Paul Fuzier
ME 1965 p. 197. Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières :
1 - Deut. 12 : Le lieu où l’Éternel fait habiter Son nom
2 - Les ruses de l’ennemi pour nous empêcher de jouir de ce lieu
2.2 - Influence de liens personnels
3 - L’ennemi cherche à briser l’unité
Le peuple d’Israël allait passer le Jourdain et entrer dans le pays de Canaan. Il ne pourrait en jouir, Moïse le lui déclare et cela est consigné dans le livre du Deutéronome, que dans la mesure où il obéirait à la parole de l’Éternel. Les onze premiers chapitres du Deutéronome établissent le principe de l’obéissance, sans laquelle, et cela est vrai dans tous les temps, les bénédictions divines ne peuvent être connues et goûtées ; à partir du chapitre 12, nous avons les applications de ce principe dans les différentes circonstances de la vie du peuple. Dans cette deuxième partie du livre, est présenté avant toute autre chose, il importe de le souligner, l’enseignement relatif au lieu de rassemblement : il y a « un lieu » — l’expression est répétée tout au long du chapitre 12 — un seul lieu de rassemblement, en contraste avec « tous les lieux » où les nations qui devaient être dépossédées avaient servi leurs dieux. Il n’appartenait pas au peuple d’Israël de « choisir » ce lieu (pas plus qu’à un enfant de Dieu aujourd’hui) : c’est l’Éternel Lui-même qui l’avait choisi « pour y faire habiter son nom ». La responsabilité de l’Israélite, du croyant maintenant, c’est de le « chercher » (Deut. 12:4). De nos jours, le seul lieu où le Seigneur a promis sa présence et que le fidèle doit « chercher », c’est celui où « deux ou trois sont assemblés en son nom » (Matt. 18:20). Cela demande bien des exercices à plus d’un, mais nul ne doit se lasser dans cette recherche, assuré que le Seigneur lui fera éprouver la vérité de sa parole : « Cherchez, et vous trouverez… Celui qui cherche, trouve » (Luc 11:9, 10). Une nouvelle responsabilité échoit à ceux qui ont trouvé le seul lieu choisi par le Seigneur pour y faire habiter son nom : « vous y viendrez » (Deut. 12:5), injonction à laquelle correspond l’exhortation de Héb. 10:25 : « n’abandonnant pas le rassemblement de nous-mêmes, comme quelques-uns ont l’habitude de faire ». — Enfin, l’Israélite ne devait pas paraître « à vide » devant l’Éternel, dans le lieu du rassemblement (cf. Ex. 23:15 ; Deut. 16:16) : « vous apporterez là vos holocaustes.. » (Deut. 12:6) ; il expérimentait ainsi que ce seul lieu est celui dans lequel on trouve la présence de l’Éternel, la nourriture et la joie (Deut. 12:7).
Ces choses ont été écrites non pas seulement pour le peuple d’Israël mais aussi « pour notre instruction » et « pour nous servir d’avertissement » (Rom. 15:4 : 1 Cor. 10:11). Que Dieu exerce ceux de ses enfants qui ne connaissent pas encore « le lieu » que le Seigneur « a choisi pour y faire habiter son nom » et leur donne l’énergie nécessaire pour le « chercher » jusqu’à ce qu’ils l’aient enfin trouvé. Qu’Il nous accorde la grâce, à nous tous qui le connaissons, d’y venir et d’y apporter ce qu’Il désire que nous Lui offrions, éprouvant qu’il y a nourriture et joie pour nos âmes dans sa présence réalisée et savourée !
Mais lorsque Dieu a disposé en faveur des siens quelque bénédiction que ce soit, l’ennemi est aussitôt à l’œuvre, nous pouvons en être certains, pour essayer de nous empêcher d’en jouir. Cette remarque nous permet de comprendre pourquoi les avertissements de Deutéronome 13 font immédiatement suite aux enseignements du chapitre 12. Par la bouche de Moïse, l’Éternel met en garde son peuple contre les ruses de l’adversaire ; trois d’entre elles sont dévoilées dans ce chapitre 13.
