Louis Chaudier
Table des matières :
4 - Guilgal, Bokim — Josué 5 ; Juges 2:1-5
5 - Gédéon — Juges 6:1-35 ; 7:1-25 ; 8:33-35
6 - Le Nazaréat — Nombres 6 ; Juges 13:4-5 ; 16:13-31
Le texte de ces méditations a été révisé par Bibliquest dans sa forme, par rapport à diverses éditions papiers précédentes. Les révisions ont été limitées à ce qui était nécessaire à une expression et une compréhension correctes. Le texte reste marqué par son caractère oral, non révisé par l’auteur. Dans certains cas d’expressions au sens discutable, l’imperfection de celles-ci a été laissée de peur d’en perdre une certaine vigueur.
Certains textes ont été repris de l’ouvrage « Méditations sur la vie chrétienne » édité en 1995 par F.R., et sont notés comme tels. Ces textes ont fait l’objet (par F.R.) d’une révision un peu plus poussée.
[LC n° 15]
Josué, après avoir pris la succession de Moïse, à qui Dieu a, on peut dire, interdit d’entrer dans le pays qu’il a salué de loin, a été appelé par Dieu à remplacer Moïse. Et ce qui caractérise le service de Josué, c’est qu’il a fait entrer le peuple dans le pays de la promesse. Il est en cela un type du Seigneur qui a fait entrer son peuple dans le ciel. Les saints, les croyants, les chrétiens, sont déjà dans le ciel. La plupart ne connaissent pas cette vérité. Ils peuvent jouir des conséquences de cette vérité sans la connaître. Le Saint Esprit peut leur faire goûter les choses du ciel ; mais toutefois, il est bien préférable que les chrétiens connaissent leur vraie position présente devant Dieu. La Parole ne nous a pas été donnée pour rien. Il y a, dans tous les passages de l’Écriture, des instructions qui sont utiles à des degrés divers, et il n’y a pas de passages inutiles, pas un verset inutile. Josué a donc fait entrer le peuple dans le pays. Le Jourdain a été traversé. Trois faits ont marqué le peuple d’Israël, ce peuple qui reste un peuple merveilleux dès ce temps et au-delà, un peuple qui n’a pas eu son pareil sur la terre, qui a été honoré par Dieu comme nul autre ne l’a été. Et il le savait bien ; c’est ce qui l’a rendu tellement hostile au Messie, qui s’est présenté sous une forme qu’il n’attendait pas. Et cette hostilité demeure et demeurera, en tout cas pour le grand nombre.
Josué a donc traversé le Jourdain. À la Pâque, le jugement de Dieu, dans son caractère absolu quant à ses droits, a été mis en évidence. Le peuple a été racheté, car le sang de la victime avait coulé. Et, s’il n’y avait pas eu cela, Dieu, sortant pour juger les Égyptiens, aurait dû juger en même temps son peuple, car il ne valait pas mieux. À la mer Rouge, c’est la destruction de la puissance de la mort vis-à-vis du peuple de Dieu. Le Seigneur a vaincu la mort. Il a ôté à Satan la puissance que celui-ci détenait. Cela paraît étrange, et on comprend que de jeunes chrétiens aient de la peine, quelquefois, à comprendre de telles paroles. Mais, par la suite, Satan s’est acquis sur l’homme des droits, et des droits que Dieu Lui-même ne peut pas discuter. Jusque-là, les hommes se livraient à Satan. Eh bien, Dieu reconnaît à Satan ce droit-là, dans la mesure où il le contrôlera par la suite. Mais le jugement de Dieu sur l’homme est tombé. Il comprend plusieurs parties, en particulier le fait qu’il était sous le pouvoir de Satan, puisqu’il avait choisi de se mettre là. C’est pourquoi aussi, quand le Seigneur est venu, homme fidèle, entreprenant de reprendre entre ses mains la cause de l’homme tombé, il ne pouvait pas ne pas se placer sous toutes les conséquences résultant de la désobéissance du premier Adam. Et il commence par être, au désert, en face de Satan, devant qui Adam et Ève s’étaient trouvés. Le Seigneur devait refaire cette histoire de l’homme, Lui, le dernier Adam, le second homme. Et il a été mis à l’épreuve, au désert. Il a triomphé par l’obéissance, de sorte qu’il a remporté une première victoire sur Satan, qui ne pouvait plus rien sur lui. À cet égard, Dieu ne pouvait rien permettre à Satan à l’égard de cet homme qui venait, dans l’obéissance, de sortir vainqueur de l’épreuve. C’est pourquoi, à partir de ce moment-là, le Seigneur ayant lié l’homme fort, a pillé ses biens. Il aurait pu, à ce moment, si on avait voulu le recevoir, établir la paix sur la terre. Nous savons ce qui est arrivé. Mais pour entreprendre le salut de l’homme, le Seigneur devait défaire Satan, qui détenait le pouvoir de la mort de la part de Dieu, qui lui avait donné cette autorité pour effrayer l’homme. Et la mort était ainsi, non seulement un jugement de la part de Dieu, mais une manifestation de la puissance que Satan s’était acquise sur l’homme en le portant à la désobéissance.
Le Seigneur Jésus, avant son oeuvre de la croix, a d’abord, à Gethsémané, rencontré Satan. Et nous trouvons là une leçon pour nous tous. Satan met à l’épreuve les saints, dans l’ensemble, de deux manières : d’une part, en les tentant par les choses agréables, comme il a fait pour le Seigneur en lui offrant les gloires du monde ; et, d’autre part, en les effrayant, comme il l’a fait au jardin de Gethsémané en faisant peser sur l’âme de Christ les terreurs qui l’attendaient, lorsqu’il s’agissait d’être abandonné de Dieu. Il a fait tout son effort pour que le Seigneur ne s’avance pas devant ce qui était l’épreuve décisive, aussi bien pour Satan que pour la gloire de Dieu. Et c’est pourquoi le Seigneur a connu là une épreuve et une douleur incomparables. Il en est sorti triomphant par la soumission. Il a dit : Père, puisque vraiment c’est ta sainte volonté que je prenne la coupe et que je la boive, que ta volonté soit faite. Mais trois fois, pour ainsi dire, le Seigneur, dans l’effroi de son âme, par avance, a sondé cela jusqu’au fond, pour être bien sûr que c’était la volonté du Père, qu’il prit la coupe pour la vider sur la croix. Ce fut un moment d’une insondable profondeur. Satan n’avait plus rien en Lui, désormais. Le Seigneur s’est avancé à la croix et là, il n’avait plus à faire avec Satan à cet égard, sauf que Satan a ligué les hommes contre lui. Mais le Seigneur s’est offert sur la croix dans l’obéissance, et, pendant les trois heures, il a connu, à l’écart de tous les regards, la rencontre avec Dieu, cette rencontre qui ne pouvait pas se répéter. Pendant ces trois heures éternelles, il a éprouvé ce que c’était que de subir le jugement de Dieu à l’égard du péché.
Il entre dans la mort volontairement. Satan n’avait rien en Lui. Dieu ne pouvait pas permettre que Satan exerçât à son égard quelque pouvoir que ce fût, comme il peut permettre que Satan trouble des âmes, voire des chrétiens, au moment de la mort. C’est un pouvoir que Satan s’est acquis, et Dieu ne peut pas le discuter. C’est un fait extrêmement solennel que cette chute d’Adam et Ève, sous le regard de Dieu. Le jugement est terrible, et Dieu Lui-même ne pouvait pas revenir sur sa parole qu’il avait dite à Adam et Ève : « Tu mourras certainement » (Gen. 2:17) !
Le peuple a donc connu la Pâque, la traversée de la mer Rouge où le pouvoir de Satan a été détruit, et le Jourdain, où c’est le peuple qui a passé au fond des eaux du fleuve. Les eaux sont arrêtées et, l’arche étant là, le peuple est identifié, pour ainsi dire, avec l’arche qui se tenait au fond des eaux de la mort Et cela, c’est l’image du fait que les chrétiens sont morts en Christ. La mort de Christ est la leur, elle est à eux : « Toutes choses sont à vous… soit vie, soit mort » (1 Cor. 3:21-22). La mort de Christ appartient au chrétien. C’est-à-dire que le chrétien peut être troublé, s’il marche mal ; mais autrement, le chrétien, en pensant à la mort, ne la considère pas comme un jugement de Dieu. Il n’y a plus du tout cela ; c’est une chose passée. Il est mort dans la mort de Christ, ressuscité avec Christ et en Christ. Les deux expressions sont dans le Nouveau Testament. C’est très important à retenir, cela, pour le christianisme pratique, pour les conséquences dans le christianisme pratique. Nous savons très bien que, même parmi nous, il y a des évangélistes, peut-être, qui s’en tiennent à la croix et s’arrêtent, et laissent le pécheur, quand il a cru, à la croix. Dieu ne laisse aucun croyant à la croix. Il l’emmène au-delà de la croix, jusqu’au ciel ; pas quand le croyant ira au ciel, mais dès maintenant. Et c’est la pensée essentielle dont je désirais dire quelque chose ce soir : le fait que nous sommes déjà du ciel, dans le ciel. Le peuple, une fois arrivé de l’autre côté du Jourdain, est dans le pays de la promesse. Là, la circoncision est opérée ; et, en réalité, des chrétiens peuvent réaliser cette circoncision, c’est-à-dire la mise de côté du vieil homme, justement parce qu’ils sont dans le ciel en Christ. C’est dans la mesure où nous réalisons notre position en Christ, que nous avons la force pour mettre en pratique cette circoncision, c’est-à-dire mettre de côté le moi, la volonté. Ils n’ont pas fait cela dans le désert. La carrière du chrétien est double, à cet égard : nous sommes à la fois dans le désert et dans les lieux célestes. Le désert, c’est un sujet plus ordinaire, plus courant, et que nous comprenons facilement. Mais la partie céleste de la vie chrétienne est un sujet plus difficile à saisir, et non moins important.
Voilà donc le peuple qui est dans le pays de la promesse, et nous voyons que sa nourriture change. Il n’a plus la manne. La manne, c’est pour le désert. Nous l’avons encore, la manne ; c’est Christ dans sa vie. Un chrétien se nourrit des perfections de Christ homme, et, en s’occupant de Christ parfait, comme on le trouve dans les évangiles, le chrétien est modelé à l’image de son Maître. Car la vie de Christ homme est le modèle de la vie des saints. Il nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces (1 Pier. 2:21). Le chrétien seul peut marcher sur de telles traces et, en particulier, le chrétien dans la mesure où il connaît les ressources célestes de la vie du croyant. Nous voyons un autre fait, c’est le vieux blé du pays. C’est la nourriture céleste du pays dans lequel ils sont entrés. Le vieux blé du pays représente Christ ressuscité. Et le chrétien, dans sa vie de tous les jours, peut jouir de Christ, en communion avec Lui dans le ciel – donc Christ ressuscité. Ne cherchons pas Christ à Jérusalem. Nous comprenons que même des frères puissent aller y trouver des émotions plus fortes et légitimes pour prendre connaissance des lieux où se déroula la vie de notre cher Sauveur, mais il n’est pas du tout nécessaire de nous livrer à cela. Nous savons que notre Seigneur est dans le ciel, et nous pouvons avoir avec Lui des rapports beaucoup plus réels et beaucoup plus efficaces, que d’aller chercher le souvenir de son passage dans les lieux mêmes où il a marché et souffert. D’ailleurs, soit dit en passant, dans ce lieu-là, où le sang de Christ a été versé, ce n’est pas, pour l’essentiel, le sang qui parle mieux qu’Abel, comme dit l’épître aux Hébreux (10 :24), mais c’est un sang qui crie (Gen. 4:10 ; Nombres 35:31-34). Il n’a pas encore eu de satisfaction. Il n’y a pas eu d’apaisement, quant à la voix de ce sang qui crie, pour le peuple Juif (pas pour les dix tribus : elles n’étaient pas là, il n’y avait que les deux tribus de Juda et Benjamin). Le peuple Juif, et puis le pouvoir civil, le pouvoir Romain en particulier, l’empire romain — on peut dire l’ensemble du monde — étaient représentés à la croix. Mais particulièrement les Juifs et l’empire Romain sont là sous le coup de la culpabilité de ce crime accompli. Ce n’est pas une voix, un sang qui parle mieux qu’Abel, qu’on trouvera là-bas. Ce n’est pas le chemin qu’il faut prendre pour trouver cette voix qui parle mieux qu’Abel, la voix qui est là, prête d’ailleurs à se faire entendre et à manifester ses effets par des circonstances dont ce peuple ne se doute pas. Cette voix, c’est encore celle qui crie : vengeance ! Le Seigneur n’a pas encore eu de satisfaction, à cet égard, et Dieu non plus.
Le peuple est donc là dans le pays de la promesse. Et nous voyons apparaître un personnage un peu mystérieux, qui est le chef de l’armée de l’Éternel. C’est donc un combat. C’est une chose qui mérite notre attention que, dès le début du livre, Dieu dit à Josué : « Tout lieu que foulera la plante de votre pied, je vous l’ai donné » (Jos. 1:3). Cela, c’est aussi pour nous, chers frères et soeurs : tout lieu que notre pied foulera dans les lieux célestes sera à nous. Et il faut conquérir ce que Dieu donne, le pays que Dieu donne. Et nous avons, au cours de notre carrière ici-bas, à conquérir, pour ainsi dire, le ciel que Dieu nous a ouvert. Nous y entrons pour rendre culte. C’est là que nous rendons culte, en vérité. Mais nous y entrons aussi pour autre chose. La vie d’un chrétien a ses sources, en réalité, dans les lieux célestes. Et quand nous jouissons fortement de la communion avec le Seigneur, nous comprenons ce que cela veut dire. Nous savons très bien que le ciel remplit notre coeur, ce ciel que nous ne nous représentons pas effectivement. Mais nous comprenons qu’il soit dit : « Fixant les yeux sur les choses qui ne se voient pas » (2 Cor. 4:18), ou encore : « Contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3:18). Comment ces passages étranges se réalisent-ils ? Par le Saint Esprit, prenant nos coeurs et les tenant en communion avec le Seigneur que nous n’avons jamais vu. Nous ne l’avons jamais vu et nous ne le verrons jamais. Notre carrière sera achevée, d’une manière ou d’une autre, quand nous le verrons. Le Saint Esprit nous lie donc à Celui que nous n’avons pas vu, et en qui nous nous glorifions. Et nos affections sont dans le ciel. Un chrétien céleste, son coeur est au ciel, parce que son trésor est là. Au fond, c’est vrai pour tout chrétien. Seulement, nos coeurs, pratiquement, se promènent aussi bien facilement sur la terre, et cela est justement un fait qui cause beaucoup de dommages à la vie des chrétiens, et aussi à la vie de l’Église.
Nous voyons le chef de l’armée de l’Éternel : « Es-tu pour nous, ou pour nos ennemis ? Et il dit : Non, car c’est comme chef de l’armée de l’Éternel que je suis venu » (Jos. 5:13-14). Lorsqu’il s’agit du christianisme ordinaire, du christianisme réalisé par les chrétiens vus comme pèlerins ici-bas, il y a des éléments qui interviennent (les relations humaines, les valeurs humaines) et qui ont leur place. Mais lorsqu’il s’agit des relations purement spirituelles, des joies proprement spirituelles, les valeurs humaines, même légitimes, disparaissent Et c’est tellement vrai, que nous trouvons dans le Nouveau Testament, dans l’épître aux Galates en particulier, qu’il n’y a ni homme, ni femme. Il n’y a pas de différence de personne. Quand la communion est dans l’assemblée, quand la communion des saints est puissante par le Saint Esprit, nous nous oublions mutuellement, et nous sommes perdus ensemble, les uns et les autres, dans cette communion avec le Seigneur. Il y a là un caractère, dans notre vie chrétienne, qui est tout à fait particulier, et qui devrait la marquer plus fréquemment. Des qualités, qui peuvent être très utiles dans la vie chrétienne ordinaire, dans la vie du pèlerin dans le désert, n’ont plus de place lorsqu’il s’agit des choses d’ailleurs, lorsqu’on parle d’un christianisme céleste. Combien nous avons à reconnaître que nous reculons souvent, et que nous ne savons pas abandonner telle ou telle chose à quoi nous tenons, et qui nous empêche d’avoir une joie plus grande en Christ et dans les choses qui ne se voient pas. Ce n’est pas nécessairement une idole, mais cela peut être les affaires de la vie. Des chrétiens — nous pouvons dire, sans nul doute, Paul et d’autres aussi — ont réalisé, d’une façon intense, cette vie céleste. Paul pouvait dire : « Nous ne connaissons personne selon la chair » (2 Cor. 5:16). Pourtant, dans la pratique, il s’occupait de ses frères et de ses soeurs. Mais son coeur restait lié à Christ dans la gloire et trouvait sa force et sa joie dans cette communion avec Lui, qui lui permettait de surmonter tous les déboires — et il n’en a pas manqué.
