
sens
le devoir de le secourir ? Son nom, sa personne, sa gloire, sont
menacés par les agents de l’ennemi. Il s’attaque à notre David pour anéantir
tout souvenir de Lui, et il sait qu’il a peu de temps, car déjà l’aube de Son
règne glorieux est sur le point de se lever dans la personne de Salomon.
L’ennemi réussira-t-il ? Nous sommes responsables de sa victoire ou de sa
défaite. À nous maintenant, dans la puissance de l’Esprit de Dieu, à frapper le
fils du géant, à vaincre ce qui s’attaque à Christ, à garder son nom et sa
Parole intacts devant l’ennemi qui voudrait les anéantir.
Et même, si nous n’étions pas des « hommes forts de David », ne
devrions-nous pas encore lui jurer, comme le firent tous ses serviteurs :
« Tu ne sortiras plus avec nous pour la guerre, et tu n’éteindras pas la lampe
d’Israël » (v. 17) ! La foi de tous
est ainsi mise à l’épreuve. Ils
sentent qu’ils ont à combattre eux-mêmes, chacun à son rang, afin que la lampe
du peuple de Dieu ne soit pas éteinte et continue à briller de tout son éclat.
Sans doute, notre
David n’est jamais fatigué, comme celui de cette
histoire : « Le Dieu d’éternité, l’Éternel, créateur des bouts de la terre,
ne se lasse pas et ne se fatigue pas » (És. 40:28), mais, pour éprouver et
fortifier notre foi, pour encourager nos coeurs dans la lutte et les réjouir
par la victoire et la récompense, il aime à se placer, vis-à-vis des siens,
dans une position où Lui, le vainqueur de Satan, semble avoir besoin de notre
secours. Quel privilège de combattre pour Lui ! Le jour est sérieux ;
Christ est attaqué de toutes parts ; l’effort semble formidable et dépasse
de beaucoup nos faibles ressources. Ceux qui devraient être avec Lui et
défendre l’intégrité de sa Parole et de sa Personne, font, hélas ! la
plupart du temps, cause commune avec les fils du géant. Ne nous en mettons pas
en peine.
Que notre David soit absent, comme dans les deux combats de Gob (v. 18, 19), il n’importe ; le même Esprit qui l’animait est encore avec nous. Peut-être serons-nous seuls, comme Sibbecaï le Hushathite, seuls contre Saph, car le géant frappé renaît toujours sous une autre forme. Qu’importe encore ? Peut-être, circonstance décourageante, le lieu où il a été vaincu, Gob, nous présentera une seconde fois le même terrain de bataille. Qu’importe, s’il nous faut rentrer dans les mêmes traces, alors que nous croyions en avoir fini avec une lutte déloyale ?
Sur ce terrain, voici Goliath, l’ancien ennemi, qui reparaît. « Et il y eut encore un combat à Gob avec les Philistins : et Elkhanan, fils de Jaaré-Oreguim, le Béthléhémite frappa Goliath, le Guitthien ; et le bois de sa lance était comme l’ensouple des tisserands » (v. 19). Goliath n’a donc pas été vaincu par David ? Ne t’en inquiète pas, ne t’en effraie pas, Elkhanan, héros de « la grâce de Dieu » (*), ce Goliath, le Guitthien, est un faux Goliath, se parant d’un nom trompeur, d’un nom de mensonge. Il n’est que Lakhmi son frère (conf. 1 Chron. 20:5). Mais il a la même lance, comme l’ensouple des tisserands ! (conf. 1 Sam. 17:7). Demande-lui, Elkhanan, où est son épée ? Elle est restée entre les mains de David et y restera toujours. La victoire, Elkhanan, t’est assurée ; il n’est pas même besoin, pour elle, d’une pierre de fronde que, certes, tu ne saurais manier comme ton roi. Ce qui le vaincra, c’est la confiance, c’est l’humble dépendance que tu as vues en David. Oui, quoi qu’il en soit, la victoire est à toi ; elle est à nous, parce qu’elle est à Lui !
(*) Elkhanan signifie : la grâce de Dieu.
Le dernier ennemi, monstrueux, formidable, n’est pas nommé, mais
« lui aussi était né au géant », « homme de haute stature qui avait six doigts aux
mains et six orteils aux pieds, en tout vingt-quatre » (v. 20-22). Comme jadis
Goliath, il outrage Israël
(v. 21 ; 1 Sam. 17:10). En l’absence
de Christ, nous avons à combattre aussi bien pour Lui, que pour son peuple
. Outrager
l’un, c’est outrager l’autre. Nous avons des frères captifs de l’ennemi, comme
Lot, tristement alliés comme lui au monde, dont il s’agit de les « sauver avec crainte,
les arrachant hors du feu »
(Jude 23). Mettons-nous à la brèche, comme Jonathan, fils de Shimha ;
montrons, comme lui, que nous portons par grâce le nom de « frères de David » (v.
21). Ayons à coeur, comme lui, les intérêts de son peuple.
Qu’il est pénible de s’entendre dire : De quoi vous mêlez-vous ? Nous sommes bien où nous sommes. Vous nous faites la guerre ; car ils s’identifient avec l’ennemi qui les asservit et préfèrent leur esclavage à la liberté qui leur est offerte. Qu’importe encore ? Combattons pour eux, frappons cette puissance formidable qui outrage le peuple de Dieu. Encore un coup ; ce sera le dernier. Plus qu’une victoire, et l’Éternel nous aura délivrés de la main de tous nos ennemis, et nous pourrons Lui adresser en paix, comme David, les paroles de notre cantique !
