Smith Hamilton
Table des matières abrégée :
1 - Chapitre 1 - Aimé et haï (Gen. 37:1-11)
2 - Chapitre 2 - Rejeté et vendu (Gen. 37:12-36)
3 - Chapitre 3 - Souffrant et soutenu - (Gen. 39 et 40)
4 - Chapitre 4 - Exaltation et gloire - (Gen. 41)
5 - Chapitre 5 - Les années de famine - (Gen. 41:53-57 ; 42)
6 - Chapitre 6 - Les frères mis à l’épreuve - (Gen. 43 et 44)
7 - Chapitre 7 - Réconciliation (Gen. 45:1-15)
8 - Chapitre 8 – Service - (Gen. 45:9-24)
9 - Chapitre 9 - Gloire et bénédiction - (Gen. 45:25-47:31)
10 - Chapitre 10 - La vision de la foi - (Gen. 50:15-26)
Tables des matières détaillée :
1 - Chapitre 1 - Aimé et haï (Gen. 37:1-11)
1.1.2 - Son occupation comme berger
1.2.1 - Haï parce qu’ils étaient méchants
1.2.2 - Haï parce qu’ils étaient envieux
1.2.3 - Haï à cause de ses songes
1.2.4 - Haï à cause de ses paroles
2 - Chapitre 2 - Rejeté et vendu (Gen. 37:12-36)
3 - Chapitre 3 - Souffrant et soutenu - (Gen. 39 et 40)
3.2 - Des souffrances prolongées
3.3 - Des souffrances cruelles
3.4 - Des souffrances nécessaires
3.6 - Des souffrances préparatoires
3.7 - Des souffrances endurées dans la soumission
3.8 - Des souffrances profitables
3.9 - Des souffrances endurées avec patience
3.10 - Des souffrances récompensées
3.11 - Des souffrances endurées avec humilité
3.12 - Des souffrances triomphantes
3.13 - Des souffrances prolongées
3.14 - Des souffrances non soulagées
3.15 - Soulagement dans les souffrances
4 - Chapitre 4 - Exaltation et gloire - (Gen. 41)
4.2 - L’intelligence de l’homme
4.3 - Une interprétation fidèle
4.9 - Intelligence prophétique
4.12 - Attributs correspondants
5 - Chapitre 5 - Les années de famine - (Gen. 41:53-57 ; 42)
5.3 - Les greniers de la bénédiction
5.4 - Tribulation plus profonde
5.8 - L’amour qui discerne tout
6 - Chapitre 6 - Les frères mis à l’épreuve - (Gen. 43 et 44)
6.3 - Un propos plein de grâce
6.4 - Une proposition générale
6.10 - Une explication sans fondement
6.11 - Une expérience douloureuse
6.12 - Une mise à l’épreuve pénible
6.14 - Un plaidoyer saisissant
7 - Chapitre 7 - Réconciliation (Gen. 45:1-15)
7.1 - La manifestation de Joseph
7.2 - La réception de ses frères
7.4 - La réaffirmation de l’amour
7.7 - La réalisation de l’amour
7.10 - Le repos de la communion
8 - Chapitre 8 – Service - (Gen. 45:9-24)
8.1 - La préparation pour le service
8.3 - La promptitude au service
8.6 - La persuasion dans le service
8.7 - L’assurance dans le service
8.8 - Le message proclamé dans le service
8.9 - Le propos dans le service
8.10 - L’avertissement dans le service
8.11 - La plateforme du service
8.12 - La puissance pour le service
8.13 - Les ressources dans le service
8.14 - Les ressources pour le service
8.15 - L’interdiction dans le service
8.16 - Le privilège du service
8.17 - Le danger dans le service
9 - Chapitre 9 - Gloire et bénédiction - (Gen. 45:25-47:31)
9.5 - Les instruments de la grâce
9.8 - La soumission de la terre
9.9 - La souveraineté du trône
9.10 - La satisfaction du peuple
9.11 - La suprématie de Christ
9.13 - Le centre de la louange
9.14 - La bénédiction des saints
10 - Chapitre 10 - La vision de la foi - (Gen. 50:15-26)
10.4 - La connaissance des Écritures
10.5 - La connaissance de Christ
10.16 - Le souvenir d’une mort
L’histoire des saints de l’Ancien Testament exerce un attrait constant sur tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ, car ils y trouvent de magnifiques développements des gloires et des perfections de Christ. Ces préfigurations des choses à venir sont évidemment cachées à l’homme naturel, mais ceux qui, par l’Esprit, recherchent « dans toutes les Écritures, les choses qui le regardent », les discernent clairement.
De tous les récits de l’Ancien Testament, aucun ne présente une image plus riche ou plus nette de Christ que l’histoire touchante de Joseph. D’autres vies donnent peut-être avec plus de détails les expériences personnelles et les manquements de l’homme, nous enseignant bien des leçons salutaires ; mais tout au long de l’histoire de Joseph, nous sentons que l’Esprit de Dieu a devant lui la manifestation de la gloire de Christ ; et tout ce qui se rattache à la faiblesse et au manquement d’un homme ayant les mêmes passions que nous n’y a que peu ou pas de place. Et pourtant, aussi riche que soit l’image, nous sommes vite amenés à reconnaître que la vie d’aucun saint pris isolément n’est à même de présenter d’une façon adéquate la plénitude de Christ. D’autres saints de Dieu, tels Isaac en son temps et, plus tard, David et Salomon, ont, en commun avec Joseph, de proclamer les gloires de Christ. De plus, ce n’est pas une simple répétition ; chacun révèle une gloire particulière. Isaac parle des souffrances et des affections de Christ, par lesquelles il a acquis Son épouse ; David, de ses souffrances et de ses victoires qui lui ont valu son royaume ; Joseph, de ses souffrances et de la suprématie avec laquelle il administre son royaume. Salomon nous conduit un pas plus en avant et révèle les gloires de son royaume lorsqu’il aura la prééminence.
Au début du récit, Joseph, jeune garçon de dix- sept ans, paît le menu bétail avec ses frères ; il « servait » avec les fils de Bilha et les fils de Zilpa. Celui qui aura la première place doit d’abord être serviteur. La place de suprématie n’est atteinte que par le chemin du service, selon la parole du Seigneur : « Quiconque voudra devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et quiconque voudra être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave » (Matt. 20:26, 27). En cela, le Seigneur est la réalisation parfaite de son propre enseignement, car il peut dire : « Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22:27). Et parce qu’il a pris « la forme d’esclave… étant devenu obéissant jusqu’à… la croix… Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom ». Ainsi, dès le début de cette histoire, nous voyons cette préfiguration de Celui qui est plus grand que Joseph.
Mais il y a d’autres choses qui vont nous parler de Christ dans le début de l’histoire de Joseph. Tels Moïse et David plus tard, Joseph est un conducteur de brebis avant de devenir un conducteur d’hommes. Pendant quarante ans Moïse doit se contenter de conduire un troupeau de brebis derrière le désert avant de devenir le conducteur du peuple de Dieu à travers le désert. Et de David, n’est-il pas écrit que l’Éternel « choisit… son serviteur, et le prit des parcs des brebis ; il le fit venir… pour paître Jacob, son peuple, et Israël, son héritage » (Ps 78:70, 71) ? Ces saints d’autrefois préfigurent ainsi le grand Berger des brebis tant dans le fait que dans la manière de servir.
Mais servir avec ses frères n’implique pas nécessairement avoir communion avec leurs mauvaises actions. En tant que serviteur obéissant, il est très proche d’eux ; comme homme intègre, il est absolument séparé d’eux. Son service le conduisait dans la compagnie des autres, son caractère faisait de lui un homme séparé des autres, sa présence même mettant à nu leur méchanceté, de sorte qu’il ne peut que rapporter à son père « leur mauvaise renommée ». Et il en fut ainsi de Christ, le parfait Serviteur ; sa grâce l’a conduit très près de nous dans tous nos besoins ; sa sainteté l’a maintenu entièrement séparé de tout notre péché. Nos immenses besoins et sa grâce infinie ont fait de lui un Serviteur se déplaçant au milieu des foules dans le besoin et cependant, notre péché et sa sainteté ont fait de Lui un Étranger solitaire dans le pays. Comme le Serviteur parfait, il était accessible à tous. Son service d’amour l’a conduit dans plus d’une maison connaissant le besoin ; sa sainteté a fait qu’il n’avait pas de demeure.
Toutefois, si le caractère de Joseph l’a mis à part de ses frères, l’amour de son père lui a donné une place distinguée au-dessus de ses frères, car nous lisons : « Israël aimait Joseph plus que tous ses fils ». En outre, Israël rend témoignage à cette place de distinction en revêtant Joseph d’une tunique bigarrée — témoignage public du bon plaisir du père dans son fils. Tout de suite nos pensées se portent de Joseph à Christ, à la place unique qu’il occupait dans les affections du Père, et à la satisfaction que le Père avait à rendre témoignage de son bon plaisir dans son Fils. Le même chapitre qui nous dit que « Dieu a tant aimé le monde », nous dit aussi que « le Père aime le Fils ». Une mesure est donnée à l’amour de Dieu pour le monde, aussi infini soit-il, mais aucune mesure n’est donnée, ni ne peut être donnée, pour l’amour du Père pour le Fils. La déclaration est là dans toute sa majestueuse dignité. « Le Père aime le Fils », et la foi se plaît à l’accepter. Mais si le Père ne peut donner aucune mesure pour cet amour, il peut rendre témoignage de son amour pour le Fils. La tunique bigarrée de Joseph, témoignage public de l’amour de son père, a sa brillante contrepartie dans les cieux ouverts du Nouveau Testament. Jamais les cieux ne sont ouverts sinon sur Christ, et lorsqu’ils sont ouverts, ils apportent chaque fois un témoignage nouveau du bon plaisir du Père dans les grâces si variées du Fils. À peine Christ a-t-il pris sa place sur la terre comme Serviteur de l’Éternel que « les cieux lui furent ouverts » afin que les armées célestes puissent considérer un Homme sur la terre dont le Père peut dire : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir » (Matt. 3:16, 17). Un peu plus tard, de nouveau, les cieux sont ouverts pour qu’un homme sur la terre puisse regarder en haut et rendre témoignage au « Fils de l’homme » dans le ciel (Actes 7:55, 56). Et puis, le jour est proche où les cieux s’ouvriront pour laisser sortir le Fils de l’homme en gloire comme « Roi des rois, et Seigneur des seigneurs » victorieux (Apoc. 19:11-16). Après sa sortie comme Roi des rois, les cieux seront de nouveau ouverts pour que les anges montant et descendant puissent rendre témoignage au Fils de l’homme régnant en gloire sur la terre (Jean 1:52). Dans ces grandes occasions, nous voyons notre Seigneur Jésus revêtu de la tunique bigarrée. En d’autres termes, les cieux ouverts nous parlent du bon plaisir du Père en Christ, comme son Fils bien-aimé dans l’humiliation, comme Fils de l’homme dans la gloire céleste et comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, sortant pour régner sur la terre comme Fils de l’homme en puissance et en gloire suprêmes.
En outre, Celui qui est aimé du Père et distingué comme l’objet spécial de son bon plaisir est Celui qui est destiné à la domination universelle. Cette grande vérité est placée devant nous dans les songes de Joseph qui nous parlent tous les deux de la domination de Joseph. Un songe aurait pu suffire pour prédire les gloires de Joseph, mais aurait été tout à fait insuffisant pour préfigurer les gloires de Christ. Car sa domination aura un double caractère. Il sera souverain sur la terre et de nombreux passages parlent de sa gloire terrestre. Le songe des gerbes se prosternant devant la gerbe de Joseph peut bien parler de cette domination excellente sur toute la terre que Christ est destiné à exercer. Mais ce premier songe ne présente pas la suprématie de Christ dans toute sa vaste étendue, car Il est destiné non seulement à être souverain sur la terre, mais à exercer la domination universelle sur le ciel et la terre. Selon son bon plaisir, le Père s’est proposé en lui-même pour l’administration de la plénitude des temps « de réunir en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre » (Éph. 1:9, 10). Et ce second songe parle de cette domination céleste en présentant des corps célestes, le soleil, la lune et les étoiles se prosternant devant Joseph. Ainsi les deux songes présentent la domination de Christ sur les choses qui sont sur la terre et sur les choses qui sont dans les cieux jusqu’aux limites les plus reculées de l’univers créé.
L’Esprit de Dieu se plaît ainsi à exalter Christ en présentant sa domination universelle comme étant la pensée première de l’histoire de Joseph, quoique ce soit par le moyen des souffrances que cette place de prééminence est atteinte. Il y a les grâces et les perfections de caractère que les souffrances manifestent, autant que la dureté des siens et la méchanceté et l’indifférence du monde.
Si Joseph a une place unique dans les affections de son père et si, dans les conseils de Dieu, il est destiné à la domination universelle, il aura entre-temps à rencontrer la haine de ses frères. Il le faut si en quelque mesure son histoire est appelée à préfigurer cette haine combien plus grande que Christ a dû endurer de la part des hommes. Celui que Dieu a destiné à la domination universelle est le seul qui est haï par tout cœur naturel. Pourquoi le cœur naturel porte-t-il une telle haine à Christ ? Y avait-il en lui quelque cause de haine ? Certainement pas, car en Christ il y avait une absence totale de la cruauté et de la violence, de l’envie et de la convoitise, de l’orgueil et de l’arrogance, de la mesquinerie et de l’égoïsme qui, dans les autres hommes, sont à l’origine d’une telle haine. En lui, il y avait tout pour susciter l’amour. Tandis que les autres allaient faisant le mal, lui passait « de lieu en lieu, faisant du bien » (Actes 10:38). La bouche de l’homme peut être remplie de malédiction et d’amertume, mais l’homme a dû au moins rendre témoignage « des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche » (Luc 4:22). Et les huissiers qui avaient été envoyés pour se saisir de lui dirent : « Jamais homme ne parla comme cet homme » (Jean 7:46).
Et pourtant, malgré ses actes d’amour et ses paroles de grâce, ils lui ont rendu le mal pour le bien, et la haine pour son amour (Ps. 109:5). Il a pu dire en vérité : « Ils m’ont haï sans cause ». Hélas ! d’innombrables causes de haine, mais pas de cause en Lui. Aucune cause en l’homme pour susciter l’amour de Christ, et aucune cause en Christ pour susciter la haine de l’homme. Mais pourquoi le cœur mauvais de l’homme devait-il haïr Celui dont toute la vie se passa à manifester de l’amour à l’homme ? Laissons l’histoire de Joseph donner la réponse. Pourquoi Joseph était-il haï de ses frères ? N’était-il pas avec eux comme quelqu’un qui servait ? Certes, mais ils étaient méchants et par conséquent, même si son service ne pouvait être qu’appréciable, sa présence découvrait leur méchanceté et suscitait leur haine. Pour la même raison et dans une mesure beaucoup plus grande, le monde a haï Christ qui a pu dire : « Il me hait, parce que moi je rends témoignage de lui, que ses œuvres sont mauvaises » (Jean 7:7).
Il y avait d’autres causes à la haine des frères de Joseph. Ils « virent que leur père l’aimait plus que tous ses frères ; et ils le haïssaient, et ne pouvaient lui parler paisiblement ». De même Christ, confessant sa place unique auprès du Père, peut dire : « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille » (Jean 5:17). Immédiatement la haine des Juifs est allumée et ils « cherchaient d’autant plus à le faire mourir », et le Seigneur déclare aussitôt que « le Père aime le Fils, et lui montre toutes les choses qu’il fait ». Le Bien-aimé du Père est haï par l’homme.
En outre, les songes qui parlent de la domination future de Joseph sont un nouveau motif d’envie et de haine pour ses frères. Il avait été un témoin contre eux de leur méchanceté ; il est maintenant un témoin pour eux de sa gloire à venir. Ils ne veulent ni de l’un ni de l’autre. Pareillement, lorsque le Seigneur a témoigné contre la méchanceté du monde et a rendu témoignage de Ses gloires à venir, comme Joseph, il s’est attiré la haine du monde. Le Seigneur parle de ses gloires à venir devant les chefs de Jérusalem assemblés. Il peut dire : « Dorénavant vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance », confession qui est suivie par une explosion furieuse de haine, les sacrificateurs et les anciens s’unissant pour cracher au visage du Fils de Dieu.
Enfin, les frères de Joseph le haïssaient à cause de ses paroles. Nous lisons : « Ils le haïrent encore davantage, à cause de ses songes et de ses paroles ». Il n’en a pas été autrement pour le Seigneur. Les hommes entendaient les paroles de Celui qui parlait comme jamais aucun homme ne parla et certains crurent ; mais « plusieurs d’entre eux disaient : Il a un démon, et il est fou ; pourquoi l’écoutez-vous ? » La haine ne pouvait pas être dissimulée. Ainsi Christ aussi demeure l’objet d’une haine que les hommes ne peuvent pas cacher, malgré leurs efforts. Un fleuve ininterrompu d’insultes à son nom, de reniement de sa Personne et de refus de son œuvre, sort des chaires apostates et d’une presse infidèle, souvent sous le manteau de la religion. Ce sont toujours ceux qui se disent être ses frères qui ne peuvent pas parler paisiblement de lui. Mais n’oublions jamais que derrière « toutes les paroles dures que les pécheurs impies ont proférées contre lui », il y a toutes les « œuvres d’impiété qu’ils ont impiement commises ». La mauvaise vie des frères de Joseph était derrière la haine de leurs cœurs et les méchantes paroles de leurs lèvres. Aujourd’hui aussi, les œuvres d’impiété dans la vie des hommes conduisent aux « paroles dures que les pécheurs impies ont proférées contre lui » (Jude 15).
Jacob a bien un amour particulier pour son fils Joseph, néanmoins ses autres fils ont une place réelle dans ses affections et Joseph doit devenir le témoin de l’amour du père pour ses frères. Aussi Jacob exprime le désir que Joseph quitte la maison paternelle dans la vallée de Hébron et aille vers le lointain Sichem pour s’enquérir là, comme envoyé du père, du bien-être de ses frères et en rapporter des nouvelles à Jacob. De son côté, Joseph est prêt à obéir, bien qu’il ait expérimenté la haine de ses frères. Le souhait de Jacob reçoit la réponse immédiate de Joseph : « Me voici ». Ainsi nous lisons qu’Israël « l’envoya de la vallée de Hébron » et Joseph « vint à Sichem ».
Nous avons, dans ce voyage, une préfiguration du trajet combien plus grand entrepris par le Fils de Dieu lorsque, quittant la demeure de lumière et d’amour du Père, il vint dans ce monde de mort et de ténèbres, dans la pleine connaissance de la méchanceté qu’il allait y trouver. Et pourtant, il n’a pas reculé. Même à la croix, nous lisons : « Jésus donc, sachant toutes les choses qui devaient lui arriver, s’avança » (Jean 18:4). Si l’amour du Père l’envoyait, l’amour du Fils est prêt à accomplir le commandement du Père. « Voici, je viens… pour faire, ô Dieu, ta volonté ». Il vient comme l’Envoyé du Père pour déclarer l’amour du Père.
L’histoire touchante de Joseph préfigure aussi le genre de réception que le monde a donné à l’Envoyé du Père. N’ayant pas de cœur pour leur père, ces hommes aux voies mauvaises n’ont pas d’yeux pour discerner celui que son amour envoie. Pour eux, Joseph n’est qu’un songeur dont ils sont prêts à déjouer les songes en conspirant pour le mettre à mort. Pareillement pour Christ, les siens ont dit : « Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le. » Et quel empressement de l’homme à exprimer sa haine : « Ils le virent de loin ; et… ils complotèrent contre lui pour le faire mourir ». Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, ni ses voies, nos voies. Lorsqu’il s’agit du Fils de l’amour du Père s’approchant des hommes, il sera effectivement rejeté alors qu’il est encore loin. Mais s’agissant d’un pécheur attiré au Père, alors nous lisons : « Et comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers ».