Ce qui est arrivé, c’est que le peuple a remporté des victoires, nous le savons. Le livre de Josué est, au fond, dans l’ensemble, un livre qui nous parle de victoires. Je n’entre pas dans les détails des fautes qu’il y a eu, et même des fautes graves, qui auraient pu mettre en danger la vie du peuple. Quand nous passons au livre des Juges, nous trouvons un accent différent. En général, dans le livre de Josué, ce sont ces victoires, et le ton est beau. Mais, dans les Juges, nous trouvons un accent différent, et il est bon que nous méditions cela. Le peuple n’a pas su conquérir ce qui lui avait été assigné, de même que nous, nous sommes bien loin d’être entrés dans la connaissance des choses que nous avons en Christ dans le ciel : la communion avec Lui, la dépendance de Lui, l’amour qu’il donne, le secret de la communion avec Lui, le fait que notre vie est toute céleste (notre vie chrétienne spirituelle est entièrement céleste). Il n’y a rien, sur la terre, qui soit pour notre vie spirituelle, même les liens familiaux les plus chers, quoiqu’indirectement, ils puissent nous aider. Mais, en eux-mêmes, ils n’entrent pas dans notre vie céleste, pas du tout. Et d’ailleurs, on peut le voir fréquemment, dans les familles ; c’est bien vrai. Il y a un élément de la famille qui est nettement plus spirituel que d’autres de la même famille vivant ensemble. Cette nuance peut se trouver dans le lien le plus étroit, qui est celui de mari et femme. On voit fréquemment la mari plus spirituel que sa femme, ou une femme plus spirituelle que son mari ; et cela tient, tout simplement, non pas à la différence du degré de connaissance, mais au fait que le coeur de l’un est beaucoup plus avec Christ dans le ciel. Et cela, quand cela existe et où que cela se réalise, ne peut pas ne pas se manifester. C’est ce qui fait qu’un chrétien le plus ordinaire (pas nécessairement un apôtre ; le christianisme n’est pas que pour les apôtres, et le Seigneur n’est pas monté dans le ciel que pour les apôtres), mais un chrétien qui a ses sources célestes, cela se saura, inévitablement. Son jugement spirituel est bien meilleur, et il a du discernement. Et, en même temps, il a un secret, pour réaliser une vie chrétienne et faire face aux difficultés, inimitable, qu’on ne peut pas copier. C’est un caractère qui est propre à l’individu, dans la mesure où, justement, il est céleste. Et, s’il est spirituel, on le reconnaît bien ; on peut être sûr que ses rapports avec Christ dans le ciel sont entretenus. Que le Seigneur nous donne de penser à cela. Le contraire d’un chrétien spirituel, cela peut être un chrétien charnel, c’est-à-dire que la chair prend une place marquée, évidente ; non pas quant aux choses grossières, mais la chair intervient dans le domaine où elle n’a aucun droit d’entrer. Dans les problèmes de la vie d’un chrétien, dans les problèmes d’un rassemblement, la chair n’a rien à faire. La nature elle-même n’a rien à dire, n’a rien à voir. La nature, ce n’est pas la chair. Si nous étions plus près du Seigneur, c’est-à-dire ayant des rapports plus vrais et soutenus avec le Seigneur dans sa gloire, eh bien, beaucoup de questions difficiles qui surgissent dans les assemblées ne verraient même pas le jour. C’est donc d’une grande importance. Au contraire, si nous sommes simplement des chrétiens terrestres, sans être proprement engagés dans le monde, mais nous contentant d’un christianisme convenable sans qu’il se nourrisse aux sources, eh bien, nous aurons des ennuis, parce que la force spirituelle ne sera plus la même pour réfréner la chair, la volonté, quand elles se manifesteront. Nous pouvons bien nous dire que, si une assemblée avait existé, étant formée d’éléments de la trempe de l’apôtre Paul, frères et soeurs, ils n’auraient pas souvent eu de problèmes, et que la joie céleste des saints, la puissance de l’Esprit dans les saints, aurait rappelé ce qui s’est passé au début lors de la Pentecôte, où, nous le voyons bien, la nature elle-même était éliminée (au début, à la Pentecôte, l’égoïsme avait disparu), et où la manifestation la plus brillante et la plus puissante était justement de cet ordre-là, que l’égoïsme avait entièrement disparu, que le moi était effacé. Pourquoi ? Parce que le Saint Esprit remplissait tous les coeurs et les occupait de Christ. À ce moment–là, ils ne le voyaient plus. Il était monté au ciel. Qu’il nous soit donné de méditer, de reprendre ces textes, de les étudier et d’en tirer profit.
Le son, dans le livre des Juges, a changé. L’infidélité, Dieu ne peut pas fermer les yeux sur cela. Et alors, il dit : Je vous avais promis le pays ; je vous y ai tous fait entrer, tout le peuple ; mais vous n’avez pas écouté ma voix, et vous n’êtes pas restés séparés des peuples ; vous deviez les abattre. Ils devaient entrer et tuer détruire tous les peuples, entièrement. Ils ne l’ont pas fait. La conséquence, c’est que Dieu les laisse aux effets de leur incrédulité, de leur infidélité. Et quand Dieu parle ainsi, alors nous voyons ce fameux verset qui parle de Bokim. L’ange de l’Éternel n’est plus à Guilgal, et il monte à Bokim. Guilgal, c’était là que Dieu manifestait sa présence, parce que Guilgal était le lieu où le peuple, quand il était en bon état, revenait après les victoires remportées. Ils revenaient se retremper à Guilgal, pour retrouver là la puissance que Dieu donne lorsqu’on vient devant Lui pour confesser ce en quoi on a manqué. Guilgal, c’est la circoncision, en pratique l’application de la mort aux manifestations de la chair. Quand le peuple revenait à Guilgal et repartait de Guilgal, il y avait de la force. Et maintenant, c’est terminé. Cette phase dans l’histoire du peuple d’Israël a pris fin. Plus de Guilgal, et c’est Bokim qui prend la place. C’est le lieu des pleurs, où, tout de même, le peuple adore. Quand a commencé « Bokim », pour l’Église ? Qui peut le dire ? Mais peut-être que nous pourrions faire des réflexions utiles en nous demandant si, plus d’une fois, nous n’avons pas, par notre comportement, entraîné, dans une mesure, le changement de Guilgal à Bokim, dans nos vies personnelles, et même dans la vie des rassemblements. Nous pouvons nous le demander, cela.
Et qu’est-ce qui se passe ensuite ? Nous le savons. C’est la période des réveils, comme il s’en est produit dans l’Église. Le peuple crie. C’est son peuple ; Dieu entend, il envoie un sauveur. Le peuple retombe, et ainsi de suite, jusqu’à la fin de cette période. Qu’il nous soit donné de retenir les instructions à l’égard de cela. Dans chaque assemblée locale, revenons à Guilgal, au jugement de la chair, du moi qui se manifeste de tant de manières, chacun de nous étant exercé dans sa propre vie. Et il ne s’agit pas seulement des actes extérieurs, il s’agit d’abord des pensées, des sentiments intérieurs. La pureté, la sainteté, commencent par le dedans ; et si le dedans est en bon état, la marche pratique s’en suivra.
Qu’il nous soit donné d’être exercés pour que les réunions, étant l’objet de prières de la part de chacun, nous permettent de goûter ensemble nos joies célestes. Que nous soyons toujours exercés pour que la chair ne se mêle pas à l’activité de l’Esprit. C’est un exercice permanent, pour tout service. Nous avons, si j’ose dire ainsi, à repartir de zéro chaque fois. Parce que nous avons été encouragés hier ou avant-hier, cela n’est pas une raison pour partir aujourd’hui d’une manière négligente. Il faut toujours revenir à la dépendance et à l’obéissance, qui sont les caractéristiques de la vie chrétienne.
Et alors, je termine en disant un mot sur ce passage d’Éphésiens. On lit fréquemment le passage d’Éphésiens 2 au culte ; c’est une excellente chose. Le culte se rend dans les lieux célestes. Nous sommes assis dans les lieux célestes en Christ ; c’est une position. On demanderait à bien des chrétiens dans la chrétienté ce que cela veut dire, beaucoup d’entre eux diraient : Nous ne pouvons pas comprendre cela, nous ne comprenons pas ce langage ; je sais que je vais au ciel, j’irai au ciel quand je mourrai, quand le Seigneur viendra. Mais qu’est-ce qu’un chrétien dans les lieux célestes, beaucoup ne sauraient pas expliquer ce que cela veut dire. C’est difficile à expliquer à quelqu’un. Ces choses, en général, se comprennent quand on y est. Vous ne pourrez jamais faire comprendre à quelqu’un ce qu’est que d’être né de nouveau ; c’est impossible ! Ce sont des expressions sur lesquelles achoppent les théologiens les plus attentifs. Ils n’arrivent pas à comprendre ; alors ils donnent souvent des explications fantaisistes, pour dire le moins. Quand quelqu’un est né de nouveau, fût-il un enfant de dix ans, il ne peut pas expliquer ce que c’est, mais il sait qu’il l’est. Il a l’assurance divine qu’il appartient à Dieu, même un enfant. De même, être dans les lieux célestes, nous ne pouvons l’expliquer à personne, mais nous pouvons le réaliser, et goûter ce qui correspond à cela. Il s’agit de la réalisation pratique. Évidemment, l’exercice de chacun joue, mais la position est acquise. Nous sommes pour toujours assis dans les lieux célestes en Christ. Que nous ne tirions pas toutes les conséquences de cette position-là, hélas, c’est autre chose ! Comme de beaucoup de choses, nous ne tirons pas toutes les conséquences du fait que nous avons la vie divine en nous. On devrait voir produits d’autres caractères, dans notre comportement, si nous tirions toutes les conséquences des vérités que nous savons. Que Dieu nous donne de faire des progrès, en tout cas. Alors, dans les lieux célestes où nous sommes entrés, où, par le Saint Esprit, nous entrons, il y a là ce fait qui parait évidemment étrange : Satan est là. Satan et ses anges sont là, de même que les Philistins étaient là, dans le pays de la promesse où le peuple avait déjà posé son pied. Il s’agissait pour le peuple de déloger les Philistins. Pour nous, que s’agit-il de faire ? Chasser Satan ? Non, pas du tout ! Mais nous avons là un genre de combat qui est unique dans l’Écriture. C’est un combat contre Satan et ses anges dans les lieux célestes. En quoi consiste ce combat ? En quoi consiste la défaite ? En quoi consiste la victoire ? Dieu permet que Satan soit dans les lieux célestes. Il n’approche pas de la lumière inaccessible, mais il a accès jusqu’au trône des jugements, et il est un accusateur. Cette expression–là, nous la trouvons en Apocalypse 12 : « l’accusateur des frères ». Il est notre accusateur, et Dieu le permet. C’est très solennel. Nous glissons sur beaucoup de vérités, qui pourtant sont liées à des faits réels. Dieu permet cela, et emploie Satan. Il l’emploie à l’égard même des saints. Et par exemple, Dieu peut permettre en rapport avec un frère qui s’endurcit dans une voie, Il peut permettre d’abord que Satan se fasse devant Dieu l’accusateur de ce frère. Pourquoi pas ? C’est un pouvoir que Satan exerce tant qu’il ne sera pas chassé du ciel, d’une part, et lié pendant mille ans, d’autre part, et enfin jeté dans l’étang de feu et de soufre qui est préparé pour lui. Satan joue encore un rôle, et Dieu l’emploie. Quelqu’un écrivait à l’égard de Job : « Voyant l’état de Job, Dieu a envoyé Satan labourer ce coeur en friche ». C’est solennel, et nous savons ce que Satan a fait, Dieu le permettant et gardant la haute main, la haute direction. Mais, tant que le travail n’était pas fait dans le coeur de Job, Dieu a laissé l’ennemi agir. De même, nous trouvons Satan employé dans les épîtres. L’apôtre menaçait de livrer quelqu’un à Satan afin qu’il apprenne à ne pas blasphémer. Et, quant à quelqu’un de Corinthe, à l’égard duquel se manifestait une lenteur extraordinaire et insolite quant à la mesure disciplinaire à prendre, l’apôtre dit : « S’il faut, je livrerai cet homme à Satan ». Il était le seul à avoir, de la part de Dieu, ce pouvoir. Mais Satan est là, et cet homme aurait été livré au pouvoir de Satan, pour que cet homme, dont Dieu a renforcé l’endurcissement, connût des tourments d’âme et tout autant que de corps. Car Satan a un pouvoir étrange, dans la création même. Nous voyons qu’il a déchaîné un peuple contre Job (1:15, 17). Dieu lui en avait donné la liberté. Cela est à considérer. C’est un sujet très solennel, dont les âmes même de beaucoup de chrétiens n’ont pas idée. On a dit que Satan avait un pouvoir sur la création de loin supérieur à celui des hommes. Et on a, pour faire comprendre la chose, donné cet exemple suivant : avec un verre ordinaire qu’on place en face des rayons du soleil, aucun effet n’est produit au-delà du verre ; mais si on prend un verre grossissant, avec le même soleil, dans les mêmes conditions, on peut enflammer un objet. Et c’est à cela qu’on a comparé le pouvoir exceptionnel de Satan dans les éléments de la création, et Dieu se servant de tout cela.
Satan est dans les lieux célestes, et Dieu s’en sert. Il a accès jusqu’au trône du jugement. C’est très solennel, et bon à savoir. Lorsque le chrétien s’endurcit, Dieu peut se servir de Satan pour l’arracher à cet endurcissement. N’oublions pas cela, chers amis… Ce ne sont pas du tout les possessions démoniaques, qui peuvent avoir lieu surtout dans les pays païens. Il ne s’agit pas de cela ; il s’agit ici d’un ennemi auquel les chrétiens ont à faire dans les lieux célestes. Et qu’est ce que Satan cherche à faire à l’égard des chrétiens, des frères, des soeurs ? Il voudrait à tout prix les empêcher d’être célestes. Car il sait très bien que le jour où nos relations avec un Christ céleste seront coupées, nous deviendrons inévitablement des chrétiens mondains, des chrétiens terrestres, dont l’horizon sera borné aux choses de la terre. Et alors, Satan aura remporté une immense victoire. Ceux qui suivraient cette génération-là, manifesteraient probablement, à moins que Dieu n’intervienne, l’incrédulité et l’apostasie, dans laquelle, d’ailleurs, on s’achemine à grands pas.
Eh bien, n’oublions pas que nous combattons dans les lieux célestes. Satan vient parfois nous empêcher de jouir des choses du ciel. Que le Seigneur nous donne d’avoir à faire à Lui, et que nous lui demandions qu’Il nous garde. Rappelons-nous que Satan a toujours de la prise sur la terre, mais qu’il n’en a jamais sur le nouvel homme. Il a de la prise sur le vieil homme ; et voilà pourquoi, pour être à l’abri de ses attaques, nous avons une armure qui est décrite. Et cette armure revient, dans l’ensemble, à ce que notre état moral soit bon, un état moral droit, un bon état. Car, encore une fois, dans les choses chrétiennes, ce qui est d’ordre moral est supérieur, parce que cela se rattache à la nature de Dieu, et non pas à son gouvernement. Dieu est amour ; Dieu est lumière. Toutes les vérités morales se rattachent à cette nature, qui est l’essence même de Dieu.
Que le Seigneur nous donne de lire ces passages. Il faut lire toute la Bible, en particulier les passages qui sont propres à nous édifier, à nous encourager, à nous relever, à nous instruire, à nous faire prendre connaissance des ressources que nous avons pour tous les combats, contre la chair, contre le monde, et aussi contre Satan et ses anges qui sont dans les lieux célestes. Que le Seigneur nous garde, nous instruise dans les assemblées. Nos frères prédécesseurs ont enseigné cela ; ils ont écrit sur cela. Donnons-nous la peine de lire, et même si cela nous parait difficile. Nous faisons, pour entrer dans la connaissance des sciences de l’homme, les efforts nécessaires. Nous savons consacrer des heures et des années à l’étude de ce dont nous pourrons avoir besoin. Pouvons-nous dire cela de l’étude des choses qui nous sont utiles pour le présent, et qui nous permettront d’être plus heureux sur la terre, parce que, sur la terre comme au ciel, on n’est vraiment heureux que quand on a Christ dans son coeur ?
[LC n° 17]
29 novembre 1953
Nous savons tous — nous l’avons souvent entendu — que le livre de Josué nous présente ce qui correspond, dans le Nouveau Testament, à l’épître aux Éphésiens, le Jourdain nous représentant la frontière qui sépare le pays de la promesse de ce qui n’est pas le pays de la promesse ; géographiquement, qui sépare le désert du pays de la promesse. Moralement, pour nous aussi, le Jourdain, c’est le fleuve de la mort, que le peuple a traversé pendant que l’arche se tenait au fond du fleuve. L’arche était là, et dresse les eaux du Jourdain. C’est ce que nous avons dans ce livre. Et, pendant que l’arche est là, que les sacrificateurs sont là, leurs pieds sur le fond du Jourdain, le peuple passe. Et, de l’autre côté, c’est le pays de la promesse.
Ceci est une figure de l’entrée dans le pays de la promesse qui, pour les chrétiens, n’est rien moins que le ciel. Par la foi, nous entrons dans le ciel, et nous entrons dans les lieux célestes, par la mort. Nous trouvons cela exactement, dans l’épître aux Éphésiens : « Nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés » (2:1). Alors nous voyons que Dieu nous a fait asseoir dans les lieux célestes dans le Christ Jésus (Éph. 2:6). C’est le livre de Josué. Et le livre de Josué, comme toute l’Écriture, a été écrit comme type des choses qui nous concernent, afin que nous recevions, par ces choses historiques, instruction pour nous-mêmes (1 Cor. 10:11). Ce livre de Josué nous montre un peuple qui est entré dans la mort, et qui est sorti de la mort.
