par Henri Rossier
Table des matières :
2 - Chapitre 1 — Élie et Achazia
3 - Chapitre 2 — Élie et Élisée
3.1 - Chapitre 2:1-12 — Ascension d’Élie
3.2 - Chapitre 2:13-25 — Élisée ou Christ en Esprit
4 - Chapitres 3 à ch. 8:16 — Élisée
4.1 - Chapitre 3 — Joram et la guerre contre Moab
4.2 - Chapitre 4:1-7 — La veuve du prophète
4.3 - Chapitre 4:8-37 — La Sunamite
4.4 - Chapitre 4:38-11 — La mort dans la marmite
4.5 - Chapitre 4:42-44 — L’homme de Baal-Shalisha
4.7 - Chapitre 6:1-7 — Les fils des prophètes et le Jourdain
4.8 - Chapitre 6:8-23 — Dothan
4.9 - Chapitre 6:24 à ch. 7 — Le siège de Samarie
4.10 - Chapitre 8:1-6 — Encore la Sunamite
4.11 - Chapitre 8:7-15 — Ben-Hadad et Hazaël
5 - Chapitres 8:16 à ch. 17 — Rois d’Israël et de Juda
5.1 - Chapitre 8:16-29 — Joram, roi de Juda, et son fils Achazia
5.2 - Chapitre 9 — Jéhu, roi d’Israël
5.3 - Chapitre 10 — Jéhu (suite)
5.5 - Chapitre 12 — Joas, roi de Juda
5.6 - Chapitre 13:1-9 — Joakhaz, fils de Jéhu, roi d’Israël
5.7 - Chapitre 13:10-25 — Joas, roi d’Israël, et Élisée
5.8 - Chapitre 14:1-22 — Joas, roi d’Israël, Amatsia, roi de Juda
5.9 - Chapitre 14:23-29 — Jéroboam II, roi d’Israël
5.10 - Chapitre 15:1-7 — Azaria ou Ozias, roi de Juda
5.11 - Chapitre 15:8-12 — Zacharie, roi d’Israël
5.12 - Chapitre 15:13-22 — Shallum et Menahem, rois d’Israël
5.13 - Chapitre 15:23-31 — Pekakhia et Pékakh, rois d’Israël
5.14 - Chapitre 15:32-38 — Jotham, roi de Juda
5.15 - Chapitre 16 — Achaz, roi de Juda
5.16 - Chapitre 17:1-6 — Osée, roi d’Israël
5.17 - Chapitre 17:7-41 — Récapitulation divine de l’histoire d’Israël
6 - Chapitres 18 à 25 — Les derniers rois de Juda
6.1 - Chapitres 18 à 20 — Ézéchias, roi de Juda
6.3 - Chapitre 18:1-18 — Ézéchias et le premier réveil
6.4 - Chapitre 18:19-37 — Le discours du Rab-Shaké
6.5 - Chapitre 19 — Sankhérib et l’Éternel
6.6 - Chapitre 20:1-11 — Maladie d’Ézéchias
6.7 - Chapitre 20:12-19 — L’ambassade de Babylone (*)
6.8 - Chapitre 21:1-18 — Manassé
6.9 - Chapitre 21:19 à ch. 21 — Amon
7 - Chapitres 22 à 23:30 — Josias
7.1 - Chapitre 22 — Josias et le second réveil
7.2 - Chapitre 23:1-20 — Le livre de l’alliance et la sanctification du peuple
7.3 - Chapitre 23:21-27 — La Pâque
7.4 - Chapitre 23:28-30 — Le Pharaon Neco
8 - Chapitres 23:31 à ch. 25 — La ruine finale
8.1 - Chapitre 23:31-35 — Joakhaz
8.2 - Chapitres 23:36 à ch. 24:7 — Jéhoïakim
8.3 - Chapitre 24:7-17 — Jehoïakin (ou Jéconias, ou Conia)
8.4 - Chapitres 24:18 à ch. 25:21 — Sédécias
8.5 - Chapitre 25:22-26 — Guedalia
8.6 - Chapitre 25:27-30 — La fin
Le second livre des Rois fait
suite au premier, sans aucune interruption. Il peut être utile de remarquer,
afin d’éviter au lecteur une conclusion erronée, que cette division en deux
livres ne fait pas partie du texte inspiré, qui ne formait à l’origine qu’un
livre dans le canon hébraïque. Puisque nous touchons, en passant, à ce sujet,
nous ajouterons, pour nos lecteurs, que l’une des grandes divisions de l’Ancien
Testament, « les Prophètes », comprenait, outre les livres des prophètes
proprement dits, sauf Daniel
et
les Lamentations,
tous les livres historiques, depuis Josué jusqu’aux
livres des Rois inclusivement, le livre de Ruth excepté (*).
(*) L’Ancien Testament comprenait trois grandes divisions : La loi, c’est-à-dire les cinq livres de Moïse. Les Prophètes dont nous venons de parler ; enfin les Hagiographes ou « écrits sacrés », connus aussi sous le titre de Psaumes (Luc 24:44), et contenant les Psaumes, les Proverbes, Job, le Cantique des Cantiques, Ruth, les Lamentations, l’Écclésiaste, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie, les deux livres des Chroniques.
Ce titre seul, « les Prophètes », nous éclaire sur les auteurs des livres historiques qui nous occupent. Ils étaient dus aux prophètes et portaient leur marque. La soi-disant critique théologique moderne ne doit en rien influer les convictions du chrétien sur ce point. La parole de Dieu seule suffit pour s’expliquer elle-même, et nous apporter l’assurance de son contenu.
C’est ainsi que les actes de David sont écrits dans les paroles de Samuel le voyant, et dans les paroles de Nathan le prophète, et dans celles de Gad le voyant (comp. 1 Chron. 29:29, avec 1 et 2 Samuel) ; les actes de Salomon, dans les paroles de Nathan le prophète, dans la prophétie d’Akhija, et dans la vision de Jehdo le voyant, touchant Jéroboam, fils de Nebath (comp. 2 Chroniques 9:29, avec 1 Rois) ; les actes de Roboam, dans les paroles de Shemahia le prophète, et d’Iddo le voyant, dans les registres généalogiques (2 Chron. 12:15) ; les actes d’Abija, dans les commentaires d’Iddo le prophète (2 Chron. 13:22) ; ceux de Josaphat, dans les paroles de Jéhu, fils de Hanani, lesquelles sont insérées dans le livre des rois d’Israël (2 Chron. 20:34). Les actes d’Ozias ont été écrits par Ésaïe, fils d’Amots (2 Chron. 26:22) ; ceux d’Ézéchias, dans la vision d’Ésaïe le prophète (Comp. 2 Chroniques 32:32, avec 2 Rois 18-20, et Ésaïe 36-39). Enfin 2 Rois 24:18-25, correspond à Jérémie 52.
N’est-il pas remarquable que ce soient précisément les livres des Chroniques, si contestés, si attaqués par les rationalistes, qui affirment l’autorité prophétique de nos livres historiques ? Or, s’il est vrai que les livres des Rois sont l’oeuvre des prophètes, et cela nous suffit, puisque la parole de Dieu ne nous en dit pas davantage sur la manière dont ils ont été composés, nous pouvons nous attendre à y trouver, non pas le simple récit de faits historiques, et une relation parfaitement exacte de ces faits, puisqu’elle est d’origine divine, mais aussi les caractères qui forment la substance de tout écrit prophétique, des exemples des souffrances passées, et des gloires futures de Christ.
C’est ce que nous ont montré surabondamment les livres de Samuel et le premier livre des Rois, dans les personnes de David et de Salomon. Mais cela nous explique aussi pourquoi les prophètes eux-mêmes jouent un rôle prépondérant dans ces livres. Ce fait, comme nous l’avons déjà mentionné autre part, nous frappe dès que nous les abordons. Rien que l’activité d’Élie et d’Élisée, s’étend sur dix-neuf chapitres des Rois, qui en contiennent quarante-sept.
En manière de préface, il est utile d’ajouter encore ici, quelques remarques qui n’ont pas trouvé place dans l’Introduction du premier livre des Rois. Elles portent sur le caractère des prophètes d’Israël, en contraste avec ceux de Juda. En étudiant le premier livre des Rois, nous avons pu constater le caractère du ministère d’Élie, qui était avant tout un ministère de miracles. Nous aurons l’occasion de le remarquer, plus amplement encore, dans la carrière d’Élisée, le second grand prophète d’Israël. L’activité de ces hommes de Dieu consistait beaucoup plus en actes qu’en paroles. Au contraire, celle des prophètes de Juda en diffère du tout au tout. Ils parlent, et ne font que bien rarement un miracle, tel que celui du cadran d’Achaz (Ésaïe 38:8). Ce contraste provient de ce que la profession publique du culte de l’Éternel était encore reconnue en Juda, et subsistait malgré les mélanges idolâtres ; il n’était donc pas besoin de miracles pour l’accréditer.
Cela nous conduit à répondre à la question, souvent posée, pourquoi l’on ne voit plus aujourd’hui de miracles dans la chrétienté. La raison est la même. Tant qu’elle n’aura pas été vomie de la bouche du Seigneur, les miracles destinés à affermir le coeur des fidèles, aux prises avec l’apostasie, n’auront pas lieu, ni ceux destinés à revendiquer le caractère du vrai Dieu, devant les hommes qui l’ont abandonné.
Il en était autrement, au commencement de l’histoire de l’Église. De nombreux miracles avaient lieu, soit au milieu des Juifs qui avaient rejeté leur Messie, afin de leur prouver la divinité du Sauveur, soit au milieu des nations idolâtres, pour accréditer la prédication du Dieu qui leur était inconnu. Dieu rendait témoignage avec ses serviteurs, « par des signes et des prodiges, et par divers miracles et distributions de l’Esprit Saint, selon sa propre volonté » (Hébr. 2:4).
Le catholicisme prétend aux miracles, comme, dans une mesure aussi, le protestantisme de nos jours, aux dons miraculeux. De fait, ce que le premier nous présente, ce sont de faux miracles, destinés à aveugler les simples, tandis que le second cherche à s’accréditer, par l’apparence d’une puissance divine, quand déjà l’apostasie se fait reconnaître partout dans son sein.
Après l’enlèvement des saints, les miracles du siècle à venir se manifesteront largement, soit parmi les Juifs, soit devant les nations, par le moyen du résidu, comme nous le voyons en Apocalypse 11. L’histoire d’Élisée nous fournira l’occasion de considérer ce sujet en type. Mais, dans le même temps, le pays d’Israël, du peuple apostat sous l’Antichrist, et le monde entier, seront le théâtre de miracles de mensonges opérés par le faux prophète, dernier instrument de Satan, pour séduire les hommes qui habitent sur la terre (Apoc. 13:13-15).
Nous nous bornerons à ces quelques remarques préliminaires, qui trouveront une ample confirmation dans la partie des Écritures que nous désirons étudier sous le regard du Seigneur, et avec le secours de son Saint Esprit.
La rébellion de Moab contre Israël est la première conséquence de l’infidélité d’Achazia (voy. 1 Rois 22:52-54). C’est un jugement sur le roi qui, par son idolâtrie, avait provoqué Dieu à la colère. Le changement de règne fournit à Moab une occasion propice pour secouer ce joug abhorré. N’avait-il pas, d’ancienneté, haï et voulu maudire le peuple de Dieu ? (Nomb. 22). En ce temps-là, les nations asservies étaient coutumières de ces révoltes, et n’attendaient que la mort de leurs tyrans pour secouer leur joug et s’affranchir des lourds impôts qu’ils faisaient peser sur elles. L’histoire des rois d’Assyrie, autrement puissants que ceux d’Israël, est remplie de révoltes semblables. Moab, châtié par Saül (1 Samuel 14:47), puis subjugué par David (2 Samuel 8:2, 12 ; 1 Chron. 18:2), avait été assujetti sous le règne glorieux de Salomon, comme tous les autres royaumes qui apportaient leur tribut au roi trônant à Jérusalem (1 Rois 4:21 ; 10:25). Depuis la division des douze tribus, Moab, par sa position géographique, était devenu tributaire d’Israël et non de Juda (3:5). Son tribut, énorme pour un pays restreint (100,000 agneaux et 100,000 béliers, avec leur laine), devait peser lourdement sur lui, outre l’humiliation, impatiemment subie par cette nation orgueilleuse et hautaine. Aussi, n’est-il pas étonnant que Moab saisît la première occasion pour s’en affranchir. Mais, au-dessus du fait extérieur qui frappe les regards de l’homme, le croyant voit la chose invisible, la seule importante pour lui, la main de Dieu, étendue pour juger le peuple et son impie conducteur.
Un second jugement atteint le
roi lui-même. « Achazia tomba par le treillis de sa chambre haute qui était à
Samarie, et en fut malade ». Mais la repentance était étrangère au coeur du roi
d’Israël, et l’Éternel n’avait place ni dans ses pensées, ni dans sa vie. Le
jugement de Dieu le laissait indifférent ; il voyait un accident vulgaire
dans le coup qui le frappait. « Il envoya des messagers, et leur dit :
Allez, consultez Baal-Zebub, dieu d’Ékron, pour savoir si je relèverai de cette
maladie ». Son
Baal, devant lequel il se prosternait (1 Rois 22:54), ne
lui suffisait pas ; il envoie vers le Baal des Philistins pour connaître
son sort. Le dieu qui avait, à ses yeux, beaucoup plus de valeur que l’Éternel,
était Baal-Zebub, le seigneur des mouches, invoqué, sans doute, par cette
nation idolâtre, pour se garantir de ce fléau des pays d’Orient, un dieu
puissant pour ses sectateurs, car, en se prosternant devant lui, ils adoraient,
ou suppliaient, dans leur aveuglement, Satan lui-même, le Beel-Zebub, souvent
mentionné dans le Nouveau Testament.
Ce qui arrivait à Achazia, arrive encore aujourd’hui à tout sectateur d’une fausse religion. Elle ne peut pas plus satisfaire le coeur, calmer les frayeurs de l’âme, faire connaître l’avenir, que le Baal de Jézabel et d’Achab, adoré par Achazia, ne pouvait le satisfaire. Alors, toute superstition nouvelle est bienvenue, pourvu qu’elle nous fasse espérer d’échapper au sort dont nous nous sentons menacés.
Sur l’ordre de l’ange de l’Éternel, Élie le Thisbite paraît de nouveau sur la scène, et nous le retrouvons avec toute la hardiesse et l’énergie de la foi qu’il avait montrée depuis le torrent du Kerith jusqu’à la destruction des prophètes de Baal. Le genêt du désert et la leçon d’Horeb avaient porté leurs fruits pour le prophète. Ils avaient formé comme une parenthèse d’expériences de lui-même, après laquelle sa carrière de foi avait recommencé, lorsque, dans la vigne de Naboth, il s’était hardiment présenté devant Achab pour prononcer sur lui et sur Jézabel le terrible jugement de Dieu (1 Rois 21:17). Notre chapitre n’est que la suite de ce courageux témoignage. Élie monte à la rencontre des messagers du roi, et leur dit : « Est-ce parce qu’il n’y a point de Dieu en Israël que vous allez consulter Baal-Zebub, dieu d’Ékron ? Et c’est pourquoi, ainsi dit l’Éternel : Tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras certainement ».
N’avait-il pas été prouvé, en
effet, devant Achab et Jézabel, qu’il y avait un Dieu en Israël ? Où l’homme
de Dieu se trouvait, l’on trouvait Dieu, témoignage bien important pour les
jours périlleux que nous traversons. Pourquoi trouvait-on Dieu ? Parce que
la parole de Dieu
était confiée à
Élie et que l’on pouvait venir à lui pour la consulter.
De plus, le caractère du prophète correspondait à sa mission et l’accréditait devant le monde, en sorte que ce dernier pouvait reconnaître en lui une autorité donnée de Dieu. Achazia, contre lequel la Parole était dirigée, ne peut s’y méprendre. « C’est Élie le Thisbite », s’écrie-t-il, quand ses serviteurs lui disent : « Un homme vêtu de poil, et ceint sur ses reins d’une ceinture de cuir ». Son vêtement et sa ceinture suffisaient à le faire connaître. Son vêtement, comme la couverture de l’arche, représentait la sainteté qui repousse la corruption, en même temps que la simplicité qui se plaît avec les humbles ; sa ceinture empêchait, d’une part, le contact de ses vêtements avec la souillure, mais était aussi l’emblème de son dévouement absolu au service de l’Éternel, de la concentration de ses pensées sur ce seul objet. À ces signes, le méchant est obligé de reconnaître l’homme de Dieu ; il dit : « C’est Élie ! » (*)
(*) Et, de fait, il est seul à le reconnaître. Personne autour de lui ne connaît le grand prophète d’Israël ; mais combien cela aggrave la culpabilité du roi ! En un temps où la parole de Dieu est ignorée par un peuple qui devait en avoir connaissance, le seul qui ne l’ignore pas, est celui qui la combat !
Ne doit-il pas en être de même pour nous aujourd’hui ? La parole de Dieu est confiée au fidèle, au milieu d’une chrétienté qui l’abandonne. Mais il ne peut avoir d’autorité pour accréditer le témoignage de Dieu devant le monde, qu’en montrant, par sa conduite, une vraie séparation du monde, l’humilité dans la marche, un dévouement réel de toute sa vie pour le Seigneur. Et c’est ainsi que nous avons le droit de parler de la part de Dieu. S’il en est ainsi, le monde sera obligé, bon gré mal gré, de nous entendre ; au cas contraire, il se détournera et prendra occasion de notre conduite, pour mépriser la parole de Dieu.
Le prophète prononce un troisième jugement sur Achazia. Le premier, Moab, le frappait dans la gloire de son royaume ; le second (sa chute), dans sa santé ; le troisième, dans sa vie. « Tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras certainement ».
Mais ce n’est pas tout. Le roi se prépare à lui-même un quatrième jugement. Il ne craint pas d’envoyer contre le prophète un chef de cinquantaine avec ses hommes. Élie était « assis au sommet d’une montagne », dans un endroit inaccessible. Le capitaine s’adresse à lui : « Homme de Dieu, le roi dit : Descends ». Quelle témérité de la part du roi ! À son manque de foi en ses propres idoles, à la superstition grossière, il ajoute l’orgueil qui s’élève contre Dieu, et prétend l’abaisser jusqu’à lui. Comme le premier Adam, il estime comme un objet à ravir d’être égal à Dieu !
Élie, homme de Dieu, est ici un représentant de Christ. Aura-t-il une moindre puissance, maintenant qu’il est assis dans les hauts lieux, que lorsqu’il marchait sur la terre, méprisé et haï de tous ? Aujourd’hui, le péché de l’homme est encore aggravé par sa haine contre le Christ, assis en haut, à la droite de Dieu. Si le monde est jugé pour avoir rejeté Jésus humilié, que lui adviendra-t-il, quand il fera la guerre à Celui qui est assis sur le trône ? « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux », est-il dit au Ps. 2. Quand Élie marchait encore au milieu d’Israël, le feu du ciel, le jugement de Dieu, était à sa disposition, non pour détruire les pécheurs, mais pour consumer l’holocauste. Un sacrifice avait alors répondu pour le peuple, et le jugement de Dieu était tombé sur la victime pour opérer la délivrance d’Israël. Désormais, cette heure de grâce était passée. Élie, assis en haut, fait tomber le feu du ciel sur ses ennemis, sur ce roi qui, oubliant toute crainte, avait l’audace de donner des ordres à Dieu !
La différence entre les deux positions de Christ, sur la terre en grâce, ou assis, glorieux, dans le ciel, attendant que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds, ressort des paroles du Seigneur à ses disciples. Ils auraient voulu, comme Élie, faire descendre le feu du ciel sur les Samaritains, parce qu’ils ne recevaient pas leur Maître. « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés », leur dit-il, en les censurant fortement (Luc 9:51-56). En effet, il était à ce moment le Christ rejeté, dressant sa face résolument pour aller à Jérusalem, être offert en holocauste. Était-ce le moment de juger, quand, en grâce, il allait être immolé lui-même, et subir, pour notre salut, le feu du jugement de Dieu ?
Mais, dans ce passage, Élie n’est pas seulement une figure de Christ ; il est aussi une image du résidu fidèle et souffrant de la fin. Élie « doit venir » dans la personne de ces témoins de l’Apocalypse, dont il est dit : « Si quelqu’un veut leur nuire, le feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; et si quelqu’un veut leur nuire, il faut qu’il soit ainsi mis à mort » (Apoc. 11:5). Ils viendront, dans la puissance d’Élie et de Moïse, car alors les jugements de Dieu feront leur oeuvre terrible sur la terre. Il faut que la mort et le jugement glorifient Dieu, quand toutes les ressources de la grâce sont épuisées et que l’apostasie est complète.
« Si je suis un homme de Dieu, que le feu descende », dit le prophète. Toute sa mission en Israël est concentrée dans ce seul mot : « Un homme de Dieu ». « N’y a-t-il point de Dieu en Israël ? » avait-il dit à Achazia. Dieu revendiquait son caractère en présence de l’apostasie et avait choisi son prophète pour en être le puissant témoin.
Aveuglé de colère et
d’orgueil, Achazia renouvelle sa sommation en l’aggravant encore :
« Descends promptement
! » Il
s’obstine à commander à Dieu. Le jugement tombe sur les serviteurs de ce roi
qui va mourir. Hélas ! ce qui l’attend encore, c’est, après la mort, le
jugement final du Dieu vivant qu’il a offensé !
Le troisième capitaine (v.
13-14), craint Dieu et prend l’attitude qui convient à un homme pécheur devant
Lui. Il s’approche en suppliant, s’agenouille, reconnaît Dieu dans Élie, en lui
disant : « Homme de Dieu », dans un tout autre esprit que les deux premiers.
Il sait que Dieu peut faire grâce : « Je te prie, que ma vie et les vies de
ces cinquante hommes, tes serviteurs, soient précieuses à tes yeux ». Il n’a pas
encore reçu l’assurance que ce que Dieu peut faire, il veut
le faire, mais il est convaincu que le Dieu de jugement peut
être un Dieu de grâce pour quiconque se soumet à lui, qu’il ne désire pas la
mort du pécheur, que sa vie peut lui être précieuse. Ces pensées trouvent leur
expression dans les paroles de cet homme : « Voici, le feu est descendu des
cieux et a dévoré les deux premiers… mais maintenant, que ma vie soit
précieuse à tes yeux ». Une telle foi est agréable au Seigneur. Ce troisième
« croit que Dieu est », selon l’expression de l’épître aux Hébreux ; il
reconnaît tous ses caractères de majesté, de sainteté, de justice et de bonté,
conviction nécessaire pour s’approcher de Lui, mais il croit aussi que Dieu est
« le rémunérateur de ceux qui le recherchent » (Héb. 11:6). Aussi, trouve-t-il la
récompense de sa foi.
« Descends avec lui ; ne le crains pas ». Élie peut avoir confiance en un tel homme, et Dieu compte sur ce dernier en lui confiant son serviteur, car il peut toujours se reposer sur la foi que lui-même a donnée. Le prophète n’avait rien à craindre ; il n’était, du reste, pas plus en danger à la visite du premier capitaine qu’à celle du troisième ; il était tout aussi en sûreté devant le roi qui avait soif de son sang, qu’au sommet de la montagne, mais Dieu prend soin de le rassurer, car il connaît nos faibles coeurs. Élie reçoit cet encouragement ; n’avait-il pas autrefois, sous le genêt, éprouvé combien sa faiblesse en avait besoin ? Il se présente hardiment devant Achazia, avec la force que Dieu fournit, comme si souvent autrefois devant Achab. Cette hardiesse est une des qualités éminentes d’Élie.
Arrivé devant le roi, le
prophète lui répète, mot pour mot, les paroles qu’il avait dites à ses
messagers. Il y a un temps, dans les voies de Dieu envers les hommes, où de
nouvelles explications sont inutiles, parce qu’ils ont endurci leurs coeurs. Il
en fut ainsi des apôtres devant le sanhédrin (comp. Actes 4:19 avec 5:29). Le
prophète insiste toutefois sur une chose : « Est-ce parce qu’il n’y avait
point de Dieu en Israël, pour consulter
sa Parole
? » Ainsi les
hommes, en présence de questions où s’agite leur avenir, ne doivent avoir de
recours qu’à la Parole de Dieu et le mépris qu’ils en font portera pour eux ses
terribles conséquences. Un jour, cette même Parole les jugera. « Il mourut,
selon la parole de l’Éternel qu’Élie avait prononcée » (v. 17).
L’histoire d’Élie, comme prophète de jugement, se termine au chapitre 1°. Le chapitre 2 nous présente la fin de sa carrière et les faits mystérieux qui accompagnèrent ce grand événement.
Nous rencontrons dans la
Parole beaucoup de mystères,
des
secrets cachés de toute éternité dans le coeur de Dieu, des choses que l’oeil
n’avait pas vues, ni l’oreille entendues et qui n’étaient pas montées au coeur
de l’homme. Ces mystères restaient inconnus dans l’ancienne alliance, mais il
n’en est pas un seul qui ne nous soit révélé par l’Esprit de Dieu dans le
Nouveau Testament. Et cependant, malgré cette révélation, la Parole est pleine
de choses mystérieuses que l’intelligence spirituelle seule découvre. Le
Seigneur pourrait, en peu de mots, nous les rendre claires, mais il nous en
laisse faire la découverte pour le plus grand profit et la plus grande joie de
nos âmes.
Ce n’est que par une étude
faite sous la dépendance du Saint Esprit, avec prière, et par une application
sérieuse aux choses de Dieu, que nous trouvons la clef de ces énigmes. C’est
ainsi que nous apprenons à connaître, sous un fait simple en apparence, un sens
caché, semblable au diamant que l’ignorant tient pour une pierre ordinaire,
mais qui éblouira par son éclat celui qui s’applique à le tailler. La seconde
partie du chap. 1° de l’évangile de Jean, le chap. 21 du même évangile, sont
remplis de ces trésors cachés. Il en est de même de notre chapitre ; nul
autre ne peut guère le surpasser en intérêt, en expériences intimes, en
révélations prophétiques, en majestueuse grandeur. C’est qu’en nous présentant
Élie et Élisée, il nous parle de Christ et de son Esprit. C’est qu’il est avant
tout un chapitre typique.
À plus d’une reprise, comme, par exemple, dans l’histoire de la veuve de Sarepta (comp. Luc 26), Dieu honora le prophète Élie, en se servant de lui pour nous représenter certains caractères isolés de son Bien-aimé, mais le dernier jour de sa carrière prophétique est employé à illustrer la vie, la mort, l’ascension du Messie, et les bénédictions qui devaient en découler pour son peuple. Ce privilège d’Élie est, dans une mesure, celui de tout croyant, car chacun de nous est appelé à reproduire les caractères de Christ dans le monde. S’il est vrai que nous sommes « en Lui » devant Dieu, il est aussi vrai qu’il est « en nous » devant le monde, et que nous sommes appelés à le manifester aux yeux de tous. Si le chrétien est fidèle, il sera une copie qui fera d’emblée reconnaître son modèle. Celui qui ne voit pas dans ce chapitre la vérité dont nous parlons, n’y a, de fait, rien vu. Seulement, nous l’avons dit, tout nous y est présenté sous un jour mystérieux. Ce qui ajoute au mystère, c’est qu’Élie n’y est pas seul. Élisée, son compagnon prophète et son serviteur, ne l’abandonne pas un seul instant, et le voit monter au ciel, puis revient visiter les « fils des prophètes », dont les circonstances remplissent toute la suite de notre histoire.
« Et il arriva que, lorsque
l’Éternel fit monter Élie aux cieux dans un tourbillon, Élie et Élisée
partirent de Guilgal ». Le prophète a quatre étapes à faire avant d’être enlevé
au ciel : Guilgal, Béthel, Jéricho et le Jourdain. Au commencement de sa
carrière, il avait été envoyé pour ramener à l’Éternel le coeur du peuple. Sa
mission, accomplie fidèlement, avait, en fin de compte, totalement échoué.
Israël, après un retour momentané, lors de la destruction des prêtres de Baal,
ne s’était pas réellement repenti, et les rois avaient persisté dans leur
idolâtrie. Jésus, dans sa mission, échoua de la même manière auprès du peuple
remonté de la captivité. Le prophète est maintenant envoyé de Dieu,
comme Christ dans les évangiles, pour retracer, par
la puissance du Saint Esprit, le chemin qu’Israël aurait dû suivre, mais qu’il
avait semé d’infidélités et de ruines, en manquant à sa responsabilité.
« L’Éternel m’envoie », telles sont, à chaque étape, les paroles d’Élie à son
fidèle compagnon (v. 2, 4, 6). Telles sont aussi les paroles du Seigneur dans
les évangiles, et surtout dans celui de Jean où il se présente constamment
comme envoyé du Père.
Mais, examinons d’abord quel avait été ce chemin pour Israël.
L’Éternel, après avoir fait traverser le Jourdain à son peuple, avait roulé de dessus lui l’opprobre d’Égypte par la circoncision de Guilgal, car aucun des fils de ceux qui étaient sortis d’Égypte n’avait été circoncis dans le désert (Jos. 5:5-9). Puis il avait fait tomber devant Israël, Jéricho, forteresse de l’ennemi, condamnant cette ville à l’interdit et à la malédiction, pour introduire à la fin son peuple dans la jouissance des bénédictions promises autrefois à Jacob en Béthel (Gen. 35:9). Israël s’était-il maintenu dans ces bénédictions ? En aucune manière. « Toute leur méchanceté », lui dit plus tard le prophète Osée, « est à Guilgal, car là, je les ai haïs ; à cause de la méchanceté de leurs actions, je les chasserai de ma maison (Béthel). Je ne les aimerai plus » (Os. 9:15). Et encore : « Venez à Béthel, et péchez !
À Guilgal, multipliez la transgression ! » (Amos 4:4). Jéricho, lieu de la malédiction, avait été rebâtie contre l’ordre exprès de l’Éternel, par Hiel de Béthel (1 Rois 16:34). Béthel, lui-même, était devenu, sous Jéroboam, le premier centre de l’idolâtrie (1 Rois 12:29), où les péchés d’Israël s’étaient accumulés.
Élie est appelé à refaire ce
chemin, semé de tant de souillures ; seulement, sa foi, tout en
constatant, à chaque pas, la ruine du peuple, revoit, retrouve les bénédictions
premières, instituées de Dieu, et dont il n’a pas abandonné la réalisation.
Élie reconnaît Guilgal et Béthel, selon les pensées de Dieu, dans le même
esprit qui lui avait fait construire son autel de douze pierres, en face des
prophètes de Baal. Il s’y rend comme envoyé,
dans la puissance du Saint Esprit, sans être aucunement contaminé par leurs
souillures. Il suit fidèlement le chemin qu’Israël aurait dû suivre, et dans
lequel il avait misérablement failli, car, s’il avait répondu au dessein de
Dieu par un vrai jugement de la chair à Guilgal, il aurait habité avec
l’Éternel à Béthel, jouissant de toutes ses promesses. Élie, conduit par la
volonté de Dieu, marche seul dans ce chemin, où il n’est que le type d’un plus
grand que lui.
En effet, ce que le prophète ne pouvait accomplir qu’en figure, s’est réalisé à la venue du Seigneur. Lorsqu’il entrait en scène, une occasion était encore offerte au peuple juif de retrouver sous Emmanuel les bénédictions perdues. Le baptême de repentance, administré par Jean-Baptiste, cet Élie qui devait venir, devenait alors le Guilgal d’Israël. Il fallait y venir repentant, reconnaissant ses péchés, pour retrouver les bénédictions sous le règne du Messie. Jésus, assimilant, dans son baptême, le Jourdain à Guilgal, vint s’associer aux quelques excellents de la terre qui, par la repentance, devenaient enfants du royaume et héritiers des promesses dont ils avaient perdu l’accès. De cette manière, l’opprobre d’Égypte était comme de nouveau roulé de dessus eux ; la chair devait subir la mort, car il était prouvé qu’elle n’avait pu entrer en possession des promesses. L’histoire du peuple dans la chair était terminée, mais un nouvel Israël, le vrai, commençait en Christ. Lui, personnellement, n’avait nul besoin de ce chemin. Il était le Saint, et l’a toujours été, mais il manifestait publiquement au Jourdain, dès le début de son ministère, aussi bien qu’à sa naissance, ou lorsque, comme le vrai Israël, il fut « appelé hors d’Égypte », que la séparation du mal, la sainteté, la justice, étaient son caractère ; seulement il s’associait au premier mouvement de l’Esprit, en ceux qui venaient à Jean-Baptiste, reconnaissant leurs péchés.
Mais la nation, dans son ensemble, l’a rejeté.
Élie monte de Guilgal à Béthel. Ce fut aussi le chemin de Christ. Ayant, pour point de départ, une entière consécration à Dieu, il aboutissait, nécessairement, à la possession des promesses que le Dieu de Jacob avait faites à Israël (Genèse 28:13-15). Lui seul, Christ, en vertu de sa perfection, était digne d’acquérir toutes les promesses de Dieu. Pendant toute sa vie, il a choisi Béthel, la maison de Dieu, il a pris l’Éternel lui-même, qui cachait sa face au peuple rebelle, pour refuge et pour demeure (Ps. 92). Israël n’aurait jamais dû quitter cet asile. Christ, seul, y est resté. Comme nous l’avons vu, Béthel était devenu, pour Israël, la maison des idoles. Que devait sentir Élie, mais, surtout, qu’a dû sentir le Seigneur en voyant cette demeure sainte, avec les bénédictions qu’elle promettait, souillée par le péché de son peuple ?
À Christ seul, à l’homme
obéissant, appartenaient donc désormais les promesses. Mais allait-il en
jouir ? Non. Interrogeons Élie ; il n’est pas appelé à rester à
Béthel ; l’Éternel l’envoie plus loin. Il lui faut abandonner le lieu des
promesses pour descendre à Jéricho. C’est là que l’Éternel l’envoie
.
Israël avait jadis rencontré cet obstacle en montant de
Guilgal. Il y avait éprouvé la puissance divine, renversant les murailles
dressées par l’ennemi. Dieu avait alors prononcé l’anathème sur cette
ville ; elle ne devait jamais être rebâtie (Jos. 6:26). Mais, qu’est-ce
qu’Israël avait fait de Jéricho ? Un homme de Béthel
avait réédifié la ville maudite !
Élie y descend sur l’ordre de Dieu. Il faut qu’il suive le chemin d’Israël infidèle et qu’il le constate. Le peuple n’était-il pas comme cet homme de la parabole qui était descendu de Jérusalem à Jéricho pour tomber entre les mains de ces voleurs, les nations, qui le réduisaient au pillage ? Christ y descend aussi, mais ce n’est pas, comme Élie, pour en prendre simplement connaissance ; c’est pour éprouver, dans son âme, la malédiction prononcée sur le peuple, pour prendre et porter, à sa place, la colère du gouvernement de Dieu contre cette nation infidèle.
De Jéricho, Élie est envoyé
au Jourdain ; il abandonne Israël et Canaan en traversant ce fleuve, type
si précieux de la mort. Cette mort, Élie la traverse à pied sec, en vertu de
son manteau de prophète et dans la puissance de l’Esprit qu’il possède. Il en
fut de même de Christ ; mais, ce qu’Élie ne fit pas, Christ goûta la
réalité terrible de la mort avant de la vaincre et de sortir en résurrection à
l’autre bord. Élie ne la traversait qu’en figure, et sans qu’elle pût
l’atteindre ; le Seigneur, seul, l’a réalisée
, comme terme de sa
carrière ; il s’est anéanti jusque dans la mort, mais elle n’a pu le
retenir. Elle s’est divisée devant la puissance de la vie éternelle qui y était
descendue. Ayant vaincu la mort, il a été déclaré Fils de Dieu en puissance,
selon l’Esprit de sainteté, par la résurrection des morts (Rom. 1:4).
Élie sort de Canaan, terre de la promesse et héritage d’Israël, sans autre chose que son manteau de prophète. S’il a visité Béthel, il ne s’y est pas arrêté ; il n’emporte rien de ce qui pourrait lui appartenir comme homme de Dieu. Il en est de même de Christ, car il fut dit de lui : « Il n’aura rien » (Dan. 9:26). Mais c’est là que commence pour Christ une ère nouvelle. Dieu l’avait envoyé à la mort. Pouvait-il ne pas obéir ? Bien au contraire, il dresse résolument sa face pour s’y rendre. Il abandonne Canaan, son héritage et ses droits, mais il sait d’avance que c’est pour monter au ciel, après avoir passé par la mort. Élie le sait aussi, mais il y monte vivant, n’ayant passé que par le simulacre du sépulcre.
La pensée de l’Éternel, qui envoyait son serviteur d’étape en étape, était de l’introduire dans un autre monde. Élie recevait ainsi la récompense d’une vie de dévouement — mêlée, sans doute, de quelque faiblesse humaine — à Celui qui l’avait envoyé ; mais Christ reçoit celle d’un dévouement ininterrompu jusqu’au sacrifice de lui-même. C’était aussi, comme nous le verrons en parlant d’Élisée, le point de départ d’une double puissance spirituelle pour le compagnon du prophète.
Hâtons-nous de le faire remarquer. Il ne s’agit pas de trouver, dans toute cette histoire, un type du Sauveur et de son oeuvre rédemptrice accomplie à la croix. Le récit typique n’a pas cette oeuvre en vue ; cela deviendra plus clair, quand, à l’histoire d’Élie, nous aurons ajouté celle d’Élisée. Notre sujet ici, c’est Christ homme de Dieu (quoiqu’il fût bien plus que cela) envoyé de Dieu, prophète, venant à Israël pour rendre témoignage à sa ruine et au jugement qui en est la conséquence (témoignage qui avait commencé par Jean le Baptiseur, cet Élie qui devait venir), mais en même temps aux promesses immuables de Dieu, qui ne pouvaient être acquises que par Christ, un homme sans péché, pour en faire part à son peuple d’Israël restauré.
Il ressort de tout cela que,
comme du reste dans tout l’Ancien Testament, il ne faut pas chercher ici la
bénédiction proprement dite de l’Église. L’histoire d’Élie et d’Élisée se
rapporte uniquement à Israël. Et cependant, l’enlèvement
d’Élie, comme celui d’Énoch, nous parlent en type de l’enlèvement des
saints, dont l’Église fait partie. On pourrait dire que cet enlèvement est
caché mystérieusement dans l’ascension d’Élie (*),
tandis qu’il est représenté dans celui d’Énoch. Dans le premier cas, Christ est
en vue ; dans le second, ceux « qui sont de Christ ».
(*) Apocalypse 12:5 nous présente un exemple analogue.
Faisons remarquer, à ce propos, que deux hommes, Énoch et Élie, sont montés au ciel sans passer par la mort, tandis qu’un seul, Christ, est ressuscité d’entre les morts pour monter au ciel (*) ; c’est pourquoi il est appelé « le premier-né d’entre les morts », précédant les saints dont il est les prémices en résurrection. D’autres morts furent ressuscités avant Christ, mais pour la terre, jamais pour le ciel. Ils étaient sujets à mourir de nouveau, tandis que Christ, ayant été ressuscité d’entre les morts, ne meurt plus ; la mort ne domine plus sur lui.
(**) Énoch a plus d’un trait de ressemblance avec Élie. Tous deux sont des prophètes de jugement. Énoch marche avec Dieu ; Élie se tient devant l’Éternel. Tous deux sont enlevés avant le jugement final dont ils ont rendu témoignage.
Nous avons vu, précédemment, que le personnage d’Élie pouvait être considéré sous plus d’un aspect : comme prophète, comme type du précurseur, comme type de Christ. Pour Élisée, il en est de même. Il est d’abord l’image du parfait serviteur.
Dès le jour où, rencontrant Élisée, Élie jeta sur lui son manteau de prophète, le nouveau venu avait suivi et servi fidèlement son maître ; aussi, n’était-il connu que pour avoir « versé l’eau sur les mains d’Élie » (1 Rois 19:21 ; 2 Rois 3:11). Comme il convient au vrai serviteur, jusqu’à son entrée dans le ministère public, il s’efface, et l’on n’entend plus parler de lui. Il possède, cependant, le manteau prophétique qui lui avait été conféré par Élie pour exercer à sa place le jugement sur la terre d’Israël, mais il n’en fera usage qu’après l’enlèvement de son maître, quand il aura reçu, avec une double mesure de l’esprit d’Élie, un second manteau prophétique tombé du ciel, qui le rendra capable d’exercer un ministère de grâce.
Élisée est un bel exemple de
chrétien, serviteur de Christ. Là où
est son maître, là il sera (Jean 12:26). À Béthel, à Jéricho, les fils des
prophètes lui disent : « Sais-tu qu’aujourd’hui l’Éternel va enlever ton
maître d’au-dessus de ta tête ? » Il répond : « Je le sais, moi aussi,
taisez-vous ». Sa connaissance ne peut lui être communiquée par les fils des
prophètes, car il est prophète lui-même en vertu d’un ordre divin spécial. Mais
ce qui le distingue avant tout, c’est qu’il a tout quitté pour suivre son
maître, son seul objet, la seule source de bénédiction pour son âme. Sans Élie,
Élisée n’est rien, ne veut rien être ; Élie est celui sur lequel ses
affections se concentrent : « L’Éternel est vivant, et ton âme est vivante,
que je ne te laisserai point ». Élie lui avait dit : « Reste ici, je te
prie, car l’Éternel m’envoie à Béthel », puis « à Jéricho », puis « au Jourdain ». « L’Éternel
m’envoie
» ; c’est l’obéissance
d’Élie ; mais si Élie obéit, Élisée ne doit-il pas le suivre ?
Il en est de même pour nous ; nous pouvons être certains de suivre le chemin de Dieu en suivant celui de Christ. Élisée n’avait pas reçu d’ordre spécial quant à sa conduite, mais il s’attache à Élie qui l’avait reçu, et qui est pour lui l’homme de Dieu, son représentant.
La foi
d’Élisée est
éprouvée tout du long. « Reste ici, je te prie », lui dit le prophète. Reste à
Guilgal, au lieu du jugement de toi-même, de la chair, où l’opprobre d’Égypte a
été roulé de dessus le peuple. Recommence une fois encore l’histoire d’Israël.
Non, ce serait recommencer une épreuve irréalisable. Seul, l’envoyé de Dieu
peut suivre ce chemin ; l’Éternel est vivant, que je m’attacherai à lui.
Élisée traverse Guilgal avec Élie, comme nous avec Christ. « Je ne te laisserai
point ». Le recommencer pour nous-mêmes ? Jamais ! Notre Guilgal,
c’est la croix, la circoncision du Christ. Comme nous, Élisée a trouvé auprès
d’Élie tout ce que Guilgal peut lui offrir, et de fait, quand, plus tard, il
repasse le Jourdain, Guilgal ne fait plus partie de son itinéraire.
À Béthel, lieu des promesses assurées faites aux pères… reste ici, dit Élie. Tu ne manqueras pas de les obtenir d’un Dieu qui ne peut mentir, puisque tu as passé à Guilgal avec moi. Non, je ne te laisserai point. Si tu ne les reçois pas maintenant, comment les atteindrai-je sans toi ? Quand tu les auras obtenues, il sera temps que je demeure à Béthel.
Voici, maintenant, que les fils des prophètes éprouvent sa foi. Irais-tu plus loin, puisque ton maître va t’être enlevé ? « Je le sais aussi, taisez-vous ». Vous ne pouvez comprendre le ressort qui me fait agir. C’est lui, lui-même. Sa personne est ce qui m’attire et résume tout pour moi. Me séparer un instant de lui, ce serait perdre une bénédiction que je connais faiblement encore, que je pressens avec mon coeur, plus qu’avec mon intelligence, mais que j’aurai sûrement, si je ne l’abandonne pas, car je sais que lui l’atteindra.
Reste à Jéricho, Élisée, dit Élie ; moi, je suis envoyé plus loin. Non ; pourrai-je jamais ressentir, plus que toi, la malédiction qui plane sur cette cité ? Puisque toi, mon seigneur et mon maître, tu n’y remédies pas en ce jour, pourrais-je y remédier moi-même ? Il me faudrait, pour cela, une puissance personnelle, et je ne la possède qu’en toi. Tant que je ne l’aurai pas, pourquoi m’arrêterais-je ? Taisez-vous, prophètes !
« L’Éternel m’envoie au
Jourdain ». Ici, plus de mise en demeure de rester. Élie prend Élisée avec lui,
le conduit à travers le fleuve de la mort, dans la puissance de l’Esprit auquel
elle ne peut résister, dans la puissance triomphante d’une vie qu’elle ne peut
engloutir. Un manteau qui appartient à Élie est capable de faire ces choses.
Oh ! quelle association bénie pour Élisée ! « Ils s’en allèrent tous deux
».
« Eux deux
se tinrent
auprès du Jourdain ». « Ils passèrent eux deux
à sec ». Élie n’y passe pas pour lui seul, mais pour y faire passer
Élisée avec lui. Élisée, cet autre moi
d’Élie, va sortir de la mort avec
lui puis il reviendra en délivrance pour Israël !
Les fils des prophètes qui
avaient annoncé l’enlèvement d’Élie ne jouent pas ici un rôle inutile. En eux,
la prophétie est le témoin à distance
de
la victoire sur la mort, comme elle est aussi, peu après, celui de retour, en
grâce pour Israël, d’une double mesure de l’esprit d’Élie qu’Élisée va
recevoir. Ils disent : « L’esprit d’Élie repose sur Élisée » (v. 15).
Maintenant, quand eux deux ont passé le Jourdain, Élie dit à Élisée : « Demande ce que je ferai pour toi avant que je sois enlevé d’avec toi ». Élisée répond : « Qu’il y ait, je te prie, une double mesure de ton esprit sur moi. Et il dit : Tu as demandé une chose difficile ; si tu me vois, quand je serai enlevé d’avec toi, il en sera ainsi pour toi : sinon, cela ne sera pas » (v. 9-10).
Pour qu’Élisée obtînt cette
double mesure, il ne suffisait pas que sa foi et son affection pour son maître
eussent été mises à l’épreuve ; il fallait encore de la vigilance,
afin de ne pas perdre de vue
le prophète au moment de son départ. « Ils allaient marchant et parlant » (v.
11), en apparence occupés de divers sujets, mais l’oeil d’Élisée ne gardait
qu’un seul objet dans le champ de sa vision. Il pouvait s’intéresser à toutes
les choses que lui communiquait le riche coeur de son maître, mais son oeil
était simple. Il ne voulait point manquer l’instant solennel. Nous ne sommes
pas appelés, comme Élisée, ou comme les premiers disciples, à voir Jésus
montant au ciel dans la nuée, mais ne devons-nous pas avoir la même attitude au
sujet de sa venue, qu’eux au sujet de son départ ? Ne devons-nous pas, si
nous l’aimons véritablement, marchant et parlant, dans l’accomplissement de nos
devoirs journaliers, l’attendre sans distraction ? Car il s’agit de le
voir « en un clin d’oeil ». Oh ! que notre attente soit continuelle et
vigilante comme celle du serviteur d’Élie !
« Et il arriva, comme ils allaient, marchant et parlant, que voici un char de feu et des chevaux de feu ; et ils les séparèrent l’un de l’autre ; et Élie monta aux cieux dans un tourbillon. Et Élisée le vit, et s’écria : Mon père ! mon père ! Char d’Israël et sa cavalerie ! Et il ne le vit plus ».
Ce char et ces chevaux de feu, ce sont des anges (2 Rois 6:17), répondant, par leur apparence, au caractère d’Élie qui, prophète de la loi, avait agi par le feu du jugement au milieu d’Israël. Il n’en fut point ainsi lors de l’ascension du Sauveur. Un cortège angélique, envoyé pour le servir ou le convoyer dans le ciel, ne lui était point nécessaire. Il y est monté par le pouvoir qui lui était propre, ayant été déclaré Fils de Dieu en puissance par la résurrection. Une nuée, habitation de la gloire divine, le reçut immédiatement et l’emporta de devant les yeux des disciples (Actes 1:9), et notre ascension sera semblable à la sienne (1 Thess. 4:17) ; mais quand il reviendra, comme Fils de l’homme, pour juger le monde, il sera révélé du ciel « avec les anges de sa puissance en flammes de feu » (2 Thess. 1:7), et, nous-mêmes et tous les saints, les armées du ciel, nous serons accompagnés de myriades d’anges (Apoc. 19:14 ; Hébr. 12:22 ; Jude 14 ; Deut. 33:2 ; Zach. 14:5). Et lorsqu’il reviendra comme Messie, l’Éternel commandera à ses anges qui le porteront sur leurs mains, de peur que son pied ne heurte contre une pierre (Ps. 91:11-12).
Élisée s’écrie : « Mon père ! » marquant ainsi qu’il a vu, selon la parole d’Élie, son protecteur monter au ciel, mais il reconnaît aussi en lui le vrai Israël : « Char d’Israël ! » Cette exclamation prouve encore une fois combien toute cette scène nous présente en type le Christ, le grand prophète d’Israël et non pas le Sauveur en rapport avec l’Église. C’est comme prophète, vrai Envoyé, vrai Messie, vrai Israël, qu’il est envoyé dans les cieux ici ; c’est comme Fils de l’homme et Fils de Dieu, comme Seigneur et Sauveur, qu’il y a été transporté et qu’il en reviendra, pour nous.
Le manteau d’Élie tombe de dessus lui, parce que son serviteur l’a vu montant au ciel. Ce manteau appartient maintenant à Élisée. De même, nous aurons toujours avec nous la puissance de l’Esprit, si nous sommes attachés à Christ et si nos yeux le suivent là-haut.
Élisée déchire ses vêtements en deux pièces. Ils ne lui serviront plus désormais, car, il possède le manteau d’Élie, la double mesure de son esprit. C’est dans cette puissance qu’il va marcher au milieu d’Israël. Puisse-t-il en être de même pour nous ! Puissions-nous déchirer notre ancien vêtement après avoir revêtu Christ, pour le présenter, Lui, au monde en témoignage !
C’est ici que nous voyons se dessiner, d’une manière bien nette, la figure, comme type, du prophète Élisée, car nous avons déjà mentionné, au commencement de ce chapitre, son caractère essentiellement typique. Si Élie, au dernier jour de sa carrière ici-bas, représente Christ comme témoin prophétique en Israël, que représente donc cet Élisée qui lui est si intimement associé, accompagnant son témoignage, passant le fleuve de la mort avec lui, recevant, lors de son ascension, une double mesure de son esprit ? Pour être bien compris, commençons par un petit aperçu prophétique.
Pendant la carrière du Messie
ici-bas, quelques disciples, constituant un faible résidu
juif fidèle, séparé moralement de la nation, persévérèrent
jusqu’au bout à suivre Jésus, l’Oint de l’Éternel et l’Envoyé de Dieu, le grand
prophète d’Israël. Celui-ci, rejeté par la nation, les associa avec Lui dans
les résultats de sa mort et de sa résurrection. Nous ne parlons pas de la place
qu’ils occupèrent dans l’Église. Cette dernière n’entre pas en scène dans les
récits de l’Ancien Testament, et pourrait, tout au plus, comme nous l’avons dit
plus haut, être considérée ici comme cachée mystérieusement dans la personne
d’Élie-Christ, montant au ciel. Nous parlons, ici, des disciples juifs, à la
tête desquels étaient les douze, constituant alors le vrai résidu d’Israël.
Comme tels, ils reçurent de Lui une double mesure de son Esprit, sous forme de
miracles et d’actes de puissance, et furent capables d’accomplir, au milieu du
peuple, « de plus grandes oeuvres » que lui. On vit, à la Pentecôte, se réaliser,
au point de vue juif, les choses annoncées par le prophète Joël : Je
répandrai de mon Esprit sur mes serviteurs et mes servantes, et ils
prophétiseront… Vos fils et vos filles prophétiseront… Sans doute, même à
ce moment-là, la puissance d’en haut n’était pas limitée, selon Joël, aux
enfants d’Israël, car Dieu dit : « Je répandrai de mon Esprit sur toute
chair » (Actes 2:17-19). Quand la prophétie de Joël sera accomplie dans
l’avenir, les nations auront part à ce don. Seulement cette prophétie,
indiquant la participation des nations au don du Saint Esprit, permettait, le
jour de la Pentecôte, d’ouvrir la porte à l’Église de Christ, à l’Église,
parenthèse merveilleuse dans l’histoire des voies de Dieu, intervalle pendant
lequel une Assemblée céleste se forme ici-bas, corps composé de Juifs et de
gentils, et uni avec son Chef ressuscité dans la gloire. Il n’en était pas
moins vrai qu’un résidu juif, puissamment doté de l’Esprit prophétique, était
révélé à la Pentecôte aux yeux de tout le peuple. Pour en faire partie, il
fallait avoir suivi le Messie pendant toute sa carrière sur la terre et l’avoir
vu monter au ciel (Actes 1:21, 22). « Si tu vois », dit Élie, « quand je serai
enlevé d’avec toi… » Ce résidu, selon la prophétie de Joël, citée en Actes 2,
n’avait pas, à ce moment-là, atteint ses destinées finales et son plein
développement. Il était, au sens le plus strict du mot, représenté par les
douze apôtres. Les Juifs ont rejeté leur témoignage, se privant ainsi des temps
de rafraîchissement prédits par le prophète, et Dieu s’est servi de
l’incrédulité de la nation et de sa révolte contre le Saint Esprit, pour former
l’Église, épouse du second Adam, os de ses os, et chair de sa chair.
Mais la parenthèse de
l’Église se fermera, et les temps prophétiques se rouvriront. Le résidu
d’Israël, dont les prophètes et les Psaumes nous entretiennent constamment,
rentrera sur la scène avec le double de l’esprit prophétique d’Élie, se soudant
pour ainsi dire aux disciples juifs qui avaient accompagné le Seigneur dans sa
carrière. Notez bien qu’il ne s’agira, pour eux, comme pour Élisée, que de
l’esprit d’Élie sur
eux, soit en
puissance miraculeuse, soit en intelligence prophétique, et non pas en
eux, comme pour le chrétien.
Par ce court exposé, nous ne
prétendons nullement présenter Élisée le prophète comme un type du résidu. Ce
serait comprendre bien imparfaitement l’importance de son rôle. Sans doute,
l’Esprit peut se servir de vases, appropriés à son usage comme il se servait d’Élisée
après l’ascension d’Élie, mais quel que puisse être le vase, la chose
importante est ce qu’il contient. Élisée, c’est l’esprit d’Élie, revenant en
double puissance et en grâce pour bénir les fidèles du résidu et pour les
rassembler. C’est Christ en Esprit,
l’Esprit
prophétique de Christ se servant d’instruments, sans doute, mais revenant à la
fin des temps vers les fils des prophètes
d’abord, c’est-à-dire vers le résidu proprement dit, puis vers ce qui a la
foi en Israël quand l’apostasie est à son comble. C’est en faveur de ce résidu
qu’Élisée fait des miracles, mais au milieu du peuple, aveuglé par la révolte
finale. C’est ainsi que les enfants du royaume que Christ établira sur la terre
seront séparés par Lui. Quant aux instruments humains dont l’Esprit prophétique
se servira à cet effet, nous ne sommes pas en mesure de les désigner
spécialement. Qu’il suffise de dire que si Jean-Baptiste avait été reçu, il
aurait été l’Élie qui devait venir ; que, dans l’avenir, Élie reviendra et
rétablira toutes choses, qu’il y aura deux témoins (symboles de deux corps de
témoins) à Jérusalem, agissant dans l’esprit prophétique et dans la puissance
d’Élie et de Moïse.
Le témoignage confié à Élisée a, comme nous l’avons déjà fait pressentir, un double caractère, correspondant au double don du manteau d’Élie (1 Rois 19:19 ; 2 Rois 2:13), un caractère de jugement, semblable à celui que son maître, prophète de la loi, avait exercé ici-bas, jugement que Christ lui-même n’exécutera qu’à l’issue des temps de la grâce de l’Évangile — un caractère de grâce à l’égard de tout ce qui sera fidèle en Israël, pour ramener à ces témoins ceux que touchera leur témoignage, et pour la conversion des gentils.
Élisée avait, une première
fois, passé le Jourdain à pied sec, en compagnie de son maître, quand celui-ci,
frappant les eaux de son manteau, obligea le fleuve de la mort à céder devant
sa puissance. Resté seul, Élisée fait de même. « Il se tint sur le bord du
Jourdain ; et il prit le manteau d’Élie qui était tombé de dessus lui, et
frappa les eaux, et dit : où est l’Éternel, le Dieu d’Élie
? —
Lui aussi frappa les eaux, et elles se divisèrent deçà et delà ; et Élisée
passa » (v. 13-14). C’est toujours à Christ que l’Esprit rend témoignage. Élisée
fait l’expérience du pouvoir du nom d’Élie sur la mort ; non pas du sien
propre. Il recommence l’histoire d’Israël au lieu où Élie avait passé, non pas
au commencement (Guilgal), mais à la fin de sa carrière. Israël avait traversé
autrefois le Jourdain, dans la chair, pour aller au devant d’une ruine
certaine. Élie l’a traversé, pour monter au ciel, et renvoyer ensuite Élisée
dans le pays de la promesse avec son manteau de prophète et une double mesure
de son esprit. Élisée traverse le fleuve en vertu du passage d’Élie, au nom
d’Élie, avec le manteau d’Élie. « Lui aussi », son représentant par l’Esprit,
« frappa les eaux ». La mort est impuissante devant la puissance de l’Esprit de
vie en Élisée. Par l’Esprit, vainqueur de la mort, ce dernier recommence
l’histoire du nouvel Israël. Ce n’est plus un peuple dans la chair qui entre en
Canaan pour être finalement rejeté ; c’est un homme nouveau, revenant au
peuple dans la puissance de l’Esprit de Christ vainqueur de la mort, un homme
nouveau venant apporter aux fils des prophètes, puis à la nation, et plus tard
aux gentils (Naaman), les fruits de cette victoire en délivrance. Les fils des
prophètes reconnaissent ce pouvoir.
Il en sera de même à la fin des temps. L’esprit prophétique reviendra à Israël avec une force toute nouvelle. Il exécutera, sans doute, dans la puissance d’Élie, la vengeance contre les ennemis du peuple, comme les deux témoins de l’Apocalypse. Mais il s’agit ici de grâce bien plus que de jugement ; le témoignage sera en grâce pour la bénédiction des fidèles et le rassemblement du résidu tout entier. Les fils des prophètes, éclairés graduellement, reconnaîtront cette puissance et se rassembleront autour d’elle. L’histoire du vrai Israël, ayant son point de départ en Christ, pourra recommencer à la gloire de Dieu.
