Philippe Laügt
1° partie : ME 1996 p. 356 ; 2° partie : Publication Bibliquest
Table des matières :
1.1 - Pourquoi et comment Samson a été suscité
1.2 - Dégâts causés aux Philistins — Juges 15:1-8
1.3 - Lié par ses frères — Juges 15:9-13
1.4 - Exploits avec une mâchoire d’âne — Juges 15:14-17
1.5 - Prière et réponse divine — Juges 15:18-20
1.6 - Chute et restauration — Juges 16
2 - Les sources de force et de faiblesse — Delila et la perte du nazaréat — Juges 16
2.1 - Les séductions du coeur : comment elles viennent et comment en être gardé
2.2 - Serviteurs
et témoins : la séparation pour
Dieu
2.3 - La puissance de l’Esprit de Dieu : source de force
2.4 - L’oubli de la crainte de Dieu et la satisfaction de soi : source de faiblesse
2.5 - Restauration du lien avec Dieu et restauration de la force
Ne sais-tu pas que les Philistins dominent sur nous ? Juges 15
Il y a une grande différence entre le livre de Josué et celui des Juges. Dans ce dernier, la page glorieuse est tournée. Le déclin s’accentue. La force et, dans une grande mesure, la bénédiction collective ont disparu. C’est ce qui est advenu aussi à l’Église responsable. Dieu seul n’a pas changé. Sa puissance et sa miséricorde sont toujours à la disposition de la foi.
Dans le livre des Juges, il n’est plus question de Guilgal, ce lieu qui parlait du jugement de soi-même, si nécessaire pour être en mesure de combattre les combats de l’Éternel. L’Ange de l’Éternel, lassé d’attendre le retour du peuple, est monté à Bokim, le lieu des pleurs (Juges 2). Mais une véritable humiliation fait défaut. Elle ne se manifestera vraiment que bien plus tard (1 Sam. 7:2-6).
Si nous comparons la faiblesse présente de l’Église à son glorieux commencement, c’est bien l’humiliation qui nous convient aussi. Ce qui se passe dans ce livre des Juges rappelle notre propre déclin. On y voit toujours le même cycle. Le peuple abandonne son Dieu, qui, pour parler à sa conscience, le livre à ses ennemis. Après un laps de temps plus ou moins long, Israël reconnaît enfin ses fautes et crie à l’Éternel. Dans ses grandes compassions, Dieu, en peine à cause de leur misère, leur donne un juge qui les délivre.
Au chapitre 13, Israël entre
dans la période la plus sombre de l’histoire que nous rapporte le livre des
Juges. Une fois encore, ils font ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel et il
les livre en la main des Philistins pendant quarante ans ! (v. 1). Et dans
cette situation, nous ne trouvons même plus les paroles rapportées jusqu’ici
après chaque période d’éloignement : « Alors les fils d’Israël crièrent
à l’Éternel
». Il n’y a ni cri, ni retour ! Ils manifestent une
complète indifférence à l’égard de leur servitude. Dieu va toutefois préparer
un instrument pour leur venir en aide, mais la délivrance ne sera que
partielle. L’ange parlant de Samson à la femme de Manoah déclare : « Ce
sera lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins » (v. 5).
Nazaréen depuis le ventre de sa mère — elle s’est appliquée à en garder les
prescriptions (v. 7 ; cf. Nomb. 6:1-8), — Samson, parvenu à l’âge adulte,
se révélera très contrasté dans son comportement. La Parole nous laisse le soin
de discerner entre ce qu’il fait quand l’Esprit le saisit et ce qu’il est
capable de faire lorsqu’il cède à ses convoitises. Il déchire le lion, figure
de Satan, « comme on déchire un chevreau » (Juges 14:6), mais, par manque de
prière et de dépendance, tombe sous les attraits d’une femme et dans le piège
que l’ennemi lui tend par son moyen. Combien de fois au milieu du peuple de
Dieu, ne voit-on pas de tels désastres ! Une vie commence sous d’heureux
auspices, mais le témoignage est finalement altéré ou même détruit par la
convoitise de la chair.