Redisons-le donc, encore une fois, comme il est toujours nécessaire d’y revenir. L’histoire morale de chacun de nous — histoire quotidienne — montre qu’il est indispensable que nous revenions aux grandes lignes de la vérité, et que nous y revenions dans la réalisation des détails de la vie de tous les jours. C’est ce qui fait que la vie chrétienne est à la fois élémentaire, simple, et très grande ; élémentaire et simple, parce qu’elle se relie, dans le cadre dans lequel nous nous trouvons, avec tous les hommes ; très haute et élevée, parce que les motifs, les éléments, qui la nourrissent et la gouvernent, sont d’ordre divin.
Un chrétien, en apparence, extérieurement, pour un oeil humain, ne diffère pas beaucoup d’un autre homme ; sauf que l’oeil humain peut être frappé d’un cachet — et il devrait l’être pour nous tous — moral, formé de bien des caractères plus ou moins fondus, qui doivent distinguer même un chrétien d’un autre homme. Mais la vie ordinaire d’un chrétien est remplie des vicissitudes qui constituent la vie d’un homme, dans ce monde. Quelle est sa grandeur ? Est-ce que la grandeur de notre vie chrétienne réside dans les exploits que nous sommes appelés à accomplir ? Aucunement ; ou, en tout cas, pas des exploits visibles. On peut même dire que le Seigneur a fait des miracles. Alors là, il y avait une manifestation spéciale de puissance. C’était le déploiement de puissance dans un homme, le plus humble des hommes, le plus effacé des hommes, le plus fidèle, dans tout ce qu’il avait à faire. Les disciples aussi ont fait des miracles. Et il y avait un déploiement de puissance divine dans des hommes qui étaient simples : l’un était autrefois un pêcheur ; un autre, un savant appelé apôtre, et, de temps en temps, il faisait des tentes. Il n’y a rien, dans ce qui gouverne un chrétien — et de tout pays qu’il soit — qui lui fasse méconnaître la réalité de la vie courante, les devoirs de la vie courante. Seulement, la grandeur de la vie chrétienne, l’incomparable grandeur, la grandeur qui ne peut pas ne pas se manifester là où il y de la piété, n’est pas dans l’éclat des gestes faits, des actes accomplis, dans le spectacle qu’ils peuvent offrir aux yeux des hommes. Mais elle est dans la profondeur, la pureté et la puissance, des motifs qui les font accomplir.
On a pu même dire — et combien c’est vrai — que le Seigneur, sur la croix, dans sa mort, dans l’accomplissement de sa mort, a offert, dans cet acte suprême, le plus glorieux, le plus merveilleux, et alors le plus efficace, de ce qui a jamais pu être accompli. On a pu dire que, dans l’accomplissement de cette mort volontairement acceptée, dans ce que le Seigneur a fait, il n’y avait pas de trace d’héroïsme. Il n’y a pas trace d’héroïsme, dans la vie chrétienne. Ce n’est pas un élément qui constitue la vie chrétienne. C’est-à-dire que l’héroïsme, c’est l’effort que fait un homme (comme l’enseignent les sages de tous les temps ; ils enseignent les hommes à sortir d’eux-mêmes, par une sorte de sursaut d’énergie, et à se montrer supérieur à ce que l’homme est, et à sortir du niveau médiocre, du niveau humiliant, de l’humanité). Il n’y a pas d’héroïsme, dans la vie chrétienne, aucunement. Il n’y a pas tellement trace de cela. Si nous cherchons cela, c’est la chair qui le cherche.
Qu’est-ce que nous trouvons donc, dans la réalisation de cette vie divine ? Comme nous l’enseigne le Nouveau Testament, et en figure ce que nous avons lu, qu’est-ce qui fait qu’elle est grande, tout en étant simple, élevée, profonde, tout en étant vécue dans le cadre de ce que nous faisons tous les jours, les uns et les autres, pour gagner notre vie ? Qu’est-ce qui fait que la vie chrétienne est une très grande chose, qu’un chrétien, s’il est fidèle, ne peut pas ne pas être revêtu de grandeur ? Ce n’est pas parce qu’il sort de lui-même et que, par un effort exceptionnel et remarquable, il cherche à sortir de lui-même. Mais c’est tout l’inverse. C’est parce que Dieu est en lui. Voilà le secret de toute notre vie chrétienne à tous, nous qui sommes chrétiens. Dieu était en Christ : « Celui qui m’a vu, a vu le Père » (Jean 14:9). Dieu était en Christ. Dieu doit se voir en chaque chrétien. Si Dieu ne se voit pas, aucun effort, aucune éducation chrétienne, aucune influence quelle qu’elle soit, aucun effort pour sortir de soi, ne réussira, pour un chrétien, à faire qu’il manifestera ce que Dieu seul peut manifester en lui. Un chrétien, c’est quelqu’un en qui Dieu est et doit se manifester. Y a-t-il rien de grand comme cela ? C’est incomparable, inimitable. Nous le chantons : « Modèle inimitable… ». Mais la vie qui était en Jésus, c’est la nôtre. Et alors, chers amis, quelques mots sur ce que nous avons lu, qui nous donne quelques-unes des conditions pour que ce soit réalisé. Nous le sentons tous — nous le redisons souvent ici. Mais il faut penser que chacun de nous le sente beaucoup plus qu’on ne le lit, parce que c’est la vie de tous les moments. Est-ce que j’ai Dieu avec moi ? Est-ce que je jouis de Dieu avec moi ? Est-ce que Dieu se manifeste en moi ? Je n’ai pas besoin de me sonder, pour cela. Mais voilà la vie chrétienne : Dieu dans un homme.
Et c’est ce que nous avons lu, au moment où le peuple entre dans le pays de la promesse, en traversant le Jourdain, de même que nous sommes entrés dans le Jourdain en traversant la mort. Le passage du Jourdain, c’est le croyant mort avec Jésus. La Pâque, c’est Jésus qui est mort pour le croyant. Au Jourdain, c’est le croyant qui est mort avec Jésus. Et il passe de l’autre côté du Jourdain, image de la résurrection, et même, on peut dire, de l’ascension.
Dieu dit à Josué : Voilà le pays. Il donne les frontières jusqu’à l’Euphrate, jusqu’à l’Égypte. Jamais le peuple n’a eu tout cela. Il n’a pas eu la force de le faire. Voilà ton pays ; voilà les frontières. C’est le premier point. Cela aura lieu plus tard. Mais, deuxième point : Tout lieu que foulera la plante de votre pied sera à vous. Voilà les frontières de votre pays. Mais votre pays, pratiquement, ce pays, n’est à vous que dans la mesure où vous mettez le pied sur lui. Le point que votre pied atteint, c’est le territoire qui est à vous. Celui qui est au-delà de l’endroit où votre pied s’est posé n’est pas à vous. Pratiquement, les choses de Dieu ne sont à nous que lorsque nos coeurs les ont saisies. Et alors, nous trouvons là la différence entre avoir une connaissance extérieure des frontières, et avoir fait la conquête. Il y a une grande différence. On dirait à n’importe lequel d’entre nous, même jeune chrétien : Quels sont les éléments du christianisme et de la doctrine chrétienne ? Il répondra généralement d’une façon très juste. Mais on nous demanderait ensuite : Qu’est-ce que vous en réalisez, de cela ? On demande à quelqu’un : Vous êtes sauvé ? Oui. Vous irez au ciel ? Oui. Et dans quelle mesure réalisez-vous le ciel maintenant ? Voilà l’autre côté, l’autre face. Or, c’est ce côté-là qui intéresse Dieu, le Seigneur, et qui, pratiquement, nous intéresse, parce que c’est cela, pour nous, être chrétien. C’est triste, si nous disons : Je serai chrétien au ciel. Il n’y aura plus de chrétiens, au ciel, dans le sens où nous le sommes sur la terre. Il n’y aura plus de témoins, au ciel. C’est sur la terre qu’il y a des chrétiens témoins, des chrétiens combattants, des chrétiens soldats de Jésus Christ. Dans le ciel, ce sera fini, heureusement. Il n’y aura plus de combats, plus d’adversaires, plus de corruption, plus de ce mensonge qui a ravagé ce pauvre peuple. Au ciel, on est chez soi. Et si on n’est pas chez soi, alors là, nous sommes repris, certainement tous, quand la Parole nous dit : Comment sommes-nous chrétiens pratiquement ? Où est le point que notre pied a atteint ? Sur quel point s’est-il posé ? Peut-être la plupart d’entre nous sommes restés au bord. Le Jourdain est franchi. Et encore, il y en a peut-être beaucoup qui n’ont pas franchi le Jourdain ; qui sait ? Ou bien la Pâque a passé sur eux. Ils le savent, et ils sont dans le désert à la Pâque. Ils ont franchi la mer Rouge, et sont dans le désert.
Le christianisme, c’est quoi ? Du désert, rien que du désert. C’est triste, si on n’a que le désert ; c’est très triste. Voilà pourquoi les gens du monde nous disent : Vous êtes plus malheureux que tous les hommes. L’Égypte est plus heureuse que les gens qui habitent dans le désert, mais moins que ceux qui sont dans Canaan, qui vivent dans un pays ruisselant de lait et de miel. L’Égypte peut faire envie à quelqu’un qui n’est pas sorti du désert, qui n’a rien que le sable. Il y avait les poireaux, les concombres. Mais il y avait le Pharaon. On l’oublie (il y avait le diable ; on l’oublie). Mais si on jouit du pays ruisselant de lait et de miel, si on compte sur lui, l’Égypte ne fait pas envie.
Nous l’avons déjà dit, nous sommes à la fois dans le désert et dans le pays de Canaan ; le désert, parce que tout le monde y connaît les expériences et a à apprendre les leçons du désert ; mais notre coeur peut entrer au ciel. C’est ce que nous sommes invités à faire. Est-ce que nous sommes diligents pour réaliser notre prise de possession du ciel ? Lisons l’épître aux Éphésiens. Est-ce que nous sommes diligents ? Il faut peu de choses, pour que le ciel n’intéresse pas, très peu de choses ; un petit détail, et le ciel est fermé ; un manque de vigilance, et le ciel perd sa saveur. Si on trouve une apparente verdure, dans ce monde, on s’y arrête ; et on s’aperçoit ensuite que c’est le sable. Et les chrétiens sont mécontents. Ils se plaignent de Dieu, de tout le monde, des autres. Dieu dit à Josué : Tout lieu que foulera la plante de ton pied est à toi. Il est probable que nous avons encore des conquêtes à faire. Il y a peut-être des chrétiens qui font de grandes conquêtes, dans ce monde. Et, quand ils entreront là-haut, ils n’auront rien. Tandis que, si un chrétien est exercé par la prière, par la Parole, à vivre avec le Seigneur, il comprend le ciel beaucoup mieux. Des chrétiens disent : Je ne comprends pas bien l’Écriture. On la lit une fois par semaine ! Prenons le moindre livre technique, n’importe lequel, pour exercer n’importe quelle profession. Prenez votre ouvrage, le livre nécessaire pour exercer votre profession. Lisez-le une fois par semaine. Vous verrez comment vous réussirez, dans votre travail ! Contentez-vous de le lire une fois par semaine et à la hâte, et dites : Maintenant, je passe à autre chose.
Le coeur s’engage, les affections s’engagent, dans la mesure toujours croissante où on s’occupe des choses de Dieu. Un livre s’ouvre ; c’est une merveille, les passages dans lesquels on ne trouvait rien. Dieu révèle une profondeur de pensée, une source de bénédiction, de rafraîchissement, de force. On trouve Dieu là où on ne trouvait que des versets, des expressions. On trouve Dieu. On a Dieu, de l’instruction, de la force, de la répréhension.
Chers amis, eh bien, voilà comment il faut prendre possession du pays. Et puis, ce qu’il y a de très intéressant, c’est que tout le monde peut en faire la conquête toute entière. Il n’y a pas de conflit de prise de possession. Tout le monde peut la faire. Est-ce que nous faisons des progrès, dans la connaissance de ce pays d’en-haut ? Est-ce qu’il remplit notre coeur ? Est-ce qu’il nous remplit de joie ? Chers amis, oh, il ne s’agit pas d’une joie dite, de parler de joie ! Il faut l’avoir dans son coeur, dans sa vie, tous les jours, la joie que Dieu donne. Alors on peut faire son travail. Mais on le fait en passant. On travaille ailleurs ; on va ailleurs ; on acquiert ailleurs.
Voilà Josué. C’était pénible pour tous, la mort de Moïse ; un homme comme il n’y en a pas un autre, très doux, plus doux que n’importe lequel de ceux qui étaient sur la surface de la terre (Nomb. 12:3). Il avait appris la douceur, la patience. Il n’en avait pas, au commencement, quand il a tué (Ex. 2:12). Pour partir, il a tué un homme. Moïse est parti. Et alors, Dieu dit : Moïse n’est plus. Et Josué aurait pu être découragé : Qu’est-ce qui va arriver ? Dieu reste. Josué avait été préparé. Les hommes passent ; Dieu reste. Même les serviteurs de Dieu passent ; Dieu reste. Un serviteur disparu, en voilà un autre qui était tout prêt. Dieu n’avait rien dit, pour Josué. On le voyait poindre depuis longtemps. Dieu vient encourager Josué, et vient lui dire : Ne crains pas ; ne crains pas. Est-ce que Dieu vient nous dire : Ne crains pas ? Entendons-nous ? Notre coeur a-t-il une oreille pour entendre ces paroles de Dieu : Ne crains pas ? Qui doit-on craindre ? Dieu. Ne crains pas, dit Dieu. Il y a à craindre vis-à-vis de notre propre coeur, qui nous mène par où nous disons que nous ne voulons pas aller. Mais où nos pieds vont, notre coeur est allé d’abord. Il y a à craindre le diable, qui aura fait du mal, qui fait du mal au peuple chrétien, aujourd’hui ; quel mal !
Mais Dieu dit : Ne crains pas ; j’ai été avec Moïse, je serai avec toi. Attention, la confiance d’un homme de Dieu n’est pas passive, mais active. Et Dieu dit : Ne crains pas ; mais que ce livre de la loi ne s’éloigne pas de ta bouche, et médite-le jour et nuit ; ne t’en écarte ni à droite ni à gauche.
« Médite-le jour et nuit » : nous méditons la Parole de Dieu, chers amis, un peu tous les jours. Nous lisons la Parole de Dieu. Voilà ce que ce passage nous dit : « Médite-la jour et nuit… ne t’en écarte ni à droite ni à gauche… fortifie-toi et sois très-ferme… sois ferme ». Comment peut-on être très-ferme, pour un chrétien ? Est-ce un homme qui est ferme, qui est violent, qui affirme avec violence sa volonté ? C’est un pécheur qui fait cela. Quand est-ce qu’on peut être très-ferme, selon Dieu ? Quand on est avec Dieu. Et quand est-ce qu’on est avec Dieu ? Quand on prie, qu’on lit la Parole, qu’on réalise la communion avec Dieu. On est tranquille ; on est très ferme ; on voit clair. Quelqu’un qui n’est pas ferme, d’abord, il peut hésiter. Il peut vaciller, parce qu’il est soumis à toutes sortes de choses. Et il ne voit pas son chemin. Pourquoi ? Parce qu’il y a trois ou quatre voix qui lui parlent en même temps. Alors on n’entend pas. On ne sait pas ce qu’il faut faire. On est tiraillé par trois ou quatre influences. On ne peut être ferme.
Être ferme, c’est entendre la voix de Dieu, écouter sa voix, entendre et écouter ce qu’il dit. « Parce qu’il est à ma droite je ne serai pas ébranlé » (Ps. 16:8). Il faut être ferme avec Dieu de la même façon. J’entends une voix ; je n’entends pas la voix d’un étranger ; j’entends la voix du bon Berger. On n’est pas faible ; on n’hésite pas. Et, d’autre part, on n’a pas peur.
Un chrétien qui n’est pas avec Dieu a peur. Il a peur des autres, des conséquences, de déplaire au monde, de déplaire à tel ou tel. Quand nous marchons avec Dieu, on n’a pas peur. Nous n’hésitons pas ; nous n’avons pas peur.
Je me rappelle un serviteur de Dieu qui savait ce que parler voulait dire, lorsqu’il s’agissait d’être fidèle au Seigneur. Et il savait ce que cela coûtait. Il répondait une fois à quelqu’un : Mais si vous faites ceci, les conséquences, l’avenir ! Il y a un avenir, pour le chrétien : la gloire de Dieu. Une seule chose compte, la gloire de Dieu, dans ce qu’on fait au moment même, et pour toutes les conséquences, l’avenir ; la gloire de Dieu.