Les fils des prophètes voient Élisée (v. 15). Ils étaient à Jéricho, le lieu de la malédiction. Ils ne connaissent pas encore l’ascension d’Élie, comme le résidu prophétique de la fin ne connaîtra pas, tout d’abord, la résurrection et l’ascension de Christ. Thomas, dans l’évangile de Jean, représente, en figure, ce résidu. Il a besoin de se convaincre, par la vue, de la résurrection de son Seigneur. Ainsi, les fils des prophètes, d’abord incrédules comme Thomas, vont chercher Élie. Ils voudraient trouver sur la terre celui qui a été enlevé au ciel. C’était peut-être un bon sentiment ; en tout cas, cette recherche prouve à la fois leur attachement à Élie et leur ignorance. Le Christ reviendra pour son peuple, mais c’est le diable qui dit : « Voici, il est ici, ou voici, il est là », quand il est encore dans le ciel. Aussi, Élisée, l’esprit prophétique envoyé par Christ, dit : « N’y allez pas », mais il a beaucoup de condescendance pour leur ignorance, car, une seconde fois, Élisée dit : « Envoyez » (v. 16-17). Il faut qu’ils soient convaincus que leurs espérances, en tant que liées à l’ancien ordre de choses en Israël, sont vaines. Les cinquante hommes cherchent trois jours et ne trouvent rien. On ne peut plus trouver le Messie ici-bas. Il est vivant, après avoir, à l’encontre d’Élie, passé en réalité par la mort, pour être le premier-né des morts, ce qu’Élie ne pouvait être. Ces hommes reviennent vers Élisée. Ce n’était pas aux anciens prophètes, ni au résidu prophétique de la fin, mais aux premiers disciples, de voir Christ monter au ciel. Il y aura un témoignage se rattachant au leur, comme ayant reçu la double mesure de son Esprit. Les fils des prophètes, malgré les bonnes intentions de leur coeur, n’agissaient pas selon l’Esprit.
Pendant ce temps de
recherches, où la conviction se fait dans l’esprit des fils des prophètes,
Élisée habite à Jéricho,
dans le lieu
de la malédiction (v. 18), mais il est en bénédiction aux hommes de la ville,
car il n’a pas uniquement les prophètes en vue.
Tandis que le travail a lieu dans le coeur de ces derniers, il y a place pour
la bénédiction sur une plus vaste échelle. Le peuple s’adresse à Élisée.
Jéricho rebâti sur le lieu du jugement et contre les pensées de Dieu, était bon
par son emplacement.
Ce n’était pas
le choix de Jéricho qui était mauvais, car, à l’entrée du peuple en Canaan,
cette cité de l’ennemi était devenue le lieu de la puissance divine et de la
victoire. Ce qui était mauvais, c’était ce que les hommes en avaient fait, une
cité contraire aux pensées de Dieu, vraie offense à sa volonté. Aussi, le
résultat de la désobéissance d’Hiel était que la source alimentant la ville
était corrompue et qu’on devait y mourir.
En outre, la terre était stérile ; aucun fruit n’en pouvait sortir.
Pour qu’une source de vie pût y jaillir, il fallait du sel dans un vase neuf ; une vraie mise à part pour Dieu, contenue dans une nouvelle nature. Elle seule pouvait remédier aux conséquences de la corruption amenée par le péché et par la désobéissance du peuple, car la Parole ne parle de ces eaux corrompues qu’après la désobéissance d’Hiel (1 Rois 16:34). Le résidu prophétique seul (le sel dans le vase neuf) pourra remplir cet office, car, comme les douze qui entouraient le Seigneur, il portera, à la fin des temps, ce vrai caractère des enfants du royaume (Matt. 5:13).
Tels sont donc les deux premiers fruits du retour d’une double mesure de l’Esprit prophétique : ceux du peuple qui étaient prophètes deviennent les témoins du fait que le Messie n’est pas dans ce monde et qu’il a été enlevé au ciel. Le peuple s’adresse au représentant de Christ ici-bas, et retrouve la bénédiction par un vrai esprit de sainteté caractérisant le nouvel homme (voyez le caractère du résidu de la fin, dans les Psaumes) et versé où était auparavant une source de mort et de stérilité.
La Parole
aura son rôle dans cette oeuvre, car la bénédiction est
répandue par la parole prophétique : « la parole qu’Élisée avait prononcée »
(v. 22). Élisée dit, — quelle grâce pour ces hommes accablés sous les
conséquences de la malédiction divine : « J’ai assaini ces eaux ; il
ne proviendra plus d’ici ni mort ni stérilité » (v. 21). Tel est le résultat
définitif du témoignage du Saint Esprit en Israël à la fin des temps. La
bénédiction spirituelle remplace toute la misère sous le poids de laquelle une
partie de ce pauvre peuple, livré à l’Apostat, était courbée. C’est le grand
fait capital représenté en type par l’habitation d’Élisée à Jéricho.
Mais un autre fait ne doit
pas être passé sous silence (v. 23-24). Élisée monte à Béthel. De petits
garçons, représentant le peuple inintelligent, moqueur et incrédule, sortent de
Béthel au moment où le prophète va rencontrer Dieu dans sa maison, dans le lieu
de ses immuables promesses. Quelle anomalie ! des enfants, créés pour la
louange, se moquent de l’homme de Dieu ; un âge, caractérisé selon les
pensées de Dieu, par la confiance et le respect pour ce qui est au-dessus de
lui, outrage le prophète ! Au lieu de reconnaître le Dieu des promesses,
ils se moquent de son serviteur et le méprisent. « Monte, chauve ! » lui crient-ils,
parce qu’il porte sur lui les signes de la décrépitude et de la vieillesse (tel
le résidu dans les Psaumes) (Ps. 71:9, 18, etc.) et de l’opprobre. Et cependant
la loi déclare un tel homme pur et non souillé (Lév. 13:40-41). Ceux dont Dieu
devait attendre la simplicité de foi, rejettent le représentant et le témoin du
Messie, identifié avec le résidu faible et courbé, et plaisantent sur son
apparence. Il semblerait aussi qu’ils se moquent d’Élie, son maître. « Monte,
chauve
! » disent-ils. Ils ne croient pas à
l’enlèvement d’Élie. Une pareille folie n’est pas même bonne pour des
enfants ! Où est la promesse de son avènement ? Le monde n’est-il pas
le même, dès aujourd’hui ? Ces outrages sont d’autant plus odieux qu’ils
s’adressent à l’Esprit de Christ, revenant en grâce, et non pas en jugement,
comme Élie. Élisée se tourne
en
arrière,
car il a devant lui les promesses et non le jugement, « et il les
maudit au nom de l’Éternel ». Ils deviennent la proie d’une puissance inexorable
et cruelle qui les saisit et les déchire.
« Et, de là, il se rendit à la montagne de Carmel, d’où il s’en retourna à Samarie » (v. 25). Le peuple apostat n’a pas voulu de Béthel, mais le résidu prophétique, après avoir recouvré les promesses faites à Christ, se retire au Carmel. Il arrive dans « un champ fertile » pour y jouir de la paix et de la communion avec son Dieu. C’est là qu’Élie était monté après le jugement des prêtres de Baal, là qu’Élisée monte après la malédiction des moqueurs. Carmel était pour Élie le lieu de l’intercession ; de là, une pluie bienfaisante de bénédictions était descendue sur Israël. « L’Esprit », dit Ésaïe, sera « répandu d’en haut sur nous », et le désert deviendra un champ fertile (un Carmel)… « et la justice habitera le champ fertile ; et l’oeuvre de la justice sera la paix, et le travail de la justice, repos et sécurité à toujours. Et mon peuple habitera une demeure de paix et des habitations sûres, et des lieux de repos tranquilles » (Ésaïe 32:15-19). Nous arrivons donc ici à la fin du cycle typique, à la bénédiction millénaire.
Le retour d’Élisée à Samarie ramène, dans une mesure, le prophète au milieu des événements de l’histoire.
En terminant ce chapitre important, résumons en quelques mots la carrière, close maintenant, d’Élie, et celle d’Élisée dans ce passage.
Élie, le grand prophète de la
loi, a rapporté à Dieu cette loi violée, en Horeb. Il juge les prophètes de
Baal, il juge Achab et Jézabel, il juge Achazia et ses satellites par le feu du
ciel ; il désigne Hazaël et Jéhu comme exécuteurs du jugement. Il n’est en
cela type de Christ que parce que ce dernier exécutera le jugement, mais après
le temps de la grâce. Il est, par contre, le type du précurseur Jean-Baptiste,
le plus grand des prophètes de l’ancienne alliance (Mal. 4:5 ; Matt.
11:14 ; Luc 1:17 ; Matt. 17:10-12).
Élie, prophète rejeté, se tourne vers les nations (veuve de Sarepta), ressuscite leurs morts, envoie la pluie de bénédictions sur Israël. Il représente, en cette qualité, le ministère de grâce apporté par le Seigneur.
Élie refait le chemin d’Israël, comme étant lui-même le vrai Israël, acquiert les promesses, prend en grâce la place que le peuple s’est attirée par son infidélité (Jéricho), passe victorieusement le fleuve de la mort, est enlevé au ciel. C’est le chemin de Christ, serviteur et prophète en Israël.
Élisée, d’abord type du résidu, serviteur de Christ prophète, tel qu’il a marché sur la terre, le suit jusqu’au bout, dans toute sa marche de sainteté et le voit monter au ciel.
Élisée, l’Esprit prophétique de Christ avec le résidu, reçoit la double mesure de l’Esprit de Christ monté au ciel, retrace le chemin de Christ, sauf Guilgal, la circoncision du Christ ayant eu lieu au Jourdain, dans la mort. Son chemin est avant tout un chemin de grâce et de restauration pour les habitants de la cité maudite, sauf le jugement sur les moqueurs de la fin qui font partie du peuple apostat. Les fils des prophètes sont le résidu prophétique, l’élément sain, mais ignorant, du peuple, avant qu’Élisée revienne à eux avec le double de l’esprit d’Élie. Enfin, Élisée habite en paix dans le champ fertile des bénédictions millénaires.
« Et Joram, fils d’Achab, commença de régner sur Israël à Samarie la dix-huitième année de Josaphat, roi de Juda ; et il régna douze ans » (v. 1).
Notre but n’est pas d’expliquer toutes les difficultés chronologiques soulevées par le règne de Joram, fils de Josaphat, roi de Juda (Comparez 1:17 ; 3:1 ; 8:16 ; 1 Rois 22:52 ; 2 Chron. 20:31). Nous reviendrons, au chapitre 8, sur les plus importantes. L’incrédulité, prompte à trouver la parole de Dieu en défaut, n’a pas manqué de relever ici d’apparentes erreurs. Admettre une faute de copiste (chose toujours possible) au chapitre 1:17, ne lèverait la difficulté qu’à demi. Le croyant, sans vouloir tout expliquer, s’attend à Dieu et reçoit de la lumière en temps et lieu, comme prix de sa confiance.
Dans ce chapitre, nous trouvons le prophète aux prises avec les circonstances du monde qui l’entoure. Quels troubles va rencontrer celui qui descend du mont Carmel pour visiter Samarie ! Moab s’était rebellé contre Israël ; c’était la suite de l’infidélité d’Achab (1:1), mais elle pesait, comme jugement de Dieu, sur Achazia, son indigne successeur. La coutume des rois asservis, dès qu’il y avait un changement de règne, était de secouer le joug de leurs oppresseurs (v. 4, 5). L’homme politique ne voit pas autre chose dans cette révolte de Moab, tandis que le croyant y reconnaît la main de Dieu en châtiment ou en jugement.
Joram, fils d’Achab, s’était montré en un sens moins irréligieux que son père. Il avait enlevé l’idole de Baal érigée par Achab, toutefois sans en détruire les prophètes, comme on peut l’inférer de la réponse d’Élisée, au v. 13. Il abandonnait extérieurement ce culte abominable, mais se préoccupait bien peu d’en laisser subsister l’esprit. Ce qu’il n’abandonnait nullement, c’était le culte national institué par Jéroboam, fils de Nebath, et qui cachait une grossière idolâtrie sous les apparences de la religion du vrai Dieu.
Élisée est témoin de l’alliance entre Joram d’Israël et Josaphat contre Moab. Joram suit ici la tradition du règne de son père qui s’était allié avec ce même Josaphat contre les Syriens, mais il va plus loin que lui dans le mal. Comme il a besoin de passer par le territoire d’Édom pour atteindre Moab (v. 8), il comprend dans son alliance cette nation, idolâtre, bien connue par son inimitié acharnée contre le peuple de l’Éternel. Quel tableau du monde, dont la politique ne tient aucun compte de Dieu !
Selon l’homme, tout est calculé pour une réussite certaine ; la petite nation guerrière de Moab ne pourra, malgré sa vaillance, résister à cette puissante confédération ; mais Dieu est là, le seul dont Joram aurait dû tenir compte et qu’il laissait outrageusement de côté.
Et que penser de l’intègre Josaphat, déjà instruit des pensées de Dieu par une expérience précédente (1 Rois 22), et retombant, peu d’années après, dans les errements qui l’avaient amené à deux doigts de sa perte ? « J’y monterai », dit-il, « moi je suis comme toi, mon peuple comme ton peuple, mes chevaux comme tes chevaux » ; exactement les mêmes paroles qu’il avait dites autrefois à Achab. La bienveillance et l’amabilité selon le monde, le désir de lui plaire, l’alliance avec lui pour la promotion d’intérêts communs, sont de terribles obstacles à une marche fidèle, et lorsque ces sentiments ne sont pas appelés par le chrétien de leur vrai nom, qui est le péché, ils ruinent son témoignage, contribuent à maintenir le monde dans une fausse sécurité, puisqu’il s’illusionne et croit marcher dans le chemin chrétien, parce que des enfants de Dieu marchent avec lui, tandis que c’est, de fait, le chrétien qui marche dans le chemin du monde. Cette marche, enfin, si elle n’entraîne pas un jugement immédiat sur le croyant, est du moins stérile pour lui, comme le montre l’histoire de Josaphat et, si elle profite à quelqu’un, c’est au roi apostat, Joram, dont cette alliance accroîtra la puissance et la prospérité. Josaphat était ce qu’on appelle un esprit large, tolérant. La division d’Israël était pour lui un fait accompli qu’il ne ressentait plus, s’il l’avait jamais ressenti. Il ne heurtait pas les opinions ni la religion de Joram. Il s’associait volontiers avec lui, sous prétexte de lui être utile, mais il oubliait une chose autrement importante, c’est qu’il se solidarisait avec un homme qui déshonorait Dieu, outrageait sa sainteté et ne tenait aucun compte de sa Parole. Naturellement, le monde approuve bien haut une telle alliance, et donne de tels croyants en exemple à ceux qui se séparent du mal pour être de vrais témoins de Christ. « Moi je suis comme toi, mon peuple comme ton peuple, mes chevaux comme tes chevaux ». Et pourquoi pas ? dit le monde. Parce que j’abandonne mon témoignage, si ce n’est Dieu lui-même, du moment que j’accepte une alliance avec le monde ennemi de Dieu.
Cette marche a encore un
autre inconvénient, et des plus graves. On peut, comme Josaphat, s’allier avec
un Joram, représentant le monde qui garde encore l’apparence extérieure
de la religion divine. Aux
yeux de Josaphat, cela semblait, sans doute, valoir mieux que son alliance avec
Achab. Il caressait peut-être l’illusion que Joram, ayant jeté bas la stèle de
Baal, l’alliance avec lui était permise. De fait, elle était pire que la
première, car elle conduisait à une alliance avec Édom, chose que le pauvre
Josaphat n’avait guère soupçonnée, ou dont peut-être il ne s’estimait pas
solidaire.
Achab, avant d’aller à la guerre, avait rassemblé les prophètes pour s’enquérir s’il devait l’entreprendre (1 Rois 22:6). Joram ne semble pas même y songer ; Josaphat, hélas ! pas davantage. Il avait été plus fidèle vis-à-vis d’Achab (1 Rois 22:5). Quand le croyant récidive dans le mal, au lieu de s’en abstenir, sa conscience s’émousse, et il finit par ne plus éprouver le besoin des directions de la Parole dont il avait auparavant senti la nécessité.
Ces trois rois, si tristement associés, partent donc et, au lieu de rencontrer l’ennemi, ont affaire à des circonstances qui leur prouvent qu’on ne peut pas oublier Dieu sans danger. L’eau manque ; le roi d’Israël dit : « Hélas ! l’Éternel a appelé ces trois rois pour les livrer en la main de Moab ! » Il n’avait suivi jusqu’ici que sa propre volonté ; quand il se souvient de l’Éternel, il l’accuse de l’avoir conduit à la ruine avec ses deux compagnons. L’homme se révolte contre son sort, c’est-à-dire contre Dieu qui le dirige, au lieu de reconnaître que c’est lui qui se l’est attiré. Le pieux Josaphat, quoique manquant de discernement pour apprécier le mal et lui-même, a toutefois cette pensée juste quoique tardive, qu’on ne peut sortir de difficulté qu’en consultant l’Éternel. Joram, lui, ignorait l’existence d’Élisée, prophète en Israël, et ne sentait pas plus le besoin, en présence du désastre, d’interroger un porteur de la parole de Dieu, que lorsqu’il se mettait en campagne. Heureusement que l’un de ses serviteurs connaît Élisée. Les petits sont au fait des ressources divines, alors que les grands de la terre ne s’en enquièrent pas. Ils sont aussi plus à même d’apprécier le caractère du prophète qui, dans l’oubli de lui-même, avait été un si parfait serviteur d’Élie, que son nom, comme nous l’avons vu, n’avait pas été prononcé depuis son premier appel, jusqu’au jour où il fut appelé à remplacer son maître dans sa mission. Souvenir odieux, sans doute, à Joram, car il lui rappelle Élie et ses jugements sur son père, sa mère et son frère.
Josaphat, à l’ouïe du nom d’Élisée, retrouve une juste appréciation de la Parole de Dieu : « La parole de l’Éternel est avec lui » (v. 12). Les trois rois descendent vers le prophète qui ne prend pas même garde au roi d’Édom, renvoie le roi d’Israël aux prophètes de Baal et ne tient compte que du faible Josaphat, représentant unique, quoique en si mauvaise compagnie, du témoignage de Dieu en Israël. Quelque pauvres et inconséquents qu’ils soient, le Seigneur n’oublie pas les siens et tient compte de la plus faible marque de fidélité à son égard. Quant aux dix tribus, elles sont définitivement rejetées dans la personne de leur roi responsable. Comme toujours, la patience inépuisable de Dieu suspend encore le coup qui va le frapper et tiendra compte jusqu’au bout du moindre retour vers Lui, mais cette parole terrible retentit : « Qu’y a-t-il entre moi et toi ? » N’est-ce pas le : « En vérité, je vous dis : je ne vous connais pas », de Matthieu 25:12, pire encore que la sentence prononcée sur Achazia : « Tu mourras certainement ».
Cependant, Élisée est un prophète de grâce. Il n’ignore pas le mal, mais, au lieu de prononcer le jugement, il indique une ressource miraculeuse pour ces trois rois dans leur calamité. Il a besoin, pour parler de délivrance, de s’abstraire de ce qu’il a sous les yeux et qui pourrait l’exciter à prononcer un jugement sans merci. « Amenez-moi », dit-il, « un joueur de harpe ». Comment s’abstraire mieux qu’en élevant son âme vers Dieu, car c’était avec des instruments à cordes que le coeur des fidèles exhalait vers l’Éternel sa louange, ses désirs, ses besoins ou ses plaintes. Le remède agit : « La main de l’Éternel fut sur Élisée ». Alors il peut révéler par quelle intervention miraculeuse (v. 16-19) l’Éternel opérera la délivrance. Il faut préparer les fosses destinées à recevoir l’eau, et le Seigneur les remplira. Il ne fait pas de miracle de grâce qui n’ait en même temps pour but de mettre la foi en action. Nous en verrons plus d’un exemple dans l’histoire du prophète Élisée. Ici, l’Éternel n’intervient pas, ce qu’il fit en d’autres occasions, par des moyens naturels, vent ou pluie. Il coupe court à tous les raisonnements incrédules des rois confédérés.
La délivrance a lieu le
matin, à l’heure
même où l’on offre
le sacrifice sur l’autel. Le culte national idolâtre de Jéroboam n’a rien à
faire avec cette heure, et Dieu ne le reconnaît en aucune manière ; son
intervention est en rapport avec l’autel du temple de Jérusalem. C’est ce
dernier qui, pour ainsi dire, ouvre les écluses miraculeuses par lesquelles
toute une armée va être abreuvée. Il en est de même de la croix de Christ.
Quelque éloignée qu’elle soit en apparence, c’est à l’heure de cette offrande
que Dieu regarde pour sauver tous ceux qui se confient en sa Parole. L’eau de
la vie a pour origine la mort de la victime. Mais ce qui est vie pour les uns
est mort pour les autres. Moab, trompé par l’apparence, se précipite, tête
baissée, dans son propre jugement, au moment même où l’Éternel délivre ceux qui
ont accepté son message. Pour n’avoir pas distingué et reconnu la délivrance
envoyée de Dieu, Moab est détruit et la victoire est du côté de ceux qui ont bu
les eaux préparées par la grâce. N’était-ce pas comme un accomplissement
partiel de la prophétie de Balaam : « L’eau coulera de ses seaux… et son
roi sera élevé au-dessus d’Agag » ? (Nombres 24:7).
Israël seul est mentionné comme frappant l’ennemi et accomplissant sa destruction, selon la prédiction d’Élisée. Le roi de Moab essaie de pénétrer avec sept cents hommes jusqu’au roi d’Édom, sans doute pour se réfugier auprès de lui, mais il n’y peut réussir. Alors il offre son premier-né en holocauste sur la muraille. Cela ne rappelle-t-il pas ce que plus tard dira l’Éternel, à propos de ce même Moab : « Donnerai-je mon premier-né pour ma transgression, le fruit de mon ventre pour le péché de mon âme ? » (Michée 6:7).
Cet horrible sacrifice provoque l’indignation des alliés d’Israël, dont la vengeance a poussé Moab à cette extrémité (*), ils se retirèrent du vainqueur pour rentrer chez eux. Victoire inutile. Moab peut se croire délivré par cette épouvantable offrande à son dieu et reste invaincu au milieu de ses ruines, prêt aux pires représailles. Tel sera toujours le résultat des victoires humaines, quand ce n’est pas Dieu qui conduit son peuple à la victoire. Édom, allié d’un jour, sur lequel Israël avait compté, l’abandonne et s’indigne contre lui, du moment qu’il livre combat avec le nom de l’Éternel pour bannière. Josaphat le quitte aussi et retourne dans son pays avec les mêmes sentiments, quoique provenant d’autres motifs. Joram doit apprendre qu’une religion n’ayant que l’apparence de la vraie, ne trouve un appui durable, ni chez les incrédules avoués, ni chez ceux qui gardent le témoignage de Dieu.
(*) C’est du moins le sens que je crois devoir attribuer à cette parole.
À mesure que ces chapitres se déroulent devant nos yeux, nous pouvons y remarquer le contraste entre les jours d’Élie et ceux d’Élisée. Élie reconnaît encore Israël et son roi, bien que ce soit pour prononcer le jugement sur eux. Pour Élisée, le roi n’existe plus : « Je ne te regarderais pas, et je ne te verrais pas » (3:14) ; le peuple est rejeté, et Juda seul compte encore pour quelque chose aux yeux du prophète. Mais, tandis qu’aux jours d’Élie, le résidu fidèle était caché et que l’Éternel seul pouvait distinguer les 7000 hommes qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal, aux jours d’Élisée ce résidu vient en pleine lumière. C’est à lui que le prophète s’adresse ; les fils des prophètes sont l’objet particulier de sa mission. Ce ministère s’étend sans doute, comme nous le verrons, au delà d’eux, mais leur rôle est tout à fait prépondérant, et cela donne un cachet particulier au caractère typique de cet homme de Dieu.
Quel milieu que celui dans
lequel il exerce son action ! Les fils des prophètes sont sans ressources
en Israël ; ils ont faim, ils ont soif ; leur dénuement est absolu.
Les sept premiers versets de notre chapitre font ressortir cette condition
d’une manière particulière. La femme du prophète est sans aucun soutien
extérieur ; le chef de famille lui a été enlevé par la mort ; un
créancier sans coeur veut s’emparer de ses fils pour en faire ses esclaves. La
veuve n’a rien pour les racheter de sa main, rien qu’un peu d’huile à la maison
et l’huile, emblème de la puissance spirituelle, est bien près de manquer.
Cette faible ressource peut-elle suffire ? Il en sera de même aux derniers
jours avant la délivrance du résidu. Un peuple apostat l’entoure ;
l’antichrist lui fait sentir son joug cruel et prétend l’asservir, mais
l’Éternel a pour lui des ressources divines ; il apprend à crier à
Lui : « Tu sais que ton serviteur craignait l’Éternel ». N’entend-on pas ici
le langage de l’intégrité si souvent exprimé dans les Psaumes ? Le Christ
est absent ; Johovah ne demeure plus au milieu du peuple, mais son Esprit
est présent dans une double mesure avec le prophète. Élisée dit à la
veuve : « Que ferai-je pour toi ? » Cette pauvre femme, dont le cri est
arrivé à son adresse, devient l’objet d’une tendre sollicitude. Mais il faut
d’abord qu’elle avoue au prophète les ressources dont elle dispose : « Ta
servante n’a rien
du tout
dans
la maison qu’un pot d’huile ». Le mot signifie : Juste la quantité d’huile
nécessaire pour s’oindre. Rien pour s’acquitter, rien pour se libérer, rien
qu’une toute petite mesure de puissance spirituelle. « Va », dit le prophète,
« demande pour toi, du dehors, des vases à tous tes voisins, des vases vides
(n’en demande pas peu) ; et rentre, et ferme la porte sur toi et sur tes
fils, et verse dans tous ces vases, et ôte ceux qui seront remplis ». La
plénitude des ressources spirituelles est en Élisée, mais il lui faut des vases
vides ; la pauvre veuve n’en peut trop rassembler. Elle doit en demander à
tous ses voisins, en apporter du dehors dans la maison, puis, les ayant réunis,
fermer la porte sur soi. C’est une scène intime, à laquelle la nation apostate
n’est nullement appelée à participer. Trois fois dans ce chapitre (v. 4, 21,
33) la porte est fermée, indiquant clairement que ces scènes n’ont rien à faire
avec un témoignage public, comme celui du grand prédécesseur d’Élisée. Il faut
des vases vides ; pour être rempli de l’huile de l’onction, il faut être
vidé de soi-même. Les gens de Jéricho avaient besoin d’un vase neuf et de
sel ; il leur fallait une nouvelle nature, sanctifiée pour Dieu, afin que
la malédiction pût être détournée de leur ville ; la fille des prophètes
et ses enfants, déjà en possession d’un peu d’huile, n’avaient pas à procurer
des vases neufs pour obtenir une pleine mesure. Dieu se sert des ressources
spirituelles qu’il trouve chez les siens, quelque petites qu’elles soient. Il
en fut de même des disciples, lors de la multiplication des pains. Ils disent
au Seigneur : « Nous n’avons que cinq pains et deux poissons ». Jésus leur
dit : « Apportez-les-moi » ; puis, ayant béni et rompu les pains, il
les donne aux disciples qui les distribuent aux foules, se servant ainsi de ce
qu’ils avaient pour bénir les 5000 hommes par leur moyen.
Ici, la bénédiction ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus de vases à remplir. Un nombre déterminé de vases la reçoit, comme plus tard, à la fin des temps, 144000 seront scellés en Israël, mais pour chacun la mesure est comble. Comme les premiers disciples, à la Pentecôte, « furent tous remplis de l’Esprit Saint » (Actes 2:4), ainsi en sera-t-il pour le résidu, lors de la pluie de la dernière saison, selon la prophétie de Joël.
Les vases remplis, il faut vendre l’huile ; la bénédiction communiquée circule. Tel sera le témoignage du résidu aux derniers jours. Plusieurs participeront aux bienfaits spirituels et deviendront eux-mêmes possesseurs de ces bénédictions. Les sages du peuple, porteurs de la Parole, ces fils des prophètes, enseigneront la justice à la multitude (Dan. 11:33 ; 12:3). Ainsi la famille prophétique vit et s’entretient avec l’onction spirituelle qui lui est multipliée et qui remplit son coeur de joie, et la provision est abondante pour d’autres.
Ce miracle nous rappelle celui de la veuve de Sarepta ; seulement, dans ce dernier cas, c’est la bénédiction apportée aux nations par le Messie ; ici, au résidu d’Israël par l’effusion de l’Esprit du Christ.
Ne manquons pas de répéter ici que tous ces miracles d’Élisée font appel à la foi. La veuve du prophète devait réunir les vases, être convaincue des choses qu’elle ne voyait pas encore, tout comme dans le chapitre précédent, il fallait préparer les fosses, avant que l’eau rafraîchissante vînt les combler.
Outre les fils des prophètes, il y avait encore, au milieu de la masse du peuple déjà jugée, et rejetée de fait, un témoignage de foi individuelle. La Sunamite en est un exemple. Cette femme était riche (*), en contraste avec la veuve du fils des prophètes qui était dans un dénuement absolu ; mais c’était une femme de foi et toute son histoire le prouve.
(*) Chose digne de remarque, la Parole choisit généralement des riches comme exemples de ceux qui n’atteignent pas le salut. Sauf le cas du deuxième brigand sur la croix, il ne me revient pas en mémoire un pauvre donné comme exemple de ceux qui perdent le salut. Judas tenait la bourse ; il était le seul parmi les disciples qui eût quelque chose. L’évangile était annoncé aux pauvres, et les riches, comme celui de Lazare, avaient leur part dans cette vie. Les greniers du riche, auquel son âme est redemandée, regorgeaient de blé. Les riches de l’épître de Jacques qui avaient amassé un trésor dans les derniers jours, et avaient condamné le juste, tombent sous la malédiction. C’étaient des riches qui, dans la parabole du grand souper, disaient : Tiens-moi pour excusé, et furent rejetés. Le jeune homme fort riche et si aimable, se prive lui-même du salut, quand il s’agit de tout abandonner pour suivre Jésus. Le fils prodigue était riche quand il quitta son père, dépouillé de tout quand il lui revint.
Mais il y a des exceptions à cette malédiction que les richesses portent avec elles, car si le salut d’un riche est impossible aux hommes, tout est possible à Dieu. La Sunamite nous en offre ici un exemple précieux. Zachée qui reçut Jésus dans sa maison, Joseph d’Arimathée qui prit soin du Seigneur dans sa mort, étaient des hommes riches (Matt. 27:57). [Note Bibliquest : voir aussi Barzillaï le Galaadite, et les femmes qui assistaient le Seigneur de leurs biens Luc 8:1-3]
Elle exerce l’hospitalité
envers l’étranger qui passait à Sunem, mais au bout de quelques visites, elle
se rend compte du caractère de son hôte. La conversation peut-être, et sans
doute toute la manière d’être du prophète, lui font reconnaître son caractère.
Elle ne juge pas à première vue, mais attend des marques extérieures qui
l’éclairent. Elle a le « sobre bon sens » de la foi. « Voici », dit-elle à son
mari, « je connais que c’est un saint homme de Dieu qui passe chez nous
continuellement ». Elle a commencé par le retenir, et le prophète a trouvé un
milieu sympathique qui répond à son caractère. Chaque fois qu’il passait, il se
retirait là. Ces deux natures s’attirent et se conviennent. C’est « un saint
homme de Dieu », dit-elle ; il a, pour son coeur, non seulement le
caractère officiel d’un porteur de la Parole, mais elle le reconnaît comme
« saint », comme réellement séparé pour Dieu dans sa vie pratique, car ce n’est
pas tout d’avoir un don de la part de Dieu ; il faut encore, pour l’accréditer,
un caractère moral qui y réponde. Le vieux prophète de Béthel avait le don sans
ce caractère (1 Rois 13). Combien il est important pour tout ouvrier du
Seigneur, d’y prendre garde. Le don reste sans fruit, quelque éminent qu’il
puisse être, quand il n’est pas accompagné d’une autorité morale, atteignant
bien plus la conscience des auditeurs que les paroles qui l’accompagnent. Et,
du reste, le porteur du don lui-même, perd son énergie persuasive, quand sa
conscience n’est pas droite devant Dieu et devant les hommes. « J’espère aussi »,
disait l’apôtre, « que nous avons été manifestés dans vos consciences ». Il en
était ainsi d’Élisée. « Je connais
que c’est un saint homme de Dieu »,
disait de lui la Sunamite.
Et, voyez comme elle se rend compte de ce qui doit convenir à un homme de Dieu. Sa richesse aurait pu l’engager à lui préparer une retraite ornée de tout le confort possible. Non ; elle fait abstraction de sa position à elle, pour ne penser qu’à ce qui convient à un homme pour lequel les richesses n’ont aucune valeur, ou qui les mépriserait, comme un piège tendu par l’ennemi. Ce qui lui importe quant à elle-même, c’est de ne pas avoir Élisée seulement en passage, mais de lui préparer un domicile dans sa maison. Plus nous faisons connaissance avec Christ, avec sa Parole qui le révèle (et dont Élisée était le porteur), plus nous désirons qu’ils fassent partie de notre vie, et que ces mots soient inscrits sur la porte de notre maison : « Ici, la parole de Dieu habite ». Elle n’est plus pour nous une jouissance passagère, ou sa lecture un devoir accompli à l’occasion, mais elle fait partie de notre vie, de notre famille, de nous-mêmes. La foi, chez le chrétien le plus favorisé des biens de ce monde, se montrera toujours par cette simplicité extérieure. « Faisons, je te prie, une petite chambre haute en maçonnerie, et mettons-y pour lui un lit, et une table, et un siège, et un chandelier ; et il arrivera que, quand il viendra chez nous, il se retirera là ». Seules, l’inintelligence et l’absence de communion avec le Seigneur en agissent autrement. Ceux qui font partie de la famille de Dieu et possèdent les biens de ce monde, ne songent pas assez au danger d’offrir à leurs frères, engagés dans l’oeuvre du Seigneur, plus que le nécessaire, plus que leur ordinaire. Si le frère est spirituel, un luxe même relatif le mettra mal à l’aise et sera une entrave à la libre expansion de son coeur, prêt à apporter à ses hôtes quelque chose de la part de Dieu ; si sa vie chrétienne est affaiblie, cette prospérité sera pour lui un piège et, se laissant gagner par elle, il reviendra dans le lieu où elle lui est offerte, non plus pour le Seigneur seulement, mais pour satisfaire des besoins de bien-être qui ne sont que des besoins de la chair.
Le dévouement et l’intelligence de cette femme gagnent le coeur du prophète, comme ils attirent le coeur de Christ ; aussi reçoivent-ils leur récompense. Élisée appelle la Sunamite ; il a quelque chose à lui donner. « Elle se tint devant lui », comme lui-même se tenait devant l’Éternel. Il y a une belle concordance entre les positions réciproques de cet homme de Dieu et de cette femme de foi. Il veut la récompenser de son empressement, mais auparavant il la met à l’épreuve pour voir si leurs deux coeurs battent à l’unisson : Faut-il parler pour elle au roi ou au chef de l’armée ? Y a-t-il chez elle quelque désir d’augmenter ses ressources dans ce monde ? Elle refuse, et nous verrons plus tard que ces choses lui furent accordées par-dessus, en un temps de besoin où elles n’étaient plus un piège pour elle. Pour le moment, elle répond : « J’habite au milieu de mon peuple ». Belle réponse, digne de cette femme pieuse. Elle reconnaît comme son peuple cette nation, sur laquelle le jugement est déjà suspendu, et ne s’en sépare pas. Elle y voit ce que Dieu seul peut y distinguer, ce que la foi seule peut y réaliser. Tant que Dieu y reconnaît encore quelque chose pour lui, ce peuple est son peuple, et elle n’a pas d’autre désir que d’en faire partie. Au milieu de la ruine, elle s’attache au peuple de Dieu, comme Élie avec son autel de douze pierres, quand les douze tribus n’existaient plus comme un ensemble. Il ne lui faut pas autre chose ; elle se contente du repos, de la communion et de la paix que cette habitation lui apporte au milieu du désordre existant.
De nos jours, une vraie foi ne diffère pas de celle de la Sunamite ; elle ne cherche pas l’amélioration d’un état de choses complètement éloigné des pensées de Dieu, mais voit ce que Dieu a établi dans ses conseils. Tout en ayant conscience de la ruine de l’Église, comme maison et peuple de Dieu ici-bas, elle vit en paix, s’en tenant à ce que le Seigneur a établi au commencement, à cette Église, bâtie sur le nom de Christ ressuscité et qu’elle considère avec les pensées et les affections du Seigneur, telle qu’il se la présentera dans la gloire. La foi ne cherche pas à réédifier les ruines, et dit : « J’habite au milieu de mon peuple », comme si tout était en ordre, parce que les pensées de Dieu à l’égard de ce peuple sont sa réalité à elle.
Cependant, le coeur de la Sunamite nourrit un désir secret, un grand désir. Il lui faut un objet pour ses affections. D’un tel désir, si élevé, si inaccessible, elle ne s’est ouverte à personne ; mais le serviteur du prophète peut distinguer qu’il lui manque une chose, sans laquelle le bonheur resterait toujours incomplet. « Elle n’a pas de fils, et son mari est vieux ». Cette stérilité, modifiée selon les circonstances, nous la retrouvons continuellement chez les femmes pieuses en Israël, et nous en avons parlé plus d’une fois au cours de ces méditations. Elle était, pour ces coeurs fidèles, la plus grande épreuve possible. Leur sainte ambition était, non seulement d’avoir une postérité, mais d’être introduites de cette manière dans un rapport personnel, proche ou éloigné, quel qu’il fût, avec la personne et la lignée du Messie. Pour ces femmes, un fils était donc le bien suprême. La Sunamite n’exprimait pas ce besoin, acceptant les circonstances dans lesquelles la providence de Dieu l’avait placée, seulement le vide était là, profondément éprouvé dans son coeur.
Il en est de même pour nous, chrétiens. Toutes les bénédictions spirituelles ne peuvent nous suffire, si nous n’avons pas trouvé un objet dans la possession personnelle de Christ. L’avoir lui, le connaître lui, l’aimer, le voir, le serrer dans ses bras comme Siméon, se reposer sur son sein comme le disciple bien-aimé, se tenir à ses pieds comme Marie, contempler sa gloire comme les disciples sur la sainte montagne, s’intéresser au moindre détail de ses circonstances, parce qu’il s’est emparé de nos coeurs, voir sa beauté divine comme les parents de Moïse, tout cela et bien d’autres choses, constitue l’inappréciable bonheur de ceux qui lui appartiennent. L’Éternel, par Élisée, accorde un fils à cette femme, comme le Saint Esprit, par la Parole, nous apporte Jésus et le fait demeurer en nous, Christ, l’espérance de la gloire.
Élisée appelle une seconde fois la Sunamite. La première question du prophète était une épreuve de sa foi, et cette épreuve avait démontré que cette femme ne tenait pas plus que son hôte aux avantages que le monde pouvait lui procurer. Elle avait appris, à l’école du saint homme de Dieu, quels étaient les vrais intérêts d’un témoin au milieu de la ruine d’Israël. Il lui dit les mêmes paroles que l’ange de l’Éternel avait autrefois apportées à Sara : « À cette même époque, quand ton terme sera là, tu embrasseras un fils » (comp. Gen. 18:10). Ah ! c’est que cet enfant est aussi un fils de promesse, de la même lignée qu’Isaac qui, lui, était le type de la vraie semence, du Christ. Comme son coeur palpite à cette parole ! Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne mens pas à ta servante ! » C’est donc une vérité ! Sa joie est entière ; elle a trouvé dans ce don la satisfaction de tous ses désirs.
Hélas ! cette joie, il suffit de quelques heures pour la perdre ; au temps de la moisson, toutes les espérances de la Sunamite s’écroulent. L’enfant meurt sur le midi. Il en fut de même des espérances des disciples au temps de Jésus. « Nous espérions », disent les deux disciples d’Emmaüs, « qu’il était celui qui doit délivrer Israël ».
L’homme de Dieu est l’unique ressource de cette femme. Elle couche l’enfant là où le porteur de la Parole s’est reposé. Elle le tenait de lui ; mort, elle le lui confie. C’est un acte de foi. Si les disciples dont nous venons de parler avaient eu confiance dans les Écritures, ils n’auraient pas eu besoin que le Seigneur les leur ouvrît pour savoir qu’elles annonçaient les événements mêmes qui venaient de se passer sous leurs yeux.
La Sunamite appelle son mari, lui demande une ânesse et un serviteur. Quelle angoisse étreint son pauvre coeur ! Mais elle fait preuve de la même foi qui l’avait caractérisée en recevant le prophète, puis en saisissant l’espérance qu’il plaçait devant elle. La mort intervient, semble tout renverser, mais la foi et l’espérance de la Sunamite restent les mêmes au milieu de ce qui semble les détruire. « Tout va bien », dit-elle, quand elle a la mort dans l’âme. Quelle parole ! Son fils est mort, mais tout va bien ! Pourquoi ? C’est qu’elle est soutenue par l’espérance, cette digne fille d’Abraham, de celui dont la foi estimait que Dieu était puissant pour ressusciter Isaac d’entre les morts. Dieu qui lui avait donné cet enfant et qui l’a repris par la mort, peut le lui rendre en résurrection. Elle n’attend pas moins que cela de l’homme de Dieu, mais comme elle se hâte ! « Marche ; ne m’arrête pas dans la course », dit-elle à son serviteur. Ayant perdu l’objet de son coeur, elle n’aura pas de repos qu’elle ne l’ait retrouvé. Marie de Magdala nous offre un exemple semblable. Ignorante et peu éclairée, sans doute, elle veut avoir Jésus coûte que coûte : « Dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’ôterai » ; et, au même moment, elle le trouve ressuscité.
Toute halte est fâcheuse ; un moment perdu peut tout compromettre ; cette femme ne trouvera le repos que lorsqu’elle « saisira les pieds » de l’homme de Dieu. La maladie de l’enfant n’avait pas été déclarée par l’Éternel au prophète, et pour plus d’une raison. S’il avait connu le danger, il y eût couru, et l’enfant ne fût pas mort. Sa dépendance de Dieu n’aurait, de cette manière, pas été mise à l’épreuve. Le Seigneur, lui, connaissait la mort de Lazare, car Dieu connaît tout, mais, pour le même motif, comme homme dépendant, il n’est pas accouru à Béthanie, car, pour le faire, il n’avait pas une parole de son Père. Puis, si Élisée avait connu le danger, la Sunamite n’eût pas « vu la gloire de Dieu » qui ressuscite les morts. Mais une troisième raison pour cacher la chose au prophète, c’est que la foi de la Sunamite devait être mise à l’épreuve jusqu’au bout. Elle n’aurait pas eu l’occasion de se manifester pleinement, même si l’envoyé de Dieu s’était présenté chez elle au moment où son fils venait d’expirer : ainsi, sa foi eut une oeuvre parfaite. Elle dit : « Ai-je demandé un fils à mon seigneur ? N’ai-je pas dit : Ne me trompe pas ? » Elle compte sur Celui dont les promesses sont sans repentance et dépendent uniquement de sa grâce qui les donne sans qu’on les demande, en sorte qu’elle-même n’y était pour rien. Elle croit que, si les hommes sont trompeurs, Dieu ne trompe pas. Si Élisée avait été un homme comme les autres, il aurait pu se tromper, promettre sans tenir, mais il représente Dieu, et un homme de Dieu ne pourrait agir ainsi. Elle n’a donc qu’une ressource, la fidélité de son seigneur, et ne fait pas autre chose, ne connaît aucun autre chemin, que de s’adresser à lui. Elle est réellement une femme « d’une seule chose ». Sans doute, « son âme est dans l’amertume », mais elle a confiance en la seule ressource possible et trouve aussi une pleine sympathie dans le coeur de celui auquel elle s’adresse.
Ici, sa foi est mise à une nouvelle épreuve. Élisée dit à Guéhazi : « Ceins tes reins, et prends mon bâton en ta main, et va-t-en : si tu trouves quelqu’un, ne le salue pas, et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas, et tu mettras mon bâton sur le visage du jeune garçon ». La Sunamite acceptera-t-elle, comme remède à sa détresse, l’emblème de la marche du prophète, porté par un autre que lui ? Non, sa foi n’accepte aucun intermédiaire, car ce n’est pas Guéhazi qui sauve ou peut sauver. Elle a appris, à l’école du prophète, que le moyen d’obtenir la bénédiction est de se tenir en rapport constant avec celui qui en est la source. « L’Éternel », dit-elle, « est vivant, et ton âme est vivante, que je ne te laisserai point ! » Ce sont les paroles mêmes d’Élisée à Élie. Comment l’homme de Dieu pourrait-il résister à cette foi qui le prend lui-même pour modèle ? Comment n’irait-il pas ? Pouvait-il désirer qu’elle agît autrement que lui-même ? Non ; « il se leva et s’en alla après elle ». Guéhazi les devance, mais le bâton du prophète ne suffit pas pour ramener l’enfant à la vie. Ce n’est pas tout que d’avoir la puissance entre les mains ; les disciples qui entouraient le Seigneur avaient reçu de lui « puissance et autorité sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies » (Luc 9:1), et quand il fallait guérir un démoniaque (v. 40), « ils ne le purent pas ». Cela dépendait de leur communion personnelle. S’ils avaient eu de la foi comme un grain de moutarde, ils auraient déplacé des montagnes ; mais ces esprits ne sortaient que par la prière et par le jeûne. Il fallait un état personnel de dépendance et de séparation du mal pour pouvoir user de la puissance. Cet état du coeur, nous le verrons plus tard, manquait à Guéhazi.
Pendant que ces choses se passaient, l’enfant était couché sur le lit du prophète, la porte fermée sur lui. Élisée entre et ferme la porte sur eux deux. Il veut s’identifier absolument avec l’enfant dans la mort. Et quelle peine, quelles angoisses, quel travail d’âme ! il n’a pas de repos qu’il n’ait accompli son oeuvre, prenant la place du mort pour lui communiquer la vie. L’enfant ouvre ses yeux à la lumière.
Outre tant d’instructions précieuses que cette scène nous présente, je ne doute pas qu’on n’y trouve en type la mort et la résurrection d’Israël. À la fin des temps, ce qui est pieux et fidèle parmi le peuple, ceux qui, comme la Sunamite, considèrent leur peuple comme l’enfant de la promesse immanquable de Dieu, ne perdent pas l’espérance quand il est moralement mort ; leur foi est active à l’égard d’Israël ; elle réalise que seul l’Esprit de Dieu peut le ressusciter, et identifie son état avec la croix et le sépulcre où le Messie, le Sauveur du peuple, a souffert et a été couché pour lui. Leur foi va chercher le Seigneur sur la montagne de Carmel, où il se trouve, jouissant de la sphère céleste de son royaume avant qu’il en introduise la partie terrestre. Ils apprennent ensuite et réalisent par l’Esprit que le travail d’âme de Christ avait en vue la résurrection de son peuple et reçoivent de sa main, comme au chapitre 37 d’Ézéchiel, un peuple nouveau, fruit de ce travail et né du Saint Esprit. La mort avait été réalisée par eux au moment des travaux de la moisson ; ceux-ci ne sont pas interrompus, et Israël recouvre la vie avant que le grain ne soit récolté dans le grenier. Le résidu obtient enfin tout ce que son coeur a désiré. C’est ainsi, qu’à travers ces scènes pleines d’instruction pratique pour nos âmes, se déroule le cycle des pensées de Dieu à l’égard de son ancien peuple.
« Et Élisée appela Guéhazi, et lui dît : Appelle cette Sunamite. Et il l’appela, et elle vint vers lui. Et il dit : Prends ton fils. Et elle vint et tomba à ses pieds, et se prosterna en terre ; et elle prit son fils et sortit » (v. 36-37).
Appelle-la… Comme la Sunamite devait être émue à ce nouvel appel ! Une première fois (verset 12), le prophète l’avait appelée pour mettre à l’épreuve la foi précieuse qu’elle possédait ; une seconde fois (v. 15), pour lui donner l’enfant de la promesse, un objet pour son coeur. Une troisième fois… qu’allait-il lui donner quand le deuil remplissait son âme ? Ah ! elle n’en doute pas ; il va lui donner son fils, revêtu d’un tout nouveau caractère, son fils ressuscité. Joie qu’aucune parole ne peut exprimer ; son coeur est trop plein pour s’épancher ; elle se prosterne silencieusement ; elle adore !
Chers lecteurs chrétiens, avez-vous fait ces expériences ? Vous avez d’abord appris à connaître Christ comme ayant traversé la mort pour vous, comme en ayant porté toutes les angoisses. Certes, la joie que vous avez éprouvée de cette délivrance était grande, mais en êtes-vous restés là ? Vous êtes-vous trouvés devant un Christ ressuscité ? S’il n’en est pas ainsi, vous n’avez encore qu’un demi-christianisme, une demi-joie, un demi-objet pour votre foi. Si, par contre, vous avez appris à le connaître sous ce caractère, vous pouvez, comme la Sunamite, vous prosterner, prendre votre fils et sortir. Votre part est complète. Il ne vous manque plus que d’entrer en possession de votre héritage avec Lui, et c’est ce que nous trouverons plus tard en figure dans la scène finale de l’histoire de cette femme.
Une nouvelle scène appelle
notre attention. Au lieu de retourner au Carmel, Élisée se rend à Guilgal.
L’Esprit de Christ représenté par le prophète réunit là les fils des prophètes.
Il s’agit pour eux d’une bénédiction collective.
Le résidu ne peut être béni qu’en se réunissant au lieu de la circoncision,
de la repentance, du jugement de soi-même.
« Il y avait une famine dans le pays ». Tandis que la terre d’Israël est sous le poids de cette calamité, image de la tribulation future, le faible résidu trouve à cette place, en se tenant devant Élisée, ce qui est nécessaire à sa subsistance. Hors de ce lieu, loin de cette personne, ils seraient sans ressource comme les autres. La repentance et Christ en Esprit avec eux, suffiront alors aux fidèles, quels que soient leur propre dénuement et la ruine qui les environne. Ils trouveront une nourriture suffisante dans la « grande marmite » du prophète, qui ne leur mesurera pas leur existence avec parcimonie. Mais l’un d’entre eux, pour augmenter les ressources de la communauté, rassemble, plein sa robe, de fruits qu’il croit utiles à tous. Ces fruits, récoltés par l’homme dans son ignorance, apportent « la mort dans la marmite ». Toute leur nourriture est empoisonnée, et ils se trouvent ainsi réduits à la même extrémité que le peuple. Il faut que ce pauvre résidu ait senti la puissance de la mort qui le menace et qui est le résultat de son travail et de son manque de discernement. Que pouvaient-ils ajouter à la nourriture d’Élisée ? Si les champs d’Israël ne produisaient point de blé, ils produisaient par contre du poison en abondance. Ce sera tout le fruit que pourra leur procurer le domaine du roi apostat, de l’homme de péché aux derniers jours, tout le fruit, d’autre part, que leur chair pourra récolter.
« Élisée dit : Apportez
de la farine. Et il la jeta dans la marmite ». La farine, l’humanité parfaite de
Christ, voilà ce qui assainit le potage. Toute l’oeuvre de la chair ne peut en
faire qu’une nourriture mortelle. À peine se sont-ils adressés au prophète que
le remède est trouvé. Un seul homme peut les sauver et remédier à leur
condition. Ils le sentent et leur première pensée, quand ils sont sous la
puissance de la mort, est l’homme de Dieu. Ils crient à lui « des lieux
profonds ». Qui subsistera s’il « prend garde à leur iniquité ? » Ils s’attendent
à lui : « auprès de lui est la bonté ». Rassemblés près de lui, la
perfection de son humanité est leur seule sauvegarde et devient elle-même leur
nourriture. Il a annulé, dans sa personne sainte, tous les résultats délétères
de l’immixtion de l’homme dans le travail de Dieu. Élisée, Christ en Esprit
avec eux, leur ouvrira une source de délivrance par la connaissance de ce que
Lui, comme homme ici-bas, est pour ceux qui le saisissent par la foi. « Il n’y
avait rien de mauvais
dans la
marmite ». « Verses-en à ce peuple, et qu’ils mangent ».
« Et il vint, de Baal-Shalisha, un homme qui apporta à l’homme de Dieu du pain des premiers fruits, vingt pains d’orge et du grain en épi dans son sac ».
Un nouveau moyen de subsistance, plus complet que le précédent, est apporté aux fils des prophètes qui entourent Élisée à Guilgal. Ce sont d’abord vingt pains d’orge, nourriture pauvre, représentant, comme dans le songe du Madianite (Juges 7), un Christ humilié, puis du grain en épi, premiers fruits récoltés dans le pays de Canaan, image d’un Christ ressuscité, le grain qu’Israël avait goûté jadis au même lieu après le passage du Jourdain. Ainsi, le résidu prophétique apprendra graduellement à connaître, avec le jugement de lui-même, toutes les ressources qu’il possède en Christ. Ces ressources lui seront dispensées par le Seigneur, se tenant en Esprit avec lui. Il nourrira de pain ses pauvres, comme il l’avait fait pendant son passage ici-bas. Il fera fructifier la faible connaissance qu’ils possèdent. « Donne cela au peuple, et qu’ils mangent ». Ce sont les mêmes paroles qu’Élisée avait prononcées devant la marmite assainie. Il ne leur vient plus à la pensée d’ajouter leur travail à cette nourriture, car elle est complète. Ils en eurent de reste, selon la parole de l’Éternel, comme les 5000 hommes au temps de Jésus. Que leur manquait-il désormais ?
Tout ce chapitre nous montre le chemin par lequel les fidèles du résidu sont conduits, sous la direction du Saint Esprit, depuis la connaissance du travail de l’âme de Christ pour les ramener à la vie (à travers le jugement d’eux-mêmes et l’expérience de l’incapacité pour le bien dont toute leur activité est frappée), jusqu’à la satisfaction de tous leurs besoins, par la connaissance d’un Christ homme, apportant la vie sainte au milieu de la mort, et par l’appréciation d’un Christ humilié puis ressuscité, qui devient leur abondante nourriture. « Ils en eurent de reste, selon la parole de l’Éternel ». D’autres qu’eux peuvent s’en nourrir, ce repas est, en grâce, offert à tous.
Nous avons donc assisté, dans ce chapitre, aux miracles du siècle à venir, non sans y trouver une source de bénédictions pour nous-mêmes. Au chapitre 2, nous avons trouvé, dans la personne d’Élisée, l’Esprit de Christ envoyé en grâce au résidu ; au chapitre 3, l’Esprit de Christ rejetant Israël pour ne plus tenir compte que de Juda, et cependant agissant encore en grâce envers tous ; enfin, au chapitre 4, les ressources que l’Esprit de Christ déploie pour ce qui est fidèle parmi le peuple, puis pour les fils des prophètes qui traversent toutes les phases d’une tribulation dans laquelle leur foi est profondément exercée.
Quel monde que celui-là ! Quel monde que le nôtre ! Quel monde que celui de la fin ! Mais le Seigneur a dans tous les temps un résidu qu’il aime, qu’il soutient, réjouit et nourrit ; à ses yeux le vrai sel de la terre !
La scène change. Pendant l’apostasie de la nation, Élisée s’occupe des gentils et devient le moyen de leur salut et de leur purification. Si le chapitre 2 est comme le résumé typique de toute l’histoire future d’Israël, ne perdons jamais de vue que les récits subséquents, si pleins d’actualité pour nos coeurs et nos consciences, sont en même temps des « écrits prophétiques », dont l’application typique ne peut être négligée. À un moment donné, quand l’Esprit prophétique aura réuni autour du nom du Messie, le résidu fidèle d’Israël, les nations, représentées ici par Naaman, seront forcées de rechercher le peuple de Dieu qu’elles avaient opprimé. Elles n’auront pas d’autre ressource que le Dieu d’Israël, pour être guéries de leur lèpre et de leur souillure. Les croyants de la fin, ces captifs des nations, comme la petite fille d’Israël, dont parle notre chapitre, leur montreront le chemin de la guérison, les adresseront au prophète, aux oracles de Dieu donnés au peuple, leur feront connaître l’Éternel, Dieu d’Israël, comme leur unique moyen de salut. Cet immense événement prophétique nous est présenté sous l’image d’un seul homme. Naaman, comme jadis, lors de la conquête de Canaan, une seule femme, Rahab, était l’image de l’admission des gentils parmi le peuple de Dieu. La raison en est que ce sujet n’est encore dévoilé qu’incidemment, et pour ainsi dire mystérieusement, dans l’histoire du peuple d’Israël et de ses rois. Les prophètes le développent plus tard en son entier. Pour le moment, il est intercalé à sa place dans le récit de la carrière d’Élisée. Le rôle futur des nations n’étant qu’indiqué ici, nous n’y insisterons pas davantage (*).
(*) Indiquons aussi qu’en Luc
9:27, Naaman est un exemple de la grâce dépassant les limites étroites
d’Israël, ne reconnaissant plus les droits de l’ancien peuple de l’Éternel, et
agissant envers les gentils sur le pied de l’élection, L’histoire de Naaman
correspond donc aussi à nos bénédictions actuelles
.
Reprenons maintenant en détail ce récit, si souvent commenté, si précieux pour présenter l’Évangile aux âmes, mais où nous nous appliquerons à faire ressortir les vérités qui nous ont frappés personnellement.
« Naaman, chef de l’armée du roi de Syrie, était un grand homme devant son seigneur, et considéré, car par lui l’Éternel avait délivré les Syriens ; et cet homme était fort et vaillant, mais lépreux ». Naaman était un héros selon le monde ; ses grandes qualités lui avaient acquis un nom parmi les hommes. Ceux-ci dressent des statues aux hommes qui les dépassent. Il était en haute estime auprès de son roi et jouissait de la considération de son peuple. Sa vaillance et sa force étaient connues de tous ; bien plus, il avait été un instrument providentiel entre les mains de l’Éternel, comme libérateur de sa nation. Que lui manquait-il ? Rien, dirait le monde ; tout, répond le croyant. Les dons les plus remarquables de l’homme, la position la plus élevée qu’il puisse atteindre, les avantages les plus grands auxquels il puisse prétendre, sont gâtés, annulés par une seule chose, le péché. Cet homme était lépreux ; sa personne portait une souillure manifeste. À quoi lui servaient les insignes de sa dignité, toute la gloire extérieure de sa puissance, sinon à faire ressortir l’abjection dans laquelle sa maladie l’avait plongé ? Des vêtements somptueux sur un cadavre mettent en relief la corruption qu’ils recouvrent. Pouvait-il avoir un moment de vraie satisfaction avec la lèpre qui rongeait ses chairs et le vouait, en fin de compte, à une mort cerlaine ? Heureux ceux qui, comme Naaman, ont conscience de leur état devant Dieu ! Trop souvent les hommes se contentent de se cacher à eux-mêmes et aux autres, en couvrant leur souillure de vains oripeaux, et vont ainsi, fermant les yeux sur leur état, au-devant d’un sort inexorable.