C’est donc à des Philistins
hélas ! solidement implantés dans la terre d’Israël que Samson a eu
constamment affaire. C’était la conséquence directe de l’égarement devenu
continuel du peuple de Dieu. Pour les mêmes motifs, les « descendants » moraux
de ces Philistins ont maintenant aussi droit de cité au milieu de l’Église
professante, à la veille de l’apostasie. Comment pouvons-nous discerner leur
présence, pour nous en éloigner ? Chaque fois que l’on cherche à
introduire dans les choses de Dieu des principes que la chair peut comprendre
ou approuver, ou que l’on enseigne pour entrer dans le pays un autre chemin que
celui qui passe par la Mer Rouge et le Jourdain (ces deux aspects de la croix),
l’on est en présence de Philistins. On peut les reconnaître aussi par leur
prétention à exercer des droits exclusifs sur la rafraîchissante fontaine de la
parole de Dieu, dont ils cherchent à interdire l’accès, tels autrefois leurs
ancêtres bouchant les puits d’Abraham (Gen. 26:18). C’est encore leur activité
qui peut engendrer de l’incertitude quant au pardon des péchés, la portée du sacrifice
de la croix restant méconnue. Enfin, notons que dans la vie de Samson, ce sont
des Philistines qui ont fait tomber ce nazaréen.
Dans le chapitre 15, sur lequel nous désirons nous arrêter, Samson est désormais en lutte ouverte avec les Philistins. Mais il va affronter un nouvel adversaire inattendu, ce sera Israël ou du moins Juda.
C’est un des aspects des souffrances qu’un croyant fidèle peut rencontrer au milieu d’une chrétienté décadente.
Par sa faute, Samson fait, à ses dépens, l’expérience que le monde est toujours décevant pour un croyant. On peut travailler pour lui, dépenser tout son temps à son service, chercher à y prospérer, on ne trouvera qu’ingratitude et désillusion !
Samson se venge. La chair seule semble en jeu ; on ne voit pas que l’Esprit de Dieu le saisisse. Trop souvent, des motifs d’inimitié personnelle, plus ou moins cachés, nous font agir. Or la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu, qui seul connaît les coeurs (Jacq. 1:20). Samson descend ensuite habiter dans une caverne au rocher d’Étam. Ce sera le moment le plus positif de sa carrière.
Les Philistins veulent
s’emparer de lui. Ils ont compris qu’aucun compromis n’est plus possible avec
lui. Ils montent en Juda et se répandent en Lékhi. Les hommes de Juda
s’enquièrent : « Pourquoi êtes-vous montés contre nous ? » Ils
répondent : « Nous sommes montés pour lier Samson, afin de lui faire comme
il nous a fait » (v. 9, 10). Leur but avoué
, c’est de lier le nazaréen
,
de le rendre impuissant
. Satan travaille toujours dans le même
sens : au milieu du vrai christianisme, l’existence de contrefaçons sans
vie montre clairement ses réussites. Juda n’a aucun désir d’être libéré du joug
des Philistins, lequel n’a même plus à leurs yeux le caractère d’un joug.
Samson leur apparaît comme celui qui vient troubler la quiétude de leur
esclavage ! Vraiment, leur libérateur les embarrasse ! Or cette
servitude, annoncée dans la Parole, aurait dû être ressentie comme un jugement
divin (Deut. 28:32, 33 ; Juges 2:13-15 ; Ps. 106:41). Au contraire,
cette tribu pactise avec l’ennemi et s’offre même honteusement à livrer Samson.
Souvent, on retrouve la même attitude chez des chrétiens gagnés par la mondanité
et désireux de vivre à leur aise dans le monde, acceptant sans honte de se
conformer à son idolâtrie.
Plus tard, le Seigneur lui-même sera livré par son peuple entre les mains des nations. Ce peuple avait pourtant été l’objet de toutes ses compassions. Sans son consentement, nul n’aurait pu le lier ; son dévouement parfait au conseil divin et son amour envers les hommes ont été les cordes puissantes et invisibles qui l’ont retenu sur la croix. Mais le triomphe apparent des méchants a été bref, les liens de la mort ne pouvaient le retenir. Crucifié en infirmité, il vit par la puissance de Dieu.
