William Kelly
Table des matières :
Le lecteur le plus superficiel ne peut manquer de remarquer la similitude entre la vérité exposée dans cette épître et celle de l’épître aux Éphésiens. L’union avec Christ, Tête de son corps, qui est l’assemblée, y occupe une place plus importante que dans toute autre portion des Écritures. La première épître aux Corinthiens présente bien la même doctrine (chap. 12), mais il est évident qu’il y est question de l’assemblée de Dieu sur la terre, dans laquelle le Saint Esprit opère activement, distribuant à chacun de ses membres en particulier, comme il lui plaît, plutôt que des saints vus en Christ dans le ciel, comme dans les Éphésiens, ou de Christ vu en eux ici-bas, comme dans les Colossiens.
Néanmoins des traits distinctifs d’une grande importance et pleins d’intérêt caractérisent ces deux épîtres ; la principale différence est que dans les Éphésiens nous avons les privilèges du Corps de Christ, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous, tandis que dans les Colossiens nous avons les gloires de la Tête, en qui toute la plénitude de la Déité habite corporellement. Cette différence, comme les autres d’ailleurs, résulte, selon la sagesse de l’Esprit, de la condition morale de ceux auxquels l’épître était adressée. Dans le premier cas (les Éphésiens), l’apôtre présente les conseils de Dieu, qui a béni les saints de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. Dans le second cas (Colossiens), la philosophie et les traditions juives avaient quelque peu entraîné les saints non sans doute à un abandon de Christ, mais à un certain mélange avec ces éléments étrangers, dans lesquels l’apôtre voyait une redoutable menace ; aussi importait-il de ramener leurs âmes à Christ, et à Christ seul, dans tous les droits de sa personne et de son oeuvre.
En raison de cet état, l’épître aux Colossiens n’embrasse pas les conseils divins dans leur immense portée et dans leur développement, ni la gloire des saints vus en Christ et unis à Christ. Tandis que, lorsque l’apôtre écrivait aux Éphésiens, rien dans leur état ne venait arrêter ou limiter l’épanchement de son coeur, et l’Esprit le rendait capable de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur et la hauteur, et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. Ici, dans l’épître qui nous occupe, il est surtout question d’exhortations propres à restaurer leurs âmes et à les avertir sérieusement. Aussi l’élément humain y est-il plus en relief. En écrivant aux Éphésiens, l’apôtre ne s’associe personne dans la salutation ; Éphèse était pourtant la capitale de l’Asie proconsulaire et elle était bien connue des compagnons d’oeuvre de l’apôtre ; elle lui était attachée, ainsi qu’à eux, par mille liens d’affection. L’assemblée de Colosses, comme telle, était au contraire parmi celles qui n’avaient jamais vu le visage de l’apôtre. Il est d’autant plus remarquable qu’il s’adjoigne Timothée dans cette épître.
« Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Timothée, le frère, aux saints et fidèles frères en Christ qui sont à Colosses : Grâce et paix à vous, de la part de Dieu notre Père » (v. 1, 2). Quant à lui, il n’était pas sans mandat, et son titre n’avait rien d’humain ; il était apôtre, non pas de l’assemblée, mais du Christ Jésus par la volonté de Dieu. Timothée est nommé avec lui, simplement comme « le frère ». De plus, l’assemblée à Colosses est qualifiée non seulement par l’expression : « saints et fidèles », comme l’étaient les Éphésiens, mais par : « saints et fidèles frères ». Il est évident que là de nouveau, alors que toutes choses sont du Dieu qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus Christ, ce mot « frères » établit leurs relations les uns avec les autres, de même que les autres termes supposent la grâce de Dieu et leur foi, sinon leur fidélité. Sa propre position apostolique est mentionnée avec une calme dignité et en relation évidente avec tout ce qui suit.
Il a été remarqué à juste titre que l’apôtre omet complètement tout ce qui aurait pu correspondre à la magnifique introduction de son épître aux Éphésiens (chap. 1:3-14). Il avait un poids sur son esprit ; il sentait le danger qui menaçait les Colossiens. Comment aurait-il pu alors donner d’emblée libre cours à des accents de bénédiction ? Le Saint Esprit est l’Esprit de vérité ; il s’occupe des coeurs et des consciences. Pourtant, si cette note élevée d’adoration ne pouvait proprement prendre place ici, il y a tout de suite une action de grâces : « Nous rendons grâces au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ… ».
L’apôtre avait entendu parler de la foi au Seigneur Jésus qui était dans les Éphésiens, et de leur amour pour tous les saints, et cela avait porté son coeur aux actions de grâces et à la prière. Il les connaissait bien et personnellement, ayant travaillé avec une grande bénédiction au milieu d’eux ; mais il était doux d’entendre parler de l’opération de l’Esprit parmi eux. Quant aux Colossiens, bien qu’il ne les connût pas de la même manière, il avait d’eux des nouvelles semblables et il pouvait ainsi toujours rendre grâces à Dieu dans ses prières pour eux.
Mais ne sommes-nous pas frappés par la différence dans la manière dont l’espérance est présentée dans les deux épîtres ? Dans les Éphésiens, c’est l’espérance de l’appel de Dieu, les richesses de la gloire de son héritage dans les saints. Qu’est-ce qui peut être plus profond ou plus étendu ? Aux Colossiens, il pouvait difficilement en dire moins qu’il ne fait. Leur espérance était réservée, elle était assurée, elle était « dans les cieux », et non pas sur la terre (en dépit de la philosophie ou des ordonnances ascétiques). Ils devaient être sur leurs gardes quant à toutes ces choses, quoi qu’elles pussent paraître ou promettre. Il voulait leur rappeler leur propre espérance, ramenant leurs regards vers les cieux où est le Christ, vraie et seule délivrance de toutes les activités de l’esprit humain dans les choses divines et de toute religiosité terrestre.
