par J.N. DARBY
Tables des matières :
Le prophète Osée a prophétisé dans la même période de temps qu’Ésaïe ; mais il s’occupe davantage de l’état actuel du peuple, et en particulier d’Israël, quoique aussi il parle souvent de Juda. Sa prophétie est plus simple dans son caractère que celle d’Ésaïe ; son style, au contraire, est extrêmement énergique et rempli de transitions abruptes. Le règne du roi d’Israël, dont le nom sert de date à la prophétie, était extérieurement un moment de prospérité pour cette partie du pays. La prophétie elle-même nous fera savoir son état moral. La patience de Dieu a longtemps supporté la rébellion de son peuple, dont l’affliction excitait sa pitié (voyez 2 Rois 14:26), aussi longtemps que cette patience pouvait servir de témoignage au vrai caractère de Celui qui en usait, et ne niait pas la sainteté et la justice, qu’elle n’était pas une sanction donnée au péché, et qu’il était ainsi possible de bénir le peuple sans sacrifier, aux yeux des nations, tout témoignage de ce que Dieu lui-même était ; en un mot, jusqu’à ce qu’il n’y eût point de remède.
Jéroboam a régné à une époque qui précède de quelques années les règnes d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda. Ozias a commencé son règne quatorze ans avant la fin du règne de Jéroboam. Il a régné cinquante-deux ans. Jotham a régné seize ans. Achaz seize ans, Ézéchias vingt-neuf ans ; de sorte qu’Osée a prophétisé pendant plus de cinquante ans (*), et peut-être pendant plus de temps encore, témoin de la rébellion d’Israël contre l’Éternel pendant ces longues années, navré et brisé par l’iniquité d’un peuple qu’il aimait, et dont la prospérité lui tenait au coeur, parce qu’il était le peuple de l’Éternel.
(*) Une partie du règne de Jotham (la plus grande peut-être) coïncidait avec celui d’Ozias qui fut mis de côté comme étant lépreux.
La prophétie d’Osée se divise en deux parties : la révélation des desseins de Dieu à l’égard d’Israël, et les remontrances que le prophète adresse au peuple au nom de l’Éternel. Souvent, dans cette dernière partie, il parle d’Israël comme d’un tout ; souvent aussi, il distingue entre Israël ou Éphraïm et Juda. Mais je ne vois pas qu’il s’adresse directement à Éphraïm, soit aux dix tribus. Il parle d’Éphraïm, mais non à Éphraïm. Au reste, le caractère général de sa prophétie est une espèce de plainte soutenue, qui exprime son angoisse à l’égard de l’état du peuple, en développant toutes les voies de Dieu envers lui, sauf le chapitre 14, où il invite Israël à la repentance telle qu’elle aura lieu aux derniers jours.
Les trois premiers chapitres composent la première partie ou la révélation des desseins de Dieu à l’égard d’Israël. Dès l’entrée, Israël est traité comme étant dans un état de révolte contre Dieu. Le prophète devait s’unir à une femme corrompue (image prophétique, je n’en doute pas), dont la conduite était l’expression de celle du peuple. Le fils qu’elle enfante est un signe, par le nom que le prophète doit lui donner, du jugement de Dieu sur la famille de Jéhu, et sur le royaume d’Israël, qui devait cesser d’exister. En effet, après l’extinction de la famille de Jéhu, quoiqu’il y ait eu plusieurs rois, tout était confusion dans le royaume d’Israël ; le royaume était perdu. Il paraît bien que, quoique le zèle de Jéhu ait été énergique pour extirper l’idolâtrie, de sorte que Dieu, dans son gouvernement extérieur, a pu, et, comme témoignage, a dû y mettre sa sanction et le récompenser, les mobiles de ce chef étaient loin d’être purs. Dieu donc, tout en le bénissant dans son gouvernement public, nous montre ici, où il révèle ses pensées et sa véritable appréciation des choses, qu’il juge justement et saintement, qu’il sait dévoiler ce que l’homme met dans ses actes d’ambition, de cruauté et même de ce faux zèle qui n’est au fond que de l’hypocrisie (couvrant du nom de zèle pour l’Éternel, ce qui n’est que la satisfaction de la volonté propre), en un mot, tout ce qui est de l’homme, et lui infliger sa juste rétribution, et cela d’autant plus qu’il se pare du nom de l’Éternel.
