[Qu’est-ce qui attire nos coeurs ?]
Philippe Laügt
Table des matières
1.1 - Embarassés dans les affaires de la vie
1.2 - Découragement contagieux
1.3 - Effets des écarts sur les familles
1.4 - Riches expériences vécues par le peuple au travers de types variés
2.1 - La perte de la communion collective autour du Seigneur
2.2 - Le chrétien ne vit pas de souvenirs, mais de communion pratique
2.3 - Les premiers fruits du faux pas — Désunion et indépendance
2.4 - Les fruits à long terme du faux pas — Difficulté pour que les affections demeurent
Le moment est venu pour
Israël, d’obéir à l’Éternel et d’entrer dans le pays de la promesse. Il leur
faut d’abord pour cela traverser le Jourdain (Jos. 1:2). Les rachetés du
Seigneur sont aussi appelés à jouir dès ici-bas de leur héritage céleste
.
Mais il leur faut d’abord
saisir en pratique ce que représente cette
traversée du Jourdain : notre mort
et notre résurrection
avec
Christ. Sinon le racheté reste encombré
par tout ce qui le lie à la
terre. Il est peut être tout près
de réaliser ce que Dieu, dans sa
grâce, s’est proposé à son égard, mais il reste à distance !
L’histoire des fils de Ruben
et de Gad est à cet égard un sérieux avertissement. Leurs troupeaux « étaient en
grand nombre, en très-grande quantité » (Nomb. 32:1). Aussi veulent-ils obtenir
de Moïse « une faveur
». Ils
lui font cette triste demande :
« Ne nous fais pas passer le Jourdain » (Nomb. 32:5).
Quels sont leurs motifs
?
Comme Lot contemplant la plaine bien arrosée du Jourdain (Gen. 13:10), ils ont vu
le pays de Jahzer et le pays de Galaad, que l’Éternel vient de frapper devant
Israël, en chemin vers Canaan. Ils disent à Moïse : C’est « un pays
propre
pour des troupeaux,
et tes serviteurs ont des troupeaux ! » Voilà ce
qui tient beaucoup de place dans leurs pensées. La sauvegarde de ces biens
terrestres pèse lourd dans la balance, au moment de prendre une décision qui
engage toute leur vie. Auraient-ils eu un si grand nombre de bêtes, s’ils
avaient offert à Dieu, chaque jour dans le désert, les sacrifices qu’Il
attendait de leur part ? (Act. 7:42).
En écoutant cette requête,
Moïse pense d’abord que l’incrédulité manifestée à Kadès-Barnéa (Nomb.
13:29-34) resurgit : la crainte
des géants et de leurs villes
fortifiées ! Il n’en est rien, mais leurs motifs ne sont pas moins
affligeants.
Des considérations analogues,
d’ordre matériel
ou familial
, ont parfois une emprise
considérable sur nos pensées, et nous poussent à adopter une position
équivoque. Si mon coeur est « embarrassé
» dans les affaires de la vie » (2
Tim. 2:4), je ne peut pas dire, comme David, que l’Éternel
est la
portion de mon
héritage et de ma
coupe, et que c’est Lui qui
maintient mon lot. Je ne puis m’écrier avec joie : « Les cordeaux sont
tombés pour moi dans des lieux agréables ; oui, un bel héritage
m’est échu » ? (Ps. 16:5-6).
Moïse, qui sait
déjà
qu’il ne passera pas le Jourdain et n’entrera pas dans ce bon pays, à cause de
son péché aux eaux de Meriba (Nomb. 20:12 ; Deut. 4:21), plaide avec eux,
et les avertit sévèrement. Il rappelle les fautes du peuple, le jugement divin
qui s’en est suivi : quarante années se sont passées dans le désert,
jusqu’à ce que toute cette génération incrédule ait périe (Nomb. 32:13). Il
emploie des mots très durs à leur égard, les qualifiant de « progéniture
d’hommes pécheurs ». Il déclare qu’ils vont ajouter, par leur attitude, à
l’ardeur de la colère de l’Éternel contre Israël (Nomb. 32:14). Il y aura des
conséquences à leur désobéissance à la volonté de Dieu, non seulement pour eux
mais pour tout le peuple
: « Pourquoi découragez-vous les fils
d’Israël de passer dans le pays que l’Éternel leur a donné
? » Leurs
pères, envoyés par Moïse dans la vallée d’Eschol, ont agit de la même
manière : « ils découragèrent les fils d’Israël » (Nomb. 32:7-9).
