Philippe Laügt
30 août 2000
Table des matières :
S’écarter
est un péril qui menace le chrétien tout au long
de sa marche ici-bas. Il est facile de s’écarter de façon insidieuse
.
Cette expression peut se traduire aussi par : « glisser loin » ou « aller à
la dérive », comme un navire qui, même en vue du port, est entraîné par le courant
,
et prêt à faire naufrage. Tragiquement, c’est souvent celui
qui s’écarte
qui est le dernier
à s’en apercevoir ! D’où ces paroles de
l’apôtre : « Dieu nous a parlé dans le Fils, le resplendissement de sa
gloire et l’empreinte de sa substance… Nous devons porter une plus grande attention
aux choses que nous
avons entendues, de peur que nous ne nous écartions » (Héb.
1:2-3 ; 2:1). Pour rester dans Son
chemin, sans dévier à droite ni
à gauche, il faut que notre coeur reste uni à la crainte de son nom (Deut. 5:32-33 ; Ps. 86:11).
L’apôtre écrit à des Hébreux
qui sont sortis du Judaïsme. Le comportement de plusieurs d’entre eux fait craindre
qu’ils portent seulement
la livrée de Christ, sans avoir reçu Sa vie.
Mais d’autres, sont au contraire de vrais
enfants de Dieu. Ils sont
également en danger
de s’écarter
de la vérité entendue et connue
.
D’où cette injonction : « Rappelez dans votre mémoire les jours
précédents : ayant été éclairés
, vous avez enduré un grand combat
de souffrances » (Héb. 10:32). Par fidélité au
Seigneur, ils ont été « offerts en spectacle par des opprobres et des
afflictions ». L’apôtre ajoute : « vous vous êtes associés
à ceux qui
ont été ainsi traités, car vous avez montré de la sympathie pour les
prisonniers et vous avez accepté avec joie
l’enlèvement de vos biens ».
Comment peut-on montrer pratiquement
un tel détachement à l’égard des
biens de la terre ? En ayant la certitude, par la foi, de posséder « des
biens meilleurs et permanents
» (Héb. 10:34).
L’apôtre exhorte : « Ne rejetez donc pas loin
votre confiance qui a
une grande récompense. Car vous avez besoin de patience
, afin qu’ayant
fait la volonté de Dieu, vous receviez les choses promises » (Héb. 10:36). Il faut persévérer, vivre
de foi,
s’appuyer sur les promesses divines, les yeux fixés sur Jésus. La récompense
est pour celui qui reste fidèle
jusqu’à la fin (Apoc.
2:10).
Mais quelles sont les causes habituelles
du relâchement spirituel ? La distraction d’esprit
, le manque de
fermeté
dans nos convictions qui rejaillit sur notre comportement et la recherche
de nos aises
dans la vie journalière. Examinons un peu ces dangers en
détail.
Il y a dans ce monde une
multitude d’objets susceptibles de retenir notre attention et d’accaparer notre
esprit. Quel est l’antidote ? S’appliquer à rester occupé
avec
ferveur de l’Écriture, la sonder et se nourrir de tout ce qui touche au
Seigneur (Jean 5:39 ; 1 Tim. 4:15). On peut devenir
« paresseux à écouter » la Parole de Dieu, elle perd alors de sa saveur. On en
vient vite à se contenter de formes religieuses. Vu le temps, ces chrétiens
hébreux auraient dû être des « docteurs ». Or ils avaient besoin de lait, comme
de petits enfants ! (Héb. 5:11-14). Cela ne doit
pas nous surprendre : Si Christ perd sa place, la première, dans notre coeur
,
notre esprit
est rapidement envahi
par toutes sortes de choses et
l’on s’écarte peu à peu de la vérité, qui est en Jésus. Il faut que toutes
nos pensées
, soient amenées captives
à l’obéissance de Christ (1
Cor. 10:5). Sinon nous pouvons nous laisser entraîner à des raisonnements, à
des discussions suggérées par Satan, du style : « Quoi, Dieu a dit » ?
