Paul Fuzier
Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1955 p. 253
Tables des matières :
3 - Trois des causes principales du déclin et de la faiblesse
3.2 - Nul ne peut servir deux maîtres
3.3 - Parole de Dieu appliquée correctement, par l’Esprit
Bien que nous ayons le sentiment de notre bas état et de l’extrême faiblesse d’un témoignage qui nous a été confié par pure grâce et dont nous sommes d’indignes porteurs, nous nous élevons cependant assez volontiers contre les formes extérieures d’un christianisme où l’on ne voit guère de manifestations de vie, oubliant de prendre garde à nous-mêmes en tout premier lieu. Veillons à ce que notre propre christianisme n’ait pas tendance à devenir, plus ou moins, un déroulement de formes, l’accomplissement de certains rites auxquels nous nous livrerions par habitude, sans qu’il y ait un réel exercice de cœur. Le danger est peut-être plus grand que nous ne le pensons !
Si la vie divine que nous possédons ne se manifeste pas dans toute sa puissante réalité, c’est parce qu’elle n’est pas assez nourrie de Christ. Savons-nous recueillir, un jour après l’autre, la manne dont nous avons besoin ? Et si même nous lisons chaque jour une portion des Écritures, le faisons-nous pour satisfaire à une obligation plus ou moins agréable, ou bien parce que notre âme a réellement faim, faim de la Parole, faim de Christ, pain de vie ? Si nous n’agissons en cela que par devoir, c’est sans doute là la cause de cet état de langueur, d’indifférence, qui nous conduirait peut-être à dire, nous aussi, comme Israël autrefois : « Notre âme est dégoûtée de ce pain misérable » (Nomb. 21:5). Nous avons laissé l’ennemi remporter la victoire. Dans la scène de Nombres 21, l’Éternel envoie parmi le peuple les serpents brûlants ; c’était la conséquence de l’état dans lequel il se trouvait et, en même temps, cela en manifestait la cause. Les murmures, le découragement, le dédain et le mépris de la manne, tout cela était l’œuvre de l’ennemi, « le serpent ancien ».
La Parole, lue ou entendue, a-t-elle une action réelle en nous ? A-t-elle de l’autorité sur nos cœurs, afin que nos consciences soient atteintes ? Ce n’est pas seulement la Parole lue ou entendue qui nous est nécessaire, c’est la Parole reçue et appliquée, avec toute sa puissante et divine autorité, jugeant en nous ce qui n’est pas selon Dieu, gouvernant nos pensées, formant nos affections, occupant nos cœurs de Christ. C’est de « l’armure complète de Dieu » que nous avons besoin pour « tenir ferme contre les artifices du diable » et la première pièce de cette armure, la ceinture de la vérité, nous fait trop souvent défaut, confessons-le avec droiture et dans l’humiliation. Et si nous n’avons même pas revêtu la première, point n’est besoin de penser à prendre les autres pièces de l’armure !
Aussi sommes-nous tant de fois vaincus dans les combats que livre l’ennemi contre l’homme céleste. L’homme céleste c’est l’homme qui, mort et ressuscité avec Christ, vit d’une vie de résurrection. Christ, le véritable homme céleste, est notre parfait Modèle. Chez Lui, il n’y avait rien de la chair, alors qu’elle est toujours en nous ; il nous faut donc réaliser pratiquement que nous avons « dépouillé le vieil homme ». Mais si notre introduction dans la condition céleste nous sépare du domaine de la chair et du sang, elle nous met en présence de « la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » dont nous avons à subir les assauts. L’homme parfait, l’homme Christ Jésus, a remporté la victoire : considérons-Le dans les trois combats qu’Il livre contre l’adversaire, tels qu’ils nous sont présentés dans l’Évangile selon Luc.
« Il eut faim » (Luc 4:1-4). Besoin légitime, sans aucun doute, mais il ne lui suffisait pas d’avoir faim pour prendre de la nourriture si, en cela, Il n’avait l’assurance d’obéir à Dieu. La parole de son Dieu c’était, en tout premier lieu, ce qui le faisait vivre, c’est la nourriture dont l’homme céleste ne peut se passer. Et c’était dans cette parole même, expression de la volonté de son Dieu, qu’Il trouvait le motif de ses actes. Lui seul a réalisé en perfection 1 Corinthiens 10:31 : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ».
L’ennemi le tente : « Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre qu’elle devienne du pain ». N’est-ce pas aussi ce qu’il nous propose ? Il nous offre des « pierres », c’est-à-dire les choses du monde sous leurs différents aspects, d’un monde qui est caractérisé par la mort, et si nous cédons à ses tentations, de ces « pierres » nous faisons notre « pain ». Nous n’avons plus alors grand appétit pour la seule nourriture qui peut nous faire croître et prospérer spirituellement. Qu’il nous soit accordé de vivre « de toute parole de Dieu » ! Seule, elle contient tout ce qui est nécessaire pour la vie de l’homme renouvelé. Christ en est pour nous la vivante expression, Il est la vraie nourriture de l’âme (cf. Jean 6:54 à 58).