Si notre comportement
contribue à démoraliser
le peuple de Dieu, c’est une grande
responsabilité devant le Seigneur. Les désirs de notre coeur sont naturellement
égoïstes, nous cherchons nos propres intérêts. Si au contraire nous poursuivons
le bien
de nos frères, l’ennemi sera fort mécontent, mais nous aurons
l’approbation du Seigneur
(Néh.
2:10 ; 1 Thes. 3:2-3).
Ces hommes sont
malheureusement déjà décidés
à suivre un chemin de propre volonté
!
La convoitise, sous des formes variées, exerce une grande attraction sur le
coeur naturel. Il faut veiller à cultiver une communion constante avec le
Seigneur, pour ne pas être amorcé par nos propres désirs (1 Pier. 2:11 ; 2
Tim. 2:22 ; Jac. 1:14).
Le projet des fils de Ruben et
de Gad est déjà élaboré. Ils l’exposent à Moïse : « Nous bâtirons ici
»,
c’est à dire dans ces contrées de Galaad et de Jahzer, de
l’autre
côté
du Jourdain [c’est-à-dire à l’Est du Jourdain]. Nous ferons des enclos
pour nos troupeaux, et des villes
pour nos petits enfants ». À ces villes, ils donneront de nouveaux noms, souvent
leur propre nom (Nomb. 32:38, 41 ; Ps. 49:11). Tels sont les plans chéris
de leur coeur (Job 17:11), leur ambition pour leurs familles se limite là.
Quels sont nos
plans ? Cherchons-nous, peut-être secrètement
, à encourager nos
enfants à s’établir dans ce monde ? Sommes-nous prêts à les aider
à
s’y installer, pour y vivre de manière aussi avantageuse et confortable que
possible ?
Pourtant, la Parole avertit
clairement que la terre de maintenant
et toutes les oeuvres qui sont en
elle vont être brûlées
(2 Pier. 3:7, 10). Notre vie personnelle est
comparée à une vapeur
, paraissant pour un peu de temps et puis
disparaissant (Jac. 4:14). Dieu nous engage à compter
nos jours, pour
acquérir un coeur sage (Ps. 90:12). Il est très humiliant de constater à quel
point en pratique nos biens terrestres ont souvent plus
d’attrait
que le « bel et céleste héritage, par le sang de Christ acheté » évoqué dans un
cantique ?
Cette scène est donc le
triste exemple de parents qui, contrairement
à la volonté divine,
amorcés par leur propre convoitise, n’entrent pas dans le pays et empêchent pratiquement
leurs petits enfants d’y entrer. Ils auraient dû s’emparer des précieuses
promesses de Dieu : « Vos petits enfants, dont vous avez dit qu’ils
seraient une proie, je les ferai entrer
et ils connaîtront le pays que
vous avez méprisé », un pays ruisselant de lait et de miel (Nomb. 14:31 ;
Deut. 31:19-20). Quelle perte ils font,
et quels résultats désastreux
pour leur descendance (Jér. 31:29). N’oublions jamais que notre conduite a une
grande influence sur notre famille et sur notre entourage.
Pour obtenir l’assentiment du
patriarche encore très réticent, les envoyés de Ruben et Gad proposent alors
d’aider leurs frères à conquérir le pays (Nomb. 32:17). Ils ne manquent ni de
zèle ni de courage, mais la conséquence de cet engagement est de laisser en
arrière
femmes et enfants, avec tous les troupeaux, en dehors
des
limites du pays (Nomb. 32:26).
