par William Kelly
Table des matières :
1.2 - [Chapitre 1 v. 40 à ch. 2 v. 22]
1.3 - [Chapitre 2 v. 23 à ch. 3]
2.3 - [Chapitre 10 v. 46 à ch. 12]
les sous-titres entre crochets ont été ajoutés par Bibliquest
Il est frappant de voir
comment, jusqu’à nos jours, la tradition s’est efforcée d’altérer la vérité quant
à la méthode suivie par Marc dans le récit qu’il nous a laissé de la vie de
Jésus. Selon cette tradition, accréditée même par un homme qui vécut peu de
temps après les apôtres, Marc aurait complètement négligé la chronologie des
événements qu’il nous rapporte. Une pareille erreur a naturellement contribué à
obscurcir l’intelligence de ce livre, tout en introduisant dans les récits des
quatre évangélistes une confusion inextricable. Je suis persuadé qu’il a plu au
Saint Esprit de nous donner, en un des Évangiles, l’ordre historique de la vie
de Jésus, afin que nous pussions découvrir s’il a été interverti dans les
autres, et être amené, de cette manière, à comprendre les intentions diverses
de l’Esprit de Dieu lorsqu’il nous présente les faits en contradiction avec
leur chronologie. Or c’est Marc, à mon avis, qui nous fournit ce moyen de
contrôle, et cela en rapport intime avec le caractère moral de son Évangile.
Tout le monde admet aujourd’hui que le but de ce dernier était de nous raconter
l’histoire du ministère
de Christ,
mais alors il est certain que la narration chronologique des faits qui s’y
rattachent était la seule propre à nous en fournir une idée nette et
convenable, puisqu’il ne s’agit point seulement des miracles qu’il a opérés,
mais surtout de son service dans la Parole. J’espère montrer ici que le dessein
particulier du livre de Marc contient l’explication suffisante des détails
qu’il mentionne ou qu’il omet, soit de tous les points où il diffère des autres
narrations de la vie du Seigneur.
Dans l’Évangile de Matthieu, le Saint Esprit nous raconte le rejet de Jésus et nous l’indique dès le début de sa vie. Afin de laisser toute son importance à cet événement unique dans l’histoire du monde, le Saint Esprit groupe, en dehors de leur chronologie, les faits qui servent à le mettre en évidence, ainsi que le vaste changement qui devait en résulter pour les gentils. L’ordre chronologique devenait parfaitement insuffisant, lorsqu’il s’agissait de réunir les traits moraux et saillants qui concourent à mettre en pleine lumière un fait aussi extraordinaire et capital que le rejet de la personne divine, qui était en même temps le grand Roi, le Messie promis à Israël et attendu depuis des siècles.
En Luc, le Saint Esprit nous présente Christ comme Celui qui manifeste tous les mobiles cachés du coeur de l’homme, ainsi que la grâce parfaite de Dieu qui agit avec l’homme tel qu’il est. Nous y voyons la divine sagesse de Christ se frayant un chemin au travers du monde, et cette grâce aimante qui attirait l’homme, quand il se voyait entièrement confondu et qu’il était assez humilié pour se fier en ce que Dieu est. Voilà pourquoi Luc ne s’attache guère plus que Matthieu à une narration suivie. Pour les mettre en lumière les uns par les autres, il rapproche des faits qui n’ont aucune coïncidence de date. Si, par exemple, l’Esprit veut démontrer la valeur de la parole de Dieu et l’efficacité de la prière, il réunit deux circonstances frappantes, dans l’une desquelles Jésus a fait connaître la pensée de Dieu à l’égard de la prière, dans l’autre touchant l’autorité de la Parole.
L’Évangile de Jean peut être considéré comme une espèce de supplément aux trois autres. Jean n’a point entrepris de nous donner une esquisse de toute la carrière de Jésus ; toutefois les séries d’événements qu’il aime à grouper, sont toujours rapportées dans leur ordre historique. Outre sa merveilleuse préface, Jean intercale une sorte d’introduction entre le baptême de Christ et le commencement de son ministère public. Nous y trouvons aussi une série de discours que le Seigneur tint à ses disciples, après que son oeuvre publique fut terminée ; je crois que tous ces discours nous ont été transmis d’une manière exactement chronologique. Dans l’Évangile de Jean, une ou deux parenthèses seules, si l’on n’y fait attention, semblent intervertir les dates.
Dieu s’y est pris d’une manière digne de sa sagesse pour confondre l’incrédulité si superficielle des hommes. Sur les quatre évangélistes, nous en avons deux, Matthieu et Luc, dont l’un seulement était apôtre, et qui attachent peu d’importance à l’ordre historique ; et deux, Marc et Jean, dont l’un seulement était apôtre, et qui observent cet ordre, mais avec la différence que celui qui n’était pas apôtre nous indique le plus exactement la succession des dates. Un des deux témoins oculaires de la vie de Jésus ne l’a donc point racontée selon l’ordre des événements, et un des évangélistes, au contraire, qui n’ont pas vécu avec Jésus, nous a transmis de sa vie la narration la plus précise, entrant dans ces détails minutieux qui attestent la véracité d’un écrivain.
Si le Saint Esprit a confié ce témoignage à Marc, ce n’est pas qu’il eût été au commencement un fidèle serviteur. Loin de là. Il nous est dit dans les Actes qu’il abandonna le grand apôtre des gentils, après l’avoir accompagné avec son cousin Barnabas. Marc, les quitta pour retourner auprès de sa mère à Jérusalem. Il n’avait pas encore rompu avec les traditions judaïques, et pendant un certain temps ces associations entravèrent chez lui le développement de la vie spirituelle. Il en sera ainsi de tous les serviteurs de Dieu qui se laisseront dominer par des considérations humaines. Cependant la grâce de Dieu triomphe de tous les obstacles. Paul rendit plus tard témoignage (2 Tim. 4:11) au dévouement de Marc (voir aussi Col. 4:40), et l’insigne honneur lui fut accordé d’écrire un des récits inspirés de la vie de Jésus. Mais au début de sa carrière, il n’inspira pas de confiance, et Paul dut refuser de s’associer avec lui, au risque de perdre la compagnie de Barnabas, auquel il était particulièrement attaché. Barnabas avait été le premier à suivre Saul de Tarse, reconnaissant, par l’Esprit, la grande grâce que Dieu avait manifestée envers ce nouveau converti, objet alors de la méfiance et de l’éloignement des disciples. Saul, dans son isolement, avait pu faire l’expérience du peu de prix qu’on attache en ce monde à l’oeuvre de grâce et de relèvement que Dieu opère dans une âme. Ce même Marc, justement censuré par Paul, et qui avait été cause de sa séparation d’avec Barnabas, fut réintégré plus tard par lui dans l’opinion des saints. Le serviteur vacillant, infidèle, qui avait abandonné l’oeuvre du Seigneur pour retourner auprès de sa famille à Jérusalem, la ville des traditions humaines, mais qui, relevé par la grâce de Dieu, devint un serviteur fidèle, était particulièrement qualifié pour nous dépeindre, en y trouvant ses délices, la vie du Serviteur de Dieu par excellence.
De même Lévi, le péager, devenu l’apôtre Matthieu, avait été formé d’une manière providentielle pour l’oeuvre qu’il était appelé à faire, et sa vocation nous montre que la grâce, bien qu’elle en tienne compte et s’en serve, sait toujours maintenir sa suprématie au-dessus des circonstances diverses de chacun. Il était convenable qu’un des hommes les plus méprisés des Juifs fût choisi pour signaler la voie fatale où ce peuple s’était engagé, et cela à l’époque même où avait lieu le changement d’économie, et où le Seigneur appelait à Lui les gentils et les méprisés d’Israël.
Si Matthieu était admirablement qualifié pour la tâche qu’il avait à remplir, Marc ne l’était pas moins pour la sienne. Ses descriptions sont empreintes d’une grande simplicité, même lorsqu’il s’agit de faire apparaître pour la première fois le Seigneur Jésus-Christ. Nous trouvons ailleurs des introductions solennelles, un style élevé ; ici rien de semblable. Il ne se pouvait pas que le Messie d’Israël apparût au milieu du peuple élu, sans que sa venue fût précédée d’un témoignage digne de Lui et par des manifestations visibles ; les Juifs demandaient des signes, et Dieu leur en accorda en grand nombre avant l’apparition du plus admirable de tous. Aussi l’Évangile de Matthieu nous présente les attestations les plus positives, de la part des anges et des hommes, concernant le Messie qui, en tel lieu et à telle époque, naquit Roi des Juifs dans le pays d’Emmanuel. Ces détails ne se trouvent pas dans le récit de Marc. Sans autre prélude que la voix de Jean criant dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur », Jésus apparaît. Il n’est rien dit ni de sa naissance, ni des bergers, ni des mages, mais nous le voyons continuant l’oeuvre que Jean dut laisser à cause de son emprisonnement. « Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée prêchant l’Évangile du royaume de Dieu ». Tel est le commencement du ministère public du Seigneur, lequel dès lors se poursuit jusqu’à la fin de l’Évangile. Nous n’avons donc dans ce chapitre 1 v. 1-13, aucune généalogie, mais simplement la prophétie de Jean Baptiste : « Il en vient un après moi qui est plus puissant que moi ».
Jésus commence son ministère
en Galilée (chap. 1:14 à fin du ch. 10). Il voit Simon et André, son frère, qui
jetaient leurs filets à la mer, et les invite à le suivre. Ce n’était pas la
première entrevue du Seigneur avec les deux apôtres, et il est évident aussi
que les deux fils de Zébédée, appelés à peu près à la même époque,
connaissaient déjà Jésus-Christ. Deux disciples de Jean Baptiste, dont l’un
était André, connurent le Seigneur avant Simon (Jean 1). André et Simon reçurent
leur appel
avant Jacques et Jean ; mais un disciple dont le nom n’est
pas mentionné dans l’Évangile de Jean 1:35-42, et que je suppose être Jean
lui-même, connut personnellement
Jésus
avant Simon. Dès que l’Écriture est étudiée et comprise, il n’existe pas même
l’apparence d’une contradiction dans les récits qu’elle renferme. Chaque
incident occupe la place qui lui est propre.
L’Évangile de Jean traite d’un sujet plus personnel et plus profond que le ministère de Christ : c’est le Père se révélant aux hommes en la personne de son Fils ; la vie éternelle trouvée, par les âmes, dans le Fils de Dieu. Tel est le premier point de contact entre Jésus et l’homme, que Jean place devant nos regards. Le dessein de Marc, en revanche, n’est pas de nous montrer des âmes amenées pour la première fois à la connaissance de Jésus, et de déployer à nos yeux l’ineffable vérité de la vie éternelle en Lui, mais il veut concentrer notre attention sur l’activité de Christ comme Serviteur. C’est pourquoi il nous parle de l’appel des disciples au service, et non de la manière dont ils ont été individuellement attirés vers Jésus. Ces différences, et tant d’autres qui, à première vue, peuvent paraître insignifiantes, acquièrent une haute importance, dès qu’on aperçoit qu’elles sont en rapport intime avec le dessein que Dieu s’est proposé dans chacun des Évangiles.
Les disciples, à l’appel du
Seigneur, laissèrent tout pour le suivre.
Il s’agissait évidemment d’autre chose que de l’acceptation de la vie
éternelle, bien que cette question soit au fond de toute vocation
[appel] ; mais généralement parlant, ceux qui reçoivent la vie éternelle
en Christ qui les attire, peuvent glorifier Dieu sans quitter la position où
ils se trouvent. Ici, les disciples abandonnèrent tout pour suivre Christ.
La scène suivante se passe
dans la synagogue de Capernaüm, où le Seigneur donne à connaître de deux
manières l’objet de sa mission : par l’enseignement et par les oeuvres de
sa puissance. « Il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes ».
Ni les sophismes de la tradition juive, ni l’imagination inventive de l’homme,
ni les raisonnements persuasifs de la sagesse humaine ; tout y était clair
et positif, l’expression de la puissance même de Dieu. Les paroles d’un homme
qui annonce avec une ferme assurance les pensées de Dieu, en un monde de doute
et d’indécision, exerceront toujours de l’autorité. Celui qui, tout en
connaissant la vérité dans son âme, en parle avec hésitation, n’honore ni Dieu
ni sa Parole. Si je sais
et que je dise seulement : je suppose,
c’est un manque de foi, car la
vérité révélée n’est point seulement une chose apprise, mais ce que Dieu
Lui-même nous a enseigné. C’est affaiblir la vérité, c’est nuire aux âmes,
c’est rabaisser Dieu, que de parler sans autorité quand nous croyons pleinement
à sa Parole. Mais il faut avoir été enseigné de Dieu, pour avoir la liberté de
parler ainsi avec une confiance absolue. Autrement, mieux vaut se taire. En
observant cette règle simple et facile, nous serions amenés à un profond examen
de nous-mêmes, ce qui serait d’un avantage immense pour nous et pour nos
auditeurs.
Après l’autorité de
l’enseignement de Jésus, nous voyons l’exercice de sa puissance, aux prises
avec la racine même du mal chez l’homme, c’est-à-dire avec la puissance de Satan,
à laquelle on croit si peu et qui agit sur les corps aussi bien que sur les
âmes. Dans la synagogue, le lieu même de réunion au jour du Sabbat, et où Jésus
enseignait, il y avait un homme possédé d’un esprit immonde. Celui qui devait
briser la tête du serpent, le Libérateur des enfants d’Adam enchaînés sous
l’esclavage du diable, se trouvant là en personne, l’esprit immonde ne pouvait
avoir de repos en sa présence. « Il s’écria, en disant : Qu’y a-t-il entre
toi et nous, Jésus Nazarénien ? » Le possédé identifie, d’une manière tout
à fait singulière, le mauvais esprit avec le sien : « Qu’y a-t-il entre toi
et nous
? Es-tu venu pour nous
détruire ? Je
sais qui tu es, le Saint de Dieu ». Jésus reprit le démon, qui déchira sa
victime ; car bien que la puissance satanique fût brisée par Celui qui
avait vaincu le Tentateur, il fallait cependant que les effets en fussent
visibles, afin que les hommes se rendissent compte de ce que c’est que l’oeuvre
de Satan : Voilà donc à côté des redoutables effets de l’action du diable,
l’autorité bienfaisante et bénie du Seigneur Jésus qui contraint l’esprit
immonde à sortir du possédé. « Et tous en étaient saisis d’étonnement, de sorte
qu’ils s’enquéraient entre eux, disant : Qu’est ceci ? Quelle
doctrine nouvelle est celle-ci ? car il commande avec autorité même aux
esprits immondes, et ils Lui obéissent ».
Il y avait ainsi en Christ à la fois l’autorité de la vérité et la puissance qui se manifestait par des signes extérieurs.
La scène qui suit nous montre que Jésus ne déployait pas seulement sa puissance en chassant les démons ; car il y avait, outre la possession directe de Satan, les misères et les maladies ordinaires aux hommes ; la vertu de Jésus s’exerçait en faveur de tous ceux qui en appelaient à Lui. Après avoir quitté la synagogue, c’est la belle-mère de Pierre qu’il guérit, et la grâce et la puissance qui éclatent dans ce miracle attirent autour de Lui une foule de malades : « Toute la ville était assemblée à la porte ; et il en guérit plusieurs qui souffraient de diverses maladies, et chassa plusieurs démons ; et il ne permit pas aux démons de parler, parce qu’ils le connaissaient ».
Voilà comment, dans l’Évangile de Marc, le Seigneur Jésus-Christ inaugura son ministère. C’était la manifestation éclatante de la vérité de Dieu avec autorité, en un homme investi de la puissance divine sur le démon et sur la maladie ; il y avait dans ce ministère une plénitude digne de Celui qui en a été le modèle ici-bas, comme il en est maintenant la source depuis le lieu de sa gloire dans les cieux. Un autre trait distinctif qui se rapporte à l’exercice du ministère de Jésus, à cette époque, et en complète le tableau, se présente à nous dans ce récit : le Seigneur « ne permit pas aux démons de parler, parce qu’ils le connaissaient ». Il refusa un témoignage qui ne venait pas de Dieu. Ce témoignage pouvait être vrai, mais de la part de l’adversaire, impossible de l’accepter. Ensuite nous voyons que la dépendance de Dieu est indispensable pour avoir une force positive : « Et s’étant levé le lendemain matin, longtemps avant le jour, il sortit, et s’en alla dans un lieu désert, et il priait là ». Jésus avait repoussé le témoignage de l’Ennemi, mais il se repose pleinement sur la puissance de Dieu. Ni le titre qu’il possédait par Lui-même à la puissance, ni sa gloire personnelle, ne l’empêchèrent de se soumettre entièrement à son Père ; jamais il ne négligea de chercher jour par jour son appui auprès de Dieu. Ainsi, après avoir vaincu l’ennemi au désert, et prouvé la réalité de cette victoire, « en guérissant ceux que le diable avait asservis à sa puissance, Jésus s’était retiré pour prier.