Quel contraste entre la
petite fille d’Israël (v. 2) et cet homme ! Pauvre être insignifiant aux
yeux du monde, séparée de ses appuis naturels et de toutes les bénédictions
appartenant au peuple de Dieu, captive et esclave de la femme de Naaman, se
tenant, dans cette humble position, devant sa maîtresse, tandis que lui pouvait
lever la tête avec orgueil devant son roi ! Qu’avait donc cette
enfant ? Le monde dit : Rien ; le croyant répond :
Tout ! Elle connaissait le prophète et la puissance de la parole de Dieu
dont il était la bouche. « Oh », dit-elle, « si mon seigneur était devant
le prophète qui est à
Samarie ! » Se plaint-elle de son sort ? Elle n’y pense même pas,
possédant un trésor que son bonheur est de pouvoir communiquer. Sa foi ne
connaît aucune incertitude, et c’est toujours le caractère de la foi. Que
Naaman puisse être mis en contact avec le prophète, elle sait
« qu’il le délivrera de sa lèpre ». Cette enfant est une vraie
évangéliste. L’évangéliste ne peut sauver un pécheur, mais il peut lui montrer
le chemin du salut ; il s’intéresse à son sort, et l’amour est son mobile
pour agir. Il n’a pas d’yeux pour lui-même, quelque méprisables que puissent
être ses propres circonstances, mais, possédant un bonheur qu’il met au-dessus
de tout, il comprend la misère des autres et leur offre avec une entière
conviction ce qui peut les rendre heureux. « Plût à Dieu », disait l’apôtre au
roi Agrippa, « que tu devinsses de toute manière tel que je suis, hormis ces
liens ».
Bien plus encore que cette petite fille dont il se servait, Dieu lui-même s’intéressait à Naaman. Ne l’avait-il pas employé à son insu (v. 1), pour accomplir ses desseins ? Seulement jusqu’ici Naaman ne connaissait pas Dieu, il avait donc tout à apprendre. Mais les paroles de l’enfant trouvent un écho dans son coeur, répondent à sa misère secrète, éveillent un désir dont peut-être il se rendait compte à peine, tout en n’ignorant pas son état. Sa première pensée est de s’adresser à son seigneur qui saura peut-être lui ouvrir le chemin de la délivrance.
« Va », dit le roi de Syrie,
« et j’enverrai une lettre au roi d’Israël ». Le monarque, complètement étranger
aux ressources divines, veut traiter de roi à roi le salut de son
serviteur ; exemple frappant de l’inintelligence du monde. Il ne lui vient
pas même à la pensée que Dieu puisse faire quelque chose ; comme il est
sans Dieu dans le monde, sa seule ressource est l’homme. La lettre qu’il écrit
au roi d’Israël en fait foi. « Voici, je t’ai envoyé Naaman, mon serviteur, afin
que tu
le délivres de sa lèpre » (v.
6).
Naaman lui-même ignore
complètement le moyen par lequel il peut être guéri : « Il alla, et prit en
sa main dix talents d’argent, et six mille pièces d’or, et dix vêtements de
rechange ». Tout cela n’a rien qui doive étonner, venant d’un gentil idolâtre,
mais que dire du roi d’Israël, aussi étranger que ceux des nations aux
ressources qui sont à sa portée dans son royaume ? Joram, comme nous
l’avons vu, possédait une espèce de religion nationale qui, sans être le culte
de Baal, ne valait guère mieux. La religion du vrai Dieu n’avait pas plus de
prise sur sa conscience, qu’elle n’en avait sur son collègue de Syrie. Élisée
n’avait pas égard à lui, et le lui avait fait savoir dans une occasion
précédente (3:14). Joram lit la lettre, déchire ses vêtements, et
s’écrie : « Suis-je Dieu, pour faire mourir et pour faire vivre, que
celui-ci envoie vers moi pour délivrer un homme de sa lèpre ? » Dieu a la
main en cela et met le témoignage dans la bouche de ce roi impie, que Celui qui
fait mourir et vivre, Dieu seul
peut
accomplir une telle oeuvre. Que peut l’homme, en effet, contre la puissance de
la mort, ou pour donner la vie ? La preuve que l’Éternel possédait ces
deux pouvoirs avait été déjà livrée au milieu d’Israël ; la Sunamite avait
appris à le connaître sous ces deux caractères, par le moyen du grand prophète
Élisée. Il en est de même aujourd’hui. Ce monde a été le théâtre d’une puissance
qui abolit la mort, conséquence du péché, et communique une vie de résurrection
par l’homme envoyé du ciel à cet effet.
Pas plus que le roi de Syrie, le pauvre roi d’Israël ne sait adresser Naaman au prophète qui a fait de si grandes choses dans son propre pays. Une petite fille esclave en savait beaucoup plus que lui ; elle s’intéressait à Naaman, ce que Joram ne pouvait faire ; sympathisant à son misérable état, auquel le roi était indifférent, elle connaissait la ressource, ignorée du roi qui l’avait cependant à sa portée.
Élisée apprend que le roi a
déchiré ses vêtements en signe de désespoir. C’est alors et pas avant, que Dieu
intervient, car, pour manifester sa gloire, il veut que l’impuissance de
l’homme soit bien constatée. « Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements ? Qu’il
vienne, je te prie, vers moi, et il saura qu’il y a un prophète en
Israël » ; parole propre à atteindre la conscience du roi en le condamnant.
Savait-il à qui adresser Naaman ? Se doutait-il qu’il y eût un prophète en
Israël, et n’était-il pas responsable de cette ignorance ? Sa profession
sans vie l’exposait bien plus au jugement de Dieu que l’ignorance d’un monarque
idolâtre. Mais la parole du prophète va à une autre adresse et donne la
connaissance du vrai Dieu à un malheureux qui l’ignore et y trouvera son salut.
Elle condamne le roi d’Israël et apporte la grâce à Naaman. « Il
saura »,
dit Élisée.
Ce grand homme ne sait rien encore. Il vient au prophète « avec ses chevaux et avec son char », témoins de la puissance de l’homme, et se tient « à l’entrée de la maison d’Élisée », attendant de lui les signes d’une déférence à laquelle il a droit selon le monde. Mais ni sa puissance, ni sa dignité, ni ses mérites, n’ont aucune valeur, s’il s’agit d’entrer en rapport avec Dieu, et c’est la première leçon qu’il lui faut apprendre.
« Et Élisée envoya vers lui un
messager, disant : Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain, et ta chair
redeviendra saine, et tu seras pur » (v. 10). Le prophète, au lieu de venir en
personne, lui envoie un message ; il en est de même aujourd’hui de la
Parole écrite. Ce message est pleinement suffisant pour guérir la lèpre. La
Parole, étant la révélation de toutes les pensées de Dieu, contient mille
autres choses que ce message, mais celui-ci, adressé à l’homme pécheur, n’en contient
qu’une et des plus simples, le remède contre le péché, et il n’y en a pas
d’autre. « Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain ». Cet ordre réduit à néant
toutes les pensées de Naaman. Il se met en colère, s’en va… peu s’en faut
qu’il ne rentre dans son pays aussi lépreux qu’il en était sorti. C’est qu’il
pensait que le prophète ferait de grandes choses pour le chef de l’armée de
Syrie. « Il sortira sans doute, et se tiendra là, et invoquera le nom de
l’Éternel, son Dieu, et il promènera sa main sur la place malade et délivrera
le lépreux ». Combien d’actes successifs n’accomplirait-il pas, selon Naaman,
pour arriver au résultat désiré ! Rien de semblable ; le message est
de la plus grande simplicité. Le prophète n’a pas besoin de venir en personne ;
sa parole a la même valeur que lui, car elle est la parole de Dieu. Bien plus,
le remède n’est pas à trouver : il existe. C’est le fleuve du pays de
Canaan dont la vertu coule toujours sans interruption, et qui est à la
disposition d’un lépreux qui s’y plonge. Naaman pensait : « Le prophète fera
» ; Élisée lui envoie dire : « Dieu a fa
it
».
« Va, et lave-toi » : il ne fait appel qu’à la foi. Naaman doit
croire ce que Dieu lui dit… Est-ce parce que la chose est
compréhensible ? Elle ne l’est pas. — Parce qu’elle est possible ?
pas davantage, mais parce que Dieu l’a dite. Cela déroute toutes les idées de
l’homme quant au salut. N’en était-il pas de même quand Jésus disait à
l’aveugle-né : « Va, et te lave au réservoir de Siloé » ?
Qu’est-ce donc que ce Jourdain, dans lequel on est purifié et où l’on acquiert comme une nouvelle naissance ? Nous l’avons vu dans le cours de nos méditations, le Jourdain, c’est la mort, mais la mort avec Christ, par laquelle il nous faut passer pour être délivrés du péché. Il faut que toute la plénitude de cette mort (de là, se laver sept fois), nous soit appliquée dans ce but ; il nous faut y avoir trouvé la fin de nous-mêmes, en sorte que nous puissions dire avec l’apôtre : « Je suis crucifié avec Christ ». Naaman désirait autre chose, mais si Dieu avait fait ce que pensait Naaman, il aurait donné du crédit à un lépreux. Voici donc un salut pour lequel dix talents d’argent, six mille pièces d’or, dix vêtements de rechange, et toutes les dignités que pouvait porter ce grand capitaine, avaient moins de valeur qu’une obole, un salut tout fait, auquel il ne fallait pour l’acquérir, que l’obéissance de la foi !
La mort !… mais, dit Naaman, il y a des rivières à Damas, l’Abana et le Parpar ; ne sont-elles pas meilleures que le Jourdain ? Non, la mort qui ne coule pas dans le pays des promesses de Dieu, est impuissante à purifier un pécheur. Bien loin d’être sa délivrance, elle serait sa condamnation, car ce qui attend les hommes, c’est de mourir une fois et après cela le jugement. Le Jourdain, lui, n’est pas l’image de cette mort-là, mais de la mort de Christ, de notre mort portée par Lui pour nous en délivrer, et que nous n’aurons jamais à subir. Et c’est aussi notre vie, car, comme nous sommes unis avec Lui dans sa mort, nous le sommes aussi dans sa résurrection.
Il s’en est peu fallu, que le
sort de ce malheureux ne fût irrémédiablement fixé. L’Écriture nous dit deux
fois qu’il se tourna et s’en alla en colère. Mais Dieu qui a tout dirigé
jusqu’ici, veut
le sauver ; il
emploie à cet effet l’exhortation des serviteurs de Naaman. Leur parole est
juste : Dieu pourrait nous ordonner de faire de grandes choses, et si nous
avons, comme Naaman, l’ardent désir d’être délivrés, ne les ferions-nous
pas ? Pourquoi Dieu ne les ordonne-t-il point ? C’est qu’elles n’ont
aucune valeur pour Lui. Il lui a plu de se faire connaître par les, choses
viles et méprisées, et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont.
C’est la faiblesse de la croix, mais c’est la puissance de Dieu !
Dès que, par la simple foi en
la parole divine, Naaman a éprouvé cette puissance, la reconnaissance l’amène
devant le prophète. Il est mis en rapport direct, non plus avec l’oeuvre, mais
avec la personne qui l’a accomplie ; il est amené à Dieu. « Voici », dit-il,
« je sais qu’il n’y a point de Dieu en toute la terre, sinon en Israël ». Il
connaît Dieu, et, remarquons-le, il le connaît dans un temps et dans un milieu
où tout est ruiné du côté de l’homme. Tout avait changé dans l’histoire
d’Israël, mais Dieu ne change pas ; sa puissance et ses ressources sont
aussi intactes qu’aux temps les plus prospères. La foi de Naaman reconnaît le
Dieu d’Israël quand Israël lui-même le méconnaît. Il s’approche et voudrait lui
donner quelque chose, lui offrir un présent. C’est le dévouement d’un coeur comprenant
qu’il doit tout au Dieu qui l’a délivré ; mais, malgré ses instances, le
prophète refuse. Au commencement, Naaman voulait donner pour recevoir,
maintenant il veut donner parce qu’il a reçu, mais cela ne se peut ; il
doit apprendre que, lorsque Dieu donne, c’est pour donner encore, car ses
richesses sont inépuisables. Son oeuvre étant entièrement gratuite, il ne
souffre rien qui ait même l’apparence de lui attribuer un autre caractère.
Naaman, éclairé par la foi, le comprend bien vite. « Si cela ne se peut, qu’on
donne
,
je te prie, de cette terre
à ton serviteur la charge de deux mulets. Car ton serviteur n’offrira plus
d’holocauste ni de sacrifice à d’autres dieux, mais seulement à l’Éternel ». Il
demande une petite chose, mais d’une grande importance pour lui, un don bien en
accord avec celui qu’il avait reçu, car Dieu lui avait proposé une petite chose
qui lui avait procuré un grand salut ! Ne pouvant rester en Canaan, il
désire emporter avec lui tout juste assez du pays de la promesse pour y ériger
l’autel des sacrifices et y établir le culte du vrai Dieu. Dans cette « charge
de deux mulets », il prend Canaan avec lui et y trouve une place pour le culte
et l’adoration, car le monde éloigné de Dieu ne lui offrirait pas la moindre
place où le vrai culte pût être rendu. Ainsi, Dieu sera avec lui comme « un
petit sanctuaire ». Il en est de même aujourd’hui pour les enfants de Dieu
réunis à la table du Seigneur ; quoique laissés dans le monde, ils peuvent
réaliser le ciel, leur Canaan, l’autel, le souvenir du sacrifice et le culte.
C’est là que Naaman pourra rendre enfin quelque chose à Dieu ; c’est là
que nous offrons le fruit des lèvres qui bénissent son nom.
Naaman n’est cependant pas encore délivré de toute question. « Quand mon seigneur entrera dans la maison de Rimmon pour s’y prosterner, et qu’il s’appuiera sur ma main, et que je me prosternerai dans la maison de Rimmon, que l’Éternel, je te prie, pardonne à ton serviteur en ceci, quand je me prosternerai dans la maison de Rimmon ! » La vie du croyant ne peut être sans progrès ni travail de conscience ; il sent à bon droit sa faiblesse dans ses rapports avec le monde, et combien il pourrait y déshonorer son Dieu par ses inconséquences et les difficultés de sa position. Nous ne trouvons pas ici, sans doute, une grande foi, mais il y a intégrité de coeur chez ce nouveau converti. Il lui faudra apprendre que les difficultés qu’il prévoit n’existent pas pour Dieu et, quant à sa conduite, l’Éternel veillera sur lui, lui fournissant journellement, pour chaque pas, la lumière nécessaire. C’est une affaire de foi. Dieu ne nous instruit pas d’avance de chaque difficulté que nous rencontrerons. Souvent ce qui nous paraissait un obstacle inévitable, s’évanouit devant nous ; à Dieu de diriger les circonstances, et il n’en est aucune que ne puisse surmonter une foi simple et dépendante. « Va en paix », lui dit le prophète. Ne te préoccupe pas, ne te laisse pas enlever ta joie par la pensée de ce qui pourrait t’arriver. Dieu est puissant pour pourvoir à tout. L’important, aujourd’hui, c’est de t’en aller en paix, sans une question entre toi et le Dieu qui t’a sauvé. Laisse à demain sa tâche. Quelle sagesse divine, quel réconfort pour l’âme, dans cette simple réponse : « Va en paix ! »
À peine Naaman a-t-il reçu le salut, la connaissance du vrai Dieu et la paix, que l’ennemi se met à l’oeuvre pour détruire ce que Dieu a édifié. L’instrument qu’il emploie est Guéhazi, le serviteur même du prophète. Caractère haïssable ! Cet homme n’avait donc rien appris à l’école de son maître ! L’exemple de ce dernier n’avait produit aucun fruit dans son coeur ! Il avait accompagné Élisée, comme celui-ci, autrefois, Élie, lui rendant les mêmes services. Élisée avait trouvé, dans ce chemin de dévouement et d’abnégation, la communion avec Dieu, la connaissance, la puissance, la double mesure du Saint Esprit. Et Guéhazi ? Cependant son maître s’était servi de lui, comme d’un instrument pour la bénédiction de la Sunamite, l’introduisant même dans l’intimité de son conseil, au sujet du bien qu’il voulait faire à cette femme ; il avait porté le bâton d’Élisée, avait été témoin de la résurrection de l’enfant, avait préparé le repas des prophètes, avait servi d’intermédiaire, comme plus tard les disciples de Jésus, pour nourrir le peuple. Tout cela était oublié, par les mêmes motifs qui poussèrent Juda à trahir le Seigneur. Les intérêts du monde, la cupidité, l’avarice, s’étaient emparés de lui. Jusque-là, ayant à faire surtout aux pauvres, ses convoitises n’avaient pas été sollicitées par la tentation des richesses, mais la vue de ce haut personnage et des trésors qu’il offrait si libéralement, devint le point de départ ou plutôt la manifestation des choses enfouies jusqu’à ce jour dans le secret de son coeur. À toutes les bénédictions précédentes, à celles qui auraient nécessairement suivi les premières, car Dieu ne manque jamais, quand nous sommes fidèles, de nous accorder un surcroît de richesses spirituelles, à toutes ces choses il préfère l’argent, la richesse, sans penser un moment que sa convoitise attirera sur lui le jugement divin.
Mais là n’est pas encore le côté le plus sérieux de sa conduite. Il risque de déshonorer, aux yeux de ce jeune croyant encore inexpérimenté et tout à la joie de sa guérison, ainsi qu’aux yeux de sa suite, le caractère du Dieu que le prophète représente. C’est là, tout chrétien soucieux de la gloire de Christ le sentira profondément, le caractère le plus odieux de l’acte de Guéhazi. Il compromet le serviteur de l’Éternel, et compromet aussi la grâce gratuite de Dieu ; il pourrait, s’il ne tenait qu’à lui, ramener ce nouveau-né à la pensée légale de l’obligation, à un joug de servitude, en lui ôtant la jouissance gratuite de son salut. Guéhazi préfère la séduction des richesses au bien éternel d’une âme ; il est de ceux qui mettent une occasion de chute devant un de ces petits et dont il est dit : « Il serait avantageux pour lui qu’on lui eût pendu au cou une meule d’âne et qu’il eût été noyé dans les profondeurs de la mer ». Songeons-nous assez, que la mondanité de notre marche peut faire un mal irrémédiable aux petits enfants dans la foi ? Comme cette pensée devrait nous rendre attentifs à toute notre conduite !
« Voici, mon maître a épargné Naaman, ce Syrien, en ne prenant pas de sa main ce qu’il avait apporté ; l’Éternel est vivant, si je ne cours après lui, et si je ne prends de lui quelque chose ! » Ce malheureux invoque l’Éternel, pour s’emparer des richesses, avec les mêmes paroles que son maître avait employées (v. 16) pour les refuser. Il ment pour s’approprier le bien d’autrui (v. 22). Mais si le doute aurait pu s’élever dans le coeur de Naaman au sujet du désintéressement d’Élisée et du caractère gratuit du don de Dieu, celui-ci montre qu’il a soin des petits enfants, et le résultat désastreux ne se produit pas. La cupidité et le mensonge de Guéhazi font au contraire ressortir la générosité de cet homme et son désir de servir la famille de Dieu, les fils des prophètes. « Consens », dit-il à Guéhazi, « à prendre deux talents » [90 kg ?]. Guéhazi cache toute cette richesse ; c’est le résultat d’une mauvaise conscience engagée dans des voies tortueuses que l’on cherche à dissimuler aux hommes, mais réussit-on à les cacher à Dieu ?
Guéhazi entra et « se tint devant son maître », comme Naaman s’était tenu devant Élisée (v. 15), comme Élisée lui-même se tenait devant Dieu (v. 16). Audace inexplicable, s’il avait eu la moindre conscience d’être connu et sondé par l’Éternel. Il n’avait pas senti ni réalisé que de loin les yeux du prophète suivaient chacun de ses mouvements et voyaient ses pensées. Bien plus, le coeur d’Élisée était allé, « quand l’homme s’était retourné de dessus son char ». Ce qui importait plus que tout le reste au coeur de l’homme de Dieu, c’était le danger que courait l’âme de celui qui venait de le quitter en paix. On peut en conclure que si son coeur était allé, c’est qu’il avait supplié ardemment l’Éternel de préserver ce nouveau-né dans la foi. Il avait été exaucé.
Et maintenant, se tournant vers Guéhazi, il lui adresse ces paroles solennelles : « Est-ce le temps de prendre de l’argent, et de prendre des vêtements, et des oliviers, et des vignes, et du menu et du gros bétail, et des serviteurs et des servantes ?.. ». Oui, était-ce le temps, au milieu de la ruine d’Israël, quand déjà le jugement final était suspendu sur le peuple ; était-ce le temps, à la veille de la destruction de cette nation, d’acquérir quelque chose pour soi ? Était-ce donc le caractère que devait revêtir un serviteur du Seigneur ? Question solennelle qui s’adresse aussi à nos consciences, car aujourd’hui la ruine de la chrétienté correspond au temps de la ruine d’Israël. Si nous réalisons ce fait, quels hommes ne serons-nous pas en sainte conduite, désintéressés comme Élisée, afin que la gratuité du don de Dieu n’en soit pas diminuée et, comme lui, connaissant le temps, et n’acquérant pas des avantages dans ce monde, parce que nous savons que la fin de toutes choses est proche.
Le jugement de Guéhazi ne se fait pas attendre : « La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta semence pour toujours » (v. 27). C’est la lèpre de Naaman ! La souillure de la chair qui caractérisait l’homme idolâtre, étranger à Dieu, est la même souillure dont l’Éternel charge le serviteur infidèle du prophète. Il n’y a pas de différence entre eux. L’horreur du péché n’est pas mitigée par le fait qu’on appartient au peuple d’Israël, que l’on a une position de proximité et des relations spéciales avec l’Éternel, tout en étant moralement éloigné de Lui. Il en est de même de la profession chrétienne sans la vie. Au lieu de la bénir, Dieu la marque, pour ainsi dire, de son exécration, et toute sa descendance en est souillée.
Avant d’aborder le sujet de ces quelques versets, nous désirons récapituler l’histoire des « fils des prophètes », telle que ce livre nous la présente. Les fils des prophètes, nous l’avons vu, représentent le résidu prophétique d’Israël, mis en rapport avec le Messie, par son Esprit, aux temps de la fin.
Au chapitre 2, ils sont encore dispersés çà et là, les uns à Béthel, les autres à Jéricho. Ils possèdent une connaissance partielle des pensées de Dieu ; ils savent, par prophétie, que l’Éternel va enlever Élie, mais une vraie intelligence leur manque. Ils ne sont pas encore réunis, avec un caractère commun qui les forme, pour ainsi dire, en corps de témoignage. Les uns restent à Béthel, s’attachant aux promesses de Dieu, les autres à Jéricho, sentant le poids de la malédiction de Dieu contre son peuple. Ils ne s’arrêtent pas au Jourdain et, en figure, n’en comprennent pas la valeur. Ils ne connaissent pas encore toute l’efficace de la mort de Christ qu’ils contemplent à distance (2:7). Ils montrent leur ignorance de sa résurrection, car, en cherchant le corps d’Élie, ils cherchent « parmi les morts Celui qui est vivant ».
On les voit ensuite (4:1-7) dans la détresse ; la mort passe au milieu d’eux, et leurs veuves manquent de moyens de subsistance. C’est alors, qu’en type, l’huile dont ils ont besoin, l’Esprit, leur est versé par le ministère d’Élisée. On les trouve, après cela, rassemblés en un corps de témoignage autour du prophète à Guilgal. Le jugement d’eux-mêmes, l’affliction et la repentance, les caractérisent — toujours en type. C’est alors qu’ils apprennent la valeur de la sainte humanité de Christ, venu dans ce monde pour leur apporter la vie quand « la mort est dans la marmite », parce qu’ils n’avaient pas su distinguer le bon fruit du mauvais. C’est là que, dans leur extrême pauvreté, en un temps de famine et de tribulation, l’Éternel nourrit ses pauvres témoins. C’est enfin, dans ce même lieu, comme jadis Israël à son entrée en Canaan, qu’ils se nourrissent en figure d’un Christ humilié et ressuscité, et apprennent à le connaître. Peu à peu leur intelligence spirituelle s’étend, marquée par une appréciation croissante du Seigneur.
Après ces choses, le Jourdain, déjà présenté auparavant comme la mort, suivie de la résurrection de Christ, est montré, au chap. 5, comme le seul moyen de purification des gentils, envers lesquels il commence à manifester son influence avant que le résidu prophétique y participe. Mais, demeurant à Guilgal, il ne peut y rester indéfiniment. Ce temps de grâce envers les gentils est celui où son nombre se complète. « Tu vois que ce lieu où nous habitons devant toi est trop étroit pour nous » (6:1). Il s’agit pour eux de faire un pas de plus, de trouver un autre lieu d’habitation que celui, quelque précieux qu’il soit, de l’affliction et de la repentance. Ce lieu, c’est le Jourdain. Ils connaissent maintenant la valeur du Jourdain. La mort y avait été annulée par la puissance de l’esprit d’Élie ; le prophète y avait passé pour monter au ciel. Élisée y était revenu en puissance pour leur apporter la bénédiction. Ils connaissaient déjà la mort de Christ comme le seul chemin possible pour recevoir le don du Saint Esprit. Ils venaient de la connaître comme la purification de la souillure des gentils, dans le temps même où cette souillure s’attachait à Israël infidèle (Guéhazi). Le Jourdain merveilleux qui a guéri la souillure de Naaman est la source toujours ouverte pour la souillure d’Israël. Le résidu désire s’y construire une maison et y habiter ; il reconnaît enfin que cette mort est pour lui le lieu de la bénédiction et du repos. Tel est le point où les fidèles aboutissent. Quand ils ont atteint cet endroit, ils y restent, y demeurent ensemble ; ils ont trouvé le repos, un nid comme l’hirondelle, une maison comme le passereau.
Élisée approuve leur dessein et les met à l’épreuve, en leur disant : « Allez ». Mais comment iraient-ils sans lui ? Il leur faut y habiter sous la direction de l’Esprit de Christ, sinon la bénédiction ne serait pas avec eux. Comment l’Esprit de Christ resterait-il à Guilgal, tandis qu’eux iraient habiter au Jourdain sans lui ?
Comme le Seigneur, alors que Jaïrus faisait appel à lui pour sa fille, Élisée consent à venir avec ses serviteurs. Il dit : « J’irai » (v. 3). Arrivés au bord du Jourdain, ils travaillent, mais subitement le travail est interrompu. Un fils de prophète perd dans le fleuve son instrument qui n’est pas même à lui, car il l’a emprunté. Sa pauvreté, son incapacité sont ainsi manifestées ; il est sans ressource. Le fleuve de la mort engloutit toute son espérance. Élisée seul, Christ en Esprit avec le résidu, peut y remédier. La mort est vaincue ; elle n’a pas seulement le don de purifier, mais elle rend au croyant la puissance perdue, pour travailler à l’oeuvre de Christ et faire habiter Israël en sécurité. Tout vient de lui, de la puissance de son Saint Esprit, de la vertu de sa mort. C’est lui qui dirige l’oeuvre, qui donne les moyens de l’accomplir, qui remplit le coeur des siens du sentiment de leur incapacité, qui affermit l’oeuvre de leurs mains (Ps. 90:17). Sans cet événement, le résidu prophétique pourrait avoir confiance en son intégrité très réelle, en sa capacité pour faire l’oeuvre de Dieu en Israël. L’Esprit de Christ seul a le secret de mettre la force entre ses mains, afin de le faire travailler à son oeuvre.
Notons que tout cela se passe au milieu de la ruine du peuple, et que ce n’est pas encore l’image de la possession paisible des bénédictions millénaires. Élisée seul pouvait habiter au Carmel. Il s’agit ici des expériences graduelles du résidu prophétique, occupé à bâtir une maison d’habitation où Élisée puisse être avec lui pendant le règne du roi profane. C’est le moment, décrit au Psaume 90, où Christ « se repent à l’égard de ses serviteurs » (v. 13). Il leur vient en aide dans toutes leurs infirmités. Le même moyen qui, jadis, avait changé en eaux douces les eaux de Mara, donne la puissance pour l’oeuvre au résidu et fait rendre à la mort ce qui semblait perdu, anéantissant du même coup toute prétention du créancier de ce pauvre peuple à réclamer ce qui leur avait été confié sous le régime de la loi.
Nous ne pouvons assez insister sur la valeur prophétique de ces récits. Ce n’est pas, nous allons le voir, qu’on ne puisse y trouver une application évangélique, comme en toute autre partie des Écritures, mais constatons qu’il est bon de remettre ces événements dans leur cadre naturel, pour éviter des interprétations hasardées. Cela dit, abordons l’explication morale de ce récit, applicable à nos circonstances.
Le Jourdain est un lieu excellent d’habitation pour le croyant. Il lui faut toujours demeurer là où il est crucifié avec Christ. C’est là que nous trouvons la puissance du Seigneur avec nous ; c’est là que, réunis autour de lui, nous réalisons l’unité de l’Église : « Nous y bâtirons un lieu pour y habiter » (v. 2). C’est là que le Seigneur se rend volontiers avec les siens pour leur accorder son aide et sa puissance quand ils l’y invitent. Il reconnaît et approuve la simplicité de coeur, qui réalise que la bénédiction se trouve à l’endroit où le néant de l’homme a été prouvé dans Sa mort. Sans sa présence personnelle avec son peuple, tout notre travail serait inefficace. Alors son aide ne manque pas, quand nous mettons la main à l’oeuvre.
Le fer du fils des prophètes
n’avait pas été, comme pour Israël, un instrument de mort pour son prochain
(Deut. 19:5), et cependant,
même dans ce dernier cas, il y avait une ressource pour le peuple qui, dans son
ignorance, avait été l’instrument de la mort de Christ, car il pouvait s’enfuir
dans la ville de refuge.
Dans la scène qui nous occupe, le travail est tout simplement interrompu, un travail entrepris pour la famille de Dieu. Mais quel monde que celui où un fils de prophète n’a pas même un instrument de travail qui lui appartienne ! Christ répond toutefois au moindre besoin des fils de son peuple. Il est plein de compassion pour l’angoisse d’un pauvre coeur humain, à propos d’un instrument perdu. Cette perte, quelque infime qu’elle soit, émeut son coeur. Le miracle est enfantin, pour ainsi dire, mais c’est un miracle d’amour. Le monde, en lisant ce passage, peut bien l’accueillir d’un rire moqueur. Est-il croyable dira-t-il, que Dieu nous révèle de tels enfantillages ? Le croyant comprend cette sollicitude et en jouit avec adoration. Il sait que Dieu est pour lui et que Celui qui, pour nous, a livré son propre Fils, nous donne toutes choses avec Lui. Il pourvoit aux moindres besoins des siens, mettant en oeuvre le même amour qui a pourvu aux plus grands. Christ lui-même, qui s’est abaissé jusqu’à la mort, peut, bien mieux qu’Élisée pour les prophètes, sympathiser à nos infirmités et y pourvoir.
Ce passage nous offre encore une instruction. À Mara, un bois, symbole de la croix de Christ, avait ôté l’amertume des eaux, symbole de la mort ; ici, le même moyen abolit la puissance de la mort, qui retient l’objet dont elle s’est emparée.
La mort, dont on ne revient
pas, est depuis le péché de l’homme sa destinée naturelle. La croix seule, du
moment qu’elle intervient, est capable de vaincre et d’annuler cette puissance
inexorable, elle se met à notre service pour nous restituer nos biens,
et la mort vaincue ne peut
plus rien garder de ce qui nous appartient.
La guérison du chef de son armée ne semble avoir produit aucun effet sur la conscience du roi de Syrie. Ses bandes avaient déjà fait mainte incursion sur le territoire d’Israël (5:2, conf. 23), et les rapports entre les deux rois étaient assez tendus pour que, dans l’affaire de Naaman, le roi d’Israël supposât que celui de Syrie « cherchait une occasion contre lui » (5:7).
Il ne s’agit plus maintenant d’escarmouches : la guerre a éclaté tout de bon. Le roi de Syrie dresse son camp ci et là, cherchant à attirer Joram dans le piège, par son ignorance des mouvements de l’adversaire ; mais il compte sans Dieu. Élisée vient en aide au roi d’Israël, l’avertissant bien des fois de la situation du camp syrien. La faveur de Dieu reposait-elle donc sur Joram ? Nullement, car le coeur du roi n’était pas changé depuis le jour où Élisée lui avait dit : « Qu’y a-t-il entre moi et toi ? Va vers les prophètes de ton père et vers les prophètes de ta mère ». Mais Dieu voulait prouver au roi de Syrie et à son armée qu’il y avait un prophète en Israël, que l’Éternel était là, comme il l’avait déjà montré une fois lors de la guérison de Naaman. En agissant ainsi, il montrait sa longue patience envers Joram et son peuple, et si, en présence de telles faveurs, ce méchant roi ne se tournait pas vers l’Éternel, il n’avait plus d’excuse.
Voyant ses desseins continuellement déjoués, le roi de Syrie suppose une trahison de son entourage, car l’idée de Dieu et de son intervention — cela ressort constamment du cours de ces récits — ne se présente pas même à son esprit. Le monde pense toujours ainsi ; il attribue tous les événements de sa vie à des causes secondes, plutôt que d’y voir la main de Dieu. L’un des serviteurs du roi, plus au fait que lui du véritable état des choses, le détrompe. Le discernement et la connaissance spirituels décroissent généralement en raison de l’élévation de l’homme, et ceux qui auraient le plus d’intérêt à savoir la vérité sont ceux qui la connaissent le moins. « Élisée, le prophète qui est en Israël, déclare au roi d’Israël les paroles que tu dis dans ta chambre à coucher » (v. 12). Pensée pénible, angoissante, effrayante même ! Quoi ! un personnage invisible est « au fait de toutes mes voies ; car la parole n’est pas encore sur ma langue » que voilà, il la connaît tout entière ! (Ps. 139:3, 4). Quand le coeur manque d’honnêteté, ne se rend pas à cette constatation et ne s’écrie pas : « Où irai-je loin de ton Esprit ? et où fuirai-je loin de ta face ? » il s’étourdit ou s’insurge contre Dieu. C’est ce qui arrive au roi de Syrie : « Allez », dit-il, « et voyez où il est, et j’enverrai et je le prendrai ». Il n’a qu’une pensée : se débarrasser du prophète et éteindre ce regard qui fixe chacun de ses mouvements ; alors il se sentira délivré de ce témoin gênant qui ne lui permet ni de suivre sa volonté, ni d’accomplir ses desseins. Aussi déploie-t-il toutes ses forces, une armée entière, chevaux et chars, pour se saisir d’un seul homme ! Le monde est toujours gêné par la présence de Dieu. En Gethsémané, une compagnie de soldats et une foule, et des huissiers, tous armés d’épées et de bâtons, se rassemblent contre Christ, afin de renvoyer au ciel, d’où il était venu, ce témoin qui leur était à charge. Songeait-il, le roi de Syrie, que si même il supprimait le porteur visible du témoignage en Israël, il n’aurait pas supprimé l’oeil du Dieu invisible ?
« Allez, et voyez où il est ». Les yeux de la chair pouvaient découvrir facilement où se trouvait Élisée, car il ne se dérobait pas. Dieu n’a rien à cacher ; il est la lumière même ; les hommes, au contraire, aiment les ténèbres et ont peur de la lumière. C’est pourquoi l’armée monte « de nuit » pour environner la ville (v. 14).
Le serviteur d’Élisée, levé de bon matin, voit toute la force ennemie, l’armée, les chevaux et les chars, et s’en effraye. Ses yeux ne le trompent pas, mais ce qui lui manque, ce sont les yeux de la foi ; c’est pourquoi il désespère aussitôt. « Hélas ! mon seigneur, comment ferons-nous ? » (v. 15). En effet, l’armée syrienne, sûre d’elle-même, déploie toute sa force contre un seul homme sans défense, et comment pourrait-il résister ? Le serviteur voit l’armée et conclut de même. Il n’est pas excusable, parce qu’en sa qualité de serviteur du prophète, il est constamment en contact avec les choses invisibles et devrait savoir qu’aucune force humaine ne peut tenir devant la puissance de Dieu.
« Ne crains pas », dit Élisée (*). C’est toujours la première parole de la grâce. Elle a le don de rassurer une âme angoissée. Que de fois ce mot : « Ne crains pas », est prononcé dans les Écritures ! Il remplit l’Ancien, comme le Nouveau Testament. Tout est fait dans ce monde pour inspirer de la crainte à de pauvres êtres débiles et pécheurs comme nous. Nous sommes aux prises avec des circonstances difficiles, avec le monde, ses séductions ou son hostilité, avec la haine de Satan, avec nous-mêmes et notre nature pécheresse, puis vient la nécessité de nous présenter devant Dieu et d’avoir affaire à Lui. Qui répondra à tant de questions troublantes ? Qui pourra apaiser l’angoisse et l’agitation de nos coeurs ? Dieu seul, car Lui a réponse à tout.
(*) Dans tous les passages que nous allons citer, le mot « Ne crains pas » est le même en grec dans le Nouveau Testament et en hébreu dans l’Ancien.
Ne crains pas, dit Jésus au pécheur qui se jette à ses pieds, repris dans sa conscience devant sa grâce puissante (Luc 5:10). C’est là le premier mot de notre histoire. Ne craignez pas, dit-il à ses disciples, quand l’orage s’élève et menace de les engloutir. Ne craignez pas, quand déjà le naufrage est consommé (Matt. 14:27 ; Actes 27:24). Ne crains pas, dit-il au petit troupeau sans défense au milieu des loups qui ont le pouvoir de mettre à mort les brebis (Luc 12:32 ; Matt. 10:28 ; Apoc. 2:10). Ne crains pas, quand Satan déploie toute sa puissance pour entraver l’oeuvre divine (Actes 18:9). Ne crains pas, quand la mort a déjà fait son oeuvre (Marc 5:36).
Mais ce mot se fait surtout entendre dans les occasions solennelles où des êtres de faiblesse et d’infirmité, portant la chair en eux, sont appelés à rencontrer Dieu. Même s’Il ne se révèle que par un ange puissant en force, messager céleste, l’âme à laquelle il s’adresse, est saisie d’un trouble profond, et a besoin, comme Zacharie ou Marie, de ce mot si réconfortant : Ne crains pas ! (Luc 1:13, 30). À plus forte raison, quand des hommes misérables se trouvent en présence de tout le choeur des armées célestes, et que la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux, ont-ils besoin de cette parole : Ne craignez pas (Luc 2:10). Mais qu’adviendra-t-il aux disciples, quand sur la sainte montagne, ils devront pénétrer dans la nuée de gloire, demeure de l’Éternel ? Ne craignez pas, leur dit Jésus. De pauvres femmes qui croyaient avoir perdu pour toujours l’homme humble et débonnaire qu’elles avaient suivi sur la terre, se trouvant subitement en présence du Christ ressuscité, ont besoin de cette parole : Ne craignez pas. Enfin, le disciple bien-aimé, qui avait reposé sa tête sur le sein de Jésus, le rencontrant vêtu de l’appareil resplendissant et terrible du Dieu juge, et tombant à ses pieds comme mort, est doucement réveillé par cette parole : Ne crains pas (Apoc. 1:17).
Le secret de cette parole, c’est la grâce ; nous avons à faire à elle seule ; elle nous rassure, même quand nous nous trouvons devant le Dieu de jugement, car le Juge est notre Sauveur.
Dans l’Ancien Testament, l’âme est beaucoup moins souvent rassurée, quand elle se trouve en la présence directe de Dieu, parce que Dieu n’y est pas encore pleinement manifesté comme le Dieu de grâce. L’ami de l’Éternel, Moïse lui-même, disait : « Je suis épouvanté et tout tremblant ». Tout au plus entend-on cette parole, quand Gédéon rencontre face à face l’ange de l’Éternel, et quand Daniel, humilié, se tient devant le représentant du Messie (Dan. 10:12, 19). Mais, par contre, ce mot : Ne crains pas, y revient continuellement, comme l’assurance du croyant isolé au milieu des difficultés et de la détresse, et de la haine du monde. Abraham, Agar, Isaac, en sont des exemples (Gen. 15:1 ; 21:17 ; 26:24). Un sacrificateur persécuté, un Mephiboseth, l’entendent sortir de la bouche de David, l’oint de l’Éternel, auprès duquel ils ont cherché refuge. Une pauvre veuve sidonienne, près de succomber, le reçoit des lèvres du prophète (1 Sam. 22:23 ; 2 Sam. 9:7 ; 1 Rois 17:13).
Cette parole frappe les oreilles du peuple de Dieu, chaque fois qu’il a affaire à l’ennemi, soit en Égypte, soit aux confins du désert, soit en Canaan sous Josué, soit même dans la période de ruine qui caractérise le royaume d’Israël et dans celle qui suit la transportation (Ex. 14:13 ; Nombres 14:9 ; 21:34 ; Deut. 1:21 ; 3:2, 22 ; 7:18 ; 20:3 ; 31:6, 8 ; Josué 8:1 ; 10:8, 25 ; 11:6 ; 2 Chron. 20:17 ; 32:7 ; És. 7:4 ; Néh. 4:14). Et quand Israël gît au fond « de la fosse des abîmes » et, de là, pousse vers Dieu son cri de détresse, l’Éternel lui répond : Ne crains pas ! (Lam. 3:57).
Enfin, quand ce peuple coupable, courbé sous le jugement de Dieu, châtié et repentant, mais près de désespérer, entendra ces mots, prononcés au bout de son temps d’épreuve : « Consolez, consolez mon peuple ! » nous entendons cette parole : « Ne crains pas », se répéter, se multiplier d’échos en échos. Ne crains pas, mon amour te console, je t’aiderai, je te fortifierai, je serai avec mon serviteur. Ne t’ai-je pas racheté ? Ne suis-je pas avec toi ? Ne crains pas, je te rafraîchirai. Ne crains ni l’opprobre, ni les outrages, ni la honte. Tu es à moi, et je t’ai reçu en grâce. Toute la fin d’Ésaïe a pour refrain ce mot consolant et divin (És. 41:10, 13, 14 ; 43:1, 5 ; 44:2 ; 51:7 ; 54:4).
L’assurance de la faveur de Dieu dissipe la crainte, l’amour parfait la bannit. Combien de fois nous trouvons dans les Psaumes cette absence de toute crainte devant l’ennemi, devant l’ébranlement de toutes choses, devant les menaces de la chair et de l’homme ! (Ps. 27:3 ; 46:2 ; 56:4, 11 ; 118:6). En vérité, tout est joie pour le croyant, tout est confiance, parfaite assurance et paix, parce que, au travers de tout, il a Dieu pour lui, Celui dont il est dit : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
« Ne crains pas », dit Élisée à son serviteur, « car ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux » (v. 16), et il prie, disant : « Éternel, je te prie, ouvre ses yeux, afin qu’il voie ». Les yeux de sa chair voyaient l’armée ennemie et ne se trompaient pas, et cependant il était aveugle. Il y avait des choses qui nécessitaient l’intercession du prophète et l’intervention de l’Éternel, pour qu’il pût les voir. Ses yeux furent alors ouverts et « voici la montagne était pleine de chevaux et de chars de feu autour d’Élisée » (v. 17). Les anges, ces chars de feu et cette cavalerie, rassemblés pour emporter Élie au ciel, sont maintenant rassemblés pour garder un seul homme sans défense sur la terre, anéantissant tous les desseins de ses ennemis. Cette intervention divine en faveur des rachetés n’a jamais cessé. Jacob l’avait contemplée, quand les anges, en deux bandes, l’avaient rencontré à Mahanaïm et qu’en présence d’un danger imminent, il avait pu dire de lui-même, s’identifiant avec l’armée de l’Éternel : « Je suis devenu deux bandes » (Gen. 32:1, 2, 10). Cette même armée angélique frappera les adversaires du Seigneur et de l’Assemblée, quand il sera révélé du ciel avec les anges de sa puissance, en flammes de feu (2 Thess. 1:7), selon ce qui est écrit : « Qui fait ses anges des esprits, et ses ministres une flamme de feu » (Hébr. 1:7). Comme la bande d’Ésaü disparaissait devant celles de Mahanaïm, l’armée des Syriens est comme une bande de fourmis devant les saintes myriades dont la montagne était couverte, seulement il s’agit de protection et non de combat, comme lorsque David entendit un bruit de gens qui marchent sur le sommet des mûriers (2 Sam. 5:24).
L’histoire de Jacob, que l’Éternel nommait Israël, se répète ici. Le vrai Israël était présent dans la personne de son représentant, le prophète. Au temps de la fin, le résidu aura les yeux ouverts, entendra ces mots : Ne crains pas, et pourra s’écrier, lorsque beaucoup diront : Qui nous fera voir du bien ? « Je me coucherai, et aussi je dormirai en paix ; car toi seul, ô Éternel ! tu me fais habiter en sécurité » (Ps. 4:6, 8).
L’intervention angélique caractérise plus directement l’économie de la loi et par conséquent aussi les temps du résidu prophétique (*), mais elle n’est point absente sous l’économie de la grâce, comme nous le voyons dans l’histoire de Pierre (Actes 12), seulement le fidèle est aujourd’hui, sans intermédiaire, en communication directe avec Christ. Ses yeux sont ouverts pour « voir Jésus », non pour voir les anges ; il peut dire : « Nous avons vu le Seigneur », non les chariots d’Israël. Communion plus intime du chrétien, part meilleure que celle du résidu ; et, du moment que Jésus entre en scène, l’âme reçoit de Lui l’assurance qu’elle n’a rien à craindre, parce qu’il est la ressource absolument suffisante en toute éventualité.
(*) Au temps de la fin, dans l’Apocalypse, le Seigneur se fera connaître dans ses voies providentielles, sous une forme angélique, jusqu’à sa manifestation sur la montagne de Sion. De là l’expression « un autre ange » dans ce livre.
Dieu qui ouvre les yeux du
serviteur d’Élisée, frappe l’armée syrienne de cécité, sur la demande du
prophète. Le même Dieu qui avait fermé et ouvert les cieux à la prière d’Élie,
ouvre ou ferme les yeux des hommes à la prière d’Élisée. C’est que ces demandes
partaient de coeurs en communion réelle avec la pensée de Dieu, et qui ne lui
demandaient que ce qu’il voulait faire. « Si nous demandons quelque chose selon
sa volonté, il nous écoute » (1 Jean 5:14). À bien plus forte raison en était-il
ainsi du Seigneur Jésus. Il pouvait dire : « Je te rends grâces de ce que
tu m’as entendu. Or moi je savais que tu m’entends toujours
» (Jean
11:41, 42).
« Il les frappa de cécité,
selon la parole d’Élisée » (v. 18). Quelle grâce le Seigneur nous accorde !
Il nous tient compte, comme venant de nous, de ce que nous avons demandé par la
foi et par l’Esprit, dons gratuits de Dieu ! Le prophète peut dès lors se
montrer ouvertement aux ennemis ; ils ne le reconnaissent pas. Lui, les
conduit à Samarie ; alors l’Éternel leur ouvre les yeux sur la demande du
prophète. Ceux du serviteur l’avaient été pour voir Sa délivrance, les leurs,
pour voir leur perte, en présence du jugement de Dieu. Point de ressource ;
position sans issue ; ruine irrémédiable ! Mais Celui qui seul a le
droit de les juger, ne le fait pas ; c’était sa grâce qui les amenait
devant son jugement. Le roi profane et incrédule les voit et voudrait les
mettre à mort ! « Frapperai-je, frapperai-je, mon père ? » Malgré ses
yeux ouverts, il est aussi aveugle que l’étaient ses ennemis (*). Il voudrait exercer le jugement, lui qui le
mérite mille fois plus que cette nation idolâtre, car il ne voit, ni ne peut
comprendre la grâce. Élisée lui répond : « Tu ne frapperas point ». Joram
méritait d’être frappé et n’avait pas le droit de frapper les autres, mais Dieu
voulait montrer, à lui, aussi bien qu’à tous, qu’aucun jugement ne doit
atteindre ceux qui sont convaincus de leur perdition. Il n’était pas trop tard
pour eux. La grâce de Dieu venait de les conduire au jugement, mais dans ce
monde, et non pas au delà de la vie d’ici-bas, où toute ressource sera fermée.
Bon gré, mal gré, ces hommes avaient rencontré le Dieu d’Élisée et non le Dieu
d’Élie. Ils ne sont pas anéantis par le feu du ciel qu’ils avaient mérité, mais
comme retirés du milieu du feu pour faire l’expérience des compassions du Dieu
qu’ils avaient offensé. « Mets », dit Élisée, « du pain et de l’eau devant
eux ; et qu’ils mangent et boivent, et qu’ils s’en aillent vers leur
seigneur ». Tout tremblants encore, au lieu de l’épée du roi, ils trouvent un
festin que Dieu leur a préparé. C’est le grand
souper
de la grâce.
(*) Les diverses manières de voir, sont du plus profond intérêt dans ce chapitre. Nous trouvons d’abord Élisée, le voyant, qui n’avait pas besoin que ses yeux fussent ouverts pour voir l’armée de l’Éternel ; puis son serviteur, dominé par le souci des choses visibles, auquel il faut l’intercession du prophète pour se rassurer en voyant les choses invisibles. Nous trouvons encore l’armée de Syrie, doublement aveugle, parce qu’elle croit voir et qu’elle est plongée dans la nuit ; puis cette même armée, voyant enfin son sort sous le jugement de Dieu, mais ayant en même temps les yeux ouverts pour s’asseoir au « grand festin » de la grâce. Nous trouvons enfin le roi d’Israël, étranger aux pensées de Dieu, qui croit voir, et dont « le péché demeure » (Jean 9:41), triste représentant d’Israël, ennemi de Christ et qui mûrit de plus en plus pour le jugement.
Ces hommes, qu’avaient-ils fait pour avoir part à une telle libéralité ? Ce qu’avaient fait Saul de Tarse et tant d’autres ennemis de Christ, dans l’ignorance, sans doute ; mais ils avaient fait la guerre à Dieu, et Dieu répond ainsi à leur haine. Dès ce moment, « les bandes des Syriens ne revinrent plus dans le pays d’Israël » ; les assauts isolés prennent fin, mais Satan ne peut se tenir tranquille.
Jamais l’ennemi du peuple de Dieu ne se tient pour battu. Si les bandes syriennes, convaincues de la puissance du Dieu d’Israël, cessent de faire leurs incursions dans le pays, Ben-Hadad, par contre, rassemble toute son armée pour assiéger Samarie, et ce siège amène à sa suite une grande famine. Telles sont les conséquences du péché d’Israël. L’ennemi, sans le savoir, était envoyé de Dieu en jugement contre ce peuple, mais il est en même temps l’image du prince de la mort, auquel l’homme pécheur ne peut échapper. La famine est la conséquence de la présence de l’ennemi qui, certes, ne songera jamais à nourrir ceux qu’il opprime. Elle est comme une autre forme de la mort qui pèse sur ce peuple coupable. Dans tout ce chapitre, c’est donc la mort qui domine, sort terrible et inévitable, mérité par l’homme pécheur. Mais Dieu a des ressources contre la mort même ; il le fait proclamer par le prophète et, s’il annonce qu’il supprimera la famine, nous verrons que c’est en supprimant l’ennemi, instrument de son jugement. Cela nous introduit dans le domaine de la grâce et de l’Évangile.
Après ce court résumé, examinons en détail le contenu de cet intéressant chapitre.
Samarie était la capitale et le centre d’un monde religieux, qui gardait encore l’apparence de conserver le culte de l’Éternel, mais qui l’avait corrompu. Ce monde-là, nous le retrouvons de nos jours sous une autre forme, et c’est précisément à cause de sa prétention religieuse qu’il est l’objet du jugement de Dieu. Tous les sacrifices étaient tolérés à Samarie, et la famine, au lieu de faire rentrer en eux-mêmes le peuple et son roi, ne servait qu’à faire ressortir l’épouvantable égoïsme du coeur des hommes qui, pour éviter de mourir de faim, sacrifiaient même leurs enfants, au lieu de se sacrifier pour eux. Si de telles choses pouvaient se rencontrer dans ce milieu, ce n’est pas que les dehors religieux en fussent bannis. Le roi même, portait en signe de deuil et de mortification, probablement dans l’espoir d’écarter le danger, « un sac sur sa chair », mais sans que sa conscience fût atteinte ou son coeur changé. Nous voyons les mêmes faits se produire dans la chrétienté, quand les nations sont frappées de calamités publiques.
Le roi se mortifiait au moment même où, rempli de haine, il cherchait la vie du prophète de l’Éternel. « Et le roi dit : Ainsi Dieu me fasse, et ainsi il y ajoute, si la tête d’Élisée, fils de Shaphath, demeure sur lui aujourd’hui ! » (v. 31). Lui qui était obligé de dire à la femme en détresse : « Si l’Éternel ne te sauve pas, comment te sauverais-je ? » et qui déchirait ses vêtements devant l’horrible réalité, rejette avec violence le seul homme par lequel un moyen de salut lui est offert. Comment avait-il donc oublié que le prophète lui avait sauvé la vie « non pas une fois, ni deux fois », et que l’Éternel, avec une patience sans bornes, lui avait tendu une main secourable ? Tout cela était non avenu pour lui, parce que la seule chose qu’il ne voulût pas admettre, et précisément la seule importante, était que ses péchés lui avaient mérité le jugement et la mort.
Pendant que ces choses se passent, le prophète est assis dans sa maison, s’entretenant en paix avec les anciens ; mais, comme « voyant », il n’a pas besoin que Dieu lui ouvre les yeux pour connaître les intentions de l’homme, ou réaliser la protection de Dieu. Fidèle à son serment, le roi envoie un messager avec l’ordre de décapiter Élisée et, altéré de vengeance, suit sur ses talons l’exécuteur de sa sentence. Avant qu’il arrive, le prophète l’a vu : « Voyez-vous que ce fils d’un meurtrier (Achab) envoie pour m’ôter la tête ? » L’homme, trouvant la porte barricadée, ne peut accomplir sa mission et retourne auprès de son maître. Déjoué dans ses desseins, le roi dit : Je renonce à me confier en Dieu ! « Voici, ce mal est de par l’Éternel ; pourquoi m’attendrais-je encore à l’Éternel ? » (v. 33). Combien de fois l’homme, dans son état de révolte contre Dieu, raisonne comme Joram ! Puisque Dieu ne m’accorde pas ce que je désire, ne me donne pas la guérison d’un être cher, ne me sort pas de mes difficultés matérielles, je me débarrasse de mes obligations envers lui ; il n’existe plus pour moi ! Ah ! c’est que, pas plus que Joram, le coeur des hommes ne veut remonter à la racine de notre mal qui est le péché et admettre ses conséquences. Il ne veut pas se repentir ; son orgueil refuse de se mettre à la merci de son juge, en reconnaissant qu’il a raison de le condamner. Les appels même de Dieu lui fournissent une nouvelle occasion de s’endurcir.
Comment Dieu répondra-t-il à tant de méchanceté et de révolte ?… Il fait annoncer sa grâce par l’homme même dont le roi cherche la vie ! « Et Élisée dit : Écoutez la parole de l’Éternel… : Demain à cette heure-ci, la mesure de fleur de farine sera à un sicle, et les deux mesures d’orge à un sicle, à la porte de Samarie » (7:1). Oui, Dieu proclame pour le jour qui va suivre qu’il donnera l’abondance et rassasiera les pauvres affamés, alors même que leur péché fût la cause de la famine.
À la proclamation de cette bonne nouvelle, un des assistants se moque de Dieu. « Et le capitaine, sur la main duquel le roi s’appuyait, répondit à l’homme de Dieu, et dit : Voici, quand l’Éternel ferait des fenêtres aux cieux, cela arriverait-il ? » (v. 2). Le roi était incrédule à ce message, cela se voit dans la suite (v. 12) ; il gardait intactes dans son coeur sa haine et sa révolte, et cependant son état était moins terrible que celui de ce moqueur, quand la bonne nouvelle de la grâce de Dieu est proclamée par son prophète. Ce dernier lui dit : « Voici, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras pas ». Dieu supporte tous les pécheurs avec une immense patience, mais ceux qui se moquent de lui et de sa Parole sont irrémédiablement perdus. Nous verrons à la fin du chapitre que cet homme est le seul qui, dans une scène de délivrance et d’abondance, soit retranché sans y avoir aucune part.
Le caractère des moqueurs
n’est pas, de nos jours, aussi rare qu’on le pense ; on peut dire, au
contraire, qu’il caractérise les temps où nous vivons. Pierre dit :
« Sachant tout d’abord ceci, qu’aux derniers jours des moqueurs
viendront, marchant dans la moquerie selon leurs propres
convoitises et disant : Où est la promesse de sa venue ? car, depuis
que les pères se sont endormis, toutes choses demeurent au même état dès le
commencement de la création. Car ils ignorent volontairement ceci, que, par la
parole de Dieu, des cieux subsistaient jadis, et une terre tirée des eaux et
subsistant au milieu des eaux, par lesquelles le monde d’alors fut détruit,
étant submergé par de l’eau. Mais les cieux et la terre de maintenant sont
réservés par sa parole pour le feu, gardés pour le jour du jugement et de la
destruction des hommes impies » (2 Pierre 3:3-7). Ne pensons pas que les
moqueurs soient des gens qui rient de toute piété. L’incrédulité d’il y a un
siècle et demi revêtait peut-être ce caractère, mais les temps sont changés.
Les moqueurs d’aujourd’hui étalent très s
érieusement
leur incrédulité ; ils raisonnent. La parole de
Dieu est pour eux nulle et non avenue, comme pour le capitaine de Joram, et
n’ayant pas confiance en elle, ils se confient en la stabilité des choses
visibles, et affirment qu’elle ne prendra jamais fin. Ils ignorent volontairement
— et c’est le caractère de leur moquerie — ce que Dieu leur a
révélé par sa Parole. Leur jugement est à la porte.
Et maintenant Dieu nous montre que si l’homme ne veut pas de lui, non seulement il prépare, comme dans le chapitre précédent, un grand festin à ses ennemis, mais qu’il prépare aussi des âmes en vue de la jouissance de ce festin.