(Gen. 3:3). Restons attachés à Christ, cette Ancre
sûre et ferme qui seule
peut empêcher notre esprit de partir à la dérive
,
une dérive lente, graduelle, plus redoutable dans notre vie qu’un choc violent
(Héb. 6:19).
Un autre piège, très subtil,
est de se laisser emporter
dans la course effrénée d’un monde, toujours
à la recherche de ses aises et de ses plaisirs (Amos 5:4-6). Un enfant de Dieu
peut s’engager insensiblement
sur cette voie, et le déclin
spirituel aller jusqu’à la ruine et même au reniement. Ni l’âge, ni le « rang »
occupé dans l’Assemblée ne mettent à l’abri de ces dangers. D’où cet
avertissement du Seigneur à ses disciples, au moment de les quitter :
« Veillez et priez, afin que vous n’entriez pas en tentation. L’esprit est
prompt, mais la chair est faible » (Matt. 26:41).
Il y a dans l’Écriture
plusieurs exemples de croyants qui se sont écartés
, pour des motifs
divers.
On peut penser à celui que la
Parole appelle le « juste Lot
, accablé par la conduite débauchée » des
hommes de Sodome. Mais comment se fait-il que « ce juste habitait
parmi
eux » ? Les voyant et les entendant, « il se tourmentait dans son âme
juste, à cause de leurs actions iniques ». Dans quelle mesure était-il conscient
d’être sous les conséquences de ce mauvais choix ? (2 Pier.
2:7-8).
Quand le Dieu de gloire appelle
Abram
à
sortir
de son pays et de
sa parenté et à venir
dans un pays qu’il va lui montrer, Lot le suit
dans cette démarche, qui est celle de la foi (Gen.
12:1, 4). Longtemps le neveu Lot conforme sa conduite à celle d’Abram, qui marche par la foi, et réalise son caractère
d’étranger et de forain sur la terre. Mais Dieu éprouve son serviteur par une
famine. Il descend
alors de lui-même en Égypte, toujours suivi par Lot
et y perd son caractère d’adorateur et de témoin. Il ne peut plus compter sur
le secours divin et, très vite, par crainte de l’homme, il agit sans droiture.
Il est finalement renvoyé par le Pharaon. Mais les richesses acquises en Égypte
deviennent un moyen
dans la main de l’Ennemi : il veut
ruiner le témoignage rendu aux incrédules, le Cananéen et le Phérézien qui habitent alors dans le Pays de Canaan. Des
querelles surgissent entre les bergers des troupeaux d’Abram
et de Lot. Abram en vient à dire à Lot : « Qu’il
n’y ait point de contestation entre moi et toi…car nous sommes frères
;
si tu prends la gauche, j’irai à droite » (Gen.
13:8-9). À ce moment décisif
de sa vie,
Lot lève les yeux, mais
ce n’est pas vers le ciel. « Il vit toute la plaine du Jourdain, qui était
arrosée partout, avant que l’Éternel ne détruisît Sodome et Gomorrhe, comme le
jardin de l’Éternel, comme le pays d’Égypte…
Et Lot choisit
pour
lui
toute la plaine du Jourdain » (Gen. 13:10-11).
Il est attiré par les perspectives riantes mais trompeuses
d’un monde
qui mûrit rapidement pour le jugement. La convoitise des yeux
va le
conduire, peu à peu, vers une fin honteuse. Abram
habite par contre auprès des chênes de Mamré, qui
sont à Hébron, dans la communion avec Dieu (Gen.
13:18).
Lot dresse ses tentes « jusqu’à
Sodome
» et habite dans les villes de la plaine (Gen.