« Simon, et ceux qui étaient avec Lui le suivirent. Et l’ayant trouvé, ils Lui dirent : Tous te cherchent ». Mais cet engouement populaire, loin d’attirer Jésus, l’empêcha de retourner sur ses pas. Il cherchait, non pas l’honneur qui vient des hommes, mais celui qui vient de Dieu ; ce qui l’attirait, ce n’était pas les applaudissements, mais la misère et le besoin. Aussi dit-il : « Allons aux bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis venu ». Il se montre toujours le serviteur de Dieu, parfait, humble, dépendant. Quel admirable tableau ! quelle réalisation complète de l’idéal du ministère !
Suppose-t-on peut-être que tout ceci nous est raconté au hasard ? Comment expliquer, sans admettre une intention précise, tous ces détails concernant le ministère de Christ ? Nul autre Évangile ne nous présente les mêmes faits de cette manière ; Marc seul a été conduit par Dieu à les grouper selon leur ordre chronologique, mais en omettant tout ce qui ne servait pas à illustrer le sujet principal qu’il avait à traiter. De cette façon, Christ se présente ici comme le serviteur parfait. Il commence son ministère, en en formant d’autres pour être des serviteurs comme Lui ; il avait appelé Pierre, Jacques, André et Jean, pour en faire des « pêcheurs d’hommes », et il manifeste à leurs regards, à leurs coeurs, à leurs consciences, les voies parfaites de la grâce dans le chemin qu’il suivit Lui-même ici-bas, les instruisant ainsi selon ses propres pensées.
À la fin de ce chapitre nous
avons l’histoire du lépreux, et au commencement du chapitre suivant, celle du
paralytique. Nous les avons déjà étudiées en Matthieu, et nous les retrouverons
en Luc. Dans Marc et dans Luc 5, les deux faits se suivent immédiatement,
tandis que, dans Matthieu, nous trouvons la guérison du lépreux au commencement
du chapitre 8, et celle du paralytique au commencement du neuvième. Marc, qui
raconte les choses comme elles se sont succédées, ne place rien entre ces deux
guérisons ; il est donc probable qu’elles se suivirent de près. Dans
l’une, le péché est considéré comme le type de la souillure ; dans
l’autre, au point de vue de la culpabilité accompagnée d’une incapacité
complète. L’homme, indigne de la présence de Dieu, a besoin d’être nettoyé de
sa hideuse impureté ; l’homme, totalement impuissant quant à sa marche
ici-bas, a besoin de pardon et de force. Nous voyons la foule assemblée autour
de la maison et Jésus leur annonçant la Parole, suivant sa coutume, quand le
paralytique est amené, porté par quatre personnes. Aucun détail n’est omis. « Ne
pouvant s’approcher de Lui à cause de la foule, ils découvrirent le toit », et
descendirent le lit sur lequel le malade était couché. Jésus, voyant leur foi,
s’adresse au paralytique, répond aux pensées blasphématoires des scribes qui se
trouvent présents, et fait ressortir sa gloire personnelle comme Fils de
l’homme plutôt que sa gloire divine. C’est cette dernière qui avait été
manifestée par la guérison du lépreux, puisque Dieu seul pouvait guérir la
lèpre. À une époque remarquable de l’histoire des Juifs, le roi d’Israël fit
cet aveu, et tout Juif, à sa place, se serait écrié comme lui : « Suis-je
Dieu, pour faire mourir et pour rendre la vie, que celui-ci envoie vers moi,
pour délivrer un homme de sa lèpre ? » (2 Rois 5:7). La guérison de la
lèpre était impossible sans l’intervention de Dieu, soit directe, soit par
l’intermédiaire d’un prophète. Mais, dans le cas du paralytique, le Seigneur
annonce une autre vérité, c’est que le Fils
de l’homme
avait le pouvoir sur la terre de pardonner les péchés ;
puis il guérit la paralysie, où la faiblesse humaine apparaît sans espoir de
remède, comme preuve qu’il avait le droit d’accorder ce pardon. La guérison
miraculeuse du lépreux avait prouvé que Dieu était descendu du ciel en la
personne de Jésus ; celle du paralytique révèle un autre côté de la gloire
du Seigneur ; car il agit comme étant le Fils de l’homme, « qui avait le
pouvoir sur la terre » de pardonner aux coupables, et de montrer la réalité de
ce pardon, en donnant à un paralytique la force « de se lever, de prendre son
lit, et de sortir en présence de tous ».
Puis « Jésus vit Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau de recette, et il lui dit : Suis-moi ; et Lévi s’étant levé, le suivit ». Après cela, nous le voyons à table avec des péagers et des pécheurs, excitant ainsi au plus haut degré la haine des scribes et des Pharisiens, qui « dirent à ses disciples : Pourquoi mange-t-il et boit-il avec des péagers et des pécheurs ? Et Jésus : l’ayant entendu, leur dit : « Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ». Cet incident donna au Seigneur l’occasion d’indiquer le vrai caractère de son service : l’appel de Dieu s’adressait aux pécheurs comme tels. Il ne s’agissait plus du gouvernement d’un peuple jadis délivré par Lui et appelé hors d’Égypte, mais d’une invitation envoyée aux pécheurs ; et si même les mots « à la repentance » n’appartiennent pas ici, et qu’ils aient été empruntés au passage correspondant de Luc, avec le sens duquel ils coïncident, cela ne change rien à cet appel de Jésus.
La question touchant les disciples de Jean et ceux des Pharisiens qui jeûnaient, donne lieu à une réponse du Seigneur, d’où ressort le caractère de ceux qu’il était venu appeler. Le jeûne était parfaitement naturel pour ceux qui ne croyaient pas en Lui, mais de la part de ceux qui reconnaissaient sa gloire, c’eût été un manque d’intelligence ou un signe d’incrédulité. Puis il ajoute les paroles suivantes qui ont trait aux principes nouveaux de son ministère : « Personne ne coud une pièce de drap neuf à un vieux vêtement, autrement la pièce neuve emporte une partie du vieil habit, et la déchirure en devient plus mauvaise ». C’est-à-dire que les formes des choses que Christ introduisait, ne pouvaient s’accorder ni se mélanger avec les anciens éléments du judaïsme ; encore bien moins les principes dont elles étaient la manifestation : « Personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres, autrement le vin nouveau rompt les outres, et le vin se répand, et les outres sont détruites ; mais le vin nouveau doit être mis dans des outres neuves ». Le christianisme requiert une expression en rapport avec la vie qui lui est propre (*).
(*) Nous avons ici, sinon la seule, au moins une des très rares exceptions à la règle que Marc observe concernant l’ordre historique des faits. D’après Matthieu 9:18, il paraîtrait que ce fut pendant que Jésus tenait ces discours que Jaïrus vint lui parler de sa fille ; incident qui ne trouve sa place qu’au chapitre 5 de notre Évangile.
Ensuite, deux incidents eurent lieu au jour du sabbat. Le premier met en évidence le fait qu’Israël était rejeté de Dieu et cela parce que Jésus était traité avec le même mépris que l’avait été David dans les jours d’autrefois. Les disciples de Jésus souffraient de la faim, comme avaient souffert David et ses adhérents. Qu’en advint-il alors du système que Dieu avait sanctionné ? Se pouvait-il que Dieu maintînt ses propres ordonnances en face de l’injure faite à son Oint, et à ceux qui avaient embrassé sa cause ? Son honneur était engagé. Les ordonnances, si importantes qu’elles fussent à leur place, durent céder devant les desseins de sa souveraineté. Or Christ était bien plus grand que David ; et ses disciples n’étaient-ils pas aussi précieux devant Dieu que les adhérents du fils d’Isaï ? S’il avait été permis à ces derniers, en un moment de détresse, de manger les pains de proposition, Dieu tiendrait-il aujourd’hui à l’observance de son sabbat, quand les disciples de Jésus manquaient de nourriture ? Le Seigneur ajoute : « Le sabbat a été fait pour l’homme, non pas l’homme pour le sabbat ; de sorte que le Fils de l’homme est Seigneur même du sabbat », constatant ainsi la supériorité de sa personne, bien qu’il fût l’homme rejeté, ce dont la faim même de ses disciples rendait témoignage.
Au second jour du sabbat, Jésus se trouve en face de la complète incapacité de l’homme. Qui oserait en appeler à la loi pour empêcher la guérison d’un pauvre infirme ? Le coeur de Jésus, qui savait compatir à toutes les douleurs humaines, resterait-il insensible, parce que les regards de ses ennemis ne cherchaient dans la manifestation de son amour qu’une occasion de l’accuser ? Jésus était là, et il y avait en Lui assez de puissance pour guérir toutes les souffrances ainsi que leur source même. Au lieu de se contenter de plaider la cause du malade, comme il l’avait fait précédemment pour ses disciples, il s’avance au milieu de la synagogue, en face de ses détracteurs, et leur offre l’occasion qu’ils cherchaient. Jésus dit à l’homme qui avait la main sèche : « Lève-toi là devant tous ». Il voulait la pleine lumière. Puis il ajoute : « Est-il permis de faire du bien les jours de sabbat, ou de faire du mal, de sauver la vie ou de tuer ? » Ainsi il provoque en pleine synagogue les pensées iniques de ses adversaires, et rend témoignage au fait que Dieu ne s’astreint pas à des règles, lorsqu’elles limiteraient le déploiement de sa miséricorde. La conduite que tient Jésus, est la preuve qu’il n’y a pas d’ordonnances qui puissent lier la compassion divine, malgré les efforts de ceux qui s’arment d’un faux zèle, afin de tenir les hommes dans la misère et d’empêcher l’effusion de la grâce. Les lois de Dieu n’ont jamais été données pour mettre des entraves à son amour, mais à la méchanceté de l’homme. Or c’était Dieu qui se trouvait présent dans la synagogue, en la personne de Jésus.
Il est remarquable que Marc ne parle du ministère de Christ qu’après l’avoir présenté comme le Fils de Dieu et lui avoir appliqué l’oracle prophétique qui l’annonce comme l’Éternel. Le Serviteur parfait était réellement divin, et il fallait que ce témoignage fût pleinement rendu à sa gloire au début même de l’Évangile, dont la tâche était de le considérer au point de vue de son ministère. Observons aussi, à ce propos, que Marc cite très peu de passages de l’Écriture ; les citations du premier chapitre (v. 2, 3) sont, si je ne me trompe, les seules qu’il fasse, celle du ch. 15 (v. 28) reposant sur une autorité trop contestable, pour avoir quelque valeur. Sauf donc d’assez fréquentes citations faites par le Seigneur lui-même, ou qui Lui sont adressées, quelle différence d’avec Matthieu ! La raison en est simple : le but de Marc n’était point de démontrer l’accomplissement des prophéties, mais la réalité du ministère de Christ. Il ne s’arrête donc pas sur ce qui avait été dit autrefois touchant Jésus, mais sur ses actes mêmes.
Revenons à notre passage. Le Seigneur contempla ces Pharisiens et ces Hérodiens « avec colère, étant attristé de l’endurcissement de leur coeur ». Puis « il dit à l’homme : Étends ta main, et il l’étendit, et sa main fut rétablie ». Cette bonté de Dieu, publiquement manifestée par Christ en faveur d’un homme, excita jusqu’à la frénésie la rage meurtrière de ces chefs religieux. Selon le récit de Marc, c’est alors que, pour la première fois, les Pharisiens et les Hérodiens consultèrent ensemble « comment ils le feraient mourir ». Le Seigneur « se retira avec ses disciples vers la mer », guérit plusieurs malades, et chassa des esprits immondes.
Ensuite Jésus monte sur une montagne et entre, à ce moment, dans une phase nouvelle de sa vie terrestre. Il use de sa souveraineté pour choisir les douze. Non seulement il les choisit pour être avec Lui, mais encore il les destine, d’une manière formelle, à la grande mission qu’ils devaient remplir. Dès le commencement il connaissait la haine des Pharisiens et des Hérodiens, mais la manifestation de leurs projets homicides devient pour Lui l’occasion de choisir ceux qui devaient poursuivre son oeuvre, quand il ne serait plus ici-bas personnellement pour la continuer Lui-même. Ainsi il établit les douze « pour être avec Lui, et pour les envoyer prêcher ». Ce ne sont pas les miracles qui occupent la première place dans l’Évangile de Marc ; c’est la prédication. La guérison des maladies, l’expulsion des démons étaient les signes qui accompagnaient la Parole annoncée. Donc rien de plus complet quant au ministère de Jésus. Le serviteur qui apparaît ici devant nos yeux, c’est le Seigneur lui-même, tel qu’il a été présenté au commencement de l’Évangile.
En cette importante conjoncture, lorsqu’il venait de choisir ceux qu’il appelait à effectuer son oeuvre capitale sur la terre, les « proches » de Jésus furent troublés en entendant parler des foules qui le suivaient, et des fatigues auxquelles il était exposé. Ce fait caractéristique n’est mentionné que par Marc. « Ils sortirent pour se saisir de Lui, car ils disaient : Il est hors de sens ». Ils avaient su qu’à cause du rassemblement de la foule, Jésus et ses disciples « ne pouvaient pas même manger leur pain », et incapables d’apprécier un aussi complet renoncement, ils attribuaient la conduite de Jésus à une infatuation de Lui-même qui ressemblait à la folie. Un cas analogue se produit toujours, lorsque la grâce toute-puissante de Dieu appelle quelqu’un et le détache des liens naturels de famille ou de parenté. D’abord le Seigneur est en butte aux accusations de ses amis ; mais plus que cela, voici venir ses ennemis, les scribes arrivant de Jérusalem. « Il a Béelzébul », disent-ils, « et il chasse les démons par le prince des démons ». Le Seigneur condescend à entrer en discussion avec eux. « Comment Satan peut-il chasser Satan ? Et si un royaume est divisé contre lui-même, comment ce royaume peut-il subsister ? »
Mais ensuite il condamne
solennellement ces docteurs et leur montre qu’ils sont coupables non de péché,
comme on dit, mais de blasphème
contre
le Saint Esprit. L’intelligence de cette expression du Seigneur mettrait fin à
une foule d’angoisses inutiles. Le mot de péché
contre le Saint Esprit
apporte des notions si vagues et donne lieu à des suppositions si diverses,
qu’il a souvent causé une inquiétude terrible à des personnes qui craignaient
de l’avoir commis. Tout péché est au fond un péché contre le Saint Esprit, par
suite du fait capital de sa présence dans la chrétienté, de sorte que le
mensonge dans l’Église ne consiste pas seulement à mentir aux hommes, mais à
Dieu. Ici toutefois, le Seigneur parle d’un péché particulier, seul
irrémissible : le blasphème contre le Saint Esprit. Quel est donc ce crime
pour lequel il n’y a point de pardon ? Il consiste à attribuer au démon la
puissance qui opérait en Jésus. Combien de personnes seraient guéries de leurs
angoisses, en acceptant cette simple vérité ! Ainsi serait réduite à néant
la tromperie de Satan, qui consiste à troubler les âmes, pour les plonger si
possible dans le désespoir. La nation juive tout entière allait se rendre
coupable de ce forfait qui ne lui a pas été pardonné, et qui ne le sera jamais.
Une nouvelle souche, pour ainsi dire, une génération nouvelle sera suscitée,
qui recevra ce même Christ contre lequel blasphémaient ses pères ; mais
pour la génération d’alors, aucune rémission possible. Elle commença à
commettre ce péché pendant la vie de Jésus, elle le consomma en refusant le
témoignage du Saint Esprit, et elle y a persisté depuis, comme il arrive toujours
quand l’homme entre dans une mauvaise voie, à moins que la grâce ne l’en
délivre. Plus Dieu manifeste son amour, sa vérité, sa sagesse, plus on court
aveuglément à sa propre perdition. Il en fut ainsi d’Israël et il en est ainsi
de tout homme qui, livré à ses instincts, méprise la grâce de Dieu. « Quiconque
blasphémera contre l’Esprit Saint n’aura jamais de pardon ». C’est là le point
culminant de la révolte contre Dieu. Déjà à cette époque, les Juifs
blasphémaient contre le Fils de l’homme, déjà ils attribuaient au démon la
puissance de l’Esprit qui opérait par Lui, comme ils le firent plus tard, d’une
manière encore plus marquée, quand le Saint Esprit, après la Pentecôte, opéra
par les disciples.
C’est à cela, je suppose, qu’il est fait allusion, en principe, dans le chap. 6 des Hébreux. Au chapitre 10 de cette même épître, « celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu », désigne plutôt quelqu’un qui, après avoir fait profession d’appartenir au Seigneur, l’abandonne complètement et se livre au péché.
