Paul Fuzier
ME 1942 p. 234. Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières :
1 - Substance de la vie chrétienne
3.1 - Commencer par la communion avec le Seigneur
3.2 - Apprendre avec le Seigneur
4 - Ce qui est à notre portée. Croître dans la dépendance
5 - L’heure des comptes. La récompense
Le chapitre 10 de l’évangile selon Jean nous parle tout au long du bon Berger. Présenté à son peuple, Il est le seul qui revête les caractères du Berger promis à Israël, le seul auquel le portier (Dieu) pourra ouvrir : Il entre par la porte. Mais Il vient introduire un ordre de choses nouveau — le christianisme — et c’est par Lui seul que l’on peut y entrer : en ce sens, Il est la porte. Il appelle ses propres brebis par leur nom, Il les mène dehors, allant devant elles et s’Il en prend soin avec tendresse c’est parce qu’Il a mis sa vie pour elles. Quel prix Il a dû les payer ! Aussi, nul ne les ravira de sa main ni de la main de son Père. Précieuse part que la leur… Du Berger elles reçoivent tout ! Mais elles doivent manifester deux caractères : « Mes brebis écoutent ma voix » (v. 3 et 27) — « et elles me suivent » (v. 4 et 27). Écouter et suivre !
Les quelques femmes qui se tenaient « près de la croix de Jésus » (Jean 19:25) étaient des brebis du bon Berger. Elles avaient écouté sa voix et l’avaient suivi. Mais à cela elles avaient ajouté autre chose : en le suivant, elles l’avaient servi (Matt. 27:55). Privilège accordé à tous ceux qui le suivent ! Responsabilité aussi.
Les Thessaloniciens, devenus « des modèles pour tous ceux qui croient » parce qu’imitateurs de l’apôtre et du Seigneur (1 Thess. 1:6-7) s’étaient « tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai et pour attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus qui nous délivre de la colère qui vient » (v. 9-10). C’est en attendant le Seigneur qu’ils l’avaient servi. Écouter sa voix, le suivre en le servant, le servir en l’attendant, telle est la part qui nous est proposée. Écouter, suivre, servir, attendre, n’est-ce pas le résumé de la vie chrétienne — vie qui ne peut être vécue qu’en veillant et priant ? (Marc 13:33).
C’est aux brebis du bon Berger que ces lignes s’adressent, à tous ceux qui écoutent sa voix et le suivent, se réjouissant dans l’espérance de son prochain retour. Sommes-nous tous aussi de ceux qui servent ? Semblable à « un homme allant hors du pays » (Marc 13:34 ; voir aussi Matt. 25:14 et Luc 19:12) le Seigneur, élevé dans le ciel après sa résurrection, a laissé les siens sur la terre pour un temps. Le temps de son absence est le temps du service, car Il a donné « à chacun son ouvrage » ; c’est aussi un temps d’attente : Il a commandé « au portier de veiller » (Marc 13:34). Comme les Thessaloniciens l’avaient bien compris et réalisé, il s’agit donc pour le croyant — celui qui présente les caractères de la brebis — de servir et d’attendre. Celui qui sera trouvé dans cette attitude, lorsque le Seigneur viendra, est appelé bienheureux. « Bienheureux est cet esclave-là que son Maître, lorsqu’il viendra, trouvera faisant ainsi » (Luc 12:43) : c’est en rapport avec le service rempli. « Bienheureux sont ces esclaves que le Maître, quand Il viendra, trouvera veillant » (Luc 12:37) : récompense d’une attente fidèle.
Combien l’exemple des Thessaloniciens nous humilie ! Pensons-nous parfois — avec honte et confusion — à tout le temps que nous perdons, du temps que Dieu nous avait donné pour le servir et que nous ne retrouverons plus ? Pourtant, nul ne peut dire qu’il n’a pas quelque chose à faire pour le Seigneur, puisqu’Il a donné « à chacun son ouvrage ». Cela implique donc une double responsabilité. Tout d’abord, ne demeurer ni oisif, ni stérile : nous aussi, « levons-nous et bâtissons » ! — Ensuite, discerner quel est exactement notre ouvrage. Nous avons souvent tendance à imiter nos frères, à vouloir faire ce que fait un autre. Mais l’ouvrage de mon frère n’est sans doute pas le mien ! Ne peut-on dire : autant de chrétiens, autant de services différents ? Dans le Cantique des Cantiques (4:12 à 5:1) la fiancée est comparée à un jardin. Dans un jardin, quelle variété de fleurs et de parfums ! Y en a-t-il deux exactement semblables ? Tous sont là, chacun à sa place, pour la satisfaction et la joie du Bien-Aimé. — Parfois aussi, danger opposé, nous critiquons nos frères et nous les dénigrons, perdant de vue que le service de chaque membre du Corps est en vue de l’utilité, précieux à sa place — chacun étant personnellement responsable à cet égard, « car nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu ». Ainsi donc, « pourquoi juges-tu ton frère ?… pourquoi méprises-tu ton frère ?… Chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu. Ne nous jugeons donc plus l’un l’autre » (Rom. 14:10-13). N’oublions pas surtout que nous sommes des « esclaves inutiles » qui ne peuvent même pas ajouter : « ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ». Car si notre service n’est autre chose que ce que nous devons au Seigneur, qui oserait dire cependant qu’il a fait « toutes les choses qui lui ont été commandées » (Luc 17:10) ? Celui même qui pourrait le dire serait aussi un « esclave inutile ».