13:12). Peut-être pense-t-il simplement y séjourner
, comme plus tard Élimélec descendu
en Moab (Ruth 1:1-2, 4). Peut-il
ignorer
le caractère de ces hommes « méchants et grands pécheurs devant
l’Éternel » ? (Gen. 13:13). Il fallait se
séparer
d’eux au plus vite
. Or de toute évidence, il s’en « accommode
»,
non sans des tourments intérieurs. Un chrétien, au siècle dernier, compare
notre conscience à un chien fidèle. Il ajoute : « À force de voir passer les
mêmes choses
, elle n’aboie plus » (F. Neff). Il y
a grand danger, si l’on cède aux tendances de nos coeurs naturels, de s’accoutumer
peu à peu à l’atmosphère délétère de ce monde. Il faut demander avec foi, dans
nos prières « plus d’éloignement de ce monde mauvais et plus de sainte fixité
dans nos âmes ». Dès que Christ n’est plus l’objet exclusif de notre coeur,
Satan s’emploie à le remplir « des choses qui sont dans le monde » (1 Jean 2:16),
et l’on part à la dérive
.
Dans cette plaine du
Jourdain, un conflit éclate, et Lot est fait prisonnier
, car « il
habitait dans Sodome » (Gen. 14:12). La nouvelle en
parvient à Abram, l’hébreu (mot qui signifie :
« de l’autre côté, au-delà »). Il ne manque ni d’énergie
ni d’amour
fraternel
. Il discerne la pensée de Dieu et met en campagne trois cent
hommes exercés, nés dans sa maison. Il poursuit l’ennemi, et délivre Lot, son
frère, avec tout son bien (Gen. 14:14-16). C’est pour
Lot, égaré
dans les sentiers du monde, l’occasion à saisir (Col. 4:5).
Va-t-il reprendre, sentant l’appel que Dieu lui adresse, sa place de pèlerin et
d’adorateur ? Il arrive que Dieu donne une occasion
aux siens de
faire demi-tour.
Il envoie une aide spirituelle à ceux qui soupirent
et gémissent
sous les conséquences de leur éloignement (Ézé. 9:4 ; Ps. 107:14). Lot peut encore revenir
,
comme Abram à son retour d’Égypte, « au lieu où se
trouvait sa tente au commencement
». Il n’en fait rien et reprend
ses associations mondaines. À Sodome, l’on a sans doute apprécié l’intervention
et le désintéressement d’Abram, l’oncle de Lot.
Toujours est-il, que c’est assis à la porte de la ville, place d’honneur où se
rend la justice, que les anges venus détruire la ville, trouvent Lot. Lot
reconnaît que ce ne sont pas des « hommes » comme les autres. Il se lève pour les
accueillir et se prosterne. Il les presse d’entrer chez lui, mais ils se montrent
réticents. Le terrible désordre moral qui règne à Sodome se manifeste bientôt.
Dans le désir sincère de protéger ses hôtes, Lot ira jusqu’à appeler ces
habitants de Sodome, chargés d’iniquité, « mes frères
» (Gen. 19:7). En retour, il ne rencontre de leur part, que
mépris, injures et menaces. Seule l’intervention puissante des anges le délivre
(Héb. 1:14). Abraham (père d’une multitude : nom
que Dieu lui donne en Gen. 17:5) n’a pas cessé
d’intercéder en pensant à Lot : « Feras-tu périr le juste
avec le
méchant » (Gen. 18:23). Le jugement va s’exécuter,
mais Dieu va faire d’abord sortir Lot de cette ville. Il est sauvé, comme à
travers le feu.
Il parle à ses gendres, mais
il leur semble qu’il se moque. Toute sa vie passée est un démenti à ses appels.