Est-ce que nous nous appliquons, chers amis, à nous fortifier, à être fermes, et à être très fermes ? Nous le savons, il faut être énergiques, non pas d’une énergie naturelle. Cette énergie, il faut que Dieu la brise, une fois ou l’autre. Il ne se sert pas de l’intelligence de l’homme. Le cheval n’est pas utile à Dieu (c’est une image) ; les jambes de l’homme non plus. Dieu se sert d’un homme brisé. Oh, qu’il nous tienne brisés ! Dieu ouvre son chemin ; très bien. Il le ferme ; très bien. Un homme ferme est tranquille. Voilà l’homme énergique. L’exemple, le type, du chrétien énergique, c’est Paul. Un homme énergique, ferme, c’est un homme qui a un seul but : suivre Dieu dans ses voies. Si nous voulons plaire à beaucoup d’hommes avant de plaire au Seigneur, nous serons inconstants dans toutes nos voies (Jac. 1:8). Il est ajouté « comme l’eau de la mer ». Paul, on pouvait l’avoir connu trente ans avant, et le retrouver après : on trouvait le même homme, mûri davantage. Il aurait eu davantage de marques sur lui, sur ses mains, sur son dos. On m’a outragé beaucoup depuis que je ne l’avais pas vu ; que d’outrages ne m’a-t-on faits ? C’était le même chemin, le même service, le même but devant lui. Que Dieu nous accorde que la fin de notre vie soit le terme d’une marche orientée dans le même but. Que Dieu nous accorde cette grâce et cette gloire pour lui.
Ensuite, ah, chers amis, ce sont de petites choses qui font la vie divine, la vie d’un homme ! Ce sont les petites influences, l’absence de l’influence divine vécue, réalisée, et de la fermeté qu’elle donne, qui font qu’un homme chrétien est soumis à de fortes influences, qui l’emportent.
N’allons pas dire qu’un chrétien mondain est plus heureux qu’un chrétien qui se promène en long et en large dans le pays de la promesse. Ce n’est pas vrai. Il nous arrive d’aller nous promener un peu partout, par le coeur et par la pensée. Qu’est-ce qu’il faut ? Que nous revenions. J’ai perdu du temps, et j’ai été bien malheureux.
La coupe de la joie que Dieu donne est pleine ; elle déborde.
Voilà, ce que Dieu dit à Josué, c’est qu’il y a un gros travail à faire, et immédiatement. Il y a plus qu’un travail ; il y a la guerre. Nous trouvons ensuite que, Dieu ayant parlé à Josué, Josué parle au peuple. Nous savons d’abord qu’avant d’avoir rien fait, il leur parle. Mais, le Jourdain franchi, avant de livrer aucune bataille, avant qu’aucun acte extérieur soit accompli, Dieu fait un travail intérieur. Dieu travaille en nous avant de travailler par nous. Dieu travaille toujours en nous.
Voilà par où commence la guerre. Et qu’est-ce que Dieu fait en nous ? Quel est le travail que Dieu fait en nous, pour que la guerre puisse être entreprise, vis-à-vis de ce qui est les Amoréens, etc. ? Qu’est-ce que Dieu fait ? Quel est le travail ? Qu’est-ce qu’il applique ? La mise de côté de tout ce que le peuple était par nature ; la mise de côté des sentiments, la mort, Guilgal. Rappelons-le, la mort. La mort en soi n’est pas la puissance. On l’a dit ; c’est tout à fait juste. En soi, la mort n’est pas une puissance. Mais elle est la condition pour que la puissance de Dieu soit là. Et où un homme vit avec sa volonté, son énergie naturelle, il n’a pas toujours Dieu pour lui, mais Dieu contre lui. Voilà pourquoi Guilgal. Nous avons vu la circoncision, la mort. Guilgal veut dire roulement : J’ai roulé de dessus toi l’opprobre de l’Égypte. Voilà un peuple qui avait le caractère de l’Égypte. À partir de ce moment-là, c’est un peuple sur lequel la mort a passé. C’est une figure. Nous sommes morts avec Jésus, et pratiquement, pour avoir la puissance de Dieu avec nous, dans notre vie. Un frère, une soeur, un père de famille, dans sa vie de tous les jours (qui n’est pas facile, très éprouvante, pleine de charges, de soucis, d’exercices de conscience et de coeur), a besoin de quoi, pour être chrétien ? Là comme ailleurs, quel est le secret de la force, pour jouir de Dieu, dans l’accomplissement de ce qui est tout à fait ordinaire, et dans lequel Dieu nous laisse ? Premièrement, de la mise de côté de nous-mêmes, de la mort. Guilgal est toujours là. C’est la mise à mort de ce qu’est l’homme naturel dans sa volonté et ses convoitises.
Voilà un guerrier de Dieu. C’est donc un homme qui est d’abord bien mort. Dieu, au lieu de nourrir l’énergie naturelle de l’homme, des chrétiens, la nôtre, commence par la détruire, et nous donne une autre énergie, qui est l’énergie spirituelle du Saint Esprit en nous. Oh, combien c’est vrai, chers amis, et profond ! Nous faisons tous l’expérience que, quand nous voulons même aider Dieu, Dieu est obligé de nous dire : Tu pèches ; tu désobéis. Et plus nous sommes heureux et plus nous sommes forts, plus Dieu nous brise. Et sa puissance s’accomplit ainsi dans notre faiblesse réalisée, et la puissance de Dieu remplit le vase que Dieu a commencé par vider. Cette expression, nous l’avons entendue depuis longtemps par nos devanciers et frères anciens que nous avons connus : vidé de soi-même, vidé de tout, vidé ! On comprend cela, en prenant de l’âge. Et quelle profondeur de vérité morale se trouve dans ce simple mot qui, d’ailleurs, se rattache à la vraie doctrine chrétienne : être vidé de soi. Oh, chers amis, c’est la perfection, la perfection pratique ! Le moi du chrétien, ce moi que Dieu reconnaît, c’est Christ. Le nouveau moi du chrétien, c’est Jésus : « Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi » (Gal. 2:20). Le chrétien a changé de moi. Non seulement il a la vérité éternelle, pour ainsi dire. Mais il y a ensuite la réalisation quotidienne. Voilà l’application de la mort, Guilgal. Nous l’avons vu ; nous l’avons signalé ; chacun le sait. Et Josué retourna dans le camp à Guilgal. Pour quoi faire ? Pour reprendre contact avec cet état moral de choses où l’homme est mis de côté, et où Dieu se met au service des siens. Quel bonheur ! Que Dieu nous accorde cela !
Ensuite, nous trouvons à Guilgal qu’un homme se présente avec une épée nue dans sa main. Ce n’est pas une épée dans son fourreau, mais nue dans sa main. Une épée nue dans la main d’un homme de guerre, cela ne veut pas dire qu’on va se promener. Cela signifie que des choses sanglantes vont se produire, des combats sanglants vont se livrer, une lutte à mort. C’est vaincre ou mourir, comme on dirait parmi les hommes. On est vainqueur ou on est mort. Évidemment, il n’y a pas de moyen terme. On ne peut pas traiter avec les ennemis qu’on va rencontrer. Il n’y a pas d’alliance possible. On est contre eux jusqu’à la mort. Ou on sera avec eux, mais contre Dieu, jusqu’à la mort. Pas d’alliance possible : c’est ce que le peuple de Dieu a oublié. La fausse charité, qui épargne la chair pour ne pas épargner Dieu, conduit le peuple aux défaites et aux humiliations les plus sanglantes. Qu’est-ce que cela veut dire ? Avec qui ne pouvons-nous pas traiter ? Avec qui est-il impossible que le chrétien traite ? Avec les puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes (Éph. 6:12). Notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre le diable ; et c’est ainsi. Voilà la lutte. On ne traite pas. Et le diable se sert de toutes sortes de choses. Nous n’entendons pas le diable parler. Nous ne voyons pas de démons, comme autrefois on le trouvait. Mais il emploie les mêmes moyens. Alors là, il n’y a pas d’alliance, aucune. Le Seigneur nous conduit à un combat sans merci. Celui qui n’est pas vainqueur est éliminé ; et nous savons ce que cela veut dire. Nous ne traitons pas. Voilà pourquoi nous trouvons ensuite une trahison. Il y a deux trahisons, dans ce que nous trouvons là, ou plutôt une.
La trahison d’Acan est une véritable trahison : l’entrée d’un interdit parmi le peuple de Dieu. Celui qui en est coupable est un traître. Voilà un peuple anathème. Et voilà un peuple qui a le Jourdain derrière lui, et les Cananéens devant lui. Il faut qu’il y ait Dieu à tout prix avec lui, ou c’est un peuple perdu — et de la façon la plus sanglante qui soit. De même avec nous : si nous n’avons pas Dieu avec nous dans la position chrétienne, le témoignage chrétien, nous sommes battus complètement. Nous ne pouvons pas être des chrétiens pour Dieu sans Dieu. Et Dieu est avec nous si Guilgal est réalisé, la mise de côté de nous-mêmes, et s’il n’y a pas d’interdit, comme nous le trouvons pour Acan. Qu’a pris Acan ? Pas grand chose. Il a désobéi à Dieu. Il a pris un manteau, un peu d’or. Il a caché tout cela. Personne ne l’a vu, ni Josué, ni personne. Il a dû le faire avec les siens : ils sont tous lapidés. Ils ont dû faire cela de connivence entre eux. Ils ont été très habiles. Mais un homme les a vus, un. Et Josué apprend cela. Comment ? Dieu le lui dit-il ? Non. Comment l’apprennent-ils ? Par les faits eux-mêmes, par une défaite à une petite ville, Aï, rien du tout ! Et ils sont battus, alors que Jéricho est tombée. Alors Josué, qui était un homme de Dieu et comprenait toutes choses, sait ce que cela voulait dire. Instantanément, il a le sentiment du drame, et que vraiment cette situation est terrible, qu’il y a un fait grave, de première gravité, qui s’est passé dans le camp. Alors nous voyons ceci : Dieu n’est pas avec eux. Il dit, avec raison : Pourquoi nous as-tu fait monter là, si tu ne nous conduis pas ? Pourquoi sommes-nous en défaite ? Oh, qu’ils aillent dans le monde, ceux qui veulent le monde et qui l’aiment ! Qu’ils y restent ! Ils ne peuvent pas avoir le monde avec eux, parmi le peuple de Dieu. On ne peut pas ; on apporte de l’interdit. Pour être le peuple de Dieu, livrer les combats de Dieu, faire face à la puissance du diable, qui veut à tout prix barrer, au peuple de Dieu, la route des joies célestes, il ne faut pas les éléments mondains qui restent là. Il y a ainsi des possibilités chrétiennes, aujourd’hui, à la fin de l’Église chrétienne. Mais, pour le témoignage du Seigneur, il faut des coeurs décidés, fermes, remplis de Jésus, qui cherchent leur joie auprès de Jésus, et des coeurs exercés. Que Dieu nous accorde cela, chers amis.
Acan était un traître. Acan, pour un peu d’or, pour un manteau, n’a pas reculé devant le fait de risquer toute la vie du peuple, puisque Dieu dit : Il y a de l’interdit ; je suis contre vous. Il est davantage contre son peuple, quand il y a de l’interdit, qu’il ne l’est contre le monde. Il se serait mis contre son peuple en laissant les Égyptiens bien tranquilles. Quelle leçon ! Que Dieu nous accorde de ne jamais oublier que le premier des caractères, le plus essentiel des caractères, du peuple de Dieu, c’est la sainteté. C’est le premier, le plus constant, le plus invariable, ce à l’égard de quoi Dieu est le plus exigeant. Il ne change pas. Et quelqu’un qui favorise ce manque de sainteté, de séparation, de jugement et de purification, du peuple, est un traître.
Acan et tous les siens y ont passé.
Nous trouvons ensuite Gabaon, et une autre faute. Mais là, Josué a manqué, comme peut-être aussi il avait manqué pour Aï. Car, en lisant beaucoup l’Écriture, et de près, on y découvre beaucoup de choses. Pour Aï, on voit qu’après l’échec sanglant, Josué inspecte le peuple. Il n’avait pas dû le faire avant. Et il aurait dû le faire de bon matin.
La négligence suit souvent un succès comme celui de Jéricho. C’est la porte ouverte aux défaillances.
Pour les Gabaonites, ils n’ont pas consulté la bouche de l’Éternel. Les Gabaonites viennent, racontent une histoire. On en a tant raconté, depuis, des histoires. Mais, au lieu de consulter l’Éternel, on essaie, pour la paix, sans doute. Voilà, on traite avec eux ; et on donne un serment de paix. Immédiatement, on découvre la supercherie. Et cette faute de Gabaon fut plus grave que celle d’Aï. On a manqué de consulter Dieu. On a traité alliance avec des éléments qui n’étaient pas avec le peuple de Dieu. Celui qui n’est pas avec moi est contre vous. Ceci ne veut pas dire que nous devons souhaiter du mal à qui que ce soit ; absolument pas. Nous souhaitons le bien du pauvre pécheur, du plus grand ennemi du peuple de Dieu. Nous souhaitons son bien. Le Seigneur dit : « Priez pour ceux qui vous persécutent » (Matt. 5:44). Lorsqu’il s’agit du témoignage du Seigneur, de la vérité divine, nous n’avons pas de pacte à signer. Ce n’est pas possible. L’homme, quel qu’il soit, s’il n’est pas pour Dieu, est contre Dieu.
Ce n’est pas la peine de le proclamer, comme nous le disons si souvent au culte, et de faire l’inverse. Un homme, quel qu’il soit, s’il n’a pas la vie de Dieu, est un ennemi de Dieu et des enfants de Dieu. C’est une question, non pas de caractère, mais c’est une question de nature. « Par ceci sont rendus manifestes les enfants de Dieu et les enfants du diable » (1 Jean 3:10). Ce n’est pas nous qui disons cela. Voilà un langage clair.
Et alors, pour le peuple de Dieu, témoignage du Seigneur, pour les combats de Dieu, nous ne pouvons avoir Dieu avec nous que lorsque ce qui est de Dieu est avec nous, et que nous veillons à la mise de côté de soi-même, chacun pour soi. Ceci est vrai pour tous les frères et soeurs.
Dieu encourage encore Josué, plus loin. Voilà des rois : Mettez les pieds sur les cous de ces rois. C’est le peuple qui a Dieu avec lui. Ces rois étaient terribles, pour la chair. Ils avaient peur, ces Israélites, devant toutes ces villes murées jusqu’au ciel. Dieu les réconforte. « Celui qui est avec nous est plus grand ». Le diable, les gens du monde, emploient des armes que nous ne pouvons pas employer. Pour nous, la grande arme de l’arsenal que nous avons, c’est la mort. Si nous nous mettons de côté nous-mêmes et réalisons cela, nous sommes heureux, et nous avons Dieu avec nous. Il nous dit : Mettez vos pieds sur le cou de ces rois. « Nous sommes plus que vainqueurs… » (Rom. 8:37-39).
Celui qui est ainsi est plus que vainqueur en celui qui nous a aimés.
Que Dieu nous donne d’être plus que vainqueur à la gloire de celui qui est le grand vainqueur de la mort, et dont le peuple qui suit est un peuple qui devrait chanter, et non pleurer ; chanter la gloire, au lieu d’être un peuple mondain ; avoir des chants dans le désert et dans le pays. La première des choses, chanter à la gloire de Dieu qui a brisé nos chaînes, qui a fait des chrétiens un peuple qui soit libre au monde. La seule liberté qui soit pour l’éternité, c’est la liberté que Dieu donne par l’oeuvre de Jésus, qui non seulement est mort pour nous sur la croix, mais pour nous délivrer de la puissance de la chair, de la puissance du diable. Voilà la vraie liberté que Dieu reconnaît. Qu’il nous donne d’en jouir profondément. Et, qu’étant libres, nos coeurs soient des vases remplis de reconnaissance. Qu’ils fassent retentir le désert de chants à la gloire de Dieu et de celui qui a fait l’oeuvre par laquelle Dieu est glorifié.
Y aurait-il quelqu’un qui gémirait sous quelque esclavage ? Qu’il s’adresse à Dieu, demande à Dieu de le délivrer, de le remplir de joie, de force. Y aurait-il quelqu’un qui ne serait pas converti ? Qu’il s’adresse à Dieu. Dieu donne aussi le salut, encore aujourd’hui.
[LC n° 2]
8 février 1948
Le premier passage que nous avons lu concerne la nuit de la pâque : c’est la première rencontre avec Dieu du peuple qui est encore en Égypte ; c’est le premier contact, pour ainsi dire, avec Dieu.
Si Dieu doit arracher son peuple à l’Égypte, c’est-à-dire au monde, et si Dieu doit juger le monde, il ne peut pas ignorer le péché de son propre peuple. Les Israélites qui étaient en Égypte n’étaient pas en meilleur état que les Égyptiens. Si Dieu sortait de sa demeure pour rencontrer le péché, il le voyait tout d’abord dans son propre peuple. Dieu ne peut pas attirer à lui un peuple couvert de péchés. Et c’est pourquoi, avant de le libérer, avant de l’arracher au monde, il règle le sort de ce peuple devant lui ; et, avant d’intervenir pour faire sortir son peuple, il règle la question plus importante des rapports du peuple avec lui, question plus importante que la délivrance vis-à-vis du monde, qui n’est pas la première chose. La première chose, c’est de régler ses rapports avec Dieu. Il est très fréquent qu’on voie l’ordre des choses renversé, même dans l’enseignement, et souvent, on oublie que le premier de nos devoirs, c’est celui qui consiste à avoir affaire à Dieu. C’est avec Dieu que notre situation doit être, avant tout et en tout premier lieu, réglée.
