Paul Fuzier
Table des matières abrégée :
1 - AMRAM et JOKÉBED (parents de Moïse)
2 - Relations en Christ, Relations de Famille
Table des matières détaillée :
1 - AMRAM et JOKÉBED (parents de Moïse)
1.1 - Un exemple dont les familles ont besoin
1.2 - Les origines de la famille
1.2.2 - Lévites dans l’affaire du veau d’or
1.2.3 - Privilèges de la famille
1.3 - Un engagement de cœur pour Dieu avant même le mariage
1.4 - Joies et difficultés ; l’épreuve de la foi
1.5 - Choix contraires de la foi dans des circonstances apparemment voisines
2 - Relations en Christ, Relations de Famille
2.2 - Exemples de l’Ancien Testament
2.3 - Amour pour le Seigneur en premier
2.4 - Danger de la sentimentalité. Barnabbas
2.5 - Obéissance à la Parole de Dieu et fidélité au Seigneur
Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1941 p. 151
Ce qui nous est dit d’Amram et Jokébed, dans la première partie du chap. 2 du livre de l’Exode, est bien de nature à nous encourager au milieu des circonstances difficiles que nous devons traverser. Beaucoup de chers enfants de Dieu passent, durant ces jours, par des épreuves qui semblent accrues chaque matin. Puissent-ils considérer — et imiter — l’exemple des parents de Moïse ! Leur foi a été en exercice, Dieu l’avait permis. Mais ce n’est jamais en vain et ceux qui se confient en Lui ne sont pas confus.
Qui étaient Amram et Jokébed ? « Un homme de la maison de Lévi » et « une fille de Lévi ». Leurs noms ne nous sont pas donnés, — il faut aller un peu plus loin pour les connaître (6:20) — nous avons ici, seulement, ce qui les caractérise : ils sont tous deux de la maison de Lévi.
Histoire intéressante et instructive que celle de cette maison ! Elle commence bien mal : dans la ville de Sichem, une fille de Jacob, Dina, a été déshonorée. Avec toute l’énergie de la chair, ses deux frères, Siméon et Lévi, montent dans la ville et la pillent, exercent leur violence contre ses habitants, passant au fil de l’épée Hamor et Sichem son fils. Aussi, dans cette circonstance (Genèse 34:25-31) Jacob, leur père, dût leur dire : « Vous m’avez troublé ». Triste jugement prononcé par un père sur la conduite de ses enfants ! Et, au soir de sa vie, il aura pour eux ces paroles : « Siméon et Lévi sont frères. Leurs glaives ont été des instruments de violence. Mon âme, n’entre pas dans leur conseil secret ; ma gloire, ne t’unis pas à leur assemblée ! — Car dans leur colère, ils ont tué des hommes, et pour leur plaisir ils ont coupé les jarrets du taureau. Maudite soit leur colère, car elle a été violente ; et leur furie, car elle a été cruelle ! » (Genèse 49:5-7). Lévi vécut cent trente sept ans et eut trois fils : Guershon, Kehath et Merari. Amram était l’un des fils de Kehath et Jokébed était sa tante (Exode 6:16-20).
Mais, si l’histoire de la maison de Lévi avait mal débuté — par la violence (un des deux caractères du mal dès le commencement (Genèse 6:11) — les choses devaient changer ensuite. Dieu ne pouvait entrer dans le conseil de violence de Lévi. Mais Il voulait faire entrer Lévi dans son conseil à Lui : œuvre de sa grâce ! Aussi, toute son histoire exalte-t-elle la grâce divine.
Nos pensées se reportent à une autre scène. Au pied du Sinaï, Aaron a fait un veau de fonte devant lequel les Israélites déclarent : « C’est ici ton Dieu, ô Israël, qui t’a fait monter du pays d’Égypte ». Lorsque Moïse descend de la montagne, sa colère s’embrase contre le peuple et, se tenant à la porte du camp, il s’écrie : « À moi, quiconque est pour l’Éternel ! » Que se passe-t-il alors ? Sans aucune hésitation, « tous les fils de Lévi se rassemblèrent vers lui ». À ce moment-là, où la gloire de Dieu était foulée aux pieds, ils se décidèrent pour Christ ! Que fallait-il faire ? Chacun devait tuer son frère, son compagnon, son intime ami. « Et les fils de Lévi firent selon la parole de Moïse » (Exode 32:28). Ce n’est plus l’énergie de la chair, la violence qui est dans le cœur de l’homme et qui conduit à engager une action pour venger son honneur ou celui des siens. Tout au contraire, c’est l’obéissance à la parole ; sans raisonnement, ce qui est ordonné est accompli aussitôt — caractère d’un service fidèle, qui met les droits de Dieu au-dessus de tout le reste.