Lot lui-même tarde
, il est dur à ses yeux
de quitter tout son
avoir, le fruit de son travail, sa place dans la société, et même, hélas, ses
relations ! Les anges saisissent sa main et lui disent : « Sauve-toi
pour ta vie, ne regarde pas derrière
toi et ne t’arrête pas dans toute
la plaine ; sauve-toi dans la montagne
, de peur que tu ne périsses »
(Gen. 19:16-17). Lot a-t-il enfin
compris de
quelle scène de corruption, Dieu dans son amour veut le retirer ? Non, la
montagne ne l’attire pas, il veut
garder quelque chose
d’un monde
devenu familier. Son désir ? Vivre dans une ville
, si petite
soit-elle ! Dieu accède à sa requête, en épargnant Tsoar
où, finalement Lot a peur
(Gen. 19:30). C’est
dans une caverne qu’il termine misérablement sa vie, comme un jouet dans les
mains de ses filles, perverties à Sodome. Quel tableau saisissant Dieu nous
conserve, pour notre avertissement, de l’écart
confirmé
de Lot et
de ses terribles conséquences, pour lui et pour sa famille.
La vie de Jonathan
, le
fils du roi Saül, fournit un autre exemple, plus douloureux
peut-être,
d’un croyant qui s’écarte
après un début de vie prometteur. La Parole de
Dieu parle pour la première fois de Jonathan, au moment où il frappe le poste
des Philistins à Guéba (1 Sam. 13:3). Les hommes d’Israël
ne sont guère plus de trois mille, apeurés, autour de Saül. Les Philistins
s’assemblent et alignent des forces impressionnantes : « Trente mille chars
et six mille cavaliers, et un peuple nombreux comme le sable de la mer » (1 Sam.
13:5). Dans sa détresse, le peuple d’lsraël va-t-il
se tourner vers Dieu ? Non, il se cache et s’enfuit. Dans la misère
ambiante, Dieu se sert de Jonathan, un homme qui n’attend aucun secours de la
chair, serait-elle religieuse. Par la foi
, il se lève, avec le jeune
homme qui porte ses armes : « Viens, et passons jusqu’au poste des
Philistins » (1 Sam. 14:1). Il joint à la foi, la vertu, et il est humble
aussi : « Peut être
que l’Éternel opérera par nous » (1 Sam. 14:6).
Les Philistins, retranchés au dessus de rochers escarpés, se moquent de lui, le
mettent au défi de venir les rejoindre. Jonathan et son porteur d’armes montent
avec leurs mains et leurs pieds. C’est une cible idéale pour les archers et
pourtant peu après, les incirconcis, saisis d’épouvante, tombent devant eux (1
Sam. 13-15).
Un peu plus tard, dans la
vallée d’Éla, Dieu se sert d’un homme selon son
coeur, David
. Tout jeune lui aussi, il ressent profondément l’outrage
répété de ce Philistin géant, Goliath, vis à vis du « Dieu des troupes rangées
d’Israël ». Il court vers lui au seul nom de l’Éternel des armées. Une seule
pierre lisse, choisie dans le torrent, mais dirigée
par Dieu, jette
définitivement Goliath à terre. Dans toute cette assistance médusée, seul
Jonathan
montre aussitôt plus que de l’admiration, un amour
profond
pour David. Saisi par la puissance de la grâce qui brille dans cet homme de
Dieu, Jonathan se dépouille
en sa faveur de tout
ce qui faisait
sa force et sa gloire, comme fils du roi, héritier au trône. Il affirme ainsi
que David, un beau type de Christ
, s’est acquis tous
les droits
sur son coeur. Tout semble annoncer à ce moment-là
une brillante
carrière pour Jonathan, une vie embellie par son amour pour David et par
l’amour, plus grand encore, que David lui porte.
Rempli d’orgueil et de
jalousie, le roi Saül montre au contraire la haine
qui envahit son
coeur, plein de jalousie, à l’égard de David. Il fait part à Jonathan et tous
ses serviteurs de ses intentions meurtrières ! Jonathan en avertit David.
« L’ami
aime en tous temps, et un frère
est né pour la détresse »
(Prov. 17:17). Jonathan intercède auprès de son père ; il rappelle la
grande délivrance que Dieu a opérée par le moyen de David pour sauver le peuple
d’Israël. Son attitude résolue détourne un instant l’orage. Mais, bientôt, Saül
cherche sans succès, à frapper David de sa lance. Il doit s’enfuir à Naïoth auprès de Samuel.