Pour discerner notre ouvrage, il est indispensable de connaître la pensée du Seigneur et nous ne le pourrons qu’en vivant dans sa communion. Cette vie de communion avec le Seigneur doit toujours précéder le service. Il y a un temps de préparation au service dans la vie de tout serviteur de Dieu : nous en avons des exemples avec Moïse, l’apôtre Paul, bien d’autres encore. Il semble qu’il ne peut y avoir de service utile, sans cela — quoique rien n’annule les prérogatives de Dieu qui peut tirer du bien de tout ce qui est fait. Mais aussi, il y a dans la vie même du serviteur une préparation spirituelle nécessaire avant l’accomplissement de tout service particulier. Nous n’avons certes pas à attendre de manifestations visibles pour nous montrer ce qu’il convient de faire, mais les directions divines ne nous feront pas défaut si nous marchons avec le Seigneur. Le Saint Esprit mettra alors dans nos cœurs les diverses tâches qu’il veut nous voir accomplir et nous montrera de quelle manière nous devrons nous en acquitter. Il est nécessaire aussi que l’action de la Parole s’exerce afin que nous soyons gardés de prendre notre propre volonté pour une direction de l’Esprit. Ainsi, nous serons « remplis de la connaissance de sa volonté… pour marcher d’une manière digne du Seigneur… portant du fruit en toute bonne œuvre » (Col. 1:9-10).
« Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent » (Ps. 25:14). La connaissance de sa pensée sera donnée à celui qui marche dans sa crainte, vivant dans l’humilité et jouissant de sa communion. Mais elle sera donnée dans la mesure où elle sera nécessaire pour répondre à des besoins réels de l’âme et du cœur et utile pour le service. L’oubli de cette vérité trouble parfois des croyants qui vivent près du Seigneur et aimeraient faire, dans la connaissance, les progrès que d’autres font parce qu’ils ont un autre service à remplir, nécessitant une plus grande connaissance. Si Dieu trouve bon de nous révéler sa pensée, de nous éclairer sur telle ou telle portion de sa Parole, ce n’est jamais pour la satisfaction de notre curiosité ou dans le but exprès d’augmenter notre savoir, mais toujours en vue de l’utilité. Pour répondre à des besoins placés devant eux, plusieurs ont remarqué que le Seigneur les avait précisément occupés, peu avant, de la portion de sa Parole qui était nécessaire et même parfois, dans ce but, avait ouvert leurs yeux sur tel ou tel côté de la vérité, fermé jusqu’à ce moment. Et si, en tant de circonstances, le serviteur n’a pas ce qui conviendrait, n’est-ce pas parce qu’il y a eu, de son côté, un manquement dans la préparation pour ce service particulier ? La communion avec le Seigneur a été peu réalisée, aussi il n’y a pas eu le discernement spirituel nécessaire. Expérience faite à notre propre honte ! Nous avons oublié que Marc 13:33 (« veillez et priez ») précède Marc 13:34 (le service).
Sur la montagne, le Seigneur avait appelé « ceux qu’Il voulait » et ils vinrent « à Lui » et Il en établit douze « pour être avec Lui » (Marc 3:13). Ce sont ceux auxquels Il veut confier un service : prêcher, guérir les maladies, chasser les démons. C’est Lui qui les appelle, c’est à Lui qu’ils doivent aller et, avant de commencer leur travail, il faut qu’ils soient « avec Lui ». C’est tellement important qu’il n’est pas dit : « Il en établit douze pour servir », mais « pour être avec Lui ». C’est bien là le temps de préparation au service. Il y a un temps pour apprendre, un temps pour servir et il faut apprendre d’abord pour pouvoir servir ensuite. Où apprendre si ce n’est « avec Lui » ? C’est la seule vraie école du serviteur. Le Seigneur donne ensuite des noms à ceux qu’Il envoie (Marc 3:16-19). Il montre ainsi qu’Il les connaît parfaitement — car le nom caractérise la personne — et qu’Il s’intéresse particulièrement à chacun de ses serviteurs. Mais c’est aussi la marque de son autorité sur eux. De même Adam, chef de la première création, avait donné des noms « à tout le bétail et aux oiseaux des cieux et à toutes les bêtes des champs » (Gen. 2:20), car il dominait sur eux (1:26). Il n’en avait pas donné à sa femme tant qu’il dominait avec elle, mais seulement après que Dieu eût dit : « ton désir sera tourné vers ton mari et lui dominera sur toi » (1:26 ; 3:16-20). Accomplir le service, après le temps de préparation passé « avec Lui », ne sera donc pas faire ce qui peut nous paraître bon et utile — en fait, notre propre volonté — mais ce que le Maître aura commandé. Nous sommes placés sous son autorité et c’est dans l’obéissance la plus complète qu’il convient de servir. « Vous servez (la note, dans nos Bibles, dit : servir, être esclave ; de même Rom. 12:11 ; Phil. 2:22 ; 1 Thess. 1:9) le Seigneur Christ (la note dit : le Seigneur, le Maître) » (Col. 3:24). Parole adressée à l’esclave pour lui montrer que ce n’est pas seulement un « maître selon la chair » qu’il est appelé à servir, mais le Seigneur — parole qui s’adresse aussi à chacun pour tout ce que nous avons à faire : « quoi que vous fassiez… » (v. 23). Le service est pris dans son sens le plus large, c’est la vie toute entière.