« Et il y avait à l’entrée de la porte quatre hommes lépreux, et ils se dirent l’un à l’autre : Pourquoi sommes-nous assis ici jusqu’à ce que nous mourions ? » Ces quatre hommes étaient souillés, car la lèpre est l’emblème du péché qui souille l’homme. Comme tels, ils ne pouvaient demeurer avec le peuple ; leur souillure les plaçait hors de la porte de Samarie. Ils étaient, du même coup, comme tout lépreux, exclus de la présence de Dieu. De plus, leur condition était telle, qu’ils ne pouvaient l’ignorer ; leur maladie offrait cette particularité qu’elle était dûment constatée en Israël, qu’on ne pouvait la cacher à Dieu, ni aux autres, ni à soi-même. Enfin, sinon par une intervention directe de Dieu, hors de toute ressource humaine, elle conduisait fatalement à la mort.
Tel était donc l’état personnel de ces quatre hommes, à l’entrée de la porte de Samarie. Ce qui le rendait plus terrible, c’est que la mort les environnait de toute part. « Si nous disons : Entrons dans la ville, la famine est dans la ville, et nous y mourrons ; et si nous restons assis ici, nous mourrons. Et maintenant, venez, et passons dans le camp des Syriens : s’ils nous laissent vivre, nous vivrons ; et s’ils nous font mourir, nous mourrons » (v. 4). S’ils avaient pu rentrer en ville, ils y auraient trouvé la famine et la mort. Rester où ils étaient, était sans contredit la mort. Se rendre à l’ennemi, représentant du jugement de Dieu et qui en tenait l’épée, n’était-ce pas encore la mort ? Mais, de ce côté-là, du moins, il y avait une lueur d’espoir. « S’ils nous laissent vivre, nous vivrons ». Leur vie dépendait de la bonne volonté de l’ennemi. Peut-être ne prononcerait-il pas la sentence ?…
Ne traversons-nous pas aujourd’hui les mêmes circonstances ? Le pécheur, convaincu de péché, ne peut trouver de secours et de délivrance auprès du monde, même sous son aspect religieux. Il n’y rencontre que la famine et la mort. Il ne peut rester dans son état actuel ; c’est encore la mort. Il a devant lui la menace du jugement de Dieu, et c’est la mort, la mort terrible et fatale… mais peut-être le juge aura-t-il pitié de lui… Qu’il aille donc se jeter aux pieds du juge ! Qu’il aille ; il apprendra que ce Dieu juge est le Dieu d’amour, le Dieu Sauveur !
Mais notre récit ne va pas
aussi loin. Ces lépreux ne se lèvent pas pour rencontrer Dieu. Ils s’avancent,
incertains et craintifs, arrivent « au bout du camp des Syriens, et voici, il
n’y avait personne
». Qu’était-il arrivé ? « Le Seigneur avait fait
entendre dans le camp des Syriens un bruit de chars et un bruit
de
chevaux, le bruit
d’une grande armée » et, croyant à une attaque des
alliés d’Israël, ils s’étaient enfuis, abandonnant tentes, ânes et chevaux, et
le camp tel quel, pour sauver leur vie.
L’ennemi lui-même, instrument
du jugement de Dieu, avait disparu. Le jugement était tombé sur lui. Il n’y
avait plus de jugement
. Comment cela avait-il pu se faire ? Un bruit
de grande armée s’était fait entendre, mais ce n’était qu’un bruit, chose en
réalité faible et insignifiante, nullement comparable aux chevaux et aux chars
de feu de Dothan, mais, chose des plus puissantes, parce qu’elle provenait du
Seigneur lui-même. Lui
était dans ce bruit, et cela suffit pour anéantir
toute la puissance de Ben-Hadad.
Pour nous, cher lecteur chrétien, ce bruit s’est fait entendre à la croix, où le Fils de Dieu eut à faire à toute la puissance du prince de la mort et de son armée. Il l’a vaincu par ses propres armes, mais sans aucun déploiement de forces. Dans la mort d’un seul homme, crucifié en faiblesse, se trouvait la puissance de Dieu pour vaincre, anéantir, annuler cet ennemi terrible. Telle a été la mort de Christ. Satan tenait l’homme captif sous la crainte de la mort, et il a été vaincu par ses propres armes, comme la tête de Goliath fut tranchée jadis par le faible David avec l’épée même du géant.
La mort était vaincue, le
jugement annulé pour ces quatre lépreux. Ils allaient, tremblants, au-devant de
ces choses ; ils trouvent à leur place la vie, une abondance de biens et
de richesses, et de quoi assouvir leur faim, toutes les dépouilles de l’ennemi,
sans qu’il leur en coûte rien
. Ils récoltent le fruit de la victoire qui
pour nous est celle du Seigneur. La paix est dans le camp ; personne ne
s’oppose à eux ; ils sont rassasiés, découvrent des trésors qu’ils
s’approprient. Mais peuvent-ils se taire et les garder pour eux ? Non, la
joie du salut est communicative ; ces hommes deviennent pour d’autres des
messagers de bonnes nouvelles. « Ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et
nous nous taisons ».
Ce qui caractérise ce chapitre, ce n’est pas un Dieu qui ôte la souillure du péché, sinon ces lépreux, comme Naaman, ne seraient pas restés ce qu’ils étaient ; mais un Dieu qui ôte le jugement dans la personne de l’ennemi et détruit en même temps la puissance de la mort, afin que de pauvres êtres souillés puissent vivre et jouir des bénédictions dont ils étaient privés.
Remarquons encore un des
caractères de l’Évangile, dans ce récit. Quand Élisée annonce pour « demain » que
la famine aura cessé, il dit : « Écoutez » (v. 1). Cette parole s’adresse
indistinctement à tous : peuple, roi, capitaine moqueur, comme la semence
du semeur tombe indifféremment sur chaque terrain. Il en est de même de la
victoire remportée. Tous y sont invités ; ses résultats sont offerts
indistinctement à tous. Le peuple, la ville tout entière, le roi et ses
serviteurs, sont conviés au festin. Ce fameux « demain », annoncé par le
prophète, s’est changé en un « aujourd’hui ». Tous viennent, se repaissent et
s’enrichissent, mais sont loin de partager la joie des lépreux. Ceux-ci, en
présence des merveilles de leur salut, ne peuvent rester muets ; il faut
qu’ils parlent : « Nous nous taisons ». On voit comment le roi et ses
serviteurs reçoivent l’annonce de la délivrance (v. 12-15). Pour eux, ce salut
qui ne leur coûte rien, cache un piège. Faisons au moins, disent-ils, quelque
chose de notre côté, et ils se mettent à poursuivre l’ennemi avec deux chars et
cinq chevaux fourbus ! Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est de retarder
l’heure de la délivrance, en cherchant à constater ce que la foi des lépreux
avait saisi avant leur enquête. Leur pensée, en présence de la bonne nouvelle,
est pure incrédulité. Le roi dit : « Je veux vous dire ce que les Syriens
nous ont fait : ils savent que nous avons faim, et ils sont sortis du camp
pour se cacher dans les champs, disant : Ils sortiront hors de la ville,
et nous les prendrons vivants, et nous entrerons dans la ville » (v. 12). Puis,
sur la proposition d’un de ses serviteurs, il ajoute : « Allez et voyez ».
La vue, pour eux, remplace la foi, et, s’ils ont part comme les autres aux
résultats de la délivrance, la vue ne les sauve pas ; elle n’a jamais
sauvé personne. Le capitaine en est un exemple effrayant. Le prophète lui avait
dit : « Voici, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras pas » (v.
19). « Et il lui en arriva ainsi : le peuple le foula aux pieds dans la
porte, et il mourut
».
La vue fut pour lui le prélude
immédiat de la mort !
Le chapitre 7 vient de nous présenter des vérités qui peuvent être appliquées à l’Évangile ; les versets que nous avons sous les yeux nous ramènent, avec la Sunamite, sur le terrain des fidèles en Israël. Il est nécessaire d’user avec sobriété des types de l’Écriture, afin de ne pas en forcer l’interprétation, mais, d’autre part, il ne faut pas oublier que nous avons ici des écrits prophétiques, n’ayant qu’une portée historique partielle, et qui nous révèlent par des exemples les principes des événements de la fin.
Nous retrouvons ici, comme dans toute cette histoire, le caractère de grâce du prophète Élisée. Comme au chap. 7, il annonçait, vrai ministre de la bonne nouvelle pour tous, la bonne nouvelle à tout le peuple sans distinction de personnes, il s’occupe ici, en grâce, d’un résidu fidèle, de la Sunamite, à laquelle son coeur était attaché par tant de liens selon Dieu. Cette femme intègre est l’objet des soins particuliers de Dieu qui la préserve au temps où ses jugements tombent sur tout le pays. Le prophète connaissait d’avance les années de famine ; il en fait part à la Sunamite, comme il connaissait d’avance la fin de la famine de Samarie, et l’annonçait à tout le peuple, petits et grands. Il communique son secret à cette âme choisie par lui et qu’il voulait mettre à l’abri ainsi que sa maison. Le chapitre précédent et celui-ci mentionnent deux famines. La première, celle de Samarie, était locale et partielle ; elle était un jugement de Dieu, et l’ennemi servait d’instrument pour le produire. La seconde, qui nous occupe, autrement sérieuse, est un jugement direct de Dieu s’étendant à toute la terre d’Israël. Ces mêmes faits se voient dans l’Apocalypse, où les jugements ont d’abord un caractère providentiel et acquièrent ensuite une intensité extrême quand ils sont appliqués directement par le Seigneur.
« Lève-toi », dit le prophète à
la Sunamite, « et va-t-en, toi et ta maison, et séjourne où tu pourras
séjourner ». Il fallait que cette femme, dont la joie était « d’habiter au milieu
de son peuple », abandonnât ses biens et son héritage, et s’enfuît devant les
jugements imminents, acceptant le premier abri qui se présenterait. Un cycle complet,
une semaine d’années, lui était assigné pour temps de refuge auprès des
étrangers. Il ne s’agissait plus pour elle de rester, comme Abraham en Canaan,
au milieu de la famine, ni comme Isaac, de faire un court séjour en Philistie,
car ni l’un ni l’autre de ces patriarches ne devait descendre en Égypte. Non,
elle devait séjourner où elle pourrait, à la seule condition que ce ne fût pas
en Canaan. Le jugement s’étendait à toute la terre d’Israël, comme au temps de
Joseph, à toute l’Égypte ; seulement, pour Canaan, aucune provision
providentielle ne remédiait au mal. La Sunamite devait se tenir hors du lieu
de cette tribulation qui allait venir sur tout Israël. C’est en figure
l’histoire du résidu fidèle à la fin des temps, tandis que l’Église, en contraste
avec lui, sera gardée hors de l’heure
de
la tentation.
Nous pouvons affirmer qu’à ce moment-là, la Sunamite était veuve. Jamais le prophète n’aurait pu lui dire, du vivant de son mari, « toi et ta maison ». Elle a donc perdu son protecteur ; elle est obligée d’abandonner ses biens, autrefois considérables et qui passent entre les mains de l’étranger ; tombée dans la misère, elle s’en va pour être nourrie par l’Éternel, dans le refuge qu’elle pourra atteindre. Mais elle emmène avec elle son fils que le prophète avait ressuscité.
Tous ces détails préfigurent l’histoire du résidu d’Israël, à la fin des temps. Il aura fait l’expérience de la puissance de la résurrection avant de fuir loin de son pays. Il sera le vrai Israël selon les conseils de Dieu, la femme de l’Apocalypse qui a enfanté le fils mâle, et qui s’enfuit dans le désert, où elle a un lieu préparé par Dieu, afin qu’on la nourrisse là (Apoc. 12). Le sort de ce peuple sera exactement celui de la Sunamite ; puis il sera réintégré comme elle dans son lot, à la fin des jours, quand les jugements de Dieu sur la terre d’Israël auront pris fin.
C’est dans ces limites que nous pouvons saisir le sens typique de notre récit. Ce qui n’y a pas trait, c’est qu’un jour vient où Joram s’intéresse aux miracles d’Élisée. Sa conscience n’y est nullement engagée ; il l’a surabondamment prouvé dans toute sa carrière, mais on peut être fort éloigné de Dieu, tout en s’intéressant à ce qui le concerne, Lui et son oeuvre. C’est même un caractère saillant des derniers temps. Jamais, plus que de nos jours, on ne s’est enquis des miracles et de la parole de Dieu. Ces choses ont un grand intérêt même pour les coeurs dans lesquels elles ne sont pas mêlées avec la foi. On peut donc comprendre que le roi désirât se renseigner sur les hauts faits du prophète. Guéhazi, serviteur infidèle, auquel la lèpre de Naaman s’était attachée pour toujours, Guéhazi est maintenant à la cour du roi. Un lépreux, sous le jugement de Dieu, a l’oreille du monarque incrédule. Quel changement s’est opéré dans sa vie ! Autrefois, partageant la pauvreté du prophète, il avait été son intermédiaire béni auprès des fidèles, et celui des fidèles en Israël auprès d’Élisée. Il peut encore raconter au monde dont il est devenu le serviteur, les miracles d’autrefois, étant assez instruit de ces choses pour les exposer véridiquement, mais il ne peut aller plus loin.
Pareille position se retrouverait facilement aujourd’hui dans la chrétienté. Des gens qui, comme Guéhazi, préfèrent les avantages que le monde leur présente, peuvent être accrédités pour exposer les choses de Dieu. Ils diront la vérité, mais sans pouvoir l’appliquer aux consciences ; leur propre conscience étant mauvaise, ne peut atteindre celle des autres. Il y a, sans doute, des sujets qu’un Guéhazi évitera de traiter, et qui lui sont nécessairement interdits. Comment parler de la guérison de Naaman, quand on est soi-même couvert de lèpre ; et quelles questions indiscrètes son récit ne pourrait-il pas faire naître chez le roi ? Et cependant, Dieu se sert de tout, de la curiosité du roi, de la présence de Guéhazi à sa cour, pour accomplir ses desseins de grâce envers ses bien-aimés. La femme survient avec son fils au moment même où l’on parle d’elle. Qui donc l’amène ainsi à point nommé ? Dieu lui-même, car il faut qu’elle reçoive, de la bouche d’un témoin oculaire, le témoignage de son identité. Là finit le rôle de Guéhazi. Le roi n’a plus besoin de lui ; il interroge la femme qui lui raconte tout (v. 6). Dieu qui l’avait amenée, touche aussi le coeur du roi, il fait tout restituer a celle qui avait tout perdu.
Avec elle l’histoire prophétique se termine. Le jugement d’Israël étant épuisé, elle et sa maison rentrent en plein dans leur lot à la fin des jours. Le roi dit : « Rends-lui tout ce qui lui appartient, et tout le revenu des champs, depuis le jour où elle a quitté le pays, jusqu’à maintenant ». « Jusqu’à maintenant ! » Les jours d’épreuve sont passés pour le résidu fidèle qui retrouve toutes les bénédictions dont il avait été privé, lors de son exode parmi les nations, avec tous les intérêts perdus, sans qu’il y manque rien.
Il peut paraître étrange à
plus d’un lecteur qu’Élie n’ait pas suivi l’injonction positive de l’Éternel en
Horeb (1 Rois 19:15-17), d’oindre Hazaël, Jéhu et Élisée. Le fait est qu’Élie
rencontra d’abord
Élisée, placé par
l’Éternel sur son chemin. Il lui jeta une première fois son manteau de
prophète, se désistant, pour ainsi dire, de son mandat, pour le transférer à
Élisée, quoique sa carrière prophétique ne fût pas encore terminée. Du moment
qu’Élisée était désigné, c’était à lui qu’incombaient les deux autres actes. L’onction
dont Élisée est scellé comme
prophète est l’onction du Saint Esprit, au chapitre 2 de notre livre. Cette
onction, avec le double de l’esprit d’Élie, ne pouvait lui être conférée que
par Élie montant au ciel. S’il avait été oint quand Élie le rencontra pour la
première fois, il aurait été consacré prophète de jugement, comme son maître,
mais, comme nous l’avons vu, tout le long de son histoire, sauf le cas
exceptionnel des enfants de Béthel, Élisée est prophète de grâce et de
délivrance pour le résidu et même pour les nations.
Il incombait maintenant à Élisée, en suite de sa mission, d’oindre Hazaël et Jéhu, qui devaient exercer le jugement ; mais, dans le passage qui nous raconte la rencontre d’Élisée et de Hazaël, l’onction de ce dernier est passée sous silence. De fait, la verge de Dieu était placée par la parole prophétique entre les mains d’Hazaël, mais l’onction ne pouvait être mentionnée quand l’homme de Dieu, venu en grâce, pleurait amèrement sur le mal qu’Hazaël ferait aux fils de son peuple.
L’onction de Jéhu (chap. 9)
correspond davantage à ce qu’on pouvait attendre de l’ordre donné par l’Éternel
à Élie, mais Élisée renonce à une action personnelle et fait accomplir cette
mission par l’un des fils des prophètes. N’est-ce pas là une preuve frappante
du fait que le caractère d’Élisée est un caractère de grâce
et non de jugement ? Il fallait que la parole de Dieu
s’accomplît, mais non pas au détriment du caractère de grâce que portait le
prophète.
Il en fut de même du prophète par excellence, de notre Seigneur Jésus Christ. Lui qui venait au baptême de Jean-Baptiste, devait baptiser de l’Esprit Saint et de feu. Après avoir reçu le baptême de l’Esprit Saint en vertu de sa perfection humaine, il baptise de l’Esprit Saint en vertu de son ascension dans le ciel. Cette onction caractérise les jours où nous vivons, et celle du feu, c’est-à-dire du jugement, n’a pas encore eu lieu. Le Seigneur n’a pas encore envoyé les verges de sa colère contre Israël et contre le monde. Il le fera plus tard, mais actuellement il ne veut ni ne peut perdre son caractère de Sauveur venu en grâce.
S’il en est ainsi, que signifie cette parole dite à Élie : « Celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le fera mourir » ? Il nous faut, pour la voir se réaliser, anticiper le récit du chap. 13. Le fait qui nous y est rapporté est d’autant plus frappant que nous y voyons Élisée arrivé tout au bout de sa carrière : « Il était malade de la maladie dont il mourut ». C’est alors que Joas, roi d’Israël, vient le voir. Nous aurons à reprendre, en temps et lieu, ce récit en détail, mais c’est là que le prophète confère à Joas, de la part de l’Éternel, le jugement sur ce qui avait échappé à l’épée de Jéhu, c’est-à-dire sur Hazaël et son successeur. Jéhu avait été incapable de défendre le territoire intégral d’Israël contre la Syrie, mais Élisée intervient, et c’est Israël qui défait ses vainqueurs. Cependant, même en cette occasion, le prophète, tout en prononçant le jugement, ne perd pas son caractère de grâce. Prophétiquement, il exerce le jugement lui-même, car il met ses mains sur les mains du roi pour tirer de l’arc et battre les Syriens, mais en vue de délivrer Israël.
Reprenons maintenant le cours de notre récit. Ben-Hadad (*), roi de Syrie, était malade. « Et on lui rapporta, disant : L’homme de Dieu est venu jusqu’ici. Et le roi dit à Hazaël : Prends dans ta main un présent, et va à la rencontre de l’homme de Dieu, et consulte par lui l’Éternel, disant : Relèverai-je de cette maladie ? » (v. 7, 8). Exactement les mêmes paroles qu’Achazia, roi d’Israël, avait prononcées en envoyant ses messagers consulter Baal-Zebub (1:2). Cela dénote deux choses. La première, c’est que tous les hommes, soit idolâtres, soit connaissant le vrai Dieu, ont une même préoccupation constante de la mort. N’ayant aucune autre espérance que celle des choses visibles, ils sont profondément éprouvés à la pensée qu’ils peuvent avoir à les quitter, sans parler de l’incertitude quant à l’avenir, dont ce mot remplit leur esprit. La seconde, c’est que les soi-disant ressources religieuses qu’ils ont à leur portée ne peuvent les satisfaire. Un roi d’Israël, avec quelque connaissance du vrai Dieu, toute mélangée qu’elle soit de superstition et d’idolâtrie, ne trouve aucune certitude dans cette connaissance quasi extérieure et préfère s’adresser au démon pour recevoir une réponse satisfaisante. Un adorateur du soleil, ne trouvant aucune réponse auprès de son dieu, préfère s’adresser à l’homme de Dieu qui se trouve sur son chemin, afin de consulter l’Éternel par lui, non pour trouver une réponse aux besoins de sa conscience, mais uniquement pour savoir s’il peut encore prolonger sa vie. Le cas du roi d’Israël est bien plus grave que celui de Ben-Hadad, car c’est le fait d’un apostat, mais le roi de Syrie lui-même n’est pas poussé par des besoins réels quand il s’adresse à l’homme de Dieu. Celui qui avait été l’instrument de la guérison de Naaman, ne pouvait-il pas guérir une maladie ordinaire, et n’avait-il pas déployé dès lors la puissance divine en délivrance ? Ben-Hadad connaît si peu le prophète qui avait refusé les dons de Naaman, qu’il lui envoie par Hazaël un cadeau royal, dans la pensée de se le rendre favorable.
(*) Ce Ben-Hadad est évidemment celui qui avait assiégé Samarie, au chapitre précédent, et probablement, quoiqu’il ne soit pas nommé, le roi de Syrie qui envoya Naaman au roi d’Israël, et dont les bandes infestèrent le territoire des dix tribus. Il ne faut cependant pas oublier que Ben-Hadad est un nom générique des rois de Syrie. Il signifie « fils (ou adorateur) d’Hadad », probablement du Soleil. Nous trouvons, au temps d’Asa, roi de Juda (1 Rois 15:20), puis au temps d’Achab (1 Rois 20:1), un Ben-Hadad, puis, sous Joram, le Ben-Hadad du siège de Samarie, qui nous occupe, enfin (13:24) le Ben-Hadad qui succéda à Hazaël.
Hazaël arrive devant l’homme de Dieu et répète les paroles du roi, mais déjà, tout au fond de son être se remue quelque chose, un désir caché, une convoitise, un plan, vague peut-être, mais qui n’attend que sa confirmation. Élisée a lu dans ce coeur ; les pensées secrètes n’échappent pas à l’oeil de Dieu. Sa réponse serait ambiguë pour tout autre ; pour Hazaël, elle a un sens qui hâte sa décision. La convoitise chez lui, va enfanter le péché. Élisée « arrêta sa face et la fixa sur lui, jusqu’à ce qu’il fut confus ». Sous ce regard intense qui fouille les replis de sa conscience, Hazaël, mis à nu, se sent mal à l’aise. Certainement il en relèvera : c’était précisément ce que craignait Hazaël. Si le roi guérissait, que deviendraient ses plans et ses désirs secrets ? « Mais l’Éternel m’a montré qu’il mourra certainement ». Oui, en effet, se dit-il, ma seule chance est de me débarrasser de mon maître ; et puisque Dieu le sait et ne l’empêche pas, cela me justifie. On le sent : c’est ainsi qu’a dû raisonner cet homme, déjà meurtrier dans ses pensées. Sondé jusqu’au fond de son coeur, confus sous le regard de Dieu, il n’abandonne pas pour cela sa volonté perverse et la justifie par le fait que Dieu en avait connaissance.
Après ces paroles, Élisée
pleure en pensant au mal qu’Hazaël fera à son peuple. Dira-t-on qu’en lui
révélant ce fait, il l’incite à l’accomplir ? Hazaël se trahit un peu en
présence du prophète qui lui dit la vérité tout entière : « Qu’est ton
serviteur, un chien, pour qu’il fasse cette grande
chose
? » On sent, plus qu’on ne peut le prouver, en présence de cette
nature hypocrite et fermée, que la destruction d’Israël est une chose importante
pour Hazaël. Il lui est facile de se donner le rôle d’un chien quand il s’agit
de la faire ; il n’en a pas moins l’ambition de l’accomplir. Enfin, Élisée
lui révèle ce pourquoi il est envoyé à Damas : « L’Éternel m’a montré que
tu seras roi sur la Syrie » (v. 13). Les éléments dont se compose cette âme
ténébreuse sont maintenant au complet. Tout ce qui est dans son esprit à l’état
de désirs obscurs et d’ambition se trouve fixé. « Le roi peut guérir, mais il
mourra. Je serai roi à sa place et je tourmenterai Israël ». De là à
l’exécution, il n’y a qu’un pas. Hazaël tue le roi et règne à sa place. Dieu
prépare ainsi la verge qui châtiera son peuple, jusqu’au moment où il brisera
la verge elle-même.
Le commencement de ce passage
présente une petite difficulté chronologique, que les rationalistes n’ont pas
manqué d’exploiter contre l’autorité du récit biblique (Conf. notre chapitre
3). Il nous est dit ici que Joram de Juda commença, du vivant de son père
Josaphat, à régner sur Juda, la cinquième
année de Joram d’Israël.
Or, au chap. 1, Joram d’Israël succède à Achazia
son père, en la deuxième année de Joram de Juda. Cela s’explique tout simplement
par le fait que Josaphat de Juda aurait confié la régence à son fils Joram et
qu’au bout de sept ans, Josaphat étant encore en vie lui conféra le royaume
définitif, peut-être en vue de difficultés qu’il pouvait avoir avec ses frères
(2 Chron. 21:1-4). La première année de la régence de Joram de Juda, correspond
au moment où Josaphat son père monte avec Achab, roi d’Israël, pour reprendre
Ramoth de Galaad aux Syriens. Ces soi-disant contradictions n’en sont jamais
pour le simple chrétien qui a reçu ces récits de la main de Dieu. Il ne lui est
pas toujours possible de répondre aux objections, car il est un être borné et
ignorant, mais en s’attendant au Seigneur, il recevra tôt ou tard la réponse,
quand Dieu le jugera convenable. Il reste établi pour lui que Dieu a parlé et
sera trouvé vrai quand il parle, tandis que tout homme sera trouvé menteur.
La courte histoire des rois Joram et Achazia de Juda, intercalée ici pour relier ensemble la suite des événements, offre néanmoins des traits sérieux et instructifs. Joram de Juda « avait pour femme une fille d’Achab », mari de Jézabel. Achazia, fils de Joram, était aussi « gendre de la maison d’Achab ». Ces alliances profanes les conduisent l’un et l’autre dans les voies des rois d’Israël. Il en est ainsi de tout temps. Un chrétien qui porte un même joug avec un enfant du monde, y perd nécessairement son témoignage et jusqu’à l’apparence de son christianisme, car le monde n’est jamais amélioré par l’alliance du chrétien avec lui, tandis que ce sont au contraire les mauvaises compagnies qui corrompent les bonnes moeurs. Sans doute, l’Éternel, fidèle aux promesses faites à David, ne détruit pas Joram de Juda, mais ce dernier ne trouve pas dans le monde le repos que sa religion corrompue ne peut lui donner et que la discipline et les châtiments de Dieu ne lui laissent pas. Édom qui jusqu’ici avait un gouverneur dépendant du trône de Juda (1 Rois 22:48), se révolte et se choisit un roi. Une guerre en est la conséquence ; Joram a l’avantage, mais la révolte n’est pas brisée, et cet ennemi indomptable subsiste « jusqu’à ce jour ». Dans le même temps Libna se révolte (v. 22). Libna était une ville de Juda, cité sacerdotale appartenant aux fils d’Aaron (Jos. 21:13 ; 1 Chron. 6:57). Quelle honte pour Joram ! Dans son propre royaume, une des villes moralement les plus importantes, se détache de lui. La raison en est donnée en 2 Chron. 21:10-11. Les fils d’Aaron ne pouvaient s’associer à celui qui « avait abandonné l’Éternel, le Dieu de ses pères », et qui poussait Juda dans cette voie par ses hauts lieux et ses prostitutions. Il y avait donc encore quelque témoignage en Juda, et ce témoignage était à la honte de Joram. L’Éternel détachait de lui une partie de la sacrificature qui seule pouvait encore maintenir ses rapports avec Lui. Lors de l’étude des Chroniques, nous nous réservons de mentionner avec plus de détails le jugement de ce roi impie.
Achazia, fils de Joram de Juda, commença à régner la douzième année de Joram d’Israël (v. 25). Sa mère était Athalie, fille d’Omri, manière de parler fréquente parmi les Juifs, car elle était de fait petite-fille d’Omri, le chef de cette dynastie, fille d’Achab et épouse de Joram de Juda (v. 18). Elle était donc soeur de Joram d’Israël. Achazia lui-même était gendre de la maison d’Achab. Comme Josaphat son grand-père s’était allié avec Achab pour reprendre Ramoth de Galaad, tombée au pouvoir du roi de Syrie, Achazia, fils de Joram de Juda, s’allie avec Joram d’Israël, fils d’Achab, pour faire la guerre contre Hazaël, roi de Syrie, à Ramoth de Galaad qui était une ville de refuge (Deut. 4:43). Cela avait lieu selon l’avis de ses conseillers de la maison d’Achab, et d’Athalie, sa mère (2 Chron. 22:4-5). Cette alliance avec les rois d’Israël était une abomination aux yeux de l’Éternel. Joram d’Israël subit à Ramoth le même sort qu’Achab blessé jadis par les Syriens en ce même lieu (1 Rois 22:34). Il se retire à Jizreël pour panser ses blessures ; c’est là qu’Achazia, roi de Juda, son allié, vient lui témoigner sa sympathie. Selon le monde, c’était un acte de simple courtoisie, mais après s’être opposé à Hazaël, verge de Dieu contre Israël, Achazia venait se placer de lui-même sous les coups de Jéhu, seconde verge de Dieu contre son allié. Ces jugements sur Israël ne l’émouvaient ni ne le retenaient dans sa voie, et voici que ces jugements vont l’atteindre lui-même !
L’histoire tout entière de Jéhu tient dans trois versets des Chroniques (2 Chron. 22:7-9), qui parlent uniquement de ses rapports avec Juda. Nous aurons à y revenir dans l’étude de ce livre.
Le chapitre que nous avons sous les yeux fait ressortir, comme nous l’avons remarqué plus haut, le caractère de grâce d’Élisée. Au lieu d’oindre Jéhu, il confie cette mission à l’un des fils des prophètes. Il ne faut pas que ce jeune homme reste un instant avec Jéhu, mais qu’il s’enfuie aussitôt son acte accompli. Tout se fait en secret et en hâte, car lorsqu’il s’agit d’un jugement, l’âme d’Élisée ne s’y repose et n’y demeure pas. Le jugement doit avoir lieu, car Dieu a parlé, mais Dieu trouve ses délices dans la grâce et approuve la manière d’agir de son serviteur.
Combien, en vertu de son caractère judiciaire, cette scène diffère de celle qui accompagne l’onction de David ! Ici, le fils des prophètes doit faire lever Jéhu du « milieu de ses frères », le mener loin de tous les yeux dans « une chambre intérieure », et l’oindre sans témoins, en hâte et à la dérobée. Samuel, au contraire, oint David, roi de grâce, « au milieu de ses frères » ; ceux-ci n’entourent la table qu’à son arrivée, et cette fête de famille les réunit pour un repas commun. Après cela, Samuel se lève en paix et se rend à Rama (1 Sam. 16:11-13). Cette scène de communion forme un contraste absolu avec celle qui se déroule ici. Jéhu est une verge de Dieu contre Israël et Juda, et Dieu ne peut avoir communion avec l’instrument du jugement, quelque nécessaire qu’il soit. Il approuvera plus tard (10:30) la manière dont il s’est acquitté de sa tâche, mais sans communion avec lui, car, tout en parlant ainsi, il n’approuve ni l’homme, ni ses motifs, ce que nous aurons plus d’une fois l’occasion de constater dans ces chapitres.
Si le prophète Élisée pleurait devant Hazaël, qu’aurait-il fait devant Jéhu ? Aussi donne-t-il une commission aussi brève que possible : « Ainsi dit l’Éternel : Je t’oins roi sur Israël » (v. 3). Il laisse au fils des prophètes, prophète lui-même, sans lui dicter ses paroles, le soin de ce qu’il aura à y ajouter par l’Esprit.
Le jeune homme dévoile à Jéhu le jugement sans restriction de la maison d’Achab. Le motif de ce jugement est la manière dont le roi, sous la conduite de Jézabel, a traité les serviteurs de l’Éternel et ses prophètes (v. 7). Il arrive en effet toujours un moment où le Seigneur ramène en mémoire ce qui a été fait autrefois à « ses frères », que ce soit en Israël ou dans l’Assemblée chrétienne.
Le fait que le jeune prophète ajoute tout ce détail aux paroles d’Élisée, est très caractéristique pour la carrière et l’être moral de ce dernier. Pas une fois, sauf en Béthel, et nous en avons montré la raison, il ne prononce lui-même le jugement, quoiqu’il ait à traverser une scène où tout est jugement de la part de Dieu. Ce jugement doit mettre fin à la dynastie d’Omri pour accomplir la sentence prononcée sur Achab. Pour la même raison, l’Éternel avait déjà mis fin à la maison de Jéroboam, fils de Nebath (1 Rois 15:28-30) et à celle de Baësha (1 Rois 16:1-4), et chaque fois il répétait la terrible parole : « Celui qui mourra dans la ville, les chiens le mangeront, et celui qui mourra dans les champs, les oiseaux des cieux le mangeront » (1 Rois 14:11 ; 16:4 ; 21:24).
Le jeune homme s’enfuit, selon l’ordre donné par le prophète. Il n’y avait pas à revenir sur ce qui avait été décrété, pas d’explication à donner, ni d’avertissement, comme cela avait eu lieu pour Achab (1 Rois 21:27-29) ; le jugement était à la porte et devait s’exécuter incontinent.
Joram d’Israël (v. 11-15), blessé dans le combat, venait de quitter Ramoth de Galaad où Hazaël lui avait fait subir un échec, et s’était rendu à Jizreël pour y panser ses plaies. Pendant ce temps, les chefs de son armée se tenaient à Ramoth, continuant à occuper et à garder ce poste important, justement revendiqué par les rois d’Israël (conf. 1 Rois 22:3). Nous voyons ici comment Dieu a la haute main sur les événements et sur les hommes, quand est venu le moment d’accomplir ses décrets. À peine Jéhu a-t-il reçu l’huile de l’onction que, sans aucune entente préalable, car ils ne savent pas ce que le prophète qu’ils traitent de « fou » venait faire, tous les chefs acclament Jéhu comme roi. Étaient-ils eux-mêmes des sages, ceux qui, sans intelligence, sans raisonnement, sans choix, sonnent de la trompette et disent : Jéhu est roi, tandis que celui qui, malgré son jeune âge, venait, en pleine connaissance de cause, proclamer la pensée de Dieu, était traité par eux de fou ou d’imbécile ? De nos jours, on peut souvent remarquer la même anomalie. Le chrétien ayant la connaissance des pensées de Dieu, peut annoncer aux hommes, dans leur ensemble et leurs détails, les événements dont ce monde sera le théâtre ; les sages le traiteront de fou, jusqu’au jour où leurs yeux seront ouverts, mais trop tard, pour reconnaître la vérité de ce qui leur était annoncé.
Remarquons que Jéhu ne
« conspire contre Joram » qu’à la suite de sa proclamation à la royauté. Il prend
alors immédiatement des mesures pour que le roi ne reçoive à Jizreël aucune
nouvelle de ce qui s’est passé (v. 15). Ce caractère de Jéhu, composé d’une
grande impétuosité unie à beaucoup de prudence, de décision et de connaissance
des hommes, offre ample matière à l’étude. Notons ce trait : « Si c’est votre
pensée
, que personne ne s’échappe de la ville et ne sorte pour aller
raconter la nouvelle à Jizreël » (v. 15). Il engage avec art ses complices dans
une responsabilité collective, afin qu’en cas d’insuccès tout ne puisse pas
être mis à sa charge. La suite nous en fournira un second exemple. Mais c’est
là aussi que l’on peut constater son absence de piété et de dépendance de Dieu,
et son ambition qui met à profit la parole de l’Éternel pour s’assurer la
toute-puissance. Il ne pense qu’à lui-même, à son propre intérêt et à
l’assouvissement de ses passions ; il exerce le jugement pour s’en assurer
le bénéfice et recouvre tout cet égoïsme d’un manteau qu’il appelle « le zèle
pour l’Éternel ».
Dans l’intervalle, Achazia était descendu vers Joram pour lui exprimer sa sympathie au sujet de ses blessures. Malgré son apparence d’urbanité et de cordialité, cette liaison était odieuse à l’Éternel. La lampe, maintenue encore à la maison de David, était près de s’éteindre, si Dieu ne s’occupait à la nettoyer. Mais les relations de famille avec une race apostate avaient plus de valeur pour Achazia que la gloire du Dieu d’Israël. Des faits semblables se rencontrent souvent de nos jours. La famille de Dieu n’a cependant rien à gagner à de telles relations. Chaque fois qu’Israël tirait profit de l’amitié du roi de Juda, que lui donnait-il en échange ? La perte était toujours du côté de ceux qui, en quelque faible mesure, portaient encore le témoignage du vrai Dieu.
Jéhu s’en va à Jizreël. « Est-ce la paix ? » Telle est la grande question qui se pose. Le jugement est à la porte, que Joram ne sait pas encore si c’est la paix ou la colère qui viennent à lui. Que lui servent ses messagers et les précautions qu’il peut prendre ?Aucun de ses serviteurs ne reviendra l’avertir et le mettre sur ses gardes. La prudence de Jéhu y a pourvu. « Tourne et passe derrière moi », leur dit-il ; excellent moyen d’arriver à ses fins sans éveiller prématurément la défiance du roi. Mais Dieu a la haute direction de toutes choses, même de ce qui est absolument contraire à son caractère. Il est un Dieu de vérité ; ses voies sont droites et jamais détournées. Il a dit : « Il n’y a point de paix pour le méchant » ; il faut que sa sentence s’exécute.
« Jéhu conduit son char avec
furie ». Le grondement du tonnerre annonce l’orage pour tous, sauf pour Joram,
sourd à l’approche de la tempête, comme il l’avait été à la parole de la grâce,
prononcée si souvent devant lui. Il ne fait rien pour parer à son sort ;
il vient, avec Achazia, se réfugier au pied de l’arbre sur lequel la foudre va
tomber. Hélas ! tel est le sort des hommes. Ils cherchent
la paix en dehors de celle que Dieu offre à tous, et ne
trouvent qu’agitation, angoisse, et finalement le jugement de Dieu. « Paix, paix
à celui qui est loin, et à celui qui est près ! dit l’Éternel ; et je
le guérirai. Mais les méchants sont comme la mer agitée, qui ne peut se tenir
tranquille et dont les eaux jettent dehors la vase et la boue. Il n’y a pas de
paix, dit mon Dieu, pour les méchants » (És. 57:19-21). Il arrive aussi un
moment où les hommes « disent
paix » ; alors une ruine subite vient
sur eux. « Quelle paix… » répond Jéhu, « aussi longtemps que les prostitutions
de Jézabel, ta mère, et ses enchantements sont en si grand nombre ? » Joram
crie en s’enfuyant : « Trahison, Achazia ! » Non pas trahison, mais
jugement ! La parole de Dieu à Élie s’accomplit à la lettre : « Il
arrivera que celui qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir » (1
Rois 19:17). Jéhu frappe lui-même le roi Joram, puis il rappelle la prophétie
d’Élie à Achab (1 Rois 21:19-24), non pas avec les mêmes paroles, mais avec un
sens analogue. Misérable roi ! En quoi s’était-il confié ? En son
titre et sa dignité royale, comme on le voit par cette sortie qui le mène à sa
ruine ; en ses douze longues années de royauté, sans doute (et qui
songerait à une trahison après un règne aussi prolongé) ; à la fidélité de
ses sujets et de ceux qui l’entouraient. Vains appuis ! « Comme il est
détruit en un moment ! »
Qui donc a fait concourir toutes les circonstances à ce résultat ? Qui a fait partir Joram de Ramoth, y laissant Jéhu et ses capitaines ? Qui l’a conduit à Jizreël, sur la scène du péché d’Achab ? Qui l’a mené sur son char jusqu’à la vigne de Naboth ? Qui l’a laissé, gisant hors de la ville, à l’endroit même où le sang du juste avait coulé, et en proie aux oiseaux des cieux ? On ne peut s’y méprendre ; c’est la main de l’Éternel !
Achazia subit le même sort (v. 27-29), avec adoucissement toutefois, l’Éternel n’ayant pas encore rejeté définitivement la maison de Juda. Si « ce fut, de la part de Dieu, la ruine complète d’Achazia d’être venu vers Joram » (2 Chron. 22:7), il ne fut cependant pas abandonné aux bêtes des champs et aux oiseaux des cieux comme un vil criminel, mais on l’enterra dans son sépulcre, avec ses pères, dans la ville de David.
Jéhu entre à Jizreël (v.
30-37). Jézabel l’apprend et s’orne et se farde, dans sa confiance sauvage en
son triomphe. Elle veut lui montrer qu’elle ne le craint pas « avec sa troupe »,
car elle détient l’autorité et le pouvoir. Elle lui jette du haut de la fenêtre
ces paroles ironiques : « Est-ce la paix, Zimri, assassin de son
seigneur ? » Est-ce la paix pour toi ? Tu ne vaux pas mieux que Zimri,
assassin de Baësha. Il en remporta sept jours de règne, puis périt à la suite
de sa conspiration. Toutes ces pensées de mépris vibrent dans ces quelques
paroles. Jéhu lève la tête vers la fenêtre où se tient la reine et
s’écrie : « Qui est pour moi
? Qui ? » Et aux deux ou trois
eunuques qui d’en haut l’approuvent, il dit : « Jetez-la en bas. Et ils la
jetèrent, et il rejaillit de son sang contre la muraille et contre les
chevaux ; et il la foula aux pieds » (v. 33). On voit ici combien Jéhu est
étranger dans ses pensées à l’honneur et à la gloire de l’Éternel, tout en
connaissant le décret divin, et sachant qu’il en est l’exécuteur. On aurait pu
s’attendre à ce que la parole : « Qui est pour l’Éternel ? » sortît de
sa bouche, mais Dieu a peu de place dans les pensées de cet homme violent et
ambitieux. Même ce qui a été prophétisé par Élie à l’égard de Jézabel, scène à
laquelle il assistait (v. 25 ; cf. 1 Rois 21:23), ne lui revient pas à la
mémoire. Il dit : « Allez donc voir cette maudite, et enterrez-la, car elle
est fille de roi » (v. 34). Quand les hommes reviennent, n’ayant trouvé que
quelques misérables débris rongés par les chiens, il se souvient de la
prophétie, mais seulement quand elle est d’accord avec ses passions. S’agit-il
de régler sa conduite sur elle, il n’y prend pas garde.
Jéhu envoie un message à Samarie, dont les chefs, les anciens et les grands avaient la garde des soixante-dix fils d’Achab. « Maintenant », dit-il, « quand cette lettre vous sera parvenue, puisque vous avez avec vous les fils de votre seigneur, et que vous avez les chars et les chevaux, et une ville forte et des armes, regardez lequel des fils de votre seigneur est le meilleur et le plus apte, et mettez-le sur le trône de son père, et combattez pour la maison de votre seigneur » (v. 23). Cette lettre, sous sa forme généreuse, respire la menace d’un homme sûr de lui-même, ou tout au moins, voulant le paraître. À mesure qu’on avance dans ce récit, on découvre plusieurs traits du caractère de cet homme remarquable selon les pensées du monde. Impétuosité, promptitude de décision, coup d’oeil politique, connaissance et mépris des hommes, habileté à profiter des occasions ou à en faire naître, à s’imposer aux autres ou à s’en servir pour ses desseins, absence absolue de scrupules quand il s’agit de triompher des obstacles, et tout cela s’appuyant sur la conscience d’être un instrument de l’Éternel dans son oeuvre de destruction.
Les principaux de Samarie
prennent peur et se montrent prêts à une trahison et à un meurtre que Dieu ne
leur avait pas ordonné. Ils obéissent à Jéhu quand il leur dit : « Si vous
êtes à moi
et si vous écoutez ma voix, prenez les têtes des hommes, fils
de votre seigneur, et venez vers moi demain à cette heure-ci, à Jizreël » (v.
6). Toujours la même pensée que précédemment : Qui est pour moi ? Qui
est à moi ? Jéhu obtient ainsi l’avantage de faire accomplir ce massacre
par d’autres dont l’acte le justifie vis-à-vis des habitants de Jizreël. « Vous
êtes justes : voici, j’ai conspiré contre mon seigneur et je l’ai tué,
mais qui a frappé tous ceux-ci ? » (v. 9). Il proclame orgueilleusement sa
conspiration et son attentat, mais il a pour complices tous les grands et
capitaines d’Israël, qu’à force de hardiesse et d’arrogance il a contraints à
le servir. C’est lui qui, par son habileté, met de son côté tous les
conducteurs de ce peuple. Puis il ajoute : « Sachez donc que rien ne
tombera en terre de la parole de l’Éternel que l’Éternel a prononcée contre la
maison d’Achab ; et l’Éternel a fait ce qu’il avait dit par son serviteur
Élie » (v. 10). Il invoque l’infaillibilité de la parole de Dieu pour justifier
sa conduite, puis il frappe « tous ceux qui restaient de la maison d’Achab à
Jizreël, et tous ses grands, et tous ceux qui étaient de sa connaissance, et
ses sacrificateurs, jusqu’à ne pas lui laisser un réchappé » (v. 11). Ce n’était
pas proprement ce que l’Éternel avait dit (1 Rois 21:21-26). Jéhu outrepassait
ses ordres et sa mission, mais il était dans l’intérêt de sa domination que
toute sympathie pour Achab disparût d’Israël.
Lorsque la Parole nous
dépeint de tels caractères, souvenons-nous que Dieu est loin de nous exprimer toujours
son approbation ou sa
désapprobation des instruments qui servent à ses desseins. Il nous dira en quoi
Jéhu s’est bien acquitté de sa tâche et n’ira pas plus loin, laissant
l’appréciation de sa conduite à notre jugement spirituel, afin que nous en
tirions de l’instruction pour nous-mêmes. Que le lecteur se rappelle l’histoire
des Juges et la manière dont les actes des libérateurs d’Israël nous y sont
racontés. On pourrait multiplier les exemples, en prenant l’histoire de Jacob
et de tant d’autres. Que Dieu emploie un Jéhu ou un Samson pour accomplir ses
jugements, ne signifie nullement qu’il y ait chez ces hommes une foi vivante
, ou que l’état de leur coeur ait son approbation. Samson et
Barac sont nommés en Hébr. 11, parce qu’il ne s’agit pas, dans ce chapitre, de
la foi en elle-même,
mais de son activité,
ce qui est autre chose. Leur
conduite, je le répète, se discerne spirituellement, et voilà pourquoi le monde
ne comprend rien à ces exemples donnés par la Parole. En d’autres cas, surtout
lorsqu’il s’agit du roi,
Dieu nous
donne d’habitude son sentiment. Il juge en lui l’état de choses dont il est le
représentant responsable, et si Dieu ne le faisait pas, la justice de ses
jugements pourrait être mise en question, étant toujours laissée à notre
appréciation faillible.
Cette remarque trouve une application toute particulière dans le cas de Jéhu, qui est à la fois l’instrument de la colère de Dieu contre la maison d’Achab et celui auquel la royauté est confiée. Il reçoit d’un côté le témoignage de l’approbation de l’Éternel pour avoir exécuté ce qui était droit à ses yeux (10:30), et cela sans aucune restriction quant à son caractère moral ; de l’autre, au verset suivant (v. 31), sa conduite, comme roi, est sévèrement blâmée de l’Éternel. Quant au massacre de Jizreël, nous trouvons, en Osée 1:4, ce que Dieu en pense et quelle en est la conséquence : « Encore un peu de temps, et je visiterai le sang de Jizreël sur la maison de Jéhu, et je ferai cesser le royaume de la maison d’Israël ; et il arrivera, en ce jour-là, que je briserai l’arc d’Israël dans la vallée de Jizreël ».
Les frères d’Achazia, roi de Juda (v. 12-14), subissent le même sort que lui près de la cabane des bergers. En comparant 2 Rois 9:27-29, et 2 Chron. 22:7-9, nous apprenons qu’avant d’être frappé près de Meguiddo, Achazia s’était réfugié à Samarie et n’avait pas encore été arraché de sa retraite quand ses frères vinrent pour visiter les fils de Joram. Ce ne fut qu’après l’extermination de ses frères qu’Achazia fut amené à Jéhu, et subit cette « ruine de la part de Dieu » à la montée de Gur, mais pour aller mourir à Meguiddo, puis être transporté et enseveli à Jérusalem.
Si l’acte de Jéhu n’avait pas été ordonné de l’Éternel, il n’en est pas moins vrai que Dieu l’avait décrété. Ce passage nous offre une sérieuse leçon. S’allier, comme Achazia, à un monde sur lequel la colère divine est suspendue, c’est s’exposer à la ruine subite qui l’atteindra. Mais ceux qui, sans égard à la sainteté de Dieu, vont, ne fût-ce que resserrer les liens d’amitié avec ce monde, subissent un sort semblable. Les frères d’Achazia en portent la funeste conséquence. Il ne peut, il ne doit y avoir, pour ceux que Dieu appelle à conduire son peuple, aucune communion quelconque avec ce qu’il réprouve.
Nous trouvons, par contre, un exemple frappant de la séparation du mal chez Jonadab, fils de Récab (Jér. 35), qui vient à la rencontre de Jéhu (v. 15). Jonadab était de la race des Kéniens, entrés avec Israël en Canaan. Ils s’étaient divisés en plusieurs branches, la moindre dans l’extrême nord à Kédesh de Nephthali (Juges 4:11), la plus forte au désert de Juda qui est au midi d’Arad (Juges 1:16) ; une troisième enfin, subdivisée en plusieurs familles, dans les environs de Jahbets qui appartenait à Juda (1 Chron. 2:55). Nous ne savons ce qui amenait Jonadab du royaume de Juda dans celui d’Israël. Faisait-il partie de la suite des frères d’Achazia, ce que donnerait à penser la demande abrupte de Jéhu ? Quoiqu’il en soit, il n’avait aucun lien avec tout le mal qui l’environnait. Ses principes étaient ceux d’une séparation absolue pour Dieu, d’un véritable nazaréat et, ne pouvant les inculquer au milieu corrompu qui l’entourait, il les avait du moins enseignés à sa famille et à sa maison. Le cercle de son témoignage était restreint, en présence de l’infidélité envahissant comme une marée montante les deux maisons d’Israël, mais ce n’était pas moins un témoignage, et Dieu l’approuvait. Nous connaissons ces détails, d’après le chap. 35 de Jérémie. Les principes de Jonadab étaient ceux de tout vrai Nazaréen. 1° S’abstenir de vin qui représente les convoitises enivrantes du monde. 2° Ne pas bâtir de maison, c’est-à-dire ne pas s’établir ici-bas d’une manière permanente. 3° Ne pas semer de semence, comme si l’on devait attendre, ne fît-ce qu’une année de récolte. 4° Ne pas planter de vigne, c’est-à-dire ne pas cultiver ce qui mènerait tôt ou tard à l’abandon du nazaréat, et combien de croyants l’ont perdu pour n’avoir pas veillé sur ce point ! 5° Habiter sous des tentes, en vrais fils d’Abraham, comme pèlerins et voyageurs dans le pays de la promesse. Jonadab comprenait que cette terre donnée au peuple de Dieu n’était nullement sa possession actuelle, tant que subsistait la ruine morale du peuple et les bouleversements matériels qui en étaient la conséquence. Sa foi attendait encore un repos pour le peuple de Dieu ; lui et ses fils le témoignaient par leur attitude.
Il ne nous est pas dit à
quelle occasion Jonadab avait enseigné ces règles aux siens, mais comme la
seule et unique mention historique
qui
soit faite de lui se trouve dans notre chapitre, nous pouvons en inférer que la
vue du mal et de la ruine générale après les règnes glorieux de David et de
Salomon, lui avait fait sentir la nécessité d’une marche très étroite, et le
retour aux « choses du commencement » enseignées par les patriarches, en
contraste avec le relâchement qui l’entourait. Puissions-nous être aussi, dans
ces temps de la fin, de vrais enfants de Jonadab, fils de Récab, non pas, comme
cela est si d’usage aujourd’hui, par des pratiques extérieures qui laissent le
coeur éloigné de Dieu et par lesquelles Satan trompe les âmes, mais par la
conduite morale que ces pratiques symbolisaient sous l’économie de la
loi !
Jéhu salue Jonadab et lui dit : « Ton coeur est-il droit, comme mon coeur l’est à l’égard de ton coeur ? » Jonadab peut répondre : « Il l’est ». Mais il y a ici une différence. Son coeur était droit à l’égard de l’Éternel ; ses principes viennent de nous l’apprendre. Celui de Jéhu était droit à l’égard de Jonadab auquel il confie ses desseins, mais aurait-on pu dire qu’il était droit à l’égard de Dieu ? La suite nous le montrera. « Viens avec moi », dit Jéhu, « et vois mon zèle pour l’Éternel » (v. 16). Et cependant combien ce zèle était partagé ! S’il est entier, le serviteur de Dieu n’en parle guère, mais est plutôt disposé à s’écrier : Je suis un serviteur inutile. Qu’il y eût du zèle chez Jéhu, il n’en faut pas douter, mais dans quelle proportion était-il pour l’Éternel ? Saul de Tarse était un ardent zélateur des traditions de ses pères ; quant au zèle, il persécutait l’Église en croyant servir Dieu. Paul disait des Juifs, ses frères selon la chair, qu’ils avaient « du zèle pour Dieu, mais non pas selon la connaissance ». Il y avait certes plus de zèle véritable, plus de connaissance, plus de puissance dans la sainte séparation de Jonadab, que dans la marche impétueuse de Jéhu. Le v. 31 nous renseigne sur la valeur et la mesure du zèle de ce dernier.
Après avoir « frappé tous ceux qui restaient d’Achab à Samarie, jusqu’à ce qu’il l’eût détruit, selon la parole de l’Éternel qu’il avait dite à Élie » (v. 17), Jéhu s’en prend aux prêtres de Baal. Nous voyons encore là une prudence humaine, ne laissant rien à l’imprévu, jointe à une ruse qui n’est du reste pas le trait dominant de ce caractère (v. 19). En tout cas, ce n’est pas la marche simple et courageuse de la foi selon la vérité. Combien l’attitude de Jéhu diffère de celle d’Élie se tenant seul, dans une confiance inébranlable en l’Éternel, vis-à-vis de la puissance ennemie du roi, de tous les prêtres de Baal et d’un peuple « hésitant entre les deux côtés » — seul pour tenir tête à tous, parce que le Dieu auquel il se confiait était avec lui. Pas une ruse dans la scène du torrent de Kison ! L’autorité seule de la parole du prophète, suffit pour détruire tous les prêtres du faux dieu !
Ce n’est pas que Jéhu n’appréciât pas la parole de Dieu prononcée par Élie, mais il s’en tenait là. Hors les paroles du prophète qui le concernaient, il n’avait pas une connaissance réelle des pensées de Dieu. Il ne cite qu’Élie (9:25, 36 ; 10:17) ; il ne connaît que les jugements de Dieu. Il ne mentionne pas même Élisée dont il a pu suivre la carrière dès le commencement. La grâce n’a pas de prise sur son coeur. Rien n’est plus dangereux qu’une connaissance partielle des principes divins. Elle mènera toujours à une fausse application de ces principes et à une mauvaise marche. Jéhu croyait avoir tout accompli par son oeuvre d’extermination, et ne comprenait pas que tout le zèle imaginable ne valait pas un seul acte d’obéissance qui l’eût séparé de la religion de Jéroboam, fils de Nébath, par laquelle il fit pécher Israël.
Lors de l’extermination des prêtres de Baal, de leur temple et de leur idole, où Jéhu distribua les rôles à ses capitaines et à ses serviteurs avec tant d’esprit stratégique (v. 18-27), la manière d’agir de Jonadab, fils de Récab, fait ressortir le caractère de cet homme de Dieu. Jéhu lui a confié son plan ; il accompagne Jéhu, mais ne paraît (v. 23) que pour constater qu’aucun serviteur de l’Éternel ne se trouve confondu avec les serviteurs de Baal. N’est-ce pas un beau rôle, semblable à celui de Jérémie : « Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche » ? (Jér. 15:19). Jonadab était comme la bouche de Dieu en séparant d’abord sa propre maison, puis tous les vrais serviteurs de l’Éternel, de la masse corrompue et idolâtre.
Aujourd’hui comme alors, le travail qui sépare du monde et réunit ensemble les enfants de Dieu, car ces deux fonctions n’en font qu’une, a toute l’approbation du Seigneur, quoi que puissent dire le monde ou même les chrétiens qui désirent conserver des relations avec le monde. C’est aussi là que se trouve la puissance (Jér. 15:20). Élie possédait l’Esprit de Dieu qui opérait en lui une complète séparation du mal, et dont la puissance animait le prophète d’un saint zèle pour l’Éternel. Jéhu a le zèle sans l’Esprit, un zèle employant des moyens humains pour répondre aux ordres de Dieu. Aussi qu’arrive-t-il ? Si en apparence le résultat, l’extermination des prêtres de Baal, est le même du côté d’Élie et du côté de Jéhu, il est tout autre en réalité. Élie (tout en étant discipliné) continue son chemin dans la puissance de l’Esprit, semblable, au bout de sa carrière, à ce Christ qu’en type il représente, et il la termine glorieusement, enlevé au ciel par les chars et la cavalerie d’Israël. Jéhu, fougueux exécuteur du jugement sur d’autres, ne l’exerce en aucune manière sur lui-même et ne se détourne pas du mal et de l’idolâtrie pour servir Dieu seul. Les veaux de Jéroboam, religion nationale consacrée par l’usage, ne le scandalisent pas, car, à coup sûr, sa politique et les intérêts humains de son règne s’en accommodent parfaitement. Malgré cela, quelle appréciation équitable de la part de Dieu ! Il tient compte à Jéhu du fait qu’il « a exécuté ce qui était droit à ses yeux », en jugeant la maison d’Achab et lui donne, en raison de cela, une postérité sur le trône jusqu’à la quatrième génération.
D’autre part, quelle justice et quelle sainteté parfaite en Dieu ! Il emploie Hazaël, sa verge, pour frapper Jéhu. « En ces jours-là, l’Éternel commença à entamer Israël ; et Hazaël les frappa dans toutes les frontières d’Israël, depuis le Jourdain, vers le soleil levant, tout le pays de Galaad, les Gadites, et les Rubénites, et les Manassites, depuis Aroër, qui est sur le torrent de l’Arnon, et Galaad, et Basan » (v. 32-33). Du vivant de Jéhu, son royaume est entamé de tous côtés et surtout dans le domaine des tribus au delà du Jourdain. Ces malheurs sont le jugement de Dieu sur sa conduite. Ici, Dieu exprime son mécontentement, non par des paroles, mais par des actes qui ne semblent pas avoir atteint la conscience du roi.