Le moment n’est-il pas venu
pour Jonathan de s’identifier ouvertement
à celui qui est haï sans
cause ? Or Jonathan reste dans une fausse situation. Il vit dans
l’intimité de Saül, au milieu des fastes de la cour, respecté de tous comme
l’héritier du trône. Fils respectueux, il a trop d’ illusions
à l’égard de son père. Lors d’une entrevue, il dit à David : « Voici, mon
père ne fait aucune chose, petite ou grande, qu’il ne me la découvre » (1 Sam.
20:2).
David n’a pas la même confiance. Il comprend que l’affection de Jonathan à son égard (1 Sam. 20:4, 17) ne fait qu’accroître la haine de Saül. Ils conviennent d’un stratagème. David se cache dans les champs, sa place reste vide au festin de Saül, qui s’enquiert à son sujet. La haine royale éclate au grand jour, quand Jonathan ose prendre la défense de David : « Pourquoi serait-il mis à mort ? Qu’a-t-il fait ? » La colère de Saül s’embrase contre son fils, il cherche à le frapper lui aussi de sa lance et l’injurie bassement (1 Sam. 20:30-32).
Le doute n’est plus
possible. « Jonathan connut
que c’était chose décidée de la part de son
père de faire mourir David » (1 Sam. 20:33). Au matin, il retrouve son ami, ils
pleurent ensemble, mais il semble que Jonathan n’a plus l’ardeur de son premier
amour
. C’est du côté de David que se trouve l’affection la plus fervente.
Jonathan a compris que Dieu retranchera chacun des ennemis de David. Il fait
alliance avec l’Oint de l’Éternel, touchant sa maison, et David s’en souviendra
à l’égard de Mephiboseth (1 Sam. 20:15, 40). Mais pourquoi
Jonathan entre-t-il à nouveau dans la ville, tandis que David s’en va,
fugitif, sans asile ? Le fils du roi ne se montre pas prêt
à
partager les afflictions de David, autrement que par le coeur. Pourtant il
n’est plus possible
de rester neutre
: C’est David ou c’est
Saül. Jonathan est-il lié par ses affections naturelles ?
ou, peut-être, est-il attaché à une place enviable
pour
la chair ?
Dieu seul
connaît les secrets du coeur et les
mettra en évidence. Jonathan ne se rend pas
dans
la caverne d’Adullam (1 Sam. 22:1-2).
C’est là
, partageant
les souffrances
de David, et son rejet
, que l’on peut apprendre à
connaître sa grâce et sa beauté. Il en est de même aujourd’hui pour Christ, le
vrai David : « En tant que vous avez part
aux souffrances de Christ,
réjouissez-vous… si vous êtes insultés pour le nom de Christ, vous êtes
bienheureux (1 Pier. 4:13-14). Ressemblons-nous aux
apôtres qui « se réjouissaient d’avoir été estimés dignes de souffrir des
opprobres pour le Nom » ? (Act. 5:41).
Jonathan reste
avec
son père qui l’accuse à tort
de lui dresser des embûches et de soulever
son serviteur contre lui ! Jonathan a-t-il perdu tout discernement
?
Saül, allant toujours plus loin dans la perversité de son coeur, ose mettre à
mort tous les sacrificateurs, qui ont reçu David. Seul
Abiathar s’enfuit vers le fils d’Isaï :
là
, près de lui
, il est bien gardé, par Dieu lui-même. Jonathan
persiste encore dans son attitude !
La dernière
rencontre
des deux amis est touchante, solennelle aussi ! David est au désert,
« Saül le cherchait tous les jours, mais Dieu ne le livra pas en sa main » (1
Sam. 23:14-18). Jonathan se lève et va vers David dans le bois et fortifie
sa main en Dieu, dans des termes touchants (1 Sam. 23:16). Lui qui auparavant
disait avec simplicité : « Si je suis vivant… tu useras envers moi de la
bonté de l’Éternel et je ne mourrai point » (l Sam. 20:14) déclare
maintenant : « Tu régneras sur Israël, et moi
, je serai le second
après toi » (1 Sam. 23:17). Cette parole trahit probablement un déclin sérieux.
