Adapté de Hans-Joachim Kuhley
D’après Folge mir nach, 1994-6 p.4
Table des matières :
1 - L’accomplissement personnel : Qu’entend-on par-là ?
2 - Portée, point de départ et aboutissement
2.4 - Situation par rapport à la Bible
4 - L’accomplissement en rapport avec notre entourage
4.1 - Le conseil de l’apôtre Paul : Qu’il y ait en vous la pensée qui était dans le Christ Jésus
4.2 - L’exemple du Seigneur Jésus : Il s’est anéanti Lui-même
4.3 - L’exemple du Seigneur Jésus : Pas d’accomplissement personnel. Cela s’applique aussi à nous
4.4 - L’exemple de l’apôtre Paul : Je ne vis plus, moi
6 - Le vrai « accomplissement personnel » du chrétien est en Christ — Col. 2:9
6.1 - Ce qu’il faut bien distinguer :
6.2 - Encore quelque chose sur la pratique de l’accomplissement en Christ
« L’accomplissement personnel » est un terme du jargon de la psychologie. C’est une méthodologie, une recette de bonne santé et de normalité de l’état de l’âme, préconisée par la psychologie humaniste apparue dans les années 1950. On peut le définir comme « l’épanouissement de la personnalité par la réalisation des possibilités innées ».
Si nous nous en occupons ici, c’est en raison de tout un vocabulaire, toute une série de concepts qu’utilise cette école de psychologie, tels que : se valoriser, s’accepter, s’aimer soi-même, l’estime de soi, avoir confiance en soi, s’affirmer, et même se pardonner. Les modes de pensée et de comportement qui sous-tendent ces termes sont très en vogue. Ils ne sont pas seulement inculqués aux managers et aux stars, mais bien des jeunes les rencontrent obligatoirement dans le cadre de leur formation et de la poursuite de leurs études. Les chrétiens en général ne se rendent pas compte que cette méthodologie nie la chute du premier homme et qu’elle tend au fond à encourager la déification du moi.
Voyons de plus près ce qu’est l’accomplissement personnel : « épanouissement de la personnalité par la réalisation des possibilités innées ». En simplifiant, cela veut dire à peu près ceci : Tu es un type épatant ; sois-en enfin convaincu, et occupe-toi intensément de toi-même. Il n’y a absolument rien à redire à tes désirs et tes besoins. Découvre les possibilités qui sont cachées en toi et fais-les ressortir au maximum. Surtout, ne laisse personne t’en empêcher, cela te rendrait psychiquement malade.
Du point de vue des tenants de l’évolution qui est l’une des bases de la psychologie humaniste, ces points ne prêtent pas à discussion. Si l’homme n’est que le produit, pour le moment le plus élevé d’un développement basé sur le hasard, et qu’il n’est rien de plus que de la matière hautement organisée, il n’y a alors personne au-dessus de lui et « le bien » et « le mal » ne sont que des questions de point de vue.
L’antichrist, l’homme de péché, appliquera un jour cette conception à l’extrême ; en effet, il « s’élèvera contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération, en sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu » (2 Thessaloniciens 2:4).
Au fond, y a-t-il du faux dans les hypothèses de l’accomplissement personnel et des autres méthodologies ou recettes psychothérapeutiques ?
Réponse : On y trouve au moins deux hypothèses qui ne concordent pas avec la Bible : tout d’abord que l’homme est libre d’agir selon sa pensée, et ensuite que l’homme est bon par nature.
Puisque, selon la Bible, l’homme est une créature de Dieu en relation avec lui, mais qui en a été séparée par le péché, rien ne peut véritablement et durablement résoudre ses problèmes spirituels qu’un retour à Dieu. Toutes les religions, et tout ce qui les remplace (la psychothérapie remplit fréquemment ce rôle), ne peuvent qu’offrir des solutions trompeuses lorsqu’elles nient ou laissent de côté ce problème.