Désormais, quelle sera la part des fils de Lévi ? Ils seront préposés « sur le tabernacle du témoignage, et sur tous ses ustensiles, et sur tout ce qui lui appartient » (Nombres 1:47-54). L’Éternel les choisit — choix de sa grâce — « à la place de tout premier-né » ; ils sont donnés à Aaron pour son service et le service de toute l’assemblée. D’eux, l’Éternel dira : « Ils sont à moi » (Nombres 3 et 4). Séparés « du milieu des fils d’Israël », ils sont purifiés et consacrés à Dieu (Nombres 8:5-26 ; Deutéronome 10:8-9). Leur nourriture, c’étaient « les sacrifices de l’Éternel, faits par feu » ; ils n’avaient pas d’héritage en Israël, mais « l’Éternel est leur héritage, comme il le leur a dit » (Deutéronome 18:1-2). Rappelons enfin les paroles de Moïse : « Et de Lévi il dit : Tes thummim et tes urim sont à l’homme de ta bonté, que tu as éprouvé à Massa et avec lequel tu as contesté aux eaux de Meriba ; qui dit de son père et de sa mère : Je ne l’ai point vu ; et qui n’a pas reconnu ses frères, et n’a pas connu ses fils. Car ils ont gardé tes paroles et observé ton alliance ; ils enseigneront tes ordonnances à Jacob et ta loi à Israël ; ils mettront l’encens sous tes narines et l’holocauste sur ton autel. Éternel ! bénis sa force ; et que l’œuvre de ses mains te soit agréable ! » (Deutéronome 33:8-11). Quel contraste avec les paroles prononcées par Jacob à l’égard de Siméon et de Lévi ! La part des fils de Lévi, c’était Christ, et Christ seul — l’Éternel de l’Ancien Testament.
Sans doute, quand « un homme de la maison de Lévi alla et prit une fille de Lévi », la portion des Lévites n’était pas encore celle qui nous est présentée dans les passages que nous venons de rappeler. Mais les quelques versets que nous désirons considérer, au début du chapitre 2 du livre de l’Exode, nous montrent que déjà, dans le cœur d’Amram et Jokébed, il y avait cette décision pour Christ, ces traits bénis qui caractérisent la maison de Lévi. Se décider à suivre Christ, vivant pour Lui et avec Lui, cela demande souvent — toujours, pourrait-on presque dire — un long exercice de cœur, et il semble bien qu’il avait eu lieu chez les parents de Moïse. Si quelqu’un veut suivre Christ, dans le chemin de la foi, du service et du témoignage, sans avoir pesé tout ce que cela comporte, il s’expose à être manifesté dans son état réel, avec honte, lorsque survient l’épreuve : le jeune homme dont nous parle l’évangile selon Marc (14:50-52) en est un exemple. Il avait eu pourtant une décision qui pouvait réjouir : il était seul à suivre le Seigneur, alors que tous s’étaient écartés. Mais il n’y avait pas eu l’exercice nécessaire pour suivre un Maître rejeté, dans un chemin où il faudra rencontrer la puissance de l’adversaire. Ce jeune homme était « enveloppé d’une toile de fin lin sur le corps nu » — simple profession (comparer Marc 14:52 et Apoc. 3:18), quoique le cœur ait paru engagé — il n’était pas dans l’état qui convenait, il n’était pas préparé à suivre Christ, ceint pour la marche, pour le service, pour le combat. Chez Amram et Jokébed, au contraire, tout semble avoir été pesé après un travail profond. Lorsque l’épreuve surviendra, elle manifestera leur état : leur foi est en activité et c’est la foi qui les fera agir. « Par la foi, Moïse, étant né, fut caché trois mois par ses parents, parce qu’ils virent que l’enfant était beau (divinement beau (Actes 7:20), ou « beau à Dieu ») et ils ne craignirent pas l’ordonnance du roi » (Hébreux 11:23).