Cette espérance céleste, si bénie qu’elle fût, n’était rien de nouveau pour eux ; ils en avaient déjà entendu parler dans la parole de vérité de l’évangile. L’enseignement de l’apôtre n’allait pas affaiblir ni saper, mais plutôt confirmer ce dont ils avaient entendu parler dans la bonne nouvelle par laquelle ils avaient été convertis au début, ou (comme il l’exprime ici pour lui donner tout le poids possible face à leur recherche de nouveautés) « dans la parole de la vérité de l’évangile ». Ce n’était pas du tâtonnement intellectuel, mais « la parole », qui leur avait été envoyée, à eux expressément, la révélation de Dieu ; ce n’était pas de l’amateurisme dans les formes légales, mais « la vérité », celle de l’évangile. La loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ. L’évangile était venu à eux, il était même là, présent au milieu d’eux, et il ne changeait pas plus que Celui qui en est la somme et la substance. La vérité actuelle, même si elle est nouvelle, ne met jamais de côté l’ancienne, mais au contraire apporte les liens qui faisaient défaut, affermit les fondements et élargit la sphère dans laquelle pénètre l’esprit. Est-ce que leur philosophie, est-ce que leurs nouvelles ordonnances (ch. 2) avaient accru le sentiment qu’ils avaient de la valeur de l’évangile ? Ces choses avaient-elles exalté Christ ? Il ne faisait aucun doute que ce fût là, au contraire, ce que produisait l’enseignement de Paul, soit en général, soit dans cette épître en particulier.
En outre, puisque l’évangile était la manifestation de la bonté de Dieu en Christ et non pas la mesure du devoir humain, ni un système d’ombres religieuses, son domaine selon les intentions de Dieu n’est pas un seul pays ni une seule famille, mais « tout le monde » (v. 6) ; et son opération n’est pas de condamner le monde et de le mettre à mort, mais de porter du fruit et de croître, comme aussi il en était parmi les saints à Colosses. Ce fruit et cette croissance avaient-ils pu être constatés depuis que les Colossiens avaient adopté des conceptions nouvelles et suivi des voies légales ? Car l’évangile non seulement porte du fruit, mais croît, il possède une force de propagation. Certes, les deux traits étaient évidents dès le jour où ils avaient entendu et réellement connu la grâce de Dieu en vérité. Et cela donne au bien-aimé apôtre l’occasion de fortifier, selon son habitude, les mains de celui qui était un serviteur de Christ pour eux et qui s’employait fidèlement à ce service, « Épaphras, notre bien-aimé compagnon de service », comme il l’appelle ici avec affection. Les spéculations philosophiques et les formes judaïsantes avaient sans doute leurs défenseurs qui cherchaient à gagner la faveur des Colossiens aux dépens d’un serviteur fidèle. Nous comprenons aisément combien ces paroles de recommandation à l’égard d’Épaphras étaient nécessaires à Colosses.
Nous avons vu plus haut comment l’apôtre pouvait parler des effets de l’évangile depuis le jour où des Colossiens l’avaient entendu et où ils avaient connu la grâce de Dieu en vérité. La grâce n’est pas comme la loi. Les dix commandements sont principalement négatifs, la loi traite la plupart du temps de ce qui est mal, et le condamne ; tandis que l’évangile révèle Christ comme puissance vivifiante, une puissance qui fortifie et qui produit du fruit. Étant un principe de vie, il s’étend et croît, et porte aussi du fruit, comme l’apôtre le dit : « et… porte du fruit et croît, comme aussi parmi vous, depuis le jour où vous avez entendu, etc. ».
Ceci étant, il poursuit : « C’est pourquoi nous aussi, depuis le jour où nous en avons ouï parler (entendu parler de ce témoignage vivant de la puissance de l’évangile), nous ne cessons pas de prier… pour vous » (v. 9). Quelle magnifique expression de l’amour de l’apôtre ! Les craintes justifiées qu’il nourrissait quant aux tendances de ces saints à Colosses ne faisaient que l’inciter à prier d’autant plus pour eux… « Et de demander pour vous que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté ». Ils avaient plutôt montré l’inverse. Ils avaient éprouvé un vide dans leurs coeurs, et ils avaient cherché à le combler par des ordonnances légales et par la philosophie, mais vainement. Seule une connaissance intelligente et croissante de Christ peut satisfaire le coeur renouvelé. Même la miséricorde qui délivre une âme devient un danger si Christ lui-même ne reste pas l’objet constant du coeur ! Hélas ! la liberté qu’apporte l’évangile peut conduire à prendre les choses divines à la légère et à mondaniser plus ou moins ; mais alors, il est rare que l’âme possède une grande mesure de jouissance spirituelle et cela ne va jamais de pair avec une paix solide. L’âme est ainsi rendue inconstante et indécise. Cette instabilité peut durer un certain temps, jusqu’à ce que Dieu opère plus profondément dans le coeur. C’est dans cet état que se trouvaient les Colossiens ; ils n’avaient pas progressé avec persévérance dans une connaissance plus complète de la volonté de Dieu, de sorte que Satan avait trouvé le moyen de les troubler. Ils avaient goûté la première manifestation précieuse de la grâce ; c’était réel, mais non pas profond ; car connaître la grâce de Dieu en vérité n’est pas la même chose qu’être rempli de la connaissance — ou de la pleine connaissance — de Sa volonté.
La loi ne donne jamais cela, dans la moindre mesure ; elle est un juste frein à la volonté de l’homme. Aussi n’y a-t-il qu’un seul commandement — je pense à celui qui concerne le jour du sabbat — qui n’a pas distinctement ce caractère. Ce qui est négatif ne peut jamais former les voies d’un chrétien. Ce qu’il lui faut moralement, c’est l’attachement à tout ce qui est bon. Comment cela s’effectuera-t-il ? De même que la communication de la vie est en Christ, c’est de lui aussi que vient la capacité d’être rempli de la connaissance de la volonté de Dieu, en toute sagesse et intelligence spirituelle. Le croyant n’est pas traité par Dieu « comme un cheval ou un mulet qui n’ont pas d’intelligence » (Ps. 32:9), mais comme un être intelligent et aimant qui est amené en communion avec Dieu. Il ne serait pas un homme affranchi si sa propre volonté le dirigeait, c’est bien plutôt l’opposé du fait d’être rempli de la connaissance de la volonté de Dieu, et c’est pourquoi l’apôtre prie pour eux, demandant qu’ils le soient.
