Monard Jacques-André
ME 2005 p. 163 … 241
Table des matières :
2 - La connaissance du bien et du mal
3 - Quelques exemples du travail de la conscience, dans l’Ancien Testament
3.5 - Le résidu juif des derniers jours
4 - L’exemple particulier de David
6 - La conscience et la parole de Dieu
7 - Quelques exemples du travail de la conscience, dans le Nouveau Testament
La conscience, faculté propre à l’homme, a essentiellement deux fonctions :
Notre conscience, lorsqu’elle nous reprend pour une faute commise, doit nous conduire à confesser notre manquement à Dieu et à ceux que nous avons offensés. Et quant aux actions qui sont devant nous, notre conscience — éclairée par la parole de Dieu — doit nous aider à « peser le chemin de nos pieds », selon l’expression de Proverbes 4:26.
L’expérience courante montre que la conscience peut être très diversement formée ou déformée, sensible ou endurcie. On peut l’écouter et tenir compte de ses avertissements, ou la faire taire et lui faire violence. « Les hommes faits », au sens spirituel de l’expression, « ont les sens exercés à discerner le bien et le mal » (Héb. 5:14). Ce qui les a développés, c’est « la nourriture solide » de la parole de Dieu, et « le fait de l’habitude » — c’est-à-dire l’exercice régulier.
Les Écritures placent abondamment devant nous la conscience et son activité, la façon dont Dieu l’éveille et l’exerce, et la manière dont l’homme l’écoute ou la fait taire. De nombreux passages nous en parlent sans utiliser le mot « conscience » lui-même. Dans l’Ancien Testament, ce mot ne figure qu’une fois (*). Et dans le Nouveau, le mot « conscience » est utilisé presque exclusivement par l’apôtre Paul, bien que la notion de conscience apparaisse souvent (**).
(*) Il apparaît en 1 Rois 2:44, dans l’expression « avoir conscience de ». Dans ce verset, la conscience elle-même est désignée par le mot « cœur », de même que dans plusieurs autres passages, par exemple : 1 Sam. 24:6 ; 2 Sam. 24:10.
(**) Pierre utilise le mot trois fois dans sa première épître (2:19 ; 3:16, 21).
Pour
le chrétien, un bon état
de la
conscience est à la base d’une marche à la gloire de Dieu. La conscience est
une faculté qui doit être éduquée, cultivée, exercée. Un peu paradoxalement,
c’est une voix qui doit être écoutée, mais à laquelle il ne faut pas faire trop
confiance ; nous reviendrons là-dessus. La conscience doit être maintenue
pure, et si nous avons manqué, ne tardons pas à confesser nos fautes pour
qu’elle soit rétablie dans son bon état. Vivre avec une mauvaise conscience, ou
avec une conscience que l’on fait taire, conduit inévitablement au désastre.
Dans les lignes qui suivent, nous considérerons d’abord de quelle façon l’être humain a acquis une conscience, puis quelques exemples de l’Ancien Testament où on la voit en activité. Nous nous arrêterons ensuite sur l’immense changement que l’œuvre de Christ a introduit, en purifiant la conscience du croyant. Ceci nous amènera à considérer les nombreux enseignements du Nouveau Testament concernant le maintien d’une bonne conscience, et la manière dont nous avons à tenir compte d’elle — de la nôtre et de celle de nos frères.
La conscience a été acquise par nos premiers parents, dans le jardin d’Éden, par le péché (Gen. 3). Au milieu du jardin se trouvait l’arbre de la connaissance du bien et du mal, dont Dieu avait interdit de manger le fruit. Ayant transgressé le commandement divin, Adam et Ève ont éprouvé la honte de leur nudité (symbole de leur état de péché), se sont fait des ceintures de feuilles de figuier et se sont cachés de devant Dieu.