Or que se passe t-il généralement
dans une famille, si le père est souvent absent et parfois même
longtemps ? Toutes sortes de désordres
! Les enfants ne
reçoivent pas l’enseignement journalier
de la Parole, qu’il appartient
avant tout au père de leur donner (Deut. 6:6-7). Comment pourrait-il les élever
dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur ? (Éph. 6:4). De
grands dangers menacent aussi le couple
. Le mari et son épouse, séparés
pour un autre motif que de vaquer pour un temps à la prière (1 Cor. 7:5),
seront-ils en mesure de résister
aux multiples tentations que
l’Adversaire ne manquera pas de leur présenter ? Comme un lion rugissant,
il rôde inlassablement autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer (1 Pier.
5:8) !
Le mauvais exemple se révèle, une fois encore, contagieux (Ecc. 9:18). Une partie de la tribu de Manassé, un des fils de Joseph, se joint à Ruben et à Gad (Nomb. 32:33).
Moïse les avertit encore : s’ils ne tiennent pas leurs promesses, ils pécheront « contre l’Éternel ; et sachez que votre péché vous trouvera » (Nomb. 32:23).
Alors, au nombre de quarante
mille, ils s’équipent promptement pour la guerre et se joignent à leurs frères.
Ensemble, ils vont passer le Jourdain, et rester en Canaan le temps
que
la majeure partie du pays soit soumise. L’on peut connaître
la vérité de
l’Écriture, lutter
même parfois pour la maintenir, mais c’est tout autre
chose de la mettre
en pratique
toute sa vie, par amour pour le
Seigneur.
Pendant quelques années, en suivant l’Arche
,
les vaillants guerriers des deux tribus et demie seront témoins eux aussi de
ces merveilles
que Dieu va opérer en faveur d’Israël : Il leur fera
d’abord traverser le Jourdain
, ce fleuve de la mort, qui regorge
par-dessus tous ses bords tout le temps de la moisson (Jos. 3:15). Le psalmiste
s’écrie : « Là nous nous réjouîmes en Lui » ! (Ps. 66:6).
Dès que les sacrificateurs
qui portent l’Arche trempent leurs pieds dans les eaux, elles sont coupées et
tout Israël passe à sec
. L’arche de l’alliance, figure de Christ,
s’arrête au milieu
du Jourdain, en figure dans la mort
, jusqu’à
ce que tout Israël
soit passé. Là où s’est arrêtée l’arche, Josué dresse
une stèle, de douze pierres, qui représentent toutes les tribus d’Israël. Les
eaux ne tarderont pas à la recouvrir (Jos. 4:9).
Simultanément, toujours sur
ordre de l’Éternel, douze hommes, un par tribu, prennent aussi chacun une
pierre dans le Jourdain, là où
l’Arche se trouvait. Un monument est
édifié sur l’autre bord du Jourdain, en figure sur la rive de la résurrection.
Ce monument, symbole de l’unité du peuple, est « en mémorial pour toujours »
(Jos. 4:7-8).
Tout ceci est une image
de l’oeuvre accomplie en faveur du croyant. Il est identifié
dans la
ressemblance de Christ dans sa mort, — au fond du fleuve, puis dans la
ressemblance de sa résurrection, — sur l’autre côté du fleuve de la mort (Rom.
6:5-6). Pour entrer par la foi en possession de son héritage céleste, un
chrétien doit réaliser en pratique qu’il est mort avec Christ. La chose a été
accomplie une fois pour toutes à la Croix (Rom. 6:6). Mais Christ est aussi
ressuscité pour notre justification et nous sommes ressuscités avec Lui (Rom.
4:25).
La circoncision du peuple
devait suivre à Guilgal
. C’est un type de la chair, déclarée morte,
ensevelie avec Christ
dans la mort. Elle doit être ensuite constamment mise
de côté,
en pratique
. D’où l’exhortation adressée à chaque enfant de
Dieu : « Tenez-vous
vous mêmes pour morts au péché » (Rom. 6:11).
Notre chair n’a plus aucun droit de se manifester, et nous n’avons aucun droit
de la laisser agir !