Dans l’épître aux Éphésiens, bien qu’il soit parlé en termes magnifiques de la volonté de Dieu (ch. 1), l’apôtre n’avait pas besoin comme ici de demander pour eux la connaissance de cette volonté. Leur coeur avait saisi cette vérité de sorte qu’il n’était pas nécessaire que Paul priât ainsi à leur égard. Il désire pour eux à la fois une connaissance plus profonde de leur position et une jouissance plus riche de Christ afin qu’ils soient remplis de la plénitude de Dieu — fortifiés en puissance par son Esprit. Mais être rempli de la connaissance de sa volonté, comme nous l’avons ici, a évidemment affaire avec la marche pratique : « Pour marcher d’une manière digne du Seigneur ».
En d’autres termes, dans les Colossiens l’accent est fortement mis sur la marche ; c’est davantage la formation de l’enfant : il s’agit de fortifier, guider et aider celui qui ne sait encore marcher que faiblement. Dans les Éphésiens, il s’agit de la communication du Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ à ses enfants, qui ne sont plus des nouveau-nés, mais des hommes faits. Aussi, les relations, les sentiments, l’héritage, les intérêts, les responsabilités de la famille nous sont-ils présentés là d’une manière très complète. Les Colossiens avaient été égarés par les pensées de docteurs qui eux-mêmes erraient. Bien que les saints fussent sérieux, quelque chose les aveuglait. « Si donc ton oeil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière ». S’ils n’avaient pas été gouvernés par leurs propres pensées, ils auraient certainement rejeté ces fausses notions. C’est une vérité simple, mais qu’il est très important de retenir, que l’esprit et, par conséquent, la marche d’un chrétien sont nécessairement formés par ce qui lui est présenté comme la volonté de Dieu. Si donc je suis induit en erreur quant aux pensées et aux buts de Dieu, l’effet pratique sera des plus pernicieux ; et plus on est sincère plus on s’écartera. Mais l’apôtre avait prié pour les Colossiens, et il continuait à demander qu’ils fussent remplis de cette connaissance de la volonté de Dieu (v. 9).
Dans ce passage, il y a contraste avec la marche d’une personne qui, si bien disposée soit-elle, se trouve encore sous la loi. Plus le chrétien a connaissance de la volonté de Dieu, qui est pleine de grâce autant qu’elle est sainte, plus son bonheur s’accroît, et aussi sa force ; tandis que la loi opère de manière à produire la misère morale et à convaincre de faiblesse totale. Sans doute, s’il y avait un profond sentiment de la présence de Dieu, peu importerait avec qui nous pourrions nous trouver, hommes du monde ou enfants de Dieu. Naturellement nous nous comporterions différemment avec eux, suivant leur relation avec Dieu ou leur ignorance de Lui ; de fait cependant, nous sommes toujours profondément influencés par les personnes que nous fréquentons ; nous sommes affectés par ceux auxquels nous sommes mêlés et nous les affectons en retour. Il est évident, par conséquent, que si Christ était devant l’âme du croyant comme une personne révélée, la marche de celui-ci s’en ressentirait, dans la proportion même où il réaliserait sa vraie relation avec Lui. Si je connais ma position comme étant uni à Lui, et que je le connaisse, Lui, comme mon chef et mon époux, si je l’ai comme objet de mon coeur, il est clair qu’une marche toute différente en résultera. La mesure et le caractère de la marche parmi les enfants de Dieu sont déterminés par la mesure de notre intimité avec Christ, là où la chair est suffisamment jugée pour que nous jouissions de cette intimité.
Mais remarquez que jusqu’ici, l’apôtre n’aborde pas les points dans lesquels les Colossiens avaient pu manquer. Il ne le fera même qu’un peu plus loin, au milieu du chapitre 2, et il leur dira alors clairement en quoi ils étaient à blâmer. Il est très important pour nous d’y faire attention ; car si notre but est réellement le bien des âmes, leur délivrance et leur aide, il nous faut considérer de quelle manière Dieu nous conduit à les rencontrer pour les rendre capables d’éviter le piège. Et nous ne pouvons mieux l’apprendre qu’en observant et en nous attachant à suivre les directions que le Saint Esprit nous donne dans des passages de l’Écriture tels que ceux-ci. Nous sommes repris dans la façon dont nous agissons trop souvent envers nos semblables, en considérant la grâce admirable de l’apôtre et sa lenteur à en venir au fait. Importante leçon pour nous ! D’après le début de cette épître, nous pourrions presque penser que ces Colossiens se trouvaient en très bonne condition spirituelle. L’apôtre met le plus grand soin à n’introduire que graduellement ce qui le peinait et devait les peiner aussi. Il sape et mine, pour ainsi dire, la citadelle, afin de la prendre ; mais c’est un long travail, quoique sûr.
Une autre expression mérite ici notre attention : « Pour marcher d’une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous égards ». Il n’est pas dit : digne de l’évangile, ni digne de notre appel, etc. Telle n’est pas la forme de l’exhortation ici. Les Éphésiens étaient suffisamment libérés de ces mauvaises influences et ils pouvaient être instruits en toute liberté de l’appel de Dieu auquel ils avaient été appelés ; aussi leur est-il enjoint de « marcher d’une manière digne de l’appel ». Mais aux Colossiens, l’apôtre écrit : « digne du Seigneur ». Il ne serait pas tellement facile pour eux de se débarrasser de l’emprise de la philosophie et des ordonnances. Les Éphésiens avaient été entièrement préservés de cette erreur ; aussi sont-ils exhortés à marcher d’une manière digne de ce qu’ils savaient être leur position.
Le Seigneur Jésus étant placé devant nous, comme il l’est ici, la mesure est : « pour lui plaire à tous égards » ; ce n’est pas pour nous plaire à nous-mêmes ou aux autres, mais pour Lui plaire. Quelle différence complète avec la loi qui se contentait de demander telle ou telle chose et rien de plus ! Les voies de la grâce devaient être illimitées : « d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards ». Aussi est-il immédiatement ajouté : « portant du fruit en toute bonne oeuvre ». Tout est positif et non simplement négatif comme les exigences de la loi. « Croissant par la connaissance de Dieu » semble être ici la pensée principale. Cela fait allusion aux moyens de la croissance chrétienne. Je pense que les expressions « sagesse et intelligence spirituelle » parlent de la perception de ce qui est bon et sage aux yeux de Dieu, indépendamment d’un commandement exprès de sa part. Je pourrais faire une chose simplement parce que quelqu’un d’autre le désire, et certes cela est tout à fait à sa place là où il y a une autorité reconnue. Par exemple, mon père peut m’ordonner de faire telle ou telle chose, et je la fais peut-être sans savoir pourquoi ; mais là c’est Dieu mon Père qui, en même temps, m’en montre l’importance.