Ici trois mille hommes de
Juda descendent à la caverne d’Étam, prêts à lier celui qui est une menace pour
l’ennemi. N’y a-t-il pas des tendances semblables aujourd’hui ? Quelqu’un
sent-il sa responsabilité devant Dieu de mettre, par amour, ses frères en garde
contre l’introduction de fausses doctrines ou contre la pénétration
grandissante de la mondanité ? Son message déplaît, dérange ; il faut
lui fermer la bouche. Et pourtant, nous avons tellement besoin d’être
réveillés, de retrouver un amour fervent pour le Seigneur. La conduite de Juda
dans cette circonstance montre où peut conduire un manque de séparation de
coeur avec le monde. Écoutons les reproches qu’ils adressent à Samson. « Ne
sais-tu pas que les Philistins dominent sur nous ? Et que NOUS as-tu
fait
? » (15:11).
Être méconnu, jugé même nuisible, après avoir un peu servi ses frères, est difficile à supporter. Si tel était le cas, considérons le parfait modèle, notre bien-aimé Sauveur, l’amour et le dévouement personnifiés (Ps. 109:4, 5 ; 35:12). Rien n’a pu faire obstacle au travail de sa grâce.
Ici, Samson surprend par sa douceur. Il ne touche pas à ces hommes ingrats. Être seul avec Dieu lui a fait du bien (15:8b). Il se laisse même lier et on le fait monter hors du rocher à la rencontre des Philistins.
Les Philistins poussent des cris à sa rencontre. Leur joie sera de courte durée. L’Esprit de l’Éternel. saisit Samson, ses cordes deviennent comme de l’étoupe et ses liens coulent de dessus ses mains. Il se saisit d’une mâchoire d’âne, arme apparemment sans valeur, et frappe mille hommes. Puis, il jette la mâchoire ; il ne la gardera pas. Elle pourrait devenir un piège pour lui. Israël pourrait en faire une idole comme de l’éphod de Gédéon. De même, gardons-nous d’exalter les faibles instruments que Dieu veut bien employer (1 Cor. 1:27).
L’heure de la victoire peut
souvent être suivie par la manifestation d’une grande faiblesse, d’où
l’exhortation d’Éphésiens 6:13 : « Après
avoir tout surmonté, tenir ferme ».
Samson « eut une très grande soif et il
cria à l’Éternel et dit : Tu as
donné par la main de ton serviteur cette grande délivrance, et maintenant je
mourrais de soif, et je tomberais entre les mains des incirconcis
! » (v. 18). La circoncision est une figure
de la mise de côté de la chair. La crainte exprimée par Samson est tout
à fait justifiée : il était un nazaréen appelé à porter le caractère de
séparation pour Dieu ; cette crainte devrait remplir notre coeur. Il nous
faut toujours veiller au jugement de nous-mêmes pour être en mesure de
combattre les combats de l’Éternel.
C’est la première fois que l’on peut entendre Samson prononcer une humble et fervente prière. Et l’on peut remarquer que l’action de grâce est à la base de sa requête.
Comme pour son peuple au désert (1 Cor. 10:4), Dieu avait des ressources en réserve pour son serviteur défaillant. Il fend le rocher creux qui était à Lékhi et il en sort de l’eau. Ce rocher, une fois encore, n’est-il pas une belle figure de Christ ? Hormis l’Affligé suprême, fait péché pour nous, a-t-on jamais crié à Dieu avec foi sans recevoir une réponse de sa grâce ?
Samson boit à longs traits,
sa soif est étanchée, son esprit lui revient, il vit. D’où le beau nom de cette
source : En-Hakkoré : source de celui qui crie
.
Mais le péché non jugé prive bientôt le croyant de toute énergie spirituelle. La Parole nous enjoint de fuir les convoitises charnelles : elles font la guerre à l’âme (2 Tim. 2:22 ; 1 Pierre 2:11). Or Samson n’a pas mis sa vie en accord avec le don qui lui était confié. Il cède à ses passions et cultive la terrible illusion qu’il pourra encore se dégager (v. 20). Il fera finalement la terrible expérience qu’il n’a plus aucune ressource pour échapper à l’ennemi. L’Éternel s’est retiré de lui. Il a perdu la force liée à son nazaréat. Dès lors, il ne tarde pas à perdre et sa liberté et sa vue. Il est désormais un pauvre prisonnier aveugle, objet de dérision pour les Philistins, condamné à tourner sans fin la meule à Gaza, théâtre dans le passé de l’une des démonstrations de sa force. Est-il besoin de dire qu’un croyant peut tomber dans le même état et que cette scène si dramatique peut s’appliquer aussi, hélas ! à l’Église de Dieu ? Affaiblie par des alliances coupables, n’est-elle pas tombée au même niveau que le monde ? Quel sujet constant de deuil pour tous les rachetés !