Le serpent leur avait dit : « Vos yeux seront ouverts, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (v. 5). Et il en a été ainsi. Dieu lui-même le confirme : « Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal » (v. 22). Le serpent avait fait miroiter cette acquisition comme une chose désirable dont Dieu voulait priver sa créature. Quelle tromperie ! L’homme étant devenu pécheur, cette connaissance est en lui comme une voix accusatrice, source de profond malaise devant Dieu. Il réalise que le mal est en lui, et que le bien lui échappe. Dieu a la connaissance du bien et du mal en étant lui-même entièrement caractérisé par le bien. L’homme a la connaissance du bien et du mal — dans une mesure tout au moins — alors que le mal fait partie de sa nature.
La situation d’Adam et Ève se cachant de devant le regard de Dieu est l’image de la situation de tout homme, tant qu’il est dans son état naturel. Aussi longtemps qu’il n’a pas passé par la nouvelle naissance, ou qu’il n’a pas une connaissance claire du salut en Jésus Christ, la conscience de ses péchés lui donne un malaise devant Dieu.
En Genèse 28, alors qu’il s’enfuit de devant son frère Ésaü, Jacob fait une halte à Bethel. Dieu se révèle à lui dans un songe avec une grande bonté et lui fait des promesses magnifiques. Mais Jacob n’est pas en état de jouir de ces communications. Il a peur, et dit : « Que ce lieu-ci est terrible ! Ce n’est autre chose que la maison de Dieu » (v. 17). Quand l’homme pécheur se trouve dans la présence de Dieu, sa conscience ne peut que lui donner un sentiment de malaise et de peur. C’est ce qu’on voit aussi dans le cas d’Adam, d’Ésaïe ou de Pierre.
Ces hommes avaient sans doute des consciences bien endurcies, lorsqu’ils ont vendu leur jeune frère comme esclave, et qu’ils ont trompé leur père en lui faisant croire qu’une mauvaise bête l’avait dévoré (Gen. 37). Bien des années plus tard, ils se considèrent encore comme « d’honnêtes gens » — du moins ils n’ont pas honte de s’exprimer ainsi devant l’homme qui gouverne l’Égypte (42:11). Mais lorsque la main de Dieu s’appesantit sur eux, leur conscience s’éveille. « Et ils se dirent l’un à l’autre : Certainement nous sommes coupables à l’égard de notre frère ; car nous avons vu la détresse de son âme quand il nous demandait grâce, et nous ne l’avons pas écouté ; c’est pourquoi cette détresse est venue sur nous » (42:21). Et un peu plus tard, lorsque leur détresse est à son comble, ils disent : « Comment nous justifierons-nous ? Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs » (44:16).
Ce récit nous montre comment Dieu nous discipline afin d’éveiller notre conscience et de nous amener à lui confesser nos fautes, même si elles sont lointaines et oubliées. Qu’il nous accorde de ne pas faire taire notre conscience, lorsqu’elle nous parle ! Si nous le faisons, nous nous exposons à une discipline qui peut être très douloureuse. Mais, si même elle doit s’abattre sur nous, elle est le témoignage de l’amour de notre Père qui travaille en vue de nous ramener.
La ville de Samarie, assiégée par les Syriens, souffrait d’une terrible famine. Quatre lépreux étaient assis à sa porte, attendant la mort (2 Rois 7). La pensée leur étant venue — de Dieu, sans nul doute — de se rendre dans le camp des ennemis, ils trouvent celui-ci désert, les tentes remplies de nourriture, de vêtements et de biens. Ils se mettent à manger, à piller et à cacher le butin. Mais voici que la voix de leur conscience se fait entendre : « Nous ne faisons pas bien. Ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et nous nous taisons. Si nous attendons jusqu’à la lumière du matin, l’iniquité nous trouvera » (v. 9). Leur conscience les amène à réaliser leur responsabilité devant Dieu et le jugement auquel ils s’exposent. Heureusement, ils écoutent cette voix intérieure, pour leur bien et celui de tout le peuple.
Dans une vision glorieuse, le jeune prophète voit l’Éternel assis sur un trône haut et élevé, entouré des séraphins qui proclament sa sainteté. Réalisant son propre état de pécheur, il s’écrie : « Malheur à moi ! car je suis perdu ; car moi, je suis un homme aux lèvres impures… car mes yeux ont vu le roi, l’Éternel des armées » (És. 6:5). Ici ce n’est pas une faute particulière qui charge la conscience, c’est l’état de péché de l’homme qui est mis en lumière par le déploiement de la gloire de Dieu.