Nous voici arrivés à la délivrance définitive de David. Tous ses ennemis, dont Saül faisait partie (v. 1), ont disparu. Ce cantique qui prendrait place, historiquement, au commencement du chap. 7 (v. 1), est placé ici, parce que le dernier des adversaires de David et de son peuple vient d’être anéanti (21:21), et que, dès lors, cette puissance hostile ne relèvera plus la tête. De fait, ces paroles que nous retrouvons au Ps. 18, n’ont pu être prononcées à cette occasion, car elles mentionnent un temps où David n’était pas sous la discipline, mais avait été, par grâce, préservé de chute au milieu des poursuites de son cruel ennemi. Mais, même en ces temps de force et de sainteté qui avaient caractérisé la première période de sa carrière, jamais David, comme nous le verrons, n’aurait pu s’appliquer toutes les paroles de ce Psaume. David était prophète ; ses chants prophétiques sortaient de ses expériences personnelles, mais ils n’auraient pas été prophétiques, s’ils n’avaient pas eu Christ pour objet. Dans ses expériences, David est un reflet de Christ et c’est un immense privilège, mais ce reflet n’est que la lumière affaiblie, une reproduction atténuée du modèle parfait.
Ce Ps. 18 se divise en trois parties.
La première (v. 1-19), célèbre la délivrance
de la main de Saül : « Il me
délivra de mon puissant ennemi » (v. 18). Cette délivrance rappelle celle
d’Israël, sauvé de la poursuite du Pharaon, à travers la mer Rouge : « Les
lits de la mer parurent, les fondements du monde furent mis à découvert, quand
l’Éternel les tançait par le souffle du vent de ses narines. D’en haut, il
étendit sa main ; il me prit, il me tira des grandes eaux » (v. 16, 17).
Cependant ce tableau ne correspond exactement, ni à la délivrance de David, ni
à celle d’Israël hors d’Égypte. Il s’agit d’un temps futur et prophétique.
C’est la délivrance du résidu de la fin, quand Dieu interviendra ouvertement et
visiblement
en sa faveur (v. 8-15).
Il sera amené aux portes du sépulcre, et alors Dieu se montrera pour lui, et en
un instant dispersera ses ennemis. Avant cette délivrance le résidu apprendra
que son Messie, le fils de David, a traversé seul ces angoisses et les a
portées, s’associant ainsi à la détresse
future
de son peuple, afin de pouvoir le délivrer. David n’a pu réaliser qu’en une
faible mesure
ces paroles, qui nous font penser aux angoisses de
Gethsémané : « Les vagues de la mort m’ont environné, les torrents de
Bélial m’ont fait peur ; les cordeaux du shéol m’ont entouré, les filets
de la mort m’ont surpris » (v. 5, 6).
La seconde partie du Psaume (v. 20-30) est encore plus
frappante, sous ce rapport, que la première. La cause de la délivrance
de David est que Dieu prend plaisir en son
oint, selon toute la perfection du caractère de ce dernier. Or, pas même avant
sa chute, et combien moins après, le caractère de David n’a correspondu
exactement à ces versets : « Et il me fit sortir au large, il me délivra,
parce qu’il prenait son plaisir en moi. L’Éternel m’a récompensé selon ma
justice, il m’a rendu selon la pureté de mes mains ; car j’ai gardé les
voies de l’Éternel, et je ne me suis point méchamment détourné de mon
Dieu ; car toutes ses ordonnances ont été devant moi ; et de ses
statuts, je ne me suis pas écarté ; et j’ai été parfait envers lui, et je
me suis gardé de mon iniquité. Et l’Éternel m’a rendu selon ma justice, selon
ma pureté devant ses yeux. Avec celui qui use de grâce, tu uses de grâce ;
avec l’homme parfait, tu te montres parfait ; avec celui qui est pur, tu
te montres pur ; et avec le pervers, tu es roide » (v. 20-27). C’est d’un
autre que lui, qu’il célèbre la perfection : « L’Éternel m’a rendu selon ma
justice, selon ma pureté devant ses yeux ». Christ seul pouvait donner un motif
à son Père pour l’aimer et pour le sauver — mais son salut est devenu celui de
son peuple (v. 28).
Dans la troisième partie du Psaume (v. 31-51), David célèbre ce que Dieu avait fait pour lui.
Dieu
lui a répondu en le délivrant « des débats de son peuple » (ce qui correspond
dans l’histoire de David, à 2 Sam. 20), et en le faisant « chef des nations »
qu’ils avaient subjuguées (v. 44). Les fils d’Ammon, les Philistins, les
Syriens, Édom, ont dû se courber sous son joug. Mais comme tout cela nous parle
d’un plus grand que David ! Il sort de l’épreuve pour être déclaré roi
d’Israël et chef des nations. « Les fils de l’étranger » se soumettent à lui en
dissimulant (v. 45). Dieu lui donne des vengeances et amène les peuples sous
lui (v. 48). Il s’élève au-dessus de ceux qui s’élèvent contre lui (v.
49 ; conf. Ps. 2:2, 6).
Néanmoins David pouvait célébrer ces choses avec un coeur plein de reconnaissance. La grâce reposait alors sur lui, à cause de l’intégrité et de la perfection de sa conduite. Il était au bout du chemin des difficultés, et ce chemin était celui de la marche avec Dieu. Il célébrait avec un coeur tranquille et joyeux la délivrance que la grâce accorde à la fidélité. Du côté de David, tout est joie, liberté, puissance, actions de grâces ; du côté de Dieu, tout est faveur et grâce.