Un homme du monde se soucie peu de Dieu ; un chrétien mondain, pas beaucoup. Plus un chrétien craint Dieu, plus il fait intervenir Dieu en tout premier lieu, les frères après ; le monde après.
Puisque Dieu doit prendre le peuple à lui, il faut qu’il abrite son peuple. Si Dieu est un juge, il commence par l’être pour son propre peuple, si le peuple n’est pas couvert ; c’est pourquoi Dieu lui-même donne l’abri à son peuple en instituant la Pâque.
Il a fallu beaucoup de foi, pour faire la Pâque : Hébreux 11 souligne la foi de Moïse. Comment le sang d’un agneau égorgé, le sang placé sur les poteaux et le linteau de la porte, peut-il arrêter le jugement de Dieu ? « Par la foi, il a fait la pâque » (v. 28).
Est-ce que tout le monde ici est à l’abri du sang de Christ ? Le sang de Christ n’est pas une religion. Le sang de Christ représente le sacrifice expiatoire de Christ, le fait que Christ a porté nos péchés en son corps sur le bois — les péchés de ceux qui croient. La Pâque nous présente donc le fait que Dieu sort de sa demeure pour juger, et il frappe le monde en frappant les premiers-nés du pays d’Égypte. C’est pourquoi le premier-né des fils d’Israël appartenait à Dieu, et les lévites ont remplacé les premiers-nés d’Israël.
La seconde scène qui nous parle de la croix de Christ, c’est celle où nous voyons que la puissance du Pharaon est brisée. Le chef de ce monde poursuit le peuple de Dieu avec toute sa force ; et c’est la traversée de la mer Rouge qui, d’un côté, est la délivrance à travers la mer pour le peuple de Dieu et, de l’autre, est la condamnation pour le monde et pour son chef.
À la croix de Jésus, la puissance du monde et du chef de ce monde a été brisée. Le monde, le chef de ce monde, qui est Satan, ne peuvent plus rien contre le peuple de Dieu. Quelqu’un qui a cru, quelqu’un qui est à Christ, le monde ne peut pas lui ôter ce que Dieu lui a donné. Dieu compte cet homme parmi son peuple. Il y aurait évidemment beaucoup de choses à dire sur toutes ces vérités.
Les eaux ont été un mur à leur droite et à leur gauche, image de la mort qui condamne et qui engloutit sans rémission ce qui est dans le monde. Le monde et les choses qui y sont, les sages, les philosophes, les moralistes, les hommes religieux, tous ceux-là avec leurs chars et leurs cavaliers, sont engloutis par la mer. Il n’y a pas un philosophe, pas un de ceux qui se prétendent immortels, qui ne soit comme ces chars, ces cavaliers de l’armée du Pharaon : mis à l’épreuve par la mort dans la mer, ils sont engloutis, et rien ne reste d’eux.
J’espère qu’il n’y a pas un chrétien ici qui se laisse éblouir par la gloire que le monde rejette sur ses grands hommes. Ce n’est pas si sûr ! Eh bien, les grands hommes de l’Égypte, avec leurs chars et leurs cavaliers, où faut-il les voir ? « Étends ta main », dit l’Éternel à Moïse ; et il a étendu sa main, et les eaux sont repassées ; elles ont englouti l’armée du Pharaon.
Y a-t-il ici un chrétien, chers amis, donc quelqu’un qui a traversé la mer Rouge à sec, avec les eaux de la mer à sa droite et à sa gauche comme un mur, assez infidèle à celui qui l’a délivré de la mort pour se prosterner devant les chars et les cavaliers du Pharaon ?
Le peuple de Dieu est composé, très souvent, par des gens qui n’ont pas beaucoup d’éclat quant aux choses de ce monde. Tant mieux ; et, même s’ils ont de l’éclat quant aux choses de ce monde, Dieu leur apprend à se dépouiller de cet éclat et à se souvenir que la gloire qu’il répand sur eux, c’est la gloire de Dieu lui-même, du Dieu rédempteur, du Dieu plus puissant que la mort. Un chrétien, quel qu’il soit, même un petit enfant converti, c’est quelqu’un qui peut dire : j’ai traversé à sec les eaux de la mer Rouge ; je ne peux pas l’expliquer ; je ne suis pas un savant, je ne suis pas un philosophe, je ne suis pas un moraliste, mon nom ne sera pas sous les coupoles où on honore les grands hommes de ce monde, mais mon nom est écrit dans le livre de vie. Est-ce que cette gloire nous suffit, chers amis, ou non ? Elle suffit à Dieu. Dieu n’en a pas d’autres à nous donner, et cette gloire efface toute autre gloire. Ah, le peuple de Dieu a besoin, chers amis, de revenir, de se remettre en contact avec les vérités de Dieu et la mort, la croix de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous voyons là les deux choses en contraste. Le peuple fourmille de femmes, d’enfants, et compte six cent mille hommes de pied. Des petits, il y en avait ; ceux qui avaient été épargnés la nuit de la Pâque, ils étaient là ! Ce n’était pas une armée, c’était un troupeau, le troupeau du berger d’Israël. Ils n’avaient aucune puissance. Ils avaient les Égyptiens derrière, le Pharaon avec toute sa force, et la mer Rouge, devant eux : « Étends ta main ».
Chers amis, on sent le besoin de revenir à ce que Dieu nous a donné. Le christianisme, aujourd’hui, de plus en plus, même parmi nous, tend à obscurcir les gloires dont Dieu a couvert son peuple par de fausses gloires de ce monde. Nous trouvons cela partout ; c’est de l’apostasie. Quel est notre titre de gloire ? Nous nous glorifions « dans la croix de notre seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m’est crucifié, et moi au monde » (Gal. 6:14). Voilà ce que dit Paul, et puissions-nous le dire en vérité avec lui.
« Un peuple merveilleux… » (Ésaïe 18:2). Pourquoi ? Était-il plus sympathique qu’un autre ? Les chrétiens authentiques ne sont pas plus sympathiques que d’autres. Qu’est-ce qui fait leur grandeur ? Ce que Dieu leur a donné, et non pas ce qu’ils avaient. « Étends ta main » : quelle parole !
Tous ces petits enfants et ces femmes, tous ces êtres faibles, ont pu voir ce que Dieu a fait. Il a enlevé les roues des chars, et toute l’armée du Pharaon a été engloutie ; c’est fini.
Moralement, c’est ce fait même, la croix de Jésus, qui nous sépare du monde, de l’Égypte. Est-ce que nous sommes contents de cela ? Ou bien est-ce que, dans notre coeur, nous disons : Ah, en Égypte, il y avait des oignons, des concombres, on était mieux que dans le désert ? Le peuple le dira, plus tard. Quand nous sommes mécontents, c’est de Dieu que nous sommes mécontents.
Et puis il y a un troisième fait qui marque l’histoire, le chemin de ce peuple. Après le désert, le peuple n’a pas été fidèle, nous le savons. Et alors, Dieu lui a dit : Tu vas rester quarante ans dans le désert, jusqu’à ce que tous les vaillants hommes, tous ceux qui disent : « Nous allons tous mourir, jamais nous ne pourrons entrer dans le pays ; il y a des géants, dans ce pays ; jamais nous ne pourrons entrer… », tous ceux qui ont eu peur ainsi, tombent ; et vos petits enfants, eux, entreront dans le pays. Josué et Caleb, qui ont eu la foi, ont été tenus de suivre les pérégrinations du peuple infidèle.
Et il en est ainsi aujourd’hui. L’Église a murmuré, comme Israël l’a fait, et tous ceux qui ont de la foi et de la piété sont obligés de suivre le détour très long que Dieu fait prendre à son peuple pour qu’il apprenne à se juger au long du désert.
Au terme du désert, nous voyons le Jourdain ; et, dans le Jourdain, nous voyons le peuple racheté qui entre, cette fois, à la suite de l’arche, l’arche portée par les sacrificateurs. Ils mettent le pied dans le Jourdain, les eaux reculent.
Le Jourdain sépare le désert du pays de la promesse. Le Jourdain, c’est la mort. Immédiatement après le Jourdain, c’est Canaan. Pour nous, il n’y a pas d’intervalle entre la mer Rouge et le Jourdain ; nous sommes à la fois dans le désert et dans le pays de la promesse. Voilà la différence entre Israël et nous. Nous connaissons les difficultés et les peines du désert pour la foi, et, en même temps, nous sommes appelés à vivre dans le pays de la promesse, à nous nourrir d’un Christ céleste. Notre place est en Canaan ; notre pays, c’est le ciel ; notre nourriture, c’est Christ. Et pourquoi nous faut-il rester dans le désert ? Pour que nous apprenions à Le connaître et à nous connaître. Si un chrétien a vécu cinquante ans sur la terre et qu’il n’a rien appris, chers amis, il a perdu cinquante ans. Est-ce que cela arrive ? Dieu le sait, mais c’est triste, parce que c’est une occasion unique. C’est triste, si un chrétien a fourni cinquante ans de traversée dans le désert sans rien apprendre.
Mais c’est surtout la fin que je voudrais marquer. Dans le Jourdain, tout le peuple passe à la suite de l’arche, pendant que l’arche se tient là. C’est-à-dire que, pour le chrétien, non seulement Christ est mort pour lui (la Pâque), non seulement la puissance de Satan contre lui est détruite (la mer Rouge), mais le chrétien est mort avec Christ (le Jourdain). Il faut le reconnaître, c’est le point sur lequel nous nous arrêtons le moins volontiers. C’est un fait comme les deux autres : le chrétien est mort avec Christ. Dieu a tué l’homme à la croix ; il a tué le vieil homme du chrétien à la croix. Lorsque nous nous vantons — et cela nous arrive — lorsque le vieil homme se vante (ce n’est jamais le nouvel homme qui se vante), nous faisons parler un homme que Dieu a tué, nous ressuscitons un homme que Dieu a tué à la croix.
Le Jourdain, c’est le fait que le peuple de Dieu, les chrétiens, sont morts avec Christ et ressuscités avec lui. Ils passent de l’autre côté, en Canaan, image des lieux célestes. Ceci a son parallèle dans toute l’épître aux Éphésiens, et le chapitre 6 en particulier.
À un inconverti, il faut parler de la Pâque ; on ne lui parle pas du Jourdain. Il faut lui dire : Vous avez des comptes à rendre à Dieu, et des comptes terribles ; tout ce que vous avez fait, tout ce que vous avez dit et pensé, est en permanence devant Dieu.
— Oh, je suis quelqu’un de très bien ; je suis très bien élevé, je me conduis très bien.
— Quand vous vous verrez devant Dieu, vous verrez si vous penserez ainsi !
C’est à un chrétien qu’on parle du Jourdain ; c’est aux frères, c’est aux soeurs Il faut leur dire : Vous êtes morts avec Christ. C’est ce que nous trouvons dans le Nouveau Testament : nous sommes morts avec Christ.
Les chrétiens, pour le monde, sont des morts ; est-ce qu’on le voit ? Est-ce qu’on voit que nous sommes des morts pour le monde, ou est-ce que nous sommes bien vivants, pour le monde ?
Alors, voilà le peuple qui passe, qui traverse le Jourdain ; et sort un peuple ressuscité, un peuple qui vit dans le pays de la promesse, qui mangera les fruits du pays, mais qui, d’abord, a à vaincre les ennemis qui s’y trouvent. Comme nous le disons souvent (et il faut le redire ; on dit quelquefois que nous le disons trop, mais il suffit de voir les défaites que nous enregistrons pour réaliser que nous ne le disons pas assez), un chrétien qui lutte, ce n’est pas celui qui reste en Égypte. Celui qui reste en Égypte ne lutte pas. On voit des chrétiens, leur vie s’écoule sans lutte… ; mais un chrétien qui veut jouir de Christ dans la gloire se rend compte que l’ennemi, par tous les moyens, se met en travers tous les jours, pour le solliciter et l’arracher aux choses célestes. C’est l’expérience chrétienne de tous les temps.
De l’autre côté du Jourdain — c’est ce qui m’a frappé souvent, que Dieu ne se contente jamais d’un développement théorique des vérités, jamais — à Guilgal, il y a là une marque, une application pratique de ce que Dieu a enseigné précédemment, à savoir une marque de la mort. Guilgal est le lieu dans lequel le signe de la mort a été marqué sur le peuple. Souvenons-nous toute notre vie que Guilgal veut dire roulement. Dieu a roulé de dessus le peuple l’opprobre de l’Égypte. Quand nous redevenons mondain, nous ramenons sur nous et sur le peuple de Dieu l’opprobre de l’Égypte ; nous effaçons ce que Guilgal a établi.
Quand nous lisons Josué, nous voyons plusieurs fois cette phrase : « et tout le peuple retourna avec Josué à Guilgal » (10:15, 43). Nous avons remporté des victoires, accompli un service, passé une bonne journée, dans la communion avec le Seigneur. Eh bien, si nous ne revenons pas à Guilgal, nous en serons fiers, nous nous en vanterons à nous-mêmes.
Comme disait un serviteur de Dieu qui avait fait une heureuse visite, et à qui on dit : « Oh, quelle bonne visite vous avez faite » : Satan me l’a déjà dit à l’oreille.
Il nous faut revenir à Guilgal, tous les jours ; et c’est ce que j’avais essentiellement à coeur de rappeler. La force du peuple de Dieu, c’est le maintien de la puissance de la mort sur lui. Il est certain que l’application de la mort ne peut se faire que dans la puissance de la vie — nous sommes bien d’accord — dans la puissance du Saint Esprit — le Nouveau Testament nous l’apprend. Mais on ne saurait trop attirer l’attention des saints aujourd’hui sur le fait que l’absence de puissance parmi le peuple de Dieu vient du fait qu’on ne revient pas à Guilgal. Nous en faisons l’expérience ; chacun de nous en fait l’expérience. Si nous nous laissons griser par quelque chose, même un succès, même un succès spirituel, nous apprenons que Dieu se retire de nous ; c’est immanquable. Il faut revenir à Guilgal. Les fils d’Israël ont abattu Jéricho ; ils ont toute une peine à avoir Aï. Pourquoi ? C’était une ville de rien ! À la suite de Jéricho, ils avaient oublié de se juger, et le mal était là. C’est ce que je désirais laisser devant nous.
Je le sens — j’espère continuellement — pour mon compte, que la puissance de Dieu est arrêtée dès que nous ne revenons pas à Guilgal, dès que nous tolérons la chair, quelle qu’elle soit, quelque soit son caractère. Dès que nous nous nourrissons de nous-mêmes, dès que nous oublions d’appliquer la mort de Christ, la puissance de Dieu se retire d’avec nous. Quand on voit, chers amis, la puissance que le monde a sur les chrétiens, des chrétiens qui ont vingt, trente, quarante ans de vie chrétienne, on comprend quelle puissance il faut pour tirer une âme du monde, qui n’a que le monde, qui n’aime que le monde.
Vous ne pouvez pas dire à un inconverti d’aimer autre chose que le monde. Vous n’aimez peut-être pas les choses grossières ; mais un ruban suffit à conduire une âme en enfer !
Israël revient à Guilgal. Et nous ?
Eh bien (nous le sentons parce que, dans la pratique et de bien des manières, de beaucoup de manières, nous avons fait la même expérience), nous allons en face de Aï comme en face de Jéricho, et nous sommes battus. L’ennemi a de la puissance. Au lieu de faire la volonté de Dieu, nous faisons la nôtre ; au lieu de nous séparer du monde, nous succombons à ses tentations. Personne ne le sait, que Dieu et nous. Mais toutes les défaites ne sont pas spectaculaires et visibles ; elles sont dans notre coeur, dans notre esprit, avant d’être montrées en fruit dans notre vie, chers amis. Et jamais une déchéance publique n’a commencé d’un seul coup.
Le livre de Josué est marqué par des victoires, parce que le peuple revient à Guilgal. Voulons-nous avoir de la joie parmi nous, chers amis, dans nos réunions, au culte ? Jugeons-nous de très près, les frères et les soeurs ! Que chacun se juge de très près, se dépouille de ce dont il doit se dépouiller.
Nous ne forçons pas Dieu à être parmi nous ; nous ne le forcerons jamais. Israël a eu beau faire devant Aï comme il faisait d’habitude — et Josué était là, c’était quelqu’un, ce n’était pas le premier venu — c’est la défaite. Josué déchire ses vêtements.
Notre position est telle que, si Dieu n’est pas avec nous, nous sommes les plus misérables de tous les hommes. Si Dieu n’est pas avec nous, c’est le monde qui nous attend ; c’est la ruine totale qui nous attend. Il faut nous juger de très près, dans toutes nos voies. C’est ce qui fait que la vie chrétienne est une peine continuelle.
Alors, dans Josué, ce sont des victoires. Mais ils n’ont pas remporté toutes les victoires ; ils n’ont pas chassé les ennemis partout et, dans les Juges, nous en voyons les résultats. Les Juges, c’est un livre où, au lieu de chanter les cris de victoires, on entend plutôt des complaintes. C’est vrai d’une vie chrétienne ; cela arrive d’une vie chrétienne où on a manqué de vigilance. Les beaux chants du commencement font place à des lamentations, à des complaintes. C’est vrai du peuple de Dieu, d’une assemblée locale, du peuple de Dieu dans son ensemble. Et qu’est-ce que nous trouvons dans les Juges, au moins deux fois ? Chacun faisait ce qui était bon à ses yeux (17:6 ; 21:25) : moi, je pense ainsi ; moi, je pense autrement.
