Philippe Laügt
ME 1981 p. 216-224
Table des matières :
2 - L’arche prise par l’ennemi, et son retour en Israël
3 - Le désir de David à l’égard de l’arche
4 - Le retour de l’arche à Jérusalem
5 - Responsabilité des croyants en rapport avec la présence de Christ au milieu des siens
Dans la marche ascendante qu’évoquent les cantiques des degrés, le Ps. 132 occupe une place élevée. Nous y découvrons la source secrète qui soutenait David, cet homme selon le cœur de Dieu (1 Sam. 13:14).
Guidé par un amour fervent, il recherchera désormais les intérêts de Dieu. La Parole de Dieu lui rend ce témoignage : il a servi au conseil de Dieu en sa propre génération (Actes 13:36). Malgré ses fautes et une terrible chute dont les conséquences gouvernementales ont pesé sur tout le reste de sa vie, Dieu a pris plaisir en lui (1 Chron. 28:4).
David est suscité dans un temps très difficile. Déjà au début du livre de Samuel, la faillite de la sacrificature est totale. Les fils d’Éli sont des fils de Bélial, ils ne connaissent pas l’Éternel. Le peuple aussi est inconscient de son terrible éloignement de Dieu. Battu par les Philistins à cause de son péché, il pense pouvoir user de « l’arche de l’alliance de l’Éternel des armées, qui siège entre les chérubins » (1 Sam. 4:4) comme d’une sorte de talisman, pour remporter la victoire. Mais cette arche sainte, construite au désert par Moïse d’après le modèle que Dieu lui avait montré sur la montagne, était un type de Christ dans son incarnation. Le bois de sittim symbolisait son humanité parfaite, et l’or, sa divinité. Sur l’arche, étroitement lié à elle, le propitiatoire d’or pur évoquait l’œuvre parfaite de la croix (Rom. 3:24, 25 ; 1 Jean 2:2). Seul Christ a pu accomplir cette œuvre, et seul son sang précieux a pu satisfaire les droits de la sainteté et de la justice de Dieu, de sorte que son amour puisse s’exercer librement.
C’était un grand privilège d’entourer ainsi l’arche. Notre rassemblement autour du Seigneur en est un plus grand encore. Mais si la crainte de Dieu est oubliée, notre conscience s’endurcit inévitablement au contact des choses saintes. On peut se prévaloir de la présence du Seigneur dans l’Assemblée, tout en méconnaissant les responsabilités liées à un tel privilège.
C’était bien le cas lors de cette page de l’histoire d’Israël ; et devant ce triste état, Dieu qui avait daigné marcher çà et là avec eux, dans une tente et dans un tabernacle (2 Sam. 7:6), livre « sa magnificence en la main de l’ennemi » (Ps. 78:61). I-Cabod : la gloire s’en est allée ! L’arche de Dieu, le lieu de sa demeure, est aux mains des Philistins ; elle ne sortira plus avec les armées (Ps. 44:9).
Mais dans ce pays étranger, Dieu revendique ses droits et ceux de Celui dont l’arche est la précieuse figure : son Fils bien-aimé. L’arche a été placée à côté de Dagon. L’idole est d’abord retrouvée la face contre terre, puis, le lendemain, brisée en morceaux. La main de l’Éternel s’appesantit sur tout le pays, de sorte que la venue de l’arche provoque, de ville en ville, une consternation mortelle. Les sacrificateurs et les devins se montrent plus attentifs qu’Israël, qui pourtant avait le privilège insigne de vivre près de Dieu. Pourquoi, déclarent-ils, endurciriez-vous votre cœur, comme les Égyptiens et le Pharaon ont endurci le leur ? (1 Sam. 6:6). Les Philistins se décident alors à la renvoyer, tout en conservant leurs idoles impuissantes.
Attelées pour la première fois à un chariot où se trouvait l’arche, sans guide, séparées de leurs petits qu’elles allaitaient, ces vaches s’en vont tout droit vers Beth-Shémesh, à quelque 30 km. de là. Quel beau témoignage de la puissance de Dieu !
Voyant revenir l’arche, les habitants de cette ville commencent par se réjouir. Ils offrent des holocaustes en présence des princes des Philistins. Mais bientôt, ils osent regarder dans l’arche et l’Éternel les frappe.