Désormais le peuple de Dieu
peut manger le vieux blé
du pays, au lieu de la manne,
nourriture
du pèlerin dans le désert : La nourriture de notre âme est toujours
Christ, mais si nous nourrissons de Christ dans son humanité et son abaissement
(la manne), il faut aussi nous nourrir d’un Christ céleste et glorieux (vieux
blé du pays).
La Pâque
se célèbre
ensuite sous les murs de Jéricho (Ps. 23:5). Cet obstacle terrifiant, cette
forteresse de l’ennemi, qui paraît barrer le chemin des conquêtes, s’effondre.
Le peuple apprend que « les armes de notre guerre ne sont pas charnelles, mais
puissantes par Dieu, pour la destruction des forteresses (2 Cor. 10:4).
Avons-nous retenue et mettons-nous en pratique cette importante leçon ?
Après Jéricho, une autre
ville, Aï, d’apparence insignifiante
, sera, au contraire, l’occasion
d’une défaite
inattendue pour Israël. Le Dieu saint
rappelle à
chacun qu’un péché
caché
empêche toujours de prendre part au bon
combat de la foi et souille tout
le peuple de Dieu. Il faut rester humbles,
vigilants,
conscients de notre faiblesse. Sans la force du Seigneur, nous
ne pouvons rien
faire (Jean 15:5). Il est impossible de résister au
diable.
Gabaon
, par ses ruses, prend aussi Israël en défaut.
Josué a peut-être cru avoir assez de discernement ? Toujours est-il qu’il
n’a pas consulté l’Éternel
(Jos. 9:14). Dieu permet qu’une habile
supercherie de l’ennemi ait des conséquences douloureuses et durables
dans notre vie, et soit un constant rappel de nos fautes passées. Il faudra supporter
la présence de ces Cananéens, ils resteront fâcheusement liés à l’histoire du
peuple (2 Sam. 21).
Ces combattants venus des
deux tribus et demie ont partagé toutes ces expériences
. En résulte-t-il
de bons
fruits
dans leur
vie ? Ont-ils vraiment appris
comme l’apôtre Paul pouvait
l’affirmer (Phil. 4:11-12) ?
Un moment solennel
arrive : Josué, après leur avoir décerné un « satisfecit » pour leur
valeureuse conduite à la guerre, leur dit : « Maintenant, l’Éternel, votre
Dieu, a donné du repos à vos frères comme il le leur avait dit. Et maintenant, retournez
,
et allez dans vos tentes, dans le pays de votre possession » (Jos. 22:4).
Ces hommes de Ruben, de Gad
et de Manassé n’ont pas abandonné leurs frères « pendant ce « long temps », sept
ans peut-être (Jos. 22:3). Ils ont écouté Josué et lui ont obéi. Mais, en
s’éloignant maintenant délibérément de l’Arche
, figure de Christ, ils
vont faire une perte positive. De même, aujourd’hui, rien ne peut remplacer de
réaliser la présence habituelle
du Seigneur au milieu des siens. Elle
nous est assurée, si nous restons soumis à Son autorité
, obéissant de
coeur à l’enseignement de la Parole.
Par deux fois, Josué les met
paternellement en garde : « seulement
, prenez garde à pratiquer
le commandement et la loi donnée par Moïse, serviteur de l’Éternel, pour aimer
l’Éternel
votre Dieu et marcher
dans toutes ses voies (Jos. 22:5).
Ils devront veiller aussi à partager équitablement le très abondant butin avec
leurs frères, ceux qui sont restés aux bagages (Jos. 22:8 ; 1 Sam. 30:24).
Il est encore temps
pour ces hommes de rapatrier leurs familles de ce côté
du Jourdain, dans
ce pays ruisselant de lait et de miel, même si, dans le passé, ils ont
déclaré : « Nous n’hériterons pas avec eux
(c’est à dire avec leurs
frères)
au-delà du Jourdain ou plus loin » (Nomb. 32:19). Peu de temps
après, Phinées, fils d’Éléazar leur propose encore plus ouvertement : « Passez
dans le pays, qui est
la possession de l’Éternel, où est
le
Tabernacle
de l’Éternel et ayez votre possession au milieu de nous
»
(Jos. 22:19).