Les adversaires de Jésus avaient manifesté leur haine et leur fureur, après avoir vu des preuves éclatantes de sa puissance (3:6) ; ne pouvant la nier, ils cherchèrent à la discréditer en l’attribuant à Satan. Il est clair qu’après cela, tout autre témoignage semblable était parfaitement inutile ; aussi le Seigneur commence à introduire la base morale d’un nouvel appel et d’un témoignage nouveau. Le véritable dessein de Dieu, le but ultérieur du ministère de Jésus est mis en lumière. Un témoignage avait été rendu pour le peuple au milieu duquel le Seigneur était apparu, et où son ministère avait déployé la toute-puissance de Dieu en grâce ici-bas. Dorénavant Jésus donne à entendre que le témoignage ne sera plus déterminé par les liens de la nature, mais par la grâce. Quelqu’un dans la foule avait signalé la présence de sa mère et de ses frères. « On lui dit : Voici ta mère et tes frères là dehors te cherchent. Et il leur répondit, disant : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Et regardant ; tout à l’entour ceux qui étaient assis autour de Lui, il dit : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fera la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère ». Jésus ne reconnaît plus personne selon les relations de la chair. La seule parenté qui existe désormais entre les hommes et Lui, c’est le lien surnaturel de la nouvelle création. Faire la volonté de Dieu, voilà le point capital ; pour cela il n’y a que la grâce, « la chair ne profite à rien ».
Dans le chapitre suivant, nous avons par conséquent une esquisse du ministère de Jésus, depuis cette époque-là jusqu’à la fin de l’économie. Ce ministère est considéré dans les grands principes qui le caractérisent et au point de vue de son rapport avec l’oeuvre nouvelle de Dieu : « Il nous a de sa propre volonté engendrés par la Parole de la vérité » (Jacques 1:12). Jésus se forme un peuple sur le principe de la soumission à la volonté de Dieu et par conséquent au moyen de la prédication de la Parole ; nous voyons cette oeuvre poursuivie jusqu’à la fin ; puis les difficultés de ceux qui y travaillent et qui se trouvent exposés, de la part du monde, aux épreuves qui accompagnent toujours un semblable ministère. Tel est le contenu du chapitre 4.
La première parabole, car
Jésus parle à la multitude en paraboles, est celle du semeur, qui nous est
rapportée en détail avec son explication ; le Seigneur y ajoute quelques
réflexions morales : « Apporte-t-on la lampe pour la mettre sous un
boisseau ou sous un lit ? N’est-ce pas pour la mettre sur un
chandelier ? » Outre qu’il y a une parole qui agit sur le coeur de l’homme,
une lumière est donnée, c’est-à-dire un témoignage au milieu des ténèbres. Le
point principal ici n’est pas seulement l’effet produit sur l’homme, mais
encore la manifestation de la lumière de Dieu ; donc, elle ne doit pas
être cachée. En ce qui concerne le ministère, Dieu n’a pas en vue uniquement
l’impression produite sur le coeur de l’homme, mais encore la manifestation de
sa propre gloire. Il faut la lumière aussi bien que la vie. Après avoir montré
que la vie est nécessaire pour qu’il y ait du fruit, Jésus parle de la valeur
de la lumière, premièrement pour la gloire de Dieu, et aussi pour diriger
l’homme en ce monde de ténèbres : « Prenez garde à ce que vous entendrez ».
La semence de la Parole est répandue partout ; mais il y a un mélange
d’obscurité et de lumière, de faux et de vrai témoignage, dont il faut se
souvenir lorsqu’on demande s’il existe réellement une lumière de la part de
Dieu. Il s’agit de faire attention à quoi
l’on prête l’oreille. Au
chrétien seul est donnée la puissance de discernement ; mais il faut qu’il
s’en serve et c’est pourquoi il est parlé ici de la lumière, après que la vie a
été posée comme fondement.
La parabole qui suit appartient exclusivement à l’Évangile de Marc, et en fait, plus que tout autre passage, ressortir le caractère spécial : « Ainsi est le royaume de Dieu ; c’est comme si un homme jetait de là semence sur la terre, et dormait et se levait de nuit et de jour ; et que la semence germât et crût sans qu’il sache comment. La terre produit spontanément du fruit, premièrement l’herbe, ensuite l’épi, puis le plein froment dans l’épi ; et quand le fruit est produit, on y met aussitôt la faucille, parce que la moisson est arrivée ». Ici le Seigneur apparaît au commencement de l’oeuvre de Dieu sur la terre, et de nouveau à la fin de cette oeuvre, tandis que l’intervalle pendant lequel d’autres serviteurs surgissent, est passé sous silence. C’est ici le serviteur parfait inaugurant et complétant son ministère, Jésus lors de son premier et de son second avènement ; Lui il commence et Lui il couronne l’oeuvre qui devait être accomplie.
Rien de semblable dans les autres Évangiles. Matthieu envisage le même sujet à un tout autre point de vue. Le Seigneur est aussi représenté sous la figure d’un semeur (Matth. 13) ; mais dans la parabole de l’ivraie, lorsqu’à la fin du siècle le temps de la moisson est venu, ce n’est pas Jésus qui est représenté comme accomplissant le jugement, mais il commande à ses anges, soumis à l’autorité du Fils de l’homme (vers. 41). C’est cette autorité du Fils de l’homme, que l’Évangile de Matthieu fait surtout ressortir ; tandis que Marc met en évidence le ministère de Christ. Ces deux aspects sont également vrais ; le Seigneur viendra Lui-même et en même temps il commandera à ses anges. Mais si l’on voulait intercaler dans l’Évangile de Matthieu la parabole des vers. 26 à 30, ou introduire, dans le récit de Marc, celles qui ne se trouvent qu’en Matthieu, il en résulterait une étrange confusion. Chaque récit est parfait à la place où Dieu l’a mis ; mais en cherchant à rendre uniformes des passages qui n’ont pas la même portée, on perd l’enseignement qu’ils renferment.
La parabole du grain de moutarde indiquait, par rapport à l’oeuvre de Jésus, la transformation qui aurait lieu un jour. Il était important pour les disciples de comprendre que l’oeuvre du Seigneur, au lieu de conserver ses limites circonscrites, sa primitive simplicité et cette puissance spirituelle qui constitue la seule vraie grandeur, acquerrait un immense développement temporel. Dès que la moindre chose, dans l’oeuvre du Seigneur, revêt de l’éclat aux yeux de l’homme, on peut être certain que de faux principes s’y sont glissés, et qu’il y a quelque secret accord avec le monde. Il était donc essentiel aussi que les disciples sussent quels changements accompagneraient cette grandeur terrestre ; c’est là ce que nous trouvons en Matthieu. Mais Marc n’entre pas dans ces détails ; il dit seulement ce qui est nécessaire pour diriger les serviteurs de Jésus, afin qu’ils comprennent qu’il achèverait sûrement son oeuvre, qu’il la terminerait, aussi parfaitement qu’il l’avait commencée, mais, qu’en même temps, cette oeuvre serait singulièrement transformée sur la terre, lorsque la petite semence jetée par Lui serait devenue l’objet de l’ambition des hommes. « À quoi comparerons-nous le royaume de Dieu, ou par quelle parabole le représenterons-nous ? Il est semblable à un grain de moutarde qui, lorsqu’il est semé sur la terre, est la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre. Et après qu’il est semé, il monte et devient plus grand que toutes les herbes, et jette de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent demeurer sous son ombre ». Cette parabole est la seule qui soit ajoutée ici ; il n’est même pas fait mention du levain, comme au ch. 13 de Luc, et cependant l’Esprit nous apprend ici qu’à la même occasion le Seigneur prononça plusieurs autres paraboles citées en Matthieu, et qui indiquent le changement d’économie, lequel devait accompagner l’extension mondaine de l’oeuvre de Jésus. Ce n’est pas chose nouvelle que de voir l’oeuvre de l’homme détériorer, autant que possible, celle de Dieu, faire du service de Dieu un moyen de domination, et chercher l’accroissement de ce qui n’a de valeur actuelle devant Dieu qu’aussi longtemps qu’on ne le sépare pas de l’opprobre attaché au nom de Christ ; car le troupeau du Seigneur n’est qu’un petit troupeau, et, jusqu’à son retour, l’oeuvre méprisée d’un Maître méprisé. Il y avait donc des dangers auxquels seraient exposés ceux qui s’occuperaient de son oeuvre, et c’est, je le pense, en rapport avec cela, que Marc nous raconte ici l’histoire de la tempête. En cette occasion, les disciples terrifiés ne songeaient qu’à eux-mêmes, et allèrent jusqu’à reprocher à Jésus de ne point se mettre en peine du péril où ils étaient. Tels sont, hélas ! les serviteurs, peu préoccupés de l’honneur de leur maître, mais beaucoup d’eux-mêmes. Les disciples avaient peu de foi et peu d’amour aussi ; ils avaient complètement oublié la gloire de Celui qui était avec eux, au milieu du danger. Leur cri de détresse : « Maître, ne te soucies-tu pas que nous périssions ? » révèle la pensée secrète de leur coeur, leur égoïsme, chose dangereuse chez des serviteurs de Jésus. Mais qu’il est précieux de savoir que, malgré tout, si même nous ne pensons pas à Lui, le Seigneur ne nous oublie point ! « Et s’étant réveillé, il tança le vent et dit à la mer : Fais silence, tais-toi ! Et le vent tomba, et il se fit un grand calme », de sorte que les bateliers eux-mêmes furent saisis de frayeur, en voyant une telle puissance, et se dirent l’un à l’autre : « Qui est donc celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent ? »
Le chapitre 5 commence par un fait remarquable au point de vue du ministère. Il n’est parlé que d’un seul démoniaque, ce qui rend d’autant plus frappants les détails rapportés ici. Nous savons, par d’autres passages, que deux démoniaques sortirent des sépulcres et vinrent à la rencontre de Jésus. En cette circonstance, comme en plusieurs autres, Matthieu, selon le dessein de son Évangile, note la présence de deux individus. C’était un principe de la loi que, par la bouche de deux ou trois témoins, toute parole devait être établie ; c’est pourquoi Matthieu, l’évangéliste de la circoncision, donne à ceux d’Israël qui avaient des oreilles pour entendre, le témoignage qu’ils pouvaient exiger. Marc ne s’adresse pas aux Juifs ; aussi son dessein n’est-il pas non plus d’indiquer en cet endroit, d’une manière typique, l’état d’Israël dans les derniers jours. Bien au contraire, c’est l’humanité entière qu’il a devant les yeux, et, en rapport avec ce point de vue général, il ne mentionne que l’un des démoniaques, celui dont le cas était le plus saisissant. Marc cherche surtout à présenter ici les effets moraux du ministère de Christ manifesté avec puissance en faveur d’une âme. L’état exceptionnel de ce démoniaque nous est raconté avec des détails que l’on ne trouve en aucun autre Évangile.
« Comme il sortait de la nacelle,
un homme qui avait un esprit immonde et qui avait sa demeure dans les
sépulcres, sortant des sépulcres, le rencontra ; et personne ne pouvait le
lier, pas même avec des chaînes ». Tous les efforts des hommes n’avaient servi
qu’à démontrer la force supérieure de l’Ennemi. « Car souvent, quand il avait
été lié de fers aux pieds, et de chaînes, il avait rompu les chaînes et mis les
fers en pièces, et personne ne pouvait le dompter ». Puis quel tableau de misère
et d’isolement ! « Et il était continuellement, de nuit et de jour, dans
les sépulcres et dans les montagnes, criant et se meurtrissant avec des
pierres ». Satan, qui hait les hommes, prend non seulement plaisir à les avilir,
il y ajoute encore la cruauté. Mais, « voyant Jésus de loin, il courut et se prosterna
devant Lui ; et criant d’une forte voix, il dit : Qu’y a-t-il entre
toi et moi, Jésus, Fils du Dieu très-haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me
tourmente pas. Car il lui disait : Sors de cet homme, esprit
immonde ! Et il lui dit : Quel est ton nom ? Et il répondit,
disant : J’ai nom Légion, car nous
sommes plusieurs ».
Voici de nouveau un trait
caractéristique et fort étrange déjà signalé : l’identification entre le
démoniaque et l’esprit immonde qui s’est emparé de lui. Tantôt il semble que
les deux ne font qu’une personne ; tantôt on dirait de plusieurs :
« Et il
le priait instamment qu’il ne les
envoyât pas hors du
pays ». En réponse à cette demande, le Seigneur fit entrer les démons dans les
pourceaux, qui furent détruits.
Dans Matthieu, il n’est question que de la délivrance physique du démoniaque, mais Marc rend compte de l’effet moral qui en résulte. D’abord les habitants du pays viennent à Jésus « et voient le démoniaque assis et vêtu, et dans son bon sens ; et ils eurent peur. Et ceux qui avaient vu ce qui s’était passé, leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et ce qui concernait les pourceaux. Et ils se mirent à le supplier qu’il se retirât de leur territoire ». Quelle incrédulité ! Les hommes se souciaient moins de Jésus que de Satan et de leurs pourceaux. Puis, en contraste avec cela, comme Jésus « montait dans la nacelle, celui qui avait été démoniaque le pria de permettre qu’il fût avec Lui ». Tel est le désir naturel de tous ceux dont le coeur a été renouvelé, quelque faible que soit leur foi. Quiconque n’a pas été empoisonné par une fausse application de la loi ou tout autre doctrine corrompue, mais qui connaît l’amour de Jésus, désire tout d’abord être avec Lui. C’est là une des raisons pour lesquelles tous les chrétiens sont considérés comme aimant son apparition (2 Tim. 4:8). Mais ils n’aspirent pas seulement à être auprès de Lui, ils ont aussi à coeur de voir sa gloire partout manifestée et reconnue ; ils savent que Celui qui leur est si précieux n’a besoin que d’être révélé devant le monde, pour déployer la puissance de bénédiction qui est seule efficace sur une terre telle que la nôtre. Le Seigneur n’exauce pas la demande du démoniaque ; quelque sincère et convenable que soit ce sentiment, dans le coeur de celui qui est délivré, il a cependant encore une oeuvre à accomplir ; ceux qui ont été affranchis doivent devenir eux-mêmes des libérateurs. Tels sont le caractère et le dessein du ministère de Jésus. Si Jésus fait son oeuvre, s’il brise la puissance de Satan, à laquelle personne autre ne peut toucher, ce n’est pas seulement afin que celui qu’il a délivré Lui donne son coeur et souhaite de demeurer auprès de Lui. Ce résultat est certes bien naturel et digne de son amour ; mais de même que Christ était venu, non pour faire sa volonté, mais pour servir Dieu ici-bas, de même aussi il indique à cet homme que sa sphère d’action est là où il peut annoncer à d’autres les grandes choses qui ont été faites en sa faveur : « Va-t’en à ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait ». Trop souvent, nous sommes disposés à oublier cette injonction. Ce n’est pas seulement : Va vers le monde, c’est : « Va vers les tiens ». Pourquoi éprouvons-nous une si grande difficulté à parler à ceux qui nous touchent de près ? Pourquoi des chrétiens qui ne manquent pas de hardiesse vis-à-vis d’étrangers, se montrent-ils souvent si craintifs devant leurs domestiques, leurs parents, leurs amis ? La cause de cette timidité mérite notre sérieuse attention. Nous redoutons les fâcheuses comparaisons que nos amis pourraient faire entre nos paroles édifiantes, et nos actions qui, trop souvent, hélas ! ne s’accordent pas avec nos discours. Une conduite inconséquente nous rend lâches en présence de ceux qui nous connaissent. Si au moins le sentiment de nos misères nous portait à être humbles devant tous ! Une véritable humilité, jointe à la fidélité devant Dieu, nous donnerait du courage en face des étrangers, et au milieu des nôtres.
Ici il s’agissait simplement de répandre le message de la grâce, et le Seigneur envoie le démoniaque guéri vers ceux qui, le connaissant de près, avaient pu voir, mieux que d’autres, la terrible domination que Satan avait exercée sur lui. De même aussi, le secret de la grâce en nos coeurs doit nous pousser à le communiquer à nos amis, afin que ceux qui ont connu nos erreurs et nos péchés, apprennent quel puissant Sauveur nous avons trouvé. « Va-t’en à ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait, et comment il a usé de miséricorde envers toi. Et il s’en alla et se mit à publier à Décapolis quelles choses Jésus avait faites pour lui ».
Il est précieux de voir, dans ce passage, l’identification de « Jésus » avec « le Seigneur ». Raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait, avait dit Jésus en termes généraux, sans faire une allusion particulière à Lui-même. L’homme qui avait été guéri eût pu s’en tenir littéralement à cette expression. Mais combien sa compréhension est plus profonde, combien il donne mieux gloire à Dieu, en voyant sous ce grand mystère de la piété le Seigneur comme Serviteur. Celui qui avait trouvé bon de prendre cette position, n’en restait pas moins le Seigneur.