Les chroniques des rois d’Israël (v. 34) contiennent, si elles se retrouvent jamais, les actes et toute la puissance de Jéhu, mais non pas ce qu’il était devant Dieu, ni le jugement de Dieu sur sa conduite comme roi.
Joakhaz, son fils, règne à sa place.
Athalie était petite-fille d’Omri, fille d’Achab, soeur de Joram d’Israël, femme de Joram de Juda et mère d’Achazia. Elle avait d’autres fils dont le plus grand nombre, sans doute, car ils étaient quarante-deux (10:14), appartenaient à d’autres mères. Il nous est dit d’eux et de leur mère : « Athalie, cette méchante femme, et ses fils, avaient dévasté la maison de Dieu, et toutes les choses saintes de la maison de l’Éternel, ils les avaient aussi employées pour les Baals » (2 Chron. 24:7). Est-il donc étonnant que Dieu eût permis leur extermination par Jéhu ?
Lorsqu’Athalie apprit la mort de son fils Achazia (les frères du roi avaient, comme nous l’avons vu, subi le même sort avant lui), cette femme ambitieuse, sans scrupules et sans affection naturelle, mit à mort tous les fils du roi, ses propres petits-fils, afin de s’assurer le royaume. Le jugement de Dieu passait comme un vent de tempête pour tout balayer en Israël et Juda. Les instruments de ce jugement étaient le zèle charnel de Jéhu, et l’iniquité du coeur idolâtre d’Athalie. L’un et l’autre produisent les mêmes résultats, le massacre et le meurtre ; ces instruments, et surtout Athalie, s’imaginent accomplir par là leurs desseins, mais ne sont en fin de compte que l’épée de l’Éternel, pour revendiquer par cette extermination la sainteté de son caractère. Seulement Dieu brisera l’épée quand elle aura accompli son oeuvre, et montrera en la brisant qu’il est un Dieu juste qui ne laisse pas le crime impuni.
La maison royale d’Israël est détruite sans qu’il en reste un seul homme, et Dieu recommence encore les essais de sa patience avec une nouvelle dynastie, celle de Jéhu. Mais il n’en est pas ainsi de la maison de Juda. Le Dieu fidèle tient sa parole, car il avait dit qu’il donnerait à David « une lampe pour ses fils à toujours » (8:19). Il se conserve, dans la personne de Joas, un faible lumignon qu’il n’éteint pas et par lequel une ère de bénédiction et de crainte de l’Éternel sera inaugurée pour le royaume de Juda. La longue patience de Dieu reculait encore le moment de rejeter ce peuple coupable.
Jehoshéba, fille de Joram de Juda et soeur d’Achazia, femme du souverain sacrificateur Jehoïada, dérobe Joas au massacre des fils du roi, et cache six ans son neveu auprès d’elle dans la maison de l’Éternel, c’est-à-dire dans la partie de la maison où demeuraient son mari et les sacrificateurs.
La présence de la semence de
David manifeste ce qui était selon le coeur de l’Éternel en Juda. Autour de
l’oint se groupe et se concentre tout ce qui peut concourir à une restauration
du peuple. Malgré tout le désordre, le lieu où l’Éternel faisait habiter son
nom subsistait encore, et le roi y était en sûreté sous Sa garde. Et, de plus,
un souverain sacrificateur fidèle pouvait marcher devant la face de son oint et
régler toutes choses selon la pensée de Dieu dont il avait le secret, en
l’absence d’une royauté reconnue
.
La septième année, vraie année de jubilé et de délivrance, Jehoïada montre le fils du roi aux officiers de l’armée. Il les prépose, avec les plus minutieuses précautions, à la garde de cette personne sacrée, de ce précieux joyau, sans lequel la maison de David s’éteindrait. Cet objet inviolable, nul profane ne pourra l’approcher sans encourir la mort ; ses satellites l’accompagneront à son entrée et à sa sortie. On sent que le coeur de Jehoïada brûlait pour le fils de David, son unique espérance et celle du royaume ; le perdre, c’était tout perdre, et il ne voulait à aucun prix se le laisser enlever.
Jehoïada n’est-il pas pour nous un exemple ? Souffrirons-nous, en ces temps fâcheux, plus périlleux, malgré les apparences, que ceux d’Athalie, qu’on touche parmi nous à la personne du Fils de Dieu ? Entourons-le, chacun, ses armes à la main. Nos armes ne sont pas charnelles ; elles sont l’épée de l’Esprit, la parole de Dieu. Serrons-nous autour de Lui, ne fussions-nous que quelques-uns, et Dieu sera avec nous, comme il le fut avec le groupe fidèle qui entourait Joas, et les efforts de l’ennemi pour détruire le nom du saint Fils de Dieu et anéantir son témoignage seront déjoués.
Jehoïada, pour défendre la royauté, recourt aux armes de David. « Il donna aux chefs de centaines les lances et les boucliers qui avaient appartenu au roi David, et qui étaient dans la maison de l’Éternel » (v. 10). Il retournait ainsi à l’origine de l’institution divine de la royauté. Ces armes étaient bonnes et conservées dans la maison de Dieu. De même, nous aussi, nous avons à défendre « ce qui était au commencement », avec la Parole « que nous avons entendue dès le commencement ». Cette Parole, nous n’allons pas la chercher dans les arsenaux humains, mais dans le temple de Dieu. Elle y est cachée dans le lieu très saint, où l’Esprit de Dieu seul peut nous la révéler et nous la faire saisir.
Dès lors, on fait sortir Joas à l’entrée de la maison, dans le parvis. Le fils du roi a sur lui l’onction qui le consacre, la couronne, signe de sa dignité royale, et « le témoignage », cette loi dont le roi, assis sur le trône, devait faire une copie pour lui et d’après laquelle il apprenait à craindre l’Éternel et à garder ses statuts (Deut. 17:18-20).
Malgré la pauvreté
environnante et l’envahissement de l’apostasie, que manquait-il de fait
à cette restauration ? Le
temple de Dieu, son habitation au milieu des siens, était là, le souverain
sacrificateur, intermédiaire entre l’Éternel et le peuple, était là, le fils de
David était là, sans doute reconnu seulement de quelques-uns, mais bientôt
acclamé de tout un peuple ; l’onction, le Saint Esprit, était là, et un
faible résidu acclamait l’oint de l’Éternel et l’entourait, comme les hommes
forts de David avaient jadis entouré le roi.
Pour Athalie (v. 13-16), la restauration de la royauté selon Dieu était une conspiration. Elle crie conspiration, comme Joram d’Israël avait crié trahison. Ni l’un, ni l’autre, ne peuvent un instant faire valoir leurs droits. Joram tombe sous la verge de Dieu, Athalie ne peut revendiquer ces droits, quand le moment arrive où l’élu de l’Éternel est manifesté. Il en sera de même des ennemis de Christ devant les jugements et devant l’apparition de la gloire de son royaume. Mais quelle joie pour le coeur de Jehoïada et de son épouse fidèle ! Ils avaient attendu patiemment, pendant tout un cycle d’années, le moment de l’Éternel pour la manifestation de son oint ; ils ne s’étaient pas laissé décourager, ni pousser par l’impatience, à se servir de moyens humains pour faire triompher la cause du roi. Pendant ces longues années, ils avaient vécu dans le secret avec l’objet précieux de leur espérance, et recueillaient enfin les résultats glorieux de leur foi. Imitons leur patience. Notre Joas est encore dans le lieu secret du sanctuaire. Apprenons là, de jour en jour et d’année en année, à le mieux connaître ; qu’il y grandisse à nos yeux ; bientôt il apparaîtra et tous jouiront de cette vue, mais quelques-uns aujourd’hui, comme Jehoïada et sa femme, pour avoir vécu avec Lui, quand il était encore invisible, auront porté, en attendant sa gloire, les rayons de son aurore, comme l’étoile du matin levée dans leurs coeurs !
« Et Jehoïada fit une alliance entre l’Éternel et le roi et le peuple, qu’ils seraient le peuple de l’Éternel, — et entre le roi et le peuple » (v. 17). Une alliance suppose deux parties : ici, sous la loi, elles s’engagent mutuellement, l’Éternel d’un côté, le roi et le peuple de l’autre. C’est comme si le roi répondait pour le peuple, et le peuple pour le roi, comme ne formant qu’un tout vis-à-vis de l’Éternel. Mais cet engagement est rendu plus solennel encore par l’alliance entre le roi et le peuple. Tous deux s’engagent mutuellement à suivre le même chemin. « Et tout le peuple du pays entra dans la maison de Baal, et ils la démolirent ; ses autels et ses images, ils les brisèrent entièrement ; et ils tuèrent devant les autels Mathan, sacrificateur de Baal » (v. 18). C’est une communauté de zèle pour Dieu. Il n’est nul besoin des ruses et des artifices de Jéhu (10:18-27), pour extirper Baal de Juda. On voit ici l’action puissante de l’Esprit de Dieu dans un peuple, bien plus bénie, en somme, que l’action d’un seul homme, alors même que, de fait, il accomplit la volonté de Dieu. Jéhu avait conçu son plan tout seul et en confiait l’exécution aux coureurs et aux capitaines. Ici, le peuple tout entier, revendiquant son titre de peuple de l’Éternel, lié intimement au roi que Dieu lui a donné, extirpe Baal, sa maison et son culte, et pour 180 ans environ, jusqu’à l’impie Manassé, cette abominable idolâtrie disparaît de la maison de Juda.
Jéhu avait assemblé tout le
peuple pour lui parler avec ruse, n’ayant sans doute pas confiance en leurs
dispositions. Ici, le peuple agit en
vertu de l’alliance
, et c’est
par là qu’il faut commencer. Le zèle de Jéhu n’avait pas rétabli l’alliance,
tout en détruisant Baal, et il ne va pas au delà. L’ancienne idolâtrie, les
veaux de Jéroboam subsistent pour lui, tandis que la nouvelle est extirpée. Il
en est toujours ainsi quand la chair a part aux réformes. Elle ne peut remédier
à l’abandon de Dieu qui la caractérise dès l’origine, sinon elle ne serait plus
la chair. L’homme naturel, et cela se passe chaque jour sous nos yeux, peut
bien extirper une idole, que ce soit le vin ou tout autre vice, mais pour faire
paraître à la place, et mettre d’autant plus en relief, l’idolâtrie de
lui-même, sa propre justice et son absence de conscience à l’égard de Dieu,
d’un Dieu qu’il prétend, comme Jéhu, servir avec zèle.
Athalie est conduite dans la
maison du roi par le chemin de l’entrée des chevaux, pour y être mise à mort.
Joas entre par un autre chemin, celui des coureurs, afin de s’asseoir
paisiblement sur le trône de David. Il ne faut pas que le chemin de ce trône
soit souillé par le sang. Il n’en fut pas ainsi de Jéhu vis-à-vis de Jézabel.
Le sang de cette dernière rejaillit contre la muraille et contre les chevaux,
et Jéhu, la foulant aux pieds, entra dans la maison pour manger et pour boire
(9:33-34) ; aussi toute cette scène, quoique décrétée par Dieu,
respire-t-elle « la furie » de celui qui en est l’auteur. En Juda, tout se passe
dans le calme solennel et dans la conscience de la présence de Dieu, entretenue
par le souverain sacrificateur. C’est avec l’Éternel que les âmes ont à faire,
pour lui qu’elles agissent, son honneur qu’elles recherchent, car, sans ces
mobiles, il ne peut jamais y avoir une purification ou une restauration
complètes. En Juda, cette présence de Dieu, agissant sur la conscience du
peuple, amène après la purification, un résultat béni : « Tout le peuple du
pays se réjouit, et la ville fut tranquille » (v. 20). La joie
et la paix
sont le
partage des âmes qui, pour plaire à Dieu et pour le servir, se sont séparées de
ce qui le déshonore.
L’état dont nous venons de parler ne dura pas. Le règne de Joas est un triste exemple, donné par la Parole, d’un heureux commencement dans la puissance de l’Esprit de Dieu et d’une fin où s’évanouit tout ce que le début avait fait espérer. Fait exceptionnel, les Chroniques nous exposent en détail l’infidélité finale de Joas, tandis que les Rois, sans doute pour établir le contraste entre le culte du vrai Dieu, rétabli en Juda, et la religion idolâtre d’Israël, ne nous parlent que du commencement heureux et béni de ce règne. Commençons donc par celui-ci, mais examinons d’abord ce qui, dans le caractère de Joas, put l’amener à renier complètement les principes qui caractérisaient le début de sa carrière.
Les premiers mots de notre
récit nous renseignent à cet égard. « Joas fit ce qui est droit aux yeux de
l’Éternel, tous les jours que Jehoïada, le sacrificateur, l’instruisit » (v. 2).
Joas, élevé dès ses plus tendres années dans la loi de l’Éternel, gardé avec
une pieuse sollicitude de toute tentation extérieure, par les soins de Jehoïada
et de Jehoshéba, doué d’un caractère facile, brillant plus par la soumission
que par l’énergie, subissant les bonnes influences tant qu’elles prévalaient,
mais en danger, par manque de « vertu », de subir les influences mauvaises. —
Joas s’était habitué depuis l’enfance à jouir de relations avec Dieu par un
intermédiaire, sans éprouver le besoin d’une communion directe
avec
l’Éternel. Non que l’esprit d’initiative lui manquât ; le courant de piété
dans lequel il était engagé le rendait capable, à l’occasion, de reprendre le
souverain sacrificateur lui-même (v. 7), mais la direction immédiate de
l’Esprit de Dieu lui faisait défaut.
Les enfants des chrétiens offrent souvent ce spectacle. La foi de leurs parents guide leurs premiers pas, chose légitime et approuvée de Dieu. Ils montrent plus tard une foi réelle, mais non dépouillée de ses premières habitudes et regardant à l’homme plutôt qu’à Dieu lui-même. Leur conscience n’a pas été profondément exercée quant à l’état de péché de l’homme et à son éloignement naturel de Dieu. Ils croient ce qu’ils ont toujours cru, et cependant on ne peut douter qu’ils n’aient la vie. Leur conduite ne laisse rien à désirer et ils ont un véritable intérêt pour les choses de Dieu. La Parole ne leur est pas inconnue, et l’on voit un Joas rappeler même au souverain sacrificateur « le tribut de Moïse, serviteur de l’Éternel, imposé à la congrégation d’Israël pour la tente du témoignage » (2 Chron. 24:6). Mais l’heure de leur émancipation spirituelle n’a pas encore sonné, quand depuis longtemps cela aurait dû avoir lieu. Une connaissance et une piété réelles ne remédient pas aux relations directes de l’âme avec le Seigneur. Le chrétien doit les rechercher avant tout. Des milliers d’âmes pieuses restent à l’état d’enfance, dépendant de leurs parents d’abord, plus tard de leurs « conducteurs spirituels », au lieu de dépendre de Dieu et de la Parole. Que le conducteur disparaisse, leur piété disparaît avec lui ; qu’il se détourne, leur âme se détourne après lui. Quelque aimables que soient certains traits de cette piété, puissions-nous en être gardés, surtout dans les temps fâcheux que nous traversons. Méditons souvent cette parole de l’apôtre, adressée aux « petits enfants » : « Vous avez l’onction de la part du Saint et vous connaissez toutes choses » (1 Jean 2:20, 26-27). Non pas que l’obéissance aux conducteurs doive faire défaut. Les chrétiens doivent obéir à leurs conducteurs et être soumis, parce qu’ils « veillent sur leurs âmes » ; l’apôtre leur recommande aussi de se souvenir des conducteurs qui leur ont « annoncé la parole de Dieu », mais cela n’implique nullement qu’il leur faille être soumis à tous sans discernement, et encore bien moins qu’ils ne doivent pas, pour être gardés, chercher la communion directe et immédiate du Seigneur. Joas, lui, obéissait aux conducteurs indistinctement, qu’ils fussent Jehoïada ou les princes — et ce fut sa ruine.
Les conducteurs peuvent changer et faillir, Christ seul ne change pas : Il est le même, hier, aujourd’hui et éternellement ; il est « le grand Berger des brebis ». C’est à Lui que nous devons nous attacher. Telle est une des sérieuses instructions que nous offrent le caractère et la carrière de Joas.
Dès le début de son règne, une chose, en apparence secondaire, annonçait déjà le déclin : « Seulement les hauts lieux ne furent pas ôtés ; le peuple sacrifiait encore et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux » (v. 3). Dès le règne de Salomon, la présence des hauts lieux était tolérée, non qu’elle fût au début, avant l’érection du temple, une idolâtrie manifeste. Salomon sacrifiait à Dieu sur le principal haut lieu de Gabaon (1 Rois 3:2-4) ; mais déjà le peuple, encouragé par l’exemple du roi, y voyait autre chose, et ses pensées superstitieuses ou idolâtres, montaient avec l’encens qu’on y faisait fumer. Par les hauts lieux, Roboam, fils de Salomon, laisse une idolâtrie éhontée s’emparer de son royaume. Dès lors, aucun des rois fidèles de Juda n’avait eu le courage de les abolir. Asa, dont « le coeur fut parfait avec l’Éternel, tous ses jours », ne les ôte pas (1 Rois 15:14). Josaphat, qui « marcha dans toute la voie d’Asa, son père ; il ne s’en détourna pas, faisant ce qui est droit aux yeux de l’Éternel », les laissa subsister (1 Rois 22:43-44). Il n’est pas parlé des hauts lieux à propos d’Abijam, fils de Roboam, de Joram de Juda, et d’Achazia, parce que ces rois impies suivirent la voie des rois d’Israël et commirent de bien pires idolâtries que celle-là. Le même fait, mentionné au sujet de Joas, se renouvelle dans notre livre pour Amatsia, son fils, quoiqu’il fît ce qui est droit aux yeux de l’Éternel (14:3-4) ; pour Azaria (ou Ozias), fils d’Amatsia (15:3-4) ; pour Jotham, fils d’Ozias (15:34-35) ; tandis qu’Achaz, fils de Jotham, qui suivit la voie des rois d’Israël, se servit des hauts lieux pour son abominable idolâtrie (16:3-4). Avec Ézéchias et la première restauration véritable de Juda, les hauts lieux disparaissent enfin (18:4). L’impie Manassé, son fils, les rebâtit (21:3) ; Ammon, fils de Manassé, suit la voie de son père. Enfin Josias, lors de la seconde restauration, ne se contente pas de les ôter comme le pieux Ézéchias, mais les détruit de fond en comble, les souille et remplit d’ossements les lieux où ils étaient (23:8, 13, 14). Cette destruction fut si complète, qu’aucun des mauvais rois qui suivirent n’eut la possibilité de les réédifier. De fait, un seul roi en Juda, Josias, et cela vers la fin de l’histoire du peuple, a extirpé définitivement ce mal et ce danger permanent pour le peuple de Dieu. Ces temps de la fin, ces temps de ruine correspondant aux nôtres, nous donnent de tels exemples. Si, comme aux jours de Josias, le témoignage actuel de Dieu a beaucoup moins d’importance et d’étendue aux yeux des hommes, s’ils le considèrent même, selon leur expression, comme une quantité négligeable, il n’en est pas de même aux yeux de Dieu. Le témoignage d’un Ézéchias ou d’un Josias est enregistré dans son « livre de mémoire », et quand même ce témoignage ne met qu’une digue momentanée au cours du déclin et un retard à l’exécution du jugement, il fait ressortir le caractère de Dieu dans ce monde et sert de moyen de salut ou d’édification à bien des âmes.
Le premier souci de Joas fut le temple de l’Éternel, le lieu de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Quand il y a un réveil de piété, cet objet négligé acquiert une valeur toute nouvelle. Les enfants de Dieu éprouvent le besoin de se grouper là où il a plu au Seigneur de faire habiter son nom, et de mettre en honneur par leur activité, leur dévouement et toute leur conduite, sa présence au milieu des siens.
« Et Joas dit aux sacrificateurs : Tout l’argent des choses saintes qui est apporté dans la maison de l’Éternel, l’argent de tout homme qui passe par le dénombrement, l’argent des âmes selon l’estimation de chacun, tout argent qu’il monte au coeur de chacun d’apporter dans la maison de l’Éternel, que les sacrificateurs le prennent, chacun de la part des gens de sa connaissance, et qu’ils réparent les brèches de la maison, partout où il se trouvera des brèches » (v. 4-5).
Comme nous l’avons dit plus haut, on voit ici chez Joas une connaissance exacte de cette loi de l’Éternel qui avait été « mise sur lui » à son couronnement. Bien des sommes devaient être employées, selon l’ordre du roi, à la restauration du sanctuaire. D’abord, « l’argent des choses saintes qui est apporté dans la maison de l’Éternel ». Il comprenait tous les cas, mentionnés par Moïse, de dons volontaires et « d’esprit libéral » pour l’édification du sanctuaire (Ex. 35:5, 20-29 ; Nomb. 7). Dans cette catégorie peut entrer l’argent du butin (Nomb. 31:25-54). L’argent du rachat et du dénombrement constituait la seconde catégorie (Ex. 30:11-16 ; Nomb. 3:44-51). — Enfin, l’argent des âmes selon l’estimation de chacun, consistait en tout don volontaire et qui n’était prescrit par aucune loi ni ordonnance. Cela avait eu lieu à différentes reprises, comme nous le montrent quelques-uns des passages cités. La chose importante pour Joas était de remonter au « tribut de Moïse, serviteur de Dieu, imposé à Israël dans le désert » (2 Chron. 24:9), et de ne pas s’écarter de la parole de la loi, quand il s’agissait de remettre en honneur la maison de Dieu et tout ce qui s’y rapportait. Il en est de même de nos jours. Pas plus que pour Joas, il n’est question pour nous de recommencer à bâtir la maison, de refaire une nouvelle Église, mais seulement de réparer ses brèches et, pour cela, Dieu ne nous abandonne pas à notre initiative qui ne ferait qu’ajouter aux maux anciens des brèches nouvelles. Nous aussi, nous avons, dans la parole de Dieu, notre tribut de Moïse, l’indication de ce que Dieu attend de nous, et si nos coeurs sont « de bonne volonté », ils ne chercheront qu’une chose, les intérêts de Christ et de la maison de Dieu ici-bas.
Si Joas est à ce moment-là rempli de zèle, il ne le rencontre pas au même degré dans la sacrificature, et même chez le pieux Jehoïada qui en est le chef. Les sacrificateurs emploient à leur usage les dons qu’ils tirent des gens de leur connaissance (v. 7, 8) ; non pas qu’ils n’eussent droit à vivre de l’autel, mais leurs intérêts primaient dans leur coeur ceux de l’Éternel et de sa maison, et leur conduite le démontrait. Ils vivaient des dons et la maison de Dieu gardait ses brèches. Jehoïada lui-même les laissait faire sans protester. On voit plus bas (v. 15), que des personnes sans caractère officiel, depuis ceux qui étaient préposés aux travaux jusqu’aux charpentiers et aux maçons, « agissaient fidèlement », bien plus que les sacrificateurs eux-mêmes. Exhortons-nous, d’après l’exemple de ces hommes, à montrer le même coeur à l’ouvrage et « toute bonne fidélité » dans le service qui nous est confié, afin « d’orner en toutes choses l’enseignement qui est de notre Dieu Sauveur ».
D’autre part, ceux qui avaient l’argent en main, pour le distribuer aux ouvriers, ne montraient à leur égard aucune défiance, car ils reconnaissaient le désintéressement mis au jour par toute leur conduite. Ainsi régnait une heureuse communion entre tous, et rien ne venait entraver la marche régulière du travail. Un tel résultat se produit toujours quand les intérêts de la maison de Dieu, au lieu d’être rélégués au second plan, sont considérés comme la chose capitale.
Malgré cela, les besoins des sacrificateurs n’étaient point oubliés. Certaines sommes (l’argent pour le délit et celui des sacrifices pour le péché) n’étaient point versées dans le coffre placé à l’entrée de la maison de l’Éternel, et restaient affectées à la sacrificature (v. 16) ; il était ainsi pourvu à tout avec ordre et mesure.
Entre les versets 16 et 17, s’intercale le récit de 2 Chron. 24:17-22, c’est-à-dire la chute de Joas, allant jusqu’au meurtre du prophète Zacharie, fils de Jehoïada. Il sera temps de méditer cette triste année finale d’un si beau règne, quand nous en viendrons aux livres des Chroniques ; mais elle suffit pour anéantir les fruits du témoignage de Joas.
Hazaël, roi de Syrie, verge de Dieu, monte contre Jérusalem, après s’être emparé de Gath située au pied des montagnes de Juda et qui formait la clef du pays du côté des Philistins. Joas, pour payer sa rançon à Hazaël, lui envoie toutes les choses saintes de la maison de Dieu. Qu’était devenu son beau zèle pour tout ce qui appartenait à l’Éternel ? D’après 2 Chron. 24:23-27, cela n’empêche pas même Hazaël de faire acte de présence à Jérusalem avec un petit nombre d’hommes, à la honte et à l’opprobre de la grande armée de Joas, sans force, parce qu’il avait abandonné l’Éternel, le Dieu de ses pères. Tous les chefs du peuple qui avaient incité le roi au mal et conspiré contre Zacharie, sont mis à mort, et ainsi s’accomplit la parole prononcée par le prophète mourant : « Que l’Éternel regarde et redemande ! » Joas lui-même, laissé par l’ennemi « dans de grandes maladies », est tué par ses serviteurs, un Ammonite et un Moabite, qui conspirent contre lui, instruments inconscients de la justice divine qui vengeait aussi sur le roi le sang du fils de Jehoîada, selon la parole du prophète.
L’Éternel accomplit la promesse faite à Jéhu : « Tes fils, jusqu’à la quatrième génération, seront assis sur le trône d’Israël » (10:30). Joakhaz succède à son père. Le deuxième livre des Chroniques qui nous donne l’histoire de la famille de David, ne fait aucune mention de Joakhaz, parce qu’il n’y eut pas de rapports entre ce roi et Juda. Quand ces rapports n’existent pas, le livre les passe sous silence. Joakhaz ne se détourne pas plus que son père des péchés de Jéroboam et même l’ashère, idole de la Vénus phénicienne, dont le culte impur avait été inauguré par Achab à Samarie (1 Rois 16:33), est maintenue dans la capitale d’Israël. Aussi la verge de Dieu, dans la personne de Hazaël et de Ben-Hadad, son fils, continue à s’abattre sur les dix tribus.
Cependant, quelle miséricorde
dans le coeur de Dieu ! Il suffit que Joakhaz, sans que son coeur soit
aucunement changé, implore l’Éternel pour qu’il réponde, ému par la misère et
l’oppression d’Israël. « Et Joakhaz implora l’Éternel, et l’Éternel l’écouta,
car il vit l’oppression d’Israël, car le roi de Syrie les opprimait ». Il prend
en considération le moindre mouvement vers lui d’une âme malheureuse. Dieu est
très facile à trouver. Qui pourra dire désormais qu’il l’a recherché en vain,
quand l’homme le plus impie, s’il se tourne un instant vers lui, reçoit une
réponse ? « Et l’Éternel donna à Israël un sauveur
,
et ils sortirent de dessous la main de
la Syrie ; et les fils d’Israël habitèrent dans leurs tentes comme
auparavant » (v. 5). Ce sauveur apparaît, comme nous allons le voir, dans la
personne de Joas, fils et successeur de Joakhaz. Le peuple peut enfin jouir de
quelque tranquillité. S’il en avait rapporté le bienfait à Dieu, cette
bénédiction eût été durable, mais « ils ne se détournèrent point des péchés de
la maison de Jéroboam… ils y marchèrent » (v. 6). C’est une remarque constante
que le monde jouit volontiers des bienfaits de Dieu sans se soucier en aucune
manière de le servir.
Joas, fils de Joakhaz et petit-fils de Jéhu, règne seize ans, les trois premières années en même temps que Joas de Juda, dont le règne dura quarante ans. Non seulement il ne se détourne d’aucun des péchés de Jéroboam, mais « il y marche » (v. 11), la Parole nous indiquant ici qu’il les prend comme règle de conduite. Ces rois d’Israël qui, l’un après l’autre, suivent le même chemin, ont des motifs bien puissants et faciles à distinguer pour agir ainsi. De fait, leur autorité et la possession du royaume étaient, humainement parlant, liées à un culte qui les séparait du culte de Juda avec le temple et Jérusalem pour centre. Retourner au culte de l’Éternel, c’était abandonner leur domination, se soumettre à la famille de David et renoncer à leurs prérogatives royales. Leurs pensées n’avaient naturellement aucun rapport avec celles de Dieu. Le jugement de l’Éternel avait séparé les dix tribus de la maison de David. Si elles étaient restées fidèles au Seigneur il leur aurait, sans doute, enseigné la manière d’allier son culte avec la privation du temple, mais, bien plutôt, en les séparant pratiquement de Juda, il pouvait les garder en rapport religieux avec le temple de Jérusalem. Cela est d’autant plus frappant dans le cas de Joas d’Israël, que, plus tard, Dieu livra entre ses mains le roi de Juda et Jérusalem. S’il avait eu quelque souci de l’Éternel, l’occasion lui était offerte ainsi de renouer le lien religieux avec le temple de Dieu, rompu par Jéroboam. Plus tard encore, Josias, ce roi fidèle de Juda, nous fournit un autre exemple. Sans prétendre reconquérir la prérogative royale sur Éphraïm, il devint, par son zèle, le restaurateur du culte de l’Éternel parmi ceux qui, des dix tribus, avaient échappé à la captivité (23:15-20).
Quant à la puissance de Joas
d’Israël, elle fut grande ; son règne eut de l’importance, et il accomplit
beaucoup de choses, mais il vécut sans Dieu, et que reste-t-il de lui ?
Comme de tant d’autres dominateurs des hommes, il ne reste à son sujet que
cette parole : « Celui-ci était
né
là » (Ps. 87:4).
Il y eut cependant dans la vie de Joas d’Israël (v. 14-21), un point lumineux, comme dans celle de Joakhaz. Ce dernier, en un temps d’oppression et de misère, implora l’Éternel qui lui répondit. Joas alla visiter Élisée mourant et pleura sur son visage. À ce moment, les circonstances étaient encore aussi difficiles pour lui que pour son père. Hazaël, et après lui son fils Ben-Hadad, faisaient peser lourdement leur joug sur Israël. Le « sauveur d’Israël » n’était pas encore manifesté dans la personne de Joas. La grâce seule de Dieu pouvait le consacrer à cette oeuvre ; mais, en attendant, le prophète, dispensateur de cette grâce, allait mourir. Avec lui disparaissait le dernier moyen de délivrance pour le peuple. Qu’allait devenir Israël sans lui ? Le roi gémit, pleure sur le visage d’Élisée, et s’écrie : « Mon père, mon père, char d’Israël, et sa cavalerie ! » Se souvenant de la parole du prophète lors de l’enlèvement d’Élie, il exprime ainsi la douleur de le perdre. N’était-il pas digne de monter au ciel comme Élie, lui, Élisée, le prophète de la grâce, qui allait mourir ? Le roi témoigne en même temps par ces paroles qu’Élisée a pour lui la valeur qu’Élie avait pour Élisée. Si le seul agent de bénédiction entre Dieu et Israël devait mourir, toute bénédiction était donc perdue pour ce peuple opprimé. Le coeur de Joas se déchire. Sentiment superficiel peut-être, en tout cas bien peu durable, mais qui attire sur ce sectateur idolâtre la sympathie du coeur de Dieu. Il avait promis un sauveur à Israël ; Joas serait ce sauveur. S’il n’était pas descendu vers Élisée, toute délivrance eût été empêchée, toute victoire impossible.
Remarquons un fait intéressant : nous avons ici deux histoires de Joas, se terminant chacune par un résumé qui reproduit les mêmes paroles (v. 12-13 et 14:15-16). La première histoire contient le caractère général du roi, la seconde sa victoire sur la Syrie et sur Juda. Entre ces deux divisions, nous trouvons la fin de la carrière d’Élisée, et ce qui a pu faire de ce mauvais roi un instrument de délivrance pour son peuple. C’était la grâce. Dieu la montre partout et aussi longtemps qu’il la peut montrer. La grâce fait ses délices d’une âme où brille un éclair de repentance, ou le simple soupir d’un coeur oppressé ; et les moments comptés du prophète sont encore employés à ranimer, fût-ce un instant, par son dernier souffle, la petite étincelle de vie qui reste encore au coeur du roi, ce tison noirci.
Remarquons encore que la
parole dite à Élie : « Celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le fera
mourir », ne s’accomplit, et cela prophétiquement, qu’aux derniers moments de la
vie du prophète. Il est si peu prophète de jugement qu’il ne l’exerce qu’en figure,
et ce jugement même n’est
autre chose que le salut d’Israël et sa délivrance du joug de la Syrie. Ainsi,
comme nous l’avons vu tout le long de son histoire, Élisée ne perd jamais son
caractère de grâce, mais pour communiquer la grâce à son peuple il faut qu’il
meure, et c’est ce que nous allons trouver dans le passage qui nous occupe.
Si Joas devient un sauveur pour Israël, ce n’est nullement que, par lui-même ou en lui-même, il mérite ce titre. Son coeur n’est pas changé, son impiété demeure, mais Dieu veut bien l’employer comme instrument d’un salut dont la mort de l’homme de Dieu est le point de départ. « Élisée lui dit : Prends un arc et des flèches. Et il prit un arc et des flèches. Et il dit au roi d’Israël : Mets ta main sur l’arc. Et il y mit sa main. Et Élisée mit ses mains sur les mains du roi et dit : Ouvre la fenêtre vers l’orient. Et il l’ouvrit » (v. 15-17). Le roi n’a qu’à suivre la parole d’Élisée et ne doit avoir aucune initiative ; mais, plus encore, ce sont les mains d’Élisée qui dirigent les mains du roi, qui s’identifient avec le jugement de Ben-Hadad, mais en même temps avec le salut que ce jugement opérera pour Israël. Les mains d’Élisée sont celles du sauveur du peuple, sans elles il n’y aurait pas de délivrance. Le prophète est ici le représentant de l’Éternel ; il faut qu’il soit prouvé que tout vient de Lui.
« Et Élisée dit : Tire ! Et il tira. Et il dit : Une flèche de salut de par l’Éternel, une flèche de salut contre les Syriens ; et tu battras les Syriens à Aphek, jusqu’à les détruire » (v. 17). Le roi tire sa flèche vers l’orient ; rien ne se fait sans la parole de Dieu. Joas ne peut rien y comprendre, il faut que le prophète lui explique ce dont il s’agit. Il est nécessaire que Joas sache qu’il est un instrument dénué d’action, sans valeur en lui-même, quand Dieu condescend à l’employer.
« Une flèche de salut ! » Tel est le plan général. Nous trouvons ensuite le détail de la défaite des Syriens. « Et il dit : Prends les flèches. Et il les prit. Et il dit au roi d’Israël : Frappe contre terre. Et il frappa trois fois et s’arrêta » (v. 18). La destruction de la Syrie dépend du degré de foi, de zèle, de confiance en Dieu que Joas va montrer. Il va être démontré si cet instrument peut devenir par lui-même un moyen de complète délivrance pour Israël. Hélas ! quand il s’agit de tirer contre terre, sans que les mains d’Élisée couvrent ses mains, quand en un mot il est laissé à ses propres ressources, le roi frappe trois fois la terre de ses flèches et s’arrête. Devant tant de grâce et de condescendance de la part de Dieu, l’homme se montre non seulement insuffisant, mais incrédule. Auparavant, quand il tirait sa flèche vers l’orient, il ignorait la signification de cet acte et n’était pas responsable de le savoir. Dieu la lui explique. Maintenant qu’il peut la comprendre en tirant ses flèches contre terre, il s’arrête. La colère de l’homme de Dieu, la colère de Dieu, s’embrase contre lui : Je voulais délivrer entièrement ce peuple ; cela dépendait de toi, et tu ne l’as pas voulu ! Tu ne battras l’ennemi que trois fois.
Comme la fin d’Élie, celle d’Élisée nous parle de Christ. C’est auprès d’un Christ mourant que nous trouvons la grâce et la délivrance. Il suffit d’un soupir vers lui, pour être libéré de l’ennemi qui nous oppresse. Ce salut est offert au plus misérable, au plus indigne, qui peut devenir ainsi un instrument de délivrance pour d’autres. Quel honneur et quel privilège ! Mais l’incrédulité naturelle du coeur paralyse l’action de l’Esprit et réduit à néant tout le bon vouloir de Dieu envers l’homme. Tant que nous nous laissons diriger par la Parole pour chaque mouvement que nous avons à faire (ce récit en est la confirmation évidente), le succès nous est assuré ; dès que la moindre chose est laissée à notre responsabilité, nous nous arrêtons en chemin et contrecarrons ainsi les desseins de grâce du Seigneur.
La scène qui suit (v. 20-21), est tout aussi frappante que celle que nous venons de considérer. L’histoire d’Élisée ne se clôt pas sur la colère du prophète, mais se termine dans la mort pour lui-même et en résurrection pour d’autres. Pendant sa vie, Élisée, comme Élie son maître, avait rendu la vie à un mort, et ce fait qui, à lui seul, prouvait la présence de Dieu dans un homme au milieu d’Israël, ce fait qui plus tard caractérisa le Fils de Dieu au tombeau de Lazare, était parvenu même aux oreilles du roi. Mais une scène autrement merveilleuse que la résurrection du fils de la Sunamite, se présente à nous maintenant. C’est dans sa mort qu’Élisée devient le moyen de vie pour un mort. Il était réservé à un autre, et à Lui seul, de sortir du tombeau par la puissance de vie qui était en Lui et d’être déclaré Fils de Dieu en puissance, Fils du Dieu vivant, par sa propre résurrection. Ici, c’est dans la mort du prophète, en touchant les os d’Élisée, qu’un mort trouve la vie. La chose fut encore bien plus réelle, même matériellement, lors de la mort de notre bien-aimé Sauveur. Ce fut à sa mort, quand il eut rendu l’esprit, que les corps des saints endormis ressuscitèrent pour entrer ensuite dans la sainte ville. Au point de vue moral et spirituel, c’est en entrant, par la foi, en contact avec un Christ mort que nous avons la vie éternelle et la résurrection au dernier jour (Jean 6:54). Dans sa mort, le pouvoir de la mort est vaincu pour nous, et la puissance de Celui qui détenait ce pouvoir, brisée. Celui qui ne pouvait pas ne pas vouloir mourir, meurt pour donner la vie.
N’oublions pas toutefois le caractère prophétique de cette scène. La fin du dernier grand prophète d’Israël, du héraut de la grâce, n’est pas avec les chars et la cavalerie qui le transportent dans le ciel ; elle est dans le sépulcre. « Élisée mourut et on l’enterra ». Après sa mort, l’oppression de l’ennemi se montre par les incursions de Moab sur le territoire d’Israël. Ce pauvre peuple n’a pas même le loisir d’enterrer ses morts, mais le sépulcre d’Élisée se trouve là, à point nommé, pour y déposer le cadavre, et du moment que ce dernier type d’Israël, couché parmi les morts, entre en contact réel avec le prophète mort, du moment qu’il « va toucher les os d’Élisée, il reprend vie et se lève sur ses pieds » (v. 21). Il en sera de même d’Israël aux derniers jours ; il retrouvera sa vie nationale et sortira de parmi les morts, du moment qu’il entrera en rapport avec Celui qu’il a percé et qu’il croira en Lui. Ce sera un dernier miracle de grâce opéré pour ce peuple, alors qu’il sera prouvé que l’état de la nation est sans ressource et désespéré. L’histoire d’Élisée se termine ici.
Aux v. 22-25, la parole du prophète à Joas s’accomplit. Hazaël avait enlevé à Joakhaz les villes d’Israël ; Joas les reconquiert sur Ben-Hadad, fils d’Hazaël, et « Joas le battit trois fois ».
Amatsia, fils de Joas de Juda, commença à régner la deuxième année de Joas, roi d’Israël. Il régna quinze ans en même temps que ce roi, vingt-neuf ans en tout, à Jérusalem. À cette occasion, remarquons, dans l’histoire des rois, le rôle des mères sur la conduite de leurs enfants. Quand ces mères sont originaires de Juda et de Jérusalem, il est rare de voir leurs fils suivre le culte des faux dieux. Seuls les quatre derniers rois de Juda, appartenant à l’entière décadence, échappent à l’influence de leurs mères, issues de la même tribu, et englobées, pour ainsi dire, elles-mêmes dans l’apostasie. Il est dit de ces rois, qu’ils « firent ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel selon tout ce que leurs pères (ou aussi leur père) avaient fait ». Au reste, nous reviendrons plus tard sur cette remarque.
Joas de Juda avait pour mère Tsibia, de Beër-Shéba ; Amatsia, fils de Joas, avait pour mère Jehoaddan, de Jérusalem. Nous en rencontrerons d’autres exemples. Par contre, l’influence des mères ou femmes idolâtres, fut pernicieuse pour les rois.
Joram de Juda avait pour femme Athalie, fille d’Achab (8:18) ; Achazia était fils d’Athalie (8:26). Cette remarque est propre à faire comprendre aux mères chrétiennes leur responsabilité, et doit les engager à élever leurs fils dans la crainte du Seigneur ; elle montre, d’autre part, que l’alliance d’un chef de famille chrétien avec une femme du monde est moralement désastreuse pour les enfants issus de cette union.
Amatsia fit « ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, non pas toutefois comme David son père ; il fit selon tout ce que son père, Joas, avait fait » (v. 3). Pour régler sa conduite, Amatsia aurait dû remonter à l’origine de la royauté et à la conduite de David, roi selon le coeur de Dieu. Sans doute, David avait manqué gravement dans sa vie et dut subir, de ce fait, une discipline sévère ; mais le coeur de David fut toujours intègre quand il s’agissait du service de l’Éternel et du trône de Dieu au milieu de son peuple. Amatsia suivit les traces de Joas, son père, dont la vie se divisa, comme nous l’avons vu, en deux périodes bien distinctes, l’une de vraie piété, l’autre d’un déclin d’autant plus marqué, que ses débuts avaient été plus brillants.
Cependant, ses débuts eux-mêmes ne dénotaient pas un coeur voué sans restriction au service de l’Éternel. Il suffit d’une paille dans une pièce de fonte pour en provoquer la rupture quand l’occasion s’en présente. Cette paille était le maintien des hauts lieux. Nous en avons déjà parlé, et nous y revenons pour noter que, sauf deux exceptions déjà mentionnées, ce mot : « Seulement, les hauts lieux ne furent pas ôtés », accompagne, comme un refrain, l’histoire des rois fidèles de Juda ; tandis qu’au autre refrain : « Il marcha selon les péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël », désigne les rois d’Israël. Ceux-ci réglaient leur conduite religieuse sur celle du chef de leur maison royale qui était idolâtre. Les rois de Juda, au lieu de se régler sur David, leur père, se contentèrent généralement de chercher leur point de départ dans le règne de Salomon, qui n’avait pas aboli les hauts lieux. Or, il est toujours très dangereux de s’accommoder d’un régime qui, même en se targuant d’une haute antiquité, ne va pas chercher la pensée de Dieu à sa source. Cette histoire est aussi celle de l’Église responsable. Au lieu de rattacher son témoignage à « ce qui était au commencement », elle a pris son point de départ dans les coutumes, les traditions, les principes qui la caractérisaient, alors qu’elle était déjà sur le déclin. Joas tolérait que le peuple fît fumer l’encens sur les hauts lieux ; lui-même, sans doute, ne participait pas à ces coutumes idolâtres, mais il n’en était pas moins coupable. Tolérer le mal chez le peuple que Dieu lui avait confié, équivalait à le commettre lui-même.
Un second point est à la louange d’Amatsia : « Quand la royauté fut affermie dans sa main, il fit mourir ses serviteurs qui avaient frappé le roi, son père » (v. 5). Il ne laissa pas le mal impuni dans la sphère de sa responsabilité. Au moins sous ce rapport, il comprit, comme Salomon à son avènement, que tolérer le mal et le crime, c’est s’en rendre solidaire. Cette question de la solidarité est bien peu comprise aujourd’hui. Il semble à la plupart des chrétiens qu’ils ne sont pas coupables en tolérant le mal, dans le milieu auquel ils appartiennent, et que leur responsabilité est à couvert s’ils s’en abstiennent personnellement. Grave erreur qui, tôt ou tard, porte ses tristes fruits ! « La sainteté appartient à la maison de Dieu », non pas seulement au chrétien individuellement. La ruine et l’apostasie finale de la chrétienté ont une grande part dans la méconnaissance de cette vérité. En cela, du moins, Amatsia fut fidèle et fit un peu contrepoids à son manque de vigilance au sujet des hauts lieux.
« Mais », est-il ajouté, « les fils de ceux qui l’avaient frappé, il ne les mit pas à mort, selon ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse, où l’Éternel a commandé, disant : Les pères ne seront pas mis à mort pour les fils, et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères, mais chacun sera mis à mort pour son péché » (v. 6). Là encore, Amatsia montra un respect intelligent pour la parole de Dieu. Ce commandement de l’Éternel avait été donné en Deut. 24:16, et Amatsia se dirigeait d’après lui, avec le coeur obéissant exigé de tous ceux qui entendent ou lisent la Parole.
Entre le 6° et le 7° verset, nous avons une lacune intentionnelle comblée par 2 Chron. 25:5-16. Nous suivrons ici notre habitude de n’empiéter qu’en passant sur ce que ce dernier livre nous présente, car la Parole fait ressortir par cette omission, le péché des rois d’Israël, en lui opposant ce qu’il y avait de juste et de pieux dans la conduite des rois de Juda. Cependant, le récit des Chroniques nous fait comprendre l’événement relaté dans les versets 7-14 de notre chapitre. Amatsia, disposé un moment à employer les troupes d’Israël qu’il prend à sa solde, pour combattre Édom, et averti par un prophète que « Dieu n’est pas avec Israël », renonce à son projet qui avait déjà reçu une demi-exécution, et renvoie ce contingent dans ses foyers. Il entreprend avec sa seule armée, en s’appuyant sur l’Éternel, la campagne contre Édom et remporte une victoire éclatante. Les troupes congédiées d’Israël tombent sur les villes de Juda, frappent trois mille hommes et emportent un grand butin, mais, comme le prophète l’avait dit à Amatsia, il appartenait à l’Éternel de lui donner beaucoup plus que la solde payée aux hommes d’Éphraïm, et s’il devait encourir en quelque mesure la conséquence de son infidélité, en les enrôlant sans avoir consulté l’Éternel, il pouvait compter d’autre part sur la bénédiction qui suit l’obéissance.
Cette calamité, assombrissant sa victoire sur Édom, ne pousse pas le roi vers l’Éternel. Même sa victoire devient pour lui une occasion de chute. Il apporte, en Juda, les dieux des Édomites et se prosterne devant eux, sans écouter les remontrances d’un nouveau prophète.
Blessé dans son orgueil de roi victorieux, outré par l’humiliation que lui ont infligée les troupes d’Éphraïm, Amatsia va provoquer Joas, fils de Joakhaz, roi d’Israël. Il se heurte à un orgueil encore plus hautain que le sien. Joakhaz lui répond par une parabole transparente : Joram de Juda, l’épine du Liban, mari d’Athalie, fille d’Achab, avait envoyé vers Joram d’Israël, le cèdre du Liban, lui demandant une femme de la maison d’Achab pour son fils Achazia. Jéhu, une bête des champs qui est au Liban, avait foulé Achazia, le roi de Juda. Or, maintenant son successeur, au lieu de s’humilier, se glorifiait de sa victoire sur Édom ! On voit percer ici l’irritation de Joakhaz, voyant ses forces militaires méprisées, tandis que Juda seul suffisait pour conquérir Édom.
Amatsia n’écoute pas cet avertissement, et « cela venait de la part de Dieu », nous disent les Chroniques (2 Chron. 25:20), « afin de livrer Juda en la main de ses ennemis, parce qu’il avait recherché les dieux d’Édom ». Juda est battu.
Amatsia fait prisonnier, Jérusalem démantelée, tous les trésors du roi et du temple enlevés comme butin, avec des otages (v. 12-14). Amatsia rencontre son Dieu qu’il avait fait profession de servir et d’honorer, comme un feu consumant, du moment qu’il l’abandonne pour servir d’autres dieux.
Cette même infidélité est cause de la mort tragique d’Amatsia. Notre chapitre raconte simplement qu’on fit une conspiration contre lui à Jérusalem, qu’il s’enfuit à Lakis, qu’on envoya après lui pour le mettre à mort, et qu’on le transporta sur des chevaux pour l’enterrer auprès de ses pères dans la ville de David ; mais les Chroniques nous donnent la raison solennelle de ce drame : « Depuis le temps où Amatsia se fut détourné de l’Éternel », cette conspiration eut lieu contre lui.
Dans l’intervalle (v. 15-16), Joas d’Israël, fils de Joakhaz, était mort, en sorte qu’Amatsia vécut encore quinze ans après son vainqueur. Son fils Azaria lui succéda. Il recouvra Élath pour Juda et la bâtit. Cette ville qui avait été autrefois, avec tout le territoire d’Édom auquel elle appartenait, sous la domination de David (2 Sam. 8:14), avait fait partie du domaine de Salomon, important débouché pour sa puissance maritime, car elle se trouvait non loin d’Etsion-Guéber, sur le bord de la mer Rouge (1 Rois 9:26 ; 2 Chron. 8:17). Après Azaria, elle ne resta pas longtemps entre les mains de Juda. Soixante-huit ans plus tard, Retsin, roi de Syrie, la recouvra (16:6).
Jéroboam, roi d’Israël, troisième
successeur de Jéhu, succède à Joas, son père. « Il fit ce qui est mauvais aux
yeux de l’Éternel ; il ne se détourna d’aucun des péchés de Jéroboam, fils
de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël » (v. 24). Et cependant son
règne eut une durée de 41 ans ! On pourrait croire, et nous en avons
plusieurs exemples dans cette histoire, que Dieu retranche toujours promptement
les rois dont la conduite l’a déshonoré. Tel est le cas de Zacharie, fils de ce
même Jéroboam (15:8), mais il n’en est point de même ici. Dieu a des voies
variées, qu’il sait mettre d’accord avec sa longue patience et sa miséricorde.
Sa pitié pour l’état d’oppression d’Israël dirige ses voies quant au règne de
Jéroboam. « L’Éternel vit que l’affliction d’Israël était très amère, et qu’il
n’y avait plus personne, homme lié ou homme libre, et qu’il n’y avait personne
qui secourût Israël ; et l’Éternel n’avait pas dit qu’il effacerait le nom
d’Israël de dessous les cieux ; et il les sauva
par la main de
Jéroboam, fils de Joas » (v. 26-27). Dieu suscite à ce peuple un sauveur dans la
personne de ce roi qui avait encouru son déplaisir, comme il l’avait fait
précédemment par la main de Joas, son père (13:5). « Il rétablit la frontière
d’Israël, depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la mer de la plaine » (v. 25).
Autrefois le territoire de Hamath, principale cité de la Syrie supérieure, appartenait à Salomon (2 Chron. 8:3). La victoire de Jéroboam restitue à Israël « l’entrée de Hamath », position stratégique très importante. La ville même de Hamath ne semble pas avoir fait partie de cette conquête, mais la frontière d’Israël est rétablie depuis l’entrée de Hamath, jusqu’à la mer Salée qui est la mer Morte (cf. Jos. 3:16). Cette prise de possession agrandit le territoire d’Israël aux dépens de celui de Juda, car une partie de Damas et de Hamath avait appartenu jadis à ce dernier (v. 28).
Jonas le prophète, fils
d’Amitthai, avait annoncé d’avance cet événement (v. 25). Jonas est le premier
prophète au sujet
duquel nous
possédions un écrit prophétique. Notre passage nous le fait connaître comme
prophète d’Israël. Sa prophétie ne nous a pas été conservée ; elle parlait
d’un événement particulier qui n’avait pas une portée durable. Il en est fait
mention dans
l’Écriture, mais elle
n’est pas, selon la parole de 2 Pierre 1:20, une « prophétie de l’Écriture ».
Cette dernière ne s’interprète jamais par les événements prochains auxquels
elle fait allusion. Jonas nous est présenté dans ce passage comme un prophète
de grâce et de délivrance momentanée pour Israël.
Quelques mots suffiront pour caractériser le livre qui parle de lui. Jonas, représentant le peuple qui se glorifie de sa justice légale, se révolte contre l’Éternel qui veut l’envoyer vers les gentils. Il est momentanément jeté à la mer par les nations dont le vaisseau peut voguer en paix sur l’océan apaisé. Au bout de trois jours, le prophète, représentant le Messie qui prend la place d’Israël infidèle, ressuscite, et le nouvel Israël annonce aux gentils le jugement et la grâce qui suit leur repentance. Il est alors éclairé sur les desseins miséricordieux de l’Éternel.
À part son sens prophétique qui ne doit pas nous arrêter ici, la prédication de Jonas contre Ninive a une importance historique pour le cours des événements qui se déroulent dans cette partie du livre des Rois. Elle nous montre le rôle considérable du royaume assyrien à cette époque, royaume qui allait entrer en conflit avec celui d’Israël, pour accomplir les jugements de Dieu.
Le prophète Amos, qui prophétisait à la même époque, annonce à la maison d’Israël que la conquête de Jéroboam n’aurait pas de durée. L’Assyrien devait la reprendre : « Car voici, maison d’Israël, dit l’Éternel, le Dieu des armées, je suscite contre vous une nation, et ils vous opprimeront depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la rivière de la plaine » (Amos 6:14). Moins de cent ans plus tard, cette prophétie se réalisa sous Ézéchias (2 Rois 18:34 ; 19:13). Jéroboam avait « éloigné le mauvais jour » (Amos 6:3), en reconquérant la frontière d’Israël jusqu’à « Hamath la grande » (Amos 6:1-2), et à la mer de la plaine, et voici, dit Amos, que le mauvais jour lui-même était près de paraître. À la veille de la ruine, le prince se reposait, ne pensant qu’à ses aises (6:4), et voici que Hamath même, et Gath (reconquise par Osias, 2 Chron. 26:6), et Calné, et la Babylonie allaient tomber aux mains de l’Assyrien ! La maison de Jéroboam menaçait ruine, sous le jugement de l’Éternel qui « ne passerait plus par-dessus son peuple » et ferait tomber le jugement sur lui, de haut en bas, jusque dans ses fondements ! (Amos 7:7-9).
Il est remarquable qu’Osée, prophétisant sous les règnes d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda, ne mentionne que Jéroboam, roi d’Israël, et passe sous silence tous ses successeurs sous lesquels il a également prophétisé (Osée 1:1). Leur histoire semble s’arrêter pour lui à Jéroboam, bien que Zacharie, fils de ce dernier, représentât la quatrième génération accordée par l’Éternel à la maison de Jéhu (2 Rois 10:30). Mais Zacharie, dernier anneau de cette chaîne est, de fait, déjà rejeté. Il ne règne que six mois, et Dieu se détourne de lui et de ses successeurs, selon sa parole : « Je ne passerai plus par-dessus lui » (Amos 7:9 ; 8:2). Et selon ce que dit Osée : « Ils ont fait des rois, mais non de par moi » (Osée 8:4).
Amos nous donne quelques détails sur la fin du règne de Jéroboam II (Amos 7:10-17). Amatsia, sacrificateur du veau de Béthel, avertit le roi qu’Amos prophétise contre Israël, ajoutant, ce qui était un mensonge, qu’il avait annoncé la mort violente du roi. Par cette calomnie, Amatsia cherche à se débarrasser du prophète et à le renvoyer en Juda, car il lui fait concurrence à Béthel, « le sanctuaire du roi et la maison du royaume » (Béthel, « la maison de Dieu », était complètement oubliée). Le vrai témoin de Dieu gêne Amatsia qui tient à sa sacrificature usurpée et à sa position officielle. Amos lui répond : « Je n’étais pas prophète, et je n’étais pas fils de prophète ; mais je gardais le bétail, et je cueillais le fruit des sycomores ; et l’Éternel me prit quand je suivais le menu bétail, et l’Éternel me dit : Va, prophétise à mon peuple Israël » (7:14-15). Amos ne dépendait point d’une école de prophètes, mais directement de Dieu, et n’était pas de la race sacerdotale. C’est ainsi que le Christ s’exprime plus tard dans le prophète Zacharie (13:5). Le Saint Esprit avait choisi Amos d’entre les bergers de Thekoa (1:1), d’auprès des brebis, comme il avait jadis choisi David son oint. L’Éternel lui avait dit : « Va », et il était allé. Nous avons en Amos comme l’exemple d’un ministère qui se rattache directement à celui de Christ, et comme un avant-goût de ce que sera, ou plutôt devrait être, plus tard le ministère chrétien tout entier. Maintenant le prophète prend directement à partie le faux ministère et ses fausses prétentions. « C’est pourquoi, ainsi dit l’Éternel : Ta femme se prostituera dans la ville, et tes fils et tes filles tomberont par l’épée, et ta terre sera partagée au cordeau, et tu mourras dans une terre impure, et Israël sera certainement transporté de dessus sa terre » (v. 17).
Un jugement terrible devait
tomber sur ces hommes officiels au service du monde et de ses faux dieux qu’ils
baptisaient du nom de l’Éternel ; quant à Israël, il devait être certainement
transporté. Il n’y avait
désormais plus de repentance à son égard dans le coeur de Dieu. Le temps était
arrivé ; il était trop tard, comme il est dit en Apocalypse 22:11 :
« Que celui qui est injuste commette encore l’injustice ; et que celui qui
est souillé se souille encore ! » Juda devait être encore épargné pour un
temps, et Dieu voulait y produire des réveils jusqu’à ce que l’heure prédite
par Jérémie eût aussi sonné pour Juda.
2 Chron. 26 nous donne l’histoire détaillée d’Azaria ou Ozias, qui succéda à Amatsia, son père. Sa mère était de Jérusalem. Son règne fut long et commença quand il était encore fort jeune. « Il fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, selon tout ce qu’avait fait Amatsia, son père ; seulement, » ajoute le récit, « les hauts lieux ne furent pas ôtés ; le peuple sacrifiait encore et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux ». Toujours le refrain habituel pour Juda, comme pour les veaux de Jéroboam en Israël. Le prophète Michée fait allusion à ces deux caractères pour expliquer le jugement de Dieu sur son peuple. « Tout cela », dit-il, « à cause de la transgression de Jacob et à cause des péchés de la maison d’Israël ! De qui est la transgression de Jacob ? N’est-ce pas de Samarie ? Et de qui les hauts lieux de Juda ? N’est-ce pas de Jérusalem ? » (Michée 1:5).