Combien de fois de jeunes
chrétiens, après avoir débuté leur carrière comme de bons
soldats de
Jésus-Christ et goûté aux joies de la communion des rachetés autour de Christ,
s’éloignent peu à peu
. On cède à ses désirs, ses convoitises :
« Elle plaît à mes yeux
» disait le jeune Samson à ses parents attristés
(Jug. 14:3). On ne tient pas toujours compte, en particulier dans ce choix capital
du mariage
, des droits
du Seigneur. Un foyer se forme, et désormais
« celui qui est marié, a le coeur occupé des choses du monde
, comme il
plaira
à sa femme » — ou elle à son mari (1 Cor. 7:32-34). Nous sommes
avertis : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur » (Matt. 6:21).
En route vers « les contrées
du Jourdain », les hommes de Ruben, de Gad et de Manassé, peut être mal à l’aise
en comprenant qu’ils s’éloignent de leurs frères, décident de bâtir au bord
du Jourdain
, un autel de « grande apparence », visible de loin
(Jos.
22:10). Dans leur pensée, ce sera un mémorial
. Il n’a pas la même forme
que l’Autel de l’Éternel. Il n’est pas destiné à l’adoration, il n’est pas dans
leur intention d’y offrir des holocaustes, des offrandes de gâteaux ou des
sacrifices de prospérités. Chacun tient pour acquit que l’Autel de l’Éternel se
trouve devant son tabernacle, à Silo. Ils vont réaffirmer par trois fois leurs
intentions, pour calmer les inquiétudes de leurs frères (Jos. 22:26, 28, 29).
Ils ont voulu rappeler, de
façon visible
leur appartenance au peuple de Dieu. Ils sont, eux aussi,
des vétérans de la guerre ! Mais ils craignent qu’avec le temps
, on
oublie qu’ils font partie du peuple de Dieu.
Il est illusoire de
prétendre vivre de souvenirs dans notre vie spirituelle
. Avoir eu autrefois
des moments de communion heureuse avec Dieu n’est pas la preuve que notre état
actuel est bon. Demeurer
constamment près du Seigneur est indispensable
pour connaître une véritable prospérité spirituelle et porter du fruit pour
Dieu.
Pour Israël, Canaan est le
pays que Dieu a choisi
en vue de leur bénédiction. C’est là
qu’il
a mis la mémoire de son Nom. Maintenant, les rachetés sont aussi appelés à se
réunir. Le lieu de ce rassemblement est avant tout spirituel : « Là où deux
ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matt. 18:20).
Si un chrétien accepte de se
conformer aux principes du monde, sa position devient boiteuse. Sa marche s’en
ressent inévitablement ; Satan a réussit à l’éloigner, peut être
simplement par la peur du lendemain, du sentier pur et simple de la foi, le
seul qui honore Dieu
.
En apprenant que les anciens
combattants des deux tribus et demi ont dressé cet autel de grande apparence, toute
l’assemblée d’Israël se réunit à Silo, prête à monter en bataille contre eux
(Jos. 22:12). Ils soupçonnent une rébellion, un « crime » commis contre le Dieu
d’Israël, les prémices d’une véritable apostasie. Or en pareil cas, la Loi
prescrivait de n’avoir aucune pitié, même à l’égard de ses plus proches parents
(Deut. 13:12-18).
Heureusement avant
de
passer aux actes, ils vont faire une démarche prudente et fratern
elle
.
Phinées, connu pour sa fidélité, est envoyé, accompagné par dix princes, un
pour chaque tribu d’Israël (Jos. 22:14).
Ils reprochent à ces tribus
implantées au-delà du Jourdain, « au nom de toute l’assemblée d’Israël » de
s’être détournés de l’Éternel, et de se rebeller en bâtissant un autel. (Jos.
22:16). Mais ils rappellent aussitôt, avec humiliation, leurs égarements
passés : L’iniquité de Péor, fruit d’une ruse satanique avait amené le
peuple de Dieu à une alliance adultère avec le monde religieux idolâtre d’alors.