Ensuite un chef de la synagogue se prosterne devant Jésus en le suppliant de guérir sa fille, dangereusement malade. Le Seigneur accompagna Jaïrus, indiquant ainsi le ministère spécial qu’il était venu accomplir en Israël, oeuvre qui descend jusqu’au fond de cet état de mort complète et réelle où se trouvait le peuple. Le Berger d’Israël avait la puissance de ressusciter d’entre les morts, et c’est là l’enseignement qui ressort de ce récit, où il ne s’agit pas uniquement d’une attaque dirigée contre la puissance de Satan, pour faire arriver jusqu’à l’homme la bonne nouvelle de la miséricorde et du royaume de Dieu. C’est bien ainsi assurément que s’exerça le ministère du Seigneur ici-bas où Satan domine ; le résultat de la tentation de Jésus au désert prouva qu’il était « plus fort que l’homme fort », aussi pilla-t-il ses biens, délivrant les captifs de Satan et leur donnant de lier celui dont ils avaient été les prisonniers. Mais dans ce miracle-ci, nous voyons surtout que, loin d’être détaché d’Israël, le coeur de Jésus s’émeut en présence de son profond dénuement : aussitôt que l’appel de Jaïrus se fait entendre, il y répond ; Lui seul pouvait réveiller la fille de Sion du sommeil de la mort. Toutefois, grâce ineffable, en se rendant à la maison de deuil, il se montre accessible à tous ceux qui ont recours à Lui. Dans la foule qui l’entourait, était une femme atteinte d’un mal incurable, car les nombreux médecins auxquels elle s’était adressée, n’avaient pu lui procurer aucun soulagement. Tel est le sort de l’homme loin de Dieu ; tout secours humain est inutile. Quiconque connaît un peu le monde, a fait l’expérience de cette complète impuissance de l’homme devant les souffrances de l’humanité. Mais c’est précisément lorsque tout secours terrestre faisait défaut qu’intervenait Celui qui, dans son ministère, possédait la puissance divine, Lui, le vrai et infaillible serviteur de Dieu. La femme ayant entendu parler de Lui, résolut de se glisser inaperçue dans la foule et de toucher le vêtement du Seigneur, car elle disait : « Si je touche seulement son vêtement, je serai guérie. Et aussitôt son flux de sang tarit ; et elle connut en son corps qu’elle était guérie du fléau ». La guérison ne suffisait pas à Jésus ; il sauve complètement. Il avait le pouvoir de rendre la santé et aussi de répandre dans l’âme la plénitude de sa paix. La malade reçut une bénédiction qui dépassa son attente, car Jésus bannit toutes ses craintes, et remplit son coeur de confiance et de joie. Au reste, il n’eût point été à sa place, moralement parlant, qu’elle se fût éloignée avec la pensée d’avoir dérobé à Jésus une vertu curative, et il mit publiquement le sceau à la bénédiction qu’elle avait reçue, en lui disant : « Ma fille ; ta foi t’a guérie, va-t’en en paix ».
Entré chez Jaïrus, le
Seigneur se trouve en présence, de la mort, mais il ne souffre pas que la mort
subsiste devant Lui. « L’enfant n’est pas morte, mais elle dort ». Le Saint
Esprit nous dit la même chose à l’égard des croyants : « Dieu amènera ceux
qui se sont endormis en Jésus avec Lui » ; ici, nous avons un type de
l’état d’Israël selon les pensées de Dieu à son égard. L’incrédulité peut
pleurer, se lamenter, jeter de grands cris et avoir, après tout, peu de
sentiment, puisqu’elle est capable, en cet instant même, de se moquer de Jésus.
Il « ne permit à personne de le suivre, sinon à Pierre et à Jacques et à Jean,
le frère de Jacques. Et il vient à la maison du chef de la synagogue, et il
voit le tumulte, et ceux qui pleuraient, et ceux qui jetaient de grands cris.
Et étant entré, il leur dit : Pourquoi faites-vous ce tumulte, et pourquoi
pleurez-vous ? L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. Et ils se riaient de Lui
». Le Seigneur les met dehors ;
et quand il eut pris la jeune fille par la main, elle se leva à sa parole, et
marcha. « Et ils furent transportés d’une grande admiration, et il leur
enjoignit que personne ne le sût ». Cette injonction de garder le silence
revient plus fréquemment dans le récit de Marc que dans les autres Évangiles,
parce qu’il nous montre Jésus-Christ sous l’aspect du Serviteur. Le service
n’est pas une chose qu’il faille proclamer à son de trompe ; ce qui vient
de Dieu et qui est fait pour Dieu doit parler de soi-même. C’est en ce que Dieu
donne et ce qu’il produit ; non point en ce que l’homme énonce, que réside
le service véritable. Remarquons aussi comment Jésus, parfait en toute chose,
après avoir accompli l’oeuvre, prend encore un tendre soin de cette jeune
fille. Lorsqu’elle se fut levée, « il commanda qu’on lui donnât à manger ». Dans
quelque occasion que ce soit, n’est-ce pas la chose principale pour nos coeurs
de savoir combien Jésus s’occupe de nous, combien il s’intéresse à nous, dans
les détails même qui paraissent les plus minutieux
Au chapitre 6, nous voyons encore Jésus méprisé et cela d’une manière toujours plus ouverte. « Celui-ci n’est-il pas le charpentier ? » disait-on. Assurément ; mais était-ce là toute la vérité sur Jésus ? Pour les hommes, le Seigneur de gloire n’était que « le fils du charpentier ». Et même ici, ici seulement, il est désigné comme « le charpentier ». « Et ils étaient scandalisés en Lui ».
Il est beau de voir que le Seigneur ne cherche pas à combattre une pareille incrédulité par des manifestations étonnantes de sa puissance, parce que les résultats obtenus de cette façon auraient été dépourvus de toute valeur morale. Des signes innombrables leur avaient déjà été accordés, mais les hommes ne voulaient pas être convaincus ; et la parole de Jésus ne leur servit de rien, n’étant pas mêlée avec la foi dans ceux qui l’entendirent. Quelle en fut la conséquence ? Ce Jésus, devant lequel rien ne pouvait résister, ni la puissance de Satan, ni les maladies, cet homme qui triomphait de tout, ne put faire là aucun miracle, chose qui ne nous est rapportée qu’en cet Évangile. C’est que la gloire de Dieu, la volonté de Dieu dominait sa pensée, et que l’exercice de sa toute-puissance n’était jamais séparé de l’humilité d’une obéissance parfaite. Son bras n’était pas raccourci, mais la glorification morale de Dieu était toujours étroitement liée avec ce qu’il opérait en faveur des hommes. En d’autres termes, il s’agit ici bien moins du déploiement de la puissance de Jésus que de la manifestation de son ministère. Or étant uniquement au service de Dieu, Jésus ne pouvait opérer aucun miracle dans une contrée où l’on se refusait à voir en Lui la puissance divisé. Ce fait, étrange au premier abord, devient simple et instructif, dès qu’on le rattache à la pensée dominante de cet Évangile.
Jésus, qui avait déjà appelé les douze au chapitre 3, les envoie maintenant (6:7) « deux à deux », et à l’époque même où il est trop profondément méprisé pour pouvoir opérer aucun miracle. Mais il manifeste sa toute-puissance en leur communiquant le don de faire des oeuvres surnaturelles, en les investissant, pour ainsi dire, de sa propre autorité, afin qu’ils fussent les témoins de son ministère. Serviteurs choisis selon sa pensée, les disciples ne doivent prendre qu’un bâton avec eux, se confiant aux ressources qui se trouvent en Jésus ; tout recours à des moyens humains eût été contraire à l’intention de leur Maître. Cette forme spéciale du service des apôtres, appropriée à ce temps-là, fut changée plus tard par le Seigneur lorsque son heure fut venue. Totalement rejeté de son peuple, n’ayant plus devant Lui que les souffrances de la croix, il indique à ses disciples le changement qui en résulte pour eux et les autorise alors à se munir de tout ce qui est nécessaire à leur conservation, bien qu’en se reposant, cela va sans dire, sur les ressources ordinaires de la foi (Luc 22:35-38). Ici, au contraire, Jésus, dans une nouvelle effusion de sa grâce, vis-à-vis de l’incrédulité d’Israël à son égard, lui envoie des messagers revêtus d’une puissance extraordinaire. « Et il leur dit : Partout où vous entrerez dans une maison, demeurez-y jusqu’à ce que vous partiez de là ; et tous ceux qui ne vous recevront pas et ne vous écouteront pas, quand vous partirez de là, secouez la poussière de dessous vos pieds, en témoignage contre eux. En vérité, je vous dis, le sort de Sodome et de Gomorrhe sera plus supportable au jour du jugement que celui de cette ville-là. Et étant partis, ils prêchèrent qu’on se repentît ».
Ne l’oublions pas : Jean prêcha la repentance, Jésus prêcha la repentance, les apôtres prêchèrent la repentance. La nécessité de la repentance est une vérité éternelle de Dieu. Il est faux de croire que le changement de dispensation diminue la place qu’elle doit occuper en chaque âme amenée à Dieu, ou qu’il diminue le devoir de prêcher la repentance. Nous ne devons pas nous contenter de présumer qu’elle suivra nécessairement la foi ; nous devons la prêcher et en chercher la manifestation chez ceux qui font profession d’avoir reçu l’Évangile. « Étant partis, ils prêchèrent qu’on se repentît ; et ils chassèrent beaucoup de démons, et oignirent d’huile beaucoup d’infirmes, et les guérirent ».
Ensuite apparaît sur la scène le roi Hérode, représentant de la puissance du monde au milieu des Juifs. Malgré quelques hésitations et quelques remords, Hérode fut toujours opposé au témoignage de Dieu, même au début, en sa forme la plus élémentaire. Hérode n’avait aucun amour de la vérité ; il eut d’abord du plaisir à entendre Jean-Baptiste ; sachant que sa vie était coupable, il éprouvait peut-être quelque anxiété en pensant à Dieu ; mais Satan l’enlaça si bien dans ses filets que le respect, sinon l’affection, qu’il portait à Jean, n’empêcha pas la catastrophe finale, dès qu’il fut réellement mis à l’épreuve. Ni respect, ni égard qu’on ait pour les hommes de Dieu ou pour les choses divines, ne résisteront à l’épreuve, si l’on permet à Satan de travailler dans l’ombre, et qu’il soit ainsi libre d’accomplir ses desseins pour ruiner ou pour entraver le témoignage de Dieu. Ceux qui sont employés à l’oeuvre de Christ, doivent s’attendre à ces tentatives de la part de l’adversaire, et se tenir sur leurs gardes pour lui résister. La mort de Jean me paraît être sous ce rapport en liaison avec l’envoi des disciples. À propos de cette nouvelle action de Jésus dans son ministère, nous apprenons ce que pense le monde du témoignage de Dieu, non seulement les gens incultes, ou les partis religieux avec leurs chefs, mais encore le monde profane et civilisé. Ce sont ces derniers qui avaient tué Jean-Baptiste, et Hérode s’était servi de son autorité au profit de Satan. Hérodias, il est vrai, l’avait poussé à ce crime, mais elle n’était qu’un instrument dans la main du diable, qui sait choisir son heure et ses moyens ; de sorte que nous voyons ici non point seulement des circonstances extraordinaires et fatales, mais encore la source même du mal, l’opposition de Satan au témoignage de Dieu. Si les méchants ont le pouvoir de tuer le corps, et qu’ils hésitent cependant à commettre un crime, le démon, auquel ils appartiennent, sait bien, selon l’occasion, vaincre leurs scrupules, et les amener à faire usage de leur puissance. La crainte de l’homme, certaines notions d’honneur, exercent une grande influence sur les âmes qui ne songent pas à Dieu ; l’issue peut en être terrible, puisqu’il n’y a pas de conscience, et que le tentateur sait séduire les plus prudents pour les faire tomber, comme Hérode, dans le piège qu’il leur a dressé. Le roi avait donné sa parole en présence des seigneurs et des principaux de la Galilée, et bien qu’il fût fort attristé de la demande que lui adressa la jeune fille, Jean fut décapité dans sa prison.
De retour de leur mission, les apôtres viennent raconter au Seigneur tout ce qu’ils ont fait et tout ce qu’ils ont enseigné. Il y avait quelque danger à cela, et ils eussent mieux agi en parlant de ce que leur maître avait enseigné et de ce qu’il faisait Lui-même. Mais Jésus, qui dans sa grâce ne manque jamais de donner la leçon nécessaire, les emmène en un lieu écarté où il manifeste de nouveau son amour infatigable. Une multitude affamée se trouve là autour d’eux. N’était-ce pas pour ces disciples, si pleins de ce qu’ils avaient fait et de ce qu’ils avaient dit, une occasion naturelle de montrer leur puissance ? Ils ne semblent pas y avoir songé, et le Seigneur, réduit à lui-même, pour ainsi dire, manifeste leur totale incapacité. À peine s’étaient-ils vantés, que leur impuissance se dévoile. Chose étrange, non seulement les disciples ne savent que faire, mais ils ne pensent même pas au Seigneur. Lui toutefois, en sa grâce infinie, ému de compassion, nourrit la foule, et accorde encore à ses faibles disciples le privilège d’être les dispensateurs de sa charité, puis, après le repas, ce sont eux qui en recueillent les fragments.
Nous les voyons ensuite de nouveau exposés à une tempête. Le Seigneur vint vers eux, au milieu de leur détresse, et les amena au port. Puis, arrivé de l’autre côté du lac de Génézareth, Jésus fut reconnu avec joie, et partout où il porta ses pas, répandit autour de Lui des bénédictions abondantes : tous ceux qui touchaient seulement le pan de sa robe étaient guéris. Cette scène de bénédictions et de joie se renouvellera, d’une manière générale et éclatante, lors du retour de Jésus, après que le monde aura mis le comble à son iniquité. Alors aussi, il viendra à la rencontre de son peuple angoissé et impuissant au milieu de la tempête des persécutions, et Israël abordera en paix, comme ici les disciples.
Le commencement du chapitre 7 nous offre une nouvelle scène en rapport avec le ministère, et qui dévoile la pensée dominante des autorités religieuses. Le chapitre précédent nous avait montré Hérode en face de Jean-Baptiste ; ici, c’est la tradition en face de Jésus. Le Seigneur donne aux scribes, venus de Jérusalem, des preuves décisives qu’en principe comme en pratique, la tradition à laquelle ils attachaient une si grande importance démoralise l’homme et déshonore la parole de Dieu. La cause en est bien simple, c’est qu’elle procède de l’homme pécheur et que le bien procède de Dieu. Le Seigneur place la tradition sur la même ligne que les choses qui souillent l’homme et le condamnent : d’un côté les mauvaises pensées, de l’autre toutes les oeuvres qui proviennent de la dépravation naturelle du coeur humain.
En contraste avec cette tradition des scribes qui, corrompue elle-même, ne pouvait être d’aucun secours aux hommes et ne servait qu’à les démoraliser. Christ, en secourant la femme grecque qui lui demande la guérison de sa fille, déploie ici la grâce parfaite et puissante de Dieu en un cas désespéré. Cette femme le pria de chasser le démon hors de sa fille. Le Seigneur l’ayant éprouvée, afin de lui accorder une bénédiction plus grande que l’accomplissement de son désir, mit le sceau de son approbation sur sa foi personnelle, en lui disant : « À cause de cette parole, va-t’en, le démon est sorti de ta fille ».
Le récit qui termine ce
chapitre, caractérise notre Évangile d’une façon bien frappante. Comme Jésus se
rend dans la contrée de Galilée, on lui amène « un sourd qui parlait avec peine,
et on le prie de lui imposer les mains ». Ici encore, dans la manière même dont
il guérit, le Seigneur nous donne un magnifique exemple de délicatesse et de
tendre charité. « Il le tire à part hors de la foule ». Qui aurait eu le droit de
se mêler à cette entrevue du parfait Serviteur de Dieu avec ce pauvre
affligé ? « Il lui mit les doigts dans les oreilles ». Rien ne paraît trop
mesquin à Jésus, quand il s’agit de témoigner sa sollicitude. « Et ayant craché,
il lui toucha la langue, et regardant vers le ciel, il soupira ». Quel fardeau
pesait sur son coeur, lorsqu’il contemplait les terribles conséquences du
péché ! Jamais le Seigneur ne mettait sa puissance au service des hommes,
sans que son âme ne s’associât en même temps à leurs infirmités, et n’en
appréciât le caractère devant Dieu et leurs douloureux effets quant à
eux-mêmes. Il portait toutes ces angoisses sur son coeur. Ainsi « il soupira »,
en disant : « Ouvre-toi. Et aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, et le lien
de sa langue se délia et il parla distinctement. Et Jésus leur commanda de ne
le dire à personne. Mais plus il le défendait, plus ils le publiaient, et ils
étaient extrêmement étonnés, disant : Il fait toutes choses bien ». Cette
expression qu’emploie la multitude pourrait servir d’épigraphe à l’Évangile de
Marc, car c’est là précisément ce qu’il met en évidence du commencement à la
fin. Jésus avait la puissance d’accomplir tout ce qu’il entreprenait de faire,
et tout était bien
fait.