Par l’épreuve intense qu’il devra traverser, ce résidu sera amené à reconnaître et à confesser la culpabilité du peuple juif dans le rejet de son Messie. « Ils regarderont vers moi, celui qu’ils auront percé, et ils se lamenteront sur lui, comme on se lamente sur un fils unique… » (Zach. 12:10). C’est un exemple de conscience collective.
Un
des traits distinctifs de ce bien-aimé de Dieu, c’est une conscience délicate
. Dans le contexte général de l’Ancien
Testament, où il y a des guerres à livrer parce que le peuple terrestre de Dieu
doit conquérir ou conserver l’héritage que l’Éternel lui a donné, la douceur
et la délicatesse de conscience
de David brillent de façon frappante.
Mentionnons d’abord l’épisode rapporté en 1 Samuel 24, lorsque Saül entre dans la caverne où David et ses hommes se sont cachés, et s’y endort. Ses amis lui affirment que c’est là l’occasion que l’Éternel lui offre de se débarrasser de son persécuteur. David coupe le pan de la robe de Saül, mais sans lui faire aucun mal. Puis — nous est-il dit — « le cœur de David le reprit de ce qu’il avait coupé le pan de la robe de Saül » (v. 6) et il empêche ses hommes de tuer le roi. Ce morceau d’étoffe lui permettra ensuite de prouver à Saül qu’il ne cherche pas à lui faire du mal, mais il ne nous est pas dit quelle était l’intention de David au moment où il l’a coupé. Quoi qu’il en soit, ce geste qui pourrait nous paraître anodin amène sa conscience à lui faire un reproche. Et David écoute la voix de sa conscience.
On voit une disposition de cœur analogue lorsque, dans la même période de sa vie, il parle légèrement et exprime le souhait de boire de l’eau du puits de Bethléhem (2 Sam. 23:13-17). Il y avait alors un poste des Philistins à cet endroit, et aller y chercher de l’eau était très dangereux. Trois amis de David bravent le danger par amour et par dévouement pour leur chef, et lui rapportent de l’eau. Mais la conscience de David le reprend. Il voit cette eau comme le sang des hommes qui sont allés la chercher au péril de leur vie. Il ne veut pas la boire, mais en fait une libation à l’Éternel.
Dans la vie de David, il y a sans doute des périodes où il semble ne plus guère écouter sa conscience. On pense en particulier à son séjour chez Akish (1 Sam. 27-30) et aux mois qui ont suivi son grave péché avec Bath-Shéba (2 Sam. 11-12). Dans le premier de ces cas, il a fallu la sévère discipline de Dieu pour le ramener, et dans le second, le reproche du prophète Nathan. David a été amené à s’humilier de ses fautes, et sa relation avec Dieu a été restaurée. Le sentiment profond de ses fautes, en ce qui concerne la seconde circonstance, nous est décrit dans le psaume 51, en termes très remarquables.
Dans le psaume 32, où David décrit le bonheur de celui dont les péchés sont pardonnés (v. 1 et 2), nous trouvons l’évocation de l’état qu’il a connu alors qu’il faisait taire la voix de sa conscience et se refusait à confesser ses fautes : « Quand je me suis tu, mes os ont dépéri, quand je rugissais tout le jour » (v. 3). Mais finalement, n’en pouvant plus, il a dit : « Je confesserai mes transgressions à l’Éternel ». Et il peut ajouter : « Et toi, tu as pardonné l’iniquité de mon péché » (v. 5).