Le cœur méchant de l’homme est caractérisé par la corruption et la violence. Les frères sont non seulement prêts à se débarrasser de Joseph par des actes de violence, mais encore à couvrir leur violence par des paroles de corruption et de mensonge. Ils disent : « Venez, tuons-le… et nous dirons : Une mauvaise bête l’a dévoré ». La violence et la corruption sont les caractères dominants de l’homme déchu qui ne ressent aucune honte de sa violence et de sa corruption. Il n’est pas simplement vaincu par quelque tentation subite ; mais comme les frères de Joseph, il prépare volontairement et dans tous les détails son acte de violence et ses mensonges de corruption. L’homme n’avait pas longtemps avancé dans sa course descendante que « la terre était pleine de violence » et « toute chair avait corrompu sa voie sur la terre ». Malgré les lois et les traités, l’instruction morale et les codes d’honneur et en dépit des prisons et des maisons de correction, la violence et la corruption dominent partout sur la terre.
Rien ne met davantage en évidence la méchanceté de l’homme que la présence de la bonté. C’est la présence de Joseph qui a manifesté la violence et la corruption de ses frères ; comme aussi la présence de la bonté parfaite dans la personne du Fils de Dieu a été l’occasion de l’explosion la plus furieuse de la méchanceté de l’homme. L’inimitié de l’homme est prête à tuer l’enfant Jésus à sa naissance et à dissimuler son intention meurtrière par des paroles mensongères (Matt. 2:8, 16). Mais à la croix, la bonté est déployée comme nulle part ailleurs avec pour seul résultat de produire l’expression la plus grande de la méchanceté de l’homme que le monde a jamais vue. C’est là que la bonté s’élève à son point culminant et la méchanceté atteint des profondeurs insoupçonnées. La croix est la manifestation de « la haine contre Dieu et le bien… l’ami le plus vrai renie, le plus intime trahit, les faibles qui sont honnêtes s’enfuient ; les sacrificateurs, établis pour avoir compassion pour les fautes commises par ignorance, plaident avec fureur contre l’innocence ; le juge se lave les mains de l’innocence condamnée ; la bonté seule, et le monde — tous les hommes — en inimitié, en inimitié universelle, contre elle. La lumière parfaite a manifesté les ténèbres ; l’amour parfait, la haine jalouse ».
L’homme s’imagine à tort que la corruption et la violence vont prospérer ; ainsi les frères de Joseph, après avoir comploté pour faire mourir leur frère, et décidé de couvrir leur acte par un mensonge, peuvent dire avec la plus grande assurance : « Nous verrons ce que deviendront ses songes ». Oui, ils verront. Et hélas pour ceux qui ont rejeté Christ, ils verront eux aussi, car n’est-il pas écrit : « Voici, il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui ».
La bonté parfaite fait ressortir la culpabilité universelle des hommes ; mais quoique tous soient coupables, il y a différentes mesures de culpabilité et le Juge de toute la terre en tiendra compte en temps voulu, rendant à l’un peu de coups et à un autre beaucoup de coups. Nous avons des indications quant à ces différents degrés de culpabilité dans l’histoire de Joseph. Tous les frères étaient coupables, mais pas au même degré. Ruben, bien qu’instable et moralement corrompu comme nous l’apprenons par son histoire (Gen. 35:22 ; 49:3, 4), n’était pas nécessairement cruel. En commun avec ses frères il a fait du tort à son père, mais toute trace d’affection humaine n’a pas disparu dans son cœur. Il aurait sauvé la vie de Joseph et épargné les sentiments de son père. Juda était sans doute avide, mais il a également quelques remords à porter les mains sur son frère. Et ces différences apparaissent aussi dans la manière selon laquelle les hommes traitent le Christ de Dieu. Tous certes sont coupables, mais il y a des degrés de culpabilité. Hérode, un homme vil et léger, se moquait du Seigneur et le méprisait, mais il ne trouve rien en lui qui soit digne de mort. Pilate ira plus loin qu’Hérode et livrera Christ à la haine meurtrière des Juifs, mais il n’éprouvera pas d’inimitié personnelle et fera au moins quelques faibles efforts pour sauver de la mort Celui qu’il sait être innocent. Mais des Juifs, Pierre doit dire : « Jésus, que vous, vous avez livré, et que vous avez renié devant Pilate, lorsqu’il avait décidé de le relâcher… vous avez mis à mort le prince de la vie » (Actes 3:13-15).
Il y a aussi ceux qui aiment les plaisirs, étrangers à toutes convictions religieuses, qui n’ont aucune bonne parole pour Christ et qui pourtant ne s’opposeront pas. Mais il y en a d’autres encore plus coupables à l’égard de Christ. Ils professent avoir de l’admiration pour ses perfections morales. Comme Pilate, ils ne trouvent pas de faute en Lui ; toutefois pour sauvegarder leur popularité dans le monde, ils étouffent leurs convictions, prennent parti contre Christ et se placent au rang de cette classe triplement coupable dont l’inimitié active ne cesse jamais d’attaquer sa Personne glorieuse et de fouler aux pieds son sang précieux. Il y a les insouciants et les indifférents ; il y a les craintifs et les timides et il y a les ennemis acharnés — les ennemis déclarés et jurés de Christ. Mais tous sont unis dans le rejet de Christ.
Cela fut le cas dans l’histoire de Joseph. Ses frères le dépouillèrent de sa tunique bigarrée et le jetèrent dans la citerne. Le père l’avait distingué par une tunique bigarrée, ses frères le dégradent en l’en dépouillant. Ainsi en de nombreuses occasions, lorsque Christ est distingué au-dessus de tous les autres par quelque manifestation spéciale de puissance, de sagesse et de grâce divines, l’homme cherchera immédiatement à le dépouiller de sa tunique bigarrée et essaiera de le rabaisser au niveau d’un homme du commun en demandant : « Celui-ci n’est-il pas le fils du charpentier ? » ou « Celui-ci n’est-il pas le charpentier ? » Comme le dépouillement, dans le cas de Joseph, n’a été que le prélude à la citerne, pour Christ, le rejet de tout témoignage à sa gloire a finalement conduit l’homme à le faire périr par des mains iniques.
Il y a cependant une différence significative entre le type et l’antitype. Isaac, en son jour, place devant nous d’une manière très belle la mort de Christ. Il est certes lié sur l’autel, Abraham étend bien la main et prend le couteau pour égorger son fils, mais tout de suite l’ange est présent pour l’arrêter. Joseph peut aussi évoquer l’histoire de la croix, lorsque ses frères le jettent dans la citerne, mais pour lui, « la citerne était vide : il n’y avait point d’eau dedans ». Quelle différence avec la croix de Christ. Le même Dieu au commandement duquel « Abraham étendit sa main et prit le couteau pour égorger son fils », peut dire maintenant : « Épée, réveille-toi… contre l’homme qui est mon compagnon », et malgré les douze légions d’anges attendant son commandement, pas un seul n’est envoyé pour retenir l’épée du jugement. Ce n’est pas dans une citerne vide qu’il doit descendre. Il peut dire : « Tu m’as mis dans une fosse profonde, dans des lieux ténébreux, dans des abîmes. Ta fureur s’est appesantie sur moi, et tu m’as accablé de toutes tes vagues » (Ps. 88:6, 7).
Si les souffrances d’Isaac et de Joseph parlent toutes les deux de la croix, elles donnent chacune un aspect différent de ce grand mystère. Isaac monte sur la montagne pour être offert. Joseph descend dans la fosse. Et la montagne parle de la gloire de la Personne offerte. La fosse évoque la misère et la dégradation de ceux pour qui cette Personne est offerte. Il est le fils et, davantage, le fils unique ; plus encore, il est l’héritier promis, Isaac, et le bien-aimé de son père. Mais lorsque Joseph descend dans la fosse, s’il est vrai que sa perfection morale ne peut pas être cachée, ce n’est pourtant pas sa gloire personnelle qui est mise en avant, mais plutôt la méchanceté et la corruption de ceux qui l’entourent. Si les frères de Joseph doivent finalement être introduits dans la bénédiction et partager sa gloire, lui doit prendre leur place d’éloignement et de dégradation telle qu’elle est présentée par la fosse. « Sans effusion de sang il n’y a pas de rémission », et « À moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul ».
Après avoir jeté Joseph dans la citerne, ses frères « s’assirent pour manger le pain ». Cela ne s’est pas passé différemment à la croix. La présence de Joseph ne sert qu’à révéler la méchanceté de ses frères, exactement comme la croix devient l’occasion d’exposer la profondeur de la corruption dans le cœur de l’homme. Les chefs d’Israël livrent le vrai Agneau pascal à la mort, et s’asseyent calmement pour manger le repas de la pâque — une génération méchante et adultère, semblable à la femme adultère des Proverbes de laquelle il est écrit : « Elle mange et s’essuie la bouche, et dit : Je n’ai point commis d’iniquité ».
La caravane de marchands en route pour l’Égypte suggère immédiatement à Juda l’idée de tirer un profit de leur frère. Pourquoi ne pas vendre Joseph et se faire un peu d’argent ? S’ils ne satisfont pas leur haine en tuant Joseph, pourquoi ne pas satisfaire leur convoitise en vendant Joseph ? Ainsi ils livrèrent leur frère aux Gentils et s’adonnèrent au gain. Et ce que Juda a fait quelque mille ans avant la venue de Christ, ses descendants le font depuis presque deux mille ans dès son rejet. À la croix, les Juifs ont abandonné leur Messie aux Gentils et dès lors ils se sont adonnés au culte de Mammon. « Profit » est le mot qui a gouverné les actions des frères de Joseph. Juda pose au cœur avide la question — non pas : « est-ce bien ? » ou « est-ce mal ? » mais « quel profit aurons-nous ? » Et le « profit » a gouverné la politique des Juifs tout au long des siècles à partir de ce triste jour où leur Messie a été vendu pour trente pièces d’argent.
Ainsi Joseph passe dans le pays des Gentils et est « emmené » en Égypte. L’Égypte a été un piège pour Abraham et son séjour en Égypte ne lui a valu que des peines et de la honte. Mais pour Joseph, l’Égypte a apporté la bénédiction et la gloire. Pourquoi cette différence ? N’est-ce pas que dans le cas d’Abraham, il « descendit en Égypte pour y séjourner » (12:10) ; tandis que Joseph fut « emmené » en Égypte. L’un y est descendu dans l’incrédulité et la volonté propre. L’autre y fut emmené selon le conseil déterminé et la préconnaissance de Dieu.
Après avoir trompé d’une manière odieuse leur père et avoir ainsi plongé le vieillard dans l’affliction la plus profonde, ces hypocrites se rassemblent autour de lui pour le consoler. Bien que personne ne puisse excuser la méchanceté de ses fils, nous ne pouvons toutefois pas ne pas voir dans cette scène Jacob récolter ce qu’il avait déjà semé. Trente ans auparavant, Jacob avait trompé son père avec « les peaux des chevreaux », et maintenant, bien des années plus tard, il est lui-même trompé par ses fils avec « un bouc ». De longues années peuvent s’écouler entre les semailles et la moisson, mais le temps de la moisson finit par arriver. Les moulins de Dieu broient lentement, mais ils broient extrêmement fin.
Il n’est guère étonnant que Jacob refuse d’être consolé par de tels consolateurs ; mais face à ce qui pour lui était la mort réelle de son fils, sa foi semble être devenue bien faible. Quelle différence avec la conduite de David en présence de la mort de son fils. Jacob dit : « Je descendrai, menant deuil, vers mon fils, au shéol » ; mais de David, nous lisons qu’il « se leva de terre… et il entra dans la maison de l’Éternel et se prosterna ». Les deux hommes sont en présence de la mort d’un enfant, mais l’un dit : « Je descendrai, menant deuil… au shéol » ; l’autre : Je monterai à la maison de l’Éternel et je me prosternerai. Ils étaient pourtant tous les deux de vrais saints, mais l’un ne regardait pas au-delà de la mort et du shéol, l’autre regardait au- delà de la mort à la résurrection, une scène où « la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni peine ».
L’histoire de Joseph telle que nous l’avons considérée jusqu’ici présente en type le rejet de Christ par les Juifs. Le récit qui suit donne l’expérience de Joseph entre les mains des Égyptiens, et nous parle du rejet de Christ par les Gentils. Livré entre les mains de ses frères, Joseph est jeté dans la citerne. Chez les Gentils, il est lié dans la prison. Les deux images nous sont nécessaires pour présenter la vérité d’une manière adéquate, car la venue du Fils de Dieu dans le monde ne peut pas être limitée aux Juifs. Certes, il a été envoyé par le Père vers les siens, mais il est également vrai qu’il est venu pour que par lui le monde soit sauvé. Hélas ! Il a été rejeté tant par les Juifs que par les Gentils. « Il était dans le monde… et le monde ne l’a pas connu. Il vint chez soi ; et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean 1:10, 11).
Toutefois si tant les Juifs que les Gentils se sont unis pour rejeter Christ, il y a eu une différence dans la manière dont ils l’ont traité ; et cette différence est préfigurée dans l’histoire de Joseph. Quant aux frères, l’envie et la haine ont été le motif dominant de leur rejet de Joseph. Mais bien que la corruption et l’injustice aient été à l’œuvre dans la maison du Gentil, et l’indifférence et l’égoïsme dans la prison du Gentil, ni dans un cas ni dans l’autre il n’y avait de l’inimitié ouverte contre Joseph. Et ces différences entre Juifs et Gentils apparaissent d’une manière frappante à la croix. Une injustice criante et une indifférence endurcie caractérisent bien Hérode et Ponce Pilate, les représentants des Gentils, mais l’envie et une haine meurtrière marquent les Juifs — une envie telle que même les Gentils la discernent et une haine telle qu’elle les aveuglait quant à tout appel de la raison, à toute exigence de la justice et à tout sentiment de honte.
Revenant à l’histoire de Joseph en Égypte, nous avons d’autres leçons à apprendre. Retranché de son propre peuple, dans un pays étranger, il devient esclave dans la maison de l’Égyptien ; accusé faussement par une méchante femme et sous la flétrissure d’un grave péché, il est jeté en prison. Là, traité avec une basse ingratitude, il languit dans l’oubli. Un déshonneur s’ajoutant à l’autre, son chemin descend toujours plus bas. Les nuages s’amoncellent autour de lui et son chemin s’obscurcit toujours plus jusqu’à ce qu’apparemment son soleil se couche dans une obscurité sans espoir.
Mais derrière tout ce qui est apparent pour la nature, la foi peut discerner le propos de Dieu d’élever Joseph à une position de suprématie et de gloire. Si Dieu travaille à l’accomplissement de son propos, Satan mettra tout en œuvre pour contrecarrer le propos de Dieu. Satan se sert de la méchanceté des frères pour bannir Joseph de sa maison et de son pays ; il se sert de la méchanceté de la femme de Potiphar pour mettre Joseph en prison ; il se sert de l’ingratitude de l’échanson du Pharaon pour l’y maintenir. Chaque pas sur ce chemin qui descend est un triomphe apparent pour Satan et semblerait différer un peu plus l’accomplissement du propos de Dieu. Pour la vue naturelle, les plans de Satan paraissent prospérer, et les propos de Dieu subir une défaite.
Mais la foi peut discerner la main de Dieu derrière les artifices de Satan. Si Satan se sert de l’homme pour contrecarrer les propos de Dieu, Dieu se sert de Satan pour les mener à bien. Dieu utilise des agents de toute espèce. Les anges et les archanges, les saints et les pécheurs, le diable et ses démons, tous servent à l’exécution des plans de Dieu. Même les éléments — feu et grêle, neige et vapeur, vent de tempête — exécutent sa parole (Ps. 148:8). Et il n’en va pas différemment des circonstances de la vie, comme nous le voyons dans l’histoire de Joseph. Les épreuves qu’il traverse, le traitement qu’il subit entre les mains de ses frères, l’esclavage dans la maison de l’Égyptien, les fausses accusations de la femme de Potiphar, la prison du Pharaon et la négligence de l’échanson du Pharaon ne sont qu’autant d’étapes dans le chemin qui conduit à la gloire. Ses travaux en tant que berger, sa mission auprès de ses frères, son service dans la maison de Potiphar et dans la prison du Pharaon sont une préparation pour l’exercice du pouvoir au jour de sa gloire. Le service dans les épreuves prépare à faire bon usage de la gloire.
Dans tout cela Joseph n’est qu’un type de Celui dont les souffrances ont été beaucoup plus profondes et dont la gloire est beaucoup plus grande. Lui aussi, dans les jours de sa chair, a été parmi nous comme Celui qui sert, car il a pu dire : « L’homme m’a acquis comme esclave dès ma jeunesse » (Zach. 13:5). Lui aussi a souffert sous les fausses accusations des méchants, car de nouveau il peut dire : « Ils m’interrogent sur des choses que je n’ai pas connues » (Ps. 35:11). Lui aussi a été conduit à la prison et à la mort ; et il a dû connaître dans une pleine mesure la basse ingratitude de ceux qui n’avaient reçu que le bien de ses mains, de sorte que, le cœur brisé par l’amour méconnu, il crie : « Je suis oublié de leur cœur comme un mort » (Ps. 31:12).
Mais pour Joseph en type, comme pour Christ le glorieux antitype, chaque pas descendant dans le sentier des souffrances était une étape de plus sur le chemin de la gloire. Son service dans les jours de sa chair prépare son règne comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Les faux témoins qui se sont levés contre lui se courberont devant lui lorsque tout genou se ploiera et que toute langue confessera qu’il est Seigneur à la gloire de Dieu le Père. Le jour est proche où la mémoire de l’ » homme pauvre et sage » dont personne ne se souvenait « sera à toujours » (Eccl. 9:15 ; Ps. 112:6).
Cette portion de l’histoire de Joseph ne donne pas seulement un type magnifique de Christ, mais elle est pleine d’instructions pratiques pour le saint dans son sentier individuel. D’abord, nous ne pouvons pas lire ce récit sans être frappé par le fait que Joseph était un homme soumis. Ses circonstances étaient difficiles et sa position éprouvante. Retranché de sa parenté, étranger dans un pays lointain, il avait passé de l’amour de la maison de son père à l’esclavage dans la maison de l’Égyptien, et pourtant il n’y a pas de murmures. Il ne nourrit pas de pensées amères contre ses frères, ne profère pas de plaintes sur son sort pénible ni une seule parole de révolte contre les voies de Dieu. Son esprit demeurait dans une soumission admirable. Dieu ne lui avait-il pas révélé son destin élevé — et la foi, se reposant dans une confiance paisible sur la parole de Dieu, contemple d’un regard clair le but glorieux (voir 2 Cor. 4:17, 18). La foi maintenait Dieu et sa parole entre lui-même et ses circonstances. Dans le sentier du propos de Dieu, il se soumet aux voies de Dieu. De même, Paul, prisonnier du Seigneur lui aussi en un autre jour, écrit de sa prison dans le même esprit de soumission : « Les circonstances par lesquelles je passe sont plutôt arrivées pour l’avancement de l’évangile ».
Il en résulte que « l’Éternel fut avec Joseph ; et il était un homme qui faisait tout prospérer » (39:2). L’homme soumis sera toujours un homme prospère. Pour la nature, l’esclavage et la prospérité ne peuvent pas aller ensemble, mais la présence du Seigneur peut transformer les jours d’adversité en jours de prospérité si nous nous soumettons à Ses voies. Tout le monde serait prêt à admettre que Joseph, au jour de son exaltation, était un homme qui avait réussi, mais la foi voit et Dieu déclare qu’il était un homme prospère dans le jour de son humiliation. Le moment venu, en tant que gouverneur de l’Égypte, il prospère dans son administration, mais d’abord, il doit vivre et prospérer comme esclave d’un Égyptien. La prospérité de la prison doit précéder la prospérité du palais. Les épreuves et les peines, les pertes et les revers, les chemins raboteux et les vallées ténébreuses, deviendront autant d’occasions de la plus grande prospérité de l’âme si nous nous souvenons que Dieu a un propos arrêté pour nous en gloire et que dans l’intervalle toutes ses voies envers nous sont en vue de son propos pour nous. À la lumière de son propos, nous serons capables de nous soumettre à ses voies et en nous soumettant, nous trouverons le Seigneur avec nous, et si le Seigneur est avec nous, nous prospérerons de cette prospérité qui surpasse tout — la prospérité de l’âme. « Bien- aimé », dit le vieil apôtre, « je souhaite qu’à tous égards tu prospères et que tu sois en bonne santé, comme ton âme prospère » (3 Jean 2).