C’est bien dans la mesure où nous aurons été « avec Lui » que nous serons rendus capables de servir utilement et fidèlement, car là nous aurons été dépouillés de nous-mêmes et enrichis dans la connaissance de ce qu’Il est et de sa volonté. Il semblait que Marthe accomplissait un service nécessaire et précieux pour le cœur du Seigneur et, sans doute, Il a apprécié ce qu’elle a fait. Pourtant, « distraite par beaucoup de service », elle était « en souci » et « tourmentée de beaucoup de choses ». Elle n’avait pas été « avec Lui » avant de servir ! L’activité déployée et dépensée dans le meilleur but avait pris la place de Celui qu’il convenait d’avoir seul devant soi. Tout différent était le service de Marie dans une autre circonstance — précieux service de l’adoration. Marie de Béthanie avait été « avec Lui » dans le moment où Marthe, sa sœur, ne pensait qu’au service. Elle avait commencé par là. Elle est donc instruite pour accomplir ce qui est convenable quand le moment est venu. Ayant été occupée de Lui, elle ne voit que Lui et ne pense qu’à Lui, lorsqu’il s’agit de servir. Secret d’un service utile et fidèle ! Et si ses paroles ne peuvent exprimer tout ce que, peut-être, elle aurait voulu dire, elle brise le vase… Ce vase d’albâtre n’était-il pas rempli, en figure, de la Personne adorable qu’elle avait appris à connaître, à ses pieds, dans l’intimité et la communion « avec Lui » ? Aussi, le résultat de son service est celui-ci : la personne de Jésus est magnifiée et exaltée. Tel est, tel devrait être le résultat de tout service pour le Seigneur ! Toute la gloire est pour Lui, la maison est remplie de l’odeur du parfum, excellence de Celui dont le nom est « un parfum répandu » (Cant. des cantiques 1:3). « De Lui et par Lui et pour Lui sont toutes choses ! À Lui soit la gloire éternellement ! » (Rom. 11:36).
Le service de Marie n’est pas un acte au delà de ce que peut accomplir un racheté. Dans l’évangile du service, le Seigneur lui-même dira d’elle : « ce qui était en son pouvoir, elle l’a fait » (Marc 14:8). Il ne nous demande pas plus que ce qui est en notre pouvoir, à notre portée.
Dans l’accomplissement du service, il y a une joie profonde. Serait-ce seulement la satisfaction d’avoir fait son devoir ? Davantage encore. Le service a ceci de particulièrement précieux, c’est qu’il nous amène à expérimenter notre propre faiblesse, notre incapacité à remplir la tâche placée devant nous. Nous sommes ainsi conduits à regarder sans cesse vers Celui duquel nous recevons tout secours. Le service nous amène à nous rejeter sur Christ davantage, à nous attendre à Lui, à compter sur Lui seul, à vivre près de Lui. Et c’est bien la plus grande joie et la plus grande bénédiction qu’il y ait dans le service, durant le temps même où nous l’accomplissons !
Si la part du serviteur est précieuse avant même d’avoir servi et ensuite pendant qu’il sert, que sera-ce le travail achevé ! Car c’est encore auprès de Lui qu’il faut aller : « Et les apôtres se rassemblent auprès de Jésus et ils lui racontèrent tout : et tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné ». — Auprès de Lui pour entendre cette parole si pleine de grâce et de sagesse aussi : « Venez à l’écart vous-mêmes dans un lieu désert, et reposez-vous un peu » (Marc 6:30-31).
Dans peu de temps, « la nuit vient en laquelle personne ne peut travailler » (Jean 9:4). Le Seigneur demandera compte à chacun de l’ouvrage qu’Il lui avait laissé (Luc 19:15. Le côté de la responsabilité du serviteur est spécialement en vue dans cette parabole — chacun a reçu une mine — comme aussi en Marc 13:34). Heureux celui qui aura servi fidèlement ! Il n’aura fait que bien peu de chose peut-être, mais il entendra l’approbation du Maître : « Bien, bon et fidèle esclave ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai -sur beaucoup — entre dans la joie de ton Maître » (Matt. 25:21-23). Joie pour son cœur à laquelle Il veut, par pure grâce, associer son serviteur. Part bienheureuse « avec Lui » pour l’éternité, déjà connue en quelque mesure ici-bas !
Puissions-nous être tous de ceux qui servent, chacun à sa place, parce que nous sommes laissés sur la terre pour servir, parce que « la moisson est grande », pour bien d’autres raisons encore, mais surtout parce que servir c’est être « avec Lui » !