Qu’allons-nous trouver dans le chapitre suivant, où il est question de la responsabilité du roi ?
Voici maintenant les paroles qui terminent la carrière de David.
À la veille de sa mort, il considère le résultat de toute sa vie comme roi
favorisé de Dieu, mais responsable. Cette vie embrasse toutes ses expériences,
sa chute, et la discipline qui en fut la suite. Au moment de quitter le monde,
ses regards se portent en arrière, en avant, autour de lui, et sa vue est plus
claire qu’elle ne l’a jamais été. Il revoit le passé,
considère le présent,
et
contemple l’avenir,
et nous apprenons
ce qu’il en pense, éclairé par l’enseignement et l’inspiration de l’Esprit de
Dieu.
Le v. 1 n’appartient pas aux dernières paroles de David. Il nous
présente solennellement et comme une chose de toute importance, ce qui
caractérisait l’homme qui a prononcé ces paroles. Le premier point c’est que,
pour les prononcer, il était inspiré de
Dieu.
Les mots « a dit »,
répétés
deux fois, signifient que David parlait en
oracles
. Il était donc
inspiré sous les quatre acceptions dans lesquelles ce verset nous le
dépeint : comme fils d’Isaï », dans l’humble caractère de sa descendance
humaine — « comme l’homme haut placé », dans le caractère que Dieu lui a donné en
l’élevant comme homme — comme « l’oint du Dieu de Jacob », dans son caractère de
roi sur Israël, peuple des promesses — enfin, comme « le doux psalmiste
d’Israël », dans son caractère de prophète, apportant la grâce à son peuple.
Quelles sont maintenant les paroles de cet homme que Dieu vient
de nous décrire ? Il a d’abord rendu témoignage que c’était l’Esprit de
Dieu qui avait parlé en lui. « L’Esprit de l’Éternel a parlé en moi,
et sa parole a été sur ma
langue » (v. 2). Ensuite, que Dieu lui avait communiqué directement ses pensées
pour Israël, son peuple : « Le Dieu d’Israël a dit, le Rocher d’Israël m’a
parlé » (v. 3). Nous avons ici l’autorité divine et solennelle, en même temps
que l’affirmation la plus nette de ce qu’est l’inspiration.
Elle emploie l’homme, tout l’homme et se sert, pour
s’exprimer, de tous les caractères de cet instrument humain. S’il dit, c’est
comme oracle ; s’il parle, c’est que l’Éternel a parlé en lui.
Lui, n’y a rien mêlé qui fût de
lui-même : « Sa
parole a été sur ma
langue ». Dieu emploie de l’homme ce
qu’il veut pour présenter ses pensées dans l’intégrité absolue de sa Parole.
Mais si Dieu parle par
David, il
parle aussi à
David : « Le Rocher d’Israël m’a parlé ».
Ce qu’il lui a dit fait partie du trésor de ses expériences
personnelles.
Qu’est-ce que cette parole, si merveilleusement préservée, va
nous communiquer ? Nous l’avons dit, et nous allons le voir : le
passé, le présent et l’avenir : Le
passé,
c’est moi, c’est mon histoire ; le présent,
c’est la grâce ; l’avenir,
c’est Christ, c’est la gloire.
Le premier objet, toutefois, que Dieu présente à David et par
lui, n’est pas lui-même, c’est-à-dire son passé, mais Christ, c’est-à-dire son avenir,
et le nôtre avec Lui. David
annonçait sans doute ici, comme avenir immédiat, le règne de Salomon, mais en
réalité Salomon n’a point répondu à la splendide description qui nous est faite
ici du futur roi de gloire. C’était, comme toujours, une prophétie de Christ.
L’avenir est la chose immédiate dans les pensées de Dieu et doit l’être aussi
dans les nôtres, comme il l’était dans celles de David. Quelle merveilleuse
révélation du caractère du vrai roi ! « Celui qui domine parmi les hommes sera juste,
dominant en la crainte de Dieu,
et il sera comme
la lumière du matin,
quand le soleil se lève,
un matin sans nuages
» (v. 3,
4). Comme tout est frais, nouveau, jeune, immaculé, dans cette gloire,
dans ce lever du soleil de justice ! Ce sera le commencement d’une ère de
félicité sans mélange. Qui n’a assisté, par un matin de printemps, au lever du
soleil dans un ciel d’une pureté parfaite ? Qui n’a senti son coeur se
dilater, comblé de cette fraîcheur et de cette paix ineffable ? La beauté
de cette apparition nous ravit ; rien ne vient troubler cette
jouissance ; pas un point noir à l’horizon ; il semble que la
possibilité d’un orage soit passée pour toujours ; on vit, on jouit sans
arrière-pensée de ce spectacle — un matin sans
nuages !
Mais le lever du soleil offre autre chose encore que la splendeur de cet astre dans un ciel pur : « Par sa clarté, l’herbe tendre germe de la terre après la pluie » (v. 4). La terre renouvelée nous apparaît comme ressuscitée par sa clarté. Il est dit de Salomon, type de Christ : « Il descendra comme la pluie sur un pré fauché, comme les gouttes d’une ondée sur la terre » (Ps. 72:6) (*). Les hommes, son peuple, sont pénétrés de ses rayons. L’herbe fauchée par le jugement fera place à une herbe nouvelle, qui sera le résidu, un peuple de franche volonté. La clarté du soleil de justice le fera germer, après qu’il sera descendu, avec abondance de bénédictions, comme la pluie rafraîchissante, sur son peuple abaissé. « Du sein de l’aurore » lui viendra la rosée de sa jeunesse (Ps. 110:3).