La disposition de nos cœurs à l’égard de la personne adorable de Jésus doit toujours être marquée par une sainte révérence. Nous pouvons adorer ce mystère inscrutable, prosternés devant le marchepied de ses pieds (Ps. 132:7) mais « personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père » (Matt. 11:27). Les temps actuels sont particulièrement caractérisés par un esprit profane à l’égard des choses saintes. Ne perdons pas de vue que le précieux dépôt confié à la foi doit être jalousement gardé par le croyant fidèle (2 Tim. 1:14).
Les hommes de cette ville, au lieu de s’humilier sous la puissante main de Dieu, n’ont plus qu’un désir, comme tant d’autres aujourd’hui : que Dieu se retire (Job 21:14). « Qui peut tenir devant l’Éternel, ce Dieu saint ? » disent-ils (1 Sam. 6:20). L’Écriture nous fournit la réponse : « J’habite le lieu haut élevé et saint, et avec celui qui est abattu et d’un esprit contrit » (És. 57:15).
Les habitants de Kiriath-Jéarim viennent chercher l’arche. Elle va rester longtemps dans la maison d’Abinadab, jusqu’à ce que David, enfin, vienne la chercher.
Pendant cette longue période, Samuel intercède d’abord, sans se lasser, pour le peuple. Mais ses fils, tout comme ceux d’Éli, se détournent et Israël réclame un roi « comme toutes les nations ». Dans sa colère, l’Éternel le lui accorde. « Aujourd’hui, vous avez rejeté votre Dieu », leur déclare le prophète (1 Samuel 10:19).
Ce roi, Saül, aurait dû s’attacher à délivrer le peuple des Philistins, mais bientôt il déploie toute son énergie charnelle à poursuivre David, que Dieu prépare, dans la souffrance, à paître fidèlement Israël.
David connaît de profondes afflictions. Il se tourne vers Dieu et fait un vœu. Va-t-il s’exprimer comme Jacob autrefois ? (Gen. 28:20). Va-t-il demander la fin de ses épreuves, une maison confortable, un lit de repos, tant de choses qui occupent aisément nos cœurs, et promettre de servir l’Éternel en retour ? Non, pour tout ce qui le concerne combien sa requête est brève ! Il s’en remet paisiblement à un fidèle créateur (Ps. 132:1). Mais dans ses affections pour Dieu, il est occupé de l’arche : « Si je permets à mes yeux de dormir… jusqu’à ce que j’aie trouvé un lieu pour l’Éternel, des demeures pour le puissant de Jacob ! » (Ps. 132:4, 5). L’arche était mise de côté, elle paraissait oubliée. David s’en afflige et dans son zèle, il n’a qu’un désir, que l’arche retrouve enfin sa place au milieu d’Israël. Le Moi et la recherche de ses intérêts ne sont pas au centre de ses pensées. Même au mauvais jour, cet homme pieux a en vue la gloire de Dieu.
Quelle leçon pour nous qui avons si vite des horizons très restreints pour peu que nous ayons à traverser des circonstances pourtant moins éprouvantes. Quel modèle nous trouvons à cet égard dans un plus grand que David, le Fils de Dieu lui-même ! Au moment où l’homme méprisait son amour et le rejetait, le Seigneur faisait ses délices des conseils du Père et son cœur débordait de louanges (Matt. 11:25, 26).
« Voici nous avons entendu parler d’elle à Éphrata » (v. 6). David se souvient de son enfance à Bethléhem de Juda (souvent appelée Éphrata dans l’Écriture — voir Genèse 35:19 ; 48:7 ; 1 Sam. 17:12). Là devait surgir un jour, comme un rejeton sortant du tronc d’Isaï, « celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité », le vrai fils de David (Mich. 5:2). L’arche n’a probablement jamais séjourné à Bethléhem, pourtant dans ce lieu béni, de bonne heure, David en a entendu parler, sans doute par ses parents. Des fidèles cachés menaient deuil sur l’état de ruine du peuple de Dieu et sur le délaissement de l’arche.
Entendre parler de Christ, avec amour et respect, dès notre enfance, est un immense privilège (2 Tim. 3:15). C’est aussi une grande responsabilité confiée aux parents (Deut. 6:5-7). Quel est le sujet de nos conversations dans nos familles ? Laissons-nous de la place à des futilités, à des paroles vaines, pis encore, à des médisances. La bouche parle toujours de l’abondance du cœur (Matt. 12:34).