Le Moi a repris subtilement sa place dans le coeur de
Jonathan. C’est la raison profonde de bien des écarts
. C’est pour
Jonathan
la dernière
occasion de sortir du filet qui enlace de plus en
plus
son âme. Il rappelle Samson qui pensait : « Je m’en irai comme
les autres fois et je me dégagerai
». Mais « il ne savait pas que l’Éternel
s’était retiré de lui ». Et les Philistins, ennemis redoutables au milieu
du peuple de Dieu, se saisissent de lui et lui crèvent les yeux (Jug. 16:20-21).
L’entrevue s’achève, « David
demeure dans le bois et Jonathan s’en alla dans sa maison
» (1 Sam.
23:13-14). Tout semble suivre désormais son train habituel. Dans les
soubresauts qui accompagnent les derniers jours de Saül, Jonathan continue à
rester près de son père !
De plus humbles vont entourer David au jour de son élévation. Ils feront partie de ses hommes forts (2 Sam. 23:13-17). La grâce opère, leur dévouement, fruit de leur amour pour David, va être récompensé.
Pour David les épreuves se
succèdent, plus amères les unes que les autres. Il est trahi, s’enfuit en hâte
devant Saül qui cherche à l’environner, retrouve Tsiklag
brûlé (1 Sam. 23:20, 26 ; 2 Sam. 30:1) mais où
donc est Jonathan,
cet ami autrefois
si fidèle ?
Nous n’entendons plus parler
de lui jusqu’à la terrible défaite de Guilboa. Il
avait si bien commencé
avec Dieu à Micmash, il
tombe sans
gloire avec son père,
frappé à mort par ces
Philistins, ces ennemis constants du Peuple de Dieu. David, saisi de douleur,
compose le chant de l’Arc, où il s’écrie : « Comment les hommes forts
sont-ils tombés au milieu de la bataille ? Comment Jonathan a-t-il été tué
sur les hauts lieux ? Je suis dans l’angoisse à cause de toi, Jonathan, mon
frère
» (2 Sam. 1:25-26).
Quel est le secret de cette
vie trop brève, si brutalement terminée ? Écoutons les avertissements du
Seigneur : « Celui qui aime père ou mère plus que moi, n’est pas digne de
moi » (Matt. 10:37). « Quiconque veut venir après moi, qu’il prenne sa croix
,
et me suive » (Marc 8:34). C’est pour notre instruction que la Parole retrace
ces étapes de la vie de Jonathan, elles montrent, hélas, un déclin
de
ses affections pour David avec ses terribles conséquences. Il est précieux de
commencer sa course avec l’ardeur du premier amour
pour le Seigneur et
pour nos frères. Mais à l’heure de l’épreuve, inévitable, il faut montrer que
nous préférons suivre
un Christ rejeté et, abandonner
, s’il le
faut, tout le reste : peut être des affections naturelles, une « position »
dans ce monde, ou la recherche plus ou moins déguisée de la satisfaction de
notre « moi ». « Il y a dans les choses terrestres une tendance à peser sur nos
affections pour Christ.
Ce que nous appelons nos devoirs
ici-bas
peut plus facilement nous éloigner de Dieu qu’un péché positif » ! (JND). Surtout que nous sommes tout à fait capable de penser
secrètement :
« Que puis-je garder
des biens de ce monde tout
en ayant une part
avec Christ ? » Pour être gardés de nous
« écarter », de partir à la dérive, l’amour pour Christ, le désir profond de
maintenir à tout prix la communion avec Lui, sont nécessaires.
Avant de clore ces
réflexions, nous voudrions citer aussi Démas
.