Le premier verset de notre chapitre doit arrêter spécialement l’attention des jeunes croyants, encore à l’entrée de la vie et qui peuvent avoir la pensée, tôt ou tard, d’une union dans les liens du mariage. La Parole nous met en garde contre « le joug mal assorti avec les incrédules » (2 Corinthiens 6:14) et la désobéissance à ce qui nous est enseigné, a été la cause de bien des ruines ! Ici, nous avons un mariage entre deux personnes de la même maison, deux personnes qui ont 1a même histoire, la même part, les mêmes désirs, les mêmes affections pour Christ. Quelle belle union ! quelle union selon Dieu ! Aussi, quelle bénédiction il y aura dans ce foyer : rappelons-nous ce qu’ont été les trois enfants d’Amram et Jokébed !
De quelle manière va commencer la vie commune de cet « homme de la maison de Lévi » et de cette « fille de Lévi » ? D’autres événements ont précédé, sans aucun doute — notamment, la naissance d’Aaron qui avait environ trois ans de plus que Moïse (comparer Nombres 33:39 et Deutéronome 34:7) — mais ici, la première circonstance qui nous est présentée, dans cette vie à deux, c’est une grande joie : « La femme conçut et enfanta un fils » — « la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde » (Jean 16:21). La joie est de courte durée, ici-bas. Tout aussitôt survient l’épreuve. Un fils est né, moralement « beau à Dieu » : sa mère pourra-t-elle l’élever pour Lui, pour qu’il devienne aussi « un homme de la maison de Lévi » ? pourra-t-elle l’entourer de tendresse et d’affection ? Il y a le commandement du Pharaon : « Tout fils qui naîtra, jetez-le dans le fleuve » (Ex. 1:22). Douloureuse épreuve ! Que faire ? Ah ! il s’agit ici d’une circonstance où « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5:29). Dieu avait confié cet enfant à Amram et Jokébed, Il le voulait pour Lui. Il préparait le Libérateur de son peuple dont Il avait vu l’affliction et entendu le cri. Ses parents pourraient-ils jeter cet enfant dans le fleuve pour obéir à l’ordre du Pharaon ? Non, « ils ne craignirent pas l’ordonnance du roi ». L’épreuve manifeste leur foi et, pour la foi, le chemin est clair ; s’il y a obstacles ou difficultés, tout est remis entre les mains du Dieu tout-puissant. Moïse sera ainsi caché pendant trois mois.
Mais, la confiance en Dieu, l’obéissance de la foi n’ont pas pour résultat de mettre un terme à l’épreuve. Les circonstances vont devenir plus exerçantes encore pour les parents de Moïse. Au bout de trois mois, sa mère « ne pouvait plus le cacher ». Aussi, fit-elle pour lui un coffret de joncs, enduit de bitume et de poix, qu’elle posa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve (nous ne disons rien de la signification du « coffret » et du « fleuve », c’est un autre côté que nous considérons en ce moment). Bien que sa sœur se tînt à distance pour regarder l’enfant, Jokébed n’a-t-elle pas dû éprouver craintes et angoisses ? Certainement, elle avait la foi qui lui permettait de rester chez elle, loin de son enfant qu’elle avait confié à Dieu ; mais, quoi qu’il en soit, Dieu sait « de quoi nous sommes formés » : nous craignons bien souvent, malgré que nous ayons tout remis entre ses mains !
L’épreuve était allée en augmentant d’intensité, pour Amram et Jokébed. Elle s’accroît encore ! Quelqu’un descend au fleuve pour se laver ; c’est la fille de celui qui a ordonné : « Tout fils qui naîtra, jetez-le dans le fleuve ». Dieu aurait pu permettre qu’elle n’aperçoive pas le coffret et que, même le voyant, elle ne le prenne pas. Mais « elle vit le coffret au milieu des roseaux et elle envoya sa servante qui le prit ; et elle l’ouvrit et vit l’enfant ». Il semble qu’il n’y a plus alors aucune ressource. Mais à ce moment-là, la foi a été éprouvée, le but que Dieu a poursuivi est atteint. Il a accompli déjà ce qu’Il fera plus tard : « Il purifiera les fils de Lévi, et les affinera comme l’or et comme l’argent » (Malachie 3:3). Alors, Il intervient en délivrance. Jokébed va recouvrer son fils, celui qu’on aurait pu croire perdu. « La fille du Pharaon lui dit : Emporte cet enfant. Et la femme prit l’enfant ».