Jizreël, autrefois témoin du jugement de Dieu exécuté sur la maison d’Achab, serait maintenant témoin de la ruine de tout Israël.
Une fille ensuite est née à la femme que le prophète a prise. Dieu dit au prophète de l’appeler Lo-Rukhama, c’est-à-dire : plus de miséricorde. Non seulement le jugement était exécuté sur Israël, mais à part la grâce souveraine dont l’exercice était réservé pour les derniers temps, ce jugement était final. La patience de Dieu ne trouvait plus de place pour s’exercer envers le royaume d’Israël ; Juda serait encore préservé par la puissance de Dieu.
Un second fils s’appelle Lo-Ammi, c’est-à-dire : pas mon peuple ; car maintenant l’Éternel ne reconnaissait plus le peuple comme sien. Juda, qui pour un temps s’était maintenu dans cette position, quoique les dix tribus fussent perdues, a aussi, par son infidélité, plongé Israël tout entier sous le jugement terrible de n’être plus le peuple de Dieu et d’être abandonné par l’Éternel, qui ne voulait plus être son Dieu. Dieu ayant ainsi brièvement, mais clairement, prononcé le jugement du peuple, annonce immédiatement, avec une égale clarté, la grâce souveraine à son égard. Néanmoins, dit-il par la bouche du prophète, le nombre des fils d’Israël sera comme le sable de la mer, qu’on ne saurait compter. Mais cette grâce ouvre la porte à d’autres qu’aux Juifs ; là où il avait été dit : vous n’êtes pas mon peuple, là ils seront appelés : fils du Dieu vivant (*). L’application de ce passage aux gentils est constatée par l’apôtre, Rom. 9:24-26. Il cite, dans ce passage, la fin du second chapitre de notre prophète, comme exprimant la grâce envers les Juifs, et le verset que nous examinons, la miséricorde envers les gentils ; au contraire, 1 Pierre 2:10, qui ne s’adresse qu’aux Juifs convertis, ne cite que la fin du second chapitre. Il n’y a pas de doute que les Juifs ne rentrent, selon ce principe, aux derniers jours ; mais le Saint Esprit s’exprime ici, comme il l’a fait dans une foule de passages cités par l’apôtre, de manière à s’adapter à l’admission des gentils, lorsque le temps prévu de Dieu serait arrivé. Mais il va plus loin ici, et il annonce le retour des fils de Juda et des dix tribus, réunis et soumis à un seul chef dans la grande journée de la (**) semence de Dieu. Il est dit qu’ils remonteront hors du pays ; mais c’est plutôt : « ils monteront du pays ». On a supposé que c’est le retour d’un pays étranger ; mais j’ai l’idée que le sens est plutôt que tous monteront à Jérusalem, comme un seul peuple, dans leurs fêtes solennelles.
(*) On peut remarquer qu’il n’est pas dit : Ils seront mon
peuple
, expression moins applicable aux gentils, mais : « Fils du Dieu
vivant », ce qui est précisément le privilège accordé en grâce à ceux amenés à
la connaissance du Seigneur depuis la résurrection de Christ.
(**) C’est le sens de Jizreël, ou plus exactement : Dieu sèmera.
Ainsi, le jugement du peuple, d’un peuple corrompu et infidèle, et la grâce envers les gentils, puis envers Israël comme peuple, sont très clairement annoncés en peu de mots, mais de manière à embrasser toute la série des voies de Dieu.