Le gouvernement de Dieu était là qui laissait les choses ainsi ; car il faut compter avec le gouvernement de Dieu : « engraisse le coeur de ce peuple » (És. 6:10) !
Que trouvons-nous, dans Juges 2 ? L’ange de l’Éternel qui monte de Guilgal à Bokim. Le peuple sent qu’il y a une perte irréparable. Il sent qu’il déchoit ; il sent qu’il descend. L’ange monte de Guilgal à Bokim. On n’a pas voulu de la mort ; on n’a pas voulu porter la mort de Jésus. Eh bien, Dieu se retire. « Je me suis retiré d’eux » ; c’est une expression qu’on trouve deux ou trois fois, dans l’Ancien Testament. C’est terrible, quand Dieu se retire de quelqu’un. Cela arrive chez un individu, et aussi dans un corps de chrétiens : « je me suis retiré d’eux… » Vous ne voulez pas Guilgal, pour connaître la puissance liée à la réalisation de la mort de votre volonté propre ? Eh bien, vous aurez Bokim ; vous pleurerez parce que Dieu ne sera pas là. Et il rappelle les raisons pour lesquelles il s’en va : « Vous avez fait alliance avec les dieux ». Moi, j’avais fait alliance avec vous ; vous avez fait alliance avec les dieux. Ces deux alliances ne peuvent pas subsister ensemble. Vous avez voulu faire alliance avec les dieux ; au lieu de rejeter tout cela, vous m’avez rejeté en acceptant les dieux étrangers. Est-ce une histoire théorique ? Pas du tout, c’est l’histoire de tous les chrétiens ; c’est notre histoire !
Que le Seigneur nous donne de prendre garde, dans notre vie chrétienne, au moindre détail, à tout ce qui nous sépare pratiquement de Christ. Quand on nous dit quelque chose qui nous exalte : Oh, comme il réussit bien, quel succès, comme il a des qualités, comme il réussit brillamment ! Est-ce que cela nous rapproche de Christ, chers amis ? Eh bien, il faudra, une fois ou l’autre, juger cela. Vous n’emporterez pas cela comme une richesse pour Christ. Cela va très loin, je le sais. Mais nous jouons une partie, le peuple de Dieu joue une partie, qui est une partie à mort. Celui avec lequel nous jouons cette partie ne nous épargnera jamais ; il ne laissera passer aucune occasion, on le voit bien. C’est pourquoi la vigilance continuelle est, pratiquement, indispensable. Et tout ce qui, au milieu de nous et dans notre vie chrétienne, contribue à affaiblir la conscience des droits de Dieu, est une infidélité, non seulement vis-à-vis de Dieu, mais vis-à-vis des hommes.
Que le Seigneur nous donne de ne pas savoir ce que c’est que le christianisme sans le vivre. Que le Seigneur nous donne de ne pas savoir ce que c’est que la croix de notre Seigneur Jésus Christ sans pouvoir dire : ta croix, Jésus, est ma gloire, elle est ma mort et ma vie. Que le Seigneur nous donne de le réaliser.
[LC n° 18]
24 février 1946
Le peuple d’Israël avait fait la Pâque (je passerai par dessus). Il s’était mis à l’abri du sang de l’agneau pascal.
Le croyant a su que « la colère était révélée du ciel », comme il est écrit en Romains 1:18 — l’épître qui présente l’évangile. Et il s’est mis à l’abri du sang de Christ. Il n’y a pas d’autre abri.
Le peuple est arrivé à la mer Rouge, qui a été la destruction de ses ennemis. Christ n’est pas seulement mort pour nous sauver, mais aussi pour nous délivrer de la puissance de l’ennemi.
Ensuite, c’est le désert, où le peuple apprend à se connaître. Les hommes de guerre sortis d’Égypte, les courageux d’alors, tous ceux qui ont pu avoir confiance en la chair, sont tombés dans le désert. Mais Dieu se glorifie en ceux qui étaient faibles, en ces petits enfants, pour lesquels craignaient les fils d’Israël. Ceux-là seuls passent le Jourdain, pour entrer au pays de la promesse.
La mer Rouge, c’est la mort de Christ pour nous. Le Jourdain, c’est la mort avec Christ. Après le Jourdain, c’est le pays de la promesse, c’est-à-dire, pour le croyant, les lieux célestes, défendus par les puissances spirituelles de méchanceté (elles sont dans les lieux célestes — Éph. 6:12). Mais il faut, pour y remporter des victoires, passer par Guilgal.
Dieu ne peut pas monter avec un peuple qui porte la livrée de l’Égypte. Il faut la circoncision — le signe de la mort. C’est la mort appliquée pratiquement à ce que nous sommes dans la chair. Alors Dieu peut dire : « J’ai roulé de dessus toi l’opprobre de l’Égypte ».
La croix de Christ met fin à la chair. Un homme est converti : il est du ciel et pour le ciel. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive » (Luc 9:23). Il faut que la croix, que la mort, ait passé sur nous, pratiquement. C’est là la saine doctrine. « J’ai roulé de dessus toi l’opprobre de l’Égypte ». Dieu nous enlève ainsi le caractère mondain que, hélas, Paul a dû flétrir chez des Philippiens : « Leur dieu était leur ventre », leur volonté propre ; leurs pensées étaient aux choses terrestres ; ils faisaient pleurer l’apôtre (Phil. 3:18-19). Et nous-mêmes ? Si l’apôtre venait au milieu de nous, ne pleurerait-il pas ?
Guilgal, c’est la mort. Les frères n’auraient-ils plus ce caractère ? celui de la mort qui a passé sur eux ? Il faut appliquer la mort et y revenir. Un croyant qui nourrit son ambition n’est pas passé, ou revenu, à Guilgal.
Si on y passe, c’est pour engager une lutte sans miséricorde avec le chef de ce monde. Voilà la vérité ! Frères, il nous faut vivre dans le vrai. Le vrai, c’est Dieu ; c’est Christ, Christ dans les siens. Il faut aller avec Dieu, et se contenter d’avoir Dieu tout seul ; ne pas avoir besoin des frères autour de soi. Au reste, il faudra bien Dieu tout seul, pour mourir.
Il s’agit bien d’une lutte sans merci. Jusqu’au bout, Paul a combattu. Près de déposer ses armes , c’est-à-dire d’être recueilli vers Dieu, il dit : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi » (2 Tim. 4:7). Celui qui ne combat pas a cédé. Il a traité. Il a tendu la main à l’adversaire de notre Seigneur Jésus Christ. Un chrétien qui se nourrit de la politique du monde a traité avec l’ennemi. « Adultères », dit Jacques, « l’amitié du monde est inimitié contre Dieu » (Jac. 4:4).
Ne pas livrer bataille, c’est s’être arrangé avec l’ennemi. Et cela est vrai du croyant en particulier, et aussi de l’assemblée.
Dieu est tout-puissant. Mais sa toute-puissance n’est pas pour nous, s’il n’y a pas, entre lui et nous, le lien de la foi. Ne l’oublions pas : si la foi n’est pas en exercice, la toute-puissance de Dieu n’est pas pour nous.
La mort appliquée à nous-mêmes, et qui nous rend propres pour le combat, n’est pas une chose agréable pour la chair. Elle nous fait peur. Pourtant, c’est le secret de notre joie et de notre force. Nous voulons être heureux dans le Seigneur et jouir beaucoup de lui ? Le secret, c’est d’appliquer la mort à ses désirs, à ses caprices.
Si on ne veut pas appliquer la croix, on récolte les conséquences de l’activité de la chair. On a traité alliance avec les habitants du pays. On est puni par là-même : « leurs dieux vous seront en piège ». C’est Bokim.
L’Église aussi a traité alliance avec le monde. Et, à la fin, celle qui prétend être l’épouse de Christ reçoit un nom terrible.
Les frères ont retrouvé Guilgal. Ne sont-ils pas, depuis, descendus à Bokim ?
Si nous ne voulons pas résister, si nous tolérons en nous quelque chose du monde, nous pouvons, en gouvernement, souffrir d’une épine à nos côtés, jusqu’à la fin de notre vie.
Et que les frères ne l’oublient pas : ayant réalisé Guilgal, et combattant les combats de la foi contre les puissances spirituelles, ils sont, je l’ai souvent pensé, comme des sentinelles avancées sur la ligne de feu. Là, c’est l’orage. L’ennemi et ses autorités sont en jeu. La masse des chrétiens est en arrière, de vrais chrétiens ne luttant pas. En général, on ne lutte plus, dans la chrétienté.
Si des frères ou soeurs ne luttent pas, pourquoi sont-ils séparés des catholiques ou des protestants ? Pourquoi portent-ils le nom de frère ou celui de soeur ? N’ont-ils pas fait deux parts, dans leur vie ? Dans l’une, ils disent : « Seigneur, tu es mort pour nous, et nous te donnons gloire » ; et, dans l’autre, ils disent : « Nous sommes sauvés ; maintenant, nous pouvons faire à peu près ce que nous voulons ». Pour les péchés grossiers, on est d’accord — faire à peu près ce qu’on veut, sauf de donner des scandales. Mais la volonté propre est un mal aussi affreux que le mal grossier.
Et combien ces combats sont importants ! C’est par eux que nous prenons possession du pays céleste. Posséder le pays, c’est croître en piété. L’ennemi sait bien que le croyant entrera en possession de l’héritage. Mais il ne veut pas qu’il l’ait avant sa mort. Et il s’oppose à lui. Cela rejoint les quelques pensées dont nous avons été occupés avec Éph. 5. On rencontre l’adversaire en séduction, et il y a le combat. On ne s’arrête pas à ces combats. Ils ne sont pas spectaculaires. Mais, dans la scène morale des choses, ils sont extrêmement importants. À la croix, ce qui s’est vu n’a pas été le plus important ; au contraire. C’est ce que l’homme a fait qui a pu se voir. Ce qui ne se voyait pas, c’est la victoire remportée sur le péché et sur l’adversaire, ce qui s’est passé entre Dieu et Christ.
Si on ne va pas à Guilgal, on trouve Bokim. De Guilgal, on part pour vaincre. À Bokim, on pleure. L’Ange de l’Éternel est bien descendu à Bokim — le Seigneur n’abandonne pas les siens — mais on pleure.
Et qui sont ceux qui attendent le Seigneur ? Seulement les bons soldats de Jésus Christ. Car veiller, combattre et servir, c’est une seule et même chose.
[LC n° 21]
Dimanche après-midi 10 octobre 1948
Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 57
Dans le livre des Juges, c’est la décadence. Le peuple d’Israël a pris l’habitude d’aller de chute en chute ; un déclin, une détresse, on a perdu Dieu, on n’a plus rien ; on crie à Dieu, Dieu répond, Dieu délivre et on recommence : déclins successifs mêlés de restaurations partielles. N’est-ce pas ce qui nous caractérise aujourd’hui ? Dans le livre de Josué, on ne voit pas cela, pas du tout ; il y avait alors une progression continue ; peut-être quelques échecs : tel ennemi, tel Philistin, n’a pas pu être chassé de tel endroit, les Jébusiens, par exemple, qui sont restés très tard à Jérusalem ; mais, dans l’ensemble, une avance continue. À chacun de nous de se demander quel caractère porte sa vie : suite de déclins entremêlés de restaurations, ou progression de force en force par celui qui nous a aimés ?
Lorsque les Philistins avancent — et il est facile de transposer la pensée dans le domaine chrétien — c’est à notre honte : ce n’est pas normal. Toutes les fois que le monde gagne du terrain sur moi, que j’aime quelque chose dans le monde, quelque chose a pris mon coeur, je suis battu. Je ne le dis à personne peut-être, mais Dieu me le dira et je serai dans la détresse. Dieu use de grâce, mais si certains tablent sur la miséricorde illimitée de Dieu pour penser que Dieu entendra toujours, qu’ils lisent la fin des Juges ! C’est l’un des passages les plus sombres de l’Écriture. Dieu ne relève pas et ne ramène pas au même point. On ne se moque pas de Dieu. Une chute, lorsque nous ne nous jugeons pas, lorsqu’il n’y a pas un travail de Dieu profond, risque de laisser une trace, la marque de la victoire de l’Ennemi. Si je marche avec la lumière que Dieu me donne aujourd’hui, il me donnera une autre lumière demain ; mais si je ne marche pas avec la lumière qu’il me donne aujourd’hui, demain il me retirera cette même lumière.
Madian venait et ravissait toutes les récoltes : c’est l’image de l’Ennemi qui vient et empêche que Dieu bénisse son peuple. Lorsque, dans une journée, au long d’une semaine, l’Ennemi nous a détournés par ceci ou par cela, il nous a fait perdre la joie avec Dieu, il nous a ôté notre pain et nous sommes dans la disette. Nous continuons peut-être comme si nous avions bien mangé, mais nous n’avons plus les mêmes forces, car il faut que nous nous nourrissions continuellement du pain que Dieu nous a donné.
Madian vient et ravit tout. Si Dieu écrivait l’histoire de son peuple actuel, et d’une assemblée locale, et d’un chrétien individuellement, on verrait combien de fois Madian a passé par là et a laissé le peuple de Dieu dans le dénuement. Toutes les fois que notre âme a faim et a soif et qu’elle ne jouit pas de la communion avec Dieu, Madian a passé par là.
Il y eut, plus tard, une circonstance semblable : au temps de Samuel, le peuple de Dieu n’avait plus d’armes ; il fallait les aiguiser chez les Philistins (1 Sam. 13, 19-22). C’est ce qu’a fait l’Église professante, elle a demandé sa force au monde. Elle n’avait plus la force de Dieu, la puissance de l’Esprit de Dieu, et pour conserver son prestige et son autorité, elle a fait appel au pouvoir temporel ; elle a fait appel aux grands de ce monde. Quand Dieu retire sa force à son peuple ou à un chrétien, ce peuple ou ce chrétien font toujours appel aux forces extérieures pour ne pas perdre leur prestige ; cela nous guette tous !
Souvent un chrétien trouve, pendant un temps, sa force et sa joie en Dieu, et puis Dieu ne lui suffit plus et il cherche son plaisir dans le monde. Le chrétien devient alors une anomalie affreuse, parce que, d’un côté, il se proclame le témoin de Christ et, d’un autre côté, il déclare qu’il est bien vivant dans le monde et pour le monde. Qu’il nous soit donné de ne pas nous laisser ravir notre nourriture ! Prions et lisons la Parole tous les jours, même s’il n’est pas toujours facile d’allier les devoirs de la vie matérielle et les exigences spirituelles !
Le peuple crie à Dieu, Dieu répond (6:7-10). Mais avant d’intervenir, il parle à sa conscience ; il lui envoie un prophète et lui dit : Il y a bien longtemps que je t’ai annoncé ce qui t’est arrivé, et tu n’as pas écouté. Avant de faire un travail pour nous, Dieu fait un travail en nous. Avant de nous délivrer, avant de mettre de l’ordre dans notre vie quand l’Ennemi y a mis du désordre, Dieu veut mettre de l’ordre dans notre coeur. Aujourd’hui il n’envoie plus un prophète, comme il le faisait en Israël ; c’est la Parole qui remplace le prophète. Dieu veut qu’on soit droit, que son peuple convienne qu’il n’a pas écouté la voix de Dieu, qu’il a traîné le nom de Dieu dans le déshonneur, qu’il a péché contre Dieu en associant son Nom à ses péchés. Pour retrouver la communion, confessons à Dieu ce en quoi nous avons manqué ! Et il arrive qu’une confession devant les hommes soit nécessaire, s’il y a eu péché devant les hommes : il faut que la confession atteigne Dieu et ceux qui ont été touchés.
Pourquoi les restaurations sont-elles si rares et souvent si lentes ? Parce que les confessions sont incomplètes et qu’on ne les favorise pas. Si nous voulons aider quelqu’un que nous aimons, aidons-lui à ouvrir sa plaie, aidons-lui à ne rien cacher ! On nous dira : « Dieu le sait bien ». Mais Dieu veut que vous le lui disiez, que vous montriez que vous êtes d’accord avec lui. Il faut que vous l’honoriez en jugeant ce que vous êtes et ce que vous avez fait, comme lui le juge. Vous ne pouvez pas avoir de communion sans cela. « Deux hommes peuvent-ils marcher ensemble s’ils ne sont pas d’accord ? » (Amos 3:3). De même, nous ne pouvons pas marcher avec Dieu si nous ne sommes pas d’accord avec lui.
Si nous avons eu le bonheur de connaître des frères ou des soeurs âgés et sérieux, nous avons pu être frappés de la manière dont ils prenaient garde aux détails dans leur vie personnelle. La crainte de Dieu, le désir d’être devant Dieu et au large avec lui, passaient avant tout autre chose. Que Dieu nous fasse la grâce de marcher ainsi !
Gédéon entre en scène. Avant de l’appeler, Dieu avait travaillé en lui. Gédéon a eu du courage. Que de fois il a mis sa vie dans la main de Dieu : il a risqué se vie, il l’a exposée pour sa gloire ! C’est Dieu qui lui a donné ce courage. Plus d’une fois, certainement, « son coeur fut agité… comme les arbres de la forêt sont agités devant le vent » (És. 7:2).