Pour cette mère, pour ces parents, l’épreuve si douloureuse a
pris fin. L’enfant est avec eux ; désormais, plus de craintes à son sujet,
plus rien à redouter. Pour eux, le commandement du Pharaon est lettre morte ;
il n’y a plus à y penser que pour jouir, avec reconnaissance, de la délivrance
accordée, prix de la foi. C’est auprès d’eux que « l’enfant grandit »,
élevé de telle façon que « étant devenu grand, il refusa d’être appelé fils de la fille du Pharaon
» (Hébreux
11:24). Quelle réponse à Exode 2:10 : « Et l’enfant grandit et elle l’amena à la fille du Pharaon, et il
fut son fils
». Nous ne savons pas quel âge avait Moïse quand il fut
ainsi amené à la fille du Pharaon. Sans doute, était-il très jeune encore ;
mais déjà, sur lui, ses parents — sa
mère, tout particulièrement — avaient
laissé une empreinte ineffaçable. Dans ce tout jeune cœur, la semence avait été
déposée ; plus tard, elle allait porter son fruit ! Étant devenu
grand, Moïse refusa…
Mais, comment comprendre, chez Amram et Jokébed, ces deux attitudes différentes ? Lorsque l’enfant est né, « ils ne craignirent pas l’ordonnance du roi » ; ils y désobéirent manifestement. Plus tard, au contraire, sa mère conduit Moïse à la fille du Pharaon pour qu’il soit son fils. Dans le premier cas, nous l’avons souligné, il fallait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dieu avait donné cet enfant ; ses parents étaient responsables de l’âme qui leur était confiée. Il leur était impossible de se conformer au commandement du Pharaon et de jeter leur fils dans le fleuve. Cela, la foi ne pouvait pas le faire !
Dans le second cas, de quoi s’agissait-il ? Dieu avait accordé la délivrance dans des circonstances dirigées par lui : Jokébed avait reçu l’enfant des mains de la fille du Pharaon et c’est pour elle qu’elle devait l’allaiter. Elle ne pouvait se soustraire à cette obligation, permise par Dieu. Mais sa ressource était d’élever cet enfant pour Dieu, d’en faire « un homme de la maison de Lévi » dont les pensées et les affections seraient tournées vers Christ — c’était aussi sa responsabilité. Y ayant fait face, elle peut amener l’enfant à la fille du Pharaon, après qu’il eût grandi. Cela, la foi pouvait le faire !
La première fois, il fallait « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » ; la seconde, être « soumis aux autorités » (dans la mesure où la fille du Pharaon représentait « l’autorité »).
Jokébed savait qu’elle pouvait compter sur Dieu pour cet enfant, placé à la cour du roi, et c’est certainement avec prières qu’elle regarde à Lui. Ici encore, sa foi ne sera pas déçue ; ce n’est pas en vain que la semence aura été déposée dans ce cœur, dès le tout jeune âge. Quelle joie a dû être celle de Jokébed et d’Amram, lorsque « Moïse, étant devenu grand, refusa d’être appelé fils de la fille du Pharaon, choisissant plutôt d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu que de jouir pour un temps des délices du péché, estimant l’opprobre du Christ un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte, car il regardait à la rémunération » (Hébreux 11:24-26). Pourrions-nous désirer joie plus grande pour ce qui concerne nos enfants ?
Enseignement, encouragement précieux pour des parents chrétiens. Pour qu’il y ait beaucoup de Moïse — refusant… choisissant… estimant… — puisse-t-il y avoir beaucoup d’Amram, beaucoup de Jokébed !