Le chapitre 2 introduit quelques événements nouveaux d’un haut intérêt, et en même temps une magnifique révélation des voies de Dieu en grâce envers Israël. Les premiers mots du chapitre reconnaissent, il me semble, le principe d’un résidu reconnu pour peuple par le coeur de Dieu, et objet de miséricorde, pendant que la nation en corps est rejetée par le Seigneur. Mais la pensée de la restauration d’Israël, annoncée au dernier verset du chapitre 1, donne au résidu sa valeur et sa place selon les conseils de Dieu. Dieu n’a pas rejeté son peuple qu’il a préconnu. L’Éternel, cependant, dit au prophète par l’Esprit, non pas : J’ai épousé ta mère, ou : Je ne la répudierai pas ; mais : « Dites à vos frères, Ammi (mon peuple) et à vos soeurs, Rukhama (reçue en grâce) » c’est-à-dire qu’il s’adresse à ceux qui, touchés par l’Esprit, entrent vraiment dans la pensée du prophète quant à leurs coeurs, à ceux qui ont le caractère qui a fait dire à Jésus : Voilà mes frères et mes soeurs. Ceux-là ont, aux yeux du prophète, la position de peuple et de bien-aimés de Dieu. C’est ainsi que Pierre l’applique, chapitre 2:23, à ce résidu, que Paul raisonne, Rom. 9, et que le Seigneur lui-même peut s’appeler « le vrai cep ».
Le prophète donc (lui seul le pouvait) devait reconnaître ses frères et ses soeurs comme en relation avec Dieu, selon tout l’effet de la promesse, quoique cet effet ne fût pas encore accompli. Mais de fait, quant aux voies de Dieu, il a dû plaider avec sa mère, avec Israël envisagé comme un tout. Dieu ne voulait pas le reconnaître pour sa femme ; lui-même ne serait pas son mari. Elle devait aussi se repentir, pour ne pas être punie et mise à nu devant le monde. L’Éternel n’aurait pas non plus pitié de ses enfants, car elle les avait enfantés dans son commerce avec les faux dieux. Israël attribuait toutes les bénédictions dont l’Éternel l’avait comblé, à la faveur des faux dieux. C’est pourquoi l’Éternel l’arrêterait forcément dans son chemin ; et puisque Israël ne reconnaissait pas que c’était l’Éternel qui lui prodiguait cette abondance, il la lui ôterait et le laisserait nu et dépourvu de tout. Il visiterait sur lui les jours des Baals, pendant lesquels Israël les avait servis et avait oublié l’Éternel. Mais après avoir amené cette femme infidèle dans le désert, où elle devait apprendre que ses faux dieux ne pouvaient l’enrichir, après l’avoir lui-même attirée là, l’Éternel parlerait à son coeur en grâce. Ce serait là, lorsqu’elle aurait compris où son péché l’avait amenée et qu’elle serait seule avec l’Éternel dans le désert où il l’avait attirée, qu’il lui donnerait la consolation et une porte pour entrer dans la jouissance des bénédictions dont il était seul le donateur.
La circonstance par laquelle Dieu exprime ce retour à la grâce, est d’un touchant intérêt. La vallée d’Acor serait sa porte d’espérance. Là où le jugement de Dieu avait commencé à tomber sur le peuple infidèle après son entrée dans la terre, lorsque Dieu agissait d’après la responsabilité du peuple, là il ferait voir que la grâce maintenant surmontait tout son péché. La joie de sa première délivrance et de sa rédemption lui serait rendue ; ce serait un recommencement de son histoire en grâce ; seulement, ce serait une bénédiction assurée. Le principe de ses relations avec l’Éternel serait changé. Il ne serait pas comme un maître (Baal) envers qui elle était responsable, mais comme un mari qui l’avait épousée. Les Baals seraient entièrement oubliés. Il ôterait toute espèce d’ennemi de dessus la terre, soit bête féroce, soit homme violent, et il l’épouserait en justice, en jugement, en tendresse, en miséricorde et en fidélité. Elle connaîtrait que c’était l’Éternel. Israël étant ainsi fermement épousé par l’Éternel, et tels étant les principes assurés de ses relations avec Lui, l’enchaînement de bénédiction entre l’Éternel et son peuple sur la terre, serait certain et non interrompu. L’Éternel serait en rapport avec les cieux, les cieux avec la terre ; la terre rapporterait ses bénédictions, et celles-ci répondraient à tous les besoins d’Israël, semence de Dieu ; aussi Dieu le sèmerait dans la terre, et son nom serait Rukhama (reçue en miséricorde ou en grâce), Ammi, c’est-à-dire mon peuple, et Israël dirait : « Mon Dieu ». En un mot, il y aurait un entier rétablissement de bénédiction, mais sur le pied de la grâce et de la fidélité de Dieu.