Le Seigneur répond, Il répondra chaque fois par la Parole et en citant le livre du Deutéronome, livre dans lequel nous voyons Moïse s’adresser à Israël, de la part de Dieu, pour lui faire connaître les conditions auxquelles il pourrait jouir du pays dans lequel il allait entrer. Malgré son état manifesté tout au long de son voyage dans le désert, il avait encore une ressource pour cela : l’obéissance. Elle demeure pour nous aussi, si nous voulons livrer le vrai combat chrétien dans les lieux célestes afin de jouir de notre part en haut. Par l’obéissance, nous pouvons triompher de l’adversaire, de ses ruses et de ses artifices, de la même manière, en fait, que Christ, homme ici-bas, a triomphé de lui. Que par l’obéissance, nous soyons ainsi gardés de chercher à faire de « ces pierres » du « pain » !
(Luc 4:5-8). C’est « sur une haute montagne » que le diable mène ensuite l’homme parfait. « En un instant », il lui montre, de ce sommet, « tous les royaumes de la terre habitée », offrant de lui donner « toute cette autorité et la gloire de ces royaumes ». Mais à quel prix ? « Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi ». Jésus, à nouveau, remporte la victoire : « Il est écrit : Tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Il eût pu faire observer à l’adversaire qu’il n’était, lui, qu’un usurpateur, que la gloire de ces royaumes ne lui avait pas été donnée et qu’il ne pouvait, par conséquent, en disposer, tandis que la domination lui appartiendra à Lui, le Christ glorieux, une domination universelle, selon les paroles prophétiques du Psaume 8. Mais Il ne raisonne pas avec l’adversaire, Il lui oppose la Parole de son Dieu, auquel Il rend hommage, le servant Lui seul. Puissions-nous imiter un tel exemple dans le combat que nous avons à livrer contre le même redoutable adversaire !
Comme il nous présente sa nourriture, des « pierres », pour que nous en fassions la nourriture de nos âmes, du « pain », l’ennemi nous offre aussi, comme un objet à désirer, une position et un certain relief dans ce monde, dont il est le prince. Et parce que nous ne sommes pas revêtus de « l’armure complète de Dieu », nous cédons à la tentation, poursuivant ardemment la recherche de ce que Dieu ne nous a pas donné, au lieu de « chercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice » (Matt. 6:33). Tel est le point de départ de la mondanité, aux multiples formes et avec tous ses degrés, mondanité qui entraîne la tiédeur de nos affections pour le Seigneur, le déclin de notre vie spirituelle, pouvant aller de pair d’ailleurs avec une certaine prétention religieuse, bref un état laodicéen. Une idole, des idoles peut-être remplissent nos cœurs, tandis qu’il est écrit : « Tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Il est le Maître que nous devrions servir « Lui seul » et pourtant, en combien de circonstances, ne servons-nous pas celui dont nous avons été affranchis, oubliant que « nul ne peut servir deux maîtres » (Matt. 6:24) ? De sorte qu’en fait, ne pouvant en servir qu’un, nous servons celui des deux que nous n’avons plus à servir !
(Luc 4:9-12). Le diable place maintenant le Seigneur « sur le faîte du temple ». Le désert, la montagne, le temple, tels sont les lieux où se déroulent successivement les trois tentations. Ayant échoué à deux reprises, l’ennemi revient à la charge une troisième fois, employant alors un moyen qui, pense-t-il, lui permettra enfin de vaincre : il se servira d’une parole de Dieu ! Par la Parole, il a été vaincu ; par une parole de Dieu ne vaincra-t-il pas ? Celui qui par deux fois a répondu : « Il est écrit », Celui qui désire obéir en toutes choses et n’a d’autre volonté que celle de son Dieu, qui a la loi de Dieu au-dedans de ses entrailles (cf. Ps. 40:8), pourrait-il refuser de conformer ses voies à une parole divine ? Va-t-il donc hésiter à se jeter du faîte du temple en bas ? Le faisant, Il aurait obéi à l’adversaire et l’adversaire aurait alors triomphé ! Telle est la troisième tentation, dont l’homme parfait sortira vainqueur comme Il est sorti vainqueur des deux premières.
L’ennemi a bien cité une
parole de Dieu, mais ce n’est pas la
Parole de Dieu, car il en retranche une
partie. Il omet, en effet, les derniers mots du verset 11 du Psaume 91 :
« En toutes tes voies ». Or les voies du Seigneur étaient toutes des voies
d’obéissance et c’était dans ce chemin que, comme homme, Il pouvait avoir l’assurance
d’être gardé. Hors de ce sentier, nous n’avons pas à compter sur la protection divine !