De telles alliances sont devenues fréquentes chez les chrétiens aujourd’hui. En
sentent-ils toute
la gravité ? (2 Cor. 6:14-17)
Phinées reconnaît qu’ils n’en
sont pas encore vraiment
purifiés, malgré la plaie que Dieu a envoyée
dans l’assemblée d’Israël et le jugement exercé contre Madian (Nomb. 31). Ce
terrible éloignement de Dieu a laissé des traces
dans les coeurs (Jos.
22:17). Cette triste chute a eu lieu pendant la dernière
année de marche
dans le désert, alors que le peuple touchait au but ! (Nomb. 25). Quel
avertissement ! soyons sur nos gardes jusqu’à la fin de la course (2 Tim.
4:18).
L’autre péché mentionné, plus
récent, rappelle la défaite devant Aï. À l’origine, le crime d’Acan. Il
convoite un beau manteau de Shinar, de l’argent et de l’or et les introduits secrètement
au milieu d’Israël, au mépris de la sainteté de Dieu,
qui a commandé de
tout détruire.
Il attire ainsi le jugement de Dieu sur tout
le
peuple : « Ils
ont transgressé mon alliance, ils
ont pris de
l’anathème, et même ils
ont volé, ils
ont menti et ils
l’ont mis dans leur bagage ». Le péché consommé produit la mort. Pour que la
vallée d’Acor devienne une « porte d’espérance », pour retrouver
la
communion avec Dieu, tout
Israël a dû lapider Acan. Ils le brûlent au
feu, lui, et ses fils et ses filles, et tout ce qu’il possède (Jos. 7:24-25).
Les guerriers des deux tribus et demie étaient là, ils ont, eux aussi,
participé à cette tragédie.
L’humilité manifestée par les
envoyés du peuple, avant de s’occuper de leurs frères, est tout à fait
convenable. Un croyant, s’il est en communion avec Dieu, mène deuil et se
juge d’abord lui-même,
avant d’examiner s’il le faut, avec tristesse, le
mal chez son frère. Les neuf tribus réalisent qu’un péché chez leurs frères
serait, aux yeux de Dieu, celui
de tout
Israël.
D’où cette conclusion :
« Si
vous vous rebellez aujourd’hui
contre l’Éternel, demain
,
il sera courroucé contre toute l’assemblée d’Israël » (Jos. 22:18). Phinées qui,
du fait de l’habitude, a les sens exercés à discerner le bien et le mal (Héb.
5:14), craint qu’un principe d’indépendance
se développe. Tout le
témoignage manifesté par l’unité
du peuple s’en trouverait ruiné.
Cet autel de Hed, un mot qui
signifie témoin
(Jos. 22:34), donnait l’impression, heureusement fausse,
que les deux tribus et demie cherchent à établir un autre
centre de
rassemblement. Attention ! On n’hésite pas à présenter aujourd’hui
l’indépendance comme une qualité, voire comme un devoir
!
Les tribus, qu’on peut
désormais appeler « transjordaniennes » affirment avec énergie la pureté de leurs
intentions. La façon dont ils emploient successivement plusieurs noms divins
(Jos. 22:22-23) trahit leur émotion. Mais de leur côté elles soupçonnent, sans
fondement
, les autres tribus d’être disposées dans l’avenir
à
dire : « L’Éternel a mis une frontière entre vous et nous, vous n’avez point
de part
à l’Éternel » (Jos. 22:24-25) ! Comment rendre responsables
ainsi à l’avance
les fils des autres
tribus, si plus tard leurs propres
fils
en arrivaient à cesser de craindre l’Éternel. Ce sont de mauvais
soupçons, chose fréquente,
hélas, même parmi les enfants de Dieu
(1
Tim. 6:5).
Quand
un croyant s’associe au monde, il cherche
parfois à en rejeter la responsabilité
sur ses frères.
Il se
plaint de leur froideur, de leur manque d’amour. Accuser ceux qui cherchent à
marcher dans la piété ne peut mettre la conscience en règle avec Dieu.