Le chapitre 3 révèle un autre détail de l’histoire du peuple, pendant le temps de son délaissement suivi par son retour vers Dieu. Israël resterait longtemps à part pour attendre son Dieu. Il n’aurait ni vrai Dieu, ni faux dieux, ni roi, ni sacrificateur, ni sacrifice ; mais après, il retournerait, il chercherait l’Éternel son Dieu et David son roi ; en d’autres termes, tout Israël chercherait la vraie royauté de promesse donnée de Dieu, dont Christ est l’accomplissement. Son coeur fléchirait devant l’Éternel et devant sa bonté aux derniers jours.
Au chapitre 4, on voit que le prophète s’adresse à tout le peuple ensemble. Au verset 15, il distingue Juda d’Israël, en avertissant le premier de ne pas suivre celui-ci dans son apostasie. Il insiste, verset 2, sur les péchés dont le peuple était coupable ; Israël est rejeté pour ne plus être un peuple de sacrificateurs à l’Éternel, gloire qui lui avait été promise (Ex. 19). Ceci introduit le jugement des sacrificateurs proprement dits, qui trouvaient leur satisfaction dans les péchés du peuple, pour se nourrir des sacrifices. Le proverbe : « Comme le peuple, ainsi le sacrificateur », s’accomplirait à leur égard. La corruption et le vin ôtaient tout jugement sain du coeur, et le peuple de Dieu demandait conseil à son bois et à son bâton, sacrifiait dans les hauts lieux et s’y prosternait. Dieu le livrerait aux fruits de son iniquité.
C’est alors que Dieu engage Juda à ne pas suivre ce train. Cependant, l’Esprit de l’Éternel développant toute l’iniquité d’Éphraïm, qui était accomplie sous ses yeux, montre que Juda aussi était coupable devant Lui (ch. 5:10, 13).
Sacrificateurs, peuple, roi, tous sont interpellés comme objet du jugement, comme étant tous adonnés à la violence malgré les répréhensions de Dieu. Ils ne voulaient pas revenir à Dieu. Plus tard, ils le chercheraient et ne le trouveraient point. Il se serait retiré d’avec eux. Un autre péché leur est reproché à tous les deux. Éphraïm s’est aperçu de son affaiblissement, conséquence de son péché, et Juda de sa plaie ; mais ils s’étaient trop éloignés de l’Éternel pour avoir recours à Lui ; ils sont allés chercher du secours en Assyrie. Délivrerait-elle le peuple méchant du jugement de Dieu ? Sûrement pas. Dieu les déchirerait, comme un lion déchire sa proie ; puis il se retirerait pour se renfermer dans sa demeure, jusqu’à ce qu’ils reconnussent leur offense. Dans leur affliction, ils mettraient de la diligence à le chercher.