Au chapitre 8, le miracle de la multiplication des pains se reproduit dans des circonstances nouvelles. Quatre mille personnes sont nourries, au lieu de cinq mille ; et au lieu de douze paniers de fragments, il en reste sept. La multitude est moins nombreuse, les restes moins considérables. Mais nous avons ici la mention du nombre sept, qui indique la perfection spirituelle, tandis que le nombre douze symbolise l’action de l’homme dans sa plénitude ; c’est pourquoi je n’hésite pas à dire que, figurément, ce miracle a une portée plus grande que le premier. Dans cette seconde multiplication des pains, la foule était moins nombreuse, les ressources étaient plus abondantes que la première fois, et cependant on ne recueillit guère que la moitié de ce qui était resté auparavant ; à ce point de vue donc, tous les avantages sont du côté du premier miracle. Mais les nombres symboliques de douze et de sept indiquent évidemment que, dans la première multiplication des pains, l’intervention humaine avait une plus large part, et que dans la seconde, bien que Jésus ait aussi employé l’intermédiaire des hommes, il s’agit principalement de nous manifester la perfection de son amour, de sa sympathie, de sa sollicitude pour Israël.
Après ce miracle, le Seigneur est de nouveau contraint de reprendre ses disciples. Plus son amour, sa compassion, ses tendres soins sont mis en lumière, plus aussi leur incrédulité, sans parler des autres, se manifeste d’une manière attristante. Toutefois, après leur avoir adressé une parole de reproche, il répond à leurs raisonnements par un nouvel acte de puissance et de grâce, dont le récit ne se trouve qu’en Marc.
Jésus s’étant rendu à Bethsaïda, un aveugle Lui fut amené. Il me paraît que le Seigneur, en opérant une guérison graduelle, a voulu indiquer la patience qui convient à l’oeuvre du ministère faite selon son Esprit. L’aveugle, après que Jésus lui a touché les yeux, dit « qu’il voit des hommes comme des arbres, qui marchent ». Jésus lui met une seconde fois les mains sur les yeux ; alors il est guéri et voit distinctement. Le Seigneur ne laissa jamais une oeuvre incomplète. S’il étendait la main pour faire un acte de miséricorde, il ne la retirait que lorsque tout était accompli selon les desseins de son amour. La guérison fut radicale. Son action, instantanée ou progressive, opérée par la parole ou par un contact direct, est toujours efficace et manifeste le grand médecin, le Seigneur qui guérit.
La fin du chapitre met en évidence la foi de Pierre, en contraste avec l’incrédulité des Juifs et même avec celle qui s’était manifestée auparavant chez les disciples. Sa confession est d’autant plus opportune que le dénouement approche. Le récit de Marc diffère d’une manière frappante de celui de Matthieu à la question que Jésus lui adresse, Pierre répond seulement : « Tu es le Christ », tandis que, dans l’Évangile de Matthieu, il ajoute : « le Fils du Dieu vivant » ; aussi les paroles : « Sur ce roc je bâtirai mon assemblée », ne sont-elles point mentionnées en Marc, car l’Église est bâtie, non pas précisément sur le Christ ou Messie comme tel, mais sur la confession du « Fils du Dieu vivant » ; nouvel exemple que les omissions qui nous frappent dans tel ou tel Évangile, sont profondément calculées. Le Saint Esprit n’a fait mentionner par Marc qu’une partie de la confession de Pierre et, en conséquence aussi, une partie seulement de la bénédiction annoncée par le Seigneur ; le grand changement qui approchait, et qui allait se manifester dans la formation de l’Église, devait être passé sous silence. Jésus, sans rien ajouter, défend aux apôtres de dire à personne qu’il est le Christ. Le motif qui dicta cette injonction est profondément émouvant. « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup ». Tel est le partage du vrai Serviteur. Il est bien le Christ, mais à quoi bon le redire au peuple qui l’a entendu maintes et maintes fois, qui a vu des miracles sans nombre, et refuse de croire ? Maintenant Jésus a une autre oeuvre devant Lui ; il va souffrir. C’est là sa portion. « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté des anciens et des principaux sacrificateurs, et des scribes, et qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite après trois jours ».
C’est avant la transfiguration et en vue de cet événement, que le Seigneur annonce sa mort prochaine ; il prend soin que ses serviteurs ne puissent aucunement supposer que la mort le prît à l’improviste. Il savait, avant les scribes et les sacrificateurs, tout ce qui devait Lui arriver, et leurs plans furent plutôt contrecarrés par les circonstances qui amenèrent sa mort, sans parler de sa résurrection qu’ils ne pouvaient prévoir. Ici, pour la première fois, Jésus révèle ces choses à ses disciples, leur signifiant qu’ils auront à marcher comme Lui dans le chemin de la souffrance. Ce passage envisage les souffrances de Christ comme étant le résultat du péché de l’homme, ce qui explique pourquoi l’expiation n’y est pas mentionnée. Borner les souffrances de Christ à son oeuvre expiatoire prouve un manque complet d’intelligence spirituelle, car bien qu’elle en ait été le point suprême, si, au lieu de ne penser qu’à eux, les chrétiens pensaient davantage à Christ, ils apercevraient sur la croix encore autre chose que l’expiation, et découvrant toute l’étendue de la grâce de Jésus, toute la profondeur de ses souffrances, sa personne ne leur en deviendrait que plus précieuse. Au chap. 20 de Matthieu, le Seigneur parle de donner sa vie en rançon pour plusieurs, allusion évidente et directe à l’expiation où Dieu a agi en jugement avec Lui, sans quoi il n’eût pas été le Sauveur des pécheurs ; mais ici il annonce qu’il sera mis à mort par les hommes, et ce fait seul n’implique point l’expiation des péchés, bien que Jésus prît toutes choses comme venant de la main de Dieu. Je crois que cette distinction a une plus grande importance pratique qu’on ne le pense.
Nous passons maintenant à un autre sujet, la gloire que le Seigneur mentionne, immédiatement après, en rapport avec son rejet et ses souffrances.
La transfiguration, vision passagère d’une gloire qui ne passera jamais, inaugure le nouvel état de choses que la toute-puissance de Dieu était sur le point d’établir. Quelques disciples furent admis comme témoins de la gloire du royaume de Dieu en puissance, royaume fondé sur le rejet de Christ et sur la manifestation ultérieure de ce Jésus, rejeté du monde, mais glorifié par Dieu. Le ministère du Seigneur a eu un double caractère, c’est-à-dire qu’il fut d’abord présenté à la responsabilité de l’homme, avant que le résultat en soit établi de la part de Dieu. Ce ministère avait offert à l’homme toutes les preuves désirables de la manifestation morale de Dieu en la personne de Christ ; mais le coeur de l’homme n’en fut point touché. Le seul effet d’un pareil témoignage a donc été nécessairement le rejet de Jésus et de Dieu lui-même représenté moralement en sa personne. Que fera Dieu en présence de cet état de choses ? Il accomplira inévitablement ses desseins par sa souveraine puissance, car ce qui vient de Lui ne saurait faillir et tout témoignage provenant de Lui doit atteindre son but. Mais Dieu patiente et avant même de poser les fondements de cette oeuvre immense, qui consistera à établir son royaume et sa puissance sur la terre, il en accorde une vue anticipée à ceux qu’il a choisis. C’est ainsi que la transfiguration a été comme un pont jeté entre le présent et l’avenir. Le rejet de Christ ne s’arrête point, il est vrai, à la transfiguration, et grandit au contraire jusqu’à la croix. Mais sur la croix, dans la résurrection et dans l’ascension de notre Seigneur Jésus-Christ, nous voyons clairement, d’un côté à quoi aboutissent l’incrédulité et la haine des hommes, de l’autre le fondement sur lequel Dieu ne manquera pas d’accomplir ses desseins. Le fait que le Seigneur en choisit trois d’entre les douze élus, pour être les témoins de cette scène, lui donne une place de toute importance dans les Évangiles synoptiques qui nous racontent la marche de Christ à travers la Galilée ; dans l’Évangile de Marc, c’est ici encore le point de vue du ministère qui domine.
Le Seigneur ayant donc pris avec Lui, sur la montagne, Pierre, Jacques et Jean, fut transfiguré devant eux, et Élie et Moïse, deux hommes glorifiés, leur apparurent parlant avec Jésus. Pierre montre qu’il comprenait peu la gloire du Seigneur, malgré le témoignage éclatant qu’il venait de Lui rendre. Dieu nous enseigne qu’il n’y a qu’un seul témoin fidèle et que, chez l’homme, le plus beau témoignage est contenu « dans un vase de terre ». « Il est bon », dit Pierre, « que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, et une pour Moïse, et une pour Élie ». Évidemment, tout en plaçant Jésus en première ligne, Pierre considérait les deux autres comme étant à peu près ses égaux. Mais aussitôt « une nuée les couvrit de son ombre, et il vint de la nuée une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ». Le Père lui-même proclame la gloire suprême et unique du Fils de Dieu.
Remarquons que dans le récit de Marc, comme dans celui de Luc, l’expression « en qui j’ai trouvé mon plaisir » est omise. Au chap. 17 de Matthieu, nous lisons : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai trouvé mon plaisir, écoutez-le ». Je pense qu’en Matthieu ces paroles sont citées en contraste absolu avec le rejet de Christ par les Juifs. Comme Marc, Luc accentue le fait que Christ étant le Fils de Dieu, c’est Lui, et non Moïse ou Élie, qu’il s’agit d’écouter ; tandis que, dans la seconde épître de Pierre (chap. 1), les mots « écoutez-le » sont omis, bien qu’ils se trouvent dans les trois Évangiles synoptiques, et nous lisons : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir ». C’est qu’ici ce n’est pas la suprématie du Seigneur Jésus sur la loi et les prophètes que l’apôtre veut mettre en évidence, question déjà tranchée par l’établissement du christianisme, mais la gloire du Fils aux yeux du Père et le bon plaisir qu’il trouve en Lui. En rapport avec cela, Pierre montre ensuite que, dans toutes les Écritures, le Saint Esprit poursuit un seul et même but, la gloire de Christ. « La prophétie n’est pas venue autrefois par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit Saint ». En donnant sa parole, Dieu avait un but en vue qui ne pouvait être atteint par l’application restreinte de certains passages à tel ou tel personnage, ou à quelques faits isolés. Le lien central de toute la Bible, c’est la gloire de Christ, et en séparant la prophétie de sa Personne, on fait dévier le témoignage de Celui auquel il est dû en premier lieu. La prophétie ne contient pas seulement des avertissements ou des enseignements à l’égard de peuples, de contrées, de systèmes politiques, mais c’est Christ qui en est l’objet, Lui auquel le Père a rendu témoignage sur la « sainte montagne » (2 Pierre 1:18). Il s’agissait bien là aussi du royaume, Moïse et Élie s’y trouvaient, mais l’objet principal aux yeux de Dieu, c’était Jésus lui-même. Tel Pierre l’envisage, et c’est pourquoi il accentue ce que le Père déclare touchant sa Personne, plutôt que le fait, également vrai, qu’il s’agit de l’écouter.
Après la scène de la transfiguration, le Seigneur interdit aux disciples de raconter ce qu’ils ont vu, jusqu’à sa résurrection. Celle-ci devait donner lieu à un témoignage entièrement nouveau. Les disciples étaient incapables de parler de la transfiguration, avant que l’événement capital de la résurrection de Jésus n’eût introduit sur la scène une nouvelle oeuvre de Dieu, formant la base d’un témoignage sans précédent, les choses anciennes étant passées et toutes choses faites nouvelles pour le croyant. Cette recommandation de Jésus à ses disciples a une grande importance au point de vue du service qu’ils avaient à accomplir. Il n’appartient pas à l’homme de prendre l’initiative quant au service ou au témoignage de Christ et de s’en acquitter comme il l’entend. Il faut que le Seigneur lui montre quand il doit parler et quand il doit se taire. Nous voyons aussi quelle place immense la résurrection occupe dans l’Écriture. En dehors de Christ, le péché régnait par la mort ; en Lui point de péché ; mais avant sa résurrection, un témoignage complet ne pouvait être rendu ni à sa gloire, ni à l’étendue de son oeuvre. Au reste, la difficulté que les disciples présentent à Jésus, pour la leur résoudre (vers. 11), prouve qu’il avait parfaitement discerné leur incapacité ; ils étaient encore sous l’influence des scribes. Sur la sainte montagne, nous voyons donc non seulement le royaume de Dieu et la gloire de Christ, mais, par-dessus tout, Christ comme étant le Fils de Dieu que le Père déclare devoir être écouté plus que la loi et les prophètes. Les disciples ne saisirent cela qu’après la résurrection, parce que jusqu’alors la loi occupait encore sa place naturelle et que les prophètes en maintenaient la juste autorité. La résurrection n’annule ni n’affaiblit la loi et les prophètes, mais elle donne lieu à la manifestation d’une gloire plus excellente.
Au bas de la montagne, nous voyons que c’est Satan qui exerce la domination sur ce monde, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit établi en puissance. Après avoir eu un aperçu de l’avenir, nous retrouvons le présent dans son affreuse réalité. En face de la puissance immédiate du diable, les disciples ont montré leur incapacité à cause de leur manque de foi. À cette occasion encore, nous pouvons remarquer combien le service est l’idée dominante de l’Évangile de Marc. Le père du démoniaque s’était adressé en vain à ceux qui portaient le nom du Seigneur ici-bas ; ils ne lui avaient été d’aucun secours ; Jésus leur adressa une réprimande d’autant plus sévère qu’ils étaient ses serviteurs, et que Lui-même n’avait posé aucune restriction au pouvoir qu’il leur avait accordé, de sorte que leur faiblesse résultait uniquement de leur incrédulité. « Ô génération incrédule ! s’écrie-t-il , jusqu’à quand serai-je avec vous ? jusqu’à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi. Et ils le Lui amenèrent, et quand il l’eut vu, aussitôt l’esprit le déchira et l’enfant, tombant à terre, se roulait en écumant ». Le Seigneur permit que, pendant quelques instants encore, l’enfant fût en proie à la domination de Satan, afin de prouver que les disciples n’avaient en aucune façon atténué sa puissance ; « puis il demanda au père de l’enfant : Combien y a-t-il de temps que ceci lui est arrivé ? Le père répondit : Dès son enfance ». C’était bien là l’histoire du monde, en contraste avec le royaume à venir et la nouvelle création.
En résumé, ce chapitre nous annonce tout d’abord la mort de Christ dans l’ignominie ; puis il nous donne la certitude que Dieu introduira son royaume glorieux en faveur de Celui que les hommes ont rejeté ; ensuite nous voyons l’inutilité ou l’impossibilité de rendre témoignage à la transfiguration avant la résurrection de Jésus ; enfin la preuve est donnée de la puissance de Satan ici-bas, jusqu’à l’établissement du royaume de Dieu. Les serviteurs ayant prouvé qu’ils n’avaient pas assez de foi pour faire usage des ressources illimitées qui étaient en Christ, Lui-même met la main à l’oeuvre, montrant qu’il ne s’agit que de croire pour exercer la puissance qui combat Satan jusqu’à l’établissement du royaume. C’est la foi en Christ qui seule donne à l’homme la force de vaincre l’Ennemi. Tel est l’enseignement que nous trouvons au pied de la montagne.
Seul avec eux, Jésus donne ensuite aux disciples un avertissement utile par rapport au ministère. L’incrédulité marche de front avec l’indépendance de Dieu : « Cette sorte de démons ne peut sortir en aucune façon, si ce n’est par la prière et par le jeûne ». La puissance est en Jésus, et la foi l’emploie ; mais cette foi ne consiste pas seulement à regarder à Dieu comme la source de la puissance, elle annule en même temps tout ce qui est de la volonté naturelle.
L’enseignement qui suit, se rattache encore au ministère. Quel était l’état du coeur des serviteurs de Jésus ? Ils voulaient jouer un rôle, et cela fausse leur jugement. Nous lisons qu’étant sortis de là, ils traversèrent la Galilée. « Et il enseignait ses disciples et leur disait : Le Fils de l’homme est livré entre les mains des hommes, et ils le feront mourir ; et ayant été mis à mort, il ressuscitera le troisième jour. Mais ils ne comprenaient pas ce discours, et craignaient de l’interroger ». Quelle étrange et pourtant quelle fréquente incapacité de saisir les paroles de Jésus ! D’où provient-elle ? De ce qu’on ne s’est pas jugé soi-même. Les disciples avaient honte de dévoiler à Jésus la vraie cause qui les empêchait de le comprendre, mais il la met en évidence. Arrivé à Capernaüm, Jésus leur demanda : « Sur quoi disputiez-vous entre vous en chemin ? Et ils se taisaient, car ils avaient disputé entre eux qui serait le plus grand ». Quoi de surprenant à ce qu’ils eussent manqué de puissance en face de Satan, et d’intelligence en face de Jésus ? Avec ce poids qui retenait leurs pensées sur la terre, cette vanité qui ne les occupait que d’eux-mêmes, les disciples ne pouvaient comprendre les sentiments de Dieu tels qu’ils seront manifestés dans son royaume ; car Dieu n’a qu’un dessein, celui d’exalter Jésus. Ainsi, non seulement les disciples qui n’avaient pas été sur la montagne, mais encore Pierre, Jacques et Jean, tous furent trouvés en défaut, preuve que l’humilité de la foi ne dépend ni d’une position ni d’un privilège particuliers. Le manque de foi et d’humilité, telle est la vraie cause de l’impuissance, soit contre Satan, soit pour Jésus, et par conséquent dans le témoignage au service de Dieu.