(*) Conf. Deut. 32:2 ; Prov. 19:12 ; És. 66:14 ; Michée 5:7.
C’est donc l’apparition de la gloire de Christ, leur joie et leur espérance, qui devance toute autre pensée dans le coeur de ceux qui le connaissent et qui l’aiment.
À la vue de cette gloire, David fait maintenant un retour sur
lui-même et sur son histoire. C’est comme s’il disait : Voilà ce que
j’aurais dû être et ce qu’un autre sera ; voici maintenant ce que je
suis : « Quoique ma maison ne soit pas ainsi avec Dieu » (v. 5).
Hélas ! pour écrire cette histoire d’humiliation et de honte, et pour la
lire, il n’est besoin que de peu de mots. Mais on voit ici que David, en
présence de la mort, n’avait plus à l’apprendre. Il n’a aucune confiance en
lui-même, ni en sa maison, et les condamne l’un et l’autre. N’est-ce pas le mot
du patriarche : « Les jours des années de ma vie ont été courts et
mauvais » ! Voilà pour le passé.
David
n’avait ni répondu à ce que Dieu attendait de lui, ni montré ce que devait être
le « juste dominateur des hommes ».
Mais une chose restait, établie
pour le présent et pour l’éternité :
« Cependant il a établi avec moi
une alliance éternelle, à tous égards bien ordonnée et assurée » (v. 5). Le
présent, c’est la grâce
,
ce
que Dieu a fait
pour David, malgré ce que David a été.
« Selon ce
temps il sera dit… : Qu’est-ce que Dieu a
fait ? » (Nomb.
23:23). L’alliance de Dieu est éternelle, assurée. C’est une nouvelle alliance,
car l’ancienne était bien ordonnée, mais non pas assurée, ni éternelle, à cause
de la responsabilité de l’homme. Dieu a cherché en lui-même un motif pour la
nouvelle alliance ; l’homme n’y
entre pas comme partie contractante.
C’est pourquoi elle peut durer et ne
jamais prendre fin. David se repose sur ce que Dieu a fait : « Car c’est là
tout mon salut et tout mon plaisir, quoiqu’il ne la fasse pas germer » (v. 5).
Elle ne germe pas maintenant, cette alliance ; elle germera avec un peuple
nouveau (v. 4). Pour qu’elle puisse germer et que la pleine bénédiction soit
introduite, il faut d’abord que le
jugement soit exécuté,
que « les fils de Bélial soient tous comme des épines
qu’on jette loin… et ils seront entièrement brûlés par le feu sur le lieu
même » (v. 6, 7) ; mais David peut s’appuyer fermement sur cette alliance
et sur les promesses de Dieu.
On retrouve toujours les trois choses dont nous venons de parler, dans une âme qui se tient en la présence du Seigneur. N’ont-elles pas brillé de tout leur éclat, même chez un brigand sur la croix ? Cet homme se jugeait lui-même en reconnaissant la justice du jugement de Dieu : « Et tu ne crains pas Dieu, toi, car tu es sous le même jugement ? Et pour nous, nous y sommes justement ; car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises ». Il prenait pour mesure ce que Christ avait été : « Mais celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire ». Il comptait sur sa grâce : « Souviens-toi de moi » et, regardant à sa gloire future, il ajoutait : « Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume » (Luc 23:39-43).
Après les dernières paroles de David, Dieu nous montre qu’il garde la mémoire des hommes forts, compagnons de son oint jusqu’à l’établissement définitif de son règne. D’autres hommes dévoués, des Itthaï, des Shobi, se trouvèrent sur son chemin quand il fuyait de Jérusalem, mais ceux qui sont mentionnés ici étaient les associés de la première heure. Ainsi les douze disciples étaient distingués pour avoir accompagné le Seigneur « pendant tout le temps » qu’il entrait et sortait au milieu d’eux (Luc 22:28, 29 ; Actes 1:21). C’est encore ainsi que seront distingués ceux qui l’auront suivi pendant que le monde le rejette et le méconnaît.
Ces hommes sont ici (conf. 1 Chron. 11-12) au nombre de trente-sept.
Joab qui avait une place prépondérante comme chef de l’armée,
jusqu’à la fin du règne, est exclu des hommes forts de David. Peut-être
avait-il fait plus d’actions d’éclat que tous les autres ; on trouvait
chez lui beaucoup de courage et même un certain dévouement extérieur au roi,
mais ces qualités en elles-mêmes ne donnent pas une place dans le registre de
Dieu ; sans cela, la Parole énumérerait presque tous les grands héros de
l’humanité. Le Ps. 87 nous renseigne sur ce que Dieu entend par les hommes
forts : « Je ferai mention », dit-il, « de Rahab (l’Égypte) et de Babylone à
ceux qui me connaissent ; voici la Philistie, et Tyr, avec
l’Ethiopie : celui-ci était
né
là » (v. 4). La gloire de ces héros des nations était passée et ne demeurait pas
au-delà de leur courte existence, quoiqu’ils eussent rempli la terre du bruit
de leur nom. « Et de Sion il sera dit : Celui-ci
et celui-là sont
nés en elle ; et le Très-haut, lui, l’établira ». Tel
était le caractère des hommes forts de David : ils étaient considérés
comme appartenant par leur origine à la cité de la grâce royale. Mais l’Esprit
ajoute : « Quand l’Éternel enregistrera les peuples, il comptera : Celui-ci est
né là » (v. 6). Malgré tous les
« celui-ci » passés, quand le registre des nations sera ouvert devant l’Éternel,
il n’en trouvera qu’un, un seul, l’homme de sa droite, qui mérite d’avoir son
origine en Sion. Les chefs des nations ont eu leur jour, et leur gloire s’est
évanouie en fumée ; celui-ci
dominera sur tous les peuples ; le point de départ et le centre de son
royaume seront à Jérusalem, et « toutes les sources » des siens seront en lui (v.