Gédéon met à l’abri ce que les Madianites voulaient ravir : il n’accepte pas le triomphe de l’ennemi. Voilà une preuve de spiritualité et de piété ! Lorsque nous voyons un ou plusieurs frères, et peut-être l’assemblée, ravagés par l’Ennemi, si quelqu’un dit : « Oh ! Dieu guérira, Dieu s’en chargera », ce n’est pas la preuve du travail de Dieu en celui qui parle ainsi ! Gédéon aurait pu faire comme tout le monde, après tout. Mais il n’accepte pas cette sujétion du peuple à Madian. Eh bien ! Vous verrez que c’est un caractère de la foi, dans toute l’Écriture, de ne pas accepter la domination de l’Ennemi. Bien souvent la foi paraît absolument insensée ; Gédéon n’avait pas le nombre avec lui, et souvent il a été seul.
Ce n’est pas normal que l’Ennemi ait l’air d’être plus fort que Dieu. Toutes les fois que la foi est réveillée dans un homme, elle dit : « Non, nous ne pouvons pas tolérer que l’Ennemi ait le dessus sur le peuple de Dieu ». Alors on crie à Dieu. Gédéon ne commence pas par agir, mais par montrer qu’il n’a pas pris son parti de la situation. Josué non plus, quand il dit à ses chefs de milliers : « Approchez-vous, mettez vos pieds sur les cous de ces rois » (Jos. 10:24). Il n’y a pas d’équivoque, quand on voit de quel côté se trouve la gloire de Dieu. Certains diront peut-être : « Où est la charité ? » : « Mettez vos pieds sur les cous de ces rois » ! L’Ennemi auquel nous avons affaire ne nous ménagera pas, et nous n’avons pas à le ménager. Il se sert de qui il veut, quelquefois d’un frère, souvent du monde, toujours de la chair. Mais si nous sommes en bon état, nous saurons mettre le pied sur le cou de ces rois, non pas de simples soldats, mais des rois puissants, élevés. Voilà la part du peuple de Dieu. J’espère que personne n’a dit dans son coeur, en face de telle défaillance : « Il faut en prendre son parti ». Ce n’est pas la foi qui parle ainsi ; la foi n’accepte pas la défaite du peuple de Dieu.
Qu’est-ce que Dieu fera ? Gédéon n’en sait rien. Il ne savait pas tout ce que Dieu avait préparé pour lui ; il allait avec la crainte de Dieu et l’amour du peuple de Dieu. Nous sommes tous responsables, dans une mesure, de ce qui se fait dans le peuple de Dieu ; lorsque nous voyons que l’Ennemi le bat en brèche, parlons à Dieu de son propre peuple, demandons-lui de le relever !
Gédéon rencontre Dieu. Dieu le regarde et Gédéon soutient son regard ; mais un homme qui n’a pas rencontré Dieu tremble. Gédéon aura peur, dans la suite, mais il est engagé. C’est dans la mesure où nous aurons rencontré Dieu que, en présence des difficultés, nous ne prendrons pas de décision charnelle. Alors que tout le monde tremble, Gédéon a Dieu avec lui. C’est le propre de la foi. Certains croyants ont besoin de milliers de croyants avec eux pour se sentir forts. Mais, à l’épreuve, l’hésitation s’empare d’eux, ils ne voient plus le chemin, ils ne savent plus que faire, ils sont affolés. Si nous avons une confiance pure, nous ne serons jamais indécis ; quand nous sommes indécis, c’est que Dieu ne nous a pas regardés.
Une fois engagée, l’affaire de Gédéon était très sérieuse ; il risque la vie du peuple et la sienne. Si ce n’est pas une victoire totale, ce sera une défaite écrasante. Il faut la foi : partir avec Dieu, continuer avec Dieu, aller jusqu’au bout avec Dieu. Mais au départ, il y a eu ce regard avec lequel l’Ange de l’Éternel a soupesé, pour ainsi dire, la valeur morale et spirituelle de Gédéon ; et c’est Dieu qui l’avait formé ainsi.
Certains disent : « Je verrai aux résultats si j’ai bien marché ». C’est être conduit par la bride et le mors (Ps. 32:9), par les circonstances. La seule sécurité, c’est d’être conduit par le Saint Esprit. Que ce soit difficile, c’est certain ; mais le principe est là.
Gédéon, tremblant, demande des preuves (c’est une faiblesse de la foi), et Dieu, dans sa grâce, les lui accorde. Mais ses actes de foi sont extraordinaires. Quelqu’un oserait-il se lever pour dire qu’il a fait, étant chrétien, ce que Gédéon a fait ? D’abord Dieu lui dit : « Il faut aller chez ton père ; dans la maison de ton père, il y a un autel à Baal (un autel à Baal dans la maison du père de Gédéon !). Avant que tu montres ta force devant Madian, il y a des victoires à remporter beaucoup moins loin, à portée de ta main ; c’est la première épreuve à laquelle tu vas être soumis. Je ne peux pas t’aider tant qu’un autel à Baal est dressé dans la maison de ton père ; je ne puis pas supporter cette équivoque. Renverse l’autel, prends le taureau de ton père et offre-le en holocauste sur le bois de l’ashère que tu auras coupée ». Avant, on avait dit à Gédéon : « Honore ton père et ta mère », mais Dieu vient lui dire : « Va dans la maison de ton père, et renverse l’autel ». Gédéon prenait un risque de la part de son père et de tous les idolâtres. Il trouve quand même dix personnes pour venir avec lui. Était-ce un manque de foi ? Aurait-il dû aller seul ? Je ne sais pas. C’est une mise à l’épreuve. Ne pensons jamais que Dieu nous donnera une victoire en public avant que nous n’ayons remporté ses victoires dans le secret ! Et la première mise à l’épreuve est la plus difficile ; tous y ont passé.
Gédéon aimait l’Éternel plus que son père. « Celui qui aime père ou mère plus que moi, n’est pas digne de moi » (Matt. 10:37). Il agit pour Dieu et non pas pour ses caprices ou pour ses passions. Dans notre vie chrétienne, il y a des moments où Dieu met tout en balance : Dieu d’un côté et tout le reste de l’autre. Bien des fois, par souci de nos aises, pour continuer un petit train-train bien tranquille, nous jetons Dieu derrière notre dos (Éz. 23:35), selon ce que dit le prophète. Qu’il faille la foi pour aller de l’avant, c’est sûr. Gédéon a agi par la foi, autrement Dieu ne l’aurait pas approuvé.
Dieu a voulu associer quelques hommes à la victoire de Gédéon. Gédéon sonne de la trompette pour assembler les Israélites ; il en vient environ trente mille. On est bien content quand il y a beaucoup de monde. Mais Dieu dit : « Non, ils croiront que c’est eux qui ont remporté la victoire ; on va faire une épuration. Je te les épurerai ». Après deux épurations, il en reste trois cents qui avaient l’intelligence de la pensée de Gédéon. Ils ne pensaient qu’à une chose, la bataille. Ils ont bu l’eau en passant ; les autres, qui ont cherché leurs aises, ne pouvaient pas remporter la victoire. Le principe est le même aujourd’hui. Laper l’eau, c’est suivre le vrai Gédéon, avoir le coeur continuellement engagé pour Christ et son peuple. Le Seigneur savait qui il choisissait. Déjà, dans le Deutéronome (20:8), il était dit : Si quelqu’un est dans telle circonstance et qu’il tremble, qu’il reste en arrière, on n’a pas besoin de lui ! Dieu a toujours remporté ses victoires avec des hommes décidés ; trente mille, c’est un embarras pour Dieu. Moins un homme est spirituel, plus il se glorifie de ce dont il n’a pas le droit de se glorifier.
Si nous voulons suivre Christ, nous sommes mis à l’épreuve. Il ne s’agit pas de jeter par la fenêtre tout ce que nous possédons ; il s’agit de laisser Dieu travailler dans notre coeur, tous les jours, sans cesse, et de chercher à garder la communion avec le Seigneur. Alors les choses de Dieu, qui ne se voient pas, auront du prix pour nous. Le chrétien pour qui le ciel n’est pas précieux n’est pas un bon soldat de Jésus Christ. Si, dans les difficultés, il est indécis, il a d’autres motifs que Christ pour agir.
Après cette épuration du peuple, c’est la bataille. Les batailles de Dieu ne ressemblent pas à celles que les hommes livrent. Trois cents hommes et Gédéon à leur tête, ce n’était pas beaucoup à côté des Madianites « nombreux comme des sauterelles » (Juges 7:12). Dieu leur donne une leçon d’humilité. Ils ont eu du courage, Gédéon et Pura, pour entrer dans le camp des ennemis. On admire un homme quand la bataille est remportée, mais quand il s’agit de s’engager, on hésite : le coeur est sondé. Gédéon et Pura auraient pu se dire : « Si jamais le peuple se réveille, nous sommes perdus ». Ils y vont, la foi est simple. Gédéon accepte d’être le pain d’orge, du moment que le pain d’orge renverse la tente de Madian. Trois cents hommes, chacun avec une torche, une cruche, une trompette… Par les trompettes, le peuple se rappelait à Dieu, comme pour dire : « C’est ton affaire ; tu nous as amenés jusque-là ; mais si tu n’agis pas, nous sommes perdus ». C’est toujours ainsi. Dieu entre en scène, et les ennemis eux-mêmes se détruisent.
Que le Seigneur nous donne d’être humbles, petits à nos propres yeux ; c’est le secret de toute victoire. Qu’il nous donne de l’honorer et de livrer les combats de l’Éternel par la foi !
[LC n° 8]
20 novembre 1949
Cette position du nazaréen n’était pas, en Israël, celle de tout le monde ; le premier verset de notre chapitre le montre. Mais pour l’Église, elle est la position de tous ceux qui en font partie. L’Église, c’est-à-dire les chrétiens, les vrais chrétiens, a, de la part de Dieu, une position de séparation. C’est ce que veut dire le nazaréat : la séparation. Un chrétien qui n’est pas séparé n’est pas un témoin de la force de Dieu ; il est un témoin de la force de l’ennemi, comme Samson à la fin.
On a posé quelquefois la question : Est-ce que le nazaréat est le lot de quelques croyants chrétiens, ou le lot de tous ? C’est la position pour tous.
Le parfait nazaréen fut Jésus. Il a été mis à part pour Dieu avant sa naissance, toute sa vie ; et on peut dire qu’il est un nazaréen depuis sa mort, car il dit, dans Jean 17:19 : « Je me sépare — ou je me sanctifie — moi-même pour eux ». Le Seigneur s’est séparé du monde. Il est à la droite de Dieu et s’est séparé pour les chrétiens. Il veut que nous ayons des relations avec lui séparé du monde. Nos relations ne sont pas avec le monde, mais avec Jésus qui est séparé du monde, hors du monde. On demande : Est-ce qu’un chrétien doit avoir des relations ? Bien sûr, tout homme doit avoir des relations. Il n’y a pas une vie qui ne se manifeste par des relations. Une vie n’est pas un principe mort, mais se manifeste dans des relations. Mais avec qui sont les relations du chrétien ? Avec Christ à la droite de Dieu. Cela surprend un peu. On trouve plusieurs fois, dans l’Écriture : « ce sont des choses étranges », « j’ai écrit les grandes choses de la loi pour mon peuple, et elles sont estimées comme des choses étranges » (Os. 8:12). C’est triste, quand les choses de Dieu sont étranges pour les enfants de Dieu. C’est triste, quand un père parle à son enfant, et qu’il ne comprend pas. C’est une anomalie, une chose anormale. Il y a beaucoup de choses que Dieu nous dit et nous montre, que nous ne comprenons pas. C’est certainement parce que nos relations avec Dieu sont anormales, incorrectes, intermittentes, ou qu’elles ont été interrompues.
Un chrétien a des relations, et il faut qu’il en ait. Mais avec qui ? Voilà la question ! Un chrétien est un nazaréen. L’Église a ce caractère du nazaréen. Qu’elle le veuille ou non, Dieu le lui avait donné. Et ce n’est pas ce que nous pensons sur les choses de Dieu qui est la vérité, mais ce que Dieu a établi au commencement.
Le Seigneur pourrait dire à Sardes (qui est, comme nous le savons, l’assemblée qui représente ce qui est issu de la Réformation) comme il dit à Éphèse : « Souviens-toi d’où tu es déchue » (Apoc. 2:5). Le Seigneur ne jugera pas Sardes d’après l’état de Sardes au moment où il en parle, mais en comparant cet état à ce qu’il lui avait donné au commencement. Le Seigneur ne jugera pas les frères d’aujourd’hui simplement d’après leur état d’aujourd’hui, mais en comparant leur état d’aujourd’hui avec ce qu’il leur a donné il y a un siècle. C’est un principe immuable dans les voies de Dieu. De même Éphèse, qui avait abandonné son premier amour, est jugée, c’est-à-dire appréciée, de la part de Dieu, d’après sa position d’origine, d’après ce que Dieu avait déposé en elle au commencement. Et cela peut entraîner un jugement gouvernemental. C’est vrai de tout le monde, d’un chrétien, d’un frère. Chacun sera jugé, apprécié, d’après ce que le Seigneur a mis dans sa vie au commencement. Dieu ne se trompe pas ; il n’est pas injuste. On comprend bien qu’un pauvre païen qui se meurt quelque part au bout du monde, Dieu ne lui demandera pas ce qu’il demandera à un chrétien ou à un frère en contact avec la Parole tous les jours ou tous les dimanches. Dieu jugera chacun d’après ce qu’il a mis dans la main de chacun. Nous trouvons ce principe continuellement.
Donc, l’Église a une position de nazaréat. L’Église était pour Dieu ; elle remplace Jésus. Tant que nous ne comprenons pas qu’elle remplace Jésus dans ce monde, nous ne comprenons pas sa position. Qu’est-ce qu’on a fait de l’Église ? Un corps qui rivalise avec les grands pouvoirs mondains, et non seulement rivalise, mais les soumet. Nombre de fois, dans l’histoire, l’Église a été un corps qui a imposé sa puissance aux grands pouvoirs mondains. Elle a commis fornication avec les rois de la terre, et cela, en employant les mêmes procédés qu’eux. Ct c’est ce que la Parole appelle « le mystère d’iniquité » (2 Thess. 2:7). C’est une abomination, qui déjà étonne lorsqu’elle se lit dans l’histoire des hommes incrédules ! Eh bien, ce même mal, on l’a vu prendre son développement dans ce qu’on a appelé l’Église.
C’est triste que quelqu’un, frère ou soeur, ou un autre chrétien aussi, ne veuille pas s’engager dans le témoignage du Seigneur, et refuse de prendre le titre de nazaréen. Pour quelle raison refuse-t-il ? Le Seigneur le sait. Pour être plus libre, peut-être, pour être moins serré de près ; mais par quoi ? Y a-t-il une loi qui commande aux frères de ne pas faire ceci ou cela ? Y a-t-il des règlements qui commandent de ne pas faire ceci ou cela ? Dans nombre de cas, pas du tout. Mais quelle est la force impérative qui commande aux frères et soeurs qui aiment le Seigneur tel ou tel chemin ? L’amour pour Christ. La position des chrétiens est une position de nazaréat, de séparation ; on ne saurait trop le dire. Non pas une séparation pharisaïque, mais la séparation par Dieu et pour Dieu, la séparation qui provient du fait que Dieu agit dans quelqu’un. « Mettez-moi maintenant à part Barnabas et Paul », trouvons-nous dans les Actes (13:2). C’était à l’égard de serviteurs que le Saint Esprit disait cela. Mais, de la même façon, le Seigneur dit, appelant quelqu’un, un inconverti : « Cet homme est à moi, maintenant ; je l’arrache à ce monde, je le mets à part ». Un chrétien est un homme qui est mis à part.
Le nazaréat qui consiste simplement à être baptisé n’a aucune valeur. On a attribué au baptême une puissance de séparation véritable, autrement dit une puissance qui donne la vie. C’est encore un péché dont il faudra rendre compte à Dieu. La séparation du monde, c’est d’abord la conversion. Mais il y a des gens convertis qui ne veulent pas suivre le Seigneur dans le chemin complet de séparation. Les frères et soeurs ont pris une position de séparation parmi d’autres chrétiens — parmi beaucoup de vrais chrétiens. Eh bien, ils doivent savoir pourquoi ils sont séparés, pourquoi ils sont des nazaréens. Si nous n’en avons pas la conscience intérieure, nous sommes des nazaréens sans fruit, et alors nous serons quelquefois hypocrites. Cela arrive. Nous prenons extérieurement une position qui ne correspond pas à notre état intérieur. Cela peut être de l’inconscience, de l’ignorance, mais aussi de l’hypocrisie.
La séparation pour Dieu peut aller très loin, puisque nous sommes appelés, en principe, à consacrer au Seigneur nos jours, nos biens, nos corps, nos vies. Il est arrivé nombre de fois que le Seigneur a dit à tel chrétien : c’est le moment de laisser ta vie pour moi. Et on a vu que cet homme-là était séparé pour Dieu, non seulement extérieurement, mais aussi intérieurement.
Nous ne pouvons pas tenir de la main droite la bannière de Christ, et de l’autre celle du diable ou du monde ; ce n’est pas possible. Cela ne se voit même pas dans le monde. Vous ne trouvez pas un homme qui aurait une bannière dans la main droite, et invoquerait un chef opposé de l’autre. Cela ne se trouve pas, dans le monde ; mais, hélas, cela se trouve, dans le royaume de Dieu.