Ainsi la « sagesse » selon Dieu discerne-t-elle la beauté et la valeur d’une vérité donnée, et l’« intelligence spirituelle » en fait-elle la juste application. L’une saisit la cause, l’autre s’occupe de l’effet. En cela donc, l’évangile différait de la loi. Qu’une personne entrât ou non dans la signification de la loi, elle obéissait simplement parce que Dieu l’ordonnait. Cela ne s’élève pas à la nature de l’obéissance chrétienne, qui jouit de la pensée de Dieu révélée en Christ ; on n’y voit donc pas seulement l’autorité de Dieu, on admire la perfection du caractère de cette autorité et ses effets en grâce. Il est tout à fait convenable qu’un subordonné, un serviteur, un enfant, apprenne à obéir ne serait-ce que pour établir solidement l’obéissance. Mais ce n’est pas là le principe chrétien. L’obéissance d’un chrétien n’est pas la passivité d’un aveugle conduit par un aveugle, ni même par un voyant, elle est plutôt le fait d’un voyant conduit par un voyant. Bien plus que cela : il ne s’agit pas seulement que des personnes soient vivifiées et portent du fruit, mais qu’en outre elles croissent par et dans une connaissance plus profonde de Dieu lui-même. Cet approfondissement de leur connaissance de Dieu, qui va de pair avec la connaissance de sa volonté, est chose essentielle dans le sentier de l’obéissance. Dieu est mieux connu, on entre mieux dans son caractère, on apprend à le connaître intimement. Un autre point de grande importance, c’est que non seulement la connaissance augmente, mais que l’on est « fortifié en toute force, selon la puissance de sa gloire ». Cela suppose que la gloire de Christ a un effet décisif sur la manière dont la force est formée dans l’âme ou lui est communiquée.
Si je considère Christ sur la terre, je le vois dans la faiblesse, rejeté, sous l’opprobre, mais en même temps rempli de la grâce la plus profonde, et nulle part autant que sur la croix. Nous ne pouvons pas nous passer de cette grâce, et le pourrions-nous que nous ne le voudrions pas (en vérité Christ est partout infiniment précieux et nous est absolument nécessaire) ; toutefois pour le chrétien, la position de force consiste à regarder à Christ ressuscité et glorifié. Sans doute cette pensée de Christ comme celui qui a passé dans ce monde éveille les affections, de même que la croix répond aux besoins de la conscience ; mais ni l’une ni l’autre ne donnent la force en elle-même, ni ne sont le moyen prévu par Dieu pour donner tout ce dont nous avons besoin.
Ceux donc qui connaissent quelque peu Christ trouvent sûrement en Lui la vie et la bénédiction, mais ils ne seront jamais fortifiés si leur coeur n’est occupé que de la marche du Seigneur sur la terre. Qu’est-ce alors qui supplée à ce besoin ? Il convient de peser ce qui est dit en 2 Cor. 3:18 : « Nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire ». Voilà ce qui donne pratiquement la force. De même ici la question de la puissance est liée à la gloire de Christ. S’il s’agit de sympathie, c’est toujours en rapport avec sa vie ici-bas : dans l’épître aux Hébreux par exemple, bien que Christ nous y soit présenté à la droite de Dieu, il est pourtant celui qui a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché, et qui est ainsi capable de sympathiser à nos infirmités. Cela est du plus grand réconfort quant à la puissance de sympathie. La vie éternelle et la force sont deux choses très différentes.
La seule idée chez plusieurs croyants est de suivre Christ comme modèle. Certes c’est admirable ; mais qu’est-ce qui en donnera la force ? Je dois d’abord être en relation avec Dieu, posséder la vie éternelle et ensuite ce qu’il me faut c’est de la force. Je ne suis dans la position qui est celle du croyant que lorsque je connais la rédemption par le sang de Christ ; et quant à la puissance, je ne la trouve qu’en Christ ressuscité et glorifié. La source de la puissance n’est pas dans la contemplation de ce qu’il était ici-bas, mais dans la conscience de la gloire qui est en lui, la puissance de cette gloire réalisée remplissant mon coeur et me donnant l’assurance d’être avec Lui. Je ne redouterai pas alors d’être rejeté comme Christ l’a été ici-bas, étant fortifié… « pour toute patience et constance, avec joie ». C’est un monde mauvais que celui que nous traversons ; mais nous avons ce précieux secret : la conscience des bénédictions meilleures que nous possédons en Christ. C’est pourquoi, laissez-moi le souligner, nous devrions traverser l’épreuve tout autrement qu’un homme courbant la tête mais seulement résigné. Que ce soit dans la puissance de sa gloire, avec joie, « rendant grâces au Père qui nous a rendus capables de participer au lot des saints dans la lumière ».
C’est une capacité présente.
Participer au lot des saints dans la lumière est une faveur merveilleuse ;
l’apôtre n’hésite pas à la reconnaître à ces Colossiens qu’il va pourtant
reprendre solennellement dans le chapitre suivant. Il affirme encore que le
Père nous a qualifiés pour participer au lot des saints dans la lumière. « Dans
la lumière » est ajouté à dessein pour montrer combien l’effet de l’oeuvre de
Dieu en Christ est absolu. Ce n’est pas simplement l’héritage, parce que
celui-ci ne comporte pas en lui-même l’idée d’une sainteté sans compromis,
comme le fait la lumière. De plus, le lot des saints dans la lumière n’est pas
sur la terre ou simplement dans les cieux, mais dans la lumière où Dieu habite
comme tel. Place merveilleuse pour nous ! Notre Père nous en a
rendus capables. L’effet de la loi est toujours de tenir
Dieu à distance. C’est pourquoi ici le Père est mis en avant.