Notre récit du règne d’Ozias offre la même lacune que nous avons déjà constatée au sujet d’Amatsia. Comme l’idolâtrie de ce dernier, le péché d’Ozias, rapporté en 2 Chron. 26, est passé sous silence. Nous l’avons dit plus haut, la raison en est évidente. Il s’agit de faire ressortir, sans l’affaiblir par le récit de leurs fautes et de leurs inconséquences, la piété des rois de Juda, contrastant avec l’impiété et l’idolâtrie de ceux d’Israël, qui criaient vengeance à l’Éternel. Ici, nous trouvons seulement : « L’Éternel frappa le roi, et il fut lépreux jusqu’au jour de sa mort, et il habita dans une maison d’isolement » (v. 5), sans que la cause de ce jugement soit mentionnée.
De fait, Ozias, béni au commencement pour sa fidélité, mais enorgueilli par les énormes succès de sa carrière, avait cru pouvoir usurper la place du souverain sacrificateur en offrant lui-même l’encens sur l’autel d’or. Cet acte pouvait rappeler de loin la révolte du lévite Coré, voulant se substituer à Aaron ; cependant, chez Ozias, le mal avait un autre caractère. L’idée de sa dignité, de son importance considérable comme roi, le conduisit, lui, pouvoir civil, à usurper l’autorité religieuse. Ce péché forme un des nombreux éléments de la chrétienté actuelle. L’Éternel juge Ozias en le frappant de lèpre. Il est chassé du temple par les sacrificateurs et reste jusqu’à sa mort exclu de la communauté d’Israël. Cette autorité, dont il était si fier et dont il n’avait pas su rapporter l’honneur à l’Éternel, lui est ôtée et confiée à son fils Jotham, bien des années avant sa mort. Il était impossible de tolérer les prétentions charnelles, souillure terrible, quand on les portait dans la maison de Dieu, et Ozias meurt, séparé des bénédictions de cette maison, pour avoir méconnu la dignité de la souveraine sacrificature (type de celle de Christ), que l’Éternel y avait établie.
Nous n’entrerons pas dans les difficultés chronologiques soulevées à propos de la date d’accession au trône, de Zacharie, fils de Jéroboam II, notre but n’étant pas de répondre ici aux attaques de l’incrédulité. Lorsque des difficultés sont soulevées par la raison humaine, la sagesse consiste à s’attendre à Dieu pour les résoudre, si la lumière nécessaire nous manque. Notre dépendance de Lui est ainsi mise à l’épreuve, et nous pouvons être certains qu’en temps utile nous recevrons la réponse. Combien de fois les chrétiens soumis humblement à la Parole, n’en ont-ils pas fait l’expérience ?
Zacharie, dernier roi de la
descendance de Jéhu, ne règne à Samarie que six mois. « Il fit ce qui est
mauvais aux yeux de l’Éternel, selon ce que ses pères avaient fait : il ne
se détourna pas des péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait
fait pécher Israël ». Si, comme nous l’avons vu, les rois pieux de Juda
manquaient d’énergie pour abolir les hauts lieux — et combien la négligence de
Salomon à cet égard avait porté de fruits funestes parmi ses successeurs,
habitués à se conformer aux habitudes tolérées
par le glorieux chef de la dynastie — ceux d’Israël, par contre, avaient
marché résolument dans les coutumes
instituées
par Jéroboam I. Les exemples ne manquent pas, dans le christianisme actuel,
pour caractériser ces deux tendances. Du moment que, ne remontant pas à la
source pure de la parole de Dieu, la chrétienté protestante a accepté, en même temps
que les vérités
scripturaires proclamées par les réformateurs, certains dogmes
antiscripturaires qu’ils n’avaient pas abandonnés, tout était déjà voué
d’avance à une prompte ruine. Du moment que, marchant dans la religion
semi-idolâtre des évêques de Rome ou de l’Orient, le catholicisme a abandonné
la parole de Dieu pour lui substituer ses fables, le jugement doit l’atteindre.
Il est prononcé et tombera dans un avenir rapproché sur la grande prostituée.
Ici, s’ouvre la période finale d’usurpations et de meurtres qui précède la transportation des dix tribus et dont Osée, le prophète d’Israël, a dit : « Ils sont tous ardents comme un four, et ils dévorent leurs juges : tous leurs rois sont tombés ; nul d’entre eux ne m’invoque » (Osée 7:7). Le coeur du prophète, dans sa lamentation prolongée, trahit son angoisse à l’égard d’Israël. La période était arrivée où Dieu visiterait « le sang de JizrëeI sur la maison de Jéhu », et ferait « cesser le royaume de la maison d’Israël » (Osée 1:4) L’Éternel s’était tu sur le sang versé par Jéhu à Jizrëel ; il n’en avait parlé à personne, non, pas même au coupable Jéhu. Il aurait pu sembler, au contraire, quand Dieu lui disait : « Tu as bien exécuté ce qui était droit à mes yeux » (10:30), et je t’en récompenserai, qu’il approuvait tout ce que Jéhu avait fait. Loin de là. Si le Seigneur le suscitait pour un jugement et l’approuvait en cela, le moment était arrivé où la ruse charnelle, la violence furieuse du roi, devaient trouver leur châtiment. La parole de l’Éternel : « Tes fils seront assis sur le trône d’Israël jusqu’à la quatrième génération » (v. 12), s’était accomplie en récompense, et maintenant sa parole s’accomplissait en rétribution et en juste jugement. Quel Dieu que le nôtre ! Qui peut, comme Lui, peser dans une même balance les actes qu’il approuve ou condamne, les récompenser et les punir, en les rétribuant selon les voies de son juste gouvernement
Shallum conspire contre Zacharie, le tue, et règne à sa place. Son forfait ne lui profite guère car, au bout d’un mois, il tombe sous les coups de Menahem. On touche à la cause de toutes ces violences : chacun veut usurper le pouvoir à son profit. Leur conscience n’élevant plus la voix, les pécheurs sont livrés à tous les instincts de leur mauvaise nature.
La ville de Thiphsakh n’ayant
pas voulu ouvrir ses portes à Menahem, il la traite avec la dernière cruauté.
Il réussit à se maintenir dix ans sur le trône. Il fait ce qui est mauvais,
marchant dans les péchés de Jéroboam tous ses jours. Sous son règne, l’Assyrien
paraît enfin sur la scène : « Pul, roi d’Assyrie, vint contre le pays » (v.
19). Il est le premier roi d’Assyrie dont le nom soit mentionné dans l’histoire
biblique. Ce personnage a donné lieu à beaucoup de contestations parmi les
critiques qui semblent s’accorder maintenant à le considérer comme identique à
Tiglath-Piléser, l’un des plus grands et des mieux connus parmi les monarques
assyriens (15:29 ; 16:7, etc.). En nous tenant simplement à la lettre de
l’Écriture, nous serions plutôt conduits à voir en Pul, roi d’Assyrie, un
personnage distinct, selon ce qui nous est dit en 1 Chron. 5:26 : « Et le
Dieu d’Israël réveilla l’esprit de Pul, roi d’Assyrie, et l’esprit de
Tiglath-Pilnéser, roi d’Assyrie, et il transporta les Rubénites, et les
Gadites, et la demi-tribu de Manassé ». La transportation des tribus d’au delà
du Jourdain est attribuée, au v. 29 de notre chapitre, à Tiglath-Piléser,
tandis que Pul nous est présenté, au v. 19, comme venant contre Israël, mais
amené par un immense tribut d’argent (environ 12 millions 500 mille francs or)
à devenir le protecteur du roi d’Israël en « affermissant dans sa main le
royaume » fort ébranlé. Ce Pul, on ne l’a pas assez remarqué, « s’en retourne et
ne reste pas dans le pays » (v. 20), ce qui n’est point le cas de son
successeur. Il est vrai que les documents humains sont silencieux à son égard,
et le resteront peut-être toujours, mais nous avons la parole de Dieu comme
guide, et notre sauvegarde est de la recevoir simplement, telle que Dieu nous
l’a donnée. Osée mentionne le fait qui nous occupe : « Éphraïm s’en est
allé en Assyrie et a envoyé vers le roi Jareb ; mais lui n’a pu vous guérir
et ne vous a pas ôté votre plaie » (Osée 5:13). Ce roi Jareb peut bien n’être
autre chose que Pul (*). Son nom
signifie : « celui qui conteste », allusion sans doute à la puissance
combative de l’Assyrie, qu’Israël pensait apaiser et se rendre propice par des
présents. « L’habitant de Samarie a peur pour le veau de Beth-Aven ; car
son peuple mènera deuil sur lui, et ses Camarim (sacrificateurs idolâtres)
trembleront à cause de lui, pour sa gloire, car elle a été transportée d’auprès
de lui ; on le porte à l’Assyrie, comme présent au roi Jareb. » (Osée
10:5). Même un des veaux de Jéroboam avait été porté en Assyrie comme présent
au roi ! Et le même prophète ajoute en un autre endroit : « Ils sont
montés vers l’Assyrien : un âne sauvage se tient isolé. Éphraïm a fait des
présents à des amants » (8:9). Mais quelle honte pour Israël ! Son dieu
donné à l’ennemi de sa race comme un cadeau vulgaire ! Cela aussi était de
par l’Éternel.
(*) Peut-être aussi Shalmanéser. Dans ce cas, le veau de Béthel aurait été envoyé à ce dernier par Osée. Beth-Aven (Osée 4:15 ; 10:5) signifie : maison d’iniquité, remplaçant Béthel, la maison de Dieu.
À quoi servaient, en fin de compte, toute cette politique et ces recherches d’alliances et de protection qui tantôt se tournaient vers l’Assyrie, tantôt vers l’Égypte ? Ont-elles retardé d’un instant le jugement décrété ? Et n’en est-il pas de même de nos jours ? Les garanties que les nations cherchent à se procurer les unes contre les autres, disparaîtront comme une paille emportée par le vent, quand « l’Agneau immolé » se sera avancé pour prendre le livre des conseils et des voies de Dieu envers le monde et lui donner son exécution.
Menahem n’étant pas mort de mort violente, son fils Pekakhia règne à sa place. La justice rétributive de Dieu ne s’exerce pas envers Menahem, et son cas, comme un certain nombre d’autres dans cette histoire, nous enseigne que le gouvernement terrestre de Dieu n’est pas la mesure de sa justice, ni la pleine rétribution des voies de l’homme. C’était l’erreur des amis de Job, contre laquelle Élihu s’éleva avec colère. Pendant ses deux ans de règne, Pekakhia persévère comme tous ses prédécesseurs dans les péchés de Jéroboam, fils de Nebath. Notons ici, ce qui est répété si souvent dans les chapitres précédents, que par les péchés de ses rois, « Israël avait été conduit à pécher ». Le péché individuel est considérablement aggravé quand il devient une pierre d’achoppement pour d’autres, et ses résultats sont comptés à ceux qui entraînent les ignorants et les mal affermis dans la voie de leur propre désobéissance.
Pékakh, fils de Remalia, aidé dans sa conspiration par les fils des Galaadites, met à mort Pekakhia, ainsi que deux de ses compagnons. Il règne vingt ans à Samarie et suit, à l’égard de l’Éternel, la voie des rois d’Israël. Les conséquences de son règne sont résumées au v. 29 : L’Assyrien Tiglath-Piléser monte contre lui et transporte les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé, tout le peuple établi au delà du Jourdain, les emmenant « à Khalakh, et à Khabor, et à Hara, et au fleuve de Gozan, où ils sont jusqu’à ce jour » (1 Chron. 5:26). Le démembrement du royaume d’Éphraïm commence par les tribus qui, en vue de leurs convenances, avaient choisi leur portion en deçà du Jourdain.
Il en est toujours ainsi. Les chrétiens qui n’entrent pas résolument et sans porter leurs regards en arrière, sur un terrain où, comme le Jourdain, la mort de Christ établit une barrière infranchissable entre eux et le monde, ces chrétiens sont les premiers en butte aux assauts de l’ennemi et deviennent de pauvres captifs du monde, avec lequel, malgré une foi réelle, ils n’avaient pas consenti à rompre entièrement. Ainsi commence à s’opérer le démembrement du` royaume d’Israël qui deviendra complet sous le règne d’Osée. Nous reviendrons à Pékakh, au chapitre suivant, mais auparavant nous trouvons la mention du règne de Jotham.
Ce fils d’Ozias commence son règne la deuxième année de Pékakh (cf. 2 Chron. 27:1-9), et règne seize ans à Jérusalem. Sa mère Jerusha, fille de Tsadok, était probablement de race sacerdotale. Avec elle nous continuons à constater le rôle béni des mères des rois de Juda. Rien de semblable pour les rois d’Israël. Mais « le peuple se corrompait encore » (2 Chron. 27:2) à cause du manque de décision de ces rois pieux, qui n’osaient attaquer l’idolâtrie à sa racine. Le récit des Chroniques nous apprend que Jotham « devint fort, car il régla ses voies devant l’Éternel son Dieu ». La piété est pour nous aussi une source de force et de puissance spirituelle. Du moment que nos voies ne sont pas réglées devant Dieu, la force nous abandonne. Réflexion sérieuse pour tous, et mille fois plus sérieuse encore pour ceux qui ont une responsabilité particulière à l’égard du peuple de Dieu. Seulement le sentiment de cette force offre un danger. Nous l’avons vu dans le cas d’Ozias, que ce sentiment poussa à s’élever vis-à-vis du souverain sacrificateur (2 Chron. 26:16-21). Jotham ne s’enorgueillit point de sa force, aussi est-il dit de lui, en le comparant à son père : « Il n’entra pas dans le temple de l’Éternel » (2 Chron. 27:2). Au contraire, étant humble, il fut employé à la maison de Dieu. « Ce fut lui qui bâtit la porte supérieure de la maison de l’Éternel » (v. 35), fait caractéristique de son règne dans le livre des Rois. Quel privilège, quand un croyant laisse comme souvenir après lui, ce qu’il a fait pour la maison de Dieu ! Dieu enregistre ce fait et nous le laisse comme mémorial de Jotham. Il y a d’autres faits dans sa vie, et les Chroniques nous en entretiennent, mais n’est-il pas touchant de voir que Dieu met celui-ci en pleine lumière, comme caractérisant à ses yeux le règne de ce roi fidèle ? Sans se livrer à l’imagination, il n’est pas défendu de penser que la fille de Tsadok avait inculqué à son fils, dès son jeune âge, le respect pour le temple de l’Éternel et que, sous cette influence, le centre de l’activité du roi avait été la maison de Dieu.
Pékakh, fils de Remalia, allié à Retsin, roi de Syrie, commence, aux jours de Jotham, à monter contre Juda (v. 37). Le péché de Juda nécessitait la discipline de Dieu, mais les conséquences de cette discipline pouvaient être éloignées par la piété de son conducteur, comme cela arriva plus tard sous le pieux Ézéchias, au sujet de l’Assyrien. Il semble aussi que ce fut le cas pendant le règne de Jotham.
Achaz, fils de Jotham,
commença de régner sur Juda, trois ans avant la mort de Pékakh, roi d’Israël,
qui régna vingt ans à Samarie. Comme si Dieu eût voulu épargner cette honte à
sa mère, le nom de celle-ci ne nous est pas donné. Au lieu de servir l’Éternel,
il marcha dans la voie des rois d’Israël et revint aux mauvais jours de l’impie
Achab, établissant en Juda le culte de Baal et celui de Moloch, auquel il
sacrifia son fils (2 Chr. 28:2). Ses prédécesseurs n’avaient jamais aboli les
hauts lieux, et laissaient le peuple
y
faire fumer de l’encens, sans se joindre eux-mêmes à cette idolâtrie. Achaz
sacrifie lui-même
et fait fumer
« l’encens sur les hauts lieux, et sur les collines, et sous tout arbre vert »
(v. 4). Il fit « ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel », comme les rois
d’Israël. Remarquez que cette qualification de « mauvais » nous est toujours
donnée en rapport avec l’Éternel. Il arrive, sans doute, que l’abandon de Dieu
livre celui qui en est coupable à toute sorte de mal moral, au crime et à
l’impureté, mais il n’en est pas toujours ainsi. Jéroboam I, Joas, roi
d’Israël, Jéroboam II, étaient des monarques remarquables aux yeux des
hommes ; deux d’entre eux furent des « sauveurs » pour leur peuple, dont ils
contribuèrent à établir la réputation et à reconquérir le domaine ; mais pour Dieu,
la question est autre. Il
s’agit de déterminer les rapports que ces rois, comme ici Achaz, roi de Juda,
eurent avec Lui. Le fait, si simple, que la mesure morale d’un homme se trouve
dans sa conduite vis-à-vis de Dieu, est particulièrement oublié de nos jours.
Un homme peut être libre-penseur, athée même ; s’il se conduit moralement
et rend des services à l’humanité, même des chrétiens le qualifieront
d’excellent homme, comme si Dieu pouvait accepter quelque chose de lui ou le
dispenser en quelque manière de croire en Lui, à cause de sa bonne conduite.
Erreur fatale pour cet homme, mais désolante surtout, quand on la voit
sanctionnée par des chrétiens qui méconnaissent ainsi que, sans la crainte de
Dieu, il ne peut pas même y avoir pour l’homme un commencement de sagesse.
Quand ces incrédules paraîtront devant Dieu, ils seront convaincus par Lui,
mais hélas ! trop tard, d’avoir fait ce qui est mauvais aux yeux de
l’Éternel, et les chrétiens qui ont excusé leur incrédulité seront responsables
de leur avoir, par cette coupable adhésion, fermé le chemin de la repentance.
Achaz « marcha dans la voie des rois d’Israël » (v. 3). Double condamnation de ce
roi qui, connaissant le culte du vrai Dieu en Juda, lui tourna le dos pour
suivre les abominations des nations idolâtres.
Aussi le jugement qui se préparait contre le peuple sous Jotham, atteint maintenant Achaz, à cause de son infidélité. « Alors », nous est-il dit, « Retsin, roi de Syrie, et Pékakh, fils de Remalia, roi d’Israël, montèrent à Jérusalem pour lui faire la guerre ; et ils assiégèrent Achaz ; mais ils ne purent pas le vaincre » (*) (v. 5). Quoique nous devions, pour nous borner, remettre la mention des prophètes de Juda à l’étude du second livre des Chroniques, nous sommes obligés de nous départir çà et là de cette règle, et d’en référer ici à Ésaïe, d’autant plus que Pékakh, fils de Remalia, roi d’Israël, y joue un rôle important. Le roi d’Israël, autrefois en guerre avec la Syrie, est maintenant son allié, sans doute pour se dégager d’un côté du joug de Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, qui, comme nous l’avons vu plus haut, l’avait dépouillé d’une grande partie de son territoire, mais aussi pour regagner, tout en servant les vues de son allié, ce que Juda lui avait pris.
(*) Nous ne parlerons pas ici des victoires remportées par Retsin et Pékakh sur Juda, ni du prophète Oded, qui réussit à atteindre la conscience de quelques-uns des chefs d’Éphraïm, en leur faisant renvoyer les prisonniers et le butin pris sur Juda, au lieu de les retenir captifs. Tout ce récit trouvera sa place dans l’étude des Chroniques.
Ces deux rois donc montent
contre Jérusalem et « assiègent Achaz, mais ne peuvent pas le vaincre ». Le coeur
d’Achaz et de son peuple est agité « comme les arbres de la forêt sont agités
devant le vent » (És. 7:2). L’Éternel envoie Ésaïe à la rencontre du roi. Le
prophète est accompagné de son fils Shear-Jashub, dont le nom signifie :
« Un résidu reviendra » (cf. És. 10:21). Il parle en grâce à ce roi impie. C’est
que Dieu reste, quoiqu’il en soit, fidèle à ses promesses, et renouera ses
relations avec Israël et Juda, dans la personne de Christ et du résidu. Mais
qu’elle est touchante la patiente grâce de Dieu envers ce mauvais roi ! Il
le rassure, au lieu de l’écraser ; il lui annonce la délivrance. Il lui
dit : « Prends garde et sois tranquille » ; laisse-moi agir. Il lui
dit : « Ne crains pas », à lui qui avait tout à craindre de Sa part. Il lui
donne la date à laquelle Éphraïm « cessera d’être un peuple ». Le mal est décrété
pour une époque fixe et irrévocable, et malgré tout, Juda, s’il croyait,
subsisterait encore pour un peu de temps (Ésaïe 7:9). L’Esprit de Dieu, par le
prophète, dit à Achaz : « Demande un signe pour toi, de la part de
l’Éternel, ton Dieu ». Achaz répond : « Je ne le demanderai pas, et je ne
tenterai pas l’Éternel », colorant son incrédulité et sa désobéissance par une
apparence de piété. Tenter l’Éternel, c’était se défier de lui, mais de fait,
Achaz faisait bien plus que se défier ; il ne croyait pas
à la parole de l’Éternel. Alors Dieu lui annonce un
signe : Juda, c’est-à-dire la maison de David, représentée par Achaz, a lassé
la patience de Dieu, qui la remplacera par Emmanuel, la semence de la femme (v.
14). Mais avant que le second fils, qui devait naître au prophète, sût « rejeter
le mal et choisir le bien, le pays des deux rois duquel Achaz a peur serait
abandonné » (v. 16). Ce Maher-Shalal-Hash-Baz (qu’on se dépêche de butiner,
qu’on hâte le pillage), ne « saura pas encore crier mon père et ma mère », que le
pays de Pékakh et de Retsin sera abandonné. Cette prophétie s’est littéralement
accomplie, et le dessein de ces rois d’établir en Juda « le fils de Tabeël » fut
anéanti (*).
(*) Le nom de Tabeël, qui a passablement intrigué les savants, semblerait indiquer, par ses racines, un homme lié à la fois à la Syrie et à Éphraïm, que ces deux puissances avaient intérêt à choisir pour candidat au trône de Juda.
Achaz préfère se confier au roi d’Assyrie contre Pékakh et Retsin, que de se confier en l’Éternel et de lui obéir. Cela explique sa réponse à Ésaïe. Il avait envoyé « des messagers à Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, disant : Je suis ton serviteur et ton fils ; monte, et sauve-moi de la main du roi de Syrie et de la main du roi d’Israël qui s’élèvent contre moi. Et Achaz prit l’argent et l’or, ce qui s’en trouva dans la maison de l’Éternel et dans les trésors de la maison du roi, et l’envoya en présent au roi d’Assyrie. Et le roi d’Assyrie l’écouta ; et le roi d’Assyrie monta à Damas, et la prit, et en transporta les habitants à Kir, et fit mourir Retsin » (2 Rois 16:7-9). Aussi Dieu lui déclare : « L’Éternel fera venir sur toi, et sur ton peuple et sur la maison de ton père, des jours qui ne sont pas venus depuis le jour qu’Éphraïm s’est retiré de Juda — savoir le roi d’Assyrie » (Ésaïe 7:17) ; et contre Israël et la Syrie : « On emportera la puissance de Damas et le butin de Samarie devant le roi d’Assyrie » (8:4). Ainsi, ce que l’Éternel avait prononcé contre Israël qui avait cherché l’appui de l’Assyrie (Osée 5:13-14), il le prononce maintenant contre Juda qui recherche cette même alliance. Le premier résultat de sa confiance en l’Assyrie semble être favorable à Juda. Tiglath-Piléser s’empare de Damas, en transporte les habitants et fait mourir Retsin. La prophétie prononcée longtemps auparavant par Amos (1:3-5) est maintenant accomplie.
Achaz n’est pas au bout de ses transgressions. La prophétie d’Ésaïe n’a aucun effet sur sa conscience. Il se rend à Damas à la rencontre du roi d’Assyrie qu’il vient féliciter pour son aide et son succès. Ayant vu l’autel idolâtre de Retsin, il en envoie le modèle à Jérusalem et l’établit dans le parvis du temple. Il se trouve un souverain sacrificateur pour accomplir cet acte sacrilège ! 2 Chr. 28:22, nous dit qu’Achaz sacrifia aux dieux de Damas, car faire fumer le sacrifice sur un autre autel que l’autel d’airain, c’était sacrifier aux faux dieux.
Ne trouvons-nous rien de semblable dans la religion d’aujourd’hui, où des hommes, se disant chrétiens, pensent pouvoir s’approcher de Dieu par un autre autel que celui de l’expiation, à laquelle ils ne croient plus ? Comme l’autel de Retsin, le leur est beaucoup plus vaste, a beaucoup plus belle apparence, que celui de Dieu. L’ancienne étroitesse religieuse a fait place, disent-ils, à des vues plus larges. Ce n’est plus le sang de la croix qui justifie et rachète le pécheur. Ils ont un autre Christ que celui-là, un Christ qui a renoué par sa vie les liens de l’humanité avec Dieu, sa croix n’étant plus que le couronnement d’une vie de dévouement. Le nouvel autel n’a aucun point de contact avec l’ancien. Sa forme et sa beauté le rendent infiniment plus désirable au monde que l’autel d’airain, aussi ce dernier est ôté de sa place, mis de côté (v. 14) ; il n’est plus le point de départ indispensable pour se présenter devant Dieu, dans son sanctuaire. En somme, on a un nouveau point de départ, on institue une nouvelle religion, et la première est reléguée dans un coin. Tout au plus l’autel d’airain peut-il servir à « consulter » (v. 15), non pas pour penser, comme on l’a dit, à ce qu’on doit en faire, mais afin de s’en servir pour des pratiques superstitieuses. C’est ainsi que, dans toute une partie de la chrétienté, l’usage de la croix est détourné et employé à des superstitions grossières. La religion d’Achaz, quand il s’agit du soi-disant culte de l’Éternel, aboutit à cela : d’un côté, à l’incrédulité quant au fondement même de la foi, la croix de Christ, de l’autre, à la superstition quand il s’agit de ce même fondement.
Le sacrilège d’Achaz s’étend
aux cuves (v. 17), qui, comme nous l’avons vu dans les Méditations sur le
premier livre des Rois (sur 7:27-40), servaient au lavage des victimes,
représentant l’absence complète de souillure du Christ offert en expiation.
Achaz ôte les cuves de leurs bases. Et ici encore, ne trouvons-nous pas une
analogie avec ce qui se passe sous nos yeux, ou se dit autour de nous ? On
abandonne la pensée d’une pureté parfaite de Christ, Agneau de Dieu, en
l’assujettissant aux mêmes tendances
que
les nôtres et en le montrant, tenté par des convoitises intérieures auxquelles
il n’a pas cédé. Tout en conservant les cuves, on les ôte de leurs bases.
Il en fut de même pour la mer d’airain (v. 17), instrument de la purification journalière des sacrificateurs. Elle était établie sur les boeufs, symboles de la patience de Dieu envers son peuple, quant à sa purification pratique. Cette purification ne pouvait être agréée, qu’en vertu de la longue patience de Dieu dans toutes ses voies envers son peuple. Achaz enlève la cuve de ce qui constituait sa base et la met sur « un pavé de pierre ». Ce pavé de pierre n’est-il pas une image frappante du coeur et de la nature de l’homme ? Toutes les tendances religieuses actuelles sont établies sur la prétention que l’élément humain, et non le caractère de Dieu, est la base de notre consécration pratique à son service, et qu’un acte résolu de la volonté de l’homme le rend capable de marcher sans souillure et sans péché dans le chemin de Dieu ici-bas.
Enfin Achaz change l’entrée dans la maison de l’Éternel (v. 18), qui était interdite à d’autres qu’au roi. Il le fait « à cause du roi d’Assyrie ». Il renie ses privilèges comme chef du peuple de Dieu, et le « portique du sabbat », le privilège du peuple lui-même, pour ne pas choquer le monde auquel il s’asservit. Maintenant le roi d’Assyrie peut se déclarer satisfait ! Les fondements mêmes de la religion d’Israël, par lesquels le peuple était sanctifié pour Dieu, ont disparu. Pourquoi le monde n’entrerait-il pas dès lors en relation avec le Dieu d’Israël par l’autel de Damas ? Cette religion modifiée et dépouillée de sa puissance et de ses privilèges, lui convient parfaitement !
Nous voici arrivés au dernier acte de l’histoire d’Éphraïm, autrement dit des dix tribus. Osée, meurtrier de Pékakh, règne neuf ans à Samarie. Tout en faisant ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, sa conduite vis-à-vis de Lui est moins profane que celle de ses prédécesseurs ; seulement, il ne tient pas compte des jugements de Dieu qui avait annoncé, par tous ses prophètes, l’asservissement d’Israël à l’Assyrie. D’année en année, le roi Osée avait envoyé des présents au roi d’Assyrie (v. 3), suivant l’exemple de l’un de ses prédécesseurs Menahem qui, par des présents, s’était déclaré vassal de Pul, afin que ce dernier établît le royaume entre ses mains (15:19-20). Plus tard, Tiglath-Piléser était monté contre Pékakh et, comme nous l’avons vu, avait transporté en Assyrie les tribus d’au delà du Jourdain. Pékakh n’avait évidemment pas suivi, comme Menahem, la règle de soumission à l’Assyrie, ce qui expliquerait les motifs politiques de cette transportation qui ne nous sont pas donnés dans la Parole, tandis que le motif divin nous est indiqué par un mot des Chroniques : « Dieu réveilla l’esprit de Tiglath-Piléser, et il les transporta » (1 Chron. 5:26). Ici, les procédés habituels des rois d’Assyrie envers Israël sont mis au jour. « Shalmanéser, roi d’Assyrie, monta contre lui, et Osée devint son serviteur, et lui envoya des présents » (v. 3). La menace d’une invasion par un ennemi plus fort que lui, oblige Osée à se soumettre, bien à contre-coeur sans doute, à ce vasselage. Mais ces présents ne lui servent guère. « Ils sont montés vers l’Assyrien », dit Osée, le prophète, « un âne sauvage se tient isolé. Éphraïm a fait des présents à des amants. Quand même ils ont fait des présents parmi les nations, maintenant je les assemblerai, et ils commenceront à être amoindris sous le fardeau du roi des princes » (Osée 8:9-10).
« Et le roi d’Assyrie
découvrit qu’Osée conspirait ; car Osée avait envoyé des messagers à Sô,
roi d’Égypte, et il n’envoyait pas de présents au roi d’Assyrie, comme il avait
fait d’année en année » (v. 4). En effet, cette conduite double et suspecte du
roi est mentionnée par le prophète : « Éphraïm se repaît de vent, et
poursuit le vent d’orient ; tout le jour il multiplie le mensonge et la
dévastation ; et ils font alliance avec l’Assyrie, et portent de l’huile
en Égypte » (Osée 12:2), et encore : « Éphraïm est devenu comme une colombe
niaise, sans intelligence ; ils appellent l’Égypte, ils vont vers
l’Assyrie » (Osée 7:11). Aussi, découvrant la conspiration du roi, Shalmanéser
« l’enferma dans une prison et le lia » (v. 4). « Le roi périt », selon la
prophétie d’Osée (10:7), sans que les circonstances de sa mort nous soient
rapportées. Le roi d’Israël, une fois prisonnier, « le roi d’Assyrie monta par
tout le pays, et monta à Samarie, et l’assiégea trois ans » (v. 5 ; cf.
18:9) ; mais ce ne fut pas Shalmanéser en personne qui s’empara de la
ville, car il est dit : « Ils la prirent
au bout de trois ans »
(18:10). En effet, dans l’intervalle, Sargon (Ésaïe 20:1) avait succédé à
Shalmanéser, ou du moins, était à la tête de l’armée pendant un court
interrègne. Le sort de la ville rebelle fut terrible, selon la parole de
Michée, qui prophétisa « au sujet de Samarie et de Jérusalem » : « Je ferai
de Samarie un monceau dans les champs, des plantations de vigne ; et je
ferai rouler ses pierres dans la vallée, et je découvrirai ses fondements. Et
toutes ses images taillées seront mises en pièces ; et tous ses présents
de prostitution seront brûlés au feu ; et je mettrai en désolation ses idoles ;
car c’est avec un présent de prostituée qu’elle les a rassemblées, et elles
redeviendront un présent de prostituée » (Michée 1:6-7). Osée nous décrit aussi
cet événement : « Samarie portera son iniquité, car elle s’est révoltée
contre son Dieu ; ils tomberont par l’épée, leurs petits enfants seront
écrasés, et on fendra le ventre à leurs femmes enceintes » (Osée 13:16).
« Et le roi d’Assyrie…
transporta Israël en Assyrie, et les fit habiter à Khalakh, et sur le Khabor,
fleuve de Gozan, et dans les villes des Mèdes » (v. 6). On a supposé qu’une
partie des dix tribus s’était enfuie en Égypte à ce moment-là. Nous ne pensons
pas que le passage d’Osée (8:13) : « Ils retourneront en Égypte
»,
puisse être interprété de cette manière. Ce même prophète avait dit : « Ils
appellent l’Égypte, ils montent vers l’Assyrie » (7:11) : puis :
« Éphraïm a fait des présents à des amants » (8:9) ; puis encore : « Éphraïm
retournera en Égypte
, et mangera en Assyrie ce qui est impur » (9:3). Tout
cela s’accorde complètement avec la conspiration d’Osée, comme aussi cette
autre parole : « Il ne retournera pas
dans le pays d’Égypte, mais
l’Assyrien sera son roi » (11:5). « Descendre en Égypte » ne signifie pas
nécessairement s’y enfuir, mais y chercher du secours, comme il est dit en
Ésaïe 31:1 : « Malheur à ceux qui descendent en Égypte pour avoir du
secours ».
Quant aux passages d’Osée
8:13 et 9:3, il faut bien remarquer que le prophète associe continuellement
l’iniquité de Juda avec celle d’Éphraïm : « Les peuples seront rassemblés
contre eux, quand ils seront liés pour leurs deux iniquités. Et Éphraïm est une
génisse dressée, qui aime à fouler le blé ; et j’ai passé sur son beau
cou : je ferai tirer le chariot à Éphraïm ; Juda labourera, et Jacob
hersera » (10:10-11) ; comme il les réunit aussi, après qu’ils auront été
au comble de l’asservissement, dans la même bénédiction future (10:13). Cette
remarque fait comprendre que : « Ils retourneront en Égypte », au chapitre
8:13, s’applique à Juda, moralement associé à Israël. Ce qui le prouve, c’est le
verset suivant : « Israël
…
bâtit
des palais, et Juda
multiplie les
villes fortes » (v. 14), mais bien plus encore : « Voici, ils s’en sont
allés à cause de la dévastation : l’Égypte les rassemblera, Moph (ou Noph,
Memphis), les enterrera » (9:6). Or nous savons, d’après le récit de Jérémie
(43, 44:1), que les transfuges de Juda
s’enfuirent
devant le roi de Babylone et se réfugièrent en Égypte, et entre autres à Noph,
forçant le prophète à les y accompagner, et que là, il prophétisa contre eux,
quand ils se croyaient à l’abri de leur oppresseur (cf. 2 Rois 25:26) (*).
(*) À part cette explication, nous n’avons pas l’intention de résoudre les difficultés historiques contenues dans ces livres. C’est ainsi que nous laissons de côté, pour la plupart, les questions chronologiques. D’autres ont répondu aux objections de la soi-disant « haute critique » à leur sujet.
Dieu récapitule maintenant, lui-même, cette longue histoire d’Israël, qui commence à l’Exode et se termine à notre chapitre. Non pas qu’elle soit close définitivement ; elle ne l’est qu’en ce qui concerne ce peuple et ses rois, envisagés comme responsables. Les entrailles du prophète Osée, émues des compassions divines, annoncent sa restauration future. « Mon coeur est changé en moi ; toutes ensemble, mes compassions se sont émues. Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne détruirai pas de nouveau Éphraïm ; car je suis Dieu, et non pas un homme — le Saint, au milieu de toi ; et je ne viendrai pas avec colère. Ils marcheront après l’Éternel. Il rugira comme un lion ; car il rugira, et les fils accourront en émoi de l’Occident, ils accourront en émoi de l’Égypte comme un oiseau, et, comme une colombe, du pays d’Assyrie ; et je les ferai habiter dans leurs maisons, dit l’Éternel » (Osée 11:8-11). Ce même Dieu, qui leur avait donné un roi dans sa colère et l’avait ôté dans sa fureur (13:11), dit : « Je les délivrerai de la main du shéol, je les rachèterai de la mort » (13:14), et encore : « Je guérirai leur abandon de moi, je les aimerai librement, car ma colère s’est détournée d’eux. Je serai pour Israël comme la rosée ; il fleurira comme le lis, et il poussera ses racines comme le Liban. Ses rejetons s’étendront, et sa magnificence sera comme l’olivier, et son parfum comme le Liban : ils reviendront s’asseoir sous son ombre, ils feront vivre le froment, et ils fleuriront comme une vigne ; leur renommée sera comme le vin du Liban » (14:4-7).
Du v. 7 à 18 de notre chapitre, Dieu montre ce qu’il avait fait pour Israël depuis que, les délivrant d’Égypte, il les avait introduits en Canaan (v. 7). Il parle ensuite de ce qu’eux avaient fait, agissant d’abord « en secret » contre l’Éternel, marchant suivant l’idolâtrie des nations que Dieu avait dépossédées devant eux, et dans les statuts que les rois d’Israël, à commencer par Jéroboam I, avaient établis, en fondant et maintenant la religion nationale des veaux de Dan et de Béthel. De plus, ils avaient érigé partout, dans leurs villes fortes, et jusqu’auprès des tours de garde, observatoires isolés, des hauts lieux et des idoles mâles et femelles, avec plus de débordement que Juda qui s’était contenté de conserver les hauts lieux, consacrés autrefois au culte de l’Éternel, et en avait fait des places de pratiques idolâtres (v. 8-13). L’Éternel avait rendu témoignage contre eux et contre Juda par tous les prophètes. Les avaient-ils écoutés ? Non, ils avaient abandonné les commandements de l’alliance pour se livrer à l’affreuse apostasie, décrite sous toutes ses faces aux v. 14-17. Enfin, dans sa colère, Dieu les avait ôtés de devant sa face et il « n’en était resté que la seule tribu de Juda », sans doute pour peu de temps, mais Dieu la reconnaissait encore, selon la parole d’Osée : « Éphraïm m’entoure de mensonge, et la maison d’Israël de fraude ; mais Juda marche encore avec bien et avec les vrais saints » (Osée 12:1).
Aux v. 19-20, Dieu mentionne Juda
comme en passant. Ce dernier avait
suivi les statuts établis par les dix tribus, aussi l’Éternel rejeta toute
la semence d’Israël, mais du v. 21
au v. 24, il revient à Éphraïm et à sa séparation de la maison de David.
C’était là, sans doute, un jugement de l’Éternel contre Salomon, et comme tel
ordonné de Dieu, mais, d’autre part, c’était le fruit du mauvais coeur
d’Israël, pour lequel le temple de Dieu à Jérusalem avait peu d’importance,
quand il pensait à devenir une nation indépendante de Juda. Peut-être,
néanmoins, Israël n’aurait-il pas songé, malgré cela, à se forger de toutes
pièces une nouvelle religion, si les vues politiques de Jéroboam, entièrement
étranger à toute crainte de Dieu, n’avaient forcé son peuple à entrer dans
cette voie. « Jéroboam avait détourné violemment Israël de suivre l’Éternel, et
les avait fait commettre un grand péché » (v. 21). Mais, d’autre part, « les fils
d’Israël marchèrent
» (ils étaient donc coupables
eux-mêmes) « dans tous les péchés que Jéroboam avait commis ; ils ne
s’en détournèrent point
» (v. 22). Aussi Israël fut
transporté en Assyrie. On voit ici, v. 24, et au v. 6, l’immense extension
qu’avait prise ce royaume. Le monarque assyrien fit venir des gens de Babel et
autres lieux pour remplacer les déportés dans les villes de la Samarie.
Ces nations idolâtres,
transportées dans la terre d’Israël, ne craignaient pas l’Éternel
. Il
envoya contre elles des lions qui les tuaient. Malgré la désolation présente,
Dieu avait souci du pays de son héritage ; il revendiquait ses droits sur
lui et ne se les laissait pas enlever. Il ne voulait pas qu’il retombât sous la
malédiction dont il l’avait délivré en exterminant les Cananéens. Quelle que
fût la ruine, il ne fallait pas que le nom de l’Éternel fût entièrement arraché
du pays d’Israël, et cela en vue de l’avenir, car le résidu, le vrai Israël,
doit hériter la terre.
Décimés par les lions, ces
pauvres païens ignorants qui assimilaient le Dieu d’Israël à leurs faux dieux,
comprennent ce jugement. Ils sont plus intelligents que le peuple de l’Éternel
(v.26). Le roi d’Assyrie leur fait envoyer l’un des sacrificateurs transportés,
pour « leur enseigner la coutume du dieu du pays » ; mais ce sacrificateur
lui-même avait soutenu l’affreux mélange des idoles avec la religion du vrai
Dieu et ne peut leur enseigner que sa propre corruption, en sorte que, d’un
côté, ils « apprennent à craindre l’Éternel
», tandis que, de l’autre,
chacun se fait ses dieux et les place « dans les maisons des hauts lieux que les
Samaritains avaient faites » (v. 29).
Une religion corrompue — ce
fait si évident a cependant besoin que l’on y insiste particulièrement — ne
peut conduire les hommes dans la vérité et les formera toujours sur son modèle.
Aussi est-il dit : « Ils craignaient l’Éternel
, et se firent d’entre
toutes les classes du peuple des sacrificateurs des hauts lieux, qui offraient
des sacrifices pour eux dans les maisons des hauts lieux » (v. 32). Jéroboam
n’avait-il pas fait de même à l’égard de la sacrificature ? Ce qu’ils
apprennent du sacrificateur de Samarie les engage dans le même chemin,
seulement, ils vont un peu plus loin, et les sacrificateurs qu’ils établissent
à la façon de Jéroboam deviennent, tout simplement, des sacrificateurs de leurs
idoles (v. 32 ; cf. v. 29). La parole de Dieu répète qu’ils « craignaient
l’Éternel
, et… servaient leurs dieux selon la coutume des nations d’où
ils avaient été transportés » (v. 33), mais elle ajoute, au v. 34 :
« Jusqu’à ce jour, ils font selon leurs premières coutumes : ils ne
craignent pas l’Éternel
, et ils ne font pas selon leurs statuts et selon
leurs coutumes, ni selon la loi et selon le commandement que l’Éternel avait
commandés aux fils de Jacob, qu’il nomma Israël » (v. 34). N’oublions pas que la
crainte de l’Éternel, ce premier pas
dans la voie de la sagesse, ne peut
pas s’allier avec l’idolâtrie du monde, pas davantage avec les idoles des
païens qu’avec celles du monde actuel qui, en rejetant Christ, a reconnu la
domination de Satan. Ceux qui, en apparence, le craignent
, de fait ne
le craignent pas
réellement, s’ils ne lui obéissent pas, car le craindre,
c’est lui obéir. Dieu ne souffre pas de mélange.
Remarquez, dans tout ce
passage, combien la crainte de l’Éternel, ce commencement
de la sagesse,
avait été placée sur la conscience à la fois du peuple (v. 35-40) et des
nations. L’Éternel avait dit à Israël : « Vous ne craindrez point d’autres
dieux » (v. 35, 37, 38). Vous craindrez l’Éternel, « et vous vous prosternerez
devant lui » (v.36). « Vous craindrez l’Éternel, votre Dieu, et il vous délivrera
de la main de tous vos ennemis » (v.39). Dans ce court passage, le mot « craindre
l’Éternel » revient jusqu’à onze
fois ! De cette ordonnance
élémentaire, tout le reste dépendait et dépend encore !
Quant à ces nations, en leur faisant sentir son déplaisir par l’attaque des lions, l’Éternel leur avait, pour ainsi dire, imprimé une direction vers lui, puis, suivant envers elles le même principe qui l’avait dirigé envers son peuple, il les avait laissées à leur propre responsabilité. Pas plus qu’Israël, elles n’en avaient tenu compte, mais lequel de ces deux partis était le plus coupable ? Quand les captifs de Juda furent réintégrés dans leur pays pour recevoir le Christ, ils méprisaient profondément les Samaritains et n’avaient point de relations avec eux (Jean 4:9). Mais ils allaient plus loin, et disaient à leur Messie : Tu es un Samaritain ! (Jean 8:48). C’est ainsi que l’homme religieux juge les autres hommes, lui qui est sous le même jugement, et c’est ainsi qu’il juge Dieu ! Jésus rejeté accepte ce nom, pour montrer dans une parabole que, malgré cette position de déshonneur qui lui était faite, lui seul était le dispensateur de la grâce, en contraste avec l’homme religieux, que sa propre justice empêchait d’être le prochain du malheureux Israël, tombé entre les mains des nations qui l’avaient pillé !
L’histoire d’Israël étant terminée, nous trouvons, jusqu’à la fin du livre, celle des derniers rois de Juda. Avant d’en considérer les détails, abordons un sujet général de la plus haute importance.
Extérieurement, sans doute, Juda marchait « encore avec Dieu et avec les vrais saints » (Os. 12:1) ; mais depuis longtemps, sa ruine était manifeste. Elle s’était accentuée tout particulièrement depuis que le pieux Josaphat avait été chercher l’alliance d’Achab. Tout en conservant cette apparence extérieure, abandonnée par Éphraïm dès le commencement de son existence, Juda était moralement éloigné de Dieu. Les prophètes Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, nous renseignent sur son état intérieur. C’est ainsi qu’Ésaïe, décrivant l’état de Juda dans cette période, écrit : « Parce que ce peuple s’approche de moi de sa bouche, et qu’ils m’honorent de leurs lèvres, et que leur coeur est éloigné de moi, et que leur crainte de moi est un commandement d’hommes enseigné, c’est pourquoi, voici, j’agirai encore merveilleusement, et je ferai une oeuvre merveilleuse envers ce peuple : la sagesse de ses sages périra, et l’intelligence de ses intelligents se cachera » (És. 29:13-14). Et encore : « C’est ici un peuple rebelle, des fils menteurs, des fils qui ne veulent pas entendre la loi de l’Éternel » (30:9). Et encore, à la veille de l’invasion de Sankhérib : « Les pécheurs ont peur dans Sion ; le tremblement a saisi les impies : Qui de nous séjournera dans le feu consumant ? Qui de nous séjournera dans les flammes éternelles ? Celui qui marche dans la justice, et celui qui parle avec droiture, celui qui rejette le gain acquis par extorsion, qui secoue ses mains pour ne pas prendre de présent, qui bouche ses oreilles pour ne pas entendre parler de sang et qui ferme ses yeux pour ne pas voir le mal » (33:14-15). Il est inutile de multiplier les citations. Nous aurons du reste occasion d’y revenir quand, à propos du règne de Josias, nous consulterons Jérémie au sujet de l’histoire morale de Juda.
Au milieu de cet état de choses, Achaz, roi de Juda, avait pris à tâche d’altérer les institutions fondamentales du temple de l’Éternel. On ne voit pas que le peuple ait protesté le moins du monde contre ces profanations. Il laissait faire. Aussi le courroux de l’Éternel s’était-il embrasé sous le règne d’Achaz contre Juda (2 Chron. 28:9), en le livrant aux mains d’Éphraïm, et contre Achaz qui avait « rejeté tout frein en Juda et avait beaucoup péché contre l’Éternel » (2 Chron. 28:19). Seul l’impie Manassé dépassa plus tard l’iniquité d’Achaz.
Mais, entre ces deux rois,
Dieu suscite un témoignage en Juda. Nous entrons dans la période des Réveils
proprement dits ; le
premier, celui d’Ézéchias, dont nous allons nous occuper, le second, celui de
Josias. Le caractère saillant de ces réveils, c’est qu’ils sont le fruit absolu
de la grâce de Dieu. Rien ne les fait prévoir, aucun travail préliminaire ne
les amène, nul signe de repentance chez le peuple ne les précède. Ils sont
l’oeuvre directe de l’Esprit de Dieu, et ressortent d’une manière éclatante au
milieu de la ruine de Juda. Ézéchias est le fils d’un père profane et voué aux
abominations idolâtres ; son fils, Manassé, surpasse Achaz en apostasie.
Manassé a pour fils Amon, aussi apostat que lui. Mais le fils de ce dernier,
petit-fils de Manassé, Josias, est l’instrument d’un second réveil en Juda.
Après lui vient la période de la fin, où la lampe de David semble
éteinte pour toujours.
Ces réveils ont pour nous
une importance toute particulière. Nous assistons à la fin de l’histoire de la
chrétienté qui, sauf l’idolâtrie païenne, a la plus grande analogie morale avec
la fin de l’histoire de Juda. Le jugement est prononcé depuis longtemps par la
Parole sur l’état de choses actuel (lisez 2 Tim. ; 2 Pierre ; Jude),
et nul n’y prend garde. Au moment de leur ruine subite, les hommes crient
encore : « Paix et sûreté ». La grâce de Dieu met momentanément, par des
réveils, une digue au torrent qui les emporte. Il s’en sert pour retirer de la
masse, déjà condamnée, un plus ou moins grand nombre d’âmes, rendues attentives
à la voix de son Évangile ; il prépare ainsi la venue de son Bien-aimé
pour prendre les siens auprès de Lui, en complétant le nombre des élus, en
sorte que pas un d’entre eux ne manque au dernier appel du rassemblement final.
Ces réveils de la fin n’ont
pas tous le même caractère, mais quand on cherche à les distinguer des retours
de piété qui ont précédé, l’on trouve d’abord qu’ils ne concernent pas
seulement la personne du roi, mais sont partagés par le peuple ; ensuite
que, malgré leur diversité, ils ont un caractère commun, la rupture complète
avec des traditions qui, par leur antiquité, paraissaient respectables aux yeux
des hommes, mais n’étaient pas l’enseignement du Saint Esprit, et n’avaient
point été instituées de Dieu. Les réveils de la fin sont, en un mot, la rupture
avec la tradition
et le retour à ce qui était au commencement
. Ce
fait nous frappe particulièrement dans l’histoire d’Ézéchias et dans celle de
Josias. David, le chef de la race royale, n’avait jamais sacrifié sur les hauts
lieux ; il n’avait qu’un souci : trouver un lieu pour l’arche de
l’Éternel. Ce lieu trouvé en Sion, il s’y tient et y rend culte à Dieu. Salomon
ne suit pas la marche de son père et s’en écarte, en ce qu’il sacrifie à
l’Éternel sur les hauts lieux. Pratique dangereuse, et qui porte des fruits
abominables, lorsque le coeur du roi se fut laissé entraîner par les femmes
étrangères (1 Rois 11:7). Depuis ce moment-là, les sacrifices des hauts lieux,
tradition du règne de Salomon, ne furent plus bannis de Juda, et l’on peut
dire, comme nous l’avons déjà fait remarquer, que les hauts lieux firent partie
de sa religion nationale (*). Nous avons donc
raison d’affirmer que cette religion, tout en gardant bien des traits de la
vérité, avait abandonné ce qui était au commencement, et qui remontait, non
seulement à David, mais à Moïse (voyez Deut. 12:1-2). Elle avait favorisé
l’alliance de Josaphat avec le roi d’Israël, car s’il n’existait pas entre eux
de lien moral, la conformité de certaines pratiques religieuses entre leurs
deux peuples, aveuglait ce roi pieux sur l’impiété d’une pareille alliance. Ce
relâchement initial porte tôt ou tard ses fruits. L’inique Achaz s’attaque, non
pas aux hauts lieux de Salomon, mais aux choses établies par lui, selon le
modèle communiqué au commencement par l’Éternel à David, c’est-à-dire à la
maison même de Dieu. Il fait bon marché de tous les principes divins proclamés
dans l’arrangement du temple, comme de nos jours, on fait bon marché de tous
les dogmes, sans respecter davantage la divine institution des choses du
christianisme, qu’Achaz ne respectait l’autel et les cuves.
(*) Nous verrons, en étudiant le second livre des Chroniques, la manière, en apparence contradictoire, dont ce livre nous présente cet important sujet.
Nous avons dit que le caractère commun des réveils de la fin est la séparation de la religion courante, pour revenir à ce qui a été enseigné au commencement dans la parole de Dieu.
De là, sous Ézéchias, la destruction complète (encore plus radicale sous Josias qui la poursuit dans tout le territoire de Canaan) de tout ce qui se rapportait aux hauts lieux, statues, ashères, encens, sacrificateurs, et de toute cette religion de pronostiqueurs, spirites et autres, vers laquelle Israël était entraîné. En comparant l’histoire de Josias avec celle d’Ézéchias, nous noterons les caractères distinctifs de ces réveils, car, nous l’avons dit, chacun a un caractère spécial, selon les époques diverses dont Dieu connaît les besoins. Bornons-nous, pour le moment, à considérer le réveil qui caractérise le règne d’Ézéchias.
La mère d’Ézéchias était probablement de race sacerdotale ou lévitique et, sans doute, comme nous l’avons souvent noté, le Seigneur l’employa dans l’éducation de son fils, alors qu’Achaz, père d’Ézéchias, ne pouvait avoir sur lui qu’une influence néfaste. Mais, quoiqu’il en soit de ces influences favorables ou contraires, une chose demeure, c’est que la grâce seule explique les caractères d’Ézéchias et de Josias, et les derniers rois de Juda, impies malgré leurs mères juives ou leurs pères pieux, en sont la preuve.
« Il fit ce qui est droit aux
yeux de l’Éternel, selon tout ce que fit David son père » (v. 3). Dieu fait
remonter sa fidélité à l’exemple donné par David, fait d’autant plus
remarquable que cela n’est pas dit de ses prédécesseurs. Jotham « fit ce qui est
droit aux yeux de l’Éternel, selon tout ce qu’avait fait Ozias son père »
(15:34). Ozias « selon ce qu’avait fait Amatsia » (15:3) ; Amatsia « selon ce
qu’avait fait Joas » (14:3). La parole de Dieu fait la même remarque pour Josias
que pour Ézéchias (22:2), confirmant ainsi le fait que ces deux rois
retournèrent à ce qui était au commencement. On ne peut parler aujourd’hui d’un
réveil véritable qui n’ait pas ce caractère (*).
Il en fut de même aux jours d’Esdras et de Néhémie. Au sein même de la ruine,
le peuple revint aux fondements divins et à la parole de Dieu, se séparant en
même temps de toute action commune et de toute alliance avec le monde. De nos
jours, on prétend créer des réveils
, tout en les laissant alliés avec le
christianisme professant qui déshonore Dieu, le Seigneur Jésus, le Saint Esprit
et la Parole ! Il n’en fut pas ainsi d’Ézéchias. Il ne pactisa nullement
avec la corruption qui s’était introduite en Juda. Seulement, ce qui le
distingue de nous, simples chrétiens quant aux principes, c’est qu’Ézéchias
avait une autorité et une responsabilité spéciales comme roi, de la part de
Dieu, et que son devoir était d’user de sa propre autorité pour purifier le
peuple, acte qui aurait pu, comme pour les règnes précédents, laisser ses
sujets plus ou moins indifférents à sa piété personnelle. Le réveil
s’accomplissait dans le coeur du roi, le roi en était l’agent, et la question
surgissait dès lors si le coeur et la conscience du peuple suivaient
l’impulsion donnée. Or, nous voyons en 2 Chron. 30:10-44 et 31:1, que le zèle
d’Ézéchias porta ses fruits et fut suivi chez le peuple d’humiliation et
d’unité de coeur et de pensée pour se purifier du mal. Ce ne furent pas
seulement ceux de Juda, mais les restes d’Éphraïm après la transportation, qui
ressentirent les effets bénis de la piété du roi, en sorte que la destruction
des instruments de l’idolâtrie s’étendit, non seulement à Juda et Benjamin, mais
aussi à Éphraïm et Manassé.
(*) Nous ne parlons pas ici, cela va sans dire, de l’évangélisation du monde et de la conversion des pécheurs.
« Il ôta les hauts lieux, et brisa les statues, et coupa les ashères, et mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car jusqu’à ces jours-là, les fils d’Israël lui brûlaient de l’encens ; et il l’appela : Nehushtan (morceau d’airain) » (v. 4). Ici, cette purification est attribuée au roi seul. Elle fut complète de sa part et alla jusqu’au serpent d’airain que Moïse avait fait. N’est-il pas frappant de constater que la Parole ne fait aucune mention du serpent d’airain, depuis le temps où Moïse l’érigea dans le désert, et cependant, Israël l’avait conservé soigneusement depuis plus de 700 ans, sans doute en souvenir de la merveilleuse délivrance opérée par ce moyen en faveur du peuple ? Israël avait été guéri par lui, et n’était-il pas naturel qu’il voulût le garder comme un témoignage visible de cette guérison ? C’était une chose respectable, un type antique de la délivrance du péché et de ses conséquences par le sacrifice de Christ, mais cet objet était devenu, entre les mains de l’Ennemi, un moyen d’idolâtrie pour le peuple qui lui brûlait de l’encens. Il fallut l’intervention du fidèle Ézéchias pour signaler et détruire cette idolâtrie cachée, revêtue d’une forme d’institution divine. Ce serpent était un symbole, et non pas une chose ayant en elle-même une propriété miraculeuse. L’occasion unique où il avait été employé ne s’étant pas renouvelée et ne pouvant l’être, il n’avait pas plus de valeur en lui-même que tout autre Nehushtan, ou morceau d’airain. Les Nehushtans, idolâtrie plus cachée, mais aussi grossière que l’idolâtrie ordinaire, sont toujours nombreux dans la chrétienté. Comme Nehushtan, la croix de Christ a donné lieu à des pratiques superstitieuses. Posséder un morceau de la « vraie croix », le baiser, ou révérer un morceau de bronze ou d’ivoire représentant le Seigneur mourant sur la croix, sont des pratiques générales dans une grande partie de la chrétienté. L’homme s’attache au symbole et lui reconnaît quelque valeur ou propriété particulière. Il fait du symbole son Dieu. Est-ce meilleur que l’idolâtrie divinisant les attributs de Dieu ? Non, certes ; c’est une idolâtrie tout aussi grossière, mais encore plus dangereuse, parce qu’elle s’empare de ce qu’il y a de plus sacré, de plus élevé, de la croix, centre de tous les conseils de Dieu, du symbole de l’amour éternel, pour en faire une idole que les yeux de la chair voient, que baisent les lèvres de la chair, une idole qui n’a elle-même ni yeux pour voir, ni oreilles pour entendre. La foi se débarrasse de ces choses et les prend pour ce qu’elles sont, ni plus, ni moins, qu’un morceau de bois ou d’airain.