7). Mais ses hommes forts, « celui-ci et celui-là », lui seront associés dans son
règne.
Ce qui caractérisait les hommes forts de David, c’était donc l’association que la grâce leur avait donnée avec l’oint de l’Éternel. Joab n’avait jamais eu une telle relation ; ce livre nous l’a amplement démontré. Il se recherchait lui-même en servant David, et jamais ses actions n’eurent pour point de départ la communion avec son chef. Son nom est passé sous silence.
Parmi les hommes forts, la Parole en cite d’abord trois qui
furent plus honorés que tous les autres. Quelle fut la cause de cet
honneur ? Ces hommes avaient fait preuve d’une énergie persévérante pour
procurer la délivrance du peuple de Dieu, mais dans le combat, ils ne
comptaient pas sur eux-mêmes ; c’était l’Éternel qui opérait la délivrance
par leur moyen. « L’Éternel »,
est-il
répété deux fois aux versets 10 et 12, « opéra
une grande délivrance. »
D’où provenait leur persévérance ? S’ils avaient été seuls,
ils auraient certainement faibli, mais ils étaient tous trois « avec David »
et sous ses yeux
(v. 9) pendant le combat. Lui, leur inspirait le courage et la
patience de l’effort. Ils l’avaient pris pour modèle, lui, qui pouvait
dire : « Par toi, je courrai au travers d’une troupe » : « il enseigne
mes mains à combattre ; et mes bras bandent un arc d’airain » ; et
encore : « J’ai poursuivi mes ennemis, et je les ai détruits ; et je ne m’en suis pas retourné que je ne les
aie consumés
» (22:30, 35, 38).
Quel ennemi combattaient ces hommes de valeur ? Le
Philistin, l’ennemi du dedans,
comme
nous l’avons vu si souvent au cours de ces méditations. Aucun ennemi n’est plus
dangereux que celui-là ; les Égyptiens, les Moabites étaient moins à
craindre que ceux qui, vivant dans les limites d’Israël, s’opposaient
continuellement à la possession paisible du pays que Dieu lui avait donné en
héritage.
Ces trois hommes n’avaient pas faibli dans cette lutte. Le
premier, Josheb-Bashébeth avait levé sa lance contre huit cents hommes (*) ; il les avait tués en une fois
et ne s’était arrêté que faute de combattants.
De là sa prééminence, car son nom se
traduit : « Celui qui est assis à la première place ».
(*) Il y a ici quelque difficulté de traduction, peut-être aussi quelque erreur de copiste (comp. 23:8, avec 1 Chron. 11:11).
Le second, Eléazar, fils de Dodo, combattit seul en présence des hommes d’Israël
. Il n’attendait d’eux aucun secours, car il ne comptait pas sur
la force de l’homme. Être avec David (v. 9) lui suffisait pour défier les
Philistins. Il les frappe et ne s’arrête que lorsque « sa main est lasse » (v.
10). Il peut y avoir des limites au combat de la foi, car Dieu se sert
d’instruments imparfaits, sujets à atteindre le bout de leurs forces ;
mais la persévérance d’Eléazar fut telle que « sa main demeura attachée à l’épée
» (v. 10), et qu’il fut impossible de la séparer de l’arme dont
il s’était servi. Que la victoire d’Eléazar soit aussi la nôtre ! Nos
armes ne sont pas charnelles ; nous avons l’épée de l’Esprit qui est la
parole de Dieu. Servons-nous-en de telle manière que nous faisions, pour ainsi
dire, corps avec elle, même après le
combat.
Que ce dernier ait toujours pour effet de nous faire apprécier
davantage la Parole, en sorte qu’il soit impossible de nous en détacher.
Le troisième de ces hommes fut Shamma, fils d’Agué, Hararite.
Sous Eléazar, le peuple était monté assez mollement, semble-t-il, puisqu’il
était revenu après Eléazar « seulement pour piller » (v. 10). Ici, le peuple
« avait fui devant les Philistins » (v. 11). L’objet de leur contestation était
« une portion de champ pleine de lentilles », une partie, bien petite, de
l’héritage que Dieu avait donné à Israël, mais qui contenait de la nourriture
pour ce peuple. L’ennemi cherchait à lui enlever le champ et sa récolte. Shamma
(*), s’était placé au milieu du champ et
l’avait conservé au peuple de Dieu. Ce fait parle à nos consciences. Notre
héritage et notre « portion de champ » sont célestes, et nous avons à les
défendre en même temps que la nourriture céleste, la Parole, que Dieu nous a
confiée. Le peuple de Dieu s’enfuit lâchement devant l’ennemi, reconnaissant, à
sa honte, les droits de l’incrédulité à anéantir la parole de Dieu. Soyons
comme Shamma ; défendons-la sans crainte pour les saints, car nous sommes avec David.