ME 1971 p.225
Les relations de famille, établies par Dieu dès le commencement, subsistent dans le christianisme, avec cependant un caractère particulier ; loin de les abolir, le christianisme les respecte, mais y introduit le Seigneur, de sorte que ces relations sont maintenant « dans le Seigneur » (Col. 3:18, 20). Transitoires, temporaires, elles prennent fin lorsque le croyant quitte la scène terrestre, que ce soit lors de son délogement s’il doit passer par la mort, ou à la venue du Seigneur : « dans la résurrection, on ne se marie, ni on n’est donné en mariage, mais on est comme des anges de Dieu dans le ciel » (Matt. 22:30). Seules les relations en Christ, qui sont déjà pour le temps présent, demeurent pour l’éternité ; c’est dire quel prix elles doivent avoir pour nous et cela nous permet de comprendre pourquoi, contrairement à ce à quoi nous sommes si facilement portés, nos relations en Christ doivent toujours avoir la prééminence sur nos relations familiales. Ce qui donne leur véritable saveur à ces dernières, c’est le fait qu’elles sont vécues « dans le Seigneur » ; nous devons donc les maintenir et en jouir dans la soumission au Seigneur et dans la communion avec Lui. Ce qu’il convient de faire passer en premier lieu, en toutes circonstances, c’est l’obéissance à la Parole et non pas le désir que nous pourrions avoir de goûter la douceur des liens familiaux en dépit de tout. La soumission à l’autorité du Seigneur doit en tout temps guider nos pensées et nos actions, les joies de la famille n’en seront alors que plus pures et mieux appréciées.
circonstances peuvent être parfois une entrave à la jouissance de ces relations. D’une part, des membres d’une famille ayant accepté l’évangile pour eux-mêmes et se trouvant ainsi placés sur un tout autre terrain que ceux de leurs proches demeurés loin de Dieu, ne peuvent par conséquent avoir une réelle communion avec ces derniers ; d’autre part, dans une famille de croyants, certains peuvent se trouver en désaccord grave avec d’autres membres de la famille au sujet de la marche, du témoignage, et il arrive ainsi que des positions nettes doivent être prises, qui résultent de ce désaccord. Le Seigneur le savait bien, qui a pu dire aux siens alors qu’il était dans ce monde : « Car désormais ils seront cinq dans une maison, divisés ; trois seront divisés contre deux, et deux contre trois ; le père contre le fils, et le fils contre le père ; la mère contre la fille, et la fille contre la mère ; la belle-mère contre sa belle-fille, et la belle-fille contre sa belle-mère » (Luc 12:52, 53). Un tel état de choses est profondément douloureux, mais ceux qui en souffrent par fidélité au Seigneur et obéissance à la Parole ne doivent pas en être troublés, encore bien moins sacrifier l’obéissance à Dieu à une unité extérieure, superficielle, au sein de la famille.
L’Écriture nous donne déjà dans l’Ancien Testament, par conséquent dans une période qui a précédé l’ère chrétienne, de nombreux exemples de fidèles qui, en certaines circonstances, ont su imposer silence aux sentiments de leur cœur envers un membre de leur famille et ont obéi à Dieu sans raisonnements et sans murmures. L’un des premiers se trouve dans le chapitre 22 de la Genèse et il est si connu que nous n’avons pas besoin d’y insister beaucoup. Dieu demandait à Abraham ce qui, au jugement des hommes, semble non seulement inacceptable mais monstrueux : offrir son propre fils en holocauste ! Pourquoi un tel sacrifice qui déchirait son cœur de père ? Pourquoi sacrifier celui sur qui reposait l’accomplissement des promesses que Dieu lui-même avait faites ? D’autre part, ce sacrifice était-il vraiment nécessaire, indispensable ? Et quel en serait donc le résultat ? Toutes ces questions pouvaient se poser, mais l’homme de foi n’en pose aucune ; il ne raisonne pas, ne murmure pas, il obéit simplement, parce que Dieu a parlé. Et il obéit sans atermoyer. L’affection profonde qu’il porte à son fils, « son unique, celui qu’il aime », passe au second plan ; pour Abraham, ce qui importe avant toute autre considération c’est l’obéissance à la parole que Dieu lui a dite. Dieu nous demande aujourd’hui beaucoup moins que ce qu’il demandait à Abraham, même dans les cas où l’obéissance nous coûte le plus ; et pourtant, combien de fois nous arrive-t-il de déclarer dans de semblables circonstances : « Je ne puis pas obéir à la Parole, c’est trop me demander… » ? Ou encore, n’essayons-nous pas de justifier notre conduite en faisant dire à la Parole autre chose que ce qu’elle nous enseigne ?