En outre, étant un homme prospère, Joseph devint un témoin pour l’Éternel dans la maison d’esclavage. Nous lisons : « Son seigneur vit que l’Éternel était avec lui » (v. 3). Il témoignait par sa vie plutôt que par ses lèvres. Potiphar fut frappé par ce qu’il « vit » davantage que par ce qu’il entendit. « Son seigneur vit que l’Éternel était avec lui, et que tout ce qu’il faisait, l’Éternel le faisait prospérer en sa main ». Si Joseph avait passé son temps à se lamenter sur son sort pénible ou à se vanter de sa haute destinée, il n’aurait pas été un témoin pour l’Éternel dans la maison de Potiphar. L’Égyptien ne se souciait aucunement de son passé et, même s’il lui avait été raconté, il n’aurait rien compris à son avenir ; mais Potiphar pouvait voir et apprécier dans sa vie journalière la fidèle exécution de ses obligations. Il n’en est pas autrement aujourd’hui. Pour un serviteur chrétien, il serait tout à fait déplacé de passer son temps à se plaindre de son sort devant son maître inconverti et d’annoncer que le jour approche où il jugera le monde et même les anges. Envers un maître inconverti, ce serait non seulement pure folie, mais aussi impertinence la plus grossière. Parler au monde des propos glorieux de Dieu, c’est seulement jeter des perles devant les pourceaux. Ce sont là des choses qui dépassent complètement la compréhension de l’homme naturel. Mais voir un serviteur chrétien mener une vie paisible, conséquente, et sans murmure, dans l’accomplissement fidèle des tâches journalières, est certainement un vrai témoignage pour le Seigneur et quelque chose que le maître inconverti peut apprécier.
Il en fut ainsi dans l’histoire de Joseph, avec le résultat que celui qui était un témoin pour le Seigneur fut respecté par l’homme qui lui faisait confiance. Ainsi nous lisons : « Joseph trouva grâce à ses yeux… et Potiphar l’établit sur sa maison, et il mit entre ses mains tout ce qui était à lui » (v. 4). Non seulement l’Éternel était avec Joseph, mais il était pour Joseph, disposant le cœur du maître en faveur de son serviteur.
Il s’ensuit que Joseph devint une source de bénédiction dans la maison du Gentil. « Et il arriva, depuis qu’il l’eut établi sur sa maison et sur tout ce qui était à lui, que l’Éternel bénit la maison de l’Égyptien à cause de Joseph ; et la bénédiction de l’Éternel fut sur tout ce qui était à lui, dans la maison et aux champs » (v. 5). Le chrétien n’est pas seulement appelé à la bénédiction, mais, en suivant son chemin, il est appelé à être en bénédiction.
En considérant Joseph comme un type de Christ, il importe de se souvenir que c’était le propos de Dieu d’établir Joseph dans une position de suprématie ; et par conséquent, tous ceux qui se soumettent à sa suprématie sont bénis. Ainsi Potiphar donne à Joseph une place de suprématie dans sa maison et immédiatement Potiphar est béni. Un peu plus tard, le geôlier élève Joseph dans la prison et la bénédiction suit. Et au jour de sa domination universelle, tous se soumettront à lui et seront bénis. Le monde sera contraint de se soumettre à la suprématie de Christ au jour de sa puissance manifestée, mais la foi se plaît à anticiper ce jour et reconnaît sa suprématie dans le jour de son rejet. Et dans la mesure où nous nous abandonnerons nous-mêmes, où nous abandonnerons nos vies, tout ce que nous avons, à la suprématie de Christ, nous serons nous aussi bénis, de même que le monde sera béni lorsqu’il se soumettra à sa domination universelle. La suprématie de Christ requiert la soumission de l’homme et la soumission de l’homme conduit à la bénédiction de l’homme bien que, dans le jour de Son rejet, cette bénédiction soit spirituelle plutôt que matérielle.
Nous avons vu ainsi que dans la maison du Gentil, Joseph était un homme soumis, un homme prospère, un témoin pour l’Éternel, un homme respecté auquel on pouvait se fier et un centre de bénédiction. De telles caractéristiques constituent une vie très complète et par conséquent nous ne sommes pas surpris de lire : « Joseph était beau de taille et beau de visage » (v. 6). Une vie belle devant Dieu et devant l’homme est typifiée dans ce saint de l’Ancien Testament.
Il ne faut cependant pas s’attendre à ce que le diable laisse en paix une vie qui est belle aux yeux de Dieu et de l’homme. Le dévouement à l’Éternel expose Joseph à la haine du diable. Ayant totalement échoué à vaincre Joseph par les menaces du monde et les épreuves des circonstances difficiles, le diable change de tactique et cherche à vaincre Joseph par les délices du péché. En la personne de la femme de Potiphar, il a un instrument tout préparé pour tenter Joseph, aidé en cela par les circonstances qui favorisent ses mauvais desseins. La tentation ne sert finalement qu’à faire ressortir l’excellence morale de Joseph. Il échappe au piège en restant ferme dans sa fidélité à son maître et dans sa crainte de Dieu. « Voici, dit Joseph, mon seigneur… a mis entre mes mains tout ce qui est à lui… comment ferais-je ce grand mal, et pécherais-je contre Dieu » (v. 8, 9). Voilà le secret de la vie conséquente de Joseph devant son maître. Il servait fidèlement dans la présence de l’homme parce qu’il marchait continuellement dans la présence de Dieu ; et marchant dans la crainte de Dieu, il a été gardé dans l’heure de la tentation. Puisse le moment de l’ardente tentation trouver chacun de nous marchant si près de Dieu qu’immédiatement nous demandions : « Comment ferais-je ce grand mal, et pécherais-je contre Dieu ? » Poser cette question, c’est échapper au piège. La seule chose que nous ayons vraiment à redouter, c’est de craindre quelque chose ou quelqu’un plus que Dieu.
Mais le diable ne se contente pas d’attaques isolées contre les enfants de Dieu. Il livrera un combat continuel. Il en fut ainsi de Joseph. La tentation se renouvelait « jour après jour » (v. 10) et les attaques se faisaient plus pressantes ; mais Joseph « s’enfuit » de devant la tentation et les efforts du diable sont déjoués. Ayant subi un échec comme tentateur, il devient maintenant persécuteur (v. 13-18). La femme qui auparavant avait jeté un regard mauvais sur Joseph témoigne maintenant contre lui d’une langue menteuse ; un ecclésiastique âgé a dit : « Ceux qui ont rompu les liens de la modestie ne seront jamais retenus par les liens de la vérité. Ce n’est pas une chose nouvelle pour le meilleur des hommes d’être accusé faussement des pires crimes par ceux qui eux-mêmes sont les criminels les plus endurcis ». Quoi qu’il en soit, Joseph échappe à une femme méchante et garde une bonne conscience. Mais garder une bonne conscience peut coûter cher. Joseph doit échanger le confort de la maison de Potiphar contre les privations de la prison du Pharaon.
Là Joseph doit traverser une nouvelle épreuve. Dans la maison de Potiphar, il a rendu un brillant témoignage pour Dieu ; il a surmonté la tentation et enduré la persécution. Dans la prison du Pharaon, il doit apprendre non seulement à rendre témoignage pour Dieu, mais à s’attendre à Dieu. Et, nous le savons bien, c’est là une des leçons les plus difficiles à apprendre pour le croyant. C’est une chose de rendre témoignage pour Dieu dans le monde actif ; c’en est une très différente de s’attendre à Dieu dans la solitude de la prison ; en fait, c’est impossible à la nature. Saül, l’homme naturel, a perdu son royaume, parce qu’il n’a pas su s’attendre à Dieu (1 Sam. 10:8 ; 13:8-14). Mais si c’est impossible à la nature, pour l’homme de foi c’est une épreuve douloureuse. Abraham, en son jour, a dû apprendre à s’attendre à Dieu. Sous le poids de l’attente, il cède à la suggestion de la nature et de l’incrédulité et essaie d’obtenir la semence promise par des moyens charnels ; mais c’est seulement pour découvrir qu’il n’a pas d’autre ressource que Dieu et il doit attendre treize longues années pour atteindre le moment voulu de Dieu. De même, plus tard, personne n’aurait pu donner un témoignage plus hardi que Jean le Baptiseur au jour de Béthanie ; face à la foule assemblée, il s’écrie : « C’est de celui-ci que moi, je disais : Après moi vient un homme qui prend place avant moi, car il était avant moi ». Mais lorsque Jean se trouve emprisonné, que les foules s’en sont allées, que le temps de témoigner est passé et que le temps d’attente a commencé, alors sous le poids de cette nouvelle épreuve, il s’écrie : « Es-tu celui qui vient ? » (Jean 1:30 ; Matt. 11:3).
Ainsi pour Joseph, en son jour, le temps d’attente dans la prison est un temps d’épreuve pour la foi. Lui aussi cherche la délivrance par un bras de chair. S’étant lié d’amitié avec l’échanson du roi, il en conclut naturellement que l’échanson interviendra auprès du Pharaon pour obtenir sa libération. « Souviens-toi de moi, dit Joseph, quand tu seras dans la prospérité, et use, je te prie, de bonté envers moi, et fais mention de moi au Pharaon, et fais-moi sortir de cette maison ». Joseph doit non seulement apprendre que l’aide de l’homme est vaine, mais aussi que Dieu est sa seule ressource. « Dieu est notre refuge et notre force, un secours dans les détresses, toujours facile à trouver ». Mais pour recevoir ce « secours », nous devons apprendre à nous tenir « tranquilles » et savoir que Dieu est Dieu (Ps. 46:1, 10). Dieu a son temps comme il a ses voies pour accomplir ses propos.
Entre-temps, si l’homme oublie d’user de bonté envers Joseph, Dieu n’oubliera pas, lui, de manifester de la miséricorde. Nous lisons : « L’Éternel était avec Joseph ; et il étendit sa bonté sur lui ». Joseph peut manquer, comme nous le pouvons et le faisons, mais les compassions de l’Éternel « ne cessent pas ; elles sont nouvelles chaque matin ; grande est ta fidélité ! L’Éternel est ma portion, dit mon âme ; c’est pourquoi j’espérerai en lui » (Lament. 3:22-24). Le diable peut nous tenter jour après jour et Dieu peut nous éprouver en nous gardant dans l’attente jour après jour ; toutefois sa grâce sera nouvelle chaque matin. Ainsi bien que souvent nous ayons à attendre la délivrance de l’Éternel, pourtant « l’Éternel est bon pour ceux qui s’attendent à lui », et de notre côté, nous apprenons que « c’est une chose bonne qu’on attende, et dans le silence, le salut de l’Éternel » (Lament. 3:25, 26). Oublié par l’homme, Joseph ne l’est pas par l’Éternel jusqu’à ce que, au moment voulu de Dieu, il apprenne que « ceux qui s’attendent à l’Éternel, ceux-là posséderont le pays » (Ps. 37:9).
Avec cette portion de l’histoire de Joseph, nous arrivons à la période dans laquelle Dieu révèle son plan pour la gloire et l’exaltation de Joseph, comme pour le gouvernement de l’Égypte. Et, au cours de son déroulement, ce beau récit nous offre une image du propos de Dieu pour l’exaltation de Christ et du plan de Dieu pour le gouvernement du monde.
Mais les plans de Dieu doivent être exécutés au temps voulu de Dieu, par les instruments de Dieu, et à la manière de Dieu. Joseph s’était probablement attendu à être immédiatement relâché lorsque l’échanson fut rétabli dans sa position dans la maison du Pharaon. Mais deux années entières doivent s’écouler avant que le temps de Dieu soit là. Le moment venu, le dernier instrument dans la main de Dieu est prêt pour compléter l’œuvre qui aboutit à l’exaltation de Joseph. Dieu s’était déjà servi de l’officier du Pharaon, du chef de la tour du roi et de l’échanson du roi ; maintenant il va se servir du roi lui-même. En outre, cela doit se faire de la manière voulue de Dieu. Ce sera « un songe, une vision de la nuit », par lequel il troublera l’esprit du Pharaon et réveillera la mémoire engourdie de l’échanson du Pharaon (v. 8, 9).
Dieu révèle d’abord ce qu’il va faire ; mais même ainsi l’homme ne peut pas profiter de la révélation. Dieu parle dans une vision au Pharaon ; en écrivant sur une muraille au jour de Belshatsar ; avec « une grande liberté » aujourd’hui ; mais autrefois comme aujourd’hui les sages de ce monde sont sans ressource pour interpréter la parole de Dieu. Le Pharaon fait alors appel à « tous les devins de l’Égypte, et tous ses sages », mais seulement pour découvrir qu’il n’y avait personne qui puisse interpréter ses songes (v. 8). L’orgueil naturel de l’homme quant à son intelligence le rend aveugle au simple fait que les communications de Dieu ne peuvent être interprétées que par Dieu.
Ayant ainsi détruit
« la sagesse des sages » et annulé « l’intelligence des
intelligents », Dieu fait intervenir l’homme qu’il s’était réservé, un
homme en qui est l’esprit de Dieu. Mais l’homme choisi de Dieu est toujours en
petite estime aux yeux du monde. L’homme qui est destiné à exercer un pouvoir
qu’aucun mortel n’a jamais exercé auparavant ou depuis lors, languit pour le moment
dans une prison et est compté parmi « les choses viles du monde, et celles
qui sont méprisées ». Il est néanmoins l’élu de Dieu pour « couvrir
de honte les choses fortes » et pour « annuler celles qui
sont ». C’est ainsi que Joseph est amené de la tour dans la présence du
plus puissant monarque de la terre. Le Pharaon, parlant comme un homme naturel,
dit d’emblée : « J’ai entendu dire de toi que tu comprends un songe
pour l’interpréter ». Joseph confesse immédiatement : « Cela
n’est pas à moi ». Cela n’appartenait pas davantage à Joseph qu’aux devins
de l’Égypte. Ils pouvaient bien être instruits dans toute la sagesse des
Égyptiens ; ils pouvaient avoir les positions les plus élevées à la cour
du roi ; d’un autre côté, Joseph était « un jeune Hébreu, serviteur »
dans une tour, mais Dieu étant avec lui, il pouvait surpasser la sagesse des
sages, se tenir sans crainte dans la présence du roi et dire avec la confiance
la plus totale : « Dieu donnera une réponse de paix au
Pharaon ». Il ne dit pas : « Dieu peut donner une réponse de
paix au Pharaon », cela aurait certes été vrai, mais la foi, passant
au-delà de ce que Dieu peut faire
,
établit clairement ce que Dieu fera
.
C’est encore la possession de l’Esprit de Dieu qui fait la différence infinie entre les enfants de Dieu et les sages du monde. Plusieurs ont sans doute une intelligence supérieure, bien nourrie de la science que ce monde peut fournir, et occupent aussi une position élevée dans le monde religieux, mais s’ils ne sont pas nés de nouveau, ils sont de simples hommes naturels, sans l’Esprit et ils ne peuvent même pas voir les choses qui appartiennent au royaume de Dieu, et encore moins entrer dans ce beau royaume.
Après avoir entendu le
récit du songe du Pharaon, Joseph peut délivrer au roi un triple message de la
part de Dieu. D’abord il répète deux fois que « Dieu a déclaré au Pharaon
ce qu’il va faire » (v. 25, 28). Les devins de l’Égypte avaient sans doute
leurs théories quant à l’avenir de l’Égypte, et ils élaboraient leurs
programmes et faisaient leurs plans en accord avec leurs propres idées — comme
aujourd’hui les chefs de ce monde, qu’il soit politique, religieux,
intellectuel, capitaliste ou ouvrier, ont leurs différentes théories quant au
gouvernement futur du monde. Mais de l’impérialiste le plus exalté, en passant
par tous les degrés de pensées jusqu’au bolchéviste le plus dégradé, il y a un
point commun — toutes les théories des hommes laissent Dieu hors du monde qu’Il
a créé. Les hommes ne veulent pas reconnaître Dieu comme « le Dieu des
cieux et de la terre
». Ils
acceptent bien Dieu dans les cieux dont l’homme ne sait rien et dont il ne se
soucie guère, mais quant à la terre, le centre de toutes les affections de
l’homme, elle doit être gouvernée selon l’idéal de l’homme, un idéal qui exalte
par-dessus tout la volonté de l’homme et exclut totalement Dieu. Néanmoins Dieu
a ses plans pour le gouvernement futur du monde, et il ne nous a pas laissés
dans l’ignorance de ces plans. Au jour du Pharaon, il a montré au Pharaon par
un songe ce qu’il allait faire. Aujourd’hui il nous a montré encore plus
clairement par une révélation directe « ce qu’il va faire ». Dieu
allait gouverner l’Égypte par celui qui avait été rejeté par ses frères, chassé
et oublié du monde. Et Dieu nous a révélé que, selon son bon plaisir, il s’est
proposé de réunir toutes choses en Christ, tant les choses qui sont dans les
cieux que les choses qui sont sur la terre. Celui qui, lorsqu’il est entré dans
le monde, n’a pas trouvé de « place », même dans une hôtellerie au
bord de la route ; qui en le traversant était un « étranger » et
un « pèlerin » sans un lieu où reposer sa tête ; qui lorsqu’il a
quitté le monde, a été cloué sur une croix entre deux brigands, est Celui au
sujet duquel Dieu a décrété : « Le gouvernement sera sur son
épaule ; et on appellera son nom : Merveilleux, Conseiller, Dieu fort, Père
du siècle, Prince de paix » (És. 9:6).
Le Pharaon apprend en outre une deuxième vérité des lèvres de Joseph. Non seulement Dieu a un plan pour le gouvernement de l’Égypte, mais « la chose est arrêtée de la part de Dieu » (v. 32). L’ingéniosité de l’homme peut développer une succession surprenante de théories, mais le tout est marqué du sceau fatal d’une instabilité totale. Une génération développe ses théories et poursuit ses plans avec une immense énergie, mais ce n’est que pour les voir entièrement rejetés par une génération suivante. Dieu seul peut déclarer « dès le commencement ce qui sera à la fin, et d’ancienneté ce qui n’a pas été fait », et il peut dire : « Mon conseil s’accomplira, et je ferai tout mon bon plaisir » (És. 46:10).
Puis une troisième
vérité est proclamée au Pharaon. Non seulement « la chose est arrêtée de
la part de Dieu », mais « Dieu se hâte de la faire ». Dieu a un
plan révélé. Dieu a établi son plan et ce que Dieu a projeté et établi, Dieu
l’exécutera. Les hommes rêvent de l’avènement d’un millénium selon leurs
propres pensées, et par leurs propres efforts, par l’éducation, la
civilisation, le désarmement, des alliances et confédérations, mais tout sera
vain. Dieu a manifesté clairement que son Millénium ne sera établi que par son
intervention directe. Aujourd’hui comme au temps de Joseph Dieu le fera.
N’a-t-il pas dit par la bouche du prophète : « Je l’ai dit, et je
ferai que cela arrivera ; je me le suis proposé, et je
l’effectuerai » (És. 46:11) ? En outre, « Dieu se hâte
de la faire ». Le temps
peut paraître long, car Dieu dans sa grâce et sa longue patience a attendu, ne
voulant pas qu’aucun périsse, mais de nos jours comme au temps du Pharaon, il a
été donné à Celui qui sera haut élevé de « montrer à ses esclaves les
choses qui doivent arriver bientôt
»
(Apoc. 1:1).
En accord avec le plan établi de Dieu, le Pharaon apprend aussi comment Dieu exécutera ses plans. Sept années d’abondance seront suivies par sept années de famine et il est recommandé au Pharaon de se chercher « un homme intelligent et sage » et de l’établir sur le pays d’Égypte (v. 21-33). Deux choses caractérisent ce plan. D’abord, Dieu ordonne qu’un seul homme soit établi sur le pays ; secondement, Dieu dirigera les circonstances de telle manière que tout sera amené sous le gouvernement de cet homme. Joseph devait être établi sur tout, et tout serait amené sous Joseph par les sept années d’abondance suivies par les sept années de famine. Les circonstances et l’homme s’uniraient pour l’accomplissement du plan projeté de Dieu.
C’est là aussi le plan de Dieu pour le gouvernement futur du monde. Dieu ne gouvernera pas par des parlements ou des cabinets, ni par des conseillers et des ministres, mais par « un Homme intelligent et sage » établi sur tout. Et tout sera amené sous sa domination, soit par le jour de la grâce soit au jour du jugement — les années d’abondance ou les années de famine. Depuis presque deux mille ans Dieu répond au besoin le plus profond de l’homme selon les richesses de sa grâce, et beaucoup ont été ainsi amenés sous la domination de Christ en le confessant comme Seigneur à sa gloire et pour leur bénédiction. Mais le monde dans son ensemble qui a méprisé la grâce de Dieu et rejeté les droits de Christ sera amené à s’incliner au jour du jugement qui suivra les années de la grâce. « Lorsque tes jugements sont sur la terre, les habitants du monde apprennent la justice » (És. 26:9).
La chose étant bonne aux yeux du Pharaon, il entreprend d’exécuter les conseils divins donnés par le moyen de Joseph. Il arrive ainsi que l’homme qui avait été mis à part de ses frères, se trouve élevé à une place de suprématie sur « tout le pays d’Égypte ». Le rejet par ses frères, l’humiliation qu’il avait subie, les positions humbles qu’il avait occupées, et les souffrances qu’il avait endurées, tout conduisait à la place d’exaltation et trouve une réponse dans les gloires variées qui lui reviennent comme seigneur de tout. En outre si les jours de son affliction ont été une préfiguration des souffrances et du rejet combien plus profonds de Christ, la suprématie de Joseph préfigure aussi les gloires encore plus grandes de Christ comme l’Homme exalté. Dans les différentes histoires des saints d’autrefois, l’Esprit de Dieu se plaît à anticiper la suprématie de Christ ; par de magnifiques psaumes et des prophéties saisissantes, son exaltation est prédite et lorsque enfin — ses souffrances étant toutes accomplies — il est glorifié à la droite de Dieu, c’est avec un plaisir infini que le Saint Esprit prend de ce qui est à Christ et déploie devant nous les gloires variées de Celui qui est exalté au-dessus de tout.
Dans les Éphésiens,
nous apprenons que le conseil de Dieu a
pour but l’exaltation de Christ
, car nous y lisons que « selon son bon
plaisir, qu’il s’est proposé en lui-même », il va réunir en un toutes
choses dans le Christ, « les choses qui sont dans les cieux et les choses
qui sont sur la terre », et en accord avec ce propos, il l’a déjà
« fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté,
et autorité, et puissance, et domination, et de tout nom qui se nomme, non
seulement dans ce siècle, mais aussi dans celui qui est à venir ; et il a
assujetti toutes choses sous ses pieds ».
Dans les Colossiens,
nous apprenons que la gloire de sa
Personne requiert son exaltation
. S’il est « l’image du Dieu
invisible, le premier-né de toute la création », Celui par qui toutes
choses ont été créées, qui est avant toutes choses et qui soutient toutes
choses, il faut « qu’en toutes choses » il tienne, lui, la première
place.
Dans les Philippiens, sa grâce et son humilité assurent son
exaltation
, car nous lisons dans cette épître qu’il « s’est anéanti
lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des
hommes ; et, étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé
lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix.
C’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de
tout nom ».
Dans les Hébreux, ses souffrances le préparent pour son
exaltation
. Celui qui est établi sur tout — couronné de gloire et d’honneur
— a d’abord été consommé par des souffrances.
En Pierre, nous lisons
que le prix qu’il a aux yeux de Dieu est
confirmé par son exaltation
. La « pierre vivante, rejetée par les
hommes », mais « choisie » et « précieuse » auprès de
Dieu est devenue la maîtresse pierre de coin.
En outre, Jean nous dit
que si d’autres doivent avoir part aux bénédictions et à la gloire de son
exaltation, les souffrances et la mort
doivent être le chemin menant à l’exaltation
. L’heure venue pour que le
Fils de l’homme soit glorifié était le moment où il fallait que ce grain de blé
tombe en terre et meure, ou bien alors qu’il demeure seul à jamais.
Mais si Joseph est élevé à une place d’exaltation, il doit nécessairement y être dans une condition adaptée à cette place. Les circonstances de la prison étant passées, les vêtements de prisonnier sont ôtés. L’anneau du roi, les vêtements de byssus et le collier d’or témoignent de son haut rang ; et cela est vrai de Christ dans son exaltation d’une manière encore plus grande et combien plus spirituelle. Les vêtements d’humiliation et de pauvreté qu’il a revêtus dans sa grâce ou dont les hommes l’ont revêtu par dérision, sont à jamais mis de côté. La couronne d’épines a fait place à une couronne de gloire, le roseau, au sceptre royal et la tunique sans couture, au vêtement éclatant blanc comme la neige. Sur la terre, il est apparu comme l’Homme pauvre ; au ciel la gloire de Dieu resplendit dans sa face. Non seulement il est dans la gloire, mais il est glorifié.
Comme exalté et couvert de gloire, tous sont appelés à s’agenouiller devant Joseph et personne ne doit agir indépendamment de lui. « Sans toi, dit le Pharaon, nul ne lèvera la main ni le pied dans tout le pays d’Égypte ». Si Joseph a la puissance, tous sont appelés à se soumettre. Et pareillement aujourd’hui, si Dieu a exalté le Seigneur Jésus et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, c’est « afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou ». Le chrétien se plaît à s’incliner pendant les années d’abondance de la grâce ; le monde sera forcé de s’incliner pendant les années de famine.
Dans le jour de son exaltation, Joseph se manifeste comme étant un vrai Révélateur de secrets ; c’est ce que signifie Tsaphnath-Pahnéakh. Les devins de l’Égypte, avec toute leur instruction, ne pouvaient pas interpréter les mystères ou dévoiler l’avenir. Dieu aussi a ses mystères, inconnus des prophètes, des sacrificateurs ou des rois, qui ne peuvent pas non plus les faire connaître. Ils avaient des choses glorieuses à dire de Christ, mais il y avait des secrets qui attendaient la venue de Christ — le Révélateur de secrets. Alors effectivement, quand Christ sera exalté, le plus grand de tous les mystères sera révélé — le mystère de Christ et de l’Assemblée ; maintenant qu’il est révélé, nous pouvons en voir une pâle ombre dans Joseph et Asnath, son épouse gentile. Rejeté par ses frères qui sont laissés dans le lointain pays de Canaan, il est, à leur insu, élevé à la domination universelle et il reçoit là une épouse d’entre les Gentils pour partager sa gloire. Ainsi Christ, rejeté sur la terre par Israël, les laisse sous la culpabilité de leur péché et prend place au ciel ; et pendant qu’Il est assis à la droite de Dieu, l’Église est appelée d’entre les nations et lui est présentée pour partager les gloires du royaume avec lui.
Pendant les années d’abondance, Joseph se sert de son exaltation pour récolter une grande moisson pour l’Égypte. Il s’occupe des récoltes de l’Égypte pendant les années d’abondance ; il s’occupera des hommes de l’Égypte pendant les années de famine (v. 36-49). Dans ce jour de la grâce, le monde passe par ses « sept années d’abondance », pendant lesquelles la grâce de Dieu dispense les bénédictions à profusion. Les hommes du monde peuvent négliger entièrement les bénédictions que la grâce met devant leur porte et poursuivre leur route sans se préoccuper du tout de l’avenir. Apparemment les hommes de l’Égypte ne surent pas tirer profit des années d’abondance en accumulant pour les années de famine. Nous ne lisons pas qu’ils ont fait des provisions de vivres. Ce fut Joseph qui alla dans tout le pays et amassa du blé. Et aujourd’hui, c’est Christ exalté qui rassemble une moisson d’âmes pendant le jour de la grâce. Il va à travers le monde, rassemblant les siens hors du monde. Mais lorsque les jours de la grâce auront pris fin, Il s’occupera des hommes du monde.
Les deux fils qui sont nés à Joseph rendront aussi leur témoignage à Christ. Manassé, comme nous le savons, signifie « oubli », et Éphraïm, « fertile ». Rejeté par ses frères, Joseph a connu un chemin de souffrances et de labeur, mais il a sa grande récompense et fructifie dans le pays de son affliction. Pour Christ, il en est de même. Son ancien peuple peut le mépriser et le rejeter ; il peut le compter parmi les transgresseurs, mais dans le jour de son rejet, lorsque son âme aura été livrée en sacrifice pour le péché, alors « il verra une semence », oui, « il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait ». Les Juifs ont pu dire : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants » et ils boiront jusqu’à la lie leur coupe de culpabilité, mais leur rejet ne fait rien perdre à Christ. Son « labeur » a sa réponse glorieuse dans une grande moisson d’âmes tirées du monde pendant le temps de son rejet par Israël. Le temps pendant lequel il est « oublié » par Israël est celui où il récolte du fruit parmi les Gentils.
Nous avons suivi le sentier de Joseph jusqu’à une position d’exaltation et de puissance et nous avons vu l’usage qu’il a fait de cette puissance pendant les années d’abondance. Mais « les sept années de l’abondance qui avait été dans le pays d’Égypte finirent ; et les sept années de la famine commencèrent à venir » (v. 53, 54). Comment Joseph va-t-il agir pendant les années de famine ? Ses frères l’avaient livré à la citerne ; les Gentils l’avaient jeté en prison. Est-ce que Joseph va profiter de la détresse du monde et des besoins de ses frères et employer sa puissance pour se venger ? La nature agirait peut-être ainsi, mais la grâce suit une autre voie. Joseph se servira de sa position de suprématie et de puissance pour la bénédiction universelle. Mais tout en manifestant de la grâce, il maintiendra la justice. Aussi un cri de détresse sera arraché aux Gentils et ils devront se soumettre à Joseph avant de recevoir la bénédiction. De même, la repentance doit précéder la bénédiction dans le cas de ses frères.
Pendant les jours d’abondance, le monde prêtait peu d’attention à Joseph. Nous n’entendons pas parler de ses frères ; ils étaient totalement indifférents à son égard. Mais lorsque la famine s’établit, le besoin se fait sentir ; « tout le pays d’Égypte eut faim » (v. 55) ; et Jacob et ses fils sont confrontés à la faim et à la mort (42:1, 2). Le besoin fait naître un cri pour obtenir du pain et les Gentils doivent apprendre, et les frères découvrir, que nul ne peut répondre au besoin sinon celui qu’ils ont autrefois méprisé et rejeté. Les Gentils doivent aller « à Joseph » et ses frères doivent se prosterner devant lui la face contre terre (41:55 ; 42:6). L’homme jadis rejeté mais maintenant exalté est la seule ressource tant pour les nations gentiles que pour Jacob et ses fils.
Mais tout ceci parle clairement de choses à venir. « L’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » (Apoc. 3:10), et pour les Juifs, le temps de la « grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde » (Matt. 24:21), approchent à grand pas. « Hélas ! » dit le prophète Jérémie, « que cette journée est grande ! Il n’y en a point de semblable ; et c’est le temps de la détresse pour Jacob » (Jér. 30:7). Et dans ce jour d’épreuve sans précédent, la seule ressource sera Christ exalté qui, dans les jours de son humiliation, a été rejeté et crucifié par les Juifs et par les Gentils.
Tant les Juifs que les Gentils traverseront des océans de misères dans leurs tentatives d’amener la prospérité et la paix dans un monde duquel Dieu et son Christ sont exclus. Mais le temps de la bénédiction ne viendra pas avant que le Gentil se soumette à Christ comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs et que le Juif confesse enfin : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». Alors le Christ exalté ouvrira, comme Joseph autrefois, « tous les lieux de dépôt » de la bénédiction.
Il y a toutefois, dans l’histoire de Joseph, une grande différence entre le traitement réservé aux Gentils et ses voies envers ses frères. Les Gentils doivent réellement sentir leur besoin et se soumettre à Joseph avant que les lieux de dépôt de la bénédiction soient ouverts. Mais la culpabilité de ses frères était beaucoup plus grande que la culpabilité des Gentils, et les exercices qui les amèneront à la repentance avant qu’ils obtiennent la bénédiction, doivent être proportionnellement plus profonds. Et ainsi, l’Écriture montre de la manière la plus claire que les Juifs, sur qui pèse la culpabilité plus grande d’avoir crucifié leur propre Messie, traverseront une tribulation beaucoup plus profonde que les Gentils avant d’obtenir la bénédiction millénaire sous Christ.
Ces exercices plus profonds des Juifs sont préfigurés dans les voies de Joseph envers ses frères, telles qu’elles sont présentées en détail dans les chapitres qui suivent. Sous le poids de la famine, Jacob doit dire à ses fils : « Pourquoi vous regardez-vous les uns les autres ? » Ils sont dans une condition désespérée, et ils ne réalisent que trop bien qu’il n’y a pas de secours à attendre les uns des autres. S’il doit y avoir du secours, il faut qu’il vienne de l’extérieur à eux. Aussi les dix frères descendent en Égypte et se présentent devant Joseph.
Il y avait eu un temps où Joseph était un jeune garçon faible et sans défense entre les mains de ses frères plus âgés. Que pouvait faire un jeune garçon livré à la puissance de dix hommes ? Et dans ces jours reculés, ils n’avaient pas hésité longtemps à faire usage de leur puissance pour satisfaire la haine et l’envie qui remplissaient leur cœur. Vingt années se sont écoulées ; les circonstances ont changé ; Joseph est exalté ; ses frères se prosternent devant lui — dix hommes sans ressource, dans le besoin. Que peuvent faire dix étrangers en présence du gouverneur tout-puissant de l’Égypte ? Le jour de l’humiliation est passé, le jour de la puissance est là. Quel usage Joseph va-t-il faire de sa puissance ? Va-t-il condamner ses frères à un dur esclavage comme lui a souffert de l’esclavage entre leurs mains ? La nature humaine pourrait suggérer une telle voie, la vengeance pourrait s’en réjouir, la justice pourrait être invoquée. D’un autre côté, la nature pourrait suggérer une voie très différente ; Joseph ne pourrait-il pas agir avec générosité et fermer tout à fait les yeux sur le péché de ses frères, comme Ésaü, l’homme de la nature, a fermé les yeux sur le tort que lui avait fait son frère autrefois ? La nature peut souvent parler avec légèreté de laisser les choses du passé dans l’oubli et chercher ainsi à s’exalter par une apparence de générosité. Mais Joseph suivra une autre voie. La conduite qui paraît si hautement recommandable aux yeux de l’homme naturel n’a aucun attrait pour l’homme qui craint Dieu.
C’était là le secret de la vie de Joseph. Au travers de toutes les vicissitudes de son chemin, dès sa jeunesse jusqu’à un âge avancé, il était conduit, non par la voix de la nature, mais par la sainte crainte de Dieu. Aussi, en présence de ses frères, il peut dire : « Moi je crains Dieu » (v. 18). Voilà le ressort secret de toutes ses actions. Ses pensées, ses paroles, ses voies, étaient dirigées par la crainte de Dieu. La nature ne s’occupe pas de Dieu et ne pense qu’à se justifier elle-même, à se satisfaire elle-même ou à s’exalter elle-même. La foi pense à Dieu, à ce qui Lui plaît et à ce qui Lui est dû. Joseph cherche à servir Dieu « d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte » (Héb. 12:28). Au jour où il a été tenté, il a été gardé du chemin du mal par la crainte de Dieu, car il pouvait dire : « Comment ferais-je ce grand mal, et pécherais-je contre Dieu ? » Au jour de son exaltation, il est préservé de se venger de ses frères par la crainte de Dieu. Aucune peine au jour de son humiliation, aucune gloire au jour de son exaltation, ne peuvent détourner son âme de la crainte de Dieu. Il savait être abaissé et il savait être dans l’abondance. Que les circonstances soient tristes ou heureuses, il maintenait toujours Dieu entre lui et ses circonstances. Marchant ainsi dans la crainte de Dieu, il suit la voie de Dieu envers ses frères et la voie de Dieu était une voie d’amour, et pourtant non pas la voie de l’amour purement humain qui est souvent faible et faillible ; « l’amour est aveugle », disent les hommes. L’amour divin, avec sa vision claire, n’est pas aveugle quant aux fautes de ceux qui sont les objets de l’amour, mais plutôt, reconnaissant tout ce qui lui est contraire, il travaille pour enlever toute tache, afin de pouvoir finalement se reposer avec satisfaction dans son objet.
En outre, l’amour est
prompt à discerner. Des multitudes d’entre les nations environnantes étaient
poussées par le besoin à venir aux pieds de Joseph, mais aussitôt que ces dix
hommes paraissent devant lui, l’amour discerne que ce sont ses frères ;
nous lisons : « Joseph vit
ses frères ». Il ne les avait pas vus depuis vingt ans, mais avec la
prompte perception de l’amour, il voit dans ces dix hommes dans le besoin les
frères dont il a été séparé depuis si longtemps. Et l’amour les « reconnut
». « Joseph reconnut
ses frères ; et eux ne le reconnurent pas » (v. 8). L’amour
connaissait leur histoire passée et le besoin du moment qui les amenait à ses
pieds.
Et l’amour
« reconnut », parce que l’amour « se souvint
». « Joseph se souvint des songes qu’il avait
songés à leur sujet » (v. 9). Les songes du passé, la colère et le mépris
avec lesquels ils avaient été reçus par les frères, le traitement que ceux-ci
lui avaient infligé, tout cela revient à la mémoire, mais à la mémoire de
quelqu’un qui les aime, car, comme Joseph parlait avec eux, « il se
détourna d’auprès d’eux ». Le jour viendra où toutes les affections
contenues de Joseph se déverseront sans contrainte, lorsqu’il pleurera devant
eux, mais avant que ce moment arrive, il y a une autre œuvre à accomplir.
L’amour va se mettre à la tâche pour gagner leurs cœurs et les mettre
parfaitement à l’aise dans la présence de celui contre lequel ils ont si
grandement péché. Pour parvenir à cette fin, l’amour trouvera un moyen par
lequel toute tache du passé pourra être effacée en justice, de sorte que, toute
question ayant été entièrement réglée, il ne restera plus rien pour empêcher
son épanchement entre Joseph et ses frères. Mais il n’y a qu’un seul moyen par
lequel le cœur peut être mis parfaitement à l’aise en présence de quelqu’un qui
a été offensé. Tout doit être amené à la lumière et être pleinement confessé.
La conscience assoupie doit être réveillée, les péchés rappelés, et les péchés
confessés. Par la conscience seulement le cœur peut être atteint et mis à
l’aise. Poussé par l’amour, Joseph va s’appliquer à atteindre leur conscience.
« Il fit l’étranger vis-à-vis d’eux, et leur parla durement » (v. 7).
De la même manière, Christ fit l’étranger au jour où une femme d’entre les Gentils fut poussée par ses besoins dans sa présence et ne rencontra que le silence ; nous lisons : « Il ne lui répondit mot ». Et lorsqu’il parle, ne sont-ce pas des choses dures qu’elle doit entendre sur le moment ? Mais nous savons que c’était le chemin de l’amour parfait qui conduisait à la bénédiction. De même aussi dans ses voies futures envers les Juifs, Christ fera l’étranger lorsque, selon le prophète, il dira : « Je vais fermer ton chemin avec des épines, et j’élèverai une clôture ; et elle ne trouvera pas ses sentiers » ; et, dit l’Éternel, « je reprendrai mon blé en son temps ». L’Éternel amènera la famine sur les Juifs, afin de mener les Juifs dans le désert où ils n’auront pas d’autre ressource que Dieu. Dans ce lieu désertique, l’Éternel peut dire : « Je lui parlerai au cœur » (Osée 2:6, 9, 14).
Les frères protestent que c’est leur besoin qui les amène en Égypte. Nous sommes « venus pour acheter des vivres » (v. 10). Ils sont effectivement venus auprès de la bonne personne, mais ils sont venus avec un mauvais plan et une mauvaise défense. Leur plan est d’acheter, et leur défense : « Nous sommes d’honnêtes gens » (v. 11). Ils ne connaissent pas encore l’amour du cœur de Joseph ni la méchanceté de leurs propres cœurs. Ils doivent apprendre que Joseph est trop riche pour vendre aux siens, et qu’ils n’ont rien en eux-mêmes à avancer pour leur propre défense. Leur argent n’achètera pas de blé et ils n’ont point de mérite dont ils puissent se prévaloir. Ils doivent apprendre que, si Joseph est prêt à dispenser toute bénédiction, il est quelqu’un sur qui ils ont perdu tout droit. L’amour donne lorsque l’indignité n’a rien à revendiquer. L’amour du cœur de Joseph exclut tout simple marchandage et la méchanceté de leurs cœurs exclut toute prétention de mérite. S’ils pensent être d’honnêtes gens, Joseph va les mettre à l’épreuve.
En outre, les frères de Joseph doivent apprendre que toute bénédiction pour eux dépend de l’homme dont ils disent : « l’un n’est plus » (v. 13). Ils disent en quelque sorte : Nous ne l’avons plus vu depuis vingt ans ; il a complètement disparu de nos vies ; quant à nous, il « n’est plus ». De même dans un jour à venir, les Juifs devront apprendre que toutes leurs bénédictions dépendent de Celui qu’ils ont méprisé. « Celui-ci est la pierre méprisée par vous qui bâtissez, qui est devenue la pierre angulaire ; et il n’y a de salut en aucun autre ; car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Actes 4:11, 12).
Les frères se sont
condamnés par leurs propres paroles. Ils ont protesté qu’ils sont
« d’honnêtes gens » et dans la même lancée ils ajoutent :
« l’un n’est plus », sachant parfaitement que si Joseph a disparu de
leurs existences, cela est dû exclusivement à leur propre méchanceté. Ils sont
en face de celui qu’ils avaient rejeté, sans repentir dans leurs cœurs, et
néanmoins ils protestent qu’ils sont d’honnêtes gens. Joseph fait maintenant le
premier pas en vue de les convaincre de leur péché en les faisant mettre en
prison. La crainte de perdre leur vie les avait amenés en Égypte, avec pour
résultat qu’ils perdent leur liberté. Ils sont laissés trois jours dans la
prison afin qu’ils apprennent en quelque mesure ce que leurs péchés méritent.
Joseph avait été jeté en prison injustement, mais eux subissent justement la
même condamnation. Leur conscience commence alors à travailler, car ils
disent : « Certainement nous sommes coupables à l’égard de notre
frère » (v. 21). La conscience relie le trouble qui leur survient à leur
péché passé. La prison a, dans cette mesure, produit son effet. Non seulement
ils disent : « Certainement nous sommes coupables », mais
« certainement nous sommes coupables à
l’égard de notre frère
». Nous avons vu la détresse de son âme, mais
nous avons endurci nos cœurs. Il nous a suppliés, mais nous avons fermé nos
oreilles à toutes ses supplications. « C’est pourquoi cette détresse est
venue sur nous ». Ils relient à juste titre leur détresse présente à leur
péché de vingt ans auparavant.
Mais tout ce travail de
conscience, aussi bon soit-il, ne se fait qu’entre eux. Tout doit sortir devant
Joseph s’ils veulent être une fois heureux dans sa présence. Aussi Joseph
maintiendra-t-il sa main sur eux. Siméon est lié devant leurs yeux, mais c’est
l’amour qui lie les cordes autour de lui, car alors même qu’il le fait, Joseph
se détourne et pleure. Les cordes qui lient Siméon sont des cordes d’amour. En
outre Joseph commande de remplir de blé leurs sacs. Il n’est pas indifférent à
leurs besoins et accorde ainsi un certain soulagement ; toutefois Siméon
est gardé en esclavage. Et en répondant ainsi à leurs besoins, Joseph fait
faire à ses frères un pas de plus vers leur restauration, car tout en leur
donnant du blé, il rend à chacun son argent. S’ils avaient eu des yeux pour
voir, ils auraient appris en cela que Joseph était celui qui donne. Mais dans
leur condition, les dons reçus ne font qu’éveiller des craintes plus profondes.
Leurs cœurs défaillent lorsqu’ils découvrent l’argent : « Qu’est-ce
que Dieu nous a fait ? » (v. 28). Leur péché leur a été rappelé,
maintenant ils voient que Dieu s’occupe
d’eux
. La crainte de Dieu monte dans leur âme. Non pas cette sainte crainte
qui caractérisait Joseph. « Ils craignaient parce qu’ils étaient des
coupables ; lui craignait de déplaire ». Ainsi encore, lorsqu’ils
sont de retour auprès de Jacob et que chacun découvre son argent dans son sac,
« ils eurent peur ». La bonté de Joseph aurait dû réjouir leurs
cœurs, mais ils sont misérables et effrayés face à une bonté que leur
conscience coupable leur reproche de ne pas mériter.
Jacob n’est pas coupable comme ses fils, mais sa faible foi ne discerne aucune trace de la main de Dieu dans toutes ces circonstances. À l’ouïe du récit des expériences de ses fils, il ne peut que constater : « Toutes ces choses sont contre moi ». Quelle différence avec le langage de la foi qui peut dire : « Toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu ». Les choses mêmes qui pour la vue et la nature étaient contre lui, étaient les moyens dont Dieu se servait pour sa bénédiction. « Joseph n’est plus, et Siméon n’est plus, et vous voulez prendre Benjamin » : c’étaient les choses qui étaient pour lui. Joseph perdu pour son père, rejeté et vendu, emprisonné et exalté, Siméon retenu dans les liens, Benjamin enlevé à son père, étaient autant d’étapes dans le sentier de la bénédiction, et des moyens utilisés par Dieu pour rendre Joseph à son père et pour introduire Jacob et ses fils dans une bénédiction plus riche. Pourtant Jacob dit à ses fils : Vous ferez « descendre mes cheveux blancs avec douleur au shéol ». Au moment même où Jacob ne pouvait voir dans l’avenir rien d’autre que la douleur et le shéol, Dieu allait l’introduire dans la joie et la bénédiction. Si Jacob avait pu persister dans ses pensées, il aurait contrecarré Dieu dans ses voies de bénédiction, car Jacob dit : « Mon fils ne descendra pas ».
Le péché des frères de Joseph a été remis en mémoire ; leur conscience a été réveillée, la crainte de Dieu est montée dans leur âme. Mais ils doivent encore passer par d’autres expériences avant que Joseph puisse se révéler dans tout l’amour de son cœur et avant que les frères puissent se sentir tout à fait à l’aise dans sa présence.
Dans le passé, ils avaient péché non seulement contre Joseph, mais aussi contre leur père. Ils avaient été « indifférents aux cris d’un frère et à la douleur d’un père ». Ils avaient péché en tant que frères devant leur frère ; ils avaient péché en tant que fils devant leur père. Ils avaient usé envers l’un de la plus grande cruauté ; envers l’autre, de la plus grossière tromperie. Tant comme fils que comme frères, ils avaient manifesté la méchanceté de leurs voies et la dureté de leurs cœurs. Le moment est venu où ils vont être mis à l’épreuve et Joseph verra dans quelle mesure un vrai changement s’est opéré en eux. Ils ont dit : « Nous sommes d’honnêtes gens ». Joseph va par conséquent les placer dans des circonstances qui montreront si enfin ils peuvent agir comme de vrais frères et comme de vrais fils. Avec la plus grande sagesse, Joseph va leur faire revivre le passé. Une nouvelle fois, dix hommes vont avoir à agir à l’égard d’un frère cadet. Une nouvelle fois, ils vont devoir affronter un père âgé et son grand amour pour son plus jeune fils.
Les temps ont changé et les circonstances se sont transformées ; la composition du tableau est entièrement nouvelle, mais quant au principe, l’histoire des champs de Dothan doit se renouveler dans le pays d’Égypte. Est-ce que ces dix hommes vont encore une fois abandonner leur frère et inventer une histoire quelconque pour tromper leur père ? Une vraie repentance a-t-elle été opérée dans le cœur de ces frères ? Voilà la grande question que Joseph va résoudre au cours de leur deuxième visite en Égypte.
Ce sont de nouveau
leurs besoins pressants qui les amènent en Égypte. Avant de se mettre en route,
ils font leurs plans pour apaiser le Gouverneur de l’Égypte et pour assurer la
sécurité de Benjamin. Juda s’offre pour répondre de Benjamin et un présent est
préparé pour le Gouverneur. La bonté dont Joseph avait usé en leur rendant leur
argent précédemment, est considérée comme une « erreur » possible (v.
12). Tout montre l’impossibilité absolue pour la nature de comprendre les voies
de la grâce. Jacob, parlant à la manière de l’homme naturel, dit :
« Pourquoi m’avez-vous fait le tort de déclarer à l’homme que vous aviez
encore un frère ? » (v. 6). Leur réponse indique la voie que la grâce
avait empruntée. « L’homme s’est soigneusement
enquis de nous et de notre parenté ». La grâce peut tout pardonner, mais
la grâce veut que tout soit amené à la lumière (v. 7).
Israël dévoile alors
son plan. Et quoiqu’il fût un homme de foi, il parle maintenant comme un homme
naturel. « Eh bien, s’il en est ainsi, faites ceci… » Le plan de
Jacob dépend de l’activité de l’homme. Il a besoin de blé, il voudrait bien
obtenir la libération de Siméon et assurer la sécurité de Benjamin et il
propose une solution par laquelle tout sera mené à bien par leur propre activité
. Et c’est là le chemin que
l’homme prend encore et qu’il a toujours pris, pour obtenir la bénédiction de
Dieu. Caïn a suivi ce chemin lorsqu’il a apporté les premiers fruits de son
propre labeur comme offrande à l’Éternel. Les Israélites ont suivi ce chemin
lorsqu’ils ont dit : « Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons
». Le docteur de la loi du
Nouveau Testament s’engageait dans ce même chemin lorsque, en présence du
Seigneur, il dit : « Maître, quel bien ferai-je pour avoir la vie
éternelle ? » Et après 1980 années de grâce, l’homme continue à
suivre cette voie fatale, car en ces derniers jours du christianisme, on trouve
encore ceux dont il est dit qu’ « ils ont marché dans le chemin de
Caïn ».
Occupé ainsi de leur
propre activité, Jacob expose son plan. « Prenez
», dit-il, « un présent » pour apaiser
l’homme. « Prenez
d’autre
argent » pour acheter le blé. « Et prenez
votre frère, et levez-vous, retournez vers l’homme ».
La nature ne peut concevoir Dieu comme Celui qui donne, ou l’homme comme celui
qui reçoit. La nature n’a pas une vraie connaissance de Dieu ou de l’homme.
Elle ne peut concevoir que Dieu est si riche en grâce souveraine qu’Il ne peut
que donner, ni que l’homme est si désespérément ruiné qu’il ne peut que
recevoir. Mais Jacob et ses fils doivent apprendre cela, car tous leurs plans
sont absolument inutiles pour obtenir la bénédiction des mains de Joseph.
Nous apprenons en outre dans l’histoire que non seulement les plans de l’homme sont tout à fait futiles, mais que le fait d’être occupés de nos plans rend l’âme aveugle à la grâce de Dieu. En pensant à la bonté de Joseph qui leur avait rendu leur argent, Jacob ne peut qu’imaginer : « Peut-être était-ce une erreur ». Dieu ne fait pourtant pas d’erreur. L’erreur est toute du côté de l’homme. Aveuglé par sa propre activité, il ne voit pas ce que Dieu fait (v. 11-23).
Après avoir fait tous ses plans, Jacob finit par recommander ses fils aux compassions du Dieu Tout-puissant. Il place ses plans en premier et le Dieu Tout-puissant en second. Si quelque chose fait défaut dans ses plans, il exprime le vœu pieux que les compassions de Dieu puissent combler ce qui manque. Et c’est ainsi que les hommes traitent Dieu et Christ aujourd’hui. Dieu, dans sa grâce, a envoyé son Fils, Christ a accompli l’œuvre puissante de la rédemption, mais l’homme se raccroche encore à sa propre activité et considère la grâce de Dieu et l’œuvre de Christ comme de simples contrepoids pour compenser les petits manquements dans les efforts de l’homme. Mais Jacob et les hommes font la même expérience. Leurs propres plans les laissent dans une incertitude désespérée. Jacob a dû confesser qu’en somme il est tout à fait incertain des résultats. « Si je suis privé d’enfants, j’en serai privé » (v. 14). Quel tableau de la manière dont l’homme cherche à obtenir la bénédiction de Dieu ! Faites de votre mieux, comptez sur les compassions de Dieu pour compenser ce qui peut manquer dans vos efforts, puis espérez pour le mieux dans l’avenir ; et si vous êtes sauvés, vous serez sauvés ; si vous êtes condamnés, vous serez condamnés.
Les frères de Joseph
entreprennent d’agir selon le plan de leur père et ne font que découvrir sa totale
futilité. Ils prirent le présent, ils prirent le double d’argent et Benjamin
et, se levant, ils descendirent en Égypte et se tinrent devant Joseph (v. 15).
Joseph n’accorde pas la moindre attention à leurs présents ; il ne touche
pas à leur argent, il n’acceptera pas Benjamin comme rançon. Il ignore
absolument leur plan et se met à agir selon son propre cœur. Il dit
d’abord : « Mène ces hommes dans la maison, et tue, et apprête ;
car ces hommes mangeront avec moi à midi ». N’est-ce pas une anticipation
de ce message bien plus élevé que Dieu adresse à un monde de pécheurs :
« Venez, car déjà tout est prêt » ? Les propos de Joseph
dépassent de beaucoup les plans de ses frères. Leur plan était simplement
d’obtenir une bénédiction de Joseph ; son propos était de dispenser une
bénédiction, mais une bénédiction dont ils devaient jouir dans sa compagnie et
dans sa maison. Leur plan était d’acheter du blé et d’avoir un festin entre
eux ; son plan, de préparer un festin dont ils jouiraient avec lui. « Ces
hommes mangeront avec moi à midi
»,
dit-il (v. 16). Semblables aux frères de Joseph, nous sommes aussi lents à
recevoir les pensées de bénédiction de Dieu. Nous nous contenterions d’obtenir
le pardon des péchés et d’être sauvés de l’enfer. Mais combien nous sommes
en-deçà des pensées de Dieu ! Sa pensée est de nous avoir avec Lui, pour
célébrer la fête avec Lui dans sa maison. Le fils prodigue a été conduit par
ses besoins et un faible sentiment de la grâce, à retourner chez son père dans
l’espoir de trouver une réponse à ses besoins et peut-être une place de
serviteur dans la maison du père. Mais une place de serviteur ne saurait
convenir au cœur du père. Le fils prodigue doit être introduit dans la maison
du père comme fils du père, pour manger et faire bonne chère avec le père. Si
Dieu envoie l’Évangile, c’est pour avoir une innombrable armée de pécheurs
rachetés dans sa présence, saints et irréprochables devant lui en amour.
Mais nous sommes lents à recevoir la grandeur de la grâce de Dieu. Comme les frères de Joseph qui « eurent peur » de ce qu’on les menait dans la maison de Joseph. Ils ne pouvaient pas concevoir qu’on les y menait pour autre chose que pour être condamnés ; ils ne pouvaient imaginer qu’ils y étaient conduits pour être fêtés. Ainsi ils dirent : « C’est à cause de l’argent qui fut remis dans nos sacs… que nous sommes emmenés ». Ils considèrent Joseph comme étant contre eux, comme quelqu’un qu’il faut apaiser. Ils doivent maintenant apprendre qu’il fait travailler toutes choses pour leur bien. Au lieu de se juger eux-mêmes, ils jugent Joseph. Dans toutes ces marques de faveur, ils ne voient rien d’autre que Joseph cherchant une occasion contre eux — s’apprêtant à tomber sur eux et à les prendre comme serviteurs (v. 17, 18).
Ils expliquent à l’homme qui était préposé sur la maison de Joseph qu’ils ont apporté le double d’argent. Cet homme le sait bien, mais sans se préoccuper de cela, il fait sortir Siméon vers eux (v. 19, 23). Continuant à s’accrocher à leurs propres efforts, ils préparent leur présent « pour l’arrivée de Joseph à midi », seulement pour découvrir que Joseph, à son tour, n’en fait aucun cas. L’argent et le présent ne produisent aucun effet (v. 25, 26).
Joseph leur parle avec
bonté, son amour s’émeut envers son plus jeune frère ; dans son amour il
pleure secrètement, mais dans son amour il se contient, car le temps où l’amour
doit se révéler n’est pas encore venu. De la même manière, dans une sagesse
parfaite, le Seigneur agit envers la femme au puits de Sichar. Il ne se révèle
pas avant que sa conscience soit touchée et que tout soit mis à nu ; et
elle découvre qu’elle est en présence de Quelqu’un qui, connaissant toute son
histoire, l’aime néanmoins d’un tel amour qu’il peut lui dire :
« Viens ici ». Elle peut alors déclarer : « Celui-ci
n’est-il point le Christ ? » Joseph va anticiper ces voies parfaites
de grâce envers une pauvre pécheresse. Lui aussi prononce des paroles de grâce,
mais se contient en présence de ses frères. Il va leur servir un festin, mais
d’une manière telle qu’ils sont amenés à constater que leur histoire est
connue. Ils sont placés devant lui, « le premier-né selon son droit
d’aînesse, et le plus jeune selon sa jeunesse ». Dans la jouissance de
toute cette faveur, « ils burent, et firent bonne chère avec lui »,
mais ils doivent apprendre d’autres leçons avant qu’il puisse se réjouir avec
eux. Ils jouissent de ses dons, mais il faut encore qu’ils se réjouissent en
lui (v. 27, 34). Toutefois avant que Joseph puisse se révéler à eux, ils
doivent être mis à découvert devant Joseph. C’est pour cela que la coupe de
Joseph est mise dans le sac de Benjamin. Les frères partent ; ils sont
poursuivis par celui qui est préposé sur la maison de Joseph et accusés d’avoir
pris la coupe. Ils protestent de leur innocence : « Loin de tes
serviteurs de faire une telle chose ! » Puis ils déclarent leur
honnêteté : « Voici, l’argent que nous avons trouvé à l’ouverture de
nos sacs… comment aurions-nous volé ? » Se pouvait-il que des
hommes qui agissent si honnêtement quand il s’agit d’argent se rendent
coupables d’un vol mesquin ? Souvenons-nous que ce sont là les hommes qui
ont autrefois vendu leur frère comme esclave pour vingt misérables pièces
d’argent. Il est évident que des hommes qui avaient agi ainsi étaient bien
capables de voler une coupe d’argent malgré toutes leurs protestations.
L’accusation n’est donc pas entièrement infondée, à moins qu’une pleine repentance quant au passé ne se soit opérée dans
leur âme
. Joseph sait parfaitement bien qu’ils sont innocents dans
l’affaire de la coupe ; mais se sont-ils repentis du passé ? C’est
cela que Joseph veut découvrir. Dans le passé, ils n’avaient été ni de vrais
fils ni de vrais frères. La repentance a-t-elle opéré son œuvre ? Le cœur
de pierre a-t-il été changé en un cœur de chair ?
Benjamin se trouve à la place qui avait été autrefois celle de Joseph — le plus jeune fils et le favori de son père. Benjamin deviendra serviteur, comme autrefois Joseph avait occupé la place d’un esclave. Les dix frères sont parfaitement libres, comme alors, de retourner en paix vers leur père. Que vont-ils faire dans ces circonstances ? Vont-ils agir comme ils l’avaient fait autrefois dans les champs de Dothan ? Vont-ils abandonner leur frère à l’esclavage, le sachant innocent ? C’est ainsi qu’ils avaient agi envers Joseph ; vont-ils recommencer avec Benjamin ? Vont-ils remonter vers Jacob et répondre à sa douleur par quelque histoire fausse pour justifier l’absence de Benjamin, comme autrefois ils avaient expliqué la perte de Joseph ? Ah ! non ; la grâce a travaillé dans ces hommes ; la repentance a opéré son œuvre. En réponse aux questions scrutatrices de Joseph, toute la vérité est confessée. Joseph peut dire : « Quelle action avez-vous faite ? Ne savez-vous pas qu’un homme tel que moi sait deviner ? » (v. 6-15). Et c’est toujours la voie que la grâce suit. C’est ainsi que le Seigneur a agi envers une femme pécheresse, « près de la terre que Jacob donna à Joseph son fils ». « Va, appelle ton mari », n’était qu’une autre manière de dire : « Quelle action avez- vous faite ? » et il s’est fait connaître à cette pécheresse coupable comme véritablement Celui qui « sait deviner », car elle déclare : il « m’a dit tout ce que j’ai fait ». Et personne ne saurait être heureux et à l’aise dans la présence du Seigneur de gloire avant d’avoir appris que le Seigneur connaît ce qu’il y a de pire à son sujet et que, malgré cela, il l’aime.
Telle est aussi la voie que Joseph emprunte et avec quels résultats bénis ! Ils ne se justifient plus. Ils s’exclament : « Que dirons-nous à mon seigneur ? Comment parlerons-nous, et comment nous justifierons-nous ? Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs. Voici, nous sommes serviteurs de mon seigneur ». Ils ne cherchent plus à se justifier quant au présent ; ils ne cherchent pas à se disculper quant au passé. Ils sont des pécheurs convaincus « découverts » par Dieu ; et ils se soumettent entièrement à Joseph : « Nous sommes serviteurs de mon seigneur », disent-ils (v. 16).
Tout cela est certes très bien, mais ce sont des paroles, et des paroles qui ne sont peut-être qu’une profession creuse. Les paroles doivent être prouvées par des actes. Aussi Juda s’avance au nom de ses frères et prouve la réalité de leurs paroles par ce qu’ils sont prêts à faire. Il peut dire : « Que ton serviteur… reste serviteur de mon seigneur, à la place du jeune homme, et le jeune homme montera avec ses frères ». En outre, l’amour suppliant qui transparaît dans le plaidoyer touchant de Juda prouve la profondeur de la repentance qui s’est opérée dans leur âme. Le cœur de pierre a véritablement été changé en un cœur de chair. Comme fils, il intercède pour Jacob. Il est notre père, il est un vieillard, il aime Benjamin (v. 20), son âme est étroitement liée à l’âme du jeune homme (v. 30). Comment verrais-je « le malheur qui atteindrait mon père » (v. 34) ? Comme un vrai frère, il intercède pour Benjamin. Il est « un jeune homme », « un enfant » (v. 20), « notre plus jeune frère ». Cet appel à Joseph montre que non seulement la repentance s’est opérée mais que, dans une certaine mesure, la confiance a été gagnée. Quelle image magnifique de « la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » qui accompagnent toujours une véritable œuvre de grâce !
Jusque-là Joseph a fait l’étranger, a parlé rudement et a agi avec dureté envers ses frères, car il fallait qu’un travail de conscience se produise et que la repentance s’opère. Mais le travail inaccoutumé de l’amour étant accompli, Joseph ne peut plus se retenir et il se fait connaître. Après avoir mis à découvert la culpabilité de leurs cœurs, il doit manifester l’amour de son cœur. S’ils ont découvert la méchanceté de leurs cœurs, il révèlera la grâce infiniment plus grande de son cœur qui, connaissant toute leur méchanceté, peut s’élever au-dessus d’elle dans un pardon complet et gratuit.
Joseph doit se faire
connaître (v. 1). Rien de moins ne satisfera son cœur ; rien de moins ne
donnera du repos à leurs cœurs. Et c’est encore la voie du Sauveur plein
d’amour envers le pécheur anxieux. Rien n’enlèvera le poids de la culpabilité,
sinon la découverte que tout est parfaitement connu et pleinement pardonné par
Celui contre qui nous avons péché. La connaissance de notre cœur, aussi
nécessaire soit-elle, n’apportera pas le repos à l’âme. Nous pouvons mener
deuil sur le passé et nous tourmenter avec nos péchés, mais ni la découverte de
la méchanceté de notre cœur, ni la repentance aussi réelle soit-elle, ni la
tristesse quant au péché aussi sincère soit-elle, n’apporteront de réconfort à
l’âme. Pour que nous ayons le repos et la paix, il faut que Jésus se fasse
connaître. Nous découvrons alors pour notre plus grande joie que son cœur est
plein d’amour pour l’homme qui est plein de péché ; et que malgré la
pleine connaissance de tous nos péchés, il n’y a rien que de l’amour dans son
cœur pour nous. Alors nous pouvons nous reposer, mais nous nous reposons dans
ce qu’Il est et non pas dans quelque chose que nous pourrions trouver en nous.
Pour découvrir de telles choses quant à son cœur, nous devons être seul
avec lui. De même, avant de pouvoir
se faire connaître, Joseph doit dire : « Faites sortir tout le monde
d’auprès de moi » (v. 1). Moment merveilleux dans l’histoire de notre âme
que celui où tous les hommes disparaissent de notre vue et que nous ne voyons
« plus personne, sinon Jésus seul » ; lorsque seul avec Lui dans
la conscience de notre culpabilité, nous découvrons qu’il nous connaît
parfaitement et que, malgré cela, il nous aime. La femme de Sichar illustre
d’une manière très belle un tel moment. Alors qu’elle était seule en Sa présence,
il lui révéla tout le péché de son cœur — lui dit toutes les choses qu’elle
avait faites — puis se manifesta lui-même comme le Christ plein de grâce et de
vérité pour un pécheur plein de péché. Il sait tout ce qu’elle a fait, mais il
dit : « Je le suis [le Christ], moi qui te parle ». Elle se voit
comme une pécheresse mise à découvert dans la présence du Christ de Dieu, mais
au lieu de la repousser, Il peut dire : « Viens ici ». Il semble
dire : Je sais le pire à ton sujet et bien que ton péché ait fait de toi
une femme solitaire — bien qu’il te fasse éviter la compagnie des autres femmes
— tu es bienvenue auprès de moi. Viens ici.
Ces voies de grâce sont
préfigurées d’une manière bénie dans l’histoire de Joseph. Seul avec ses
frères, il déclare aussitôt : « Je suis Joseph ». Et de même que
le Seigneur pouvait dire à la femme : « Viens ici », Joseph peut
dire à ses frères : « Approchez-vous de moi » (v. 4). Ce n’est
pas seulement que Joseph est prêt à pardonner, mais il désire la compagnie de
ceux auxquels il pardonne. Nous nous réjouissons dans la grâce qui répond à nos
besoins, mais combien nous sommes lents à réaliser que Celui qui a ôté notre
culpabilité désire notre compagnie ; Christ s’est approché de nous pour que
nous puissions nous approcher de lui. Lorsqu’il traversa ce monde, « il en
établit douze pour être avec lui
».
Lorsqu’il quitta le monde, il « est mort pour nous, afin que, soit que
nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui
» ; et lorsqu’il
reviendra pour nous prendre auprès de lui, c’est afin que nous soyons pour
toujours « avec le Seigneur
».
Si l’amour nous rend propres pour sa compagnie, l’amour ne sera pas satisfait
sans notre compagnie.
En outre, si les frères doivent être dans la compagnie de Joseph pour la satisfaction de son cœur, ils doivent être là sans trace de crainte, sans un seul regret, sans une ombre de souci. Aucun regret pour le passé, aucune crainte dans le présent, aucune anxiété quant à l’avenir ne doivent surgir pour assombrir la joie de la communion entre Joseph et ses frères restaurés. Avec une habileté infinie, Joseph ôtera leurs craintes, bannira leurs regrets et soulagera leurs anxiétés.
Il est tout à fait évident
qu’ils avaient des craintes, car nous lisons qu’« ils étaient troublés
devant lui » (v. 3). Mais Joseph les attire à lui avec des cordeaux
d’amour. « Approchez-vous de moi », dit-il. « Et ils
s’approchèrent ». Et les ayant attirés à lui, il cherche à enlever toute
crainte en leur rappelant qu’il est toujours leur frère : « Je suis
Joseph, votre frère
». Il leur
dit en quelque sorte : « Je sais parfaitement comment vous m’avez
traité dans les jours passés ; vous m’avez haï, vous m’avez méprisé, vous
m’avez vendu, mais ne craignez pas, je suis Joseph, votre frère
. Je sais, aussi, que le jour de mon exaltation est là,
et bien que vous me voyiez — moi que vous avez rejeté — dans une position de
puissance, ne craignez pas, car même si je suis tout-puissant, je suis toujours
Joseph, votre frère
».
De plus, quant au passé, Joseph ne peut pas permettre que des regrets surgissent et viennent assombrir leur jouissance de son amour. « Et maintenant, dit Joseph, ne soyez pas attristés, et ne voyez pas d’un œil chagrin que vous m’ayez vendu ici » (v. 5). Le péché avait été confessé et non seulement Joseph pardonnera, mais il enlèvera tous regrets et tous reproches contre eux-mêmes qui pourraient subsister. Il les assure que derrière leur péché, même par le moyen de leur péché, Dieu opérait ses propos de bénédiction. C’est vrai : vous m’avez vendu ici, doit dire Joseph, mais il ajoute : « Dieu m’a envoyé devant vous… pour vous conserver la vie par une grande délivrance ». Ainsi il préserve ses frères de s’occuper d’eux-mêmes en dirigeant leurs pensées et leurs affections sur lui-même, sur ses gloires et sur les bénédictions qui découlent pour eux de son exaltation.
Puis, quant à l’avenir, aucun souci, aucune anxiété ne doit assombrir l’horizon pour eux, car Joseph peut dire, dans le message qu’il envoie à son père : « Tu habiteras dans le pays de Goshen, et tu seras près de moi, toi, et tes fils, et les fils de tes fils, et ton menu et ton gros bétail, et tout ce qui est à toi ; et je t’y entretiendrai » (v. 10).
Ainsi avec une habileté
merveilleuse et un amour infini, Joseph se fait connaître à ses frères, dissipe
leurs craintes, les libère de l’occupation d’eux-mêmes et les soulage de
l’anxiété, en se plaçant lui-même et en plaçant ses gloires devant leurs
regards, et en dirigeant leurs pensées sur ses paroles pleines de grâce.
« Voici, dit Joseph, vos yeux…
voient que c’est ma bouche qui vous parle
» (v. 12). La crainte
bannie, la douleur apaisée, les soucis enlevés, l’amour peut se déverser sans
empêchement : « Il baisa tous ses frères » ; « et après cela
, ses frères parlèrent avec
lui » (v. 15). Mais leurs yeux ont vu ses gloires, leurs oreilles ont
entendu ses paroles de grâce, leurs cœurs ont été réchauffés par son amour et,
dans la chaleur de cet amour, ils ont la liberté de parler avec lui. Il ne
subsiste aucune ombre qui empêche la communion d’amour entre Joseph et ses
frères. L’amour parfait chasse la crainte. Tout ceci préfigure les voies encore
futures de Christ envers son peuple terrestre qui l’a rejeté autrefois. Mais
plus encore, ce récit nous indique la méthode que Christ emploie pour nous
montrer la méchanceté de nos cœurs et ensuite pour enlever toute crainte en se
faisant connaître dans l’amour de son cœur.
En outre,
souvenons-nous qu’avant que Joseph se fasse « connaître » à ses
frères, « il fit l’étranger vis-à-vis d’eux » (42:7). Pour qu’ils
apprennent la méchanceté de leurs cœurs, « il fit l’étranger » ;
pour qu’ils apprennent l’amour de son cœur, il « se fit connaître ».
Est-ce que de nombreux chrétiens n’ont pas le souvenir d’un temps dans
l’histoire de leur âme où Christ semblait faire l’étranger et agir avec dureté
à leur égard, alors qu’ils devaient traverser quelque sombre vallée d’exercice
d’âme, pour y découvrir la méchanceté de la chair en eux ? Dans de tels
moments, plus d’un sombre passage dans l’histoire de la vie surgira pour se
dresser devant l’âme dans toute sa laideur et sa noirceur jusqu’au moment où le
cri est arraché à l’âme : « Voici, je suis une créature de
rien » (Job 39:37). Mais même ainsi c’est insuffisant, car, comme Job le
découvrit, il y a une leçon plus profonde à apprendre et pour cela nous devons
revenir en arrière et sortir du domaine de notre expérience personnelle pour
atteindre les solennités de la croix. La vie des frères de Joseph peut avoir
été pleine de méchanceté, mais s’ils doivent apprendre à connaître l’abîme de
méchanceté dans leurs cœurs, ils doivent revenir plus de vingt ans en arrière
pour se souvenir de la manière dont ils ont traité Joseph, lorsque face à son
amour en tant que frère, ils l’ont haï, jeté dans une citerne et vendu en
Égypte. Pour nous, c’est la même chose. Certes nous avons à apprendre que dans
la chair il n’y a aucun bien
—
qu’elle est irrémédiablement mauvaise — nous devons aller à la croix. À la
croix, il y a eu la manifestation de la bonté parfaite en Dieu et de la bonté
parfaite dans un Homme — l’Homme Christ Jésus. À la croix, la grâce et l’amour,
et la bonté ont brillé dans toute leur splendeur. Comment la chair a-t-elle agi
en présence de la bonté parfaite ? Elle a catégoriquement refusé Celui en
qui la bonté était manifestée. Elle l’a rejeté, lui a craché au visage, lui a
mis une couronne d’épines sur la tête par dérision, l’a cloué sur une croix, et
l’a rejeté de ce monde. Chacun de nous était représenté à la croix, car toutes
les classes de l’humanité étaient là, religieux et impies, instruits et
ignorants, raffinés et grossiers, tous étaient là et tous ont rejeté le Christ
de Dieu. Chacun peut dire : « Je vois là ma chair — moi-même — placé
face à face avec la bonté parfaite, et sans hésitation ma chair — quelle que
soit la forme qu’elle revête — déclare sa haine complète de la bonté ».
Comme l’a dit quelqu’un : « La vue d’un Christ rejeté m’a découvert
moi-même à moi-même, les plus profonds recoins de mon cœur sont mis à nu et le
moi, ce moi horrible, est là ». Apprenant expérimentalement ce qu’est la
chair, je découvre ses passions et ses convoitises, son orgueil et sa vanité.
En un mot je découvre par une expérience amère que la chair aime le mal
. Mais quand je viens à la
croix, j’apprends un trait plus terrible encore de son caractère, car là je
découvre que la chair en moi hait le bien
.
En fin de compte, il y
a une grande différence entre l’apprentissage du caractère de la chair
expérimentalement et ce même apprentissage dans la lumière de Dieu révélé à la
croix. Si je connais seulement la chair telle que je la découvre en moi- même,
je conserve peut-être la pensée qu’elle peut être améliorée. Je peux admettre
qu’elle est vile — qu’elle aime le mal — mais je peux dire :
« N’est-il pas possible de l’améliorer et de la réformer ? » Il
est possible de faire beaucoup de choses pour l’homme dans la chair en matière
de culture et de réforme, mais finalement elle est plus éloignée de Dieu que
jamais. Cette grande leçon, je l’apprends à la croix. Là Christ a été non
seulement la chanson des buveurs, mais les hommes
sobres
— les hommes qui étaient assis à la porte — « parlent contre
lui ». Ivre ou sobre, la chair hait Dieu, et Christ en qui Dieu a été
manifesté. Ainsi la croix démontre que la chair est irrémédiablement mauvaise.
Un homme qui aime le péché pourrait être amélioré, mais un homme qui hait la
bonté parfaite est sans amélioration possible. Lorsque nous en arrivons à ce
point, nous pouvons dire avec Job, non seulement : « Je suis une
créature de rien », mais « j’ai horreur de moi ». Nous n’avons
pas horreur d’un homme, aussi vil soit-il, s’il s’efforce de vaincre sa
méchanceté ; nous l’admirons plutôt ; mais lorsqu’un homme est
manifesté être mauvais au-delà de tout espoir d’amélioration, nous en avons
horreur à juste titre. C’est à cela que Job devait en venir et nous aussi, à la
lumière de la croix, nous devons parvenir à ce point lorsque nous nous
reconnaissons comme désespérément mauvais.
Mais lorsque, comme Job en son jour et les frères de Joseph dans le leur, nous avons appris à connaître la méchanceté de nos propres cœurs — la corruption totale de la chair — avec quel soulagement nous nous détournons de nous pour nous tourner vers Christ, et combien Il se plaît à nous délivrer en se faisant connaître dans toute la grâce de son cœur. Nous avons bien de quoi être horrifiés en découvrant la méchanceté de nos cœurs. Mais quand Christ nous révèle son cœur et nous dit qu’il nous aime, bien qu’il connaisse toute la méchanceté de nos cœurs — quand il nous attire à lui et nous découvre le désir de son cœur de nous avoir en sa compagnie, quand il nous accorde de voir sa gloire et d’entendre sa voix — alors les tourments de la crainte prennent fin dans l’amour parfait — l’amour qui chasse la crainte — et l’âme ne se tourne plus sur elle-même pour mener deuil sur la méchanceté qui est en elle, l’avenir n’est plus assombri par de tristes pressentiments, mais dans la conscience de son amour, nous pouvons jouir d’une douce communion avec lui, comme les frères de Joseph qui « parlèrent avec lui ».
Joseph s’est fait connaître à ses frères. Il a apaisé leurs craintes, s’est occupé de leur passé et a assuré leur avenir. L’amour de Joseph a amené ses frères dans une douce communion avec lui ; nous lisons : « Il baisa tous ses frères… et après cela, ses frères parlèrent avec lui » (v. 15). Nous allons apprendre maintenant que l’intimité de l’amour prépare au service d’amour. Joseph va prendre à son service ceux qu’il a gagnés pour lui-même. Ses frères deviendront ses témoins.
Le Seigneur agit de la même manière envers le démoniaque du récit de l’Évangile. Vêtu, dans son bon sens et amené à venir s’asseoir aux pieds de Jésus — délivré par la Parole du Seigneur — il est préparé pour le service du Seigneur par les directives du Seigneur, car le Seigneur dit : « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu t’a fait » (Luc 8:29, 35, 39). Et le Seigneur agit aussi de la même manière avec ses disciples le soir du jour de la résurrection. Comme le vrai Joseph en présence de Ses frères, il se fait connaître aux disciples terrifiés et épouvantés. Il donne à leurs cœurs troublés la parole de paix. Ensuite seulement il leur donne le grand mandat et parle du privilège élevé d’être ses témoins (Luc 24:48 ; Actes 1:8).
Pour nous, comme pour
les frères de Joseph, pour le démoniaque plus tard et pour les disciples du
jour de la résurrection, la préparation au service doit précéder le service.
Nous sommes souvent plus anxieux d’être employés que nous ne sommes exercés à
être utiles
au Maître, préparés
pour toute bonne œuvre. En
outre, notre préparation au service ne s’acquiert que lorsque nous sommes
trouvés seuls avec Christ apprenant sa pensée dans la communion avec lui et
dans la réalisation de son amour. De quelle manière touchante cela n’est-il pas
préfiguré dans la belle scène entre Joseph et ses frères lorsque, à l’écart de
tous les autres, « il baisa tous ses frères… et après cela, ses frères
parlèrent avec lui » (v. 15). La mesure de sainte séparation pour le
Seigneur est la mesure de notre préparation pour son service. Ceux qui veulent
servir d’une manière qui soit agréable doivent d’abord s’asseoir à ses pieds et
écouter sa Parole. Là seulement, dans le secret de sa présence, nous pouvons apprendre
quelle est sa pensée et ainsi, servir sous ses directives. Il en fut ainsi des
frères de Joseph ; toutes les directives qu’ils reçoivent quant au service
viennent de Joseph. Aucun des frères ne suggère un service. Et lorsque Joseph
parle de service, ils ne s’établissent pas l’un l’autre pour servir, ni ne
décident comment servir, à qui ils s’adresseront, où ils iront ou ce qu’ils
diront. Le mandat de servir et tous les détails du service, ils les reçoivent
de la bouche de Joseph.
Joseph insiste d’abord sur l’urgence de leur mission. « Hâtez-vous », voilà la parole avec laquelle il les envoie ; et pareillement l’exhortation pour ces jours — les derniers jours — est : « Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps » (2 Tim. 4:2).
Deuxièmement, non seulement il leur est dit comment ils doivent aller, mais il leur est indiqué où ils doivent aller. La parole est : « Allez, entrez au pays de Canaan » (v. 17). Ils devaient être des témoins pour Joseph dans le pays même où, aux jours de son humiliation, Joseph ne reçut que le mal pour le bien et la haine pour son amour ; où il avait été dépouillé de sa dignité, jeté dans une citerne et vendu pour vingt pièces d’argent. Et il en fut ainsi dans cette dernière scène de séparation entre le Seigneur ressuscité et ses disciples remplis de joie. Ils ne reçurent pas seulement un mandat de prêcher la repentance et la rémission des péchés parmi les nations, mais il leur est indiqué où ils doivent commencer. Le Seigneur dit : « Commençant par Jérusalem » (Luc 24:47). Le témoignage devait commencer dans l’endroit le plus ténébreux de la terre, et parmi les pires des pécheurs, dans le lieu où le Seigneur avait été vendu pour trente pièces d’argent, dépouillé de sa tunique, couronné par dérision d’une couronne d’épines et cloué sur une croix entre deux brigands. Un serviteur âgé du Seigneur a dit : C’est « comme si le Seigneur avait dit : Dites-leur que bien qu’ils aient contredit ma doctrine, blasphémé ma divinité, bien qu’ils m’aient ôté la vie… qu’ils aient cherché à noircir ma réputation aussi en faisant de moi un imposteur, allez à Jérusalem, et en commençant là, montrez-leur un tel miracle de bonté et de grâce qu’ils soient amenés par eux- mêmes à confesser que rien ne saurait être plus grand que leur péché, sinon ma miséricorde et ma grâce : là où leur péché a abondé, la grâce surabonde… Commencez à Jérusalem, et après que l’efficace salvatrice de ma grâce aura été montrée là, personne ne pourra douter de la possibilité pour lui d’être sauvé ».
Troisièmement, ils
apprennent des lèvres de Joseph à qui
ils doivent porter le message. « Montez vers mon père », leur dit
Joseph (v. 9). Celui qu’ils avaient si grossièrement trompé et devant qui ils
avaient nié savoir quoi que ce soit de Joseph, est précisément celui devant qui
ils doivent rendre témoignage de Joseph. Pour Christ et ses disciples, c’est la
même chose. La femme de Sichar retourne auprès des hommes de la ville pour
rendre un brillant témoignage pour Christ devant ceux qui connaissaient bien
son mode de vie. Dans le lieu même de son péché, elle doit rendre témoignage à
Celui qui l’a délivrée du péché (Jean 4:28, 29). Pierre aussi rend témoignage à
Christ devant ceux en présence desquels il avait une fois si honteusement renié
Christ. En outre, ce n’est pas seulement vers son père que les frères de Joseph
sont envoyés, mais vers les enfants de son père et les enfants de ses enfants.
Joseph dit en fait : dites-lui que la bonne nouvelle est pour « tout ce qui est à toi
» (v. 10). Et
le message est resté le même : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras
sauvé, toi et ta maison ».
Quatrièmement, les
frères de Joseph sont renvoyés avec un message très précis à délivrer avec
toute l’autorité de la parole de Joseph. Il devait commencer par un :
« Ainsi dit ton fils, Joseph
»
(v. 9). Souvenons-nous bien que la puissance qui est derrière le message de
l’Évangile est l’autorité avec laquelle il est proclamé. Il est introduit par
un : « Ainsi dit le Seigneur ».
Cinquièmement, le grand
thème du message, c’était Joseph et sa gloire. Dites à mon père que « Dieu
m’a établi seigneur de toute l’Égypte » peut dire Joseph (v. 9). Et il
ajoute : « Vous raconterez à mon père toute
ma gloire
en Égypte, et tout ce que vous avez vu » (v. 13). Cela
demeure le message qui seul apaisera la famine du monde. Pierre l’a prêché sans
aucune équivoque aux oreilles des Juifs quand, au jour de la Pentecôte, il
dit : « Que toute la maison d’Israël donc sache certainement que Dieu
a fait et Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié ». Et encore,
devant les Gentils, il peut dire que Christ « est Seigneur de tous »
(Actes 2:36 ; 10:36). En outre, c’est encore notre privilège de déclarer
les gloires de Celui qui est Seigneur de tous, qu’il s’agisse de ses gloires
personnelles comme Fils éternel, de ses gloires morales, comme Celui dont toute
la Personne est désirable ou de ses gloires officielles comme Roi des rois et
Seigneur des seigneurs.
Sixièmement, le message
que Joseph envoie à Jacob est : « Descends vers moi » (v. 9). Si
Joseph est seigneur de tous et dispose des richesses de gloire pour tous, ce ne
sont toutefois que ceux qui viennent qui obtiennent la bénédiction. S’il a
toute la puissance dans ses mains pour bénir, toute la grâce est dans son cœur
pour attirer à lui — le dispensateur de la bénédiction. Joseph dit en fait à
son père : « Je te désire », car ce n’est pas seulement :
« Descends », mais « descends vers moi
».
Septièmement, le
message parle des bénédictions qui attendent ceux qui « viendront »
(v. 10, 11). Si Jacob consent à venir, les jours de son pèlerinage seront
terminés, car, dit Joseph : « Tu habiteras dans le pays de
Goshen » ; il n’y aura plus ni distance ni éloignement, car « tu
seras près de moi » ; les soucis et les besoins seront bannis, car
« je t’y entretiendrai
».
Le Seigneur de gloire peut encore dire : « Venez à moi, vous tous qui
vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos ».
L’âme qui vient à Lui éprouvera que les jours du pèlerinage sont terminés, la
solitude du cœur désolé a pris fin et la famine du pays lointain est passée.
Dans la compagnie de Christ, il y a repos pour la conscience, satisfaction pour
le cœur et nourriture pour l’âme.
Finalement, le message comporte une parole d’avertissement. Il y a bénédiction indicible pour ceux qui viennent ; il y a danger imminent pour ceux qui tardent. Aussi Joseph dit : « Hâtez-vous… de peur que tu ne sois réduit à la misère, toi, et ta maison » (v. 9, 11). Quel danger infiniment plus grand pour nous si nous méprisons ce message tellement plus grand qui vient du Seigneur dans la gloire ! L’apôtre peut bien demander : « Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut ? » Et encore : « Car si ceux-là n’ont pas échappé qui refusèrent celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux ! » (Héb. 2:3 ; 12:25). Si le message de la grâce découvre un panorama de gloire avec son repos, et sa satisfaction, et sa plénitude, il avertit également ceux qui rejettent le message qu’il ne reste devant eux que la misère de l’enfer où il n’y a ni Dieu, ni Christ, ni espérance.
Tel est le message que Joseph envoie à son père, image du message de l’Évangile que le croyant apporte au monde de la part de Christ, le Seigneur de tous.
C’est un message urgent : « Hâtez-vous ».
C’est un message qui proclame l’exaltation et la gloire du Seigneur de tous.
C’est un message de grâce qui dit : « Venez ».
C’est un message qui parle des bénédictions pour ceux qui « viennent ».
C’est un message d’avertissement pour ceux qui refusent de venir.
Poursuivant l’histoire de Joseph, nous découvrons d’autres riches instructions pour le serviteur du Seigneur. Le message est complet et clair, mais il ne suffit pas de se voir confier un message ; le messager doit être pleinement équipé pour délivrer le message. Les disciples que le Seigneur a envoyés prêcher devaient attendre d’être revêtus de la puissance d’en haut. Et encore, le Seigneur peut dire : « Vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous ; et vous serez mes témoins » (Luc 24:49 ; Actes 1:8). La puissance dans laquelle ils doivent servir vient de la Personne qui leur donne leur mandat, et de la place d’exaltation dans laquelle cette Personne se trouve. Cela n’est-il pas préfiguré dans l’histoire de Joseph ? Car il est dit : « Prenez du pays d’Égypte des chariots pour vos petits enfants et pour vos femmes, et faites-y monter votre père, et venez » (v. 19). Une nouvelle puissance leur était fournie pour leur voyage. Et la puissance qui les ramenait en Canaan était la puissance dans laquelle ils devaient amener leur père vers Joseph. Aussi nous lisons que « Joseph leur donna des chariots » (v. 21).
Joseph peut en outre dire : « Que vos yeux ne regrettent pas vos meubles » (v. 20). Il y a des choses qui nous appartiennent naturellement — l’éloquence de l’homme et la sagesse de l’homme, et il y a des moyens et des méthodes charnels qui font appel à l’homme naturel. Mais, dit l’apôtre : « Ma parole et ma prédication n’ont pas été en paroles persuasives de sagesse, mais en démonstration de l’Esprit et de puissance », et encore il peut dire : « Nous ne combattons pas selon la chair ; car les armes de notre guerre ne sont pas charnelles » (1 Cor. 2:4 ; 2 Cor. 10:3, 4). Dans le service du Seigneur, ce qui est simplement naturel ne doit pas être pris en considération, ni regretté. L’Évangile que nous apportons est trop grand et trop sérieux pour la faiblesse des méthodes charnelles et la légèreté de l’éloquence naturelle.
De plus, si les frères s’étaient rejetés sur leurs propres « meubles » comme support dans leur service, ils auraient méprisé les ressources de Joseph. Par leur action ils auraient déclaré : « Les ressources de Joseph ne suffisent pas pour le mandat que Joseph nous a donné ». Joseph peut toutefois dire : « Le meilleur de tout le pays d’Égypte sera à vous », et en conséquence, « il leur donna des provisions pour le chemin » (v. 20, 21). Dans l’accomplissement de leur service pour Joseph, ils étaient entretenus par le meilleur du pays d’où ils venaient, reçu de la main de celui qui les envoyait. Il n’en est pas autrement dans le service du Seigneur en ce jour de sa grâce. Nous avons reçu une abondance de provisions pour accomplir son service ; et par conséquent, introduire des méthodes humaines dans son service, c’est mépriser ses ressources. En agissant de la sorte, nous disons que le Saint Esprit, et les moyens spirituels, ne sont pas suffisants pour le service du Seigneur. Prenons garde de regretter nos « meubles » et de négliger Ses provisions. Puissions-nous toujours nous souvenir des paroles de celui qui, bien qu’aux yeux du monde un homme illettré et du commun, pouvait dire : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui regarde la vie et la piété » (2 Pierre 1:3).
Une autre leçon que nous pouvons apprendre est que, dans le service du Seigneur, le serviteur n’est pas seulement équipé spirituellement, mais qu’il dépend du Seigneur pour ses besoins temporels. Dès le moment où les frères de Joseph s’engagèrent dans leur sentier de service jusqu’au jour de leur retour, ils furent entretenus par les provisions de Joseph. Ce n’était pas les personnes vers lesquelles ils allaient qui les entretenaient, mais la personne d’auprès de laquelle ils étaient venus. Ils ne devaient pas se servir des choses de Jacob pour accomplir l’œuvre de Joseph. Ainsi, dans le Nouveau Testament, il est parlé de ceux qui « sont sortis pour le nom, ne recevant rien de ceux des nations » (3 Jean 7).
Mais aussi béni que tout cela soit, ce n’est pas suffisant pour le service du Seigneur. Pour que le service soit effectif, la vie du serviteur doit être en harmonie avec le message qu’il délivre. Cette importante vérité est présentée de façon frappante dans la manière d’agir de Joseph envers ses frères. Non seulement il leur donna des provisions pour le chemin, mais nous lisons qu’il « donna à chacun d’eux tous des vêtements de rechange » (v. 22). Ils ne devaient pas seulement délivrer un message concernant la gloire de Joseph, mais ils devaient eux-mêmes être des témoins du changement que la gloire avait opéré. Et, comme nous l’avons vu, les apôtres n’ont pas seulement été envoyés pour prêcher Christ, mais ils devaient eux- mêmes être des témoins pour Christ — « Vous serez mes témoins ». « Ayant dépouillé le vieil homme avec ses actions et ayant revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé », c’est notre privilège et notre responsabilité de manifester le changement de vêtements en donnant expression au caractère de Christ dans tous ses merveilleux traits — miséricorde, bonté, humilité, douceur, longanimité, support, pardon et amour.
Enfin, Joseph envoie ses frères avec la parole d’avertissement : « Ne vous querellez pas en chemin » (v. 24). Et dans ces dernières paroles de la chambre haute, lorsque le Seigneur prépare ses disciples pour être ses témoins, il les exhorte par trois fois à s’aimer les uns les autres (Jean 13:34 ; 15:12, 17). Hélas ! Nous avons failli en chemin. Les Galates, par leur légalisme, ont failli en chemin, car l’apôtre doit dire : « Vous vous mordez et vous dévorez l’un l’autre » (Gal. 5:15). Les Corinthiens, par leur caractère charnel, ont failli en chemin, car l’apôtre écrit : « Il y a des dissensions parmi vous » (1 Cor. 1:11). Et ce qui était au commencement s’est poursuivi au travers de la longue histoire de ce qui professe être un témoignage pour Christ sur la terre. Si l’amour avait prévalu, ni le légalisme, ni le caractère charnel n’auraient eu de place, pour diviser les serviteurs de Christ et gâter leur service pour le Seigneur.
Les frères de Joseph
accomplissent leur mission selon ses directives. Ils « vinrent au pays de
Canaan, vers Jacob, leur père ; et ils lui rapportèrent, disant :
Joseph vit encore ; et même c’est lui qui gouverne tout le pays d’Égypte »
(v. 25, 26). Ils rendent témoignage à un Joseph vivant et exalté, de même
qu’aujourd’hui c’est le privilège du croyant de rendre témoignage au Sauveur
ressuscité et exalté. Un tel témoignage est si incroyable pour l’esprit naturel
qu’il est reçu avec incrédulité. Il en fut ainsi avec Jacob. L’ouïe de la bonne
nouvelle a eu pour premier résultat de manifester son incrédulité. Vingt années
auparavant, ces mêmes hommes avaient apporté à Jacob un rapport mensonger avec
des preuves à l’appui de leur mensonge. Et sans une question, Jacob avait cru
le mensonge. « Joseph a certainement été déchiré », dit-il.
Maintenant ses fils apportent un rapport véridique sur Joseph, avec des preuves
à l’appui de la vérité, et immédiatement Jacob doute. « Son cœur resta
froid, car il ne les crut pas ». À partir du moment où Adam prêta
l’oreille au mensonge du diable, l’homme déchu a toujours naturellement cru au
mensonge. Seule une œuvre de la grâce rend les hommes capables de croire à la
vérité. Aussi nous lisons que ceux qui croient au nom de Christ sont nés
« non pas de sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de
l’homme, mais de Dieu
».
Ainsi, la grâce vainc l’incrédulité de Jacob. Ses fils répètent « toutes les paroles de Joseph, qu’il leur avait dites ». En outre, ils montrent à Jacob « les chariots que Joseph avait envoyés pour le transporter ». La grâce et la bonté de Joseph brisent l’incrédulité de Jacob. Lorsqu’il vit les chariots que Joseph avait envoyés pour le transporter, l’esprit de Jacob leur père se ranima ; et Israël dit : « C’est assez ! Joseph mon fils vit encore ». Voilà la confession de la foi. Il crut dans son cœur et confessa de sa bouche la vérité. Et il n’y a pas d’autre voie de bénédiction pour un pécheur aujourd’hui. Nous écoutons peut-être d’abord la bonne nouvelle avec incrédulité ; mais lorsque nous entendons la grâce des paroles de Christ et que nous voyons que tout a été fait en vue de notre bénédiction, nos cœurs sont gagnés — la bonté de Dieu pousse à la repentance — nous croyons dans notre cœur. Jacob voit que Joseph a tout prévu afin qu’il soit personnellement béni ; de même nous voyons que Christ a accompli une grande œuvre pour que nous soyons sauvés individuellement, et que Dieu est satisfait de cette œuvre, car il a ressuscité Christ d’entre les morts. Nous croyons dans notre cœur et confessons de notre bouche Jésus comme Seigneur, et nous sommes sauvés (Rom. 10:10).
Jacob — l’homme si
souvent caractérisé par l’incrédulité et les voies détournées — ne peut pas
croire la bonne nouvelle ; mais aussitôt qu’il emploie le langage de la
foi, Dieu lui donne son nouveau nom « Israël ». Jacob exprimait tout
ce qu’il était par nature ; Israël tout ce qu’il était par grâce. Non seulement
la foi est réveillée dans le cœur de Jacob, mais l’amour s’exprime pour
Joseph : « J’irai, et je le
verrai avant que je meure
». Tel est le langage de l’amour qui n’est
satisfait par rien moins que celui qui en est l’objet. Le cœur qui a été gagné
par la grâce de Christ ne sera pas satisfait à distance. Le test de l’amour
est : désire-t-il la compagnie de l’être aimé ? Nous contentons-nous
de dire : « Nous le verrons lorsqu’il viendra, ou lorsque nous
mourrons » ou disons-nous : « J’irai, et je le verrai avant que
je meure ». Savez-vous ce que c’est que chercher sa compagnie et goûter la
joie de sa présence avant de mourir ?
Pour rejoindre Joseph, Israël devait se mettre en route (46:1). Il devait quitter la scène de toutes ses affections naturelles. De même pour nous : si nous devons aller à Christ là où il est, il nous faut oublier les choses qui sont derrière. Israël arrive ainsi dans le nouveau pays — le pays de Goshen et là il rencontre son fils Joseph, et Joseph « se montra à lui » (46:29). Si Israël languit après la compagnie de son fils, Joseph de son côté se plaît à se montrer à Israël. Si nous recherchons la compagnie de Christ, nous verrons que Christ se plaît à se révéler à nous. Cherchons-nous, comme les deux disciples de Jean 1, à connaître Christ dans sa propre demeure ? nous serons accueillis par les paroles pleines de grâce du Seigneur : « Venez et voyez » (Jean 1:38, 39).
Israël peut alors dire : « Que je meure à présent, après que j’ai vu ton visage, puisque tu vis encore » (v. 30). L’homme qui avait toujours parlé de mort et de crainte du shéol n’a maintenant plus peur de la mort parce que Joseph vit. C’est en voyant que Christ est ressuscité, et en contemplant sa face que nos âmes seront délivrées de la crainte de la mort.
Ainsi Israël, et tout ce qui était à lui, vint à Joseph exalté. Les propos de Dieu tels qu’ils avaient été présentés dans les songes de Joseph trouvent leur accomplissement. Ce qui suit montrera comment Joseph emploie sa position de suprématie universelle pour la bénédiction de ceux qui se soumettent à lui.
Il est profondément instructif de suivre la main de Dieu dans chaque pas du sentier de Joseph, dès les jours de sa jeunesse lorsqu’il paît le bétail en Canaan, jusqu’au jour de sa gloire lorsqu’il est établi sur tout le pays d’Égypte. Les divers personnages qui ont marqué son chemin — le père qui l’aimait, les frères qui le haïssaient, les marchands qui l’emmenèrent en Égypte, le chef des gardes qui lui donna de l’avancement, la femme qui le calomnia, le geôlier qui manifesta de la bonté à son égard, l’échanson qui l’oublia et le roi par lequel il fut élevé — ont tous été des instruments inconscients pour l’accomplissement du propos de Dieu à son égard.
De même, les différentes scènes de sa vie — les champs de Dothan, la citerne vide, la maison de Potiphar, la prison et le palais — ont été autant d’étapes sur le chemin qui l’a mené à la gloire ; et, ses diverses occupations comme berger, esclave, surveillant sur la maison de Potiphar et gardien de la prison du Pharaon, l’ont préparé pour l’exercice de la gloire.
Cet exercice de la gloire — la manière dont il fait usage de sa position de puissance suprême — est placé devant nous d’une manière très frappante dans cette portion de l’histoire de Joseph. Cette grande puissance nous est présentée sous trois aspects.
D’abord, Joseph se sert
de sa suprématie pour amener toute chose dans une soumission absolue à
lui-même. Toute la richesse de l’Égypte passe dans ses mains :
« Joseph recueillit tout l’argent qui se trouva dans le pays d’Égypte et
dans le pays de Canaan » (47:13, 14). Puis quand l’argent vint à manquer,
Joseph réclame leur bétail. Il dit : « Donnez votre bétail » et
nous lisons qu’« ils amenèrent leur bétail à Joseph » (v. 15-17).
Enfin, l’argent épuisé, le bétail cédé, ils disent qu’il ne reste plus rien que
« nos corps et nos terres » et ainsi ils ajoutent :
« Achète-nous
, et nos terres
, contre du pain ». Et
nous lisons que « Joseph acheta tout le sol de l’Égypte », et
« quant au peuple, il le fit passer dans les villes, d’un bout des limites
de l’Égypte jusqu’à l’autre bout » (v. 20, 21).
Tout passe ainsi sous le contrôle absolu de Joseph — l’argent, le bétail, le pays et finalement le peuple lui-même. Les paroles du Pharaon s’accomplissent littéralement : « Sans toi nul ne lèvera la main ni le pied dans tout le pays d’Égypte » (41:44). Joseph se sert de sa puissance pour soumettre toutes choses. Jamais auparavant ou dès lors aucun roi terrestre n’a élevé de telles prétentions. Mis à part l’enseignement typique, le fait historique est sans parallèle dans l’histoire du monde. De nombreux potentats ont élevé des revendications écrasantes, mais aucun n’a jamais osé réclamer tout ainsi que l’a fait Joseph. En outre, ceux qui ont eu de grandes revendications sur leurs sujets ont été incapables de les exécuter ; ou s’ils ont essayé, ils ont provoqué la rébellion et la révolution. Joseph, lui, non seulement élève des revendications inouïes, mais encore les mène à bien sans qu’une voix ne s’élève en rébellion.
De plus, un deuxième
fait est à remarquer : en réclamant tout, Joseph le fait pour le Pharaon.
Si Joseph récolte tout l’argent, nous lisons qu’il « fit entrer l’argent
dans la maison du Pharaon » (v. 14) ; de même, si le pays est placé
sous la domination de Joseph, nous lisons qu’il « acheta tout le sol de
l’Égypte pour le Pharaon
» (v.
20). Et quant au peuple, Joseph peut dire : « Voici, je vous ai
achetés aujourd’hui, et vos terres, pour
le Pharaon
». Ainsi Joseph se sert de son pouvoir suprême, non pas
pour son propre avancement, mais pour la gloire du Pharaon.
Enfin, un troisième
fait frappant doit encore être souligné. Si la puissance de Joseph est employée
pour tout soumettre au Pharaon, sa suprématie universelle est utilisée pour la bénédiction du peuple
. Si la
gloire du Pharaon est maintenue, la bénédiction du peuple est assurée, mais
seulement dans la mesure où il se soumet sans réserve à Joseph.
Dans tout cela Joseph est un type frappant de Christ dans la gloire. Si nous devons être retirés de la puissance actuelle de méchanceté, rien n’est plus important que de réaliser la position de puissance suprême de Christ et de se soumettre à lui. Il y a de grandes puissances dans les cieux — des anges, des principautés et des autorités ; il y a de grandes puissances dans le monde — des rois et tous ceux qui ont une place d’autorité ; il y a de grandes puissances dans le monde inférieur — le diable et ses anges ; mais le Seigneur Jésus est établi dans une suprématie absolue au-dessus de toute puissance. Il est établi « au-dessus de toute principauté, et autorité, et puissance, et domination, et de tout nom qui se nomme, non seulement dans ce siècle, mais aussi dans celui qui est à venir ». Mais si le Père a glorifié le Fils, c’est pour que le Fils puisse glorifier le Père, comme le Seigneur peut le dire dans sa prière sublime : « Père, l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie » (Jean 17:1). En outre, si le Père est glorifié, les siens sont bénis. Ainsi nous lisons : « Comme tu lui as donné autorité sur toute chair, afin que, quant à tout ce que tu lui as donné, il leur donne la vie éternelle ». La gloire que le Père a donnée au Fils est employée pour la gloire du Père et la bénédiction des siens.
Il en sera de même dans le jour à venir où Christ, comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, déploiera sa puissance pour assujettir toutes choses, à la gloire de Dieu et pour la bénédiction des hommes sous son règne millénaire. Et ainsi « il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous les ennemis sous ses pieds : le dernier ennemi qui sera aboli, c’est la mort ». « Mais quand toutes choses lui auront été assujetties, alors le Fils aussi lui-même sera assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ». Cela introduira les nouveaux cieux et la nouvelle terre où Dieu habitera et où les hommes seront bénis.
Que nous pensions au jour actuel de la grâce, au Millénium que la terre attend ou aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre qui s’étendent loin dans l’éternité, tout dépend de la gloire et de la puissance suprêmes de Celui qui a été une fois rejeté par l’homme.
Et Celui qui est le
garant de tout pour la gloire de Dieu et la bénédiction de l’homme sera le
centre de la louange céleste. Comme aux jours d’autrefois, ceux qui avaient été
bénis par Joseph viennent à Joseph pour dire : « Tu nous as conservé la vie
» (47:25). Ils reconnaissent qu’ils
doivent tout à Joseph. De même la foule innombrable des rachetés se plaît à
dire : « Tu es digne… car tu as été immolé, et tu as acheté pour
Dieu par ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation ».
Non seulement le peuple a été conservé en vie par Joseph, mais il a connu la prospérité sous lui. Nous le voyons dans l’histoire d’Israël et de ses fils. Le Seigneur Jésus fait infiniment plus pour les siens que les sauver de la famine du monde. Il nous introduit dans un bon pays, un pays céleste et nous bénit de bénédictions spirituelles, et dans la mesure où nous entrons dans ces bénédictions spirituelles, nous croîtrons dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ.
Les deux dernières scènes de cette histoire présentent un contraste frappant entre la foi de Joseph mourant et l’incrédulité de ses frères. Si la première scène, décrite dans les versets 15-21, donne un tableau affligeant d’incrédulité chez les frères de Joseph, il déploie aussi la grâce parfaite de ce dernier. Une crise dans l’histoire de ses frères manifeste qu’ils ne connaissaient pas véritablement le cœur de Joseph et qu’ils n’avaient par conséquent pas vraiment confiance en lui.
Joseph leur avait
conservé la vie par une grande délivrance (Gen. 45:7) ; il leur avait
donné « ce qu’il y a de meilleur » du pays d’Égypte et les avait
fournis de pain (47:12). Pendant dix-sept ans, ils avaient été les
bénéficiaires de la bonté de Joseph et les objets particuliers de ses soins et
de son amour, et pourtant, lorsqu’une crise surgit, il s’avère qu’ils ne le connaissent
pas personnellement. Ils connaissaient quelque chose de sa grandeur et de sa
gloire ; ils connaissaient la grande œuvre qu’il avait accomplie, ils
savaient que toutes les bénédictions dont ils jouissaient étaient dues à sa
position et à son œuvre, mais ils ne connaissaient pas personnellement sa
pensée et son cœur. C’est comme s’ils disaient : « Nous savons ce
qu’il a fait pour nous, mais nous
ignorons ses sentiments à notre égard
».
Et ne connaissant pas
sa pensée, lorsque la crise survient, il devient évident qu’ils n’ont pas confiance
en lui ; et par
conséquent ils concluent qu’il pensera et agira envers eux comme eux avaient
pensé et agi envers lui.
Ils se souviennent que lorsque Joseph n’était qu’un jeune garçon de dix-sept ans, « ils le haïssaient, et ne pouvaient lui parler paisiblement », et maintenant, ils en arrivent à cette conclusion : « peut-être Joseph nous haïra-t-il ». Leur conscience leur rappelle la méchanceté avec laquelle ils avaient agi envers Joseph et maintenant ils disent : il ne manquera pas « de nous rendre tout le mal que nous lui avons fait ». Ils jugent de ses pensées d’après leurs pensées, de son cœur d’après leurs cœurs, de ses actes d’après leurs actes.
Hélas ! Ne
ressemblons-nous pas souvent, nous chrétiens d’aujourd’hui, aux frères de
Joseph d’autrefois ? Nous connaissons quelque chose de la gloire de la
Personne de Christ, nous connaissons quelque chose de l’efficace de son œuvre,
nous jouissons des bienfaits qui résultent de son œuvre accomplie à la croix,
et de son service actuel dans la gloire, mais lorsqu’une petite crise survient
dans notre histoire, nous manifestons combien peu nous connaissons son cœur et,
par conséquent, combien peu nous avons confiance en Lui. Il nous manque cette
connaissance personnelle intime de Christ, par laquelle seule nous apprenons à
connaître sa pensée d’une manière telle que nous pouvons dire non
seulement : « Je sais ce qu’il a fait pour moi », mais « Je sais quelles sont ses pensées à mon égard
».
Aussi lorsqu’une épreuve spéciale surgit, nous sommes plongés, comme les frères
de Joseph, dans de profonds exercices d’âme. Quelqu’un a dit très
justement : « Rien n’a davantage contribué à l’absence d’un
« œil simple » chez les saints aujourd’hui que le manque d’entretiens
personnels avec le Seigneur. Il y a eu un grand zèle, un zèle croissant pour
acquérir la connaissance des Écritures, mais une connaissance personnelle du
Seigneur n’a pas été recherchée dans une mesure proportionnelle ».
Les frères de Joseph
avaient entendu les paroles pleines de grâce de Joseph lorsqu’ils s’étaient
trouvés seuls avec lui, mais ne connaissant pas son cœur, ils étaient peu
entrés dans la signification complète et profonde de ses paroles. Nous aussi,
nous pouvons avoir une grande connaissance des mots de l’Écriture et pourtant
ignorer les grandes vérités qu’ils contiennent. Seule la connaissance de Christ
donnera une vraie intelligence. Aussi l’apôtre dit-il dans sa prière :
« Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, vous
donne l’esprit de sagesse et de révélation dans sa connaissance
». Les connaissances scolaires — la connaissance
du grec et de l’hébreu — aussi utiles soient-elles à leur place, ne nous
donneront jamais l’esprit
de sagesse
et de révélation. De telles connaissances peuvent donner l’intelligence de la
lettre de la révélation, mais non pas l’esprit de révélation. Il nous faut
connaître la pensée de Christ pour comprendre les paroles de Christ.
L’Écriture parle d’une connaissance extérieure qu’on peut acquérir par ouï-dire ou par la vue, et aussi d’une connaissance consciente — cette connaissance personnelle par laquelle nous pouvons discerner la pensée de quelqu’un. C’est de cette dernière connaissance que Paul parle lorsqu’il dit : « Pour le connaître, lui, » et c’est cette connaissance qui nous fait si souvent défaut. Nous connaissons les choses glorieuses qu’il a faites et nous en jouissons, mais connaissons-nous le cœur de Celui qui a tant fait pour nous de manière à pouvoir dire : « Je sais quelles sont ses pensées à mon égard » ?
Le manque d’une vraie
connaissance du cœur de Joseph et l’absence de confiance en lui qui en résulte,
sont mis en évidence dans le message que ses frères lui envoient. Et plus
grave, ils cherchent à cacher leur propre incrédulité et leur méfiance à son
égard en prétendant transmettre seulement les derniers commandements du père de
Joseph. Il est impossible de croire que Jacob a laissé un tel commandement.
Oubliant totalement le pardon de Joseph quant à tout leur triste passé, ils
implorent maintenant le pardon. Malgré toute la grâce et tout l’amour que
Joseph avait manifestés, leur conscience mal à l’aise les conduit à nourrir la pensée
que Joseph a encore quelque chose contre eux. Et pour nous, si nous ne vivons
pas dans la proximité de Christ — si nous n’avons pas appris à connaître son
cœur — nous pouvons, lorsque la conscience commence à agir à cause d’un péché,
d’un manquement et d’une marche insouciante, encore penser que Christ est
contre nous à cause d’une chose que nous avons faite et, comme les frères de
Joseph, demander pardon. Et pourtant, quelque grand que puisse être le
manquement d’un vrai croyant, l’Écriture ne suggère jamais qu’il ait à implorer
le pardon, comme si cette question n’était pas réglée entièrement et pour
l’éternité ; il est plutôt exhorté à confesser
son péché pour que la communion puisse être rétablie.
Ce manque de confiance,
après tout l’amour qui leur avait été prodigué, brise le cœur de Joseph. Il
« pleura quand ils lui parlèrent » (v. 17). La chose la plus triste
dans tout ce triste monde, c’est l’amour qui n’est pas payé de retour. Mais
bien que ses larmes trahissent combien profondément il ressentait cela, il ne
prononce pas un mot de reproche. Les larmes auraient certainement suffi à
chasser leur incrédulité. Mais Joseph les amène à une connaissance personnelle
de lui-même en leur donnant à connaître que dans son cœur, il n’y a rien d’autre que de l’amour envers eux, bien qu’il connaisse
parfaitement la méchanceté de leurs cœurs à son égard
.
« Vous, vous aviez pensé du mal contre moi », dit-il, mais il peut ajouter : « Ne craignez point ». Il dit en quelque sorte : « Je connais toute la méchanceté de vos cœurs à mon égard, mais vous n’avez rien à craindre, car il n’y a rien que de l’amour dans mon cœur pour vous ». Et ainsi, une fois encore, il ôte toute crainte quant au passé et toute anxiété quant à l’avenir, car il ajoute : « Moi je vous entretiendrai, vous et vos petits enfants ». Et ainsi, « il les consola, et parla à leur cœur ». L’amour parfait chasse la crainte.
Quelle différence de situation doit avoir résulté pour ces frères de cet entretien. Après cela, si quelqu’un avait cherché à jeter un doute sur l’amour de Joseph, ils auraient certainement dit : Nous avons été dans sa présence, nous avons appris à le connaître personnellement ; nous connaissons ses pensées. Non seulement nous savons ce qu’il a fait pour nous, mais nous savons quelles sont ses pensées à notre égard.
Dans la scène finale entre Joseph et ses frères, la foi de Joseph s’élève au-dessus de toutes les gloires de ce monde passager et se porte sur un monde meilleur et plus brillant, encore à venir. Il ne pense plus aux choses qu’il avait souffertes, au pouvoir qu’il avait exercé ou au bien qu’il avait pu faire, ni n’en parle. Il oublie les choses qui sont derrière et tend avec effort vers celles qui sont devant.
Isaac, en son jour, alors qu’il était vieux et que ses yeux étaient affaiblis au point de ne plus voir, eut par la foi une vision claire d’un autre monde et parla « à l’égard des choses à venir ». Jacob, plus tard, quand il allait mourir, animé d’une foi pareille, a une vision des gloires à venir et adore appuyé sur le bout de son bâton. Et maintenant Joseph, sur le point de s’engager dans la vallée, aperçoit les collines qui sont au-delà, et s’élevant au-dessus de toutes les choses passagères, s’empare par la foi du monde à venir.
Et Dieu se plaît à
mettre le sceau de son approbation sur la foi de ces saints mourants — une foi
qui brille dans sa plus grande vigueur au moment où la nature connaît sa plus grande
faiblesse. Ce ne sont pas les grands actes qu’ils peuvent avoir accomplis au
cours de leur vie active, mais c’est la foi brillant au milieu de la faiblesse
de l’âge et de la fragilité de leurs derniers moments qui leur a valu la
dignité de figurer dans la liste que Dieu nous a laissée de saints du passé. La
foi d’autres saints peut briller en vainquant les difficultés du chemin, en
échappant aux pièges de l’ennemi et en triomphant des tentations du monde, mais
la foi de ces trois saints est distinguée par le fait qu’elle oublie toutes les
choses visibles et passagères, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, grandes ou
petites, et se porte sur un autre monde
.
Et cela est d’autant plus frappant dans le cas de Joseph qu’il avait occupé une
place si élevée devant le monde en son temps et en sa génération. Il comprend
que toute la gloire de l’Égypte prend fin dans un cercueil en Égypte. Il avait
occupé avec dignité une position de grande puissance et de grande gloire dans
ce monde, une place telle qu’aucun homme auparavant ou dès lors n’a jamais eue,
mais on trouve la fin de toute la gloire de l’Égypte dans ces paroles
significatives : « On le mit
dans un cercueil en Égypte
».
Ainsi, il ne parle plus de l’homme et du petit monde de l’homme, mais de Dieu — du Dieu vivant, de la fidélité de Dieu, de la puissance de Dieu et du pays de Dieu. « Je meurs », dit Joseph. La vie de l’homme qui avait conservé la vie des autres par une grande délivrance (Gen. 45:7) s’éteint rapidement, mais si Joseph meurt, Dieu vit ; si Joseph s’en va, Dieu demeure. Et il remet ses frères entre les mains du Dieu vivant et immuable. Bien qu’il soit retiré d’auprès d’eux, il peut dire avec l’assurance de foi la plus entière : « Dieu vous visitera certainement ». Le Dieu vivant est leur ressource infaillible face à Joseph mourant.
En outre, Dieu agira puissamment en faveur de son peuple, car, dit Joseph, il « vous fera monter de ce pays-ci ». Joseph avait vécu longtemps en Égypte. Il « vit les fils d’Éphraïrn de la troisième génération » (v. 23). Ils étaient bien établis dans le pays d’Égypte. Pour la nature rien ne semblait moins probable que le jour où ils auraient à quitter le pays d’Égypte pour aller dans un pays qu’ils n’avaient jamais vu ; mais la foi, s’élevant au-dessus des choses visibles et refusant de raisonner selon les pensées de la nature, voit d’une vision claire que, si même le peuple de Dieu doit séjourner un temps dans le pays d’Égypte, ce n’est pas le pays de repos que Dieu a promis à son peuple. Séjourner comme étranger dans le pays d’Égypte peut faire partie des voies de Dieu envers son peuple, mais n’a pas de place dans le propos de Dieu pour son peuple.
La foi de Joseph entre ainsi dans le pays de la promesse. Aussi sûrement que Dieu visitera son peuple en grâce pour le faire sortir d’Égypte, il étendra sa main en grande puissance et en délivrance pour l’introduire dans le pays de son conseil : — « Un pays bon et spacieux… un pays ruisselant de lait et de miel ». En outre, ce bon pays, avec toutes ses bénédictions et sa gloire, qui est placé devant la foi de Joseph mourant, est assuré au peuple par la promesse inconditionnelle de Dieu, faite à Abraham, à Isaac et à Jacob. Joseph va mourir, mais nulle ombre ne vient assombrir l’heure de son départ, car il voit par la foi que toute bénédiction jusque dans un lointain avenir repose sur la fidélité et la puissance du Dieu vivant.
Ainsi, dans la puissance de la vision du Dieu vivant qu’il a eue par la foi, Joseph donne des ordres touchant ses os. Ils ne doivent pas rester en Égypte. Quel témoignage le cercueil de Joseph a dû être pour les Israélites pendant tous ces longs siècles, leur rappelant sans cesse que la mort elle-même ne peut pas empêcher le Dieu vivant d’accomplir ce qui est son bon plaisir et d’exécuter son propos envers son peuple. Aussi, en accord avec le serment fait à Joseph, lorsque enfin ils quittent le pays d’Égypte, « Moïse prit les os de Joseph avec lui » (Ex. 13:19), afin qu’ils soient encore un témoignage de la foi en Dieu pendant les quarante ans de la traversée du désert. Et quand enfin ils atteignent le pays de la promesse, ses os sont enterrés « dans la portion de champ que Jacob avait achetée des fils de Hamor » (Josué 24:32), pour reposer là dans la poussière de la terre jusqu’à ce que Joseph ressuscite pour la vie éternelle et se tienne dans son lot à la fin des jours.
Il en est de même du peuple de Dieu aujourd’hui. La foi regarde encore au-delà de la vallée de l’ombre de la mort, vers la maison du propos éternel de Dieu. En présence de la mort, la foi, comme dans le passé, se repose sur le Dieu de résurrection, mais avec une vision encore plus claire, car nous voyons Christ ressuscité d’entre les morts, assis à la droite de Dieu, tenant dans sa main les clés de la mort et du hadès. Lorsque nous considérons par la foi l’Homme ressuscité dans la gloire, puissions-nous faire descendre dans notre estime les gloires passagères de ce monde mortel, afin qu’oubliant les choses qui sont derrière, nous tendions avec effort vers celles qui sont devant, dans l’attente du moment où le Seigneur visitera certainement les siens — lorsque « le Seigneur lui-même, avec un cri de commandement, avec une voix d’archange, et avec la trompette de Dieu, descendra du ciel ; et les morts en Christ ressusciteront premièrement ; puis nous, les vivants qui demeurons, nous serons ravis ensemble avec eux dans les nuées à la rencontre du Seigneur, en l’air ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur ».
Ainsi, tandis que pour la vue tout peut sembler prendre fin dans un cercueil en Égypte, la foi voit ce moment glorieux où nous serons ravis en l’air pour être toujours avec le Seigneur. « Consolez-vous donc l’un l’autre par ces paroles ».