Ceci inspire au prophète (ch. 6) son touchant plaidoyer, dans lequel il engage le peuple à se retourner vers l’Éternel. La foi a toujours cette ressource, parce qu’elle voit la main de Dieu, de son Dieu, dans le châtiment, et peut en appeler à la miséricorde d’un Dieu qu’elle connaît. Au verset 4, l’Esprit exprime la tendresse de Dieu envers son enfant rebelle, et montre combien sont passagers les quelques petits mouvements vers le bien qui peuvent exister dans son coeur. C’est pourquoi Dieu avait envoyé le témoignage des prophètes, un moyen extraordinaire, comme nous l’avons vu, pour maintenir encore, et cela moralement et réellement, la relation du peuple avec Dieu. Il ne s’agissait pas, pour le coeur de Dieu, de formes extérieures ; les rapports moraux avec Dieu manquaient. Il avait suscité des prophètes comme moyen de relation avec Lui, pour ramener le coeur du peuple à lui-même. Mais, comme (*) Adam l’avait fait dans le jardin d’Eden, ils avaient violé l’alliance de laquelle dépendait la jouissance des bénédictions dont Dieu les avait comblés ; ils avaient agi en traîtres à son égard. L’Éternel, leur Dieu, était tout disposé à relever Israël de sa ruine ; mais s’il intervenait, sa présence mettrait à découvert cette iniquité, qui présentait une barrière morale à ce relèvement. Là-dessus, le coeur du prophète déborde de nouveau en plaintes à l’égard de l’iniquité du peuple.
(*) Il faut lire : « Ils ont transgressé l’alliance, ainsi que l’a fait Adam ». Adam, en hébreu, est un nom propre et un nom de race. Mais ce dernier a ordinairement l’article (ha). C’est à ce passage que Paul fait allusion dans Rom. 5:14.
La prophétie d’Osée est importante sous ce rapport, qu’elle fournit le tableau moral du peuple que Dieu a jugé, l’état de ce peuple qui a rendu ce jugement absolument nécessaire. Rien de plus touchant dans la bouche de Dieu que ce mélange de reproches, de tendresse, d’appel de retour à des moments plus heureux. Mais tout a été vain ; Dieu a dû juger et avoir recours à sa grâce souveraine, qui amènera Israël à la repentance et à Lui. Le peuple encouragerait le roi et les princes dans leur iniquité. Déjà, le fruit de l’iniquité d’Israël se manifestait dans sa faiblesse ; des étrangers aussi le dévoraient (ch. 7:9) ; mais ce n’était pas un motif pour qu’il revînt à l’Éternel. Si, sensible parfois à sa misère, il poussait des cris sur son lit, il ne criait pas à Dieu. Quel tableau de l’homme sous l’effet du péché : il ne veut pas se tourner vers le Seigneur !
Au chapitre 8, c’est spécialement la violation hardie et continuelle de la loi de son Dieu, qui est ouvertement reprochée à Israël, et qui est présentée comme devant amener le jugement avec la rapidité d’un aigle. Ici, remarquez que le dévastateur dont Israël est menacé, vient jusqu’au temple de l’Éternel. Israël avait abandonné l’Éternel pour se faire ses propres autels, et Juda s’était appuyé sur un bras de chair. On peut remarquer également ici, que la prophétie présente Éphraïm comme ayant entièrement abandonné Dieu, et comme étant plongé dans l’iniquité et exposé à un jugement certain ; Juda comme étant encore extérieurement fidèle, mais au fond infidèle de coeur aussi (voyez 6:11 ; 8:14 ; 11:12). Le jugement devait venir sur l’un et sur l’autre.
Nous avons sous les yeux ce touchant mélange d’affection et de jugement, qui se reproduit si souvent dans ce prophète. Éphraïm ne resterait pas dans la terre qui était celle de l’Éternel, car Dieu n’abandonnait pas ses droits, quelle que fût l’iniquité du peuple. Celui-ci irait en captivité et ne s’approcherait plus du Seigneur. Le prophète et l’homme spirituel ne lui serviraient plus de lien avec l’Éternel ; Dieu le confondrait par le moyen de ce qui aurait dû l’éclairer et le conduire. Le prophète serait même un piège pour son âme, quoique autrefois il eût été une sentinelle de la part de Dieu. La corruption d’Éphraïm était profonde, comme dans les jours de Guibha, dont l’histoire est racontée à la fin des Juges, et il serait visité. Dieu avait pris Israël d’entre les nations, comme objet de ses délices ; et Israël avait suivi Baal-Péor même avant d’entrer dans le pays. Si Dieu supporte longtemps, il prend connaissance de tout. Maintenant Éphraïm serait vagabond parmi les nations.