La Parole de Dieu rapporte fort peu de chose à son sujet, et c’est seulement à
travers trois brèves mentions de l’apôtre Paul, que l’on peut retracer un peu
son histoire. Démas est cité parmi les « compagnons
d’oeuvre » de l’apôtre, Marc, Aristarque et Luc dans la lettre écrite à Philémon
(v. 23). À cette période de sa vie, il est, de toute évidence, un serviteur de
Dieu, fidèle et estimé. Il se trouve à Rome pendant le premier emprisonnement
de l’apôtre Paul. Ultérieurement, ce dernier, écrivant à l’Assemblée à
Colosses, leur dit : « Luc, le médecin bien-aimé, vous salue ». Il parle de
lui avec une affection particulière, puis il ajoute très brièvement : « et Démas » (4:14). C’est plutôt froid
, inhabituel chez
Paul et fait pressentir ce qu’il va écrire à son sujet, plus tard. L’apôtre ne
fait pas acception de personne, il se plaît à mettre toujours
en relief
ce qui peut être loué
. Que se passe-t-il donc avec Démas ?
En tout cas, il accompagne encore l’apôtre Paul quand, pour la seconde fois, il
est emprisonné dans la cité impériale. D’autres compagnons sont là aussi, mais,
un à un, ils s’en vont accomplir leur service pour le Seigneur : « Crescens en Galatie, Tite en Dalmatie. Luc seul est avec
Paul, qui écrit à Timothée : « Empresse-toi de venir bientôt auprès de moi,
car Démas m’a
abandonné, ayant aimé
le
présent siècle » (2 Tim. 4:10). Abandonner, c’est dans
l’original, une expression très forte. Elle signifie : délaisser, laisser
sans aide, sans secours, quelqu’un alors qu’il se trouve dans des circonstances
difficiles. C’est un coup sévère pour Paul, « un vieillard ». Ardent au service
du Seigneur, il veut le servir jusqu’au bout. Il sait
que le temps de
son départ est arrivé, en clair, il attend son exécution (2 Tim.
4:6). Et maintenant l’un de ses compagnons d’oeuvre l’abandonne. Rien ne permet
d’affirmer que Démas soit devenu un mondain. Il a
peut être tout simplement préféré une vie facile, « confortable », plutôt que de
« prendre sa part de souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ ». Hélas,
combien d’autres serviteurs du Seigneur, après avoir fidèlement servi, ont
« aimé le présent siècle », ont voulu jouir ce qu’il offre à notre faible coeur,
et se sont écartés
. La conduite de Démas est
un avertissement sérieux.
Chaque brebis du Seigneur,
qu’Il connaît par nom a l’assurance
de son salut (Jean 10:28). Mais l’on
peut arriver au port désiré dans des états bien différents
. Une de ces
éventualités est décrite dans Actes 27. Le bateau, violemment battu par la
tempête, se disloque, et si tous parviennent finalement sains et saufs à terre,
ils n’ont plus rien
, hormis les planches ou les débris du navire sur
lesquels ils s’appuient ! Le désir de l’apôtre Pierre c’est que notre
arrivée soit bien meilleure, pour la joie de Celui qui nous a payé si
cher : « C’est pourquoi, frères, étudiez-vous d’autant plus à affermir
votre appel et votre élection, car en faisant ces choses, vous ne faillirez
jamais ; car ainsi l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et
Sauveur Jésus-Christ vous sera richement
donné » (2 Pier. 1:9-10).
Frères, dans quel état
allons-nous arriver au port désiré ? Comme ces « naufragés » qui ont gardé
de justesse la vie sauve
ou comme ces vainqueurs qui retiennent « ferme
jusqu’au bout le commencement de leur assurance » (Héb.
3:14) et reçoivent « la récompense de l’héritage » (Col. 3:24) ?
Le gouffre orageux et traître,
Lieu de naufrage et de mort
Se calme à la voix du Maître
Déjà nous touchons au port
Voyez déjà le rivage
Brille aux regards du matin
Amis, ayons bon courage
Car le repos est atteint !