On
cherche souvent à minimiser ses propres
écarts en critiquant ses frères
(Matt. 7:3-5).
Phinées et ses compagnons ont
su écouter, patiemment
, l’exposé des arguments de défense des fils de
Ruben, de Gad et de Manassé. Ils acceptent les motifs allégués pour cette
construction pour le moins inattendue.
Il n’y aura pas finalement de
guerre fratricide ! Si les chrétiens, dans leurs divergences, avaient su
agir avec la même patience
, on aurait pu éviter bien des divisions
douloureuses !
Ici, la paix en Israël a failli être gravement compromise. Dans sa grâce, Dieu va leur accorder des années prospères. Mais l’Ange de l’Éternel devra un jour monter de Guilgal à Bokim, le lieu des pleurs (Juges 2) : Israël, ayant oublié le jugement de lui-même et l’humble dépendance de l’Éternel, n’allait plus à Guilgal. Le déclin s’accentue de plus en plus, alors que Dieu, dans sa bonté, suscite des juges pour ramener son peuple de ses égarements.
Quel est alors l’état des
deux tribus et demi, restées au-delà du Jourdain ? Au chapitre 4 des
Juges, un combat sévère oppose Barak à Jabin, roi de Canaan, qui opprime Israël
depuis vingt ans. Il n’y a plus d’unité au milieu du peuple, la confusion est
grande. Ce combat met chacun
à l’épreuve. Ce sera l’occasion de montrer
la réalité de ses affections
pour l’Éternel.
Dans le cantique de Debora,
l’Esprit de Dieu porte son appréciation sur l’attitude de chacun. Aux divisions
de Ruben, il y a de grandes considérations
et de grandes délibérations
de coeur (Jug. 5:15-16). Mais finalement au lieu de se joindre au combat, on
décide de rester tranquillement
à la maison. Peut être cherche-t-on à
justifier une telle attitude ? Il est courant de se servir même
de
la Parole pour dissimuler autant que possible sa lâcheté. Il serait tellement
préférable de la confesser devant Dieu ; Il nous aiderait à la surmonter.
Ici, Il pose une question très sérieuse, qui est pour nous aussi :
« Pourquoi es-tu
resté entre les barres des étables, à écouter le
bêlement des troupeaux ? » On semblait sur le point d’adopter une bonne
attitude, à chercher à défendre les intérêts de Christ, mais finalement on
reste en arrière. Ruben ne devait-il pas prendre soin de toutes ses
bêtes ? (Phil. 2:21). Alors on préfère la flûte du berger aux trompettes
« qui sonnent avec éclat » pour nous rappeler en mémoire devant Dieu, quand
l’Ennemi nous presse
(Nomb. 10:9). Galaad, un des fils de Makir, demeure
aussi à son aise
au-delà du Jourdain (Jug. 5:17). Par contre, de Makir,
fils de Manassé, des gouverneurs sont descendus au combat (Jug. 5:14). Mais ils
semblent bien faire partie de ceux qui ont choisi d’avoir leur héritage dans
le pays.
Plus tard encore dans
l’histoire du peuple d’Israël, on constate avec tristesse que ces deux tribus
et demie sont les premières
à partir en captivité
. Du temps
d’Achab et de Josaphat, Ramoth de Galaad est déjà entre les mains du roi de
Syrie (1 Rois 22:3).
Avoir partagé les
bénédictions du peuple de Dieu dans le passé
, avoir foulé un temps
le sol de l’héritage, n’est pas une garantie que notre marche restera
digne du Seigneur. Dans ce temps de ruine
, il faut demeurer tout près
de Lui. En cultivant l’intimité avec Lui, la conscience reste délicate et le
coeur heureux. C’est le seul moyen pour ne pas être gagné par le déclin
spirituel ambiant.
Le Seigneur est ma part, mon salut, mon breuvage ;
Il a fixé mon lot dans un bel héritage.
Ma langue éveille-toi ! réjouis-toi mon coeur !
Entonne un chant d’amour : Jésus est ton Sauveur !