Avant
la venue de Christ, la question des péchés ne pouvait être réglée que d’une
façon partielle et provisoire. D’une part il y avait la confession des péchés
commis — l’exemple de David nous l’a montré. D’autre part, il y avait des
sacrifices d’animaux à offrir. Ceux-ci étaient l’image du seul sacrifice qui
peut réellement ôter les péchés, celui de Christ, et c’est pour cette raison
qu’ils avaient quelque valeur devant Dieu. Mais l’épître aux Hébreux met en
évidence la faiblesse, et même l’inutilité, de ces moyens provisoires. Dans le
tabernacle étaient « offerts des dons et des sacrifices qui ne peuvent pas
rendre parfait quant à la conscience
celui qui rend le culte » (9:9). En contraste avec les aspersions et les
ablutions juives qui ne pouvaient que donner une pureté cérémonielle, cette
épître nous déclare avec force la valeur du « sang du Christ » qui purifie la conscience
« des
œuvres mortes » — c’est-à-dire de toutes les œuvres produites par une
nature pécheresse, moralement morte devant Dieu (v. 13, 14). C’est la part
bienheureuse de tout pécheur qui se repent.
Si
les sacrifices prescrits à Israël avaient eu une réelle efficacité — s’ils
avaient pu « rendre parfaits ceux qui s’approchent » — ils auraient
« cessé d’être offerts », puisque ceux qui les offraient
« n’auraient plus eu aucune conscience de péchés » (10:2). Mais le
sang de Christ purifie entièrement le pécheur de ses péchés, il le rend propre
pour la présence de Dieu — parfait à ses yeux. « Par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont
sanctifiés
» (10:14). Et ce précieux sang donne à ceux qui ont été
purifiés une bonne conscience devant Dieu. Ils peuvent s’approcher de lui dans
une pleine liberté pour l’adorer. « Approchons-nous avec un cœur vrai, en
pleine assurance de foi, ayant les cœurs
par aspersion purifies d’une mauvaise conscience
et le corps lavé d’eau
pure » (10:22) (*).
(*) L’eau pure est ici une image de la parole de Dieu qui a opéré le lavage fondamental dont le Seigneur parle en Jean 13:10, lorsqu’il dit : « tout le corps lavé ».
Ces
passages de l’épître aux Hébreux nous parlent donc de la purification initiale de la conscience
. C’est de cela aussi que
nous parle Pierre, dans sa première épître, quand il nous indique que le
fondement de notre « bonne conscience » devant Dieu est « la
résurrection de Jésus Christ, qui est à la droite de Dieu » (3:21). Jésus
a porté nos péchés, il les a expiés. Sa résurrection témoigne de son œuvre parfaitement
achevée et nous place dans un état où nous avons bonne conscience devant Dieu.
D’un autre côté, il est vrai aussi que lorsqu’un croyant pèche, sa conscience se charge, et sa communion avec Dieu est troublée. La confession de sa faute est indispensable pour rétablir la communion avec Dieu et ramener la sérénité dans son cœur.
Le
chapitre 2 de l’épître aux Romains, dans les versets 12 et suivants, nous donne
un enseignement de base au sujet de la conscience. L’apôtre parle du jugement
de Dieu et des différences de responsabilité des hommes, selon qu’ils auront
« péché sans loi » ou « sous la loi ». Dans ce contexte, il
envisage le cas de personnes « qui n’ont point de loi » et qui
« font naturellement les choses de la loi ». S’il en est ainsi,
« elles montrent l’œuvre de la loi, écrite dans leurs cœurs, leur conscience
rendant en même temps
témoignage, et leurs pensées s’accusant entre elles, ou aussi s’excusant »
(v. 15). L’apôtre ne dit pas si une telle chose est rare ou fréquente — et il
exposera la culpabilité de tous au chapitre 3 — mais il parle du principe. Nous
voyons ici que tout homme a une certaine notion naturelle du bien et du mal.
C’est ce dont Dieu a parlé en Genèse 3:22. L’homme possède une conscience qui
peut l’accuser ou chercher à l’excuser. La responsabilité de ceux qui n’ont que
leur conscience pour les éclairer est évidemment moindre que la responsabilité
de ceux qui ont été instruits par la parole de Dieu ; et il en sera tenu
compte au jour du jugement, « au jour où Dieu jugera par Jésus Christ les
secrets des hommes » (v. 16).
Les notions de bien et de mal que la conscience naturelle de l’homme peut lui fournir sont assez rudimentaires, et on peut observer qu’elles varient selon les cultures. Dans les contrées où dominent des religions païennes (ou des religions qui ne sont qu’une déformation de la révélation de Dieu), le bien et le mal sont souvent confondus.