« Il mit sa confiance en
l’Éternel, le Dieu d’Israël » (v. 5). Nous trouvons ici le caractère particulier
et très frappant d’Ézéchias, et du réveil qui accompagne son règne. C’est la confiance en Dieu.
Cette confiance
lui fait repousser toute aide humaine. Il ne va pas, comme d’autres rois,
chercher du secours en Égypte pour échapper à l’Assyrie (És. 30:1-5 ;
31:1-3), ou s’appuyer, comme son père, sur l’Assyrien, contre d’autres ennemis
du dehors. Et cependant sa foi présente, même de ce côté-là, des défaillances,
comme nous le verrons.
Sous le rapport de la
confiance, Ézéchias n’eut pas son égal parmi les rois de Juda. Cette confiance
est inséparable de l’obéissance
: « Il s’attacha à l’Éternel ;
il ne se détourna point de lui, et il garda ses commandements, que l’Éternel
avait commandés à Moïse » (v. 6). Défions-nous d’une soi-disant confiance en
Dieu qui s’allie avec la désobéissance à sa Parole. Si j’ai confiance en lui,
je m’attache à lui ; si je m’attache à lui, je garde sa Parole, et je la
garde, telle qu’il me l’a confiée au commencement comme Ézéchias garda « les
choses commandées à Moïse ». On peut trouver, sans doute, de la confiance en
Lui, mêlée de beaucoup d’ignorance, mais l’ignorance n’est pas la
désobéissance. Seulement, du moment que l’âme est mise en rapport avec la
claire révélation de la pensée de Dieu et qu’elle lui préfère ses formes
religieuses, ses hauts lieux et ses Nehushtans, elle n’aura jamais une vraie
confiance en Dieu. Oui, confiance, attachement au Seigneur et obéissance sont
choses inséparables. Le résultat de la foi d’Ézéchias ne se fait pas
attendre : « L’Éternel fut avec lui : partout où il allait, il
prospéra » (v. 7). Quel heureux cercle de bénédictions ! La faveur de Dieu,
la prospérité spirituelle accompagnent la fidélité. Que ces bénédictions, cher
lecteur, soient les nôtres ! Amen.
Il nous est dit ensuite qu’Ézéchias « se révolta contre le roi d’Assyrie et ne le servit pas » (v. 7). C’était agir en sens inverse de son père Achaz qui, averti solennellement par Ésaïe de ne pas craindre l’attaque de Retsin, roi de Syrie, et de Pékakh, fils de Remalia, et exhorté à demander de la part de l’Éternel un signe que sa promesse s’accomplirait, avait préféré recourir à l’Assyrien. Dieu lui déclara alors que ce roi d’Assyrie, auquel il se confiait, « remplirait la largeur du pays d’Emmanuel, du déploiement de ses ailes » (És. 7:1-17 ; 8:8). Ézéchias, nous paraît-il, agissait selon Dieu en ne reconnaissant pas cette autorité. Il n’en fut pas de même, plus tard, pour Juda, lorsqu’il s’agit de Babylone, comme nous pouvons le voir en Jérémie et à la fin de notre livre. Se révolter contre Nébucadnetsar, quand Dieu lui avait transféré l’empire et employait ce joug comme jugement sur Juda, c’était se révolter contre Dieu. Dans le cas d’Ézéchias, c’était ne pas reconnaître à l’Assyrien une autorité que Dieu ne lui avait nullement conférée à l’égard de Juda, dans ce moment-là. Ézéchias était serviteur de Dieu et ne pouvait l’être du roi d’Assyrie. Aussi la victoire sur les Philistins (v. 8), lui est-elle accordée à la suite de cette confiance en Dieu qui lui avait fait secouer ce joug.
Mais là même, quant au
caractère dominant de sa foi, nous voyons, dès le début de son règne, chanceler
la confiance
de ce roi pieux. Dieu permet souvent des faits pareils,
afin de nous apprendre à connaître nos coeurs et à ne mettre aucune confiance
en nous-mêmes. L’histoire des hommes de foi, depuis Abraham à David, en passant
par Moïse, nous en offre de nombreux exemples. C’est quant à la confiance même,
qui caractérise avant tout sa marche, qu’Ézéchias fait son premier faux pas. Le
terrible désastre d’Israël par l’invasion de Shalmanéser prépare, sans doute,
l’ébranlement de cette confiance, mais quand Ézéchias voit toutes les villes de
Juda tomber aux mains du roi d’Assyrie, le coeur lui manque. Il envoie vers lui
à Lakis, disant : « J’ai péché, retire-toi de moi ; ce que tu
m’imposeras, je le supporterai » (v. 14). La peur s’empare de lui. Comme Pierre,
il regarde le vent et les vagues, et perd de vue le Seigneur. Il se compare au
roi dAssyrie, au lieu de comparer celui-ci à l’Éternel. Le roi lui impose un
tribut ; Ézéchias se dépouille de tout pour le payer, jusqu’à enlever l’or
des portes et des piliers du temple de l’Éternel. À quoi cela lui
sert-il ? Le roi n’en tient aucun compte. Que lui importe de rompre sa
parole, quand il s’agit du serviteur détesté de l’Éternel ? (*) Les Chroniques (2 Chron. 32:1-8) se taisent sur
cette défaillance pour en venir, comme Ésaïe 36, au récit de ce qui suit dans
notre chapitre, depuis le v. 17. C’est que, comme nous l’avons souvent vu dans
le cours de ces méditations, il s’agit ici de l’histoire du roi responsable,
tandis que les Chroniques nous montrent l’action de la grâce de Dieu, dans le
coeur de ceux qu’il emploie à son service. Cette discipline fut pleine de
bénédictions pour le coeur d’Ézéchias, comme nous le verrons dans la suite.
(*) On a supposé qu’Ézéchias n’avait pu s’acquitter de la totalité du tribut qui s’élevait à une somme énorme, mais les inscriptions confirment le récit biblique et montrent qu’il s’en est acquitté à la lettre. Il y avait donc félonie du monarque assyrien, et Dieu s’en servit pour la discipline d’Ézéchias.
Avant d’aller plus loin,
remarquons que le récit des Chroniques (2 Chron. 29-31), insiste beaucoup sur
une partie de l’activité d’Ézéchias au commencement de son règne, activité que
le récit des Rois passe entièrement sous silence. En effet, les Chroniques nous
présentent, tout au long, le zèle d’Ézéchias pour restaurer le culte et la
maison de l’Éternel, tandis que notre récit dépeint son énergie pour se séparer
du mal et en purifier le peuple. Ces deux caractères sont inséparables d’un
vrai réveil, et l’on peut dire que le premier, le retour à Dieu, doit
nécessairement primer le second ou, pour m’exprimer plus clairement, que la
séparation du mal suit la restauration de nos rapports avec Dieu. Cela est si
vrai, que les Chroniques nous montrent Ézéchias, comme « ayant à coeur de faire
alliance avec l’Éternel » « au premier
mois de la première
année de
son règne », et que la sanctification du temple commença « le premier jour du
premier mois
» (2 Chron. 29:3, 17 ; cf. v. 10). Ainsi, dès le premier
jour de son règne, ce roi de 25 ans entreprend résolument la cause de Dieu. Il
arrive au trône, jeune, inexpérimenté, n’ayant assisté, sous le règne de son
père, qu’à des spectacles faits pour détourner les âmes de l’Éternel. Comment
donc expliquer son attitude ? Il entre dans sa carrière avec la foi seule,
avec le fruit de la grâce !
« Et la quatorzième année du
roi Ézéchias, Sankhérib, roi d’Assyrie, monta contre toutes les villes de Juda
et les prit » (v. 13). Ici, une remarque historique qui a son importance.
Ézéchias régna 29 ans. La quatorzième année de son règne, Sankhérib monte
contre lui. Le chap. 20 nous dit qu’ensuite de sa supplication, quand il fut
malade à la mort, « l’Éternel ajouta quinze années à ses jours ». La maladie
d’Ézéchias eut donc lieu au commencement de l’invasion de l’Assyrien et avant
la défaite de ce dernier, et ne nous est pas présentée dans l’ordre
chronologique (*). Aussi ces faits sont-ils
mentionnés d’une manière peu précise : « En ces
jours-là
, Ézéchiel
fut malade à la mort » (20:1). Par ce fait, nous pouvons mesurer la profondeur
de l’épreuve que dut traverser cet homme de Dieu. D’un côté, l’envahissement de
tout son pays, sauf Jérusalem (18:13), de l’autre, une maladie mortelle, et
cela, au moment où il avait rendu à son peuple le culte du vrai Dieu, exterminé
l’idolâtrie, affranchi Juda de l’esclavage assyrien ! On comprend que sa
foi, mise à cette terrible épreuve, ait chancelé, que la confiance en Dieu se
soit obscurcie un moment dans son coeur.
(*) Ce que nous disons de la date de la maladie d’Ézéchias est confirmé par les paroles de l’Éternel lors de sa guérison : J’ajouterai quinze années à tes jours et je te délivrerai toi et cette ville de la main du roi d’Assyrie, et je protégerai cette ville (2 Rois 20:6)
Le roi d’Assyrie, qui avait assiégé et conquis Lakis, envoie à Jérusalem ses serviteurs, le Thartan ou général en chef de ses armées, le Rab-Saris (chef des têtes) dont les fonctions ne sont pas bien connues, et le Rab-Shaké, chef politique de la maison du roi et son porte-parole dans les occasions importantes. Ils se tiennent devant Jérusalem, et les serviteurs d’Ézéchias, Éliakim, Shebna et Joakh sortent vers eux. Depuis ce moment, notre récit concorde presque mot à mot avec celui d’Ésaïe (36-37).
La première partie du discours du Rab-Shaké (v. 19-25) a trait à la confiance d’Ézéchias en l’Éternel, confiance qui, nous l’avons vu, caractérisait sa piété. « Quelle est cette confiance que tu as ? » « En qui te confies-tu, que tu te révoltes contre moi ? » (v. 19, 20). Ici, le formidable orgueil de l’Assyrien se montre à nu. Ézéchias, privé de son territoire, enfermé dans Jérusalem comme un oiseau dans une cage, pourra-t-il résister à l’armée de l’Assyrien ? La dernière pensée qui vienne à l’ennemi, c’est qu’on puisse se confier en un Dieu invisible et qu’Ézéchias puisse avoir d’autres principes dirigeants, d’autres appuis que le monde. S’il se confie en quelqu’un, ce doit être en l’Égypte. Cette pensée accroît la colère du roi contre Ézéchias. L’Égypte était précisément l’adversaire contre lequel son expédition était dirigée, et si Ézéchias se révoltait, c’était, selon lui, qu’il en attendait du secours. Il en était ainsi de toutes les nations environnantes, qui avaient secoué le joug pesant de l’Assyrie. Ézéchias différait-il d’elles toutes ? Peut-être prétendait-il se confier en l’Éternel ? « Si vous me dites : Nous nous confions en l’Éternel notre Dieu.. » (v. 22). Vaines paroles ! Ce Dieu, « Ézéchias en avait ôté les hauts lieux et les autels », car Sankhérib ignore le vrai Dieu et le confond avec les idoles que la fidélité d’Ézéchias avait abolies. Tu as beau dire, « tu mets ta confiance en l’Égypte ! » Jamais le monde ne peut imaginer que les chrétiens ne cherchent pas leurs alliances avec le monde et, de fait, il n’y a rien d’étonnant à ce scepticisme, quand nous voyons l’état de la chrétienté qui nous entoure. La religion est-elle menacée d’un danger, subit-elle une attaque ou une persécution ? le monde chrétien recourt immédiatement au gouvernement du monde pour l’éviter ou en être délivré. La conduite, les oeuvres de la chrétienté sont basées sur l’influence du monde ou sur son aide pécuniaire. Les bonnes oeuvres n’ont pas d’autre soutien. L’incrédule est justifié quand il nous dit : « Que si tu dis : Nous nous confions en l’Éternel… » au fond, tu ne t’y confies pas plus que nous ! Il n’en était pas de même d’Ézéchias. Il pouvait laisser dire l’Assyrien, car il savait de quels dieux il avait purifié son peuple ; il savait sur quel Dieu il pouvait compter.
Mais une chose bien sérieuse à considérer, c’est que l’infidélité de Juda donne à l’ennemi l’occasion de blasphémer le vrai Dieu et de nier son existence. Puisque vous aviez des hauts lieux et des autels, ils étaient pour vous l’Éternel, dit-il. Il ne connaît l’Éternel que par les idoles dont Juda avait fait ses dieux. Il avait le droit de leur dire : Vous aviez les mêmes dieux que moi et vous les serviez tout comme moi. Et maintenant, vous dites : Nous nous confions en l’Éternel ! En quel Éternel, je vous prie ? Celui des hauts lieux, ou celui de l’autel que vous venez d’ériger ? Diffèrent-ils les uns des autres ?
Et maintenant, c’est l’Éternel qui « m’a dit : Monte contre ce pays, et détruis-le » (v. 25). L’Assyrien n’avait-il pas aussi le droit de parler de l’Éternel ? J’ai le même Dieu que vous, je le connais tout aussi bien que vous. N’entend-on pas journellement ces paroles dans le monde ? La guerre éclate entre deux nations. Laquelle a Dieu pour elle ? Toutes deux l’invoquent, sûres de la victoire. Où est-il, le vrai Dieu ? Hélas ! même parmi les nations chrétiennes, ni d’un côté, ni de l’autre. Le vrai Dieu est ignoré de tous. Il n’en était pas ainsi d’Ézéchias. Sa confiance en Dieu était mise en question par l’ennemi qui l’outrageait et se moquait de lui. Que faire ? Laisser dire et se taire, en regardant humblement à Dieu. L’ennemi dit : L’Éternel est avec moi contre toi. Laisse dire, Ézéchias, et confie-toi en ton Dieu que l’ennemi ne connaît pas !
Le Rab-Shaké parle en hébreu au peuple qui se tient sur la muraille. Les serviteurs d’Ézéchias le prient de parler en syriaque ; il s’y refuse avec des paroles d’outrage et de mépris. Le danger de voir le peuple se décourager pourrait remplir Ézéchias d’angoisse. Même ce danger laisse tranquille et paisible l’âme du croyant. Il n’a qu’à se taire. Sa confiance en Dieu répond à tout.
Et maintenant, le Rab-Shaké s’attaque à la personne du roi. Ézéchias est un trompeur, un séducteur (v. 29, 30). Il vous ment, en vous engageant à mettre votre confiance en l’Éternel (v.30). N’écoutez pas Ézéchias (v. 31, 32). Écoutez le roi d’Assyrie (v. 28). Celui-ci vous laissera tranquilles, puis il vous transportera dans « un pays de blé et de moût, un pays de pain et de vignes, un pays d’oliviers à huile et de miel » (v. 32), un pays aussi plein de bonnes choses que la terre de Canaan. C’est là que vous trouverez la vraie abondance (cf. Deut. 8:7-10). Sans doute, vous aurez l’esclavage en plus, mais l’Assyrien fera votre bonheur ! C’est ainsi que Satan a toujours parlé au coeur des hommes. Malheur à celui qui l’écoute, car jamais le prince du monde ne rend un homme heureux. Faut-il raisonner avec lui, entrer en controverse ou même en conversation avec lui, faut-il lui répondre ? Nos premiers parents n’en ont que trop fait l’épreuve, pour leur ruine et celle de toute leur postérité ; l’homme de foi n’est point tenté de lui répondre. « Et le peuple se tut, et ne lui répondit pas un mot ; car c’était là le commandement du roi, disant : Vous ne lui répondrez pas » (v. 36). Il n’y a qu’à se taire et à laisser l’ennemi à ses menaces ou à ses paroles mielleuses. Le peuple a confiance en la parole du roi, son conducteur, et imite sa foi. Dieu se sert de cette attaque ouverte de l’Assyrien contre Dieu et contre son Oint, pour affermir et réveiller le peuple.
Avant d’aller plus loin, je désire faire une ou deux remarques sur les trois récits de la vie d’Ézéchias, contenus dans la Parole (2 Rois 18-20 ; 2 Chron. 29-32 ; És. 36-39. Notre récit seul débute par la révolte d’Ézéchias contre Sankhérib, suivie de l’invasion de Juda et de l’humiliation du roi, en suite de son manque de confiance. C’est que ce récit nous présente la carrière des rois placés sous leur responsabilité. La discipline de Dieu envers Ézéchias lui montre, en cette occurrence, que la confiance en l’Éternel a seule le pouvoir de le garder. Ce même récit insiste, avant tout, sur le caractère du vrai témoignage, au temps de la fin ; il consiste dans l’abandon de tout mélange avec l’idolâtrie du monde. Nous trouvons ensuite l’attaque de Sankhérib contre Jérusalem, où la confiance absolue d’Ézéchias en l’Éternel est mise à une épreuve dont elle sort victorieuse.
Dans le récit des Chroniques, nous trouvons le roi selon les conseils de Dieu. Juda n’est plus qu’un petit résidu insignifiant, confiné à Jérusalem. Le roi apparaît, dès le premier jour, comme préparé de Dieu pour son oeuvre de grâce. Le temple de l’Éternel reste avec le résidu qui en a la garde. Ézéchias le purifie, restaure dans son intégrité le culte de Dieu, et celui des faux dieux est déraciné et aboli. Le résidu du peuple acquiert ainsi le droit d’être le porteur du témoignage de Dieu. Mais il faut encore garantir la cité de Dieu de l’ennemi, en lui coupant les sources qui alimentent la ville ; il ne lui reste plus rien de commun avec le témoignage. Ce dernier est complet dans la mesure et les confins de ce petit peuple humilié. L’histoire de l’attaque de Sankhérib contre Jérusalem est beaucoup plus brève ici que dans les deux autres récits.
En Ésaïe, nous avons l’histoire d’Ézéchias au point de vue prophétique. Trois faits seulement y sont exposés en détail : l’attaque de Sankhérib et la maladie mortelle d’Ézéchias, suivie de la visite des ambassadeurs, qui explique prophétiquement l’élévation et la chute de Babylone, en rapport avec Juda. Dans ce récit, Ézéchias est, en quelques points, le type du Messie, en beaucoup d’autres, le type du résidu. Ce dernier, condamné à mort, reprend comme une vie de résurrection. La maladie d’Ézéchias, mentionnée aussi dans les deux autres récits, acquiert, en Ésaïe, une importance prophétique toute particulière, par la mention de « l’écrit d’Ézéchias », plainte prophétique du résidu, qui désire célébrer l’Éternel « dans la terre des vivants » (Ésaïe 38:9).
Reprenons maintenant le cours de notre récit.
Après les menaces de
l’Assyrien contre lui, Ézéchias monte une première fois à la maison de l’Éternel.
En apparence, il restait peu de chose à ce pauvre roi. Tout Juda saccagé,
l’armée assyrienne faisant le siège de la seule ville qui restât encore debout,
le serviteur de l’Éternel méprisé, traité comme un malfaiteur par les nations,
le nom de l’Éternel foulé aux pieds, les circonstances telles, qu’il fallait
tout supporter en silence, et accepter l’humiliation comme la juste rétribution
des péchés et de la désobéissance du peuple. Avait-il quelque ressource, ce
faible « résidu
qui se trouvait encore » ? (v. 4). Oui, certes !
Il lui restait le temple de l’Éternel, sa ville bien-aimée, la montagne de
Sion, le fils de David et son trône, le prophète, porteur de la parole de
Dieu ; il lui restait bien plus qu’à David lui-même dans la caverne d’Adullam !
La chair pouvait se décourager, la foi ne le pouvait aucunement, car, au milieu
de ce désastre sans nom, elle possédait tout ce qui fait sa ferme assurance,
tout ce qui console et réjouit dans l’affliction, Emmanuel, la présence de Dieu
avec son peuple. N’en est-il pas de même aujourd’hui ? Cherchez le
témoignage de Dieu, au milieu d’un monde mûr pour l’apostasie. La foi seule
peut le découvrir, « ce résidu qui se trouve encore » ; mais elle le
découvre ; elle préfère la maison de Dieu à toutes les tentes des méchants,
le peuple pauvre et affligé à toute la prospérité de l’Assyrien ; elle
écoute la voix du prophète, et ferme l’oreille aux voix blasphématoires des
serviteurs de l’ennemi ; elle se groupe autour de l’Oint de l’Éternel, et
comment craindrait-elle, puisque Dieu voit et regarde la face de son
Oint ?
Non pas que cette confiance
exclue l’angoisse et que le danger extrême n’étreigne pas le coeur, ni qu’on ne
porte sur soi le sac et ne déchire ses vêtements en signe d’affliction,
d’humiliation et de deuil. Mais le danger pousse Ézéchias et son peuple vers la
maison de l’Éternel et vers les oracles de Dieu pour recevoir conseil, force et
consolation. « Ce jour est un jour de détresse, et de châtiment,
et d’opprobre ; car les enfants sont venus jusqu’à
la naissance, et il n’y a point de force pour enfanter » (v. 3). Il faut sentir,
en des temps comme ceux-là et comme les nôtres, que ce sont des jours
d’angoisse et de châtiment, que notre part est une profonde humiliation, que,
pareils à ce petit résidu, nous avons à prendre sur nous « l’opprobre d’un grand
peuple », et que nous avons à l’exprimer par nos larmes et nos soupirs sur
l’état de la chrétienté, qui a si affreusement déshonoré le Seigneur. Mais une
chose suffit au résidu affligé, et doit nous suffire : l’Éternel est
là ; c’est lui, non pas nous, qui a été outragé. Alors nous dirons comme
Ézéchias : Peut-être l’Éternel entendra-t-il toutes les paroles de celui
qui a outragé le Dieu vivant et punira-t-il les paroles qu’il a entendues (v.
4), et l’Éternel nous répondra.
« Ne crains pas », dit Ésaïe, « à cause des paroles que tu as entendues, par lesquelles les serviteurs du roi d’Assyrie m’ont blasphémé. Voici, je vais mettre en lui un esprit, et il entendra une nouvelle, et retournera dans son pays ; et je le ferai tomber par l’épée dans son pays » (v. 6-7). La parole de l’Éternel s’accomplit à la lettre. La nouvelle que Tirhaka, roi d’Éthiopie, qui s’était emparé de l’Égypte, s’avançait contre lui, quand son but était précisément la conquête de l’Égypte, le fait partir subitement à sa rencontre (*).
(*) C’est à son retour de cette expédition que son camp est frappé sur les montagnes d’Israël, comme le sera celui du futur Assyrien de la prophétie.
Mais, avant son départ,
Sankhérib envoie un message écrit à Ézéchias. Il avait fait dire précédemment
au peuple : « Qu’Ézéchias ne vous trompe point… et ne vous fasse pas
mettre votre confiance, en l’Éternel » (18:29-30). Il dit maintenant à
Ézéchias : « Que ton Dieu, en qui tu te confies, ne te trompe point » (v. 10),
l’assimilant aux faux dieux que lui, l’Assyrien, avait détruits. C’était un
« outrage » direct au « Dieu vivant ». La rage, qui remplit le monarque assyrien,
entravé dans ses projets et froissé dans son orgueil, se montre maintenant sous
son vrai caractère, C’est au Dieu
d’Israël qu’il en veut.
Ézéchias monte une seconde fois à la maison de l’Éternel. Il ne s’agit plus d’humiliation comme la première fois, mais d’une attaque directe contre le nom de l’Éternel, qu’Ézéchias honore. Dieu doit prendre connaissance de cette lettre. Le roi lui remet en mains sa propre cause à Lui, mais il sait que, pour l’honneur de son nom, l’Éternel sauvera son peuple humilié. « Et maintenant, Éternel notre Dieu ! sauve-nous, je te prie, de sa main, afin que tous les royaumes de la terre sachent que toi, Éternel, tu es Dieu, toi seul » (v. 19).
Alors Ésaïe fait connaître au roi la parole de l’Éternel, prononcée contre l’Assyrien. Si Ézéchias porte sur son coeur les intérêts de son Dieu quand il s’agit de l’ennemi, l’Éternel lui répond qu’il ne laissera pas outrager par le monde « la vierge, fille de Sion », puisqu’elle est l’épouse du grand roi. « La vierge, fille de Sion, te méprise, elle se moque de toi ; la fille de Jérusalem secoue la tête après toi » (v. 21). Ainsi Dieu revendique le caractère et l’honneur de ses bien-aimés, coupables mais humiliés, quand ceux-ci revendiquent son honneur et son caractère à Lui seul. L’Assyrien, dans sa folie, avait levé les yeux en haut contre le Saint d’Israël. Il avait levé la verge de la colère de Dieu, qui avait fait cela dès longtemps, mais il s’était enorgueilli de ses succès et n’avait pas craint de s’élever jusqu’à Dieu. Il disait : J’ai gravi, je couperai, je parviendrai, j’ai creusé, j’ai desséché.. (v. 23-24), tandis que c’était l’Éternel qui avait décrété la ruine des nations et de son peuple par ce moyen (v. 25-26). « Mais je sais », dit l’Éternel, « ton habitation, et ta sortie et ton entrée, et ta rage contre moi. Parce que tu es plein de rage contre moi, et que ton insolence est montée à mes oreilles, je mettrai mon anneau à ton nez et mon frein entre tes lèvres, et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu » (v. 27-28).
L’Éternel donne alors à Ézéchias un signe de sa délivrance : la première année, on mangerait ce qui lèverait des grains tombés, pauvre récolte, mais qui les empêcherait de mourir de faim. C’est, prophétiquement, l’histoire de la préservation du résidu à Jérusalem. La seconde année, il y aurait une force de croissance ; la troisième année, viendrait la récolte et le fruit de la vigne. L’Éternel explique cette parabole au roi : « Ce qui est réchappé et demeuré de reste de la maison de Juda poussera encore des racines en bas et produira du fruit en haut. Car de Jérusalem sortira un résidu, et de la montagne de Sion, ce qui est réchappé. La jalousie de l’Éternel des armées fera cela » (v. 30-31). Le résidu de Juda sera fondé de nouveau par l’Éternel, et comblé de ses bénédictions.
S’il en est ainsi de Jérusalem, à bien plus forte raison de l’Assemblée, Épouse de Christ, faible résidu au milieu des ruines, chez lequel il n’y a point de force pour enfanter, et si abaissé, que l’ennemi peut dire : « Que ton Dieu, en qui tu te confies, ne te trompe point » ; mais précieux à Christ, qui le fera asseoir avec lui sur son trône, et le plantera à toujours dans les parvis de Dieu, comme un arbre chargé de fleurs et de fruits.
L’Assyrien ne devait pas entrer dans la ville, ni y lancer des flèches, ni dresser contre elle des terrasses ; et cependant, l’armée ennemie l’environnait en ce moment même. Mais Dieu intervient, à cause de son nom, et à cause de David, son serviteur, envers lequel il ne révoquera ni son alliance, ni ses promesses (v. 32-34).
La nuit même de cette prophétie, le camp des Assyriens fut frappé. Au matin, ils étaient tous des corps morts. « Les forts de coeur ont été dépouillés, ils ont dormi leur sommeil, et aucun des hommes vaillants n’a trouvé ses mains. Quand tu les as tancés, ô Dieu de Jacob ! chars et chevaux se sont endormis profondément… Quand tu te levas, ô Dieu, pour le jugement, pour sauver tous les débonnaires de la terre » (Ps. 76:5, 6, 9). C’est ainsi aussi, que l’Assyrien de la fin, le roi du Nord, rencontrera son jugement : « Des nouvelles de l’orient et du nord l’effrayeront, et il sortira en grande fureur pour exterminer et détruire entièrement beaucoup de gens. Et il plantera les tentes de son palais entre la mer et la montagne de sainte beauté ; et il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir » (Daniel 11:44-45). Lui-même, le chef de l’armée, subit la sentence prononcée par le prophète contre lui (v. 37). Ses fils le frappent avec l’épée, comme il se prosternait dans la maison de Nisroc, son dieu. Il avait dit à Ézéchias : « L’Éternel ne te délivrera pas » ; et voici, son dieu Nisroc était incapable de le délivrer, quand il se prosternait devant lui.
En tout cela, nous suivons les progrès de l’homme de Dieu, et la récompense que reçoit sa confiance en l’Éternel. Au commencement, il se révolte contre l’Assyrien, quand peut-être, manquant de connaissance de son propre coeur, il avait pu prendre pour la seule confiance en Dieu, une confiance à laquelle le moi n’était pas étranger. Alors, il la perd devant l’ennemi, mais Dieu se sert de la discipline pour lui ôter toute confiance en lui-même. Dans cette épreuve, Ézéchias, humilié de l’état du peuple, ne cherchant aucun appui dans son propre coeur, remet tout à Dieu. Sa confiance va croissant, à mesure que l’épreuve grandit. Il ne pense plus à lui, ni à son peuple, si ce n’est pour se juger ; il ne cherche que la gloire de l’Éternel, liant toutefois le salut d’Israël à cette gloire. Dieu lui répond en lui montrant que Jérusalem, le fils de David, et le résidu bien-aimé, occupent exclusivement ses pensées. Il délivre son peuple par le jugement, et répond à l’humble prière que « le résidu qui se trouve encore » lui adresse par la bouche du prophète (19:4).
« En ces jours-là, Ézéchias fut malade à la mort » (v. 1). Comme nous l’avons dit plus haut, cet événement précède historiquement l’attaque de l’Assyrien contre Jérusalem, mais il la suit dans les trois récits que nous en avons. Le livre des Chroniques nous en parle en quelques mots, celui des Rois plus au long, et Ésaïe, très en détail, car ce prophète y ajoute « l’écrit d’Ézéchias » qui ne se trouve pas dans les livres historiques. Il y a diverses raisons à cette transposition. La première est que le rôle de Babylone se lie, par l’envoi des ambassadeurs, à la maladie d’Ézéchias. Babylone était destinée à supprimer l’Assyrien dont elle ressortissait alors, et devait jouer, dorénavant, le rôle prépondérant dans l’histoire de Juda. Ce rôle, le pouvoir transféré aux gentils et l’établissement de la première monarchie universelle, ne commence à poindre dans les voies de Dieu envers son peuple, que lorsque le rôle historique (non pas prophétique) de l’Assyrie a pris fin. La seconde raison, c’est qu’il fallait placer devant nos yeux toute la carrière fidèle d’Ézéchias, avant la maladie mortelle qui menace d’y mettre un terme. Cela rend d’autant plus poignantes, au point de vue prophétique, en Ésaïe surtout, les larmes et les supplications d’Ézéchias. Sa mort pouvait paraître un jugement de Dieu, quand sa vie tout entière s’était passée dans l’intégrité devant Lui. C’est pourquoi aussi l’écrit d’Ézéchias ne se trouve que dans la prophétie proprement dite, parce qu’il décrit les sentiments du résidu voué à la mort. En effet, le résidu sera appelé à traverser des circonstances semblables. Intègre de coeur, ayant servi Dieu toute sa vie, s’étant, comme Ézéchias, purifié du mal et de toute association mauvaise, il lui faudra éprouver dans son âme ce que c’est que d’être retranché de la terre des vivants, sous le poids de l’indignation gouvernementale de Dieu envers Israël, dont il fait partie, mais il sera délivré et reviendra à la vie, conséquence de la part qu’il aura à la mort et à la résurrection du Messie. La troisième raison, c’est que, dans le livre qui nous occupe, il était important de ne pas interrompre le récit qui commence à la révolte légitime d’Ézéchias, qui continue par l’invasion de Juda, où la confiance du roi est mise à l’épreuve, et se termine par la merveilleuse délivrance, comme réponse à une confiance implicite en Dieu, quand tout secours humain est impossible.
Après avoir atteint Ézéchias dans ses circonstances, la discipline de Dieu l’atteint dans sa personne : « Donne des ordres pour ta maison, car tu vas mourir et tu ne vivras pas » (v. 1). Il faut mourir ; quel mystère ! Celui qui pouvait dire : « Hélas ! Éternel, souviens-toi, je te prie, que j’ai marché devant toi en vérité et avec un coeur parfait, et que j’ai fait ce qui est bon à tes yeux » (v. 3), cet homme doit mourir ! Pour un Juif pieux, marcher devant Dieu dans la terre des vivants, était le signe évident de Sa faveur. Cette faveur se retirait donc du roi ? Dieu ne tenait pas compte de quatorze années de dévouement pour lui, pour sa cause et pour sa maison ! Il était donc rejeté comme un instrument inutile, au moment où sa piété et sa confiance en Dieu avaient resplendi d’une manière particulière ! Ce royaume, que Dieu lui avait confié, allait tomber en d’autres mains, moins pures que les siennes !
Tout cela nous parle de ce qui atteignit le Messie, dont Ézéchias n’est qu’un faible type. Lui aussi, dut être retranché à la moitié de ses jours, jeté bas, après avoir été élevé bien haut ; lui aussi, témoin fidèle qui n’avait fait que la volonté de Dieu, a dû subir la mort ; lui aussi a dû s’en aller n’ayant rien, et perdre son royaume et toute sa gloire terrestre ! Mais Christ, ce qui ne pouvait être le cas d’Ézéchias, souffrit ces choses, parce qu’il portait l’iniquité d’un grand peuple, et devait subir la juste condamnation de Dieu à notre place. Un homme comme Ézéchias ne pouvait, en aucune manière ; racheter son frère, ni donner à Dieu sa rançon (Ps. 49:7) ; mais il pouvait passer par l’expérience de l’indignation de Dieu dans son gouvernement, et c’est ce qui arrivera au résidu. Comme Ézéchias, élevant sa voix vers Dieu, du sein des lieux profonds, il apprendra que l’Éternel ne prend pas garde à son iniquité, parce qu’il l’a visitée sur le Messie.
C’est donc seulement dans la mesure en laquelle Ézéchias participe aux expériences de Christ, qu’il peut être considéré, dans notre passage, comme un type du Messie. Personnellement, comme le Seigneur, « le zèle de la maison de Dieu l’avait dévoré », personnellement aussi, mais non sans défaillance, il avait pu dire : « Je me suis confié en toi » ; personnellement, quand il s’agissait de mourir, il semblait exclu sans cause de la terre des vivants ; seulement, Ézéchias était un pécheur, et, comme tel, il fallait qu’un autre prît sa place, sous le jugement de Dieu.
« Ézéchias versa beaucoup de
larmes » (v. 3). Jamais le Seigneur ne pleura sur le sort qui lui était réservé,
car il était venu dans ce monde pour mourir. Il pleura sur Jérusalem
rebelle ; il pleurait devant le tombeau de Lazare, en voyant la puissance
de la mort peser sur l’homme déchu et misérable, mais jamais il ne pleura sur
lui-même. En un sens seulement, comme Ézéchias, « il offrit avec de grands cris
et avec larmes des prières et des supplications à Celui qui pouvait le sauver
de la mort », mais ce n’était pas, comme Ézéchias, afin de ne pas mourir,
c’était pour être sauvé hors
de la mort, pour être délivré par la résurrection
d’entre les cornes des buffles, afin que le fruit de son oeuvre pour nous ne
fût pas perdu. Quant à Ézéchias, les larmes lui convenaient, comme elles
conviendront au résidu intègre. Il lui fallait apprendre à accepter la sentence
de mort, comme lui étant due ; à dire sans comprendre, tout d’abord, le
but de Dieu : « Que dirai-je ? Il m’a parlé, et Lui l’a fait » (És.
28:15) ; à comprendre enfin, au bout de toutes ses angoisses, que
l’Éternel avait « voulu le sauver » (Ibid. v. 20).
La réponse de Dieu ne se fait
pas attendre : « Et il arriva qu’Ésaïe étant sorti, et n’étant pas encore
arrivé au milieu de la ville, la parole de l’Éternel vint à lui, disant :
Retourne, et dis à Ézéchias, prince de mon peuple : Ainsi dit l’Éternel,
Dieu de David, ton père : J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes
larmes ; voici, je te guérirai ; le troisième jour, tu monteras à la
maison de l’Éternel » (v. 4-5). À peine l’âme d’Ézéchias a-t-elle été sondée,
que la parole de Dieu vient à Ésaïe. On sent que Dieu avait d’avance en réserve,
pour le roi, tout ce qu’il accorde ici à son affliction. Ézéchias est ramené à
la vie par une sorte de résurrection. « Ésaïe dit : Prenez une masse de
figues. Et ils la prirent et la mirent sur l’ulcère ; et Ézéchias se
rétablit ». En apparence, le moyen n’a aucune valeur, mais appliqué par la parole
du prophète, il se trouve être la puissance de Dieu à salut.
« Et Ézéchias dit à Ésaïe : Quel est le signe que l’Éternel me guérira, et que le troisième jour je monterai à la maison de l’Éternel ? Et Ésaïe dit : Ceci en sera le signe pour toi de par l’Éternel, car l’Éternel accomplira la parole qu’il a prononcée : l’ombre avancera-t-elle de dix degrés, ou retournera-t-elle de dix degrés ? Et Ézéchias dit : C’est peu de chose que l’ombre descende de dix degrés : non, mais que l’ombre retourne de dix degrés en arrière. Et Ésaïe, le prophète, cria à l’Éternel ; et l’Éternel fit retourner l’ombre de dix degrés en arrière sur les degrés par lesquels elle était descendue sur le cadran d’Achaz » (v. 8-11).
Achaz avait établi ce cadran. Depuis son règne, l’ombre avançait, le temps s’écoulait rapidement et devait aboutir à la nuit, à la disparition complète de la monarchie sous le jugement de Dieu. L’Éternel pouvait avancer cette fin, car la mesure était comble, mais il lui plaisait de répondre au désir du roi pieux et à la demande du prophète, en retardant l’heure au lieu de l’avancer, donnant ainsi un nouveau terme à la puissance du roi. Mais ce miracle a une signification plus profonde. Il signifie que Dieu pouvait renverser et renverserait tout l’ordre de la nature et les lois qui soumettaient le pécheur à la mort, afin d’accomplir le salut de ses bien-aimés. La mort n’a plus son cours fatal ; la vie allant à son déclin, puis séparée de la penne, comme la toile du tisserand, recommence pour le résidu fidèle dans la résurrection du Messie, son représentant. Pour nous, elle recommence en vie éternelle par la résurrection du Sauveur. Tel est le signe qu’Ézéchias demande. Sa demande dénote une confiance complète en Dieu qui seul peut faire l’impossible avec l’impossible. En renversant en Christ, pour nous sauver, ce qui, en vertu du péché, était devenu pour nous l’ordre de la nature, l’Éternel nous assure l’accomplissement de ses conseils à notre égard.
« Le troisième jour, tu monteras à la maison de l’Éternel ». C’est ainsi que la mort et la résurrection de Christ nous donnent, au bout de trois jours, une libre entrée dans le sanctuaire.
Ézéchias avait déjà reçu, sans le demander, un signe de la déroute finale de l’ennemi (19:29-31) dans le fait que Dieu conserverait en vie, sans aucune intervention humaine, ce résidu dont il voulait former le nouvel Israël ; il apprend ici, par quels moyens ce résidu sera sauvé.
Notons, avant de terminer cette partie de l’histoire d’Ézéchias, le rôle remarquable du prophète Ésaïe dans tous ces événements. Comme la parole de Dieu qu’il représente, il est le porteur de l’arrêt de mort contre le meilleur d’entre les hommes qui font partie d’une race pécheresse et déchue. La mort est décrétée sans appel. Ce message produit dans l’âme qui le reçoit une profonde affliction. Immédiatement Ésaïe annonce l’heureuse nouvelle de la guérison du roi. Il indique ensuite le moyen par lequel cette guérison peut être opérée et l’applique à l’ulcère mortel. Il fait enfin connaître le signe par lequel, renversant l’ordre de la nature, l’Éternel s’engage à effectuer ce qu’il a promis. Ces choses ont lieu en vertu de la médiation du prophète qui « cria à l’Éternel », car on ne possède de bénédiction que par l’intervention personnelle du Seigneur Jésus. Nous avons là un exemple complet de ce que l’Évangile apporte à l’âme de tout pécheur.
(*) Ézéchias s’étant dépouillé de ses trésors pour éviter l’attaque du roi d’Assyrie contre Jérusalem (18:15-16), on pourrait supposer que l’ambassade de Babylone eut lieu avant ce moment-là, et peu après la maladie d’Ézéchias survenue dans la quatorzième année de son règne. Il semblerait que si Ézéchias montra tous ses trésors aux ambassadeurs, ils n’avaient pas été amoindris par un tribut énorme, forçant le roi à dépouiller de son or, même le temple de Dieu. Mais il faut se souvenir du fait relaté en 2 Chron. 32:23. Après qu’Ézéchias eut été délivré de Sankhérib, « beaucoup de gens apportèrent des offrandes à l’Éternel à Jérusalem, et des choses précieuses à Ézéchias, roi de Juda ; et après cela, il fut élevé aux yeux de toutes les nations ». Puis encore : « Ézéchias eut de très grandes richesses et une très grande gloire » (v. 27). Ce ne fut donc qu’après l’attaque de Sankhérib que l’ambassade de Babylone eut lieu, et que des envoyés passèrent en revue les trésors du roi Ézéchias (v. 31).
Un court passage des
Chroniques, le seul de ce livre qui parle de tout le contenu de notre chapitre,
nous renseigne sur l’état d’âme d’Ézéchias, lors de l’ambassade envoyée par le
roi de Babylone : « En ces jours-là, Ézéchias fut malade à la mort ;
et il pria l’Éternel, et l’Éternel lui parla, et lui donna un signe. Mais
Ézéchias ne rendit pas en raison du bienfait qu’il avait reçu ; car son
coeur s’éleva, et il y eut de la colère contre lui, et contre Juda et
Jérusalem. Et Ézéchias s’humilia de ce que son coeur s’était élevé, lui et les
habitants de Jérusalem ; et la colère de l’Éternel ne vint pas sur eux
pendant les jours d’Ézéchias » (2 Chron. 32:24-26). Nous voyons ici les
sentiments du roi, quand il reçut les messagers de Babylone. « Son coeur
s’éleva ». En ce temps-là, sous Berodac-Baladan, Babylone n’était pas encore ce
qu’elle devint depuis. Son roi avait secoué le vasselage de l’Assyrie et
désirait parer à un retour offensif de cette puissance, en cherchant des amis
ou des alliés parmi les nations situées à l’occident de son royaume. Il envoya
donc une lettre et un présent à Ézéchias par ses ambassadeurs. Notre passage
dit qu’« Ézéchias écouta
les messagers ». Ils avaient donc quelque demande
à lui faire, quelque alliance à lui proposer contre l’ennemi commun dont
Ézéchias lui-même secouait le joug. La Parole ne nous dit pas que cette
alliance fut conclue, mais que le roi reçut favorablement les ambassadeurs. Il
fit ici, encore une fois, l’humiliante expérience que sa confiance en Dieu
n’était pas absolue. Suivant le récit des Chroniques (32:27-31), Dieu l’avait
abondamment béni pour sa fidélité pendant les quatorze premières années de son
règne : il avait « de très grandes richesses et une très grande gloire », et
c’est à ce moment-là qu’arriva « l’ambassade que les chefs de Babylone
envoyèrent vers lui pour s’informer du miracle qui avait été opéré dans le pays ».Tel
était le but avoué de Berodac-Baladan. Quant à son but secret, il flatte
l’orgueil d’Ézéchias. À cette occasion, « Dieu l’abandonna pour l’éprouver, afin
qu’il connût tout ce qui était dans son coeur » (Ibid. v. 31). Livré à lui-même,
« son coeur s’éleva ». Il montra les richesses que Dieu lui avait données afin de
se faire valoir aux yeux de l’étranger, au lieu de glorifier, auprès de ces
idolâtres, le Dieu qui l’avait sauvé par un miracle, quand il était voué à la
mort, et qui l’avait richement béni en remplissant ses trésors. Ces trésors
avec son arsenal, sa maison, ses domaines, sont passés en revue par un monde
jaloux, qui ne peut qu’à la surface, être l’ami des saints et du peuple de
Dieu. Et voici que, dans un avenir assez rapproché, « tout ce que ses pères
avaient amassé sera porté à Babylone » (2 Rois 20:17 ; Ésaïe 39:6). Il y
eut, nous disent les Chroniques, « de la colère contre lui et contre Juda et
Jérusalem », et Ézéchias eut à en faire la douloureuse expérience. Mais, dans
l’intervalle, son âme avait été humiliée et restaurée ; il était préparé,
comme il le dit dans son écrit, à s’en aller doucement « toutes ses années » (les
15 années de vie qu’il avait devant lui), « dans l’amertume de son âme ». Douceur
et amertume tout ensemble ! Ces choses qui semblent ne pouvoir s’accorder,
s’accordent parfaitement pour le chrétien. À l’amertume de la discipline, par
laquelle nous sommes brisés, se joint l’ineffable sentiment de l’amour du Père
qui nous l’inflige !
Ésaïe joue ici un nouveau
rôle, celui de la Parole qui nous pénètre et nous sonde. Heureux si, comme
Ézéchias, nous n’essayons pas de cacher quelque chose à Celui auquel nous avons
à faire. Le roi pieux, pris à partie, avoue et reconnaît tout devant le
prophète. « Qu’ont dit ces hommes, et d’où sont-ils venus vers toi ? »
demande Ésaïe. « Ils sont venus d’un pays éloigné, de Babylone », répond
Ézéchias. Avait-il rien à faire avec la présence de Dieu, ce « pays éloigné » où
le fils prodigue pouvait vivre dans les plaisirs, loin de sa face ? (Luc
15:13). Ces hommes venaient « de Babylone », berceau de la révolte contre Dieu et
du culte idolâtre. Ézéchias n’avait pas contracté d’alliance avec son roi, mais
s’était lié d’amitié avec lui. Le prophète demande : « Qu’ont-ils vu dans
ta maison ? » Le roi répond, toujours avec la même sincérité : « Ils
ont vu tout ce qui est dans ma maison ; il n’y a rien dans mes trésors que
je ne leur aie montré ». Alors, Ésaïe annonce le jugement de l’Éternel :
Écoute la parole de l’Éternel : Babylone emportera, dans un jour futur,
tout ce que tes pères ont amassé jusqu’à ce jour. « Il n’en restera rien
».
N’est-ce
pas le mot final de la Parole, si nos coeurs se sont laissés attirer et
enorgueillir par les choses de la terre ? « Le monde s’en va et sa
convoitise ». Il n’en restera rien !
Ézéchias, n’ayant rien caché
à l’Éternel, reçoit en toute humilité sa sentence. Sa parole rappelle celle de
David : « J’ai péché contre l’Éternel », mais elle contient plus
encore : « La parole de l’Éternel que tu as prononcée est bonne
» (v. 19). Il accepte d’un coeur contrit les conséquences
de son acte. Le témoignage que Dieu lui avait confié ne sort pas indemne de ses
mains ; bien au contraire, il est ruiné sans espoir. Ce réveil, commencé
dans la fraîcheur de la puissance divine, prend fin par la faute de celui qui
en était l’instrument. Mais, personnellement, le coeur et la conscience
d’Ézéchias ont gagné à ces expériences. Si son témoignage n’a pu se soutenir et
a glissé dans la ruine, son âme a retrouvé, par la discipline, la communion
avec le Seigneur, et cette humble confiance en Lui, qu’elle avait abandonnée un
instant pour se laisser prendre aux paroles de l’ennemi qui flattait son
orgueil.
« Ézéchias s’humilia de ce que son coeur s’était élevé, lui et les habitants de Jérusalem », nous disent les Chroniques (2 Chron. 32:26). Heureux résultat de l’humiliation individuelle ; elle la produit chez d’autres. Quand l’Assyrien paraît devant les murs de Jérusalem, le roi et le peuple ne seront qu’un coeur et une pensée pour ne pas lui répondre et mépriser ses menaces en se confiant en l’Éternel. La discipline ayant produit ses fruits, le voeu d’Ézéchias : « N’y aura-t-il pas ainsi paix et stabilité pendant mes jours ? » est exaucé. « La colère de l’Éternel ne vint pas sur eux pendant les jours d’Ézéchias » (2 Chron. 32:26).
Souvent une période de réveil
est suivie d’une marche plus rapide dans le chemin du déclin ; et, chose
notable, il n’est pas dit que Dieu souligne particulièrement cet état de choses
par ses jugements. Le règne de Manassé, caractérisé par un vrai débordement
d’idolâtrie, est le plus long qu’enregistre l’histoire des rois de Juda et
d’Israël. On ne peut juger de l’état des hommes d’après le plus ou moins de
sévérité des voies de Dieu envers eux. C’était précisément l’erreur des amis de
Job qui jugeaient de son caractère d’après les épreuves, et concluaient du
manque d’épreuves à une justice relative de l’homme. Manassé commence son règne
à douze ans et le prolonge 55 ans à Jérusalem. Le nom de sa mère nous est
donné : Hephtsiba, « Mon plaisir en elle », le nom même dont Jérusalem
restaurée sera appelée par l’Éternel (És. 62:4). Pour le moment, Hephtsiba
avait, hélas ! enfanté un être monstrueux, objet du déplaisir de
l’Éternel. Est-ce pour cela que ni le père, ni le lieu d’origine de la mère de
Manassé ne sont mentionnés ? Manassé rebâtit les hauts lieux détruits par
son père, élève des autels à Baal, fait une image de Vénus Astarté, dont le
culte impur déshonorait même les idolâtres, place sa statue dans le temple,
érige des autels dans la maison de l’Éternel et dans les deux parvis, s’adonne
au culte des astres, sacrifie son fils à Moloch, se livre aux pronostiqueurs et
aux enchanteurs et fait, par toute sa conduite, errer le peuple de l’Éternel.
Il n’y eut pas en Juda de roi plus abominable ; cependant, son règne fut
prospère, par sa durée d’abord, et nous ne voyons pas, sauf en une occasion,
qu’il ait amené des calamités spéciales sur son peuple. Nous tenons à répéter
ce que nous avons dit précédemment, Dieu juge des actions des hommes d’après ce
qu’ils sont envers Lui, et non d’après leur conduite envers le monde.
Conclurons-nous qu’un athée est moins coupable aux yeux de Dieu, parce qu’il se
dévoue à une cause humanitaire ? En aucune façon. Les hommes seront jugés
d’après la manière dont ils ont estimé Dieu et son Christ, et si leurs oeuvres
n’ont pas le Père et le Fils pour objet, leurs oeuvres sont mauvaises.
Tel était le cas de Caïn qui
prétendait s’acquérir un mérite par les riches fruits de son travail, tandis
qu’il haïssait Abel, son frère.
Les actes de Manassé appelaient le jugement, mais Dieu n’en avait pas encore fini avec son témoignage en Juda. « L’Éternel parla par ses serviteurs les prophètes » (v. 10). C’est ainsi que la parole de Dieu reste encore la seule ressource en ces temps fâcheux, mais elle n’est plus que le témoignage du jugement imminent pour le peuple, d’un jugement sans appel. « J’écurerai Jérusalem comme on écure un plat : on l’écure et on le tourne sens dessus dessous. Et j’abandonnerai le reste de mon héritage, et je les livrerai en la main de leurs ennemis ; et ils seront le butin et la proie de tous leurs ennemis, parce qu’ils ont fait ce qui est mauvais à mes yeux et qu’ils m’ont provoqué à colère depuis le jour que leurs pères sont sortis d’Égypte jusqu’à ce jour » (v. 13-15). L’Éternel rattache leur état à la sortie d’Égypte. Dès ce moment-là, ils avaient péché. Pouvait-on, pourra-t-on dire que Dieu n’ait pas usé de patience envers ceux sur lesquels son nom était invoqué ?
La Parole ajoute que « Manassé versa aussi le sang innocent en grande abondance, jusqu’à en remplir Jérusalem d’un bout à l’autre bout » (v. 16). Ainsi Manassé persécutait le peuple de Dieu, ceux qui étaient innocents de toutes ces infamies. Dieu nous laisse ici sur ce spectacle terrible qui appelle la vengeance divine, mais les Chroniques, qui se plaisent toujours à constater l’action de la grâce, nous donnent des informations sur la fin de l’histoire de Manassé. Il avait, jusqu’à un certain moment de son histoire, accepté la suzeraineté des rois d’Assyrie. Ésar-Haddon avait succédé à Sankhérib (2 Rois 19:37), puis Assurbanipal, son fils. Babylone, qui avait secoué le joug d’Assur sous Berodac-Baladan, avait été bientôt reconquise et replacée sous la domination des rois d’Assyrie. Manassé, probablement enveloppé dans une conspiration de tous ces royaumes orientaux contre la dure servitude de l’Assyrien, est emmené captif à Babylone, chargé de chaînes d’airain. Telles sont probablement, à en juger par l’histoire, les causes de cette cruelle captivité, mais la vraie cause nous est révélée dans la Parole. C’est « l’Éternel qui fit venir sur Manassé et son peuple les chefs de l’armée du roi d’Assyrie » (2 Chron. 33:11).
Le but de Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, fut atteint. Manassé s’humilia, jugeant devant Dieu toute sa conduite, et Dieu le ramena à Jérusalem et dans son royaume. Alors il fut aussi zélé pour brûler ce qu’il avait adoré que les rois pieux qui avaient précédé Ézéchias, son père, et le peuple entra dans la même voie. Joël, qui prophétisait sous Manassé, semble faire allusion à cet événement (Joël 2:12-14). Seulement, les hauts lieux ne furent pas abolis. Ce ne fut pas un réveil proprement dit, mais un retour vers Dieu par l’affliction qui fait que le malheureux crie à Lui et reçoit la délivrance de toutes ses angoisses. Ce sujet devra être repris plus tard dans l’étude des Chroniques. Le livre des Rois s’arrête quand il a constaté la responsabilité du roi ; celui des Chroniques nous montre la grâce agissant par les jugements pour le restaurer. Quelle heureuse pensée, que les coeurs les plus endurcis puissent devenir des objets de la grâce ! Combien n’en rencontrerons-nous pas auprès du Seigneur dont la carrière semblait, comme ici, brisée par le jugement, et qui, sans que nous nous en doutions, ont été touchés par une repentance à salut !
Le court règne d’Amon (deux ans) est caractérisé par la même impiété que celui de son père, plus grave encore si possible, en ce que, témoin du jugement infligé à Manassé, de sa repentance et de l’abandon qu’il avait fait de ses idoles, il aurait dû en recevoir instruction pour lui-même. Sa mère était Meshullémeth, fille de Haruts, de Jotba. Elle devait être une Édomite, si Jotha est le même lieu que Jotbatha des traites d’Israël (Nomb. 33:33 ; Deut. 10:7). Ce n’est pas sans raison, comme nous l’avons dit souvent, que nôtre livre fait partout une allusion discrète aux origines maternelles des rois. Quoiqu’il en soit, relever des idoles détruites, est pire encore aux yeux de l’Éternel que d’en ériger de nouvelles. C’est un mépris insolent de Dieu, après que, par ses voies et par sa Parole, il s’est révélé à nous pour nous faire abandonner ce qui le déshonore. Y revenir, c’est agir comme si Dieu n’existait pas et n’avait pas parlé, et c’est aussi ce qui rend la chrétienté si coupable. Dieu l’a séparée de l’idolâtrie et de ses principes immoraux ; elle est retournée à ces principes, comme nous le voyons en 2 Tim. 3:1-5, comparé avec Rom. 1:29-32, et retournera plus tard aux idoles elles-mêmes. Amon « abandonna l’Éternel, le Dieu de ses pères » ; telle est sa sentence. Pour lui, il n’est pas laissé de place à la repentance. Il meurt de mort violente comme les derniers rois d’Israël.
Arrivés dans ce chapitre, au second grand réveil qui eut lieu aux derniers jours de Juda, nous allons y trouver ample matière à instruction pour nous-mêmes. Nous l’avons dit, à propos d’Ézéchias, les réveils de la fin sont caractérisés par la rupture avec les traditions, quelque consacrées par l’usage que soient plusieurs d’entre elles, et par le retour aux choses qui avaient été établies au commencement. Il va sans dire, qu’en dehors de cette action spéciale et puissante du Saint Esprit, on rencontre des temps où la piété individuelle prédomine et tranche sur l’idolâtrie courante, comme chez Joas, Amatsia et Azaria. Ceux qui agissent avec Dieu peuvent exercer, de ce fait, dans tous les temps, une action bénie autour d’eux ; mais une chose remarquable dans les voies de Dieu, c’est qu’à mesure que le mal augmente et entraîne le monde au jugement final, la vérité de Dieu brille d’un éclat plus vif, et répand autour d’elle une influence plus générale pour réveiller les âmes.
Sous Josias, comme sous Ézéchias, il y a rupture résolue et complète avec le mal ancien, toléré ou établi en Juda. La fidélité de Josias, sous ce rapport, telle qu’elle nous est rapportée dans les Rois, est tout à fait remarquable.
Josias commence à régner étant petit garçon, et par conséquent, sous les soins de sa mère, Jédida, fille d’Adaïa, de Botskath, qui était une femme de Juda (Jos. 15:39). Il marcha, comme Ézéchias, « dans toute la voie de David, son père, et ne s’en écarta ni à droite ni à gauche » (v. 2). La première chose qui nous soit dite ici (*) de lui, c’est qu’il commença par prendre soin de la maison de l’Éternel, pour réparer ses brèches, comptant sur « la fidélité » de ceux qui étaient chargés de ce travail. C’est là l’un des signes distinctifs d’un réveil aux derniers temps. La maison de Dieu acquiert pour les croyants une importance toute nouvelle, et son état de ruine attire leur sollicitude. Il doit en être ainsi dans les jours que la chrétienté traverse actuellement. La voix des fidèles doit se faire entendre pour attirer l’attention du peuple de Dieu sur Sa maison, sur l’Assemblée du Dieu vivant, comme étant l’objet le plus cher au coeur de Christ. Il ne s’agit nullement de reconstruire à neuf le temple ruiné, mais d’en réparer les brèches, d’y apporter fidèlement les matériaux nécessaires, d’ajouter à cet édifice le bois de cèdre et les pierres de taille, agréables au Dieu qui a bâti la maison. De même, en ces temps de la fin, le chrétien conscient de son appel, au lieu d’ajouter à la maison du bois, du foin, du chaume, y apportera ce qui convient à la maison de Dieu, des pierres vivantes, taillées par le Saint Esprit dans la carrière du monde, façonnées par le Maître, et capables de faire partie, d’une manière définitive, de l’édifice de Dieu. Le réveil de nos temps a compris cela. Pour lui, l’Assemblée de Dieu existe, quoique cette assemblée soit en ruines, tandis qu’il ne tient aucun compte des édifices appelés par les hommes leurs églises, et entretenus par eux. Ce n’est pas à ces édifices que les fidèles témoins de Christ apporteront des matériaux, mais à l’Église du Dieu vivant, et chacun est responsable envers Lui seul du travail qui lui a été confié. « Qu’on ne compte pas avec eux », dit Josias, « l’argent remis entre leurs mains, car ils agissent avec fidélité » (v. 7).