Bien des personnes, tout en possédant la vie en Christ, ne regardent à Dieu qu’en tant que Créateur et Juge ; elles ne sont pas à l’aise avec le Père. Elles font de Christ ce que les catholiques romains font de la vierge Marie. C’est une erreur complète. D’où la nécessité de mettre le Père particulièrement en évidence. Il n’y avait pas cette nécessité à l’égard des Éphésiens ; ils étaient intelligents dans la vérité. Ici, bien que le grand objet soit de présenter Christ et sa gloire illimitée comme excluant les ordonnances, l’apôtre introduit le Père, et le montre agissant dans son amour. L’amour parfait est associé au fait que nous avons été rendus propres dès maintenant pour la lumière, et c’est là une vérité magnifique. Quant à la lumière, le chrétien s’y trouve en permanence, mais il se peut qu’il ne marche pas toujours en accord avec elle. Un chrétien, s’il pèche, pèche dans la lumière, et c’est ce qui donne à son péché un caractère si offensant. Il peut être lui-même, pratiquement, dans un état de ténèbres ; il est néanmoins toujours dans la lumière, et son péché est rendu grave précisément parce qu’il est commis dans la lumière. Il le commet en présence de l’amour parfait comme de la lumière. Il n’a donc aucune excuse.
Cette bénédiction d’avoir part au lot des saints dans la lumière dépend de deux choses : d’abord de la vertu du sang de Christ qui a complètement expié nos péchés, et ensuite du fait que la vie de Christ nous a été communiquée et nous rend capables d’être en communion avec Dieu dans la lumière. Ces deux dons de grâce sont absolument vrais pour tout chrétien. Il a le sang de Christ qui le purifie autant qu’il peut jamais l’être, et il a la vie de Christ communiquée à son âme autant qu’elle peut jamais l’être. Dans la suite on acquiert, après l’expérience de ces choses (car je ne parle pas ici du service et de tout ce qui s’y rattache, mais de croissance en intelligence), une appréciation plus profonde de ce que le sang de Christ a fait et de ce que Christ est lui-même, lui qui nous a manifesté une telle faveur illimitée et qui a tant fait pour nous.
Notre Père a fait plus encore. L’apôtre montre en effet aussitôt comment nous sommes qualifiés en vue de cette faveur : Il « nous a délivrés du pouvoir des ténèbres ». Il ne s’agit pas simplement de mauvaises oeuvres, mais du pouvoir des ténèbres. Comment donc être arrachés à Satan ? L’apôtre déclare aux Colossiens qu’ils ont été non seulement délivrés, mais bien plus que cela, « transportés dans le royaume du Fils de Son amour » . Tout a été accompli en perfection. La délivrance du pouvoir de l’ennemi de Dieu est complète, et pareillement notre introduction dans le royaume du Fils de son amour. « En qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés ». Certaines versions, à la suite du texte reçu, ajoutent « par son sang » ; mais en fait cette expression appartient à l’épître aux Éphésiens, d’où il est probable que des copistes l’ont transportée ici à tort. Il y a une plénitude plus grande dans l’épître aux Éphésiens que dans celle aux Colossiens : la première nous montre comment nous pouvons être si richement bénis en dépit de la mention de nos péchés au cours de l’exposé ; mais ici, nous avons le simple sommaire de la bénédiction : « Christ… en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés ». Et aussitôt l’apôtre enchaîne : « qui est l’image du Dieu invisible ». Son but n’est manifestement pas tant d’insister sur l’oeuvre de Christ que de souligner sa gloire personnelle.
Il n’est jamais dit de Christ
qu’il fût la ressemblance
du Dieu
invisible parce que cela impliquerait qu’il n’était pas réellement Dieu. Ce
serait une erreur fatale, car il est
Dieu
(sinon la gloire de Dieu et la rédemption seraient vaines) ; toutefois il
est l’image
du Dieu invisible, car il
est la seule Personne de la Déité qui ait fait connaître Dieu (voir Jean 1:18).
Le Saint Esprit ne manifeste pas Dieu. Certes il manifeste sa puissance, mais
pas Dieu lui-même ; tandis que Christ est « l’image du Dieu invisible ». Il
a présenté Dieu en perfection ; il est la vérité objectivement. Celui qui
l’a vu a vu le Père. Il était toujours la Parole, Celui qui manifestait Dieu.
Le mot « image », comme cela a été remarqué, est constamment employé dans
l’Écriture pour « représentation ». Telle est la pensée première. Christ est
l’image du Dieu invisible.
La gloire suivante, c’est
qu’il est le premier-né de toute la création. Cela paraît évidemment en
opposition avec le fait qu’il est l’image du Dieu invisible. Christ est devenu
homme aussi véritablement qu’il était et qu’il est Dieu. Il devint
chair. Il n’est jamais dit et il
ne pourrait jamais être dit qu’il devint Dieu. Il a participé au sang et à la
chair dans le temps, mais de toute éternité il est Dieu. Après avoir montré
qu’il était l’image du Dieu invisible, l’apôtre le présente comme le Premier-né
de toute la création. Comment cela pouvait-il être ? Adam était le
prototype ; nous aurions pu penser qu’il
était le premier. Mais
ici, comme ailleurs (par exemple au Ps. 89:27), le titre de premier-né est pris
dans le sens de dignité plutôt que de simple priorité dans le temps.
Adam était le premier homme,
mais il n’était pas ni ne pouvait être le premier-né. Comment a-t-il pu être
dit de Christ, venu si tard quant à sa naissance ici-bas, qu’il était le
premier-né ? La vérité est que si Christ est devenu un homme et a pris
place dans les rangs de la création (*), il ne
pouvait rien être d’autre que le premier-né. Il est le Fils et l’Héritier. De la
même manière, nous sommes maintenant par grâce appelés l’assemblée « des
premiers-nés », bien qu’il y ait eu des saints avant l’assemblée. C’est une
question de rang, non pas de date. Christ est véritablement le premier-né de
toute la création ; jamais il n’a pris la place d’une créature avant de
devenir homme, et alors nécessairement il doit être le premier-né. Fût-il né en
fait le dernier, il n’en serait pas moins le premier-né ; car cela n’a
rien à voir avec l’époque de sa venue, mais avec sa dignité intrinsèque. Tous
les autres n’étaient que les enfants d’Adam, l’homme déchu, et aucun ne pouvait
en aucun sens être le premier-né. Jésus était aussi véritablement homme qu’eux,
mais avec une gloire totalement particulière. Ce qui rend la chose d’autant plus
manifeste c’est qu’ici il est déclaré être le premier-né de toute la création « car
par lui ont été créées toutes choses ». Le motif est ainsi parfaitement clair.