Au chapitre 7 de l’épître aux Romains, l’apôtre montre le rôle de la parole de Dieu pour éclairer la conscience et lui fournir des normes. Il dit, en donnant l’exemple de la convoitise : « Je n’aurais pas eu conscience de la convoitise, si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras point » (v. 7). Il dit ailleurs, d’une façon plus générale : « Par la loi est la connaissance du péché » (3:20). Toute la parole de Dieu, qu’il s’agisse des commandements de la loi, des récits historiques, des livres poétiques, des prophéties, ou des écrits du Nouveau Testament, contribue à nous inculquer la pensée de Dieu quant au bien et au mal, donc à éclairer et à former notre conscience.
Tout au début de son ministère, depuis la barque de Simon, Jésus prêche à la foule qui se tient sur le rivage (Luc 5). Puis le Seigneur donne l’ordre de lancer les filets pour la pêche. En face de la prise miraculeuse qui vient d’être réalisée, celui qui va devenir le disciple Pierre s’écrie, en se jetant aux genoux de Jésus : « Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Luc 5:8). Sa réaction rappelle celle de Jacob à Peniel et celle d’Ésaïe dans le temple.
Avec une sagesse merveilleuse, Jésus avait parlé à son cœur et à sa conscience (Jean 4). Elle avait laissé la lumière divine éclairer son âme et commençait à discerner la gloire de Celui qui s’était révélé à elle. « Venez », dit-elle aux hommes de la ville, « voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; celui-ci n’est-il point le Christ ? » (v. 29). Sa conscience a été mise à découvert et son cœur a été attiré.
Dans une petite parabole, le Seigneur parle de deux fils auxquels leur père demande d’aller travailler dans la vigne (Matt. 21:28-31). L’un d’eux, d’abord récalcitrant, écoute les reproches que lui fait sa conscience et, en fin de compte, fait la volonté de son père. Le Seigneur montre par là que les pécheurs notoires peuvent se repentir et devancer ceux qui soignent leur apparence de justice mais n’écoutent pas leur conscience.
Dans cette parabole de Luc 15, ce qui ramène le fils égaré, c’est à la fois le poids de la misère dans laquelle il s’est mis et la voix de sa conscience. Il ouvre les yeux sur son péché, sur son indignité, et trouve le chemin de la repentance.
Au jour de la Pentecôte, les paroles incisives prononcées par Pierre, sous la conduite de l’Esprit Saint, pénètrent profondément dans les consciences des Juifs (Act. 2:22-36). Beaucoup ont « le cœur saisi de componction », c’est-à-dire d’un profond repentir. « Et en ce jour-là furent ajoutées environ trois mille âmes » à l’assemblée chrétienne (v. 41).
En contraste avec les exemples précédents, dans lesquels nous voyons des hommes et des femmes qui écoutent leur conscience, citons le terrible exemple de Pilate. Il sait que Jésus, objet de la haine farouche des Juifs, ne mérite nullement la mort. Torturé par sa conscience, il cherche toutes sortes d’échappatoires pour éviter de prononcer une condamnation. Mais finalement, sous la pression des circonstances, il agit contre sa conscience et condamne le Juste.
En
fait, toute la vie de l’apôtre, même celle qui a précédé sa conversion, a été
marquée par une « conscience pure ». C’est ce qu’il dit à Timothée au
début de la seconde épître (1:3), et qu’il affirme hautement lorsqu’il
comparaît devant le sanhédrin, après son arrestation : « Je me suis conduit en toute bonne conscience
devant Dieu jusqu’à ce jour
» (Act. 23:1). Il expliquera devant
Agrippa : « J’ai pensé en moi-même qu’il fallait faire beaucoup
contre le nom de Jésus le Nazaréen » (26:9). Pharisien zélé et convaincu,
il avait persécuté de toutes ses forces les disciples de Jésus, l’assemblée, et
par conséquent Jésus lui-même ! (cf. Gal. 1:13 ; Actes 9:4). Son
exemple nous montre de la façon la plus éloquente que la conscience n’est pas
un guide fiable, et qu’il ne suffit pas d’avoir bonne conscience pour se
trouver dans un bon chemin.
