Paul Fuzier
ME 1947 p. 87
Les deux ou trois réunis au nom du Seigneur ne possèdent en eux-mêmes aucune autorité. Cette autorité, que l’on appelle autorité de l’Assemblée, leur est conférée uniquement en raison du fait que le Seigneur est au milieu d’eux ; elle réside dans la seule présence de Celui qui est le centre du rassemblement. Si cette présence est effectivement réalisée, toutes les décisions de l’Assemblée seront prises dans la dépendance du Seigneur et dans sa crainte. Elles seront donc revêtues de son autorité, car ce qui aura été lié ou délié sur la terre le sera aussi dans le ciel (Matt. 18:18).
Il peut arriver, hélas ! qu’une assemblée ait tellement peu compris et réalisé cette vérité essentielle, qu’elle soit conduite à prendre une décision injustifiable selon la Parole. Si, après que des remarques lui auront été faites à ce sujet, elle se refuse à réviser son action, elle perd son caractère d’assemblée de Dieu, car elle a associé désobéissance, injustice et propre volonté au nom du Seigneur invoqué à tort sur ses actes. Un autre cas peut aussi se produire : une assemblée, sans cesser cependant d’être une assemblée de Dieu, exerce parfois une action entachée de beaucoup d’infirmité. Certes, il ne devrait jamais en être ainsi, si nous avions toujours le sentiment de ce qu’est l’Assemblée et de ce qui convient à son administration, si nous savions mieux utiliser les ressources qui sont à notre disposition et qui sont suffisantes pour tous les cas susceptibles de se présenter.
L’assemblée peut exercer la discipline dans une circonstance où elle est en fait justifiée, mais elle agira avec imperfection si, par exemple, elle perd de vue qu’il n’est pas un seul cas de discipline d’assemblée qui ne soit à la honte de tout le Corps. Une assemblée ne peut donc exercer la discipline selon la pensée de Dieu, si elle n’a pas commencé par s’identifier avec le péché de celui à l’égard duquel elle doit agir, si elle ne s’est pas humiliée jusqu’à ce qu’elle soit purifiée, si les saints n’ont pas montré, en menant deuil, qu’ils sont « purs dans l’affaire ». Discipline marquée d’infirmité également, si l’assemblée méconnaît qu’elle doit l’exercer non pour se débarrasser du coupable — auquel, si facilement, on jette la pierre — mais en vue de sa restauration. Il peut aussi y avoir eu de graves manquements dans le fait que la discipline fraternelle et la discipline paternelle n’ont pas été exercées en temps utile, comme cela eût été désirable. Si nous savions mieux exercer l’une et l’autre, dans l’amour et la vérité, moins nombreux seraient les cas qui nécessitent la discipline du « Fils sur sa maison », que l’assemblée est responsable d’exercer afin de garder la maison exempte de souillure.
Lorsqu’une assemblée a exercé la discipline dans les conditions défectueuses que nous venons de rappeler comme exemples et, d’une façon générale, dans tous les cas où elle l’a fait avec plus ou moins de faiblesse et d’imperfection, celui qui en est l’objet doit, malgré tout, l’accepter avec soumission. S’il estime la discipline imméritée — et si même elle l’était dans une certaine mesure — c’est surtout par sa soumission qu’il pourra manifester son état réel, de telle façon que la discipline puisse être relâchée et ensuite la communion rétablie. Au contraire, lorsque celui qui se croit injustement frappé s’insurge contre la décision prise à son égard, il montre par cela même que son état spirituel laisse à désirer et que Dieu avait certainement quelque chose à lui dire. Une telle attitude sera presque toujours la justification de la discipline. Bien que la manière d’agir de l’assemblée locale ait été empreinte d’infirmité, il n’en reste pas moins que la discipline était utile. Malgré tout, l’assemblée a agi en vue d’un but que Dieu voulait atteindre.
Le chapitre 12 de l’épître aux Hébreux, versets 4 à 11, nous donne des enseignements très importants au sujet de la discipline du Père à l’égard de ses enfants. Ce passage contient quatre exhortations essentielles : deux choses à ne pas faire, deux à réaliser. Les deux premières : ne pas mépriser la discipline ; ne pas perdre courage non plus (v. 5) — c’est-à-dire voir la main de Dieu dans les circonstances qui nous sont envoyées comme discipline, mais aussi y sentir le coeur du Père. Ensuite, le chemin nous est tracé : soumission et exercice (v. 9 et 11). Seule la soumission peut conduire à la bénédiction. L’expression « et nous vivrons » (v. 9) nous le montre bien, qu’elle indique le développement de la vie spirituelle résultant d’une volonté brisée ou que sa signification soit donnée par Job 36:7-12. Dans ce dernier passage, le verset 11 présente la bénédiction assurée à celui qui est soumis : « s’ils écoutent et le servent… », le verset 12 montre que la discipline peut aller jusqu’à la mort du corps pour celui qui refuse de se soumettre : « Mais s’ils n’écoutent pas, ils s’en iront par l’épée et expireront sans connaissance ».