Comptons sur Dieu qui
opérera « une grande délivrance ».
(*) Et les deux autres avec lui (1 Chron. 11:14).
Les v. 13-17 présentent une seconde série de trois chefs. Ils ne
sont pas nommés, et pour cause, dans l’acte que ces versets relatent, mais ils
le sont ensuite dans leurs actions d’éclat (*).
Pourquoi cette remarquable omission de leurs noms dans la relation de leur
exploit ? C’est qu’il s’agit ici, non plus de l’énergie et de la
persévérance, mais du dévouement de la
foi.
Or ce dévouement coule de source pour le coeur de serviteurs qui
connaissent et apprécient leur Maître. De sa nature le dévouement est obscur.
Quel homme a le droit de s’en vanter ? Notre David rejeté, invisible au
monde, a-t-il ou n’a-t-il pas droit à notre dévouement par la toute puissante
perfection de son caractère ? Le connaître, c’est l’aimer. Ces trois
visiteurs de la caverne d’Adullam s’étaient attachés immédiatement à lui. Un
simple désir de leur roi suffisait pour leur faire traverser tous les
obstacles, sans tenir compte de leur vie, afin d’être à même de le satisfaire.
Leur affection, bien plus que leur énergie, fut ainsi mise à l’épreuve. Le
danger ne les épouvantait pas, quand il s’agissait d’aller puiser une goutte
d’eau au puits de Béthléhem, parce que leur bien-aimé avait soif au temps de la
moisson. Ils auraient succombé à la suite de cette entreprise, qu’ils
n’auraient pas payé trop cher ce qui pouvait offrir à David une satisfaction,
même passagère. Dieu enregistre ce dévouement dans son livre ; le roi
l’apprécie, mais il ne veut pas en profiter : « N’est-ce pas le sang des
hommes qui sont allés au péril de leur vie ! » (v. 17). S’il provoque le
dévouement des siens, son caractère à lui, est de se dévouer pour eux. L’eau
qui lui est offerte ne fait que passer par ses mains pour être présentée « en
libation à l’Éternel » (v. 16), car tout ce qui est fait pour Christ l’est pour
Dieu, et Dieu l’accepte, offert par Christ, comme un sacrifice excellent. Un
simple verre d’eau donné à « l’un de ces petits » pour l’amour de Christ, passe
de son coeur dans le coeur de Dieu lui-même.
(*) Il peut être de quelque intérêt de donner ici les raisons pour voir dans Abishaï, Benaïa et Asçaël les trois chefs du vers. 13. Il est dit au vers. 17 : « Ces trois hommes forts firent cela », et au vers. 22 : « Il eut un nom parmi les trois hommes forts ». Il faut remarquer en outre que quand il est dit, au vers. 23, que « Benaïa fut plus honoré que les trente », ces trente se trouvent être trente-deux dans les vers. 24 à 39. Si l’on en retranche Asçaël qui « était des trente » (v. 24), mais complétait le nombre trois avec Abishaï et Benaïa, et si l’on met à part Urie le Héthien si remarquablement placé au bout de la liste, tandis que 1 Chron. 11, le mêle avec les autres, on trouve « les trente », mais, comme nous l’avons dit, leur nombre complet est de trente-sept. 1 Chron. 11 et 12 en citent, pour un autre motif, un beaucoup plus grand nombre.
Les actions d’éclat
de ces trois hommes n’atteignent pas
celles des trois premiers. C’est d’abord Abishaï qui, pareil à Josheb-Bashébeth
leva sa lance contre trois cents hommes qu’il tua, mais il n’eut pas la même
persévérance de foi (v. 18, 19).
Nous trouvons ensuite Benaîa, fils de Jehoïada. Il combat les ennemis du dehors,
Moab et l’Égypte. Il
frappe deux héros de Moab (*). Comme David, il
combat un lion seul à seul ; il tue l’Égyptien, comme David avait frappé
Goliath, et, comme David s’était emparé de l’épée du géant pour le décapiter,
Benaïa met à mort l’Égyptien avec sa propre lance. Benaïa marche fidèlement sur
les traces de son maître, et sa grande affection pour lui l’amène à reproduire
les traits de son modèle. Une telle marche trouve sa récompense : « David
lui donna une place dans ses audiences privées » (v. 23), place de confiance,
d’intimité et de communion. Benaïa a part aux secrets de son maître, reçoit la
communication de ses projets et voit à tout moment la face du roi. Quelle part
bienheureuse ! Si nous aimons le Seigneur Jésus pour le suivre dans
l’obéissance et le servir, nous en serons récompensés par une proximité
semblable à celle de Jean, le disciple bien-aimé, dont la place était dans le
sein de Jésus.
(*) « Deux Ariel » ou lions de Dieu, héros.
Asçaël n’a pas de mention spéciale. Il avait pu faire quelque action d’éclat, mais sa confiance en lui-même et dans son agilité lui firent perdre de bonne heure sa carrière dans sa rencontre avec Abner (2:18-24).
Nous trouvons enfin les « trente », moins renommés que les six précédents, quoique le Seigneur n’oublie aucun des siens. Lorsque David parcourait la liste de ses serviteurs, avec quelle douleur ses yeux ne devaient-ils pas s’arrêter sur le nom d’Urie le Héthien qui la termine. Il était d’entre les hommes forts, et non pas le moindre de ces coeurs dévoués au roi et à son peuple. Et David l’avait immolé pour satisfaire une de ses convoitises ! Son nom restait là en témoignage contre celui qu’il avait servi. Ce seul nom d’Urie rappelait à David tout son passé de honte et de châtiment ; mais, se condamnant lui-même et exaltant la grâce qui l’avait restauré, il n’aurait jamais songé à effacer ce nom du livre où il était enregistré.