Le Seigneur avait arrêté le persécuteur et le blasphémateur sur le chemin de Damas, et s’était révélé à lui. Brisé, Paul avait découvert son égarement et avait appris à connaître la merveilleuse grâce de Jésus. Le souvenir de ce qu’il avait été l’a accompagné tout au long de sa vie de service, et l’a tenu dans l’humilité. Dans le sentiment de la miséricorde dont il a été l’objet, il rappellera volontiers qu’il est le premier des pécheurs (1 Tim. 1:15) et qu’il n’est pas digne d’être appelé apôtre (1 Cor. 15:9). Éclairée par la révélation divine, sa conscience sera un instrument précieux, dans les mains de Dieu, pour le conduire et le maintenir dans un bon chemin.
Devant
le gouverneur Félix, il fait une déclaration qui doit retenir particulièrement
notre attention. Après avoir rappelé « qu’il y aura une résurrection, tant
des justes que des injustes », il ajoute : « À cause de cela, moi aussi je m’exerce à
avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes
»
(Actes 24:16). La pensée de la résurrection et du tribunal de Christ, devant
lequel nous rendrons compte de toutes nos actions, devrait être pour nous un
stimulant à marcher soigneusement, notre conscience pesant toutes choses selon
les principes divins qui nous ont été révélés. Pour Paul, c’était un exercice
constant, et le maintien de sa conscience dans un état où elle n’avait pas de
reproches à lui faire était la base de sa relation pratique avec Dieu. Une
bonne conscience « devant Dieu et devant les hommes », c’est une
conscience qui ne craint ni le regard de Dieu ni celui des hommes. Cela implique
une justice pratique devant Dieu et devant les hommes, et un jugement régulier
de ses propres défaillances.
C’est
en raison d’une bonne conscience que l’apôtre peut se recommander aux prières
de ses frères dans la foi. Il peut dire : « Priez pour nous, car nous croyons que nous avons une bonne conscience,
désirant de nous bien conduire en toutes choses
» (Héb. 13:18). Il
n’affirme pas qu’il se conduit bien, mais peut dire que sa conscience est à
l’aise.
Paul
dit aux Corinthiens : « Je n’ai
rien sur ma conscience ; mais par là je ne suis pas justifié
» (1
Cor. 4:4). Avoir une conscience qui ne nous reproche rien, c’est essentiel.
Mais ce n’est pas une garantie que nous marchions dans le bon chemin.
Il y avait à Corinthe des personnes qui cherchaient à dénigrer l’apôtre en vue de détacher les croyants de lui. Cela l’affligeait et l’inquiétait parce qu’il aimait ceux dont il était le père spirituel. Mais cela ne le troublait pas. Quels que soient les propos malveillants qui étaient répandus à son sujet, il se remettait au Seigneur, « qui aussi mettra en lumière les choses cachées des ténèbres, et qui manifestera les conseils des cœurs ; et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu » (v. 5).
La
manière dont l’apôtre Paul veillait à l’état de sa propre conscience donne un
poids moral particulier à ses paroles. Dans l’enseignement qu’il donne à
Timothée, dans la première épître, Paul revient à quatre reprises sur le sujet
de la conscience. Tout d’abord, il indique quel était le but de la mission
confiée à celui qui devait agir de sa part : « La fin de l’ordonnance, c’est l’amour qui procède d’un cœur pur et
d’une bonne conscience et d’une foi sincère
» (1:5). L’amour doit
imprégner tout le service qui s’exerce dans la maison de Dieu. Mais un amour
selon Dieu est inséparable des trois vertus qu’il mentionne ici, et en
particulier d’une bonne conscience.
Un
peu plus loin, il exhorte « son enfant Timothée » à combattre le bon
combat, « gardant la foi et une
bonne conscience
» (1:19) — en contraste avec quelques-uns qui ont
« rejeté » une telle conscience et, à cause de cela, ont « fait
naufrage quant à la foi ». Une foi vivante et active, qui garde fidèlement
ce que Dieu a révélé, doit aller de pair avec une bonne conscience. Il ne
suffit pas de connaître ou de garder la vérité intellectuellement ; il
faut qu’elle ait toute sa puissance sur l’âme.