Dieu est intervenu pour délivrer Moïse, le jeune enfant que sa mère avait placé dans un coffret de joncs sur le bord du fleuve (Ex. 2:1 à 10). Mais l’enfant, allaité par sa mère et ayant grandi, doit être amené à la fille du Pharaon, « et il fut son fils ». Là encore, la foi se soumet à ce que Dieu a disposé. L’amour d’une mère, si tendre et profond qu’il ait pu être, n’a pas été un obstacle à l’obéissance. Jokébed a obéi sans raisonner, tout comme Abraham l’avait fait en son jour.
Dans ce même livre de l’Exode, le chapitre 32 retrace la scène qui s’est déroulée au pied du Sinaï. Descendu de la montagne, Moïse, se tenant à la porte du camp, s’écrie : « À moi, quiconque est pour l’Éternel ! » et, aux fils de Lévi qui ont répondu à cet appel, déclare : « Ainsi dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Que chacun mette son épée sur sa cuisse ; passez et revenez d’une porte à l’autre dans le camp, et que chacun de vous tue son frère, et chacun son compagnon, et chacun son intime ami » (v. 27). Cet ordre de Dieu allait mettre à l’épreuve la fidélité des fils de Lévi : sauraient-ils faire passer, en tout temps, l’obéissance à Dieu avant leurs relations de famille ou d’amitié ? Ceux dont la foi fut ainsi éprouvée n’ont ni raisonné ni hésité ; ils auraient pu dire : mais pourquoi donc mettre à mort frère, compagnon, ami intime ? Est-ce bien nécessaire, faut-il vraiment accomplir un tel acte pour s’attacher à l’Éternel, le suivre et le servir ? Mais il n’y a sur leurs lèvres, ni sans doute dans leurs cœurs, aucune de ces questions : ils « firent selon la parole de Moïse » (v. 28). Leur obéissance passait avant toute autre considération de famille ou d’amitié. Aussi, « avant sa mort », « Moïse, homme de Dieu », pourra rendre à propos de Lévi ce beau témoignage : « Qui dit de son père et de sa mère : Je ne l’ai point vu ; et qui n’a pas reconnu ses frères, et n’a pas connu ses fils. Car ils ont gardé tes paroles et observé ton alliance ». Les fils de Lévi étaient ainsi moralement qualifiés pour remplir le service dont il est question dans le verset suivant : « Ils enseigneront tes ordonnances à Jacob et ta loi à Israël ; ils mettront l’encens sous tes narines et l’holocauste sur ton autel ». Et Moïse termine par ces paroles : « Éternel ! bénis sa force ; et que l’œuvre de ses mains te soit agréable ! Brise les reins de ceux qui s’élèvent contre lui, et de ceux qui le haïssent, en sorte qu’ils ne puissent plus se relever » (Deut. 33:1, 8 à 11). Encore aujourd’hui, comme il le fit autrefois pour les fils de Lévi, Dieu peut nous faire passer par des circonstances douloureuses où notre foi, notre obéissance, sont mises à l’épreuve. D’autre part, dans quelque temps que ce soit, l’autorité morale pour remplir un service fidèle est à ce prix : montrer par des actes que l’obéissance à Dieu prime tout le reste.
Lorsqu’en Israël un membre de la famille — frère, fils, fille, femme — ou un ami cherchait à détourner les cœurs de l’Éternel (et l’activité de l’ennemi, quels que soient les moyens qu’il emploie, a toujours pour but, en définitive, de détacher nos cœurs du Seigneur), il devait être mis à mort — dans le langage du Nouveau Testament : placé en dehors de la communion de l’assemblée. Une prescription est ajoutée : « ta main sera la première contre lui pour le mettre à mort, et la main de tout le peuple ensuite » (Deut. 13:6 à 11). Non seulement les relations de famille ou d’amitié ne devaient pas conduire l’Israélite à s’abstenir de toute action dans un cas de ce genre — à plus forte raison à prendre parti pour le coupable — mais encore elles devaient l’amener à donner l’exemple. Combien la portée de ce principe est peu comprise, moins encore réalisée, lorsqu’aujourd’hui l’assemblée doit, avec douleur, exclure celui qui présente le caractère du « méchant » ! Et cependant les membres de la famille de celui que l’assemblée, après avoir « mené deuil », a retranché, sont ceux qui, lui étant le plus étroitement liés, doivent désirer plus que quiconque la restauration et la réintégration du coupable. Or, l’un des buts de l’action exercée par l’assemblée est précisément la restauration qui permettra la réintégration de celui qui a péché.
L’Éternel avait donné à Gédéon un ordre qui était bien difficile à exécuter : « Prends le jeune taureau qui est à ton père et le second taureau de sept ans ; et tu renverseras l’autel de Baal qui est à ton père, et tu couperas l’ashère qui est auprès ; et tu bâtiras un autel à l’Éternel, ton Dieu, sur le sommet de ce lieu fort, avec l’arrangement convenable. Et tu prendras le second taureau, et tu l’offriras en holocauste sur le bois de l’ashère que tu auras coupée » (Juges 6:25, 26). Que d’arguments le fils de Joas aurait pu mettre en avant pour ne pas s’y conformer ! Il risquait sa vie (v. 30). Sans doute en avait-il le sentiment et était-il rempli de craintes en agissant, puisqu’il fait « de nuit » ce qui lui a été demandé ; mais, en dépit de tout, il a exécuté l’ordre qu’il avait reçu. L’autorité de son père dans sa maison, le respect qu’il lui devait, rien n’a arrêté Gédéon dans le chemin de l’obéissance. L’Éternel avait commandé, son affaire à lui c’était d’obéir sans se préoccuper des conséquences. Et le verset 31 nous dit l’un des heureux résultats de cette obéissance : son père se tourne des idoles vers Dieu (cf. 1 Thess. 1:9, 10). Quel encouragement, là encore, à obéir sans raisonner, alors que nous nous croyons parfois autorisés à nous laisser arrêter par ce qui n’a pas arrêté Gédéon !
Maaca « avait fait un simulacre pour Ashère », mais le fait qu’elle est sa propre mère n’est pas une entrave pour le roi Asa qui désire être fidèle et obéir à l’Éternel : il lui « ôta sa position de reine » et « abattit son simulacre, et le broya, et le brûla dans la vallée du Cédron » (2 Chron. 15:16). Aucune considération sentimentale ne l’empêche d’agir, quelque douleur qu’il ait pu éprouver dans cette double action en pensant à sa mère !
Aux jours d’Esdras, après la confession du péché du peuple, nombreux furent ceux qui se rassemblèrent et pleurèrent (Esdras 10:1). C’est alors que Shecania, fils de Jekhiel, se lève et encourage Esdras dans l’action qu’il devait entreprendre comme suite à l’humiliation réalisée ; il prononce les paroles rapportées dans les versets 2 à 4 de ce chapitre. Cette fidélité est d’autant plus remarquable que, parmi ceux qui avaient pris des femmes étrangères, se trouvait Jekhiel (v. 26), peut-être son propre père. Si tel est bien le cas, Shecania ne se laisse pas plus arrêter qu’Asa ne s’était laissé arrêter lui-même dans une circonstance semblable.
Nous avons donc dans l’Ancien Testament au moins sept exemples auxquels il nous convient de prêter attention, afin d’imiter ceux qui, dans ces diverses circonstances, ont fait passer l’obéissance à Dieu avant la douceur des liens familiaux les plus étroits. Imitons leur foi !
En lisant les évangiles, retenons les paroles du Seigneur lui-même : « Celui qui aime père ou mère plus que moi n’est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n’est pas digne de moi… » (Matt. 10:37, voir tout le passage, depuis le verset 34) « Et étendant sa main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fera la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (Matt. 12:49, 50). Citons encore : Luc 9:59 à 62 et 14:25 à 27.
Pour nous mettre en garde contre les conséquences que peut avoir
la sentimentalité, la Parole nous donne également l’histoire d’un serviteur qui
a fort bien commencé mais dont la course a été entravée en raison de la place qu’occupait dans son cœur l’affection qu’il
portait à l’un des membres de sa famille.
La première fois où l’Écriture
nous parle de Joseph — « qui, par les apôtres, fut surnommé Barnabas (ce qui, étant interprété, est, fils de
consolation) » — c’est pour souligner son dévouement et son amour pour les
saints (Actes 4:36, 37). Plus tard, il aura le privilège de présenter Saul aux
apôtres, à Jérusalem (ib. 9:27). Envoyé à Antioche
par l’assemblée à Jérusalem, il y remplit — avec Saul qu’il était allé, dans la
suite, chercher à Tarse — un précieux service dont les fruits ont été
manifestes (ib. 11:22 à 26). Porteur, avec Saul, du
don qu’Antioche envoyait à Jérusalem (ib. 30), il
est, plus tard, envoyé avec Paul, par les frères d’Antioche, à Jérusalem, lorsque
survint la difficulté dont il est question au début d’Actes 15. Puis, revenus à
Antioche, Paul et Barnabas enseignèrent et
annoncèrent, avec plusieurs autres, la parole du Seigneur (ib.
35). Alors qu’avec Saul il avait été spécialement mis à part par l’Esprit Saint
pour l’œuvre à laquelle tous deux avaient été appelés (Actes 13:1 à 3), qu’est-ce
qui est venu jeter une ombre sur ce si beau tableau, nuire au service de celui
que l’Esprit de Dieu nous présente comme « homme de bien et plein de l’Esprit
Saint et de foi » (ib. 11:24), détruire la
précieuse communion qu’il avait avec l’apôtre Paul ? C’est la fin d’Actes
15 qui nous donne la réponse : tandis que Paul estimait qu’il ne convenait
pas de prendre avec eux Jean, aussi appelé Marc, pour « visiter les frères
par toutes les villes où ils avaient annoncé la parole du Seigneur », Barnabas tenait au contraire à ce qu’il les accompagne,
sans doute parce qu’il était son parent. Malgré l’avis de Paul, qui avait la
pensée du Seigneur, Barnabas fait passer ses relations familiales
avant l’intérêt
et le bien de l’œuvre. Cela produisit « de l’irritation » entre Paul
et Barnabas, de sorte « qu’ils se séparèrent
l’un de l’autre » (Actes 15:36 à 40). La Parole ne nous dit plus rien de l’activité
de Barnabas ; (Paul fait une simple mention de
son nom en 1 Cor. 9:6) ; il est attristant que les derniers détails que
nous ayons à son sujet soient ceux d’Actes 15:37 à 39, si même ce que Paul
écrit ensuite aux Corinthiens permet de penser qu’ils avaient retrouvé, l’un
avec l’autre, une heureuse communion. Après un si beau et encourageant début
dans le service ! Remarquons qu’il s’en va avec Marc sans que les frères
le « recommandent » à la grâce du Seigneur, comme ils eurent la
liberté de le faire pour Paul et Silas (ib. 39, 40).
L’ennemi sait bien ce qu’est pour nos cœurs la douceur des relations de famille et il s’en sert pour placer devant nous des pièges dans lesquels nous tomberons chaque fois que nous perdrons de vue les droits du Seigneur et la responsabilité qui est la nôtre d’obéir, en tout premier lieu, aux enseignements de la Parole. Que les nombreux exemples que nous trouvons dans l’Écriture soient pour nous un encouragement à obéir chaque fois que Dieu nous met à l’épreuve ! Sa bénédiction reposera toujours sur ceux qui ne se laissent pas détourner du chemin de l’obéissance par des relations de famille ou d’amitié. Manifestons en tout temps une réelle fidélité au Seigneur ; nous pourrons alors jouir des relations de famille, si précieuses à nos cœurs, en maintenant le caractère qu’elles doivent toujours avoir : « dans le Seigneur », et si nous sommes mis à l’épreuve pour que soit vu ce qui prime dans notre cœur, nous aurons la force — donnée de Dieu — de faire passer avant tout l’obéissance à sa Parole. Quelle gloire pour Dieu dans une telle marche !