(*)
(*) 2 Chron. 3:1.
Le second livre de Samuel se termine par la plus merveilleuse révélation de l’oeuvre rédemptrice qui ait été donnée sous l’économie de la loi.
La Parole nous dit que « la colère de l’Éternel s’embrasa de nouveau contre Israël » (v. 1). Elle ne nous révèle pas à quelle occasion, mais nous avons vu, au chap. 21, que des faits, passés depuis longtemps, restaient présents devant Dieu, quand il s’agissait du châtiment ou de la discipline de son peuple. David fut l’instrument de ce châtiment : « Dieu incita David contre Israël, disant : Va, dénombre Israël et Juda ». Nous trouvons en 1 Chron. 21:1, que, comme dans le cas de Job, Satan fut l’agent employé contre le peuple et pour séduire David. « L’accusateur des frères » aurait voulu que Dieu maudît le peuple et son prince ; il ne pouvait savoir que Dieu l’emploierait comme serviteur involontaire de ses desseins pour la bénédiction finale et le triomphe de ses élus.
On pourrait se demander en quoi le dénombrement du peuple était si contraire aux pensées de l’Éternel, car, dès la sortie d’Égypte, plusieurs dénombrements des hommes valides d’Israël avaient été ordonnés et approuvés de Dieu.
Le premier dénombrement qui soit mentionné (Ex. 38:25-27), avait pour but de recueillir l’argent (se montant à un béka par tête) destiné à former les bases des colonnes du tabernacle ; il avait donc lieu pour l’Éternel et en vue de son culte. Le second dénombrement (Nombres 1:2, 3) était destiné à établir le nombre des hommes propres pour la guerre, au moment où Israël allait entrer en conflit avec l’ennemi. La chose était selon Dieu ; il fallait que chaque Israélite, depuis vingt ans et au-dessus, comprît sa responsabilité personnelle dans les combats de l’Éternel (*). La Parole mentionne un troisième dénombrement (Nombres 26:2, 52-65) de ceux qui étaient propres au service militaire, en vue du partage du pays. Ici encore, le dénombrement était de toute importance, car chaque famille voyait augmenter on diminuer son héritage en Canaan, suivant le nombre de ses fils.
(*) Un recensement supplémentaire fut ordonné (Nombres 3:40) au sujet des premiers-nés, depuis l’âge d’un mois et au-dessus. Les Lévites leur furent substitués pour appartenir à l’Éternel. Ceux qui dépassaient le nombre des Lévites durent être rachetés, et l’argent du rachat fut remis à Aaron et à ses fils.
Le dénombrement de notre chapitre n’avait aucun de ces caractères. Le tabernacle étant bâti, Lévi substitué aux premiers-nés, l’héritage conquis en grande partie, restaient les hommes propres pour la guerre, mais Dieu « avait délivré David de la main de tous ses ennemis » (22:1). Qu’avait-il besoin de prendre connaissance du nombre de ses guerriers ! Son but, il le dit à Joab, était de « savoir le nombre du peuple » (v. 2). À l’instigation de Satan, le coeur de ce roi pieux subissait sur la fin de sa vie, une tentation très contraire à son caractère. David avait toujours été un homme humble devant l’Éternel (2 Sam. 7:18) et devant les hommes (1 Sam. 26:20). Il semblait qu’il ne fût pas obligé de se mettre en garde contre l’orgueil. Autrefois, la convoitise des yeux et de la chair l’avait entraîné, et il en avait été sévèrement puni ; maintenant tenté par l’orgueil de la vie, il ne résiste pas au désir de se rendre compte de ses propres forces, afin de savoir en quelle mesure il peut s’appuyer sur elles. Le châtiment l’atteint pour lui apprendre qu’il ne peut et ne doit compter que sur Dieu seul.
Joab blâme son maître. Cet homme qui ne s’était jamais jugé, condamne l’homme de Dieu. La parole du roi lui « était une abomination » (1 Chron. 21:6). Quelle honte pour un David d’être repris par un Joab ! On ne peut découvrir qu’une seule cause à la répugnance de ce dernier à obéir aux ordres du roi. Il n’y avait ni profit à tirer de cet acte, ni avantage à braver Dieu. Joab ne l’avait jamais fait que lorsqu’il pouvait y trouver son compte et que ses intérêts étaient en jeu. Pourquoi donc David commettrait-il cette action profane et inutile !
Le désir du roi prévaut. Pendant plus de neuf mois, Joab et les
chefs de l’armée s’emploient au dénombrement, et pendant ces neuf mois la conscience
de David ne parle pas ; mais, dès qu’il a obtenu le fruit de son désir, il
lui trouve une saveur amère. Tant de peine dépensée pour un objet si
misérable ! Et encore y manquait-il quelque chose, car Lévi et Benjamin
n’avaient pas été dénombrés [1 Chr. 21 :6]
.
Devant ce résultat incomplet, David devait sentir doublement la folie de sa
poursuite.
Nous faisons les mêmes expériences que lui. Satan nous leurre
par des convoitises. Jamais la possession de leur objet ne peut rassasier le
coeur d’un enfant de Dieu, parce qu’il ne peut faire taire sa conscience.