Parmi
les choses requises des serviteurs, l’apôtre mentionne : « gardant le mystère de la foi dans une
conscience pure
» (3:9).
« Aux derniers temps, quelques-uns apostasieront de la foi » (4:1). Après avoir pour un temps donné l’impression d’être des ouvriers du Seigneur, ils donneront un enseignement corrompu. Et ce qui les caractérisera moralement, c’est une « conscience cautérisée » (v. 2). Il s’agit là d’une conscience qui ne parle plus du tout. C’est ce qui arrive lorsqu’on prend l’habitude de la faire taire.
Une
bonne conscience est le fondement de la relation pratique de l’âme avec Dieu.
Elle donne au croyant de l’assurance lorsqu’il s’adresse à lui par la prière,
parce qu’elle est inséparable d’une vraie communion avec lui. C’est ce que Jean
écrit dans sa première épître, sans d’ailleurs utiliser le mot
« conscience » : « Bien-aimés,
si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance envers
Dieu ; et quoi que nous demandions, nous le recevons de lui
… »
(1 Jean 3:21, 22). Et « si notre cœur nous condamne » — si notre
conscience nous fait sentir nos faiblesses et nos manquements — nous pouvons
nous souvenir que « Dieu est plus grand que notre cœur et il sait toutes
choses » (v. 20). Dans sa connaissance parfaite, Dieu voit en nous
incomparablement plus de déficits que notre conscience ne saurait nous en
montrer. Mais nous pouvons tout lui confesser et nous confier en sa grâce
surabondante.
Remarquons
enfin que la soumission du croyant à l’autorité terrestre n’a pas seulement
pour but d’éviter la colère de celui qui peut punir, mais de ne pas entacher sa
propre conscience. « Il est
nécessaire d’être soumis, non seulement à cause de la colère, mais aussi à
cause de la conscience
» (Rom. 13:5).
Les différences de culture, d’éducation ou de développement spirituel entraînent nécessairement des différences dans l’estimation que peut faire la conscience des croyants. Si nous connaissions mieux les Écritures, nous y découvririons davantage les normes divines ; elles nous formeraient et nous aurions une appréciation plus juste du bien et du mal dans les multiples situations qui se présentent à nous. Néanmoins, la vie nous place fréquemment dans des situations où nous n’avons pas à disposition un verset clair et précis pour nous diriger, et où notre discernement spirituel doit être exercé. Dans de telles situations, le rôle de notre conscience est déterminant.
L’apôtre Paul parle en détail de ce sujet aux Romains et aux Corinthiens. Dans chaque cas se dégage la conclusion : il faut avoir égard à sa propre conscience et à celle de son frère.
La question soulevée est : un chrétien peut-il manger de la viande qui a été sacrifiée aux idoles ? C’était un problème lancinant pour des croyants vivant dans un pays païen, où les viandes provenant des sacrifices idolâtres pouvaient être mangées dans un temple d’idole ou vendues à la boucherie.
Convaincus « qu’une idole n’est rien » (8:4) et que « la terre est au Seigneur et tout ce qu’elle contient » (10:26), des croyants pouvaient se dire qu’il n’y avait en fait aucune différence entre une viande sacrifiée aux idoles et une autre, et avoir pleine liberté d’en manger. L’apôtre leur dit : « Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir de rien à cause de la conscience » (10:25). D’autres croyants, moins instruits, plus « faibles » (8:7, 10, 12), avaient « jusqu’à maintenant conscience de l’idole » (v. 7). En voyant la viande, ils voyaient l’idole. S’ils avaient mangé de cette viande, leur conscience aurait été souillée. Il est bien clair que ceux-ci devaient s’abstenir. On ne doit jamais violer sa conscience.