Oubliant que nous avons affaire avec le Dieu qui seul est sage, nous estimons parfois que la discipline frappe à tort. Au lieu de raisonner, courbons-nous sous sa puissante main ! Il y a tout à gagner, il n’y a rien à perdre dans la soumission. Recevoir la discipline de la part du Seigneur et s’en remettre à Lui, après avoir jugé dans sa présence tout ce qui doit être jugé en nous, telle est la seule attitude qui convienne.
Dans le chapitre 5 du Cantique des cantiques, la fiancée passe par la discipline. Elle dormait, c’est dire qu’elle avait perdu la conscience de sa relation avec son Bien-aimé — aussi elle ne souffre pas de son absence et même refuse d’ouvrir quand il vient frapper à la porte. C’est en vain que pour toucher son coeur il emploie les expressions si douces du verset 2 : « ouvre-moi, ma soeur, mon amie, ma colombe, ma parfaite ». Ici commence la discipline dont elle va être l’objet. Le Seigneur s’adresse d’abord à notre coeur, Il parle avec tendresse ; mais si nous n’écoutons pas Il est obligé de frapper. Lévitique 26, qui nous parle du jugement gouvernemental sous lequel est le peuple d’Israël, nous montre qu’Il frappe de plus en plus fort celui qui reste rebelle (v. 14, 18, 21, 23, 27). La fiancée n’était pas en mauvaise compagnie, elle n’avait commis aucune faute grave au jugement des hommes, elle n’était pas souillée, mais elle n’était occupée que d’elle-même au lieu d’être occupée de Celui qui veut être le seul objet de nos coeurs et elle reculait devant le sacrifice qu’il fallait faire pour retrouver la compagnie de celui qui, jaloux de ses affections, désirait l’avoir auprès de lui (v. 3). Si nous sommes dans un état spirituel semblable, le Seigneur opèrera jusqu’à ce que nos affections pour Lui soient réveillées : quand « ses entrailles se sont émues à cause de lui », la fiancée s’est levée pour ouvrir. Mais le Bien-aimé est allé plus loin… La discipline continue et va devenir plus sévère, car le Seigneur parle à notre coeur pour atteindre la conscience (cf. Osée 2:14-15). Il veut accomplir en nous une oeuvre profonde et c’est là le but de toute discipline. La fiancée cherche son Bien-aimé et ne le trouve pas ; elle l’appelle et il ne répond pas. C’est alors que « les gardes qui font la ronde par la ville » l’ont frappée et blessée. Discipline douloureuse qui peut paraître injuste à beaucoup. Celle qui était ainsi atteinte accomplissait-elle à ce moment-là un acte répréhensible ? Elle cherchait son Bien-aimé !
La discipline exercée par le moyen des gardes n’est qu’une illustration. Elle comporte cependant une instruction que nous ne pouvons pas négliger, c’est l’illustration d’une discipline en apparence injustifiée. Ne nous arrêtons pas aux apparences. Dieu regarde au coeur et ne se trompe jamais dans ce qu’Il ordonne ou permet à l’égard des siens, quels que soient les instruments ou les moyens employés. Si la fiancée avait été auprès de son Bien-aimé, occupée de lui au lieu de ne penser qu’à elle-même, les gardes n’auraient sans doute pas eu à intervenir. Combien cela parle à notre conscience si nous avons à connaître une discipline qui nous paraît injuste et qui pourrait nous conduire à murmurer ! Le Seigneur n’a-t-Il rien à nous dire ? N’y a-t-il pas des motifs secrets, des manquements anciens peut-être, qu’il nous convient de juger dans sa présence ?
Quel est le résultat produit dans le coeur de la fiancée au terme de cette discipline ? En apparence injustement frappée, elle n’est pas occupée des blessures qui ont pu lui être faites, elle ne crie pas sa misère et ses souffrances, elle ne se plaint pas des gardes qui l’ont si durement traitée… Elle parle de son Bien-aimé, employant pour dire tout ce qu’elle a trouvé en lui les expressions si remarquables des versets 10 à 16. Elle n’était auparavant occupée que d’elle-même, maintenant elle ne pense qu’à Lui : « toute sa personne est désirable ». Fruit béni de la discipline, d’une discipline dont certaines manifestations pouvaient paraître injustifiées, mais qui a été acceptée avec soumission !