Le Seigneur, marchant dans l’obéissance à la volonté de son Dieu, pouvait dire :
« Garde-moi, ô Dieu, car je me confie en toi » (Ps. 16:1), aussi était-il
inutile de « tenter Dieu ». Tenter Dieu, c’est Le mettre à l’épreuve,
faire quelque chose pour voir si ce qu’Il a dit est vrai. Celui qui croit Dieu n’a
besoin d’aucune preuve de la vérité de ce qu’Il a dit.
Encore aujourd’hui, l’adversaire emploie de semblables moyens : il ne met pas en avant ce qui est mauvais mais ce qui est bon, une parole de Dieu ! Il conduit à citer une phrase, un membre de phrase des Écritures pour essayer de justifier une marche infidèle, la présentant peut-être même comme témoignant d’une réelle confiance en Dieu, l’expression d’une foi profonde, alors que pourtant elle est condamnée par la Parole, si nous voulons bien considérer, dans la dépendance de l’Esprit, les enseignements qu’elle nous présente, n’oubliant pas que « les jugements de l’Éternel sont la vérité, justes tous ensemble » (Ps. 19:9). Tant d’hérésies n’ont eu pour point de départ qu’une vérité sortie de sa place dans l’ensemble de la Révélation ! Tant d’égarements ont été présentés comme la stricte obéissance à un verset de la Bible examiné isolément, au mépris de ce qui est contenu dans d’autres passages et dans la méconnaissance du véritable enseignement des Écritures. Et dans la conviction que l’on a d’obéir à une parole de Dieu, au fond l’on désobéit à la Parole et on se laisse, inconsciemment peut-être, conduire par l’adversaire !
Ainsi sont mises en lumière trois des causes principales qui sont à l’origine du déclin et qui expliquent notre si grande faiblesse et tant de chutes.
Notre âme a besoin d’un aliment, Christ pain de vie de « toute parole de Dieu » dont l’homme céleste est appelé à vivre. Au lieu de nous en nourrir, nous succombons souvent aux tentations de notre redoutable adversaire, faisant de « cette pierre » — de ce qui est mort, de tout ce qui est le fruit de l’activité d’un être moralement mort aux yeux de Dieu — « du pain ». S’il y a si peu de manifestations de la vie, si peu de vie en nous, c’est, en premier lieu, parce que nous nous nourrissons spirituellement de ce que nous devrions rejeter, tandis que nous laissons de côté ce qui nous est proposé par Dieu comme le seul vrai aliment de notre âme.
« Nul ne peut servir deux maîtres ». Au lieu de le servir « Lui seul », notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, nous servons si souvent le Mammon qui nous présente, en figure, les richesses, tout ce que le monde peut offrir dans son apparente prospérité. Et tout cela, pour avoir « cette autorité et la gloire de ces royaumes », une place, un nom, un titre, une position dans le monde dont Satan est le prince ! Le danger n’est pas tant de nous trouver dans telle ou telle position, si le Seigneur nous y a réellement placés — Il peut alors garder fidèles ceux qui y sont, et faire qu’ils sachent beaucoup mieux que d’autres ce que c’est que de réaliser la séparation d’avec le monde, bien qu’étant dans le monde. Le danger est dans la recherche de ces choses ; il est particulièrement grand quand nous ne les possédons pas et que l’ennemi les place devant nous, essayant ainsi de nous tenter.
Au lieu de nous servir de la Parole dans la dépendance de l’Esprit, qui seul peut nous donner la pensée de Dieu, nous nous arrêtons parfois à une parole de Dieu, dont nous faisons une fausse application parce que nous la considérons à part du reste de la Révélation. Chose plus grave encore, nous nous servons parfois d’une telle parole pour essayer de justifier une conduite — égarement doctrinal ou moral — dont il est manifeste qu’elle n’est pas selon les enseignements de la Parole de Dieu. Prétendant obéir à Dieu, nous sommes, sans nous en douter la plupart du temps, le jouet de l’adversaire dont les ruses nous prennent si souvent en défaut.
Que le sentiment de notre extrême faiblesse et des dangers que nous courons, nous conduise à nous « fortifier dans le Seigneur et dans la puissance de sa force », à nous « revêtir de l’armure complète de Dieu », afin d’être rendus capables de « tenir ferme contre les artifices du diable » dans la lutte incessante que nous avons à mener contre « la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » ! Pour cela regardons à Celui qui est, tout à la fois, dans cette lutte, notre Modèle parfait et notre secours, « car en ce qu’il a souffert lui-même, étant tenté, il est à même de secourir ceux qui sont tentés » (Héb. 2:18).