« S’il s’élève au milieu de toi un prophète ou un songeur de songes…,, (v. 1). Remarquons tout d’abord qu’il ne s’agit pas de quelqu’un venant du dehors, c’est « au milieu de toi », et c’est quelqu’un qui « s’élève », dont le cœur est plein d’orgueil. Ces expressions correspondent à celles d’Actes 20:30 : « il se lèvera d’entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux », comme aussi à celles de 1 Jean 2:18, 19 : « maintenant aussi il y a plusieurs antichrists, par quoi nous savons que c’est la dernière heure : ils sont sortis du milieu de nous mais ils n’étaient pas des nôtres ; car s’ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous ; mais c’est afin qu’ils fussent manifestés comme n’étant aucun d’eux des nôtres ». De tout temps, il s’est trouvé de tels hommes au sein du peuple de Dieu : ils font le travail de l’ennemi, leur orgueil les conduit à s’élever — souvent sous une humble apparence, mais l’apparence la plus humble cache parfois le pire orgueil, — ils annoncent des « doctrines perverses », qui n’édifient pas mais, au contraire, « troublent » et « bouleversent » (cf. Actes 15:24 : « quelques-uns qui sont sortis d’entre nous, vous ont troublés par des discours, bouleversant vos âmes… »). Ce faisant, « ils attirent les disciples après eux » : ils se font un nom, ont des partisans, des admirateurs et des flatteurs ; c’est ainsi que, peu à peu, se produit une division dans le troupeau — à moins que les actions nécessaires ne soient exercées en temps opportun et que la grâce de Dieu n’intervienne, et elle interviendra toujours si les saints, fermes et pleins d’énergie pour s’opposer au mal, agissent dans la crainte et la dépendance qui conviennent. Que les frères qui ont une charge particulière comme « surveillants, pour paître l’assemblée de Dieu », n’oublient pas qu’une responsabilité leur incombe : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau… C’est pourquoi veillez… » (Actes 20:28, 31). Et que Dieu leur accorde d’y faire face !
« Un prophète ou un songeur de songes » pouvait ainsi s’élever au milieu d’Israël. Prophète, il se prétendait porteur de la parole de Dieu ; songeur de songes, révélateur de ses secrets. Et l’un et l’autre agissaient avec déploiement de puissance, dans des conditions de nature à séduire les cœurs des simples, amenés à se demander si une telle puissance n’était pas de Dieu. L’ennemi a toujours cherché, et cherche encore aujourd’hui, à imiter les manifestations de la puissance divine ; il s’est souvent efforcé, par le moyen de ses instruments, de résister à la vérité en la copiant (cf. 2 Tim. 3:8) et son activité s’exercera sans aucune limite quand il n’y aura plus ni « ce qui retient » ni « celui qui retient » ; c’est alors que seront opérés « miracles et signes et prodiges de mensonge » (2 Thess. 2:6-10).
Fausses doctrines, manifestations de puissance — les premières n’étant pas toujours accompagnées des secondes — attirent souvent les âmes. Quelque chose de nouveau, qui n’est pas du « déjà vu, déjà entendu », quelque chose qui frappe les sens et à propos de quoi on a vite dit : c’est la puissance de Dieu ! voilà ce que l’ennemi sait si bien présenter pour détourner le fidèle du vrai chemin, employant pour cela des instruments qu’il choisit, qu’il prépare parfois de longue date, pour les utiliser à son moment, lorsque le terrain est favorable. Leurs enseignements sont souvent exposés avec beaucoup de subtilité : il y a une apparence de fondement scripturaire, sans quoi la fausse doctrine ne serait pas examinée, reçue peut-être, par des croyants. — Toutes les fausses doctrines doivent être rejetées, mais certaines avec plus d’énergie encore car elles sapent les bases de la foi chrétienne, telle qu’elle a été « une fois enseignée aux saints » (Jude 3). En fait, toutes détournent les âmes de l’ensemble des enseignements saisis par la foi et que nous sommes responsables de garder.
Pourquoi, dira-t-on, Dieu permet-Il cela ? Ne pourrait-Il arrêter de tels hommes, puisqu’ils sont les instruments de l’ennemi ? Et l’adversaire glissera même à l’oreille de plus d’un : si Dieu n’intervient pas, c’est sans doute parce que l’ouvrage et l’ouvrier ont son approbation. Mais Deutéronome 13:3 nous enseigne que si Dieu permet l’exercice de telles activités, il y a là de sa part une mise à l’épreuve des fidèles. Écoutera-t-on ou refusera-t-on d’écouter les paroles de ce prophète ou de ce songeur de songes ? En cela, « l’Éternel, votre Dieu, vous éprouve, pour savoir si vous aimez l’Éterne1, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme ». Certes, chacun se récrie : mais j’aime le Seigneur de tout mon cœur ! Il est facile de le dire, il faut le montrer, et le Seigneur Lui-même nous dit comment : « Celui qui a mes commandements, et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime… Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole.. » (Jean 14:21, 23). La preuve de l’amour pour le Seigneur n’est pas dans une affirmation des lèvres allant de pair avec l’audition de faux docteurs, la réception ou simplement la discussion de leurs enseignements, elle est dans la stricte obéissance à la Parole, qui nous dit : « Tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète, ni ce songeur de songes… », et ensuite : « Vous marcherez après l’Éternel, votre Dieu ; et vous le craindrez, et vous garderez ses commandements, et vous écouterez sa voix, et vous le servirez, et vous vous attacherez à lui » (Deut. 13:3, 4). Puis, comment agir vis-à-vis de ce prophète ou songeur de songes ? Israël était responsable d’obéir à ce commandement de l’Éternel : « Tu ôteras le mal du milieu de toi » (ib. 5).