En rapport avec cette
humilité nécessaire, nous trouvons (vers. 36, 37) un incident que Marc seul
nous raconte. La conduite de Jean (vers. 38) prouve combien peu il avait encore
compris cette gloire de Christ qui satisfait le coeur et fait qu’on accepte
avec joie de n’être rien soi-même. Le jour approchait, où cela aurait lieu, et
où les disciples tireraient un profit éternel de ce qu’ils avaient entendu.
Jean se plaint ici d’avoir vu quelqu’un qui chassait les démons au nom de
Jésus, précisément la chose que les disciples n’avaient pu faire. N’était-ce
pas là plutôt un sujet d’actions de grâces ? Non ; le moi
s’en
offusque, et Jean exprime le sentiment qui les anime tous. « Maître, nous
avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom, qui ne nous
suit
pas, et nous le lui avons défendu parce qu’il ne nous
suit pas ». Les
réprimandes que Jésus leur avait adressées n’avaient point extirpé l’orgueil de
leur coeur. Mais Jésus répond : « Ne le lui défendez pas », nouvelle et
importante leçon pour ceux qui sont à son service. Il ne s’agit pas ici d’un
outrage fait à Christ, d’un acte contraire à son nom, puisque cet homme va
au-devant de Satan, en se confiant en la puissance de Jésus. S’il avait été
question d’un ennemi ou d’un faux ami de Christ, cherchant à détruire ou à
ternir sa gloire, alors « celui qui n’est pas avec Lui est contre Lui, et celui
qui n’assemble pas avec Lui disperse » (Matth. 12:30). Mais autre chose était un
faux docteur, car dans ce cas il n’y a point de compromis possible, autre chose
un homme, inintelligent peut-être, et qui n’avait point été favorisé par les
circonstances comme les disciples, mais qui reconnaissait la valeur et
l’efficacité du nom de Jésus. Celui-ci, le Seigneur, le prend sous sa
protection : « Ne le lui défendez pas ; car il n’y a personne qui
fasse un miracle en mon nom, et qui puisse aussitôt mal parler de moi ;
car qui n’est pas contre nous est pour nous ». Cet homme avait la foi au nom du
Seigneur, et par elle la puissance d’opérer les oeuvres mêmes pour lesquelles
les disciples s’étaient montrés trop faibles, à cause de leur incrédulité.
Animés d’un esprit de jalousie, au lieu de s’humilier, ils cherchent un
prétexte pour arrêter l’oeuvre de celui que Dieu avait honoré.
L’instruction du Seigneur, bien que différente des paroles contenues au verset 30 du chap. 12 de Matthieu, ne les contredit en aucune façon. L’Évangile de Marc est l’Évangile du ministère ; or la puissance de Dieu pour le service, ne dépend point de la position qu’on a prise. Quelque conforme à la volonté de Dieu, et par conséquent quelque juste que soit la position de tel ou tel individu, elle ne lui conférera jamais une puissance particulière pour le service. Il est incontestable qu’en suivant Christ, les disciples occupaient une place conforme à sa volonté, puisque c’est Lui qui les avait appelés et leur avait confié une mission précise, en les revêtant d’une partie de sa puissance et de son autorité. Malgré tout cela, il y avait faiblesse et manque de foi dans la pratique. Les disciples avaient eu pleinement raison d’abandonner Jean Baptiste pour suivre Jésus ; mais ils avaient tort en se laissant aller à méconnaître la puissance de Dieu chez quelqu’un qui ne partageait pas le privilège de leur position bénie. Le Seigneur blâme sévèrement cet esprit d’étroitesse, et pose un principe qui semble d’abord contredire ce que nous lisons en Matthieu : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse ». Là il était question de Christ lui-même, de la gloire et de la puissance de Dieu en Jésus ici-bas ; or du moment qu’il s’agit d’attaques dirigées contre sa Personne, celui qui n’est pas avec Christ est contre Lui. Auprès de la gloire personnelle du Seigneur Jésus, tout autre question devient secondaire ; quiconque s’y montre indifférent prend parti avec Satan contre Lui. Celui qui sanctionne ce qui peut déshonorer Jésus, prouve simplement qu’il n’est pas un ami du Seigneur et que sa manière d’assembler ne fait que disperser. En Marc, Jésus parle de tout autre chose, puisqu’il s’agit d’un homme qui exaltait Christ, selon la mesure de sa foi, et avec puissance. Les disciples auraient dû reconnaître joyeusement ce témoignage et en bénir Dieu. Partout donc où il est question d’une oeuvre de la puissance de l’Esprit, au nom de Christ, il est évident que celui dont Dieu se sert ainsi, n’est pas l’adversaire de Jésus ; si Dieu confirme cette puissance et l’emploie pour le bien de l’homme et la défaite de Satan, nous devons nous en réjouir.
Pesons bien ces deux instructions, également précieuses pour nous. D’une part, en ce monde Christ est rejeté et méprisé ; c’est là le sujet principal de l’Évangile de Matthieu, lequel, au chap. 12, nous montre ce mépris arrivé à son comble chez ceux même qui possédaient alors le témoignage extérieur de Dieu. En rapport avec ce fait, il est clair que celui qui honore Christ et qui l’aime, ne saurait avoir la moindre communion avec ceux qui le méprisent, malgré la vénération traditionnelle dont ils peuvent être entourés. Mais d’autre part, au point de vue tout différent du service, il est évident qu’au milieu du grand nombre de ceux qui font profession d’appartenir à Christ, il y en a dont Dieu se sert pour telle ou telle oeuvre importante, quoiqu’ils n’aient pas pris la place convenable à des disciples de Jésus. Nous devons reconnaître, avec actions de grâces, la puissance de Dieu manifestée en eux, sans abandonner pour cela la position privilégiée et bénie de suivre un Maître rejeté du monde, car le servir n’est pas toujours le suivre. Les disciples étaient plus occupés d’eux-mêmes que de leur Maître. Ils voulaient faire du ministère leur monopole, au lieu d’un témoignage rendu au nom de Christ ; mais le Seigneur met toutes choses à leur vraie place. Ce même Jésus qui, en butte aux accusations blasphématoires de ses ennemis, avait dit : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi », s’empresse de reconnaître la puissance opérant par le moyen d’un de ses serviteurs, qui pourtant ne le suivait pas comme les disciples : « Ne le lui défendez pas ; car celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Faire usage du nom de Christ pour vaincre le démon, prouve qu’on n’est pas son adversaire. Reconnaissons donc la main de Dieu partout où elle se manifeste, et humilions-nous, en songeant combien peu nous utilisons la puissance qu’il nous a confiée.
Le Seigneur ajoute ici des
paroles solennelles, qui dépassent de beaucoup l’objet de la préoccupation des
disciples, et remontent à la source même du mal qui les égarait. Il déclare que
quiconque donnera un verre d’eau, c’est-à-dire rendra le plus petit service aux
disciples de Christ, parce qu’ils Lui appartiennent, ne perdra pas sa
récompense. Mais s’il y a une récompense d’un côté, il y a aussi, de l’autre,
un châtiment éternel. La chair est toujours dangereuse, mais c’est surtout au
service de Christ qu’on est exposé à sa funeste influence ; car ce n’est
point seulement d’immoralité proprement dite qu’il s’agit ; bien des hommes
y échappent ; mais d’une tentation d’un caractère général et infiniment
plus grave, c’est de nourrir dans le secret du coeur, tout en professant de
servir Christ, quelque chose qui l’offense et contriste le Saint Esprit.
L’enseignement de Jésus s’applique ici à la fois aux enfants de Dieu et à ceux
qui sont encore sous la domination du péché. « Si ta main est pour toi une
occasion de chute, coupe-la ; si ton oeil est pour toi une occasion de
chute, arrache-le » (vers. 43-48). Soyez sans pitié pour tout ce qui vous est en
obstacle ; la cause en est simple : il s’agit d’un péril imminent et
personnel. Ces paroles de Jésus sondent les replis les plus cachés du coeur
humain. La fin de ce chapitre me rappelle la fin de 1 Corinthiens ch. 9, où
l’apôtre Paul nous donne à entendre que le ministère est souvent un moyen de
découvrir non seulement des péchés directs, mais aussi un manque de droiture et
de vérité. Peut-être n’y a-t-il pas tout d’abord immoralité flagrante ;
mais si l’âme ne vit pas en présence du Seigneur, se jugeant elle-même
constamment devant Lui, le mal ne tarde pas à faire des progrès effrayants.
C’est ce qui arriva chez les Corinthiens, bien plus préoccupés de dons et de
puissance que de Christ lui-même. Or quelles n’en furent pas les tristes
conséquences morales ? L’apôtre, afin de mieux leur faire comprendre toute
la portée du solennel avertissement qu’il leur adresse, se met lui-même en
cause. Il suppose que, tout en faisant de puissantes prédications, il cesse
absolument de s’inquiéter de la sainteté. Occupé de ses propres dons et
d’autrui, un tel homme cède, sans que sa conscience en soit troublée, aux
convoitises de la chair, et sa fin est une ruine irrémédiable. Fût-ce Paul
lui-même, il deviendrait réprouvé
, expression toujours employée pour
indiquer un rejet absolu de la part de Dieu. Au chapitre 10, l’apôtre établit
une comparaison entre la destruction des Israélites dans le désert, et l’état
périlleux où se trouvaient les Corinthiens eux-mêmes.
Jean, ayant témoigné une sorte de mépris pour quelqu’un qui faisait usage du nom de Christ afin de servir les âmes et de vaincre le démon, avait prouvé par cela même qu’il ne connaissait pas le vrai secret de la puissance spirituelle, et que, malgré sa sincérité et sa fidélité à Jésus, c’était lui qui avait grand besoin de se tenir sur ses gardes. Le mal était sérieux, et à cette occasion, le Seigneur adresse le plus solennel avertissement qui nous soit rapporté dans les Évangiles. Aucun de ses discours ne contient une description aussi saisissante de la perdition éternelle. Nous entendons retentir à nos oreilles comme le glas funèbre, des âmes perdues : « Où leur ver ne meurt pas, et le feu ne s’éteint pas ».
Un principe général résume toute la question : « Chacun sera salé de feu », et « tout sacrifice sera salé de sel ». Il est bon de se souvenir que la grâce n’empêche point cette épreuve universelle ; mais il y a deux manières distinctes d’être salé.
À considérer la chose d’une
manière générale, l’homme étant pécheur devient l’objet du jugement
divin ; pas un seul enfant d’Adam, comme tel, ne saurait échapper :
« Il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela d’être jugés ». Ce
n’est point là cependant la vérité tout entière. Il y en a qui sont délivrés de
ce jugement, qui dès ici-bas ont un libre accès à la faveur de Dieu et se
réjouissent dans l’espérance de sa gloire. Ceux qui reçoivent la parole de
Christ et qui croient au témoignage de Dieu concernant son Fils, ceux-là ont la
vie éternelle et ne viendront pas en jugement. Néanmoins « tout sacrifice sera salé
de sel
». La différence est qu’il ne s’agit plus ici de l’homme considéré
comme pécheur, mais agréable à Dieu ; aussi n’est-il pas dit : salé
de feu
. Le coeur du croyant doit être sondé et éprouvé jusqu’au fond,
précisément parce qu’il appartient à Dieu. Qu’il s’agisse donc de l’homme en
général ou des chrétiens en particulier (tout sacrifice agréable à Dieu, comme
devant son existence à Christ, sur la base de son propre sacrifice expiatoire),
le principe que nous trouvons ici s’applique à chacun. Les saints glorifiés
n’auront jamais à subir le jugement ; mais la vérité à leur égard ne
saurait être dissimulée, c’est pourquoi Dieu a pourvu, en sa grâce, à quelque
chose de puissant pour les préserver, bien que son action soit loin d’être
agréable à la chair. Être salé de sel, représente la puissance conservatrice de
la grâce divine, avec les effets sanctifiants qu’elle produit. « C’est une bonne
chose que le sel » ; ce n’est pas un simple stimulant qui s’évapore sans
laisser de traces ; il contient la saveur de l’alliance de Dieu. Mais si
le sel devient insipide, avec quoi lui donnerez-vous de la saveur ? » Qu’il
est dangereux de retourner en arrière ! « Ayez du sel en vous-mêmes, et
soyez en paix entre vous ». C’est-à-dire, possédez tout d’abord la pureté, puis la
paix les uns avec les autres (conf. Jacq. 3:17). La pureté agit contre la chair
et résiste à la corruption ; elle préserve par la toute puissance de la
grâce divine. La paix, sans cette pureté intrinsèque, n’a aucune valeur
quelconque, car il s’agit avant tout de la gloire de Dieu.
Ainsi se termine l’enseignement du Seigneur touchant le ministère et en rapport, il me semble, avec sa transfiguration ; car cette manifestation de la puissance de Dieu devait naturellement imprimer un nouveau caractère sur ceux qu’elle concernait.
Au chapitre suivant, Jésus aborde d’autres sujets. On pourrait supposer qu’un tel ministère, fondé sur la mort et la résurrection, et en vue de la gloire à venir, ne devrait tenir aucun compte des relations naturelles et terrestres. Or c’est le contraire qui a lieu ; car c’est précisément quand Dieu a fait connaître ses pensées les plus élevées, que tout ce qu’il a reconnu sur la terre prend sa place convenable. Jésus ayant traité des questions qui ont une importance éternelle, en indiquant les résultats qui en découlent, soit pour ceux qui n’ont aucune part avec Lui, soit pour ceux qui jouissent de la grâce de Dieu dans sa puissance conservatrice, et qui, par conséquent, appartiennent à Christ, s’occupe maintenant d’appliquer ces principes nouveaux aux relations naturelles, à ce que Dieu reconnaît dans le monde extérieur. Tout d’abord il se pose comme le défenseur du mariage. Ce n’est pas lorsque Dieu donna la loi, que la sainteté du mariage fut revendiquée. Personne ne devrait ignorer qu’il n’existe pas de liaison plus importante ici-bas, qu’il n’y a pas de lien social plus solide, rien enfin d’aussi nécessaire, par rapport à ce monde, pour le bonheur domestique et pour la pureté, que l’institution du mariage, sans parler d’autres considérations qui s’y rattachent et dont dépendent essentiellement toutes les relations humaines. N’est-il donc pas remarquable qu’aussi longtemps que dura l’économie de la loi, tant de choses fussent constamment permises qui tendaient à affaiblir le mariage ? Le divorce pour des raisons futiles, n’était certes pas de nature à le faire honorer. Malgré la sainteté de la loi, Moïse n’y traita point l’institution du mariage comme une question vitale par rapport à cette terre. Or, à propos du divorce, Jésus répond à ses disciples : « Moïse vous a écrit ce commandement à cause de la dureté de votre coeur ; mais au commencement de la création, Dieu les fit mâle et femelle. C’est pourquoi l’homme laissera son père et sa mère et sera uni à sa femme (les relations les plus naturelles et les plus proches disparaissent, pour ainsi dire, devant cette union), et les deux seront une seule chair. Ce donc que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Maintenant que la plénitude de la grâce était venue en Christ, plus encore, qu’elle avait été rejetée, et que Jésus avait annoncé le royaume qui devait être fondé sur sa mort prochaine, c’est maintenant qu’il insiste sur l’importance des relations naturelles. J’admets que le rapport de cet enseignement avec la résurrection n’est indiqué qu’en Marc. Mais c’est là précisément ce qui en fait ressortir la valeur, puisque, conformément au caractère particulier de son Évangile, Marc envisage l’époque et le fait glorieux de la résurrection au point de vue de sa valeur pour le service de Christ en témoignage. Nous sommes donc redevables de ce simple mais complet exposé de la pensée de Dieu, au Seigneur Jésus, le grand témoin de la grâce et des choses célestes, en liaison désormais avec sa mort, le royaume de Dieu en puissance, et la destruction du charme que Satan avait si longtemps exercé. C’est Jésus qui déblaie les institutions de Dieu, par rapport à ce monde, de la poussière et des décombres dont elles étaient recouvertes.
Un principe analogue apparaît dans les instructions qui suivent : « On Lui apporta de petits enfants, afin qu’il les touchât, et les disciples reprenaient ceux qui les apportaient ». Si les disciples avaient été pénétrés de la grâce qui débordait en Jésus, ils auraient su apprécier le sentiment qui poussait ces parents à Lui présenter leurs enfants. Mais l’esprit mesquin de l’égoïsme et de l’orgueil judaïque était encore enraciné chez eux, et ils méprisaient les petits. Dieu, au contraire, qui est tout-puissant, ne méprise personne, et la grâce, en faisant comprendre la pensée de Dieu, nous fait imiter ses voies. « Jésus, voyant cela, fut indigné, et il leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas, car à de tels est le royaume de Dieu ». Dans ces deux questions si importantes, quant aux choses terrestres, le Seigneur Jésus prouve que la grâce, loin de méconnaître les affections naturelles, est au contraire la seule chose qui leur donne la place qui leur est due selon les pensées de Dieu.