Quels étaient ces caractères du nazaréen ? Quels sont les caractères de l’Église et du chrétien ? Il y en a trois.
Le premier caractère, c’est qu’il ne devait pas manger de raisin, de fruit de la vigne, ni les pépins, ni même la peau. C’est très précis.
Ce qui nous fait comprendre la valeur de cette exhortation, c’est la fin du chapitre : « Après cela, le nazaréen boira du vin » (v. 20). Il y a un moment où nous boirons du vin, chers amis, où nous boirons le vin de Dieu. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le moment. Pour le moment, nous ne devons pas boire de vin, c’est-à-dire que nous ne devons pas nous mêler à la joie des hommes. Nous ne pouvons pas nous asseoir au banquet des hommes. Nous ne pouvons pas avoir part aux joies et aux fêtes des hommes. Voilà ce que veut dire : « Tu ne boiras pas de vin ni de boisson forte, ni rien qui vienne du raisin ».
Voilà pourquoi les chrétiens qui écoutent le Seigneur sont toujours des gens séparés, hier et aujourd’hui. Est-ce agréable ? Non, c’est pénible. Toujours séparés, avec toujours cette lutte constante contre les appels du monde qui nous presse, qui nous tente, qui nous invite ! Nous aussi, nous aimerions pouvoir laisser flotter nos vêtements ! Nous aussi, nous aimerions pouvoir boire à toutes les coupes du monde, goûter la communion avec tous les hommes. C’est une joie réelle que la communion. Pour le moment, notre communion est avec un homme que le monde a rejeté. Voilà la part du chrétien : ni raisin, ni boisson forte.
Si nous sommes exercés sur ce point, nous avons certainement fait l’expérience qu’il nous suffit d’un contact avec les joies du monde pour nous faire perdre la joie de Dieu. Une circonstance que nous aurions pu éviter avec un peu de vertu, au sens de 2 Pierre 1, que nous aurions pu éviter et que nous n’avons pas évitée, nous a fait goûter aux joies, à la communion du monde, et nous a fait perdre la communion avec le Seigneur : nous avons bu des boissons fortes, mangé des pépins de raisin.
Nous pouvons être sûrs que bien des ruines de vies chrétiennes sont arrivées parce que, peu à peu, on a pris l’habitude de garder un contact avec le monde, de boire aux mêmes sources que le monde, de s’asseoir aux banquets du monde ; en petit d’abord, avec crainte pour commencer, et puis avec de plus en plus de facilité. Un chrétien qui est à l’aise dans le monde, chers amis, c’est un chrétien qui est enivré ; il n’a plus son sens. Qu’on ne lui demande pas — il en parlera, mais il n’a pas de qualité pour le faire — de dire ce que sont les choses de Dieu. Il n’est pas en état de parler des choses de Dieu, de donner le sens, la valeur, des instructions divines. Il ne peut pas parler de Jésus. On ne peut avoir communion avec le monde d’un côté, et avec Dieu de l’autre.
C’est de notre vie courante qu’il s’agit, chers amis ! Eh bien, à chacun de nous de voir ce en quoi il a à veiller, dans sa vie, pour être nazaréen : « ni raisin, ni boisson forte ».
Plus tard, dans le Cantique des Cantiques, on trouve : « Mangez, amis ; buvez abondamment, bien-aimés » (5:1). Il y aura un moment où les chrétiens, à leur tour, seront à leur aise. Ils ne connaîtront plus cette souffrance et cette peine de lutter pour eux — et pour d’autres — afin que le monde n’entame pas, ne vienne pas entamer, leur nazaréat. À ce moment-là, dans la gloire de Dieu, nous laisserons flotter nos vêtements, nous boirons sans réserve, nous jouirons sans réserve et sans crainte du bonheur que Dieu nous a préparé et que nous connaissons déjà, dans la mesure où nous sommes de vrais nazaréens.
Des chrétiens exercés sur ce point comprendront cela tout de suite. Pour eux, des questions seront résolues tout de suite, des questions qui se soulèvent dans les milieux chrétiens mondains, où on a voulu associer le monde et Christ, ce qui est une abomination aux yeux de Dieu. Un chrétien exercé sent tout de suite : « je perds Christ si je vais là ; si je bois à cette source, je perds Christ. Plutôt la mort que perdre Christ ».
Une première pensée, c’est celle-là, et nous voyons que même la mère de Samson ne devait pas prendre de vin et de boisson forte. Attention, parents chrétiens ! Si les parents, père et mère, sont des nazaréens, leurs enfants, selon la fidélité de Dieu, le seront aussi. Mais que de fois, lorsque les enfants ne sont pas des nazaréens et vont boire aux sources du monde, si on y regarde d’un peu près, qu’est-ce qu’on trouve ? Que les pères et les mères avaient eux-mêmes mangé des raisins.
Je ne sais pas s’il y a, dans la vie chrétienne, une plus grande offense pour Dieu que l’amour du monde, que la communion avec le monde. Qu’on ne dise pas que ce n’est pas un sujet de souffrance de fuir cette communion avec le monde. Qu’on ne nous dise pas que la vie du chrétien est une promenade où nous pouvons nous laisser aller ! Nous ne pouvons pas nous laisser aller.
On a entendu quelquefois assimiler la position chrétienne aux joies du règne millénaire où, en chantant et en dansant avec des instruments de musique et un débordement extérieur de joie, le peuple de Dieu manifestera son bonheur. Ce sera juste à ce moment ; ils jouiront des choses de la terre et de la vie, sans réserve. Ils pourront boire du vin au sens propre. Dieu prendra soin des siens, et leur joie sera saine. Mais la joie du chrétien n’est pas celle-là. Elle n’est pas une joie débordante ; elle est intérieure, dans la séparation par Dieu et pour Dieu. C’est pourquoi la joie de Dieu est liée à cette souffrance, qui vient de ce qu’il faut toujours refuser, toujours rester séparés ; et cela même n’est pas une joie.
Voilà donc le premier point. Je pense que chacun de nous prolongera cette méditation sur ce point. Le Seigneur a été le vrai nazaréen. Jean le Baptiseur a été nazaréen, et, à ce sujet, nous voyons que les instructions données ici ont été appliquées.
Un deuxième point : le rasoir ne passera pas sur sa tête.
Pauvre Samson ! Le rasoir ne passera pas sur sa tête, c’est-à-dire que le soin de soi-même ne caractérise pas le nazaréen. Un nazaréen ne prend pas soin de lui. Tous les hommes prennent soin d’eux, pensent à eux, vivent pour eux. Eh bien, le rasoir ne passe pas sur la tête du nazaréen. Il garde ses cheveux longs. Un chrétien, du fait qu’il ne pense pas à lui, est consacré à Dieu. Et, dans ce signe extérieur qui paraissait insignifiant, en réalité, résidait la force de Samson. Delila, à force de tromperie, a arraché le secret de Samson : « Le rasoir n’a pas passé sur ma tête ». Samson n’était pas à sa place. Il n’aurait jamais dû aller où il était ; et, parce qu’il y était allé, il était battu d’avance. Il était dans une fausse position. Il était impossible que ce qui lui est arrivé ne lui arrivât pas. Il livre son secret.
Un chrétien a un secret avec Dieu. Il a ce secret du souci de plaire à Dieu, d’une consécration à Dieu. Il y a des degrés en cela, mais c’est un caractère du chrétien, la consécration à Dieu. Le secret de la force du chrétien, c’est cette consécration intérieure et soutenue pour Dieu. Delila a très bien senti quand Samson a eu vidé son coeur. Elle l’a senti ; elle a appelé les Philistins : « Cette fois, nous le tenons ». Un chrétien ne doit jamais livrer ses secrets au monde. Un chrétien est une énigme pour le monde, mais ne doit pas expliquer cette énigme. L’Église de Dieu est une énigme pour le monde ; elle ne doit pas livrer son secret. L’Église professante l’a fait et est devenue comme Samson, aveugle. Et le monde s’amuse de l’Église, comme les Philistins se sont amusés de Samson. Le monde rit de l’histoire de l’Église, qui est une histoire terrible, à la suite de la perte de toute vue spirituelle. Le monde en rit ; le monde en parle ; le monde en écrit, se moque de l’Église.
Il arrive que des chrétiens, individuellement, tout à coup, tombent dans le monde et, eux aussi, tournent la meule dans la maison des prisonniers. Ils ont des chaînes d’airain. Samson est aveugle et a des chaînes d’airain. Cet homme, qui a accompli des exploits, qui a emporté les portes d’Hébron sur la montagne quand on avait voulu l’enfermer dans cette ville, les chaînes d’une prison moins forte le retiennent, et il est maintenant prisonnier.
Que de fois le monde n’enchaîne-t-il pas les chrétiens, chers amis ! Est-ce que nous sommes enchaînés ? Est-ce que quelqu’un de nous a une chaîne ? Lourde ou fine, mais forte, une chaîne forgée par l’ennemi, un lien tissé par l’ennemi ? Vous pouvez lire cela, chers amis. Une passion, une relation, n’importe quoi qui n’est pas jugé, c’est une chaîne qui fait que le chrétien est esclave du monde.
Voilà donc un second point qui caractérisait le nazaréat.
Un troisième point : il ne se rendait impur pour aucune personne morte. Toucher un mort, dans l’Ancien Testament, c’était se souiller. C’était très difficile d’être un bon Israélite, ou probablement impossible : on touchait un ossement dans les champs, qui datait de longtemps, et on était impur. Où faudrait-il aller, aujourd’hui, chers amis, dans tout ce vaste cimetière qu’est cette terre, où tant de sang versé crie de la terre à Dieu ? Impossible d’aller nulle part. On touchait un ossement d’homme, on était impur. Pourquoi ? Parce qu’un ossement parlait d’un mort, et la mort parle toujours du péché. S’il y a des morts dans le monde, c’est que le péché est entré. Ce n’est pas normal qu’on meure ! Le diable dit le contraire, le monde aussi ; il le fait proclamer. Tous nos bons philosophes du monde nous disent qu’on ne peut pas faire autrement que de mourir. Et, souvent, nombre d’entre eux sont deux fois morts, comme dit Jude : par nature d’abord, et par apostasie ensuite. Ils se donnent ce titre d’immortels, et ces immortels sont souvent des deux fois morts ; et, si nous pensons au jugement final, des trois fois morts.
Il n’est pas normal que la mort soit dans le monde. C’est pourquoi, quand nous touchons à la mort, nous touchons au péché. Quand il touchait un mort, même quelqu’un des siens — son père, sa mère, sa soeur ou son frère — le nazaréen était impur. Qu’est-ce que cela nous dit ? Que le Seigneur doit avoir sur notre coeur à nous, croyants, les premiers droits. Que de fois nous faisons passer père, mère, frère, ami, avant le Seigneur. Nous nous souillons par infidélité vis-à-vis du Seigneur. Comme celui qui voulait suivre Jésus :
— « Suis-moi ».
— « Laisse-moi premièrement ensevelir mon père ».
— « Laisse les morts ensevelir leurs morts, mais toi, suis-moi » (Matt. 8:21-22).
Il y a un appel du Seigneur, qu’il fait impérativement. Est-ce que cela veut dire qu’on doive oublier les devoirs envers son père, sa mère, etc. ? Pas du tout. Mais que de chrétiens fidèles, de vrais nazaréens, à de certains moments, ont été mis à l’épreuve, parce que Dieu voulait montrer qu’ils préféraient le Seigneur à un père, une mère, etc. Tandis qu’aujourd’hui, chers amis, regardons un peu cela de près, chacun pour son compte. Regardons cela : les liens de famille, d’amitié, les relations diverses, et puis après, le Seigneur. Cela va très loin. Nous avant le Seigneur, pour faire plaisir à tel ou à tel : c’est là se souiller au contact d’un mort, et perdre son nazaréat !
Donc, quelqu’un qui touchait un mort, même un des siens, était impur. Son nazaréat était fini, et tous les jours qui précédaient étaient comptés pour rien. De même, un chrétien qui était resté séparé et qui se laisse aller à une des choses énumérées dans ce chapitre, n’est plus un nazaréen, et tout ce qui est passé est perdu. C’est très sérieux. On peut avoir été exercé, séparé pendant un an, deux ans, vingt ans ; et, si on se laisse aller à être mondain ou à préférer quelqu’un au Seigneur, ou soi-même, en prenant soin, pour ainsi dire, de sa chevelure, le nazaréat antérieur est compté pour rien. Il s’agit de repartir, de prendre un nouveau départ. C’est pourquoi la vie chrétienne est un exercice continuel.
Ce chapitre 6 des Nombres ne nous donne pas les conséquences de la perte du nazaréat, mais le livre des Juges nous les montre.
Quand on perd son nazaréat, il n’est pas toujours donné de recommencer. Samson n’a jamais recommencé. Sa carrière était finie.
Nous lisons, verset 12 : « les jours de son nazaréat… ». Quand on a rendu impur son nazaréat, quand un chrétien a perdu son nazaréat, qu’il a mondanisé ou fait une des choses interdites par le nazaréat, il faut qu’il vienne au Seigneur en confessant ce qu’il a fait ; et, au nom du sacrifice de Christ, du sang de Christ, il peut être rétabli dans son nazaréat. Mais il n’y est pas toujours rétabli ; Samson ne l’a pas été.
Je termine en disant un mot de la fin du nazaréat. C’est le paragraphe des versets 13 à 20, que chacun pourra relire. Il nous parle de la fin du nazaréat.
Chez l’Israélite qui s’était consacré au nazaréat, ce nazaréat prenait fin un certain jour, ou avec sa vie. À ce moment, nous voyons qu’il offre tous les sacrifices : holocauste, sacrifice pour le délit, pour le péché, et sacrifice de prospérité. Il coupe sa chevelure et la met sur le feu. Il offre sa chevelure sur le sacrifice de prospérité et, à partir de ce moment-là, il peut boire du vin. Son nazaréat est fini. Qu’est-ce que cela nous enseigne ? Quand nous aurons fini notre vie terrestre (car notre nazaréat ne finit pas avant notre vie terrestre, à moins qu’il ne cesse par chute ou par péché), notre course, notre service dans ce monde, pour le Seigneur, alors s’ouvrira, pour les siens, le moment du repos dans la gloire, le moment de la communion sans réserve, sans retenue, sans qu’on ait besoin de regarder où on pose son pied. Ici, il faut toujours faire attention où on pose son pied, à une relation qui se prépare, à une connaissance, ou à quelque acte que nous faisons. Il faut toujours que nous considérions devant Dieu ce qui peut s’ensuivre. Quand nous serons dans le ciel en vertu de tout le sacrifice de Christ, sacrifice pour le péché, pour l’holocauste, de prospérité (qui est le signe de la communion), à ce moment-là, nous couperons notre chevelure. Elle sera coupée, et nous la mettrons par-dessus ces sacrifices. C’est-à-dire que notre consécration à Jésus, qui est une consécration éternelle — ce n’est pas seulement pour le temps que nous sommes à Christ, mais pour toujours — sera absorbée dans la communion avec lui. Cette consécration, qui commence ici-bas dans la peine, le labeur, la diligence, la séparation, se poursuivra en gloire dans la communion. Voilà ce que veut dire le fait que la chevelure est coupée et brûlée sur les sacrifices : notre séparation pour Christ finit dans la communion éternelle en gloire. À ce moment-là, le nazaréen boira du vin. « Chantez, amis ; buvez abondamment, bien-aimés » : voilà le jour de notre joie, l’heure de notre joie ! En un sens, le Seigneur pensait à cela, lorsqu’à la Pâque il dit : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que je le boive nouveau dans le royaume de Dieu » (Marc 14:25).
Il y a une joie pour la terre, celle, proprement, du Cantique des Cantiques. Mais il y aura une joie pour le ciel, et le nazaréat sera absorbé dans une communion éternelle avec le Seigneur. Alors nous serons tout à fait chez nous. Nous ne sommes pas chez nous, ici-bas. Celui qui vit comme chez lui dans ce monde est quelqu’un qui se souille et perd son nazaréat très vite. Ici, il n’y a qu’un chemin très étroit où il faut marcher. Certains disent : ces chrétiens sont trop étroits. Christ a été plus étroit que tout le monde, et il a plus aimé que tout le monde.
Que le Seigneur nous donne de réaliser que nous sommes des nazaréens. Que le Seigneur nous garde de perdre notre nazaréat, comme Samson, et de devenir un jouet pour le monde. On entend des hommes qui s’amusent et qui disent : Voyez ce chrétien ! C’était un chrétien ; vous voyez où il en est ! Les gens du monde le disent partout ; ils se moquent de tous les Samson d’hier et d’aujourd’hui.
Que le Seigneur nous garde près de son coeur pour lui. Qu’il nous donne de réaliser que nous ne buvons pas à la joie des hommes, que nous sommes consacrés à Dieu en ne prenant pas soin de nous satisfaire nous-mêmes, et que nous faisons passer le Seigneur avant qui que ce soit. Que le Seigneur nous accorde cette grâce, chers amis. Mais ne pensons pas qu’à nous ; que le Seigneur nous accorde de lui accorder cette joie, à Lui.