À la fin du chapitre 9 et au chapitre 10, l’Esprit reproche à Israël ses autels et ses veaux d’or ; il serait transporté en captivité ; Juda même aussi porterait le joug. L’Assyrien prendrait ces veaux qui avaient été la confiance d’Israël. Après tout (ch. 11), Dieu se souvient de sa première affection pour Jacob. Il leur rappelle toute sa tendresse, sa bonté, ses soins. Ils ne retourneraient pas à leur ancien état en Égypte, mais seraient captifs en Assyrie. Mais, quelque grand que soit le péché d’Israël, le coeur de leur Dieu se refuse à abandonner son peuple ; il ne les détruirait pas. Il était Dieu, et non point un homme ; et enfin, soumis et tremblant, le peuple serait replacé par Lui dans ses demeures.
L’Esprit présente un autre côté des relations d’Israël avec Dieu. Dieu punirait Éphraïm, et Juda porterait la peine de ses fautes. Mais il leur rappelle que, dans le temps, Jacob avait su lutter avec son Dieu, le supplier et être le plus fort ; qu’ensuite il l’avait trouvé à Béthel, et que là Dieu, l’Éternel même lui avait parlé, lui avait révélé son nom : en effet, il ne l’avait pas fait à Peniel. Remarquez bien ici, comment Dieu entre dans tous les détails de ses relations morales avec Israël, pour faire comprendre la force, la portée et la justice du « Lo-Rukhama » qu’il prononce sur le peuple. Il raconte toute son affection pour lui au commencement, ses tendres soins, de quelle manière il en avait été récompensé déjà à Baal-Péor, l’iniquité affreuse de Guibha maintenant renouvelée, leur corruption, leur idolâtrie, leur refus d’écouter, enfin, de quelle manière ils avaient réussi anciennement à détourner Sa colère, et comment Dieu s’était alors révélé à eux. Or, le nom qu’il avait annoncé à cette occasion était son mémorial pour toujours. Qu’ils reviennent donc à Dieu et s’attendent à Lui. Mais non, tout est corruption, et Éphraïm ne veut pas non plus reconnaître son péché. Celui qui l’avait fait monter d’Égypte le ferait encore demeurer dans des tentes, sans patrie. Dieu avait parlé constamment par ses prophètes ; mais l’iniquité était là. Israël avait été déjà pauvre, vagabond et fugitif, et Dieu avait dû intervenir souverainement par un messager de délivrance, lorsqu’il n’y avait pas d’alliance sur laquelle le peuple pût compter comme étant en vigueur pour sa délivrance.
Le chapitre 13 exprime le conflit perpétuel des affections et du jugement de Dieu. La pensée du péché fait annoncer le jugement, nécessaire, immanquable ; le jugement une fois prononcé, le coeur de Dieu retourne à ses propres pensées de grâce (voyez versets 1-3, 4, 7, 9, 12, 14, et les deux derniers). Il est beau de voir ce mélange de nécessité morale de jugement, de juste indignation de Dieu contre un tel péché, et d’arguments pour engager Israël à abandonner ses mauvaises voies et à chercher l’Éternel, qui se laisserait sûrement fléchir, et puis de retour aux conseils éternels de la grâce qui assurent le peuple de la jouissance de ce dont son iniquité le privait, et en même temps lui rappellent les anciennes relations soutenues avec lui, le peuple de la dilection de Dieu. Quelle condescendance et quelle grâce de la part de son Dieu, bien qu’Israël eût mérité cette sentence, tout affreuse qu’elle fût, précisément en proportion de tout ce que Dieu s’était montré pour lui : « Je ne ferai plus miséricorde ». Le Seigneur Jésus peut bien dire : « Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule sa couvée sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulut »
Voyez aussi comment Dieu déduit l’histoire de l’iniquité d’Israël, depuis le désert même, et présente les moyens mis à sa disposition pour revenir à Lui, expose ses voies quand il avait dû résister à Jacob l’infidèle, mais l’avait béni lorsqu’il avait lutté par la foi, Lui qui ne change pas, et qui était encore le même pour Israël. Toute la conduite d’Israël avait été remarquée par Dieu, était conservée dans sa mémoire, et reproduite pour l’instruction du peuple, si, en quelque manière, il avait été possible de l’épargner.