Ceux qui les propagent ressemblent sous bien des rapports aux prophètes autoproclamés et aux sacrificateurs sans scrupules du temps de Jérémie qui ignoraient simplement la culpabilité du peuple et la menace de destruction de Jérusalem dans leurs discours. Nous lisons à leur sujet : « la parole de l’Éternel est en opprobre parmi eux, … ils ont pansé la plaie de la fille de mon peuple légèrement, disant, Paix, paix ! et il n’y avait point de paix » (Jérémie 6:10, 14). Toutes les affirmations d’un psychothérapeute répétant à son patient qu’il n’y a que du bon en lui et qu’il n’a qu’à apprendre à se voir ainsi, ne pourront jamais escamoter sa conscience. C’est comme une bulle de savon multicolore qui éclate invariablement. Il y a déjà longtemps, vers 354-430 ap. J-C, qu’Augustin traitait de cette question dans une prière, disant : « Tu nous as créés pour Toi, et notre cœur est agité tant qu’il n’a pas trouvé son repos en Toi ».
Lorsque nous accomplissons notre « moi », cela n’a pas lieu sur une île déserte, mais dans le cadre du mariage, de la famille, du cercle des collègues ou aussi dans l’assemblée (la communauté religieuse) ; d’une façon ou d’une autre, quelqu’un en pâtira.
Il y avait eu ce genre de difficultés parmi les croyants de Philippes. L’apôtre les priait de ne rien faire par esprit de parti, ou par vaine gloire (en s’élevant au-dessus des autres), mais de considérer avec humilité que l’autre est supérieur à soi-même. Par ailleurs, chacun ne devait pas regarder seulement à ce qui est à lui (égoïsme), mais à ce qui est aux autres (Philippiens 2:3-4).
S’agissant de l’accomplissement personnel tel qu’il était pratiqué à Philippes, au lieu d’une longue argumentation comme nous l’aurions peut-être attendu, l’apôtre Paul lui oppose tout simplement l’exemple du Fils de Dieu dans Sa vie ici-bas. Cette situation et sa solution sont semblables à ce qu’on trouve parmi nous, aujourd’hui ; Puissions-nous nous en inspirer à fond.
Notre Seigneur n’a pas cherché à réaliser son « accomplissement personnel », car Il fut toujours obéissant, même jusqu’à la mort de la croix. Il avait dit : « Voici, je viens,… pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Hébreux 10:7). Dès le début de Son ministère, Satan avait pourtant essayé de Le séduire en Lui faisant miroiter Son accomplissement personnel. Il y avait réussi facilement avec Ève, et Adam l’avait suivie. Mais la réponse invariable du Seigneur, fut : « il est écrit » ; c’était l’obéissance absolue à la volonté révélée de Dieu.
Après cela, le Seigneur a encore été incité plusieurs fois à agir par Lui-même :
Plus tard, Pierre place ce Seigneur comme exemple devant les yeux des esclaves qui souffraient injustement : « Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle, afin que vous suiviez Ses traces, Lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel il n’a pas été trouvé de fraude ; qui, lorsqu’on L’outrageait, ne rendait pas d’outrage, quand Il souffrait, ne menaçait pas, mais se remettait à celui qui juge justement » (1 Pierre 2:21-23). Ceci s’adresse bien évidemment à tous les croyants.
L’accomplissement personnel n’avait pas de place dans la vie et les motifs de notre Seigneur ; au contraire, il disait : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, à moins qu’il ne voie faire une chose au Père » (Jean 5:19). « Car Je suis descendu du ciel, non pour faire Ma volonté, mais la volonté de Celui qui M’a envoyé » (Jean 6:38).
Il s’attend clairement à voir la même disposition et le même comportement chez tous Ses disciples : « Quiconque voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et quiconque d’entre vous voudra devenir le premier, sera l’esclave de tous. Car aussi le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Marc 10:43-45). Être le serviteur de tous est exactement à l’opposé de l’accomplissement personnel. Sommes-nous prêts à suivre ce commandement de notre Seigneur ?
L’apôtre Paul désirait voir chez les Philippiens la même disposition que celle qui caractérisait le Fils de Dieu dans Sa vie terrestre (Phil. 2:5). Ce souhait était-il trop ambitieux ? Non, Paul en était un exemple vivant ; il pouvait les inviter à être ensemble ses imitateurs. Ce qu’il entendait par là, se trouve plus précisément dans un autre passage.
Aux Corinthiens qui se querellaient, se laissant diriger par le « moi » (« vous êtes encore charnels »), l’apôtre écrivait : « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi je le suis de Christ » (1 Cor. 3:3 ; 11:1).