L’homme du monde n’y trouve pas plus de satisfaction que le chrétien, mais il
se met à la poursuite d’objets nouveaux par lesquels il espère combler le vide
qu’il ressent. Il se réveille épouvanté, les mains vides, le coeur vide, image
de la misère morale, ayant perdu la communion avec Dieu et la jouissance du
ciel et n’ayant pas gagné celle de la terre. Sa conscience le reprend, et il
vient à Dieu plein de repentance. Ah ! combien David désirerait maintenant
effacer ces neuf mois funestes ! Il ne le peut. Alors il saisit la seule
ressource qui lui reste et s’adresse à l’Éternel : « J’ai grandement péché
dans ce que j’ai fait ; et maintenant, ô Éternel, fais passer, je te prie,
l’iniquité de ton serviteur, car j’ai agi très follement » (v. 10). Il avait vu,
dans une autre occasion, combien il en coûtait d’offenser la sainteté de Dieu.
Un nouveau jugement allait-il tomber sur lui ! Les conséquences de son
acte lui font peur, mais trop tard ; elles auraient dû l’épouvanter avant
qu’il s’engageât dans ce chemin.
Sa repentance ne peut pas rendre le mal moins coupable et moins digne de
jugement ; elle ne peut pas expier son péché, ni le délivrer de ses
conséquences. Que reste-t-il donc à David ! À subir le jugement qu’il
aurait voulu éviter.
Mais ici sa foi
se
montre. L’Éternel, par la bouche de Gad, met devant lui trois choses ; il
choisit la dernière. L’épée de l’Éternel, cette épée à deux tranchants, est
plus rassurante pour lui que l’épée de l’homme, parce qu’il connaît Dieu.
N’a-t-il pas appris, dans sa longue carrière de douleurs, d’épreuves et de
combats, que « les compassions de l’Éternel sont grandes » ! (v. 14). Il se
remet entre les mains de la justice, parce qu’il la sait inséparable de la miséricorde.
David est dans une « grande détresse » (v. 14), comme le résidu d’Israël à la
fin, mais il sait qu’il peut compter sur la grâce de Dieu (conf. 12:13).
La peste sévit ; l’ange a frappé du nord au midi, de Dan à
Beër-Shéba (v. 15), dans toute la sphère du dénombrement (conf. v. 7) ; il
arrive à Jérusalem, étend son épée sur la ville bien-aimée (1 Chron. 21:16). À
ce moment, « Dieu se repent » et arrête la main de l’ange. Il ne l’arrête pas à
cause de la repentance de David, mais à cause
de sa propre repentance.
Son jugement cède le pas à sa grâce, sans
que ni l’un ni l’autre soit affaibli ou sacrifié.
Mais auparavant David intervient comme intercesseur et comme
arbitre entre Dieu et le peuple : « Voici,
moi j’ai péché,
et moi j’ai commis
l’iniquité ;
mais ces brebis, qu’ont-elles fait ? Que ta main, je
te prie, soit sur moi et sur la maison de mon père » (v. 17). Il prend le
jugement sur lui et se met à la brèche, afin que les brebis soient
épargnées ; il se charge du péché et de l’iniquité — mais hélas ! ce
péché était son péché, ce jugement, il l’avait mérité.
Un autre, un seul arbitre, a porté nos péchés sans en avoir
aucun et, les faisant siens, a mis sa vie pour ses brebis, en disant : « Si
donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci » (Jean 18:8).
Maintenant un troisième grand fait se présente. Le premier était
la grâce, le second, l’intervention d’un arbitre entre Dieu et les hommes, le
troisième est le sacrifice.
C’est la
miséricorde d’un côté, le sacrifice de l’autre, qui arrêtent le jugement
définitif, et le vrai arbitre peut se lever et dire : « J’ai trouvé une
propitiation » (Job 33:24). Jérusalem, la cité de la grâce, est épargnée, mais
elle ne peut l’être que par le sacrifice expiatoire offert à Morija, dans
l’aire d’Ornan, le Jébusien (2 Chron. 3:1).
Morija était le lieu historique où Abraham avait offert Isaac (*) (Gen. 22:2). C’est en cette montagne de
l’Éternel qu’il « y a été pourvu ». Combien plus, quand le péché d’Israël et de
son roi avait suscité contre le peuple le jugement de l’Éternel ! Il y
était pourvu maintenant par un sacrifice qui ne coûtait rien au peuple, mais dont David payait le prix complet
. Il y
a été pourvu d’une manière bien plus parfaite en cette même montagne où Jésus a
été crucifié pour nous.
(*) Le fait a été contesté par la critique moderne, mais ses objections sont sans valeur.
Dieu qui avait autrefois pourvu à la victime pour l’holocauste,
accepte le sacrifice, après en avoir prévu l’efficacité, et ainsi la grâce
souveraine, régnant en justice, manifestée comme telle sur la croix, devient le
moyen d’approche pour Israël. L’ancien tabernacle est délaissé avec son
autel ; l’arche seule reste sur la montagne de Sion. Un nouvel ordre de
choses commence. Le système
de la loi
est laissé de côté comme suranné ; la libre grâce qui pourvoit au
sacrifice, vaut mieux que tout ce que l’homme pourrait offrir. C’est là que
l’Éternel répond aux besoins de tout pauvre pécheur, là aussi que le croyant
sacrifie et adore (conf. 1 Chron. 22:1). Ce n’est plus le tabernacle de Moïse,
mais l’aire d’un Jébusien, étranger aux promesses, qui devient le lieu de
rencontre entre Dieu et son peuple !