Suit un autre enseignement, plus positif encore, parce qu’il est plus difficile à saisir. On pourrait comprendre que les enfants fussent, d’une manière spéciale, les objets de la miséricorde de Dieu ; mais quels seront les sentiments du Seigneur à l’égard d’un homme inconverti, satisfait de lui-même quant à son accomplissement consciencieux des obligations de la loi ? « Et comme il sortait sur la route, un homme accourut et se jeta à genoux devant Lui et lui dit : Bon Maître, que ferai-je, afin que j’hérite de la vie éternelle ? Et Jésus lui dit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul ». Cet homme était dans l’obscurité la plus complète ; il n’avait pas la connaissance réelle de Dieu, ni de l’état du coeur humain, aucune perception de la gloire véritable de Christ. Il honorait Jésus, à la vérité, mais en ne lui attribuant qu’une supériorité relative. Il voyait en Lui un « bon Maître », et était disposé, en bon disciple, à profiter de ses enseignements. Ainsi, dans une certaine mesure, il se plaçait au niveau de Jésus, se croyant capable de pratiquer les paroles du Sauveur et de marcher dans ses voies. Évidemment, le péché n’avait pas été jugé dans le coeur de ce jeune homme ; aussi le Seigneur met complètement à nu l’état de son âme : « Tu sais les commandements », lui dit-il, mentionnant d’une manière expresse les devoirs qui ont trait aux relations humaines. « Maître », répond le jeune homme, « j’ai gardé toutes ces choses dès ma jeunesse ». Le Seigneur accepte cette réponse, sans lui poser de questions sur les autres commandements. Il est même ajouté que Jésus, l’ayant regardé, l’aima.
Cette déclaration du Saint
Esprit, qui paraît difficile à comprendre à bien des personnes, est à mon avis,
aussi instructive que belle et touchante. Ce jeune homme n’était pas converti,
il ignorait la vérité, il ne suivait pas Jésus, puisque au contraire « il s’en
alla tout triste », et son coeur n’apprit pas à connaître la joie de la grâce de
Dieu. Il y avait donc lieu de le considérer avec tristesse et anxiété au point
de vue des choses éternelles ; toutefois, il nous est simplement dit que
Jésus l’aima. Voilà un fait qui contrarie, me semble-t-il, des notions fort
communes chez nombre de personnes évangéliques ; mais nous en pouvons
tirer un précieux enseignement. Par sa connaissance parfaite de Dieu et de sa
grâce, par son appréciation de la valeur infinie de la vie éternelle, Jésus se
trouvait tellement élevé au-dessus des choses qui obscurcissent le jugement
humain, qu’il était en état de se rendre un compte exact du caractère naturel
et de la conduite d’un homme, d’estimer ce qui était consciencieux, d’aimer ce
qui était humainement aimable. Je suis intimement convaincu que la grâce, loin
d’affaiblir ces sentiments-là, les augmente plutôt. Que ceux qui s’en étonnent,
veuillent bien remarquer qu’ils sont eux-mêmes la preuve de ce qui empêche de
pareils sentiments, et examiner si la Parole ne nous révèle pas elle-même les
conséquences que je déduis ici. Observons aussi que ce détail nous est rapporté
dans l’Évangile qui manifeste Christ comme le Serviteur parfait, selon
l’exemple duquel nous avons à servir Dieu avec sagesse et discernement. Le
Seigneur admira ce qu’il y avait de naturellement aimable chez ce jeune homme,
gardé providentiellement du mal de ce monde, marchant sans blâme selon la loi
de Dieu dans laquelle il avait été élevé, désirant même s’instruire auprès de
Jésus, mais sans la conviction divine de son état de péché et de perdition.
Bien que le Seigneur connût infiniment mieux et sentit bien plus profondément
qu’aucun de nous l’état de ce jeune homme et le danger qu’il courait, quelle
différence entre sa manière d’agir, et l’étroitesse, la dureté que nous
montrons si souvent ! L’ayant
regardé, Jésus l’aima.
Le Seigneur se plaît à reconnaître tout ce qu’il
peut approuver, et tient compte au jeune homme de ce qu’il y a de bon dans son
caractère naturel. Qui oserait blâmer l’obéissance d’un enfant, une vie
honorable, la charité envers les pauvres ? Sans attribuer ces qualités à
la grâce divine et nier la nécessité de cette dernière, nous en devons néanmoins
reconnaître la valeur, les considérer comme un bienfait accordé à celui qui les
possède. Ceux qui déprécient ces qualités chez l’homme naturel, traitent, me
semble-t-il, bien légèrement la sagesse du Seigneur en cette occasion, tandis
que ceux au contraire qui en font un moyen de gagner la vie éternelle, prouvent
leur complète ignorance. La valeur de ces qualités chez l’homme pécheur ne peut
être envisagée à son vrai jour, que si l’on reste dans les limites tracées par
la parole de Dieu et par l’exemple de Jésus. Mais le Seigneur ajoute :
« Une chose te manque, va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres ».
N’est-ce point là ce qu’il avait fait Lui-même, en un sens bien plus
élevé ? Il avait renoncé à toutes choses, afin que Dieu fût glorifié dans
le salut des pécheurs. Si Christ s’est dépouillé de sa gloire, que les
résultats de cette humiliation jusqu’à la mort sont immenses, infinis !
Le jeune riche était venu à Jésus pour être instruit par Lui. Était-il préparé à le suivre dans le chemin qui précéda la croix ? Avait-il le désir d’obtenir la chose qui lui manquait : d’être un témoin du renoncement divin en grâce pour les malheureux ; d’abandonner les trésors de la terre, content d’avoir un trésor dans le ciel ? Eût-il même consenti à faire ce sacrifice, Christ n’aurait pu autrement que de lui demander encore davantage ; car il ajoute : « Et viens, suis-moi, ayant chargé la croix ». Jésus ne devance pas la lumière de Dieu ; il n’anticipe pas sur ce qui devait être bientôt révélé ; il n’annonce rien prématurément du changement merveilleux que l’Évangile fit connaître plus tard ; nous voyons qu’il met le coeur de cet homme à l’épreuve, et il se trouve que l’homme le plus parfait est plus léger que la vanité même, comparé avec Celui qui seul est bon et dont Christ était l’image et l’expression parfaites. Les qualités qui distinguaient ce jeune riche et qui lui avaient gagné l’affection de Jésus, ne l’avaient nullement détaché du monde. Il aimait les « richesses injustes », ses biens ; c’est-à-dire qu’il s’aimait lui-même avant tout. Le Seigneur, en sondant son coeur, attaqua le mal dans sa racine, preuve en fut, qu’affligé de cette parole, le jeune homme s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Le Seigneur Jésus, dans sa manière d’agir, nous donne ici encore un exemple parfait. J’ai déjà fait observer qu’il n’appuie pas son raisonnement sur des vérités que Dieu n’avait pas encore révélées. Il ne parle ni de sa mort ni de sa résurrection, qui eussent été inintelligibles pour ce jeune homme, puisque même aucun des disciples n’en avait réellement saisi le sens. Jésus va droit à ce qu’il y a de plus important. Il s’adresse à la conscience de son interlocuteur et lui montre la valeur morale de ce que Lui-même a fait. L’autre n’avait jamais songé à cette oeuvre-là. Il aurait consenti à être un bienfaiteur, un protecteur généreux. Mais tout quitter pour suivre Christ dans la pauvreté, dans l’opprobre, il n’y était nullement préparé. Sur le terrain même où il se place, ce jeune homme est forcé de reconnaître l’impossibilité d’accomplir le bien que lui indique le « bon maître » qu’il est venu consulter. Nous ignorons ce que le Seigneur a pu faire pour lui dans la suite, et toute conjecture à cet égard est inutile. Dieu nous montre par ce récit que l’observation morale la plus rigoureuse de la loi n’affranchit pas l’âme, ne lui procure pas la joie, mais la laisse en un état de misère complète et d’éloignement de Christ.
Maintenant le Seigneur
s’adresse à ses disciples, et leur expose le fond de la question qu’il n’avait
qu’effleurée. « Combien difficilement ceux qui ont des biens entreront dans le
royaume de Dieu ». Les disciples n’y comprennent rien ; ils étaient
habitués à voir, précisément dans les richesses, une preuve de la bénédiction
de Dieu ; et que de bien ne peut-on pas faire en étant riche ! Le
Seigneur insiste : « Enfants, combien il est difficile à ceux qui se
confient aux richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus aisé
qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’un riche n’entre dans le
royaume de Dieu ». Les disciples s’en étonnent excessivement, se disant entre
eux : Et qui donc peut être sauvé ? Alors Jésus leur dévoile le fond
de la question, c’est que le salut est l’affaire de Dieu et que l’homme n’y
peut absolument rien. Loi, nature, richesse, pauvreté, ce que l’homme aime ou
ce qu’il redoute, tout cela n’a que faire au salut de l’âme, lequel repose
uniquement sur la puissance de la grâce divine. « Ce qui est impossible à
l’homme, est possible à Dieu ». Tout dépend de la grâce ; le salut vient du
Seigneur ; béni soit son nom. « Toutes choses sont possibles pour Dieu ».
S’il n’en était pas ainsi, qui d’entre nous, qui dans le monde entier, pourrait
être sauvé ? Pierre parle avec une certaine satisfaction des sacrifices que
les disciples ont fait pour suivre Jésus, et le Seigneur, en sa réponse,
mentionne un détail d’une beauté particulière, qui ne se trouve que dans cet
Évangile : « Il n’y a personne qui ait laissé maison, ou frères, ou soeurs,
ou père, ou mère, ou femme, ou enfants, ou champs, pour l’amour de moi et de
l’Évangile, qui n’en reçoive cent fois autant ». Ces mots « et de l’Évangile » ne
se trouvent que dans Marc, parce qu’il s’agit toujours du service. L’estime de
la personne de Christ est donc, pour ainsi dire, rattachée au service de Christ
dans ce monde. Quiconque s’est ainsi dévoué, recevra « maintenant, en ce
temps-ci, cent fois autant, maisons, et frères, et soeurs, et mères, et
enfants, et champs, avec des persécutions
, et dans le siècle qui vient, la vie éternelle ». Étrange
association ; mais cela est vrai, parce que le Seigneur l’a dit, et la foi
l’accepte. Tout ce qui est à Christ appartient à ceux qui croient en Lui.
Posséder ainsi, ne satisfait pas un coeur avide ; mais la foi, loin de
désirer avoir quelque chose pour son bien exclusif et qui la distingue
d’autrui, a la profonde et riche satisfaction de savoir que ce que l’Église de
Dieu possède sur la terre, est commun à tous les saints. La foi ne cherche pas
son propre intérêt, mais prend plaisir en ce qui est le partage de tous les
fidèles. L’incrédulité, au contraire, ne nomme sien que ce qui sert l’égoïsme.
Le Seigneur ajoute : « avec des persécutions ». Elles nous atteindront d’une
manière ou de l’autre, si nous sommes fidèles ; ceux qui veulent vivre
pieusement n’y sauraient échapper. Dois-je me contenter d’être persécuté, parce
que d’autres le sont aussi et que je me trouve avec eux ? Mieux vaut
l’être, parce que je suis [du verbe suivre] personnellement
et directement le Sauveur. Mais plusieurs qui sont les premiers seront les
derniers, et les derniers seront les premiers ». Nous retrouvons ici la même
parole que dans Matthieu 20:16. En effet, ce n’est pas le commencement d’une
course qui décide de la victoire, mais la fin. Dans cette course décisive « qui
nous est proposée », il y a des obstacles, des chutes, des revers, toute sorte
de changements.
Jésus poursuit sa route vers
Jérusalem, lieu funeste pour les prophètes. Les Juifs avaient tort, en disant
qu’aucun prophète n’était sorti de la Galilée, car même en cette contrée, Dieu
ne s’était point laissé sans témoins. Mais Jésus avait dit vrai, en affirmant
qu’un prophète ne pouvait périr hors de Jérusalem. C’est précisément dans cette
capitale religieuse, que les vrais témoins de la grâce de Dieu devaient mourir.
Les disciples comprenaient donc fort bien la portée de ce voyage vers
Jérusalem, aussi étaient-ils effrayés et craignaient-ils en suivant Jésus.
Qu’ils étaient peu préparés encore à cette vie de persécutions dont ils
devaient un jour se réjouir, et pour lesquelles le Saint Esprit leur donnerait
la force nécessaire ! « Prenant encore une fois les douze avec Lui, il se
mit à leur dire les choses qui devaient Lui arriver : Voici, nous montons
à Jérusalem (quelle grâce ! nous
montons), et le Fils de l’homme
sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes, et ils le condamneront
à mort et ils le livreront aux nations ». Voilà la persécution jusqu’à la mort
(et quelle mort !) placée devant nous. La conduite de Jacques et de Jean,
en un moment aussi solennel, prouve combien la chair, même chez les serviteurs
de Dieu, est incapable d’entrer dans ses pensées ; « ce qui est né de la
chair est chair ». Et cette profonde misère se trahit ici, non pas chez
d’obscurs adhérents de Jésus-Christ, mais chez des apôtres particulièrement
privilégiés.
« Et Jacques et Jean, fils de Zébédée, viennent à Lui, disant : Maître, nous voudrions que tu fisses pour nous tout ce que nous te demanderons. Et il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Et ils Lui dirent. : Accorde-nous que nous soyons assis, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire ». C’est leur mère qui, dans un autre récit, présente cette requête ; ici, hélas ! ce sont les serviteurs eux-mêmes qui auraient dû avoir plus de connaissance ; mais ils étaient aveuglés. Ils font valoir leur position de serviteurs comme moyen de satisfaire la chair, même dans le royaume de Dieu, et désirent pouvoir se vanter ici-bas de la perspective de ce qu’ils seraient un jour là-haut. Le Soigneur les reprend avec cette dignité qui le caractérise : « Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je bois et être baptisés du baptême dont je serai baptisé ? Ils Lui dirent : Nous le pouvons. Et Jésus leur dit : Vous boirez bien la coupe que je bois, et vous serez baptisés du baptême dont je serai baptisé ; mais de s’asseoir à ma droite et à ma gauche, n’est pas à moi pour le donner, mais (appartient) à ceux pour lesquels cela est préparé ». Christ, le serviteur par excellence, conserve ce caractère, même lorsqu’il s’agit de son règne dans la gloire, et ne s’attribue pas le droit de donner une place élevée dans le royaume à venir.
Si les deux apôtres s’étaient trahis par cette demande, l’état spirituel des autres fut également manifesté. L’action de la chair se fait voir non seulement par les péchés que l’on commet, mais aussi par l’esprit dans lequel on juge les fautes d’autrui. L’indignation qui éclata parmi les dix, révéla leur orgueil, tout autant que la demande que Jacques et Jean avaient adressée au Seigneur. S’ils avaient eu de l’amour dans le coeur, l’ambition des deux autres les eût remplis de tristesse et de honte. Leur indignation n’était point une preuve de fidélité et de foi, mais d’égoïsme ; ils pensaient à eux-mêmes, non à Christ. Aussi le Seigneur leur adresse-t-il un avertissement à tous ensemble, leur montrant que l’esprit dont ils étaient animés était au fond l’esprit des païens ; tout le contraire de ce qu’il avait le droit d’attendre d’eux et de l’esprit qui l’animait Lui-même. Quiconque a l’intelligence du royaume, se contente d’être petit ici-bas ; car la vraie grandeur d’un disciple consiste dans la puissance de servir Christ moralement, en s’humiliant pour le service d’autrui. Ce n’est pas par notre énergie que nous sommes grands dans l’estime du Seigneur, mais en nous contentant de la place de serviteurs, fût-elle la plus humble possible. Quant à Christ lui-même, il ne vint pas pour servir seulement ; il possédait ce que nul autre ne pouvait avoir : l’amour capable de donner sa vie en rançon pour plusieurs, et le droit d’accomplir cette oeuvre.
Depuis le verset 46 du chap. 10, commence la dernière phase de la vie de Jésus. Il se présente à Jérusalem, venant de Jéricho. Nous avons déjà étudié en Matthieu 20, plusieurs des incidents qui eurent lieu pendant ce voyage, et je passe sous silence la guérison de l’aveugle, l’entrée de Christ à Jérusalem comme Roi, la parabole du figuier, l’enseignement de Jésus touchant la prière, sa réponse aux principaux sacrificateurs qui lui demandaient par quelle autorité il agissait. La parabole de la vigne qui ouvre le chap. 12, insiste sur ce qui concerne les serviteurs dans leur responsabilité envers Dieu. Ensuite, nous voyons de quelle manière Jésus confond les Pharisiens et les Hérodiens, puis réfute les Sadducéens. Par sa réponse au scribe, il répand sur la loi la pleine lumière divine, et en lui disant ensuite : « tu n’es pas loin du royaume de Dieu », le Seigneur montre cette condescendance, trait admirable de son ministère, avec laquelle il reconnaît tout témoignage rendu à la vérité, de quelque part qu’il vienne. Après cela, Jésus pose une question touchant ce qui est dit de sa Personne dans les Écritures. Puis il met en garde contre les scribes, et oppose à leur hypocrisie vaniteuse, ainsi qu’a la prétendue libéralité des riches qui ne donnaient que leur superflu, le don de cette pauvre veuve qui avait jeté deux pites dans le trésor du temple, toute sa subsistance, exemple d’une foi réelle et d’un dévouement véritable, au milieu du déplorable état spirituel du peuple de Dieu. Il met à tout jamais le sceau de son approbation sur cette femme, qui ne se doutait guère qu’il y avait sur la terre un regard pour sonder sa foi et une bouche pour proclamer ce que Dieu était capable d’opérer, à sa louange, dans le coeur et par le moyen de la plus chétive créature en Israël.