Celui qui entrait dans la sphère de la création humaine était le Créateur et,
par conséquent, devait nécessairement être le premier-né. Telle est la
signification simple et sûre de ce passage, qui confirme de la manière la plus
absolue la déité de Christ au lieu de l’affaiblir le moins du monde, comme
quelques-uns l’ont pensé par suite d’un étrange manque de compréhension, au
point de changer fautivement le texte en « né avant toute création ». Aucun autre
passage, en réalité, ne souligne davantage Sa dignité.
(*) Christ n’est pas et ne pourrait pas être appelé créature (Ktisma) ; car ce serait dérogatoire au fait qu’il est le Créateur. Il est appelé le premier-né de toute la création (Pases Ktiseos) et aussi le commencement de la création (Ktiseos) de Dieu.
Il est donc d’abord dit de
Lui qu’il est l’image du Dieu invisible. Puis nous avons sa place comme homme,
dans laquelle il était le premier-né parce que, étant Dieu, il ne pouvait en
être autrement. Dans les Hébreux, il est dit qu’il a été fait héritier de
toutes choses, en tant que Fils de Dieu. Mais ici nous lisons : « Toutes
choses ont été créées par
lui » c’est-à-dire en vertu de sa propre
puissance divine.
« Car par lui ont été créées
toutes choses, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la
terre, les visibles et les invisibles, soit trônes, ou seigneuries, ou
principautés, ou autorités : toutes choses ont été créées par lui et pour
lui » (v. 16). Tout cela touche à des sujets que nous connaissons peu ou qui
nous dépassent. Après avoir considéré les effets de sa puissance, nous voyons
les effets de ce qu’il est, Christ agissant à la fois en vertu de son propre
droit divin, et comme instrument pour la gloire de Dieu le Père. Toutes choses
ont été créées par Lui. Le mot « créées » est différent d’un cas à l’autre :
au début de verset, c’est une action passée, à la fin, c’est l’effet présent
d’une action passée, le premier cas exprimant la puissance qui a amené à
l’existence, le second, davantage le résultat présent de cette puissance. « Et
lui est avant toutes choses » (non seulement avant toutes les choses, mais avant
tout
, — Dieu excepté, naturellement). Et ce n’était pas simplement que
toutes choses ont été créées, mais qu’elles l’ont été pour son plaisir :
« Et toutes choses subsistent par lui » (ou : en vertu de lui — expression
qui donne une idée plus claire et plus intime). Le but ici est de ne rien
laisser d’imprécis dans l’exaltation de Christ.
Mais encore : « Il est le
chef du corps, de l’assemblée, lui qui est le commencement, le premier-né
d’entre les morts, afin qu’en toutes choses il tienne, lui, la première place »
(v. 18). Nous en trouverons une raison dans ce qui suit. Il est intéressant de
lui reconnaître deux primogénitures très distinctes : il est le premier-né
de toute la création, parce qu’il
est le Créateur ; et le
premier-né d’entre les morts, comme état de fait nouveau, simple et important.
Ainsi Christ n’est pas seulement le Chef de la création comme homme, mais il
est le premier-né d’entre les morts en tant que ressuscité. C’est en rapport
avec cela qu’il est le Chef de l’Assemblée. Il n’était pas dans une telle relation
sur la terre ; il n’était pas tel simplement en devenant homme.
L’incarnation est une vérité absolument distincte du fait qu’il est la Tête de
l’Assemblée, fait qui implique l’union. Il est évident que s’il est le Chef du
corps, de l’assemblée, c’est en vertu de sa résurrection d’entre les morts et
de la place qui lui a été donnée dans les cieux.
Mais l’épître aux Colossiens ne commence pas d’emblée par la place céleste de Christ. L’épître aux Éphésiens le présente clairement comme ressuscité et assis, en tant que Chef. Ici, c’est plus général ; il n’est pas parlé du fait qu’il est dans les cieux. Il est « le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en toutes choses il tienne, lui, la première place ». Plusieurs confondent union et incarnation ; l’union ne réside pas dans sa participation au sang et à la chair ici-bas, mais dans le fait que nous sommes devenus membres de son corps maintenant qu’il est ressuscité et glorifié. Aucune union avec lui n’aurait été possible avant sa mort et sa résurrection et avant que le Saint Esprit n’ait été donné pour nous unir à lui dans cette condition de résurrection. Alors seulement nous avons le corps, l’assemblée, et non pas auparavant. Le Seigneur avait un corps humain, naturellement, mais le corps mystique est formé par le Saint Esprit envoyé sur la terre après que le Seigneur fut ressuscité d’entre les morts. L’un, comme né de femme, est en relation avec la terre ; l’autre l’est avec le ciel.
Avec la primauté de Christ en toutes choses (v. 18), deux grandes considérations sont placées devant nous. D’abord, « en Lui toute la plénitude s’est plu à habiter ». Il ne s’agissait pas d’une manifestation de Dieu, partielle ou si complète qu’elle fût ; il aurait pu en être ainsi en n’importe quel homme ; mais ici, toute la plénitude s’est plu à habiter en Lui. Telle est la vérité de la personne de Christ, la gloire du Seigneur Jésus dans son incarnation. « Celui qui m’a vu a vu le Père ». « Si moi je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, alors le royaume de Dieu est parvenu jusqu’à vous ». « Le Père qui demeure en moi, c’est lui qui fait les oeuvres » ; nous savons cependant que c’était toujours par la puissance du Saint Esprit que tout était fait et dit. Tant il est vrai que toute la plénitude s’est plu à habiter en Lui.
Nous avons relevé dans un verset précédent que c’est parce qu’il était une personne divine qu’il pouvait être appelé le premier-né de toute la création. Cela reposait sur le fait qu’il était le Dieu qui a tout créé et qui soutient toutes choses. Mais ici il y a davantage. Que toute la plénitude se soit plu à habiter en Lui, ce n’était pas seulement une question d’activité, mais de demeure, qu’il agît ou non. Par là, n’est-il pas vrai, cette affirmation est d’une grande richesse dans sa précision.