Mais il y a un autre aspect des choses. Si mon comportement — tout en laissant ma conscience à l’aise — incite mon frère dont la conscience est « faible » à faire comme moi, je le conduis à « souiller » sa conscience. Je pèche contre lui. L’apôtre donne l’exemple extrême : « Car si quelqu’un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d’idoles, sa conscience à lui qui est faible, ne sera-t-elle pas enhardie à manger les choses sacrifiées à l’idole ? » (8:10). Et il ajoute : « Or en péchant ainsi contre les frères, et en blessant leur conscience qui est faible, vous péchez contre Christ » (v. 12). L’amour chrétien nous conduit à éviter certaines choses que nous pourrions avoir la liberté de faire, si notre conduite est en piège à nos frères. Il s’agit d’avoir soin aussi de leur conscience.
Dans
ce chapitre, sans utiliser le mot « conscience », l’apôtre donne un
enseignement similaire, mais à l’occasion d’une autre chose. L’assemblée de
Rome était composée de croyants issus du judaïsme et du paganisme. Les premiers
avaient eu l’habitude de célébrer certains jours de fête, de s’abstenir des
viandes « impures », et de respecter d’autres prescriptions de la loi
de Moïse. Tout cela avait été clairement mis de côté par l’enseignement chrétien,
mais le changement était difficile, surtout pour ceux qui s’étaient soumis à
ces obligations par conscience envers Dieu. Les croyants qui étaient sortis du
paganisme avaient abandonné sans peine leurs pratiques idolâtres, et pouvaient
être tentés de « mépriser
»
leurs frères sortis du judaïsme. Ces derniers, par contre, pouvaient être
portés à « juger
» ceux qui
n’observaient pas les prescriptions de la loi.
« L’un estime un jour plus qu’un autre jour, et l’autre estime tous les jours égaux ; que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit ! » (v. 5). Que chacun fasse « à cause du Seigneur » et « ayant égard au Seigneur » ce que sa conscience lui dit de faire ! Mais que personne ne juge ni ne méprise son frère, qui est « le domestique d’autrui » ! « Chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu » (v. 12).
Concernant les viandes que la loi déclarait impures, l’apôtre dit : « Je sais, et je suis persuadé dans le Seigneur Jésus, que rien n’est souillé par soi-même, sauf qu’à celui qui croit qu’une chose est souillée, elle lui est souillée » (v. 14). Un peu plus loin il confirme : « Celui qui hésite, s’il mange, est condamné, parce qu’il n’agit pas sur un principe de foi. Or tout ce qui n’est pas sur le principe de la foi est péché » (v. 23). (« Condamné » signifie ici : condamné dans sa conscience.) Si je suis mal à l’aise avec telle ou telle action envisagée, je dois m’en abstenir, et ne pas faire violence à ma conscience.
Mais il y a aussi la conscience de mon frère que je dois ménager. « Jugez plutôt ceci, de ne pas mettre une pierre d’achoppement ou une occasion de chute devant votre frère » (v. 13). « Il est bon de ne pas manger de chair, de ne pas boire de vin, et de ne faire aucune chose en laquelle ton frère bronche, ou est scandalisé, ou est faible » (v. 21). « Que chacun de nous cherche à plaire à son prochain, en vue du bien, pour l’édification ! » (15:2).
Observons
les mots utilisés dans ce chapitre. « L’un croit
pouvoir manger de toutes choses » (v. 2) ;
« l’un estime
un jour plus qu’un
autre » (v. 5) ; il s’agit d’être « pleinement persuadé dans son propre esprit
» (v.
5) ; l’un « croit
qu’une
chose est souillée » (v. 14) ; un croyant « approuve
» une chose (v. 22) ou « hésite
» à son sujet (v. 23). Si le mot
« conscience » n’apparaît pas ici, d’autres expressions en
fournissent la pensée.
Pour conclure, remarquons que « la foi » encadre ce chapitre. Dans le premier verset, il est question de « celui qui est faible en foi ». Et dans le dernier, nous apprenons que c’est « sur un principe de foi » que tout, dans notre marche chrétienne, doit être fait. Notre relation pratique avec Dieu a pour pilier autant la foi que la conscience. Une chose faite « sur un principe de foi », c’est une chose faite avec Dieu, dans la conscience qu’elle est approuvée de lui.