Tout l’ensemble de ce tableau, fait par Dieu lui-même, nous fournit une profonde instruction, et nous engage à nous tenir près de Lui qui, quelle que soit sa patience, prend connaissance de toutes nos voies, et fait que nous moissonnons ce que nous avons semé. Rien non plus ne fait mieux voir la longue et merveilleuse patience de l’amour de Dieu. C’est le but spécial de cette prophétie, que de faire ressortir
— l’état moral du peuple, qui a abouti à la sentence de Lo-Rukhama, et ensuite à celle de Lo-Ammi, développée dans le résumé des voies de Dieu avec le peuple, donné dans les chapitres 1-3,
— la relation qui subsiste entre les voies morales de Dieu et ses conseils immuables,
— le rapport entre ces conseils et les affections d’après lesquelles Dieu les accomplit,
— l’ingratitude de l’homme dans sa conduite à l’égard de ces affections,
— la longue patience dont Dieu use dans son amour à l’égard de son peuple ingrat,
— et enfin, cet éloignement de Dieu, qui laisse son peuple en proie à sa propre corruption et aux séductions de l’ennemi.
En dernier résultat, l’état dans lequel son peuple se trouve, oblige Dieu à faire venir le jugement que le péché de ce peuple réclame, lorsque tous les avertissements de Dieu par ses messagers ont été inutiles ; mais ceci fait place à l’accomplissement des conseils de Dieu, qui amène son peuple à la repentance, après l’avoir longtemps abandonné aux fruits de ses propres voies, et le fait ainsi jouir de l’effet de ces conseils.
C’est cette dernière oeuvre que présente le chapitre 14 du prophète. Israël, revenant à l’Éternel, reconnaît son iniquité, et s’adresse à la grâce de son Dieu. C’est ainsi qu’il pouvait lui rendre un culte agréable. Son coeur, instruit et purifié, refuse le secours d’Assur, qu’il avait cherché dans son incrédulité, quand il ne voulait pas son Dieu qui sondait ses voies ; il ne s’appuie plus sur le bras de la chair ni sur la force charnelle, et repousse les faux dieux devant lesquels il avait fléchi le genou. Son recours serait auprès de Celui qui avait compassion des orphelins. Dieu n’attendait que le retour du coeur du peuple, retour qu’il a produit par sa grâce, lorsque le châtiment nécessaire à sa gloire morale et au bien du peuple était terminé. Dieu lui-même (le prophète nous le fait voir) guérirait leur abandon de Lui, et les aimerait volontairement. Sa colère s’était détournée de son peuple. Il l’arroserait de bénédiction et de grâce. La beauté et la fertilité divines reparaîtraient en Israël, son peuple.
Je lis le huitième verset de la manière suivante : « Éphraïm dira : Qu’ai-je plus à faire avec les idoles ? » L’Éternel dit : « Moi, je lui répondrai et je le regarderai ». Puis Éphraïm : « Moi, je suis comme un cyprès vert ». Ensuite la réponse de l’Éternel : « De moi provient ton fruit ». C’est la repentance, dont l’Éternel prend connaissance, la conscience joyeuse d’un état béni, que Dieu fait sentir, qui procède de lui seul, et qui par là devient certain et s’accroît sous sa main. Le dernier verset nous fait comprendre ce que nous avons cherché à faire remarquer déjà, savoir, que cette histoire fait connaître les voies de Dieu que le sage, divinement enseigné dans son coeur, comprendra bien ; « car les voies de l’Éternel sont justes », quelque grande que soit sa miséricorde ; l’Éternel va droit devant Lui quand il agit. Le juste, soutenu et aidé par la force de Dieu, peut marcher dans ce chemin ; mais le transgresseur y sera renversé par la force même qui y agit.
Il n’y a pas de prophète, en effet, qui donne l’ensemble de ces voies, comme Osée le fait.