Puis, au verset 20, nous
trouvons un autre développement de la vérité qui présente la gloire de Christ,
une autre raison donnée à sa prééminence indiscutable. Par
lui, le
Christ, la réconciliation est effectuée. « En Lui, toute la plénitude s’est plu
à habiter, et par lui, à réconcilier toutes choses avec elle-même ». La phrase
me paraît construite de manière à accentuer le fait que toute
la
plénitude habite en Christ : il n’y avait pas là une personne de cette
plénitude divine agissant à l’exclusion des autres, toutes avaient un seul
conseil, non pas simplement des conseils similaires, comme un certain nombre de
créatures pourraient en avoir, mais un seul et même conseil. Le propos, bien
loin de mettre une personne en opposition avec une autre, est d’établir que la
plénitude est une à se plaire à habiter en Lui. Cela est intentionnellement
exprimé sous cette forme générale, et l’Esprit de Dieu passe alors (v. 20), par
une transition à peine perceptible, de l’existence de Christ comme Dieu-homme,
à l’oeuvre que Dieu a accomplie par Lui. La forme même employée (eis auton = à
— ou envers, avec — elle-même) ne permet pas de séparer explicitement les deux
pensées. Après comme avant l’oeuvre, la Personne de Christ est distincte et
mise en relief.
Mais l’homme était entièrement perdu, hostile, mort. Aucune gloire morale, pas même celle de la Déité en Christ, n’avait le pouvoir de le ramener. Une oeuvre plus profonde était nécessaire. « La plénitude s’est plu… par lui, à réconcilier toutes choses avec elle-même, ayant fait la paix par le sang de sa croix ». Toute la création a été ruinée par la chute ; et ici pour la première fois le vaste plan de Dieu est esquissé devant nous : la réconciliation de toutes choses, non des hommes mais des choses. C’était le bon plaisir de la Déité. Or même la Parole faite chair, même toute la plénitude habitant en Lui, ne pouvait répondre à ce que le cas avait de désespéré. Il y avait rébellion, il y avait guerre. La paix devait être faite — elle ne pouvait l’être que par le sang de la croix de Christ. En un mot, la réconciliation n’est pas le fruit de l’incarnation. Aussi bénie qu’elle soit, l’incarnation était tout à fait impuissante à cet égard. Elle place devant nous la grâce et la vérité en Christ — Dieu lui-même dans le déploiement le plus précieux de son saint amour. Rien n’est en soi plus important pour quelqu’un qui a reçu Christ que de trouver ses délices en lui, de méditer sur lui et sur ses voies morales ici-bas. Tout en lui était dans une harmonie parfaite ; une grâce incomparable brillait partout où il se mouvait. Tout était parfait et pourtant tout aurait été vain ; car l’homme était aussi stérile que le sable.
C’est pourquoi nous avons une autre étape tout à fait distincte — « … et, par lui, à réconcilier toutes choses avec elle-même ». Que toute la plénitude habitât en lui ne suffisait pas ; elle approchait Dieu de l’homme, mais non pas l’homme de Dieu. Elle s’est plu à habiter en Lui, et non d’une manière passagère. Il y avait là quelque chose de tout à fait indépendant de l’onction du Saint Esprit au temps convenable. C’était le délice constant de toute la Déité d’habiter en Lui comme homme. Mais l’homme en Adam était dans un tel état de perdition que cela ne pouvait le délivrer ; il ne pouvait en être fini ainsi avec le péché. Ni Dieu lui-même, descendant sur la terre dans la personne de Christ, ni sa bonté désintéressée, ni son amour inlassable et patient, rien de ce qui se trouvait en Christ, ni le tout ensemble, ne pouvait ôter le péché ou restaurer en justice le pécheur. C’était devenu désormais une question de réconciliation « par le sang de sa croix » .
Ainsi, comme nous l’avons vu, toutes choses doivent être réconciliées ; la paix a été faite « par le sang de sa croix ». Il est doux et réconfortant de penser que tout a été fait pour assurer le rassemblement de toutes choses autour de Christ. Ce n’est plus maintenant qu’une question du temps, mesuré par la sagesse de Dieu, pour la manifestation de Christ à la tête de tout. Quant à l’efficace de l’oeuvre, rien de plus n’est à faire. Entre-temps Dieu appelle les saints qui auront tout en partage avec Christ. Comme cela est dit en Rom. 8, toute la création soupire, attendant la révélation des fils de Dieu. Ils sont les prémices. Tout a été assujetti à la vanité par le péché ; mais maintenant Celui qui est descendu, Dieu manifesté en chair, a pris sur lui le fardeau du péché et a fait la paix par le sang de sa croix. Il a ainsi accompli tout ce qui est nécessaire et pour Dieu et pour l’homme. Le prix est payé, l’oeuvre est acceptée ; de sorte que là aussi nous pouvons dire que « tout est prêt ». Dieu pourrait maintenant en justice ôter de la face de la création toute trace de misère et de ruine ; s’il attend, ce n’est que pour sauver un plus grand nombre d’âmes. Sa longue patience est salut. Les ténèbres et la faiblesse disparaîtront lorsque notre Seigneur viendra avec ses saints. Pour le monde, son apparition avec eux en gloire sera le moment critique. La révélation du ciel de Christ et de l’Église n’a pas lieu lors de l’enlèvement, lequel doit la précéder. La révélation est la manifestation devant le monde de l’Époux et de l’Épouse alors glorifiée.
Ayant ainsi introduit la
réconciliation universelle des choses créées, l’apôtre se tourne vers ce à quoi
elle était si intimement liée : « Et vous qui étiez autrefois étrangers et
ennemis quant à votre entendement, dans les mauvaises oeuvres, il vous a
toutefois maintenant réconciliés ». Je ne doute pas que le contraste soit voulu.