(*) L’ordre est différent dans les Chroniques où Josias commence par la purification du pays et s’occupe ensuite du temple. Ce même livre nous montre Ézéchias commençant par le temple et purifiant le pays ensuite. Ce dernier acte est dans le livre des Rois le premier d’Ézéchias.
Ce zèle pour la maison de
Dieu a un résultat immédiat et des plus importants : Le livre de la loi
est retrouvé « dans la maison de l’Éternel » (v.8). Si Josias n’avait pas eu à
coeur la restauration du temple, le livre de la loi, qui y était conservé (2
Chron. 34:15) n’aurait pas été remis en lumière. C’est le caractère spécial du
réveil de Josias. Ézéchias avait montré plus spécialement la confiance en
l’Éternel, accompagnée, cela va sans dire, d’une réelle soumission à la parole
de Dieu, dont Ésaïe, le prophète, était le porteur, mais nous trouvons sous
Josias comme une révélation toute nouvelle de la parole écrite,
et, dans le cas particulier, des livres de Moïse.
Dans ce réveil, les Saintes Écritures, négligées et comme oubliées sous les
règnes précédents, reprennent tout à coup leur importance. Ce fut la grande
bénédiction attachée au réveil appelé la Réformation. La Bible, sortie de
l’ombre par des voies providentielles, et présentée à tous, brilla aussitôt du
plus vif éclat. Cependant, l’on est douloureusement affecté de voir que la
Réformation ne commença pas, comme Josias, par le zèle pour la maison de Dieu,
mais, sans doute, l’importance de l’Assemblée de Christ était réservée pour un
temps postérieur et n’avait pas encore été manifestée.
Quand le zèle pour la maison et l’obéissance aux Écritures vont ensemble, ces dernières deviennent comme une révélation toute nouvelle. Les choses connues auparavant comme étant de Dieu, ne perdent certes pas leur importance, mais une lumière surgit, qui non seulement étonne et frappe comme totalement inconnue jusque-là, mais atteint aussi profondément la conscience. « Et il arriva que, quand le roi entendit les paroles du livre de la loi, il déchira ses vêtements » (v. 11). Est-il possible que la parole de Dieu ait pu être violée d’une telle manière par son peuple ! Y a-t-il rien d’étonnant si sa ruine en est la conséquence ?
Et maintenant, qui nous
interprétera cette parole ? Comment « consulter l’Éternel » au sujet de ce
que nous avons à faire, sachant que, selon cette Parole, nous avons encouru son
déplaisir ? Le prophète seul, représentant de l’Esprit de Christ (1 Pierre
1:11), peut nous l’interpréter. Josias ne s’adresse pas pour cela à Shaphan, le
scribe, ni même à Hilkija, le grand sacrificateur ; il veut se mettre
directement en rapport avec la Parole. Il y avait beaucoup de prophètes au
temps de l’impie Manassé (2 Rois 21:10). Au temps de Josias, en ces jours de
réveil, mais de profonde faiblesse, on trouve une prophétesse
à Jérusalem.
Non pas que les prophètes manquent en Juda (23:2), mais l’activité confiée à
une femme caractérise le déclin, comme celle de Débora, dans le livre des
Juges. Pareille à Débora, Hulda, servante de l’Éternel, ne cherche pas à
exercer un ministère public, comme les fausses prophétesses de nos jours ;
elle emploie son don dans la sphère qui lui est assignée. Les serviteurs de
Josias se rendent auprès d’elle, « et elle habitait à Jérusalem dans le second
quartier de la ville » (v. 14). Ici, nous sommes loin d’un Ésaïe, dont le
ministère embrassait toute la prophétie et dont la présence caractérisait le
réveil d’Ézéchias ; mais l’Esprit de Christ parle par cette femme, pour
confirmer « toutes les paroles du livre qu’a lu le roi de Juda » (v. 16), et, en
même temps, pour rassurer Josias sur son propre avenir. Dieu avait égard à la
profonde humiliation du roi : « Parce que ton coeur a été sensible, et que
tu t’es humilié devant l’Éternel quand tu as entendu ce que j’ai prononcé
contre ce lieu et contre ses habitants, savoir qu’ils seraient livrés à la
destruction et à la malédiction, et parce que tu as déchiré tes vêtements et
que tu as pleuré devant moi, moi aussi j’ai entendu, dit l’Éternel » (v. 19).
S’humilier était, de fait, la seule chose nécessaire. Elle caractérisait Josias
et marque de tout temps le Résidu fidèle au milieu du mal (Ézéch. 9:4), aux
jours de la ruine de l’Église, et parmi tous ceux qui professent connaître le
nom de l’Éternel. On peut reconnaître aujourd’hui le coeur du fidèle à
l’humiliation qu’il ressent de cet état de choses. Celui de Josias y est
sensible ; il déchire ses vêtements et pleure ; mais (v. 20), il
devait être « recueilli de devant le mal », comme dit Ésaïe (57:1).
L’importance de la maison de Dieu sur la terre, lieu où l’Éternel fait habiter son nom, et le livre de l’alliance, voilà, comme nous l’avons vu, ce qui caractérise le renouvellement spirituel sous Josias. Nous n’hésitons pas à le répéter : dans les temps où nous vivons, ces deux choses caractériseront toujours un vrai réveil. L’intérêt pour l’Assemblée du Dieu vivant et non pour les misérables imitations, par lesquelles la chrétienté déchue l’a remplacée, le zèle pour l’autorité inspirée des Saintes Écritures, c’est à quoi toute âme fidèle, qui cherche la gloire du Seigneur, s’attachera aujourd’hui coûte que coûte.
Le roi fait assembler auprès
de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem, et monte à la maison de l’Éternel,
ayant « avec lui tous les hommes de Juda et tous les habitants de Jérusalem, et
les sacrificateurs, et les prophètes, et tout le peuple, depuis le petit
jusqu’au grand ». Il fait lire devant eux « toutes
les paroles du livre de l’alliance qui avait été trouvé dans la maison de
l’Éternel » (v. 2). Ce livre de l’alliance comprend non seulement l’alliance du
Sinaï, mais celle qui fut faite dans les plaines de Moab, c’est-à-dire toutes
les paroles du Deutéronome. Elles s’appliquaient exactement à l’état du peuple
tel qu’il était alors, et Dieu l’avait décrit d’avance dans ce livre. Le
Deutéronome parlait avant tout d’obéir, et faisait dépendre de l’obéissance à
la Parole la bénédiction ou le malheur du peuple que Dieu avait racheté
d’Égypte. Ici, cette alliance est renouvelée : « Le roi se tint debout sur
l’estrade, et fit cette alliance devant l’Éternel, de marcher après l’Éternel,
et de garder ses commandements, et ses témoignages, et ses statuts, de tout son
coeur et de toute son âme, pour accomplir les paroles de cette alliance,
écrites dans ce livre ; et tout le
peuple entra dans l’alliance
» (v.
3).
Dans ces réveils de la fin,
un puissant effet se produit sur tous, quand même la réalité ne se trouve que
dans le coeur du Résidu. Le livre de Jérémie qui prophétisait sous Josias, nous
montre que, de fait, l’état moral du peuple n’était nullement changé. Ils
avaient consenti facilement à l’abolition de l’idolâtrie par la fidélité du
roi, mais leur coeur restait aussi éloigné de Dieu qu’auparavant. Le prophète dit :
« Et l’Éternel me dit dans les jours du roi Josias : As-tu vu ce qu’a fait
Israël, l’infidèle ? Elle s’en est allée sur toute haute montagne et sous
tout arbre vert, et elle s’y est prostituée. Et j’ai dit : Après qu’elle a
fait toutes ces choses, elle reviendra à moi ; mais elle n’est pas
revenue. Et sa soeur, Juda la perfide, l’a vu. Et j’ai vu que, quand pour
toutes les choses en lesquelles Israël l’infidèle avait commis adultère, je
l’ai renvoyée et lui ai donné sa lettre de divorce, toutefois sa soeur, Juda la
perfide, n’en a pas eu de crainte, mais elle s’en est allée et s’est
prostituée, elle aussi. Et il est arrivé que, par la légèreté de sa
prostitution, elle a souillé le pays, et a commis adultère avec la pierre et le
bois. Et même, avec tout cela, sa soeur, Juda la perfide, n’est pas revenue à moi de tout son cour, mais avec mensonge,
dit
l’Éternel » (Jér. 3:6-10. Lisez aussi : 5:27-29 ; 6:9-15, 29 ;
8:8-13).
En dépit de cela, une
contrainte morale s’exerce, par le moyen de ceux qui sont fidèles, sur les
âmes, même de fait éloignées de Dieu. Nous voyons, en 2 Chron. 34:33, que
Josias « obligea
tous ceux qui se
trouvaient en Israël à servir l’Éternel, leur Dieu. Pendant tous ses jours, ils
ne se détournèrent pas de l’Éternel, le Dieu de leurs pères ». C’est ainsi que tout
le peuple entre ici dans
l’alliance. Amon avait établi tout ce qu’avait aboli Manassé, lors de sa
repentance. Josias, dans son zèle pour Dieu, et pour Dieu seul,
bien différent du zèle de Jéhu, purifie complètement
Jérusalem, Juda et Israël, aussi loin que son bras peut s’étendre. Il brûle,
dans les champs du Cédron, tous les objets accumulés dans le temple pour le
culte de Baal, d’Astarté et des astres, et porte leur poussière à Béthel, lieu
initial de l’idolâtrie de Jéroboam. Il supprime (v. 5 ; Soph. 1:4) les
Camarim, sacrificateurs établis par les rois de Juda pour brûler l’encens aux
faux dieux. Il détruit entièrement la statue de la Vénus impudique établie dans
la maison de l’Éternel, et rend la souillure de ses cendres aux sépulcres de
ceux qui l’avaient adorée. Il ôte la prostitution qui s’étalait à Jérusalem,
sous couvert du culte d’Astarté. Il rassemble les sacrificateurs qui avaient
continué, sous Manassé repentant, les sacrifices à l’Éternel sur les hauts
lieux (2 Chron. 33:17). Il ne les assimile pas aux Camarim, mais ne leur permet
pas de monter vers l’autel de l’Éternel à Jérusalem. Toute communion avec une religion qui, même en étant séparée de
l’idolâtrie, a osé méconnaître le seul centre de rassemblement du peuple, est
résolument rompue
. Nous trouvons en
cela une instruction pour les jours où nous vivons. L’acte de Josias nous
montre qu’un réveil ne peut s’associer avec un culte qui n’est pas rendu autour
de la table du Seigneur, seul centre de rassemblement des siens. Toutefois,
Josias reconnaît à ces sacrificateurs le droit de manger « des pains sans levain
au milieu de leurs frères » (v. 9). La sainteté individuelle de ceux que le
Seigneur a consacrés est pleinement reconnue, mais momentanément, si ce n’est
pour toujours, leur fonction dans le culte d’Israël n’est pas tolérée. Josias
abolit encore les chevaux du soleil, démolit et brûle les autels qui ont osé
remplacer le seul autel de Dieu. Il s’attaque même, dans son zèle pour
l’Éternel, aux autels bâtis par Salomon (v. 13).
Il va plus loin ; son
intérêt s’étend à tout
le peuple de Dieu. Il se rend à Béthel, condamne
tout ce mal à son origine, et accomplit ainsi la prophétie, prononcée jadis
devant Jéroboam, contre l’autel où le roi avait offert des sacrifices (v. 15-16 ;
1 Rois 13:2). Cependant, il épargne le sépulcre de l’homme de Dieu qui avait
prononcé ces choses. Quelle qu’eût été l’infidélité de cet homme, il reconnaît
ce qu’il avait fait pour Dieu, épargnant aussi les os du prophète de Samarie,
cause de sa chute, mais qui s’était humilié de son erreur. C’est ainsi que tout
coeur vraiment chrétien reconnaît ce que les hommes de Dieu ont fait, dans les
temps passés, pour Son service, et respecte leur oeuvre, même entachée de
manquements qui lui ont fait perdre sa puissance et en ont gâté les résultats
(v. 17-18).
Enfin le roi parcourt les villes d’Israël, abolissant les temples des hauts lieux, sans pitié pour les sacrificateurs idolâtres qu’il extermine, quoique, le peuple ayant été transporté par l’Assyrien, leur influence fût perdue en apparence. Il agit en vue d’une restauration future, et son coeur, enflammé pour le service de l’Éternel, s’y attache, car les prophètes, même pendant son règne, annonçaient une restauration sous le sceptre du roi de justice et de paix.
« Et le roi commanda à tout le peuple, disant : Célébrez la Pâque à l’Éternel, votre Dieu, comme il est écrit dans ce livre de l’alliance. Car aucune Pâque n’avait été célébrée comme cette Pâque, depuis les jours des juges qui ont jugé Israël, et durant tous les jours des rois d’Israël et des rois de Juda ; mais la dix-huitième année du roi Josias, cette Pâque fut célébrée à l’Éternel dans Jérusalem » (v. 21-23).
La célébration de la Pâque nous est donnée ici en quelques mots, tandis que les Chroniques la décrivent tout au long (2 Chron. 35:1-19) ; mais ce fait a trop d’importance dans l’histoire du réveil, pour n’y pas arrêter un moment l’attention de nos lecteurs. Nous venons de parler des deux grands principes qui caractérisent le réveil de la fin : la rupture avec l’idolâtrie du monde ou ses traditions religieuses, le retour aux Saintes Écritures. À la suite de ces deux faits, et comme leur conséquence, nous avons la célébration de la Pâque.
La Pâque, comme institution,
avait d’abord été célébrée en Égypte. Le peuple d’Israël avait été racheté du
pays de servitude par le sang de l’agneau pascal ; par lui, le jugement de
Dieu qui atteignait l’Égypte, s’était détourné d’Israël. Le peuple, placé sous
l’aspersion du sang, mangeait
la
Pâque. C’était une figure de l’appropriation qui nous est faite, une fois pour toutes,
par la foi, du
sacrifice de Christ et ce symbole correspond à ce qui nous est dit du chrétien,
en Jean 6:53.
Le mémorial
de cette délivrance venait ensuite. Il se répétait chaque
année le quatorzième jour du premier mois (Ex. 12:14, 26-27, 45). Ce mémorial
était célébré par tout le peuple. En des circonstances normales, personne en
Israël ne pouvait s’en abstenir sous peine d’être « retranché de ses peuples ».
Comme condition première, il fallait être circoncis
(Ex. 12:48). Ce signe était le type
de la mise à part pour Dieu par le jugement du péché et le retranchement de la
chair. Aussi, lors de l’entrée dans le pays de Canaan, après le passage du
Jourdain, tous ceux qui appartenaient à la génération dont les pères étaient
tombés dans le désert et qui n’avaient pas été circoncis, le furent à Guilgal.
« L’opprobre d’Égypte » fut ainsi roulé de dessus eux, et ils purent célébrer la
Pâque dans les plaines de Jéricho (Jos. 5:6-12).
Par le fait qu’il était donné
à un peuple racheté et circoncis, ce mémorial devenait le symbole de l’unité du peuple de Dieu.
La Pâque était donc à la
fois le souvenir de la rédemption et la proclamation de l’unité du peuple.
L’Esprit de Dieu nous en montre la célébration, comme une institution fondamentale, d’abord pendant la traversée du désert (Nomb. 9:1-14), puis à l’entrée en Canaan (Jos. 5:10). Depuis ce moment, la Parole ne la mentionne plus, jusqu’aux jours d’Ézéchias, non qu’elle ne fût pas observée sous les juges, sous David, Salomon et les rois, mais elle n’était pas l’objet spécial, présenté par le Saint Esprit, tandis que nous voyons, sous le règne de Salomon, les fêtes du septième mois, surtout celle des tabernacles, occuper une place prépondérante.
Lors du réveil d’Ézéchias, la Pâque ne fut pas célébrée le quatorzième jour du premier mois, mais au deuxième mois, le même jour du mois (2 Chron. 30:15), date autorisée par la Parole pour ceux qui étaient impurs ou en voyage, lors de la célébration de cette fête (Nomb. 9:11). Les sacrificateurs se trouvaient dans le premier cas ; ayant manqué de zèle pour se sanctifier, ils étaient impurs, et Ézéchias agit en conséquence. La Pâque de Josias fut célébrée au jour voulu, le premier mois (2 Chron. 35:1). Le besoin de se sanctifier pour l’Éternel était beaucoup plus général alors que sous Ézéchias, car la parole de Dieu était mieux comprise, et le désir de Lui obéir plus réel.
Au temps d’Esdras, la Pâque
fut aussi célébrée par « les fils de la transportation » au jour consacré, « car
les sacrificateurs et les lévites s’étaient purifiés comme un seul homme
»
(Esdras 6:19-20).
Donc, à mesure que nous avançons dans l’histoire de la ruine du peuple de Dieu, la Pâque et l’état d’âme qui s’y rapporte acquièrent plus d’importance pour les fidèles ; et, chose tout à fait remarquable, le signe de l’unité du peuple devient d’autant plus important que ce peuple est plus dispersé par la ruine.
Est-il besoin d’ajouter que ces vérités répondent aux temps actuels ? La Cène du Seigneur qui remplaça, comme mémorial, la Pâque juive, la nuit où Jésus fut livré, est servie, et la table du Seigneur dressée pour le peuple racheté et pour lui seul. La mort du Seigneur y est proclamée jusqu’à son retour. Cette table est, en même temps, le centre de ralliement pour le peuple de Dieu, la proclamation de l’unité du corps de Christ (1 Cor. 10:17), même dans un temps où tout, en apparence, contredit cette vérité, où même, comme au temps d’Ézéchias, l’on se rit et se raille de ceux qui la proclament (2 Chron. 30:10).
L’histoire de la Pâque ne se termine pas ici, et, de fait, ne sera jamais terminée. Un peuple de bonne volonté la célébrera encore sur la terre pendant le royaume millénaire du Christ (Ézéch. 45:21). Elle sera célébrée en même temps dans le royaume céleste, où les saints glorifiés seront rassemblés autour de l’Agneau immolé (Apoc. 5).
Ainsi, du moment qu’une rédemption est effectuée, le mémorial de ce qui l’a acquise pour le peuple de Dieu persiste à travers tout et persistera jusque dans les temps éternels. Le souvenir de la mort de Christ est toujours nécessaire, car elle est le seul fondement de toute bénédiction.
Revenons maintenant à la
Pâque de Josias. Le récit de notre livre, bien que très bref, est caractérisé
par un mot important : « Comme il est écrit dans le livre de l’alliance »
(v. 21). Sans doute, comme nous le voyons dans les Chroniques, le peuple, sous
Ézéchias, était aussi venu la célébrer selon « la parole de l’Éternel » et « la
loi de Moïse, homme de Dieu » (2 Chron. 30:12, 16), mais sous Josias, la Parole
écrite, merveilleusement conservée et retrouvée dans le temple, prend une
importance beaucoup plus grande encore. Sans la Parole, rien de ce qui touche à
ce mémorial ne devait avoir lieu. C’était « suivant l’écrit
de David… et suivant l’écrit
de Salomon », qu’on devait s’y préparer (2 Chron. 35:4) ; « conformément
à la parole de l’Éternel
par Moïse »,
qu’on devait la préparer (v. 6) ; », selon qu’il est écrit
dans le livre de Moïse » qu’on devait présenter le sacrifice à
l’Éternel (v. 12) ; « selon l’ordonnance
», qu’on devait le faire cuire au feu
(v. 13) ; « selon le commandement
de
David, et d’Asaph, et d’Héman, et de Jeduthun, le voyant du roi », que chacun
occupait sa place pour observer l’ordre selon Dieu dans les chants et la
louange (v. 15). Et tout se faisait, « selon le commandement du roi Josias
»
(v. 16), c’est-à-dire que l’instrument de ce réveil avait de
l’intelligence pour ne communiquer et n’ordonner au peuple que ce qui était en
rapport avec les Écritures.
Prenons ces choses à coeur. Josias, averti par l’Éternel, savait parfaitement qu’en faisant cela, il n’arrêtait pas le jugement qui était en cours ; il savait aussi qu’il serait recueilli devant le mal et que ses yeux ne le verraient pas (2 Rois 22:20), mais il n’avait qu’une pensée : Ressentant avec une humiliation profonde le déshonneur infligé à l’Éternel et à son culte, il était pressé de l’honorer au milieu de la ruine d’Israël, dans le lieu même où Il avait été déshonoré ; il protestait, par toute sa conduite, contre les infamies qui s’étaient commises en Juda, sous le couvert de la religion ; il s’humiliait de cette apostasie, comme en ayant la responsabilité aussi bien que les autres, mais toute son activité se portait, sans en rien distraire, sur le service de l’Éternel, et la purification pour Lui, d’un peuple particulier, quelque abaissé ou dispersé qu’il fût.
L’ère de Josias ne fut pas marquée, comme celle d’Ézéchias, par des attaques spéciales de l’ennemi, par des épreuves provenant du dedans ou du dehors. Ce fut un temps relativement paisible, où l’indifférence avait certainement plus de part que la haine ; mais, tandis que le monde se reposait et laissait faire, Josias utilisait cette accalmie pour déployer la plus grande activité au service de son Maître.
Nos temps, nous l’avons déjà dit, ressemblent à celui-là, et les fidèles y ont la même position et les mêmes devoirs. Puissions-nous utiliser ces jours de la fin, avec leur calme relatif, pour rendre témoignage de ces trois choses : la séparation du monde religieux et irréligieux qui nous entoure, l’attachement aux Écritures, le rassemblement des enfants de Dieu autour de la table du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne.
Notre chapitre ajoute que « Josias extermina… toutes les abominations qui se voyaient dans le pays de Juda et à Jérusalem, afin d’effectuer les paroles de la loi, écrites dans le livre que Hilkija, le sacrificateur, avait trouvé dans la maison de l’Éternel » (v. 24). Ainsi, jusqu’au bout de sa carrière, Josias mit en pratique les préceptes qu’il avait tirés des Écritures. Il n’y eut point de roi semblable à lui, ni avant, ni après lui, et cela ne tint pas à son mérite personnel, ni à sa justice, mais au fait que la parole de Dieu, mêlée avec la foi dans son coeur, était devenue partie intégrante de lui-même.
La fin de Josias ne correspond pas aux bénédictions initiales de son règne. Nous avons vu que, par une grâce spéciale, Dieu lui avait accordé le repos extérieur, en sorte que son témoignage pût se développer en paix. Ce fut Josias lui-même qui se laissa entraîner à chercher la guerre. Le moment était arrivé où, suivant les prophéties, la puissance de l’Assyrien qui avait pesé si lourdement sur tous les peuples, allait être brisée pour faire place à l’empire universel de Babylone. Neco monte avec l’armée égyptienne contre le roi d’Assyrie. Josias prend parti pour l’Assyrien contre le Pharaon, chose que Dieu ne lui avait nullement ordonnée. Qu’avait-il affaire à supporter l’édifice chancelant de cette puissance, cruelle ennemie d’Israël ? Il savait par les prophètes que la ruine finale de l’Assyrien était proche. Avait-il mission, de la part de Dieu, de corriger les événements du monde ou de leur prêter son appui ? Rien, dans l’état du monde, n’est améliorable aux yeux de Dieu, et nous savons qu’il est déjà jugé. Josias avait été mis à part de tout le train du monde, pour servir l’Éternel, lui et son peuple, et nous le voyons se mêlant de politique ! Le résultat ne se fait pas attendre : le monde nous punit de notre intervention dans ses affaires. « Qu’y a-t-il entre moi et toi, roi de Juda ? » lui dit le Pharaon qui a conscience d’être un instrument de Dieu ; « Dieu… est avec moi… Dieu m’a dit de me hâter », et ces paroles de Neco « venaient de la bouche de Dieu » (2 Chron. 35:20-22). Du moment qu’il entre dans cette voie, Josias perd le discernement de la pensée de l’Éternel et ne sait plus reconnaître les paroles de Sa bouche. Il en est toujours ainsi. L’intelligence spirituelle et une vraie connaissance de la Parole sont liées à la vraie séparation de tout ce qui constitue le monde, y compris sa politique. Et, du reste un enfant de Dieu serait toujours un fort mauvais diplomate, parce qu’il ne peut éviter de se laisser gouverner par des principes moraux, dont le monde n’a cure. Mais, d’autre part, qui peut connaître, comme le chrétien, l’avenir du monde ? Un simple enfant dans la foi, attaché à la parole de Dieu, en remontrera, par sa connaissance de l’avenir, aux plus grands politiques, car il connaît tous les détails des choses futures selon que Dieu les lui a révélés.
Josias doit en pâtir, car cette intervention était une grave infidélité pour un homme, favorisé comme lui des bénédictions et de la communion de son Dieu. Il est tué par le Pharaon à Meguiddo, et enterré dans son sépulcre. Jérémie fait des lamentations sur la fin de ce pieux serviteur de l’Éternel (2 Chron. 35:25).
Toute la faveur de Dieu sous
le règne de Josias, la bénédiction et la joie dont l’Éternel a rempli le coeur
du peuple, n’ont aucun résultat pour les successeurs de ce roi. Joakhaz, élu et
proclamé par le peuple, à la place de son père, « fit ce qui est mauvais aux
yeux de l’Éternel, selon tout ce que ses pères avaient fait » (v. 32). Il se
relie, non pas à Josias, mais à ses pères incrédules et idolâtres, et ne compte
pas dans la lignée de la foi. Il n’est pas possible d’avoir Josias ou Abraham
pour père, sans produire des fruits convenables à la repentance. Ici, la cognée
était mise à la racine de l’arbre, et la royauté allait traverser ses dernières
convulsions pour être enfin retranchée de Juda. Les mères issues du peuple de
Dieu sont désormais sans influence, soit qu’il n’y ait plus d’oreilles pour les
écouter, soit qu’elles participent elles-mêmes à la ruine. Hamutal, femme de
Josias et mère de Joakhaz, était fille de Jérémie de Libna et, apparemment, de
race sacerdotale (cf. Jos. 21:13). Son fils ne régna que trois mois, et trouva
cependant le temps de faire le mal et de contredire, par sa conduite envers
Dieu, ce que Josias avait établi. Le Pharaon Neco se venge sur lui de
l’opposition de Josias qui avait follement soutenu l’Assyrien en voulant
empêcher la marche de l’armée égyptienne. Lié de chaînes, Joakhaz est emmené en
Égypte et y meurt. Le Pharaon ne tient aucun compte de cette royauté établie
par le peuple. Jérémie prophétise sur lui : « Ne pleurez pas celui qui est
mort, et ne vous lamentez pas sur lui. Pleurez, pleurez celui qui s’en va, car
il ne reviendra plus, ni ne reverra plus le pays de sa naissance ! Car
ainsi dit l’Éternel quant à Shallun (Joakhaz), fils de Josias, roi de Juda, qui
régna à la place de Josias, son père, et qui s’en est allé de ce lieu : Il
n’y reviendra plus ; car il mourra dans le lieu où on l’a transporté, et
ne verra plus ce pays » (Jér. 22:10-12). Neco prend Éliakim, fils de Josias, et
l’établit « à la place de Josias,
son
père », changeant son nom en Jehoïakim. Ce dernier devient serviteur et
tributaire du roi d’Égypte, et donne au Pharaon l’or et l’argent qu’il a
recueilli des taxes (v. 35).
Même remarque pour sa mère que pour celle de Joakhaz. Elle s’appelait Zebudda, fille de Pedaïa, de Ruma. Elle appartenait (probablement) à l’une des villes de Juda. Jehoïakim, d’abord tributaire du Pharaon, le devient ensuite de Nebucadnetsar, dont le règne commence la quatrième année de Jehoïakim. Les avertissements de l’Éternel lui sont prodigués par Jérémie (Jér. 22:13-19) et d’autres prophètes ; ils ne sont pas écoutés. Il met à mort Urie, le prophète qui prophétisait contre Jérusalem et contre Juda, mais qui, manquant de foi en présence des desseins meurtriers du roi, s’était enfui en Égypte (Jér. 26:20-23). Jérémie aussi court les mêmes dangers, mais cet homme de Dieu s’appuie sur la parole de l’Éternel : « Voici, je t’établis aujourd’hui comme une ville forte, et comme une colonne de fer, et comme des murailles d’airain, contre tout le pays, contre les rois de Juda, ses princes, ses sacrificateurs, et le peuple du pays. Et ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi, car moi je suis avec toi, dit l’Éternel, pour te délivrer » (Jér. 1:18-19. Voyez encore 6:27 ; 15:20-21).
L’Éternel veille sur lui, selon cette parole. Lorsque, dans son incrédulité, le roi, après avoir lacéré avec un canif et jeté au feu le rouleau de la prophétie de Jérémie, cherche encore à saisir le prophète et son fidèle compagnon Baruch, il nous est dit que « l’Éternel les cacha » (Jér. 36, spéc. 23:26).
Jérémie avait commencé à prophétiser depuis la treizième année du fidèle Josias, alors que le peuple jouissait encore de la prospérité que lui procurait la fidélité du roi, mais le peuple n’avait pas écouté. Alors le prophète annonça la captivité de 70 ans sous le joug de Babylone (25:11), puis le sort de toutes les nations, à la tête desquelles il plaçait Jérusalem, l’assimilant aux peuples idolâtres, et finalement le sort de Babylone elle-même (25:17-29). Cette énumération fait comprendre ce que fut la monarchie universelle inaugurée par Babylone, quelque courte qu’ait été la domination de cette dernière, en regard de la longue domination assyrienne ; mais jamais l’Assyrie ne forma un royaume compact, assis et universellement reconnu, comme celui de Babylone.
Jehoïakim avait changé de maître. Il lui en cuisit de se révolter contre Nebucadnetsar. Après que son pays eut été en détail la proie de tous ses voisins (24:2), ce monarque monta contre lui et le lia de chaînes d’airain pour le mener à Babylone (2 Chron. 36:6). Nous apprenons par Jérémie quelle fut la parole prononcée par l’Éternel à son égard : « C’est pourquoi, ainsi dit l’Éternel touchant Jehoïakim, roi de Juda : Il n’aura personne qui s’asseye sur le trône de David, et son cadavre sera jeté dehors, de jour à la chaleur, et de nuit à la gelée » (Jér. 36:30).
Tout cela « arriva par le commandement de l’Éternel contre Juda, pour l’ôter de devant sa face, à cause des péchés de Manassé, selon tout ce qu’il avait fait, et aussi à cause du sang innocent qu’il avait versé, car il avait rempli Jérusalem de sang innocent ; et l’Éternel ne voulut pas lui pardonner » (24:3-4). Depuis Manassé, le décret irrévocable était parti d’auprès de l’Éternel ; il avait été suspendu sous Josias et le serait resté sous ses successeurs, s’ils avaient voulu écouter (Jér. 25:1-11). Il y avait deux causes à ce jugement final : l’idolâtrie, et le sang innocent, et Jehoïakim, comme Manassé, avait répandu ce dernier selon son pouvoir, dans Jérusalem qui tuait ses prophètes et lapidait ceux qui lui étaient envoyés.
Dès lors, le Pharaon ne sortit plus de son pays (v. 7), l’empire de Babylone l’ayant privé de toutes ses possessions, depuis le Nil jusqu’à l’Euphrate.
Jehoïakin, autrement Conia,
continue dans la voie de son père. Sa mère était Nehushta, une fille de
Jérusalem. Il paraît de plus en plus évident que les mères de ces derniers rois
avaient elles-mêmes, comme leurs fils, oublié l’Éternel. Au temps de Conia, les
serviteurs de Nebucadnetsar font le siège de Jérusalem. Ce grand roi lui-même
vient ensuite y prendre part en personne. Jehoïakin se rend à lui. Il est
emmené captif à Babylone, ainsi que sa
mère
, selon la prophétie de
Jérémie : « Je suis vivant, dit l’Éternel, que quand même Conia, fils de
Jehoïakim, roi de Juda, serait un cachet à ma main droite, je t’arracherai de
là ! Et je te livrerai en la main de ceux qui cherchent ta vie, et en la
main de ceux dont tu as peur, et en la main de Nebucadnetsar, roi de Babylone,
et en la main des Chaldéens. Et je te jetterai, toi et ta mère
qui t’a enfanté, dans un autre pays, où vous n’êtes pas
nés ; et là vous mourrez. Et, dans le pays où ils désirent ardemment de
retourner, ils ne retourneront point. Cet homme, Conia, est-il un vase d’argile
méprisé et mis en pièces ? un ustensile auquel on n’a point de
plaisir ? Pourquoi ont-ils été jetés loin, lui et sa postérité, et lancés
dans un pays qu’ils ne connaissent point ? Terre, terre, terre, écoute la
parole de l’Éternel ! Ainsi dit l’Éternel : Inscrivez cet homme comme
privé d’enfants, comme un homme qui ne prospérera pas pendant ses jours ;
car, de sa semence, nul ne prospérera, assis sur le trône de David, ou dominant
encore en Juda » (Jér. 22:24-30).
Tous les trésors du roi et ceux du temple sont emportés dans la capitale de la Chaldée, et tout le peuple, noble ou valide, hommes de guerre, princes, artisans, emmené captif (v. 14-16).
Cette transportation effectuée, Jérémie voit en vision deux paniers de figues posés devant le temple de l’Éternel (Jér. 24), comme le seul endroit où l’état réel du peuple pût être apprécié. Un de ces paniers était rempli, aux yeux de Dieu, de très bonnes figues, comme celles de la première saison, l’autre de très mauvaises figues. Ce que les hommes voyaient était exactement le contraire de ce que Dieu révélait à Jérémie. Pour le monde, les bonnes figues étaient le peuple restant à Jérusalem sous Sédécias, pour le coeur de Dieu, elles étaient les transportés de Juda. Leur bonté dépendait de ce qu’ils avaient subi le jugement de Dieu dû à leur iniquité. Ce même principe est vrai pour nous, seulement, grâce à Dieu, nous avons subi le jugement dans la personne de Christ, condamné sur la croix, à notre place. La sentence exécutée, Dieu pouvait regarder avec faveur ceux qui en étaient les objets. « Je mettrai mes yeux sur eux pour leur bien, et je les ferai retourner dans ce pays ; et je les bâtirai, et je ne les renverserai pas, et je les planterai, et je ne les arracherai pas » (Jér. 24:6) ; il pouvait les établir à toujours en sa présence. Il faut être parfait pour cela, et c’était sous ce caractère que le Seigneur voyait ce pauvre résidu captif. Il en est de même pour nous : en vertu du jugement de Christ, Dieu nous voit parfaits en Lui, quelque misérables que nous soyons en nous-mêmes.
L’Éternel annonce la restauration du peuple : « Je les ferai retourner dans ce pays » ; mais il proclame en même temps qu’il leur donnera dans l’avenir une perfection morale devant lui, résultat d’une nouvelle alliance où tout viendra de Lui. Lui seul en sera l’auteur ; ce sera une alliance de grâce, non de responsabilité. « Je leur donnerai un coeur pour me connaître,… et ils seront mon peuple, et moi je serai leur Dieu ; car ils retourneront à moi de tout leur coeur » (v.7).
Les « figues mauvaises qu’on ne peut manger, tant elles sont mauvaises » (v.8), et dont Dieu lui-même ne peut rien faire, sont ceux qui, n’ayant pas subi le premier jugement sous Jehoïakin, devront en subir un second, cette fois définitif. Tandis que Dieu déclarait que tout était perdu, eux, se confiant en eux-mêmes, se vantaient d’être les représentants du peuple de Dieu. Le pays d’Égypte, figure du monde, sous l’empire de Satan, leur convenait fort bien. Au lieu d’accepter le jugement de Dieu, ils se révoltaient contre lui, comme nous allons le voir dans l’histoire de Sédécias.
Au milieu de la ruine, Dieu ouvrait une porte d’espérance à son peuple, et c’est d’entre les transportés, qu’au temps assigné, Dieu voulait susciter un résidu, noyau du futur Israël, sur lequel régnera le roi de justice, l’oint de l’Éternel, après que tous les fils de David eurent entièrement failli à leur responsabilité. Les paroles de Jérémie sur la fin des désolations de Jérusalem, consolèrent et affermirent plus tard le coeur de Daniel, quand la captivité de Babylone touchait à sa fin (Dan. 9:1-3). Ces mêmes paroles de consolation pour le peuple de la transportation sous Jehoïakin, nous les retrouvons en Ézéchiel : « Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant : Fils d’homme, tes frères, tes frères, les hommes de ta parenté, et toute la maison d’Israël, eux tous, sont ceux auxquels les habitants de Jérusalem disent : Éloignez-vous de l’Éternel, ce pays nous est donné en possession. C’est pourquoi dis : Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel : Bien que je les aie éloignés parmi les nations, et bien que je les aie dispersés par les pays, toutefois je leur serai comme un petit sanctuaire, dans les pays où ils sont venus. C’est pourquoi dis : Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel : Aussi je vous rassemblerai d’entre les peuples, et je vous recueillerai des pays où vous êtes dispersés, et je vous donnerai la terre d’Israël. Et là ils viendront, et ils en ôteront toutes ses choses exécrables et toutes ses abominations. Et je leur donnerai un seul coeur, et je mettrai au dedans de vous un esprit nouveau ; et j’ôterai de leur chair le coeur de pierre, et je leur donnerai un coeur de chair, — afin qu’ils marchent dans mes statuts, et qu’ils gardent mes ordonnances et les pratiquent ; et ils seront mon peuple, et moi je serai leur Dieu » (Ézéch. 11:14-20).
Mentionnons encore, au sujet de Jehoïakin, un fait relaté par Jérémie (chap. 28), et qui se passa sous Sédécias. Un prophète, comme il y en eut tant en cette période, Hanania, fils d’Azzur, prophétisa devant Jérémie dans la maison de l’Éternel. Selon lui, au bout de deux années, le joug du roi de Babylone, que Jérémie portait comme symbole sur son cou devant tout le peuple, devait être brisé. Au bout de deux années, les transportés de Juda (ils l’avaient été sous Jehoïakin) devaient être ramenés à Jérusalem, et les vases sacrés restitués à la maison de l’Éternel. Là-dessus, il brisa le joug porté par le prophète. Il faisait ce que faisaient les princes qui donnaient conseil à ceux de la transportation de ne pas bâtir des maisons, à l’encontre de ce que leur avait dit Jérémie (Ézéch. 11:3). La parole de l’Éternel vient alors à Jérémie : Le joug de bois, que Hanania avait brisé, allait devenir un joug de fer sur toutes les nations, et le faux prophète était condamné à mort, parce qu’il avait « parlé de révolte contre l’Éternel » (Jér. 28:16). Deux mois après sa prophétie, la sentence de Dieu reçut son exécution.
Cette petite scène nous montre quels étaient les sentiments du peuple et de ses conducteurs au milieu des jugements de Dieu. Ils n’acceptaient point ces jugements et ne s’y soumettaient pas. Leur orgueil national ne supportait pas l’humiliation ; ni eux, ni leur foi n’avaient à faire avec Dieu, pour chercher sa volonté.
Ainsi, tout du long, nous avons eu l’occasion de constater par les prophètes que le coeur du peuple était désespérément mauvais, et que son état appelait nécessairement le jugement de Dieu.
Comme il fallait accepter le jugement, il était nécessaire de le porter patiemment, jusqu’au terme de 70 années, assigné par l’Éternel. Aussi Jérémie écrit-il aux transportés sous Jéchonias (Jehoïakin) : « Bâtissez des maisons et habitez-y ; plantez des jardins et mangez-en les fruits ; prenez des femmes et engendrez des fils et des filles, et prenez des femmes pour vos fils, et donnez vos filles à des maris, et qu’elles enfantent des fils et des filles ; et multipliez-vous là et ne diminuez pas. Et cherchez la paix de la ville où je vous ai transportés, et priez l’Éternel pour elle ; car dans sa paix sera votre paix » (Jér. 29:5-7). Au temps voulu, il devait y avoir une restauration, « car moi je connais les pensées que je pense à votre égard, dit l’Éternel, pensées de paix et non de mal, pour vous donner un avenir et une espérance » (v. 11).
Sédécias était oncle de Jehoïakin et avait été établi par le roi de Babylone, qui avait changé son nom de Matthania en celui de Sédécias. Sa mère, Hamutal, était une fille de Juda ; nous ne répéterons pas à son sujet des remarques faites précédemment.
Nebucadnetsar, en instituant Sédécias, comptait avoir un roi dépendant de lui et qui ne fomenterait pas de nouvelles révoltes. Les deux prédécesseurs de Sédécias avaient obligé le roi de Babylone à faire deux expéditions contre Jérusalem, et il entendait maintenant avoir la paix avec cette nation orgueilleuse et remuante, soumise à son sceptre. Le prophète Ézéchiel (chap. 17) décrit, dans une parabole, la politique et les desseins de Nebucadnetsar. Le grand aigle babylonien avait arraché Jehoïakin, la plus haute des jeunes pousses du cèdre du Liban, et l’avait transporté à Babylone. Il avait ensuite pris de la semence du pays (Sédécias) et l’avait plantée près des grandes eaux comme un saule. Elle était devenue une vigne, s’étendant, mais pas en hauteur, car le roi de Babylone voulait avoir, sous sa dépendance, en Juda, une royauté abaissée. Cette vigne s’était tournée vers un autre grand aigle, le Pharaon d’Égypte, au lieu de rester soumise au premier. Dieu déclare, par le prophète, ce qui en résultera.
« Sédécias se révolta contre
le roi de Babylone » (24:20). Ce fait était une infamie et un sacrilège aux yeux
de l’Éternel, et voici pourquoi : Nebucadnetsar avait fait jurer par Dieu
à Sédécias (2 Chron. 36:13). Et Ézéchiel nous dit qu’il « avait fait
alliance avec lui et lui avait fait prêter
un serment d’exécration
». Ainsi ce
roi ajoutait à toutes ses
autres transgressions la rupture d’un serment fait au nom de l’Éternel, devant
les nations idolâtres, prouvant ainsi devant elles qu’il ne faisait aucun cas
du Dieu auquel il prétendait appartenir. Les Chroniques enregistrent quatre
causes du jugement de ce roi. Il fit ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel.
Il ne s’humilia pas devant Jérémie, le prophète, qui lui parlait de la part de
l’Éternel ; c’est la rébellion contre la parole et l’Esprit de Dieu. Il se
révolta contre Nebucadnetsar qui lui avait fait jurer par Dieu. Il roidit son
cou et endurcit son coeur pour ne pas retourner à l’Éternel (2 Chron. 36:12-13). Quant au premier point, si
souvent répété au sujet de ces derniers rois de Juda, il ne nous est pas dit, à
propos de ceux qui précédèrent immédiatement Sédécias, que leur idolâtrie fût
aussi criante que celle de Manassé, ou du moins les détails ne nous en sont pas
donnés, mais pour Sédécias, nous sommes renseignés d’abord par les Chroniques
(2 Chron. 36:13-14), où il nous est dit qu’avec tous les chefs du peuple, il
« rendit impure la maison de l’Éternel qu’il avait sanctifiée à Jérusalem » ; et le prophète
Ézéchiel, dans sa vision (chap. 8), nous donne les détails de ces
abominations : « L’idole de jalousie », cette Astarté instituée par Manassé,
et qui « provoque l’Éternel à jalousie », était là à l’entrée du temple ; en
dedans du parvis, dans les « cabinets d’images », toutes sortes d’idoles peintes,
devant lesquelles les anciens d’Israël faisaient fumer l’encens ; à
l’entrée de la porte nord de la maison, des femmes pleurant Thammuz
(probablement Adonis) ; à l’entrée du temple, entre le portique et
l’autel, des hommes prosternés vers le soleil levant. Les pensées du coeur du
peuple n’étaient pas meilleures. Au lieu de reconnaître que le jugement de Dieu
les atteignait à cause de leur infidélité, ils disaient : « Nous serons
comme les nations, comme les familles des pays, en servant le bois et la pierre »
(Ézéch. 20:32). Ce même prophète nous présente également l’état moral des
prophètes, des sacrificateurs et des princes. Partout la violence, la
profanation, le gain déshonnête, l’extorsion et la rapine (Ézéch. 22:23-31, et
encore Jér. 32:30-35).
La révolte de Sédécias pouvait avoir, aux yeux du monde, des motifs politiques plausibles. Comme cela arrive de nos jours, elle trouvait des sympathies parmi tous ceux qui étaient impatients du joug de Babylone. Mais ce joug était selon Dieu, et l’Éternel le proclamait d’une manière visible par son prophète Jérémie qui marchait par la ville, portant un joug de bois sur son cou. Le roi de Juda aurait dû le savoir et s’en souvenir, s’il avait eu le moindre souci de servir l’Éternel. Mais cet homme, si brave pour se révolter, était au fond plein de frayeur, ayant peur de se compromettre vis-à-vis des princes de son peuple. Il était sans doute soutenu dans son action par les nations environnantes, comme nous le voyons en Jér. 27:3, où les rois de Moab, d’Édom, des fils d’Ammon, de Tyr et de Sidon, lui avaient envoyé leurs messagers pour l’encourager à secouer avec elles le joug de Babylone. Les chefs de Juda étaient dans les mêmes pensées, et se faisaient soutenir dans leurs idées de résistance par les prophètes qui usaient de leur don pour induire le peuple en erreur et le conduire dans un chemin de rébellion contre l’Éternel (Jér. 27:12-22).
On comprend le courroux de Nebucadnetsar qui, en trois fois, sous trois règnes successifs, fut obligé de retourner contre Jérusalem pour l’assiéger, et la rage de ce despote, auquel tout était soumis de la part de Dieu (l’Éternel le lui avait ouvertement proclamé, Dan. 2:37-38), en se voyant méconnu et bafoué par une faible peuplade abaissée du royaume d’Israël. Il ne tarda pas à se mettre en chemin pour punir la révolte. Ézéchiel nous décrit son incertitude quant à l’exécution de sa vengeance : commencera-t-il par Rabba des fils d’Ammon ou par Jérusalem ? Il pratique la divination pour le savoir. La main de l’Éternel, sans qu’il s’en doute, le conduit contre Juda. « J’en ferai », dit l’Éternel, « une ruine, une ruine, une ruine » (Ézéch. 21:26-31).
Nebucadnetsar bâtit une circonvallation tout autour de Jérusalem, entreprend le siège qui dure environ huit mois. La famine se renforce dans la ville, selon la parole de Jérémie : « Et je leur ferai manger la chair de leurs fils et la chair de leurs filles ; et ils mangeront chacun la chair de son prochain, dans le siège et dans la détresse dont les enserreront leurs ennemis et ceux qui cherchent leur vie » (Jér. 19:9). Pendant tout ce temps, malgré les innombrables dangers qui le menacent, Jérémie tient bon pour l’Éternel, selon sa parole : « Je te ferai être à l’égard de ce peuple une muraille d’airain bien forte ; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi ; car je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer, dit l’Éternel ; et je te délivrerai de la main des iniques et te rachèterai de la main des violents » (Jér. 15:20-21). Sa parole, toujours répétée, est : « Soumettez-vous au joug du roi de Babylone ». « Rendez-vous à lui ». Il donne le même avis aux nations confédérées avec Juda (27:3-11), à Sédécias et à son peuple (v. 12-15). Les chefs persécutent le prophète et cherchent à le faire mourir, prétextant qu’il rend lâches les mains du peuple. Sédécias a peur des chefs (38:24). À un moment donné, le Pharaon vient au secours de Jérusalem avec son armée (Ézéch. 17:17 ; Jér. 37:5). Les Chaldéens, apprenant cette nouvelle, se retirent de Jérusalem. Jérémie détrompe le peuple : C’est, dit-il, l’armée du Pharaon qui retournera au pays d’Égypte et les Chaldéens reviendront. Au moment où ces derniers se retirent, le prophète sort de Jérusalem, pour s’en aller dans le pays de Benjamin, au milieu du peuple, pour avoir là sa part (37:12). Il est fait prisonnier, accusé d’être transfuge, persécuté, jeté dans une basse fosse où il enfonce dans la fange. Les princes du peuple sont les plus acharnés contre lui. Ébed-Mélec, l’Éthiopien, parle au roi en sa faveur et le retire de la fosse (38). Au jour de la prise de la ville, cet homme est sauvé, selon la parole du prophète (39:15). Sédécias lui-même persécute Jérémie et l’enferme dans la cour de la prison (32:2-3), mais, de fait, c’est le roi qui est le captif de ses capitaines et de ses princes, et n’ose leur résister, car, dans le fond, il ne hait pas Jérémie, mais est dominé par la crainte des hommes, au lieu de l’être par celle de l’Éternel qu’il a méprisé et méconnu (38:24-28). Le prophète, avec une hardiesse qui s’appuie sur la parole et la promesse de Dieu, ne cache rien au roi de ce qui va arriver, destruction, pillage, incendies. À mesure que le jugement approche, il en crie tous les détails aux oreilles de tous et à celles du roi. Il dit : « Sédécias, roi de Juda, ne sera pas délivré de la main des Chaldéens, car certainement il sera livré en la main du roi de Babylone, et il lui parlera bouche à bouche, et ses yeux verront ses yeux » (32:4) ; et encore : « Tes yeux verront les yeux du roi de Babylone » (34:3). Et Ézéchiel : « Le prince qui est au milieu d’eux portera son bagage sur l’épaule, dans l’obscurité, et sortira ; on percera le mur, pour le faire sortir par là ; il couvrira sa face, afin qu’il ne voie pas de ses yeux le pays. Et j’étendrai sur lui mon filet, et il sera pris dans mon piège ; et je l’amènerai à Babylone, dans le pays des Chaldéens ; mais il ne le verra point, et là il mourra » (Ézéch. 12:12-13). Ces deux prophéties s’accomplissent à la lettre. Quand Sédécias, à l’occasion du départ momentané de l’armée chaldéenne, proclame un jubilé et ordonne que tous les serviteurs et servantes israélites soient mis en liberté, tous « les princes de Juda, et les princes de Jérusalem, les eunuques, et les sacrificateurs, et tout le peuple du pays » passent entre les pièces d’un veau divisé, pour confirmer l’alliance qu’ils font devant l’Éternel (Jér. 34:18-19 ; cf. Gen. 15:9), mais, à peine la promesse faite, ils la transgressent, reviennent en arrière, et reprennent leurs serviteurs et leurs servantes pour les assujettir de nouveau. Aussi le jugement sur eux est-il prononcé avec la plus grande énergie par le prophète (34:20-22).
Seul, un petit résidu qui avait accepté le message de l’Éternel et s’était livré aux Chaldéens, a la vie sauve (2 Rois 25:11). Ils sont les figues excellentes du chap. 24 de Jérémie.
Jérusalem est prise. Sédécias s’enfuit avec son armée dans la direction du Jourdain. Son cortège est dispersé ; il est pris, amené à Nebucadnetsar, jugé comme nous l’avons vu, et emmené à Babylone, où on « le met sous garde, en prison, jusqu’au jour de sa mort » (Jér. 52:11). Seulement, selon la parole du prophète, il ne meurt pas de mort violente (Jér. 34:4-5), l’Éternel ayant égard au moindre signe de retour, chez ce pauvre roi qui avait eu un moment de pitié pour le serviteur de l’Éternel, et avait écouté sa parole, quoiqu’il manquât de courage pour la suivre et de foi pour s’humilier devant Dieu.
Le peuple est transporté à
Babylone ; les sacrificateurs et ceux qui avaient aidé à la résistance
meurent de mort violente à Ribla. Les derniers vestiges de la puissance et de
la prospérité de Juda disparaissent à la suite de cette attaque. Même les deux
colonnes du temple sont brisées en morceaux et emportées à Babylone, ainsi que
tout l’airain, l’or et l’argent de la maison de Dieu. L’Éternel avait été
méprisé. Qu’avaient encore à faire Jakin et Boaz à Jérusalem ? La force
qui était en l’Éternel s’en était
allée par l’infidélité de Juda, et Dieu l’avait détruit au lieu de l’établir.
C’était ainsi que se
terminait l’histoire de l’homme, placé sous sa responsabilité devant Dieu. Dieu
devait
l’abandonner — mais ses
promesses sont sans repentance. Il rétablira le règne de son Oint sur ces deux
colonnes merveilleuses, et ce règne ne pourra jamais êtte ébranlé.
Nebucadnetsar établit Guedalia, fils d’Akhikam, sur le peuple, laissé dans le pays pour y être vignerons et laboureurs. Cet Akhikam avait sauvé Jérémie aux jours de Jehoïakim, lorsque, semblable à Urie, le prophète, il avait prophétisé contre Jérusalem (Jér. 26:24). Sans doute, ce fait avait influé sur l’esprit du roi de Babylone qui respectait et protégeait Jérémie. Guedalia demeurait à Mitspa, ville forte qu’Asa, roi de Juda, avait bâtie avec les pierres de Rama (1 Rois 15:22). C’est là que se rendit Jérémie, et que tous les réchappés des contrées environnantes, avec la pauvre population qui était restée, vinrent chercher la protection de Guedalia, ce noble lieutenant du roi de Babylone. Il rassura le peuple, lui jurant qu’il n’avait rien à craindre en acceptant la servitude des Chaldéens.
Il y eut pour ce pauvre résidu un répit de quelques mois. Ils récoltèrent du vin et des fruits d’été en grande abondance (Jér. 40:12). Le culte de l’Éternel paraît même avoir été remis en honneur, dans un temps où le temple était complètement détruit et ruiné. Du moins y avait-il une « maison de l’Éternel », où ceux qui menaient deuil sur l’état d’Israël pouvaient monter (Jér. 41:4-5). Ce qui restait encore de chefs des forces se réunit autour de Guedalia, Ismaël, fils de Nethania, de la race royale, à leur tête. Ce dernier venait avec de mauvais desseins, envoyé par Baalis, roi des fils d’Ammon, et poussé, sans doute, par sa propre ambition. Guedalia, averti de la trahison projetée, par Jokhanan, l’un des chefs, se refuse à y croire et à prêter la main au meurtre d’Ismaël (Jér. 40:13-16). Ismaël le frappe lâchement, se révoltant, une dernière fois, contre l’autorité du roi de Babylone. Il massacre les adhérents du gouverneur et les guerriers chaldéens qui se trouvaient là. Le second jour, il tue les hommes qui étaient venus, ignorants peut-être, et non exempts de pratiques païennes, mais le coeur brisé, pour chercher l’Éternel, et emmène captif chez les fils d’Ammon tout le reste du peuple qui était à Mitspa, avec les filles du roi (Jér. 41:4-10). Jokhanan et les chefs des forces le poursuivent, l’atteignent près des eaux de Gabaon, le défont et lui reprennent les captifs, tandis qu’il réussit à s’échapper avec huit hommes et à se rendre auprès de Baalis.
Ces captifs délivrés, remplis d’appréhension et désirant se rendre en Égypte, consultent l’Éternel par Jérémie, pour obtenir une réponse selon leurs désirs, mais, dans le fond, ils sont décidés à ne pas obéir si cette réponse n’est pas favorable à leur projet. Le prophète leur donne un avertissement solennel. S’ils demeurent, c’est le salut, car la bénédiction accompagne toujours l’acceptation du jugement de Dieu, quand l’âme s’y soumet humblement, et, malgré tout, compte sur Lui pour bénir. Descendre en Égypte, où ils pensaient trouver la sécurité, c’était aller au devant d’un jugement inévitable (Jér. 42).
Dans leur orgueil, les chefs ne veulent pas accepter l’humiliation, et traitent de mensonge la parole de Dieu. N’en est-il pas toujours ainsi, quand Dieu présente sa Parole qui condamne le monde et la volonté de l’homme, à des âmes qui ont choisi le monde et leur propre volonté ? Ils disent devant les sentences les plus claires : L’Éternel ne t’a pas envoyé pour dire cela. C’est un mensonge (Jér. 43:2). Ils n’écoutèrent donc point la parole de l’Éternel, fidèles jusqu’au bout à une seule chose, leur révolte contre Dieu, et ils emmenèrent avec eux Jérémie et le fidèle Baruc, ne voulant pas laisser en arrière ces témoins de leur désobéissance et de leur incrédulité. Ils n’oublient qu’une chose, c’est qu’ils emmènent avec eux la Parole qui les condamne. Jérémie continue jusqu’au bout l’exercice fidèle du don de prophétie que Dieu lui a confié. À Takhpanès, comme à Jérusalem, il est le témoin de la vérité de Dieu. Il annonce l’invasion future de l’Égypte par Nebucadnetsar qui, alors, se souviendra de ces révoltés (Jér. 43).
Ces misérables recommencent à servir d’autres dieux dans le pays d’Égypte où ils se sont enfuis. Leur état nous est décrit en ces mots : « Ils ne se sont pas humiliés jusqu’à ce jour, et ils n’ont pas eu de crainte, et ils n’ont pas marché dans ma loi et dans mes statuts, que j’ai mis devant vous et devant vos pères » (Jér. 44:10). Aussi Dieu déclare que de tous ceux qui sont descendus en Égypte, sauf « un fort petit nombre » de réchappés (v. 28), il n’y aura « ni réchappé, ni résidu pour retourner dans le pays de Juda » (v. 14).
Le peuple déclare ouvertement
vouloir
continuer ses sacrifices à « la reine des cieux », et lui attribue
la prospérité dont il avait joui autrefois à Jérusalem (Jér. 44:17-18). La
calamité prédite l’atteint en Égypte, dont l’Éternel livre le Pharaon Hophra
entre les mains du roi de Babylone (v. 30).
En la trente-septième année de la transportation, Évil-Merodac, roi de Babylone, sort Jehoïakin (Jéconias) de prison et l’entretient à sa cour, tous les jours de sa vie. La lampe qui semblait éteinte, recommence à jeter une faible lueur, preuve que l’Éternel a toujours égard aux promesses faites à David, son oint, et que, malgré tout, sa grâce veille sur cette race coupable. Il allait arriver, en effet, un jour, et il n’était pas éloigné, où, selon Ésaïe, l’Esprit de l’Éternel, annoncerait aux prisonniers l’ouverture de la prison et proclamerait l’année de la faveur de l’Éternel, l’an agréable du Seigneur. Le peuple en voudrait-il alors ? Hélas ! il rejette l’Oint de l’Éternel, comme il a rejeté Jérémie et-tous les prophètes avant lui, mais, malgré tout, les promesses de Dieu s’accompliront à son égard, et son Jubilé définitif se lèvera, quand l’épée du jugement aura fait son oeuvre étrange en la terre, et que les portails éternels se hausseront pour laisser entrer le Roi de gloire !