De nos jours encore, et peut-être plus que jamais, l’ennemi opère avec beaucoup de subtilité pour essayer de nous détourner de la vérité, s’efforçant de répandre des enseignements qui, en fait, détruisent les fondements de la foi chrétienne. Répétons-le, c’est de la part de Dieu une mise à l’épreuve des saints. Que cherchons-nous ? Des nouveautés, de la philosophie chrétienne — autant de profanations des choses saintes — ou, au contraire, Christ Lui-même, pain de vie, seule vraie nourriture de l’âme ? L’aimons-nous, non « de parole, ni de langue, mais en action et en vérité » (1 Jean 3:18) et désirons-nous manifester cet amour en obéissant à la Parole ? D’autre part, lorsque s’élève un homme présentant de fausses doctrines, avons-nous la sainte énergie qui nous conduira à « ôter le mal du milieu de nous » ? Dans des cas semblables, bien des considérations peuvent nous faire hésiter, aucune ne doit être retenue quand il convient d’obéir au Seigneur. Il sera toujours avec ceux qui agissent dans la crainte de son Nom. Craignons-le, Lui ; ne craignons pas les hommes ! « La crainte des hommes tend un piège, mais qui se confie en l’Éternel est élevé dans une haute retraite » (Prov. 29:25).
Tite 3 nous parle de « l’homme sectaire ». C’est celui qui groupe, volontairement ou non, des âmes autour de lui, de ses idées, de ses doctrines, reniant pratiquement l’unité du corps de Christ. Il faut, nous dit la Parole, le rejeter sans ménagements : une première admonestation doit être faite, ayant pour but de le retenir sur le chemin où il s’engage et de prévenir une division dans l’assemblée ; si elle demeure inefficace, elle doit être suivie d’une seconde (Tite 3:10). Une telle action semble comporter quelque dureté à l’égard de celui envers lequel elle est exercée mais, pour reprendre les expressions de J. N. D., « cela est dû à l’Église, aux brebis et avant tout à Christ. La charité pense aux brebis, et pas aux loups pour les ménager » (ME. 1916, p. 97). Or, dans des cas semblables, on hésite souvent à agir, plutôt disposé à ménager les loups, oubliant ce qui est dû à l’Église, aux brebis et avant tout à Christ.
L’ennemi ne se sert pas seulement de faux docteurs pour détourner les âmes de Christ, il agit parfois par le moyen de ceux auxquels nous unissent les liens de la chair ou de l’amitié (Deut. 13:6-11). Il est très difficile d’imiter l’exemple des fils de Lévi, ou encore celui de Paul, combien plus celui du Seigneur Lui-même (Ex. 32:27, 28 ; Deut. 33:8, 9 ; Actes 15:37-39 ; Marc 3:31-35). Et en combien de circonstances oublions-nous les paroles adressées par le Seigneur aux douze : « Celui qui aime père ou mère plus que moi n’est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi n’est pas digne de moi… » (Matt. 10:37). Au lieu de se laisser diriger par la Parole, on suivra plus volontiers le conseil donné par un frère selon la chair, un enfant, sa propre femme ou un intime ami. Si ce conseil doit avoir pour résultat de nous éloigner du chemin de l’obéissance, de nous amener à « servir d’autres dieux », il convient (comme dans le cas précédent, v. 1 à 5) d’abord, de refuser d’écouter celui qui nous le donne, ensuite d’être « le premier » (v. 9) dans l’action à exercer, alors que, trop souvent, on met en avant les relations de parenté ou d’amitié pour éviter de montrer quelque solidarité que ce soit dans l’action envers le coupable (oubliant que nous sommes un seul corps en Christ), on va même parfois jusqu’à le soutenir !
Il est un troisième moyen dont l’ennemi se sert aussi : il voudrait nous persuader que si un mal a été commis ailleurs que dans notre « ville » — dans l’assemblée locale — on peut fort bien s’en désintéresser. Quel travail il opère à cet égard ! Ne nous conduit-il pas en quelque sorte à ramener le corps de Christ, les vérités concernant l’unité du corps, à ce qui touche une localité, ou tout au plus une région ou un pays ? N’avons-nous jamais entendu dire : « pourquoi voulez-vous que nous ayons à connaître, en quelque manière que ce soit, des difficultés qui se produisent en tel endroit ? Nous sommes en paix dans l’assemblée locale, dans notre région ; que l’on ne vienne pas troubler cette quiétude » ? Les versets 12 à 18 de Deutéronome 13 nous mettent en garde contre la méconnaissance et l’oubli de la responsabilité collective résultant du fait que nous sommes membres d’un seul corps, sans distinction de régions ni de pays. Ce fait même doit nous conduire, lorsque nous avons connaissance de difficultés survenues dans d’autres assemblées, à sentir notre responsabilité commune, à intercéder, à nous humilier et aussi à venir en aide si le Seigneur nous l’accorde et dans la mesure où Il nous donnera de le faire. Puissions-nous mieux réaliser ces choses, sans oublier toutefois qu’il y a un danger certain à intervenir dans des difficultés locales lorsque nous n’y sommes pas appelés. Il peut arriver, hélas ! que, sous le couvert du principe de l’unité du corps, des frères (et même parfois des sœurs) que rien ne qualifie pour être des « aides » — dans le sens que 1 Cor. 12:28 donne à ce terme — s’agitent, s’informent pour leur compte et répandent ensuite des indications mal contrôlées, la plupart du temps inexactes, à propos de circonstances concernant d’autres assemblées. De telles activités sont néfastes au plus haut degré, tout autant que des interventions intempestives et charnelles dans les difficultés de ces assemblées. En tout cela, il y a des principes que nous ne saurions trop rappeler et maintenir, mais pour l’application desquels il faut beaucoup de sagesse, de discernement, d’amour vrai. Et, bien que le cas soit un peu différent lorsque des frères qualifiés sont envoyés par leur propre assemblée auprès d’une autre traversant des difficultés, ou lorsque cette dernière fait appel elle-même à des frères d’autres localités qu’elle estime pouvoir considérer comme étant des « aides » dans le corps, il y faut toujours la pratique des mêmes vertus.
Remarquons que dans ce chapitre il est surtout question de mal doctrinal (v. 2, 6, 13) — du mal doctrinal dont nous mésestimons généralement le caractère de gravité et les répercussions possibles. À cet égard, ajoutons ceci : par le moyen des trois ruses qu’il emploie l’ennemi cherche, en Deutéronome 13, à briser l’unité d’Israël et, de nos jours, à nous amener au reniement pratique de la vérité de l’unité du corps, peut-être toujours professée et prêchée… Or, cette vérité est la base fondamentale du rassemblement des enfants de Dieu.
Si une erreur est enseignée « dans une autre ville », tout Israël est affecté par l’erreur. C’est « au milieu de toi » que l’abomination a été commise (v. 14). Il en est de même aujourd’hui dans l’Assemblée. Si une assemblée locale n’agit pas pour réprimer le mal manifesté en son sein, les autres assemblées peuvent-elles rester indifférentes, sauf à renier pratiquement la vérité de l’unité du corps, base même du rassemblement ? Et si une telle assemblée persistait dans son refus de juger le mal, c’est elle-même qui aurait à connaître le jugement gouvernemental de Dieu (cf. Deut. 13:14-16 ; Apoc. 2:5). Tandis que la bénédiction est assurée à ceux qui obéissent aux enseignements de la Parole (cf. Deut. 13:17, 18 ; Actes 5:14).
Que Dieu nous garde de toute faiblesse — de cette faiblesse dont on va même jusqu’à se glorifier, en pensant qu’elle est une manifestation de grâce — à l’égard de fausses doctrines et de ceux qui les enseignent ou les soutiennent ! Si nous sommes mis à l’épreuve de cette manière, soyons gardés fidèles, obéissants à la Parole, occupés de l’assemblée, des brebis, de la gloire de Christ, plutôt que disposés à ménager les loups ! Ne cherchons pas à raisonner avec l’adversaire, dans la personne de ses instruments : il est plus fort que nous et arrivera toujours à nous prouver, même avec des citations de l’Écriture — le moyen n’est pas d’aujourd’hui — que lui seul (le père du mensonge !) présente la vérité. La Parole nous enjoint de ne pas écouter, ensuite d’ôter le mal du milieu de nous. Ne nous croyons pas plus sages que Dieu, faisons ce qu’Il nous dit de faire !