La réconciliation de toutes choses n’est pas encore accomplie. Le fondement en
est posé pour toutes
sans exception, mais ce n’est pas réalisé. En
attendant, c’est réalisé pour nous
qui croyons. Nous qui étions dans
cette terrible condition, il nous a « maintenant réconciliés dans le corps de sa
chair, par la mort ». Remarquez de nouveau que le corps de sa chair,
l’incarnation en elle-même, ne suffisait pas, ne pouvait pas suffire et pas
davantage toute la plénitude de la Déité habitant en lui corporellement. Pour
l’homme coupable, il fallait que ce fût « par la mort ». Ce n’était pas par la
naissance ou la vivante énergie de Christ, mais « par la mort » — non par ses
actes, si bénis fussent-ils tous, mais par ses souffrances. « Le sang de sa
croix » introduit bien davantage l’idée d’un prix payé pour la paix. Sa « mort »
semble être plus appropriée comme le fondement de notre réconciliation. En tout
cas « dans le corps de sa chair, par la mort », contredit la pensée selon
laquelle l’incarnation aurait été le moyen de la réconciliation. Cela introduit
des considérations morales et montre, de la manière la plus solennelle, le
maintien des droits de Dieu, le juste fondement de notre pardon et de notre
paix ainsi que notre délivrance de tout le fardeau et de toutes les
conséquences du péché.
« Pour vous présenter saints et irréprochables et irrépréhensibles devant lui ». Aussi bénie que soit la mort de Christ — au point que Dieu lui-même ne peut trouver aucun défaut en nous, ni supporter aucune accusation contre nous, telle est la signification ici — quelque parfaite que soit l’efficace de cette mort de Christ en notre faveur, cela suppose néanmoins que nous tenions ferme : « … si du moins vous demeurez dans la foi, fondés et fermes, et ne vous laissant pas détourner de l’espérance de l’évangile ». Je tiens positivement ce mot « si » pour une condition et rien d’autre. Il en est autrement au chapitre 3 : « Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, etc ». . Le mot est le même, mais il a là le sens de « puisque ». Il convient toujours en effet de considérer le contexte. Notre verset implique, à mon avis, une condition, tandis qu’au chapitre 3 l’apôtre raisonne et exhorte simplement en partant d’un fait établi, ce qui n’aurait aucun sens au chapitre 1.
À peu d’exceptions près,
chaque homme avant sa conversion est naturellement disposé à bâtir sur sa
propre justice. Mais lorsqu’on s’est reconnu perdu, et néanmoins justifié par
la foi en la pure grâce de Dieu en Christ, on a souvent tendance à tomber
violemment dans l’extrême opposé. Puis, à mesure qu’on avance dans la vérité,
les vues particulières font place à ce qui est infiniment plus vaste : la
pensée de Dieu telle qu’elle est révélée dans sa Parole. Cette Parole contient
des déclarations inconditionnelles, qui sont à prendre dans tout leur
absolu ; elle en contient d’autres qui comportent des conditions, et elles
doivent être présentées elles aussi dans toute leur force. Ce n’est pas à la
justification que l’apôtre pose ici une condition : sur ce terrain, la
grâce justifie l’impie, aucune condition ne peut intervenir, ce serait une négation
de la grâce. Il n’en existe pas moins des conditions incontestables, mais à
propos de quoi ? Dieu ne nous permet pas de savoir avec certitude quels
sont, parmi ceux qui professent le nom de Jésus, ceux qui croient réellement en
Lui. Même dans ces premiers jours du christianisme, il se trouvait des gens qui
ne suivaient la vérité que pour un temps et qui l’abandonnaient ensuite ;
d’autres délaissaient peu à peu le pur évangile pour la philosophie et les
ordonnances, ou, tout au moins, étaient enclins à les ajouter à l’évangile.
Aussi l’apôtre dit-il : « si du moins
vous demeurez dans la foi » (v.
23). Il avertit ceux qui sont nés de Dieu afin qu’ils persévèrent dans la
foi ; mais en même temps il est d’autres choses à ne pas perdre de
vue : est-ce que de vrais enfants de Dieu ne peuvent pas vaciller et même
glisser pour un temps dans l’erreur ? Eh bien je ne puis pas dire de
quelqu’un qui abandonne la foi, qu’il est saint et irréprochable devant Dieu.
On peut avoir de l’espoir en raison de faits précédents ; mais tant qu’une
âme est ainsi détournée par l’ennemi loin de la vérité fondamentale, je ne peux
pas, ni ne dois parler d’elle avec trop de confiance comme étant de Dieu. Ce
serait méconnaître la gravité d’une telle incrédulité et accroître le danger
pour son âme que de la traiter avec légèreté. C’est pourquoi l’apôtre
dit : « Si du moins vous demeurez ». Un principe similaire s’applique à
celui qui vit à l’ombre d’un péché non jugé.
C’est ainsi qu’en 1 Cor. 5, nous voyons qu’un homme coupable d’un péché grossier et par la suite retranché doit être traité comme un « méchant » bien que le Saint Esprit, dans le même chapitre, affirme que le but recherché est que son esprit soit sauvé. Et la seconde épître prouve que malgré tout, il était un vrai croyant et que, une fois qu’il s’était repenti, il devait être réintégré dans la communion. Naturellement le Saint Esprit connaît tout d’une manière parfaite, tandis que, en ce qui nous concerne, nous ne pouvons juger que de ce que Dieu estime bon de manifester clairement devant nos yeux. Cela a une valeur pratique pour nos âmes, car il est souvent difficile de se comporter équitablement envers une personne hors de communion. Nous sommes enclins à passer trop légèrement sur de tels cas, et quel est le résultat d’un tel traitement à leur égard ? Ils traînent dehors. À l’intérieur la puissance de restauration est faible. Le péché est jugé superficiellement. Si nous ressentons la chose profondément, nous désirons avec ardeur ramener la personne. Cela devrait être une douleur, une peine profonde, chaque fois que des âmes sont retranchées de la Table du Seigneur. Notre désir devrait alors être toujours de savoir qu’elles se sont jugées elle-mêmes, et de les voir restaurées.
Il n’est pas dit : si du
moins vous demeurez dans votre foi, mais « dans la
foi ». Lorsque Paul
parle de la foi commune, il pense à ce qui est cru. Ainsi lorsqu’il parle de la
« seule foi », il ne fait pas allusion à la réalité de notre
foi, mais à la vérité objective reçue. Vrais croyants ou non,
s’ils abandonnaient la foi, comment pouvaient-ils être reconnus comme
tels ? Dans les temