Michael Hardt
Truth & Testimony 2019-1 p.24
1 - « Le propos de Dieu selon l’élection » — Rom. 9:11
3 - L’occasion amenant à traiter la question
4.1 - Exemple 1 : Isaac et Ismaël
4.2 - Exemple 2 : Jacob et Esaü
4.3 - Exemple 3 : Israël dans le désert
5 - Une dernière illustration : le potier et l’argile
Il y a une question qui a souvent contrarié certains et déconcerté d’autres. Elle effleure de nombreux esprits et pourtant, pour des raisons qu’on va voir, nous sommes quelque peu réticents à la poser. Cette question porte sur la justice, les droits et les prérogatives de Dieu. En bref, elle se résume à ceci : Dieu est-Il souverain ? Peut-Il agir selon Son bon plaisir, comme Il l’entend ? Dieu a-t-Il le « droit » de faire miséricorde à qui Il veut ? Et a-t-Il le « droit » d’endurcir un cœur ?
La réponse basique est très simple : l’homme ne doit pas critiquer Dieu, ni remettre en cause Ses droits. « Toi, ô homme, qui es-tu, qui contestes contre Dieu ? » (Rom. 9:20). Dieu a toujours le droit. L’homme, être humain fini, limité et créé, n’a absolument aucun droit de contester contre Dieu en aucune manière. Quand nous écrivons ou parlons de Dieu, veillons à le faire avec la révérence qui Lui est due.
Et pourtant, Paul aborde cette question de manière assez détaillée — non pas dans un esprit d’accusation, bien sûr, mais pour fournir une défense solide de la souveraineté de Dieu. Le fait que cette souveraineté n’enlève pas un milligramme à la responsabilité de l’homme est établi clairement par le même apôtre dans la même lettre (Rom. 1:17-18), ainsi que par de nombreux autres versets du même apôtre et d’autres auteurs inspirés (par exemple Jean 3:16,18,36 ; 5:24 ; 1 Jean 5:10). Cependant, dans cet article, nous nous limitons à offrir quelques réflexions sur le premier côté de la médaille, à savoir la souveraineté de Dieu, telle que Rom. 9 l’expose.
En Romains 9, Paul traite de la question de la souveraineté de Dieu de manière assez longue et frappante. Dans les huit premiers chapitres, Il a présenté l’évangile de Dieu touchant Son Fils (Rom. 1:1, 3). Il a établi le fait que tous ont péché, qu’aucun homme n’est juste, mais que tous peuvent être justifiés par la grâce, par la foi, et sur la base du sang de Christ (3:23-24 ; 5:1).
Il s’agissait là d’un message merveilleux, mais qui anéantissait les privilèges nationaux des Juifs. Ils savaient que Dieu avait choisi un peuple, Israël, pour une bénédiction spéciale et pour être approchés de Dieu. Il devait y avoir aussi des bénédictions pour les Gentils, mais (a) pas dans la même mesure, et (b) par l’intermédiaire d’Israël. La position spéciale du peuple d’Israël était hautement appréciée et faisait souvent l’objet d’une grande fierté nationale.
L’évangile présenté par Paul coupait l’herbe sous les pieds de ces Juifs. Si tous les hommes étaient sur un pied d’égalité, si tous étaient des pécheurs perdus, si tous avaient également besoin de la grâce et si tous pouvaient également être sauvés par grâce, où était l’avantage national d’Israël ? Qu’allait-il advenir des promesses non encore accomplies et qui avaient été données spécifiquement à ce peuple ?
C’est dans ce contexte que Paul traite la question de la souveraineté de Dieu. La question immédiate était la suivante : Dieu est-Il « juste » en faisant preuve d’une telle grâce illimitée envers les Gentils ? Ou encore : Dieu « peut-Il » combler les croyants Gentils de bénédictions qui font de l’ombre à tout ce qui a été promis à Israël ? La réponse inspirée de Paul est claire et sans ambiguïté : « oui, Il le peut » !
Après avoir exposé au premier paragraphe de Rom. 9, que lui, Paul, aimait Israël et qu’Israël avait de nombreux avantages (les alliances, les pères, les promesses et, selon l’ascendance humaine, le Messie), Paul poursuit en prouvant que Dieu était absolument juste et avait le droit de choisir d’autres personnes pour les bénir. Pour ce faire, il s’appuie sur quatre exemples tirés de l’Ancien Testament.
Dans le paragraphe suivant (Rom. 9:6-9), Paul se réfère à un exemple frappant qui devait être très familier aux objecteurs juifs : Isaac et Ismaël. Isaac, bien sûr, était l’enfant de la promesse, tandis qu’Ismaël ne l’était pas. La bénédiction nationale d’Israël ne dépendait donc pas vraiment du fait d’avoir Abraham comme ancêtre, mais bien plutôt du concept de « promesse ». Les promesses de Dieu, dans la Bible, sont des engagements gratuits, immérités, d’intervenir en bénédiction (voir 1 Rois 8:24, 56 ; etc.). Aucun Israélite n’avait jamais soulevé aucune objection à ce que Dieu choisisse Isaac pour le bénir. Comment pourraient-ils faire maintenant des objections à ce que Dieu choisisse d’autres personnes pour une bénédiction encore plus grande ? Même la bénédiction d’Israël ne dépendait pas de son origine naturelle, mais de la libéralité, de la promesse et du choix souverain de Dieu.
Si un Israélite devait faire des objections à la souveraineté de Dieu et insister sur la descendance naturelle comme seule base de la bénédiction, il perdrait sa propre bénédiction ou devrait reconnaître les Ismaélites comme étant sur le même pied (et même les Edomites, selon l’exemple suivant). Aucune de ces options n’était acceptable.
Cependant, les opposants à Paul pouvaient faire valoir que si Isaac et Ismaël avaient le même père, ils n’avaient pas la même mère. L’un était le fils d’une femme libre, l’autre le fils d’une servante (ce qui est vrai : Gal. 4:22-23). Cela étant, Paul utilise un deuxième exemple (Rom. 9:10-13) pour montrer que c’est le choix de Dieu, et non pas l’ascendance, qui est le facteur déterminant (et à cette occasion il fait aussi valoir un autre point sur lequel nous reviendrons dans un instant, à savoir la différence entre l’élection et la préconnaissance).
L’exemple est magnifiquement choisi et pertinent : Jacob et Ésaü, deux fils du même père, Isaac, ainsi que de la même mère, Rebecca. Pourtant, malgré une généalogie identique, Dieu en a sélectionné un pour une bénédiction spéciale : « Le plus grand sera asservi au plus petit » (Rom. 9:12). Quel Juif ferait des objections à ce que Jacob ait été béni, et non Ésaü, ou qu’Israël ait été choisi pour être béni, et non Edom ?
« Mais », pourraient répondre certains, « regardez la vie des deux frères jumeaux ». Ésaü a été un « profane » (Héb. 12:16), tandis que Jacob a appris de nombreuses leçons à l’école de Dieu et a terminé sa vie en adorateur (Héb. 11:21). « Attendez un instant », entendons-nous Paul répondre, « quand est-ce que Dieu a prononcé la bénédiction sur Jacob ? » Dieu a choisi Jacob avant qu’aucun des jumeaux ne soit né : « avant que les enfants fussent nés et qu’ils n’eussent rien fait de bon ou de mauvais » (Rom. 9:11). Il est clair que le choix de Dieu était souverain, fondé sur Sa propre volonté, et non sur les actions de Jacob ou d’Ésaü.
« Mais », dira un autre objecteur : « n’est-ce pas simplement de la prévision ? Dieu savait à l’avance quel genre de personne Ésaü allait être et Il a choisi Jacob plutôt qu’Ésaü en raison de Sa préconnaissance des deux frères ». Non, ce n’était pas le cas. Paul le dit très clairement en ajoutant le commentaire suivant entre parenthèses : « afin que le propos de Dieu selon l’élection, demeure, non point sur le principe des œuvres, mais de celui qui appelle » (Rom. 9:11b). En reprenant ces points :
1. Le propos de Dieu est selon l’élection, c’est-à-dire selon le choix souverain de Dieu. Ce principe « demeure ».
2. Il n’est « point sur le principe des œuvres » — ni des œuvres accomplies au moment où Dieu choisit, ni des œuvres réalisées ultérieurement : ce n’est pas du tout « sur le principe des œuvres » ! Voir aussi le verset 16.
3. C’est « de celui qui appelle ». Voici la véritable source, l’origine et le centre du propos divin et de l’élection : cela vient de « celui qui appelle », de Dieu lui-même.
Au verset 13, Paul ajoute une autre déclaration importante : « ainsi qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob, et j’ai haï Ésaü ». Auparavant, Paul avait cité le premier livre de l’Ancien Testament ; maintenant, il cite le dernier, Malachie. De nombreuses années s’étaient écoulées depuis que Dieu avait annoncé son choix de Jacob. Les deux frères avaient grandi et vécu leur vie. Au cours des siècles suivants, la famille d’Ésaü avait perpétué le caractère profane de leur père. Ce n’est qu’alors que Dieu a déclaré qu’Il haïssait Ésaü.
Une fois de plus, personne ne doit oser accuser Dieu : « Que dirons-nous donc ? Y a-t-il de l’injustice en Dieu ? Qu’ainsi n’advienne ! » (Rom. 9:14).
Paul poursuit avec un troisième exemple pour démontrer combien il serait absurde — et contre-productif si l’on veut défendre la position de bénédiction d’Israël — d’accuser Dieu d’être injuste au motif qu’Il a béni ceux qui ne méritaient rien. Ne se souvenaient-ils pas de ce que Dieu avait dit à Moïse dans le désert ? « Je ferai miséricorde à celui à qui je fais miséricorde, et j’aurai compassion de qui j’ai compassion » (Rom. 9:15). Cette déclaration fut faite en Exode 33 après qu’Israël eut violé la loi et adoré le veau d’or et, de ce fait, ait rompu l’alliance et perdu tous ses privilèges. Dieu aurait pu les consumer en un instant. Mais Il ne l’a pas fait. Il a fait preuve de miséricorde. Et sur quelle base ? Ce ne pouvait être le mérite, car ils n’en avaient aucun. C’était sur la base de Sa propre volonté pure et inexplicable. Les Juifs auraient certainement accepté ce fait ; seulement ils n’avaient pas réalisé, ou ils avaient perdu la conscience du principe impliqué, à savoir que la miséricorde ne dépend pas des actions, ni même de la volonté, de ceux qui la reçoivent (Rom. 9:16).
Par conséquent, s’ils faisaient des objections à ce que les Gentils soient bénis sur la base de la pure miséricorde, ils devaient s’opposer à leur propre bénédiction, qui était fondée sur la miséricorde de la même manière.
Le quatrième exemple fait un pas de plus. Le cas du Pharaon est présenté afin de démontrer un autre aspect de la souveraineté de Dieu. La conclusion de cette section est la suivante : « Ainsi donc, il fait miséricorde à qui Il veut, et Il endurcit qui Il veut » (Rom. 9:18). La première partie de cette phrase a déjà été illustrée par les cas d’Isaac, de Jacob et d’Israël. Tous avaient reçu une miséricorde imméritée. Mais la dernière partie du verset 18 pose un défi encore plus grand, du moins à première vue : « Il endurcit qui Il veut ».
Pour comprendre cette section, nous devons prendre conscience de deux faits. Le premier est que Dieu est souverain — c'est-à-dire qu’Il a le droit d’agir comme Il veut — et qu’Il n’est pas lié par les actions de l’homme ou par son caractère. Il est le potier, et nous sommes l’argile (Rom. 9:20-22). L’autre fait est que dans toute l’histoire, et dans toute la Parole de Dieu, il n’y a pas un seul cas et pas une seule indication que Dieu ait jamais utilisé son droit d’endurcir les gens sans une très bonne raison de le faire.
Le Pharaon en est un bon exemple. Il est vrai que Dieu a endurci le cœur du Pharaon, mais seulement après que le Pharaon ait fait preuve d’une arrogance extrême et incroyable en disant : « Qui est l’Éternel pour que j’écoute sa voix ? » (Ex. 5:2) — et seulement après que lui, le Pharaon, ait endurci son propre cœur à plusieurs reprises. En fait, l’Esprit, se sert de deux mots différents dans la langue originale, pour déclarer pas moins de sept fois que Pharaon a endurci son cœur (Ex. 7:13, 14, 22 ; 8:15, 19, 32 ; 9:7) avant de dire que Dieu a endurci le cœur de Pharaon (Ex. 9:12).
Sommes-nous en train de dire que Dieu n’a pas le droit d’endurcir le cœur qu’Il veut ? Non. Il est Dieu, Il est souverain, Il a le droit de faire ce qu’Il veut. Mais nous ne disons pas non plus que Dieu ait fait usage de ce droit. Nous n’entendons jamais dire que Dieu ait effectivement endurci un cœur sans avoir de nombreuses raisons de le faire.
Y a-t-il quelqu’un qui ne soit pas encore satisfait de cette justification de la souveraineté et de la justice de Dieu ? Paul anticipe un tel cas : « Tu me diras donc : Pourquoi se plaint-il encore ? car qui est-ce qui a résisté à sa volonté ? » (Rom. 9:19). Cette objection revient à soutenir l’argument suivant : si Dieu est souverain, l’homme ne peut être qu’une marionnette de la volonté de Dieu ; personne ne peut résister à cette volonté divine, et donc comment Dieu pourrait-Il condamner ou trouver à redire à l’homme ? — Nous nous trouvons là sur un terrain dangereux. Il ne s’agit plus d’une enquête respectueuse, mais d’une accusation hautaine et d’une insinuation impertinente. D’où la réponse de Paul évoquée au début de cet article : « Mais plutôt, toi, ô homme, qui es-tu, qui contestes contre Dieu ? » C’est Dieu qui donne son verdict sur l’homme, et non l’inverse.
Une illustration permet de montrer la futilité et l’inanité d’une telle attitude. Le potier a le droit de faire de l’argile ce qu’il veut : des vases à honneur et des vases à déshonneur (Rom. 9:21). Or l’argile n’a pas d’avis sur ce que le potier fait, ni sur la manière dont il le fait. Alors, qui peut accuser Dieu s’Il veut montrer Sa miséricorde envers des vases de miséricorde, même s’il y en a d’autres qui sont devenus des vases de colère ? Personne.
Notons une importante nuance d’expression dans les versets 22 et
23. À propos des vases de miséricorde, il est dit clairement que c’est Dieu qui
les a « préparés
» pour la gloire (Rom. 9:23). Mais pour les vases
de la colère, il n’est pas dit que Dieu les a préparés pour la destruction,
mais simplement qu’ils sont « préparés pour la destruction » (Rom. 9:22).
Le Pharaon, Israël incrédule et tous ceux qui refusent de croire se sont
préparés à la destruction. Mais cela n’empêche pas Dieu de manifester Son
abondante miséricorde, en faisant « connaître les richesses de Sa gloire dans
des vases de miséricorde, …lesquels aussi il a appelés, nous, non seulement d’entre
les Juifs, mais aussi d’entre les nations » (Rom. 9:23-24).
Dieu est justifié. Ce qu’Il fait au cours de la dispensation actuelle en faisant preuve de miséricorde autant envers les Juifs qu’envers les Gentils est pleinement conforme à Sa souveraineté et montre Sa justice, Sa puissance, Sa longanimité et Sa miséricorde. Et, comme Paul le montre plus loin, rien de tout cela ne L’empêche d’accomplir également Ses promesses à Israël. « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies introuvables ! » (Rom. 11:33-36).