Mais il n’est pas trop tard
pour se tourner vers Dieu. Dans sa grande misère, Samson crie et Dieu entend
(Ps. 50:15). Il prend toujours plaisir à user de grâce envers celui qui se
repent. Et il le relève. Samson avait dit : Que mon âme meure avec les
Philistins ! » (v. 30). Il en sera ainsi. Dieu se sert de cet homme brisé,
à la faiblesse maintenant si apparente. Samson en a fini avec lui-même, mais
il n’est plus esclave de l’ennemi qui l’avait lié
. Dieu met sa force à sa
disposition, et lui accorde de remporter au moment de sa mort un grand triomphe
sur ses ennemis, qui étaient aussi ceux du peuple de Dieu.
Ne traitons jamais le péché à
la légère. Apprenons aux pieds du Seigneur, et sans qu’il soit besoin d’une
chute retentissante, ce que signifie pratiquement : « Je suis crucifié
avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi
» (Gal.
2:20). La vigilance est de rigueur tout au long de notre vie. La grâce et la
puissance divines sont indispensables pour mener à bien notre course, et en
particulier pour être gardés de pactiser avec ce monde séducteur.
Puissant Sauveur, qui seul es notre vie,
Bénis tes saints, étrangers ici-bas.
…
Que, du péché fuyant la coupe immonde,
Aux vives eaux nous puisions le bonheur.
L’histoire de Samson est
particulièrement dramatique. Il y a de brillantes perspectives au début de sa
vie, mais très vite, son manque de vigilance, va le conduire à céder aux
tentations que l’ennemi sème sur son chemin. Ce nazaréen va descendre
spirituellement et sa vie deviendra une tragédie. Samson est un homme que Dieu
avait tout particulièrement béni, mais qui dilapide les privilèges qui lui ont
été confiés.
Après d’autres liaisons, il
en vient à aimer
dans la vallée de Sorek, une femme philistine, du nom
de Delila. La Parole nous fait assister à un entretien, en l’absence de Samson,
qui aura de terribles conséquences pour lui. Les princes
des Philistins
montent vers cette femme, qui visiblement n’a rien à leur refuser. Pour eux,
Samson est l’ennemi public par excellence ! Ils disent à Delila :
« Persuade-le (ou : flatte-le), et vois en quoi consiste sa grande force,
et comment nous pourrions le vaincre et
le lier pour l’humilier »
(Juges 16:5). Ils lui promettent en retour une somme d’argent assez
considérable, qui suffit à la convaincre.
Cet épisode dramatique dans
la vie de Samson rappelle l’activité constante de Satan à l’égard des croyants.
Mais Dieu garde toujours
le contrôle des événements. Même dans le cas si
douloureux de Samson, sa fin ne sera certes pas celle que l’Adversaire aurait
choisi pour lui. Une dernière victoire lui sera accordée : Sa mort
entraînera celle de plus de trois mille Philistins.
L’apôtre Paul exprime son
inquiétude à l’égard des Corinthiens. Eux aussi, comme Samson, étaient
« charnels » (1 Cor. 3:1). Il s’écrie : « Je suis jaloux à votre égard d’une
jalousie de Dieu ; car je vous ai fiancés à un seul mari, pour vous présenter
au Christ comme une vierge chaste. Mais je crains
que, comme le serpent
séduisit Éve par sa ruse, ainsi vos pensées ne soient corrompues et détournées
de la simplicité quant au Christ » (2 Cor. 11:2-3).
Le Seigneur avertit son
disciple : « Simon, Simon, voici, Satan a demandé à vous avoir pour vous
cribler comme le blé ; mais moi, j’ai prié pour toi,
afin que ta
foi ne défaille pas » (Luc 22:31-32). Encore confiant en lui-même, Pierre n’en
tient pas compte et fait une grave chute. L’attitude constante de juger la
chair dans les petites choses est le secret pour être gardé de tomber.
Samson ne parait pas du tout
conscient des dangers auxquels il s’expose à la légère. Ce qui compte pour cet
homme sensuel, c’est d’obtenir
ce qui l’attire
. Cette attitude
prévaut dès sa jeunesse et donnera à son service un aspect chaotique. La chair
et l’Esprit prennent tour à tour les commandes dans sa vie (Gal. 5:17).
Ses parents, qui vivaient
dans la crainte de Dieu, avaient pourtant désiré l’élever soigneusement. Leurs
intentions ressortent clairement dans leurs entretiens avec l’Ange de l’Éternel
(Juges 13:12) ; Il leur enseigne quelle est la volonté divine à l’égard de
ce fils qui allait naître : Il « sera nazaréen de Dieu dès le ventre de
sa mère
; et ce sera lui qui commencera
à sauver Israël de la
main des Philistins » (Juges 13:5). C’est à la mère
qu’il est demandé de
se soumettre dans sa vie à la pensée de Dieu. C’est un enseignement important
pour les parents chrétiens. Si nous voulons que nos enfants soient gardés du
monde, nous devons d’abord nous en tenir séparés.
La femme de Manoah, selon les indications de l’Ange, se garde de boire du vin ou des boissons fortes, et de manger ce qui est impur. Samson grandit et l’Éternel le bénit : l’Esprit de l’Éternel commença de le pousser à Mahané-Dan (Juges 13:25).
Mais un jour Samson vient
dire à ses parents : J’ai vu
à Thimna une femme d’entre les filles
des Philistins, prenez-la moi pour femme » (Juges 14:1-2). En vain ils
objectent : « N’y a t-il pas de femme parmi les filles de tes frères, et
dans tout mon peuple, que tu ailles prendre une femme d’entre les Philistins,
les incirconcis ? » (Juges 14:3 ; Ex. 34:16). Samson répond
simplement : « Prends celle-là
pour moi, car elle plaît à mes
yeux
». Déjà le coeur de Samson est partagé : il pense à combattre les
ennemis, mais le monde l’attire. Or l’association au monde nous empêche de
vaincre le monde. Samson marche sur les traces de Lot, qui lève ses yeux et voit
la plaine du Jourdain, bien arrosée partout et choisit de s’y fixer. Quoique
juste, il habite, peu après, à Sodome, dont les habitants étaient méchants et
grands pécheurs (Gen. 13:10-13). Notre coeur naturel nous pousse à posséder ce
qui nous attire. L’on peut en venir à former des liens d’amitié et bientôt
d’amour avec une « philistine ». ! Mais souvent ce sont des choses
d’apparence plus anodine
qui suffisent à nous enlacer. Secrètement,
peut-être pensons-nous : « Pourquoi faut-il donc être toujours sur ses
gardes
, et ne pas jouir de la vie comme les autres ? ». Après tout,
c’est Dieu qui nous donne toutes choses richement pour en jouir ! (1 Tim.
6:17). Mais oublier, ne serait-ce qu’un court instant, les desseins de
l’Adversaire, c’est se mettre délibérément en danger ! En effet, il rôde
autour de nous, et cherche inlassablement à nous lier, à nous faire tomber.
L’Ennemi
sait qu’il ne peut pas ravir la paix à un croyant, mais il cherche à annuler
son témoignage.
pourDieu
Les Écritures donnent un
enseignement précis sur le sens de notre vie chrétienne. Paul rappelle que les
croyants se sont « tournés des idoles vers Dieu, pour servir
le Dieu
vivant et vrai, et pour attendre
des cieux son Fils » (1 Thes. 1:9-10).
Nous avons été « créés dans le Christ Jésus pour les bonnes oeuvres
que
Dieu a préparées à l’avance, afin que nous marchions en elles » (Éph. 2:10).
Esclaves par amour du Seigneur, la parabole de cet Homme noble, parti dans un
pays éloigné, a une portée collective : « Trafiquez jusqu’à ce qu’il
vienne » (Luc 19:12-13). Mais le Seigneur donne aussi un service particulier à chacun
de ses serviteurs. À Pierre, il dira : « Pais
mes brebis » (Jean
21:17) et à Paul : « Je te suis apparu afin de te désigner pour serviteur
et témoin
, et des choses que tu as vues et de celles pour la révélation
desquelles je t’apparaîtrai, en te retirant du milieu du peuple et des nations
vers lesquelles je t’envoie pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des
ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu » (Act. 26:16-107).
La puissance de Dieu opère en nous (Éph. 3:20). Il veut nous
purifier de toutes les oeuvres de la chair, telles que l’envie, le mensonge ou
l’orgueil. Il veut former Christ en nous (Gal. 4:19), et nous communiquer
quelques traits de Sa beauté morale. Mais le Seigneur désire travailler aussi par
notre moyen : si
quelqu’un désire faire Sa
volonté, la doctrine lui enseignera la Vérité
qui est en Jésus (Jean 7:17). Il est capital, pour les jeunes croyants, de
comprendre ce que Dieu veut faire de leur vie. On risque de remettre à plus
tard de s’engager sérieusement comme serviteur du Seigneur. Le temps passe, et
un jour, on réalise qu’il est trop tard.
Samson a reçu la force
nécessaire pour la grande tâche que Dieu veut lui confier. C’était une énigme
pour les Philistins. Pour la garder, ce nazaréen devait rester séparé pour
Dieu
. En outre, dans certaines circonstances, l’Esprit de Dieu venait sur
lui (Juges 13:25 ;14:6, 19 ; 15:14).
La séparation pour Dieu est
un caractère essentiel du voeu de nazaréat. On trouve tous les détails dans le
chapitre 6 des Nombres. Mais parmi les chrétiens, il n’y a pas de « classe
spéciale » qui soit appelée à porter ces caractères de nazaréen. Tous
les
chrétiens sont appelés à être séparés pour Dieu, mais il y a parfois conflit
entre nos affections pour le Seigneur et nos tendances personnelles. Tout
change si l’amour de Christ nous étreint. L’apôtre Paul écrit : « Nous
avons jugé ceci, que si Un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu’il
est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes
,
mais pour Celui
qui, pour eux, est mort et a été ressuscité » (2 Cor.
5:14-15).
Dans l’expression « nazaréen de Dieu », l’aspect positif du nazaréat
est mis en évidence. Tandis que le terme « séparé » définit l’autre aspect, négatif, qui est lui aussi
nécessaire. En se séparant pour
Dieu, le nazaréen se sépare aussi du
monde.
Cette séparation revêt trois caractères : Le nazaréen ne
boit pas de vin, le rasoir ne passe pas sur sa tête et il ne doit pas toucher
un mort. Tout ceci, pour le chrétien, équivaut à un renoncement complet, à se
tenir pour mort (Rom. 6:11). « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se
renonce soi-même,
et qu’il prenne sa croix
et qu’il me suive
(Matt. 16:24).
La force de Samson est liée à l’activité de l’Esprit de Dieu en lui. Quand Samson descend à Thimna, un jeune lion rugissant vient à sa rencontre. « L’Esprit de l’Éternel le saisit, et il le déchira comme on déchire un chevreau, quoiqu’il n’eût rien dans sa main » (Juges 14:6). Revenu plus tard sur les lieux, Samson trouve du miel dans la carcasse du lion, symbole de bénédictions spirituelles. Plus loin, quand il découvre que sa femme a révélé le sens de son énigme aux Philistins, à nouveau « l’Esprit de Dieu le saisit » : Son propos n’était-il pas de détruire des Philistins ? Il tue trente hommes à Askalon et donne leurs vêtements à ceux qui ont pu expliquer l’énigme (Juges 14:19).
Plus tard, trois mille hommes
de Juda, tombés spirituellement très bas, déclarent à Samson qu’il les a troublés
!
Ils ont accepté, pour leur part, la domination de l’ennemi : « Ne sais-tu
pas que les Philistins dominent sur nous ? » Et que nous
as-tu
fait ? (Juges 15:11). Dans un temps de ruine, les témoins de Christ
doivent s’attendre à une forte opposition, car les chrétiens mondains sont
légion.
Samson accepte de se laisser
lier par ses compatriotes avec deux cordes neuves. Ils vont ensuite le livrer
aux ennemis ! Ces derniers poussent des cris à sa rencontre, mais soudain
l’Esprit de l’Éternel saisit Samson et « les cordes qui étaient à ses bras
devinrent comme de l’étoupe qui brûle au feu, et ses liens coulèrent de dessus
ses mains ». Alors, se saisissant d’une mâchoire d’âne, arme apparemment méprisable
,
Samson frappe mille hommes (Juges 15:14-15). Ce fait souligne que la victoire
vient de Dieu seul
.
Samson fait l’expérience, après
le combat, qu’il a, lui aussi, un besoin absolu de cette eau que Dieu seul peut
lui donner. Lui qui a vaincu tant de Philistins, mesure un peu sa faiblesse et
sa vulnérabilité : Il est sur le point de mourir de soif ! En réponse
à son cri, l’eau jaillit de ce rocher fendu à Lékhi. C’est une précieuse figure
de Christ (1 Cor. 10:4). Les prières ne sont pas, hélas, fréquentes dans la vie
de Samson. Le sont-elles dans la nôtre ? Ici, Samson boit, « son esprit lui
revint, et il vécut » (Juges 15:19).
Mais la preuve la plus
évidente que la force de Samson était liée à l’activité de l’Esprit de Dieu en
lui, est fournie par le récit de sa chute
. Pour découvrir le secret de
sa force, Delila va audacieusement droit au but par ses questions. Samson
semble avoir perdu tout discernement. Il se prête à ce qu’il semble considérer
comme un jeu, persuadé qu’il s’en ira « comme les autres fois » et se dégagera
(Juges 16:20). Tant qu’il ne lui a pas « déclaré tout ce qui est dans son coeur »
Delila cherche vainement à le lier (Juges 16:18). Mais comme elle le tourmente
par ses paroles tous les jours et le presse, il finit par céder. Alors, elle
appelle les princes des Philistins et endort Samson sur ses genoux. Un homme
vient raser les sept tresses de sa tête. Sa force
se retire de lui, les
Philistins le saisissent, lui crèvent les yeux, ces yeux dont il faisait
souvent si mauvais usage (Luc 11: 34 ; Ps. 119:37). Samson est lié de
chaînes d’airain, précaution bien inutile ! On le fait descendre à Gaza,
au centre même de la Philistie.
C’est un des plus tristes
récits de l’Écriture : Samson ne savait pas
que l’Éternel s’était
retiré de lui » ! (Juges 16:20 ; Osée 7:9). Chaque étape dans la vie
de ce Juge est un enseignement pour nous. Mais l’Esprit Saint qui venait sur
Samson et le revêtait de force au moment d’un combat, habite
maintenant
dans les rachetés du Seigneur. Ils l’ont reçu pour permettre par sa puissance
l’accomplissement des desseins de Dieu dans leurs vies. Nous avons été scellés
du Saint Esprit de la promesse (Éph. 1:13). Quelle est cette promesse ?
Celle du Seigneur aux siens : leur envoyer un autre « Consolateur » pour
être avec eux éternellement (Jean 14:16). « Vous recevrez de la puissance, le
Saint Esprit venant sur vous » (Act. 1:8). Elle s’est accomplie alors que les
disciples se trouvaient « tous ensemble dans un même lieu. Ils furent tous
remplis de l’Esprit Saint » (Act. 2:1-4). Depuis, il habite dans chaque croyant,
après la conversion. S’il peut agir sans entraves, nous en sommes remplis
et il porte Son fruit, d’amour, de joie et de paix dans nos vies.
Jamais un chrétien ne sera abandonné par le Saint Esprit. La promesse du Seigneur dans Jean 14:16 exclut une telle possibilité. Mais la vie de Samson rappelle que, si notre conduite attriste le Saint Esprit, sa puissance ne peut plus se manifester. Le scepticisme affiché par les Juifs était aussi un obstacle à l’activité du Seigneur Jésus : « Il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité » (Matt. 13:58).
Nous avons vu quel était le secret
de la force
chez Samson. Quel était celui de sa faiblesse
? On
pourrait peut être la résumer par un seul mot, en disant qu’il avait le
tempérament d’un « joueur ». C’est tout l’opposé d’un homme rempli de la crainte
de Dieu. On ne voit pas Samson « arrêter dans son coeur de ne pas se souiller »,
comme le fera Daniel. On ne voit pas, chez lui, une ferme attitude, semblable à
celle qui animait le Seigneur, quand « il dresse résolument sa face pour aller à
Jérusalem » (Luc 9:51).
Samson se conduit souvent de
façon imprévue et même surprenante. À quoi bon emporter les portes de Gaza sur
le sommet de la montagne ? Sans doute Samson voulait-il montrer ainsi publiquement
sa force physique
. Il en était fier, il se croyait peut être invincible.
Mais tout cela se passait au moment même où il venait de montrer, une fois
encore, toute sa faiblesse morale
(Juges 16:1). Quelle différence avec l’humble
attitude de l’apôtre Paul, occupé seulement à servir son Maître. Il accepte
d’être dévalé dans une corbeille par une fenêtre à travers la muraille, pour
échapper à l’ethnarque du roi Arétas. Une manière de s’enfuir qui n’avait rien
de glorieux aux yeux des hommes, mais l’humilité manifestée chez ce serviteur
est d’un grand prix pour le Seigneur ( 2 Cor. 11:33). C’est dans le désir de
garder les jeunes convertis à d’Antioche de s’enorgueillir comme Samson, que
Barnabas les exhorte « à demeurer attachés au Seigneur de tout leur coeur
»
(Act. 11:23). « Il faut que Lui croisse, et que moi je diminue » (Jean 3:30). De
tous les maux qui nous souillent, l’orgueil est le plus grand. C’est celui de
nos ennemis qui meurt le plus lentement et avec le plus de peine (JND).
Les intentions divines
touchant la vie de Samson étaient pourtant très claires. Dieu voulait délivrer
son peuple Israël des Philistins et Samson savait, au moins par ses parents,
que Dieu l’avait choisi dans ce but. Mais il use parfois de sa force comme d’un
jeu, pour se faire valoir. S’il se trouve en présence de Philistins, il se peut
qu’il les frappe d’un grand coup, à leur casser bras et jambes (Juges 15:7),
Mais si ces Philistins l’attirent, il oublie son appel
et cherche plutôt
à satisfaire ses passions
.
A-t-il trouvé le bonheur qu’il cherchait sans doute à travers ses « expériences » successives ? Il termine sa vie comme un esclave, aveugle et impuissant, obligé par ses ennemis à tourner sans fin la meule dans la maison des prisonniers (Juges 16:21). Nous pourrions connaître aussi une telle fin, si nous cherchons à satisfaire les désirs de notre chair, oubliant de garder le nazaréat auquel Dieu nous appelle. Le seul vrai bonheur pour Samson aurait été de s’attacher à faire la volonté de Dieu (Ps. 119:15-16). C’est aussi le vrai chemin pour les rachetés du Seigneur.
En dépit de la tristesse que l’on éprouve en parcourant ce récit, la dernière page de l’histoire de Samson est consolante. Peut-être fait-il partie de ceux qui « de faibles qu’ils étaient, furent rendus vigoureux, devinrent forts dans la bataille » (Héb. 11:34). En tout cas, les cheveux de la tête de ce prisonnier ont recommencé à croître (Juges 16:22). Et voici qu’on l’appelle pour amuser ses geôliers !
Placé entre les colonnes du
temple de l’idole, il va jouer devant eux. Alors il crie à l’Éternel :
« Souviens-toi de moi, je te prie, et fortifie-moi, seulement
cette fois »
(Juges 15:19 ; 16:28). Dieu répond à sa requête et lui accorde une grande
victoire finale. Le pauvre esclave aveugle s’appuie sur les deux colonnes au
milieu de la maison, et l’allégresse des très-nombreux Philistins, qui louaient
Dagon, leur faux-dieu, tourne soudain à la consternation et à la terreur. Samson
a réalisé que Dieu lui donne à nouveau sa force. Il demande encore : « Que
mon âme meure avec les Philistins ». Il a compris de quels égarements il est
capable, il ne veut plus, semble t-il, avoir une occasion de déshonorer
l’Éternel. Il se penche avec force et la maison tombe sur les princes et tout
le peuple qui s’y trouvait. « Les morts qu’il fit mourir dans sa mort furent
plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir pendant sa vie » (Juges
16:30-31).
Demandons au Seigneur de nous
aider à rester « vrais » devant lui. Veillons et prions, car nos ennemis visibles
ou invisibles sont toujours prêts à nous lier, à saisir l’occasion qui leur est
offerte durant ces heures où nous ne sommes pas sur nos gardes
. Retenons
les conséquences tragiques, pour Samson et pour tout le peuple de Dieu, d’un
manque de vigilance et de fermeté. Il y a des dangers constants pour tout
enfant de Dieu qui vit dans ce monde ennemi et trompeur (Jean 17:15) ;
Avons-nous compris à quel
point nous avons besoin du secours continuel
de Celui qui seul a le pouvoir
de nous garder sans que nous bronchions et de nous placer irréprochables devant
sa gloire, avec abondance de joie (Jude 24) ?