Dans l’épître aux Galates, nous trouvons plus précisément comment Paul était un imitateur de Christ : « Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ; et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré Lui-même pour moi » (Galates 2:20).
C’est tout à fait le contraire de l’accomplissement personnel au sens de la psychologie moderne. Paul en avait terminé avec « la réalisation de ses possibilités innées » ; il avait compris que son « moi », corrompu par le péché, n’avait sa place que sur la croix. Il s’était soumis à ce verdict en se convertissant et ainsi il reconnaissait que Christ avait dû mourir pour lui. Mais c’était précisément cette condamnation de son « moi » par la foi (« je suis crucifié avec Christ ») qui lui permettait d’abandonner tous ses efforts en vue du développement de sa personnalité (« je ne vis plus, moi »).
Alors peut-être quelqu’un dira : que reste-t-il pour le chrétien ? seulement un anéantissement désespérant, et fermé à tout avenir heureux ?
Réponse : Est-ce que cette vie de renoncement à soi-même était un devoir ardu et dépourvu de joie pour Paul ? Pas du tout ! C’était précisément cette vie qui lui garantissait la jouissance sans bornes de l’amour du Fils de Dieu. Un homme tel que Paul qui pouvait dire de Christ : Il « m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi », souffrait-il d’être insuffisamment valorisé ?
Les conditions étaient ainsi réunies, chez Paul, pour que Christ puisse s’épanouir sans entrave en lui, pour que Ses caractères deviennent toujours plus visibles à travers lui.
Tout ce qui s’opposait à cet épanouissement — que ce soit Satan, ou le vieil homme, ou le monde — ne pouvait pas être vaincu par sa propre force, sinon par la foi seule : « ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi ».
Il faut distinguer un accomplissement personnel où il n’y a que le Moi qui compte, le moi de l’homme naturel, d’avec l’accomplissement « personnel » que donne la Parole de Dieu en Colossiens 2:9 et qui est un accomplissement en Christ, celui d’une vie remplie de Christ. Et ceci n’est pas présenté comme un objectif à atteindre, mais comme une condition dans laquelle nous sommes placés déjà maintenant, et donc comme un privilège que nous avons à réaliser pratiquement.
L’accomplissement personnel du monde moderne, celui de la psychologie humaniste, est un égarement, car il part d’une conception non biblique de l’homme. C’est pourquoi, dans des détresses spirituelles, nous ne pouvons pas nous attendre à recevoir de l’aide par ce moyen, même si malheureusement bien des pasteurs le considèrent comme utile. De même, il n’est pas bon de baser sa vie sur ce principe.
Nous venons de considérer en détail cet accomplissement chez Paul. Dieu attend de tous ses enfants, de toi et de moi, qu’ils réalisent cet « accomplissement » en mettant Jésus Christ à la place de leur « moi » dans leur vie, et qu’ils manifestent toujours plus clairement Ses caractères en eux. Leur vie est alors remplie de Christ. Leur accomplissement en Christ est alors une réalité pratique.
Jean le baptiseur a résumé ce processus (bien que dans un autre contexte) par cette phrase lapidaire : « Il faut que Lui croisse et que moi je diminue » (Jean 3:30). Peu avant, il avait déjà témoigné qu’il n’était pas digne de délier la courroie de Sa sandale.
Quant à Pierre, s’il s’était écrié : « Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Luc 5:8), quelques années après, ses opposants pouvaient constater à l’évidence qu’il avait été avec Jésus (Actes 4:13) : il était rempli de Lui.
Paul, avant sa conversion, semblait avoir obtenu plus de réussite par son accomplissement personnel que la plupart de ceux de son âge (Gal. 1:14), mais après avoir connu le Seigneur, il ne pouvait que regarder tout cela comme des ordures (Phil. 3:8). S’il nous invite à être ses imitateurs au v. 17, cela doit nous inciter tous à y réfléchir de façon très approfondie.
À vrai dire, seule la vie telle que celle de Paul mérite d’être appelée une vie bien remplie ; c’était vraiment la réalisation pratique de l’accomplissement en Christ de Colossiens 2:9. C’est aussi ce que notre Seigneur, le Fils de Dieu qui nous a aimé et qui s’est livré Lui-même pour nous, s’attend à voir chez nous. C’est cet « accomplissement personnel » qu’il faut viser, et non pas l’accomplissement personnel tel que le conçoit le monde et sa psychologie.