Au cours des années, les sentiments de David à l’égard de l’arche,
les saints élans de son cœur, n’ont fait que croître. Devenu roi à Jérusalem, il
cherche l’arche, la trouve dans les champs de Jaar et
prend l’heureuse et grave décision de la faire monter à Jérusalem. Mais d’abord
il s’associe vraiment au peuple qui a si longtemps négligé l’arche et s’en humilie.
Il ne dit pas comme nous le ferions peut-être volontiers : « Ils ne l’ont
pas consultée », ou ce qui paraissait évident : « Saül ne l’a pas
consultée », mais « Nous
ne
l’avons pas consultée aux jours de Saül » (1 Chron. 13:3).
Si nous réalisons combien peu Christ occupe dans nos vies et dans l’Assemblée la place qui lui est due, nous ne pourrons qu’être, nous aussi, vraiment humiliés.
David avait saisi quelque chose de la joie et de la louange qui devaient entourer ce retour. Ils s’égayaient devant l’Éternel avec toutes sortes d’instruments. Mais en réalité il n’y avait pas de puissance. C’est impossible là où la vérité est négligée. Dans la pensée de Dieu, l’élite de l’armée ne pouvait suffire à escorter dignement l’arche : il appartenait aux Lévites de la porter ! La douloureuse brèche d’Uzza montre bientôt le prix que Dieu attache à notre obéissance à toute sa Parole. Il commence par juger sa propre maison.
David, saisi de crainte, détourne l’arche vers la maison d’Obed-Edom. Elle y restera trois mois, pour la bénédiction particulière et durable d’une seule famille. Le nombre importe peu, Dieu bénira ceux qui se réunissent en toute simplicité et vérité au nom de Jésus. Notre rassemblement n’a pas d’autre raison d’être. Il peut y avoir de la faiblesse, mais la consolation et la bénédiction sont assurées par sa présence. Plus nous sentirons notre infirmité, notre néant, et plus nous estimerons et aimerons Sa présence.
On rapporte à David quelle est la part bénie d’Obed-Edom, à cause de l’arche. Il comprend qu’au lieu de se tenir effrayé, loin de l’arche, son privilège et sa bénédiction sont de rester près d’elle. Il se hâte, rempli d’un saint désir, d’assembler une fois encore tout Israël, pour faire monter l’arche au lieu qu’il lui a préparé, à Jérusalem. Ayant cherché avec soin la pensée de son Dieu, il reçoit par l’Écriture le discernement de Sa volonté. Les Lévites sont invités à se sanctifier, ce qu’ils avaient négligé de faire jusqu’alors, pour porter l’arche sur l’épaule (1 Chron. 15:2). Le doux psalmiste s’écrie, avec une grande joie : « Lève-toi, Éternel ! pour entrer dans ton repos, toi et l’arche de ta force ! » (Ps. 132:8). Cette requête intelligente reçoit une réponse qui témoigne de l’abondante grâce de Dieu ; Il déclare, en parlant de Sion : « C’est ici mon repos ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée » (Ps. 132:14). Nous avons affaire à Celui qui peut infiniment plus que tout ce que nous demandons ou même pensons, la fin de ce psaume en fournit la démonstration. La descendance de David n’a pas su garder l’alliance et les témoignages de Dieu (Ps. 132:12) mais Christ lui-même doit occuper le trône (Ps. 132:11 ; Luc 1:68, 69). Le jour approche où Dieu répandra sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplications (Zach. 12:10). Les saints du résidu, humiliés et repentants, regarderont vers Celui qu’ils ont percé et se lamenteront sur Lui, comme on se lamente sur un fils unique. Comme Jean (Apoc. 11:19) ils lèveront leurs yeux pour contempler leur Messie, la vraie arche, dans le ciel, reconnaissant qu’il est le Oui et l’Amen à toutes les promesses de Dieu à leur égard. Puis, précédé de jugements (Ps. 132:18), le Royaume plus glorieux que celui de Salomon, sera établi. Les vêtements sales des sacrificateurs, représentants du résidu, seront ôtés (Zach. 3) et ils seront revêtus de salut. Christ occupera sa vraie place, sur le trône. Sa couronne, autrefois profanée jusqu’en terre, fleurira sur lui, et vers lui monteront la louange et l’adoration.
Cette scène future ne doit pas détourner nos pensées des privilèges et des responsabilités des croyants actuellement sur la terre. Ils appartiennent à une autre dispensation, celle de la grâce, et à ce titre ils sont liés à Christ plus étroitement encore.
Christ a habité (littéralement : tabernaclé) au milieu de nous, nous révélant le Père et parlant de sa part. Comme l’arche, et bien plus qu’elle, il a connu les épreuves du désert. Puis il est entré, au temps fixé, volontairement dans la mort, ces grandes eaux dont le Jourdain n’était que la figure. Mais cette mort ne pouvait le retenir ; l’œuvre de la rédemption parfaitement accomplie, il est sorti en vainqueur, et nous Le contemplons sur l’autre rive, ressuscité. Désormais les siens attendent la gloire de son avènement, car Il doit régner.
Mais ici-bas Christ est encore méprisé et rejeté. Nous vivons des jours très sombres, caractérisés par la tiédeur laodicéenne. Ostensiblement, on se réclame encore de Christ, mais il est mis de côté dans l’église professante, comme l’arche l’était en Israël avant le règne de David. Il y a souvent dans nos vies peu de place pour le Seigneur, peu de temps pour le servir, encore moins pour l’aimer. L’esprit de ce monde, où l’homme cherche toujours à s’élever en laissant Dieu de côté, risque de nous gagner. Prenons garde, si Dieu nous confie un don pour l’édification du corps de Christ (Éph. 4:12), de ne pas chercher à occuper une place en vue dans l’Assemblée, ce qui reviendrait à prendre la place de Celui qui est le seul vrai centre de rassemblement. Soyons animés du même esprit que David. Quand Mical lui reproche d’avoir, lui le roi, dansé devant l’arche comme un homme de rien, il répond dans l’élan de son cœur : « Je me rendrai plus vil encore que cela, et je serai abaissé à mes yeux » (2 Sam. 6:22). C’était vraiment son désir, s’il devait en résulter plus de gloire pour Dieu. Comprenons que si l’Assemblée est laissée pour un temps là où le Seigneur a été rejeté — et l’est encore — c’est pour glorifier Dieu, en glorifiant Christ. Nous ne saurions plaire à Dieu sans donner dès maintenant à son Fils bien-aimé la place qui est la sienne, lui le chef du corps, de l’assemblée. La grâce qui nous est accordée aujourd’hui de nous réunir autour du Seigneur, les exigences qui découlent de cette présence sont d’une portée autrement élevée que pour Israël groupé autour de l’arche. Ainsi il faut que nous saisissions pratiquement la réalité de la présence personnelle du Seigneur au milieu des siens. Il en résultera une sainte crainte de lui déplaire, un exercice constant, sensible lors de chaque rassemblement, pour rester séparés de tout mal. Au culte, Christ sera vraiment le centre de l’adoration présentée à Dieu. Nous serons étreints par son amour, et par l’Esprit qui compose chaque jour en nous le cantique, nous pourrons raconter au Père toute la gloire de son bien-aimé (Gen. 45:13). Les gloires variées que l’arche présentait déjà en figure passeront devant nous : la divinité de celui qui est le Fils éternel du Père, l’humanité parfaite du Fils de l’homme dans l’abaissement et dans l’humiliation, la gloire acquise par son œuvre unique, par ses souffrances expiatoires et sa mort, dont autrefois un symbole était donné par ce propitiatoire intimement lié à l’arche elle-même. À l’adoration se lie nécessairement le souvenir de la croix. « Le Dieu que nous adorons y a été glorifié. Il n’aurait pas pu l’être convenablement sans elle, c’est là que nous avons appris ce qu’il est » (J. N. D.).
Tels autrefois Abinabab, Obed-Edom ou David, soyons de ceux qui Le reçoivent et qui reconnaissent ses droits sur nous. Occupons dès maintenant avec reconnaissance cette place de proximité qui nous a été acquise par le sang précieux versé, et en communion avec Dieu dans ce lieu très saint, offrons sans cesse à Dieu par Christ un sacrifice de louanges qui lui sera agréable.