Les instructions prophétiques que le Seigneur donne à ses disciples au chapitre 13, sont strictement conformes au caractère de notre Évangile. Voilà pourquoi ici seulement, où il est directement question de son service, Jésus mentionne la puissance qui rendrait les disciples persécutés capables de répondre à leurs accusateurs. Aussi ne trouvons-nous aucune allusion spéciale à la « consommation du siècle », expression contenue au contraire dans la même prophétie, racontée par Matthieu sous un point de vue différent, tandis qu’il s’agit ici du service futur des disciples, auquel Jésus les prépare. Observons encore que c’est seulement en Marc qu’il est dit que « personne ne sait ni le jour ni l’heure, pas même les anges, ni même le Fils, mais le Père » (Marc 13:32). L’explication de ce passage, étrange à première vue, me semble être celle-ci : Christ avait pris si complètement la place d’un serviteur, se bornant absolument à ce que Dieu lui avait communiqué comme tel, que même en ce qui concerne l’avenir, il ne sait et n’enseigne que ce que Dieu lui a enjoint à cet effet.
Dans la parabole qui suit la partie prophétique du discours, le Seigneur se dépeint lui-même, les ouvriers et leur oeuvre. Il n’est pas question d’une dispensation spéciale, comme dans la parabole des talents au ch. 25 de Matthieu. « C’est comme un homme allant dehors, laissant sa maison, donnant de l’autorité à ses serviteurs, et à chacun son ouvrage ; et il commanda au portier de veiller ». Dans Matthieu, le Maître fait un voyage lointain, et pourvoit à une absence prolongée. Ici il part aussi, mais il donne de l’autorité « à ses serviteurs, et à chacun son ouvrage ». Ces expressions se trouvent bien à leur place, puisque, même en parlant prophétiquement, le Seigneur, en cet Évangile, n’écarte pas la pensée dominante du service. Il laisse ici à ses serviteurs non pas des dons, mais une oeuvre à faire, sa volonté à accomplir, et leur confère l’autorité dont ils ont besoin. Matthieu, au contraire, insiste sur l’emploi des dons reçus, sur la nécessité de faire valoir des biens qui ont été confiés, parce que le dessein de son Évangile est de mettre en lumière le changement qui, à l’égard des espérances juives touchant le Messie, devait résulter de l’ascension du Seigneur Jésus et de la place qu’il allait occuper dans les cieux. Or, c’est depuis le ciel que Jésus distribue des dons aux hommes, chose entièrement différente de ce qui caractérisait le judaïsme.
Le chapitre 14 ne nous montre plus Jésus enseignant ses disciples, mais leur laissant, avant de les quitter, le dernier gage de son amour. « Les principaux sacrificateurs, avec les scribes, cherchaient comment ils pourraient se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir ». À Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, « une femme ayant un vase d’albâtre rempli d’un parfum de nard pur et de grand prix, ayant brisé le vase », le répandit sur la tête de Jésus, oignant ainsi « son corps pour sa sépulture ». Cet acte de foi et d’amour fut l’occasion de manifester les pensées secrètes de plusieurs des disciples, et de révéler aussi le coeur de leur Maître, qui institue ensuite le mémorial précieux et permanent de son amour. L’état du coeur de Judas se dévoile aussi dans ces deux occasions. En contraste avec l’affection témoignée à son Maître, il forme le projet de le livrer, et, après avoir assisté au mémorial de l’amour de Jésus, il exécute sa trahison.
Le Seigneur sort avec ses disciples ; il ne va pas encore porter à Golgotha la colère de Dieu, mais il va, comme toujours avant de subir une épreuve, la porter en esprit devant son Père. La croix étant pour Jésus le point culminant de son oeuvre et de ses souffrances, il ne se pouvait pas qu’il montât au Calvaire sans avoir passé par Gethsémané.
Au chapitre 15, nous avons le récit de la crucifixion du Sauveur et de l’effet que cet événement produisit sur les siens. Les hommes, en présence du péril, firent preuve d’une honteuse lâcheté ; les femmes, au contraire, soutenues par la grâce, demeurèrent fidèles jusqu’à la fin : la force de Dieu dans la faiblesse humaine.
Je ne me propose pas de m’arrêter sur la scène de la croix et celle de la résurrection, telles qu’elles nous sont présentées dans le récit de Marc. Il y a ici, en comparaison avec d’autres Évangiles, des omissions et des additions qui indiquent un point de vue particulier. Les moqueries des brigands sont mentionnées, mais non la conversion de l’un d’eux. Marc parle d’un jeune homme qui, lors de l’arrestation de Jésus, s’échappa nu des mains de la foule. Avant la crucifixion, il nous montre Simon de Cyrène contraint à porter la croix de Jésus ; mais ses fils Alexandre et Rufus purent témoigner plus tard que Dieu n’oublia pas ce labeur (voyez Actes 19:33 ; Rom. 16:13). Marc ne parle pas des tremblements de terre qui eurent lieu à la mort et à la résurrection de Christ, ni de l’ouverture des sépulcres et de l’apparition, dans la ville de Jérusalem, des saints ressuscités. D’autre part, il cite des femmes qui avaient servi le Seigneur pendant la durée de son ministère, et qui voulaient encore le servir en l’honorant après sa mort, si la résurrection ne fût survenue, leur apportant une nouvelle lumière sur la personne de Jésus de Nazareth le crucifié.
La manière dont la résurrection est présentée au chapitre 16, est en harmonie avec le caractère spécial de notre Évangile. L’ange dit aux femmes : « Ne vous épouvantez point ; vous cherchez Jésus le Nazaréen, le crucifié ; il est ressuscité, il n’est pas ici ; voici le lieu où on l’avait mis. Mais allez, dites à ses disciples et à Pierre (parole remarquable qui ne se trouve que dans Marc, toujours en vue du ministère), qu’il s’en va devant vous en Galilée ». Pierre, qui avait méprisé de fait la parole de Jésus, bien que sans mauvaise intention, Pierre, qui n’avait pas reçu cette parole mêlée avec la foi dans son coeur, mais qui, au contraire, s’était confié en ses propres forces, fut vaincu lorsqu’il se trouva face à face avec l’épreuve, parce qu’il n’avait jamais porté la tentation dans son esprit devant Dieu. Sa chute fut honteuse. En rencontrant le regard du Seigneur, il fut profondément ému de sa conduite ; mais à mesure que son affliction augmentait, il avait besoin d’être affermi ; c’est pourquoi Jésus le nomme spécialement dans son message aux disciples. Par l’action de cette même grâce qui avait prié pour lui avant sa chute, le Seigneur voulait restaurer complètement son âme, chose qui a toujours lieu par l’application de la Parole à la conscience d’abord, puis aux affections du coeur. À vue humaine, le nom de Pierre était le dernier qui méritât une mention à cette heure solennelle ; mais la grâce de Christ lui accorda cette faveur, précisément parce que de tous il en avait le plus besoin. C’est donc encore ici, comme partout, le service de l’amour.
Quelques savants ont contesté l’authenticité de la fin de ce chapitre 16 (vers. 9 à 20), comme ils ont souillé de leurs doutes profanes le commencement de Jean 8. En parlant de ce dernier Évangile, j’aurai la tâche heureuse de défendre ce passage contre les insultes des hommes. Dieu nous a fourni un très grand nombre de preuves externes, mais il y a des preuves internes plus importantes et plus concluantes encore, qu’on apprécie en proportion de l’intelligence qu’on a de Dieu et de sa Parole. J’admets bien qu’il existe quelque disparité entre ce passage et le commencement du chap. 16 ; mais je suis persuadé aussi que le Saint Esprit avait un but spécial en donnant, au commencement et à la fin de ce chapitre, un aspect différent. Dans la dernière partie, Jésus forme ses serviteurs selon cette résurrection d’entre les morts dont il leur avait signalé l’immense importance. Lorsqu’elle eut eu lieu, comment s’imaginer que le Seigneur n’en ait pas tiré une conclusion touchant ses serviteurs et son service ? Dans ce cas, le merveilleux récit du ministère de Christ se terminerait de la manière la plus défectueuse possible, et l’Évangile de Marc finirait par ces mots : « Elles avaient peur ». Digne conclusion, vraiment, de l’oeuvre du Serviteur de Dieu ! J’admets certes le fait indubitable que les preuves externes, historiques, abondent en faveur de l’authenticité des versets 9 à 20. Mais, indépendamment de cela, impossible de ne pas voir que les passages dont on a contesté l’authenticité, s’accordent intimement avec le caractère et le dessein de tout l’Évangile de Marc. Plus encore, l’emploi de termes dont Marc ne se sert pas ailleurs, ou qu’il applique différemment, les difficultés même que présentent quelques-unes des circonstances racontées ici, sont pour moi une preuve en faveur des versets contestés ; car un interpolateur, s’il n’eût pu saisir l’esprit de l’évangéliste, se fût appliqué pour le moins à imiter son style.
La fin de l’Évangile, telle que nous la possédons dans nos versions, est en accord parfait avec le plan de Marc. Une femme, de laquelle Jésus avait naguère chassé sept démons, est choisie comme le premier témoin de la puissance de résurrection qui était dans le Fils de Dieu. Le Seigneur était venu détruire les oeuvres du démon ; Marie de Magdala le savait par une expérience personnelle, bien avant que le Christ ne fût mort et ressuscité ; mieux que toute autre, elle était donc qualifiée pour porter l’heureuse nouvelle aux disciples. Elle avait éprouvé d’une manière toute particulière les bienfaisants effets du ministère de Jésus ici-bas ; la voilà maintenant appelée à annoncer un ministère plus glorieux encore, puisque, par sa mort, Christ avait détruit la puissance de Satan dans la mort. Marie apporte le message « à ceux qui avaient été avec Lui, comme ils étaient dans le deuil et pleuraient ». Avec quels tressaillements de joie ils auraient dû recevoir cette nouvelle ; mais, hélas ! leur incrédulité les laissait plongés dans la tristesse. Ensuite « Jésus apparut sous une autre forme à deux d’entre eux, comme ils étaient en chemin, allant aux champs. Et ceux-ci s’en allèrent et l’annoncèrent aux autres ; mais ils ne crurent point non plus ceux-là ».
Il fallait que les disciples se rendent compte, par leur propre expérience, d’une chose bien importante à connaître pour la pratique du service : la dureté du coeur naturel, et par conséquent son opposition et sa résistance à la vérité, dès qu’elle le touche de près. Lorsqu’une vérité ne concerne que peu les hommes, ils ne témoignent à son égard ni crainte, ni haine, ni opposition. Ainsi le fait d’une résistance ne démontre pas seulement l’incrédulité du coeur humain, mais encore l’importance même de la vérité, à laquelle on résiste. Que de fois le Seigneur leur avait annoncé sa résurrection, et qu’ils étaient lents à accepter cette vérité, eux les serviteurs élus de Jésus ! Aussi quelle patience, quel long support ne devaient-ils pas déployer dans leur ministère futur, en songeant à la grâce dont le Seigneur avait usé à leur égard !
« Plus tard, Jésus se montra
aux onze comme ils étaient à table, et leur reprocha leur incrédulité et leur
dureté de coeur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu
ressuscité ». Tout en les reprenant, il se manifeste en Maître compatissant et
plein de grâce, qui de mauvais serviteurs savait en faire de bons ; car il
ajoute : « Allez par tout le monde, prêchez l’Évangile à toute la
création ; celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé ». Ces
paroles indiquent et l’importance de la vérité en elle-même, et la nécessité de
la confesser ouvertement devant Dieu et devant les hommes. Le baptême est la
proclamation figurative de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ ;
voilà ce qui en fait la valeur. On ne peut pas prétendre avoir reçu Christ, et
se soustraire en même temps aux difficultés et à l’opprobre d’une confession.
« Celui qui croit et qui aura été baptisé sera sauvé, et celui qui n’aura pas cru
sera condamné ». Pas un
mot du baptême dans ce dernier cas. Le baptême sans la foi ne sauve pas ;
il faut croire
. Toutefois, si un homme qui fait profession de croire, recule
devant la confession publique de Celui en qui il dit avoir cru, sa profession
de foi est absolument sans valeur.
De plus, des manifestations de puissance devaient se produire : « Ce sont ici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru ; ils chasseront les démons en mon nom ». Le pouvoir que Satan exerce encore aujourd’hui va au-devant d’une ruine totale. Ce que le Seigneur mentionne ici n’était qu’un témoignage, quoique bien puissant en lui-même, et il ne dit pas combien de temps ces signes devaient durer. En Matthieu, au contraire, quand il donne l’ordre de « faire disciples toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, leur enseignant à garder toutes les choses que je vous ai commandées », le Seigneur ajoute : « Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle ». Ce fait qu’il demeure avec les siens, il le rattache à l’évangélisation, au baptême, à l’enseignement de tous les gentils, oeuvre qui devait continuer jusqu’à la fin du siècle. Quant aux signes mentionnés en Marc, Jésus n’en indique point la durée. Ces signes ont eu lieu, et servirent à confirmer la parole des apôtres, ainsi que des croyants en général ; mais je suis pleinement persuadé que, si Dieu a montré sa sagesse en accordant un témoignage aussi extraordinaire, il l’a également manifestée dans la suppression de ce témoignage qui, vu l’état actuel de déchéance où se trouve la chrétienté, loin d’être désirable, serait d’un grand détriment. Nul doute que la suppression des miracles ne soit une preuve de notre péché et de notre condition anormale, mais elle manifeste en même temps la grâce de Dieu qui les a retirés, alors qu’ils pouvaient devenir un danger pour son peuple et obscurcir la gloire morale de Jésus. Sans entrer dans d’autres détails, j’ajouterai seulement qu’il y eut dans tous ces signes une attaque directe contre la source du mal, l’expression des richesses de la grâce de Dieu envers ce monde, la manifestation des bienfaits de la miséricorde divine, au milieu des souffrances et des misères de l’humanité. Tels ont été, me semble-t-il, les traits distinctifs du ministère d’alors.
Mais il y a encore, à la fin
du chapitre, un trait frappant que Marc seul, j’ose le dire, pouvait nous
rapporter, et qui forme la conclusion nécessaire de son Évangile. Voici ce que
dit le Saint Esprit : « Le Seigneur donc, après leur avoir parlé, fut élevé
en haut dans le ciel ». Ne penserait-on pas que Christ se repose après avoir si
parfaitement achevé son oeuvre sur la terre, d’autant plus qu’il est
ajouté : « et s’assit à la droite de Dieu » ? Tout le contraire. Notre
Évangile, qui nous représente Jésus, d’une manière si frappante et si conséquente,
comme le Serviteur de Dieu sur la terre, nous le montre encore comme Serviteur
dans la gloire. Il me semble au moins que c’est à ce point de vue que sont
ajoutées les paroles du verset 30 : « Et eux, étant partis, prêchèrent
partout, le Seigneur coopérant avec eux
, et confirmant la parole par les
signes qui l’accompagnaient ». Non seulement les disciples continuent le service
de Jésus ici-bas, en prêchant partout l’Évangile, mais encore Jésus, bien que
dans la gloire, à la droite de Dieu, coopère avec eux et confirme la parole
qu’ils annoncent. Ce trait final complète admirablement le récit logique et
suivi du ministère de Christ, et j’affirme qu’aucun faussaire quelconque n’eût
pu concevoir la pensée de la coopération de Jésus avec ses disciples, après que
la phrase précédente a parlé de son ascension dans la gloire. Prétendre, en
revanche, que les versets 9-20 sont bien inspirés, mais que Marc n’en est pas
l’auteur, c’est, de toutes les suppositions, la plus ridicule et la plus
insoutenable.
Nous avons ici, au contraire, une preuve nouvelle, que s’il est quelques portions de l’Écriture où la main divine soit plus manifeste qu’en d’autres, c’est précisément celles que l’incrédulité attaque et rejette. Selon moi, il n’y a pas, dans tout le second Évangile, de passage plus caractéristique que celui-ci, dont la témérité de l’homme n’a pas craint de s’emparer, pour l’arracher du terrain où Dieu l’avait placé. Mais ces paroles ne sont pas des paroles d’homme. Toute plante que le Père n’a pas plantée, sera déracinée. Celle-ci demeurera éternellement, en dépit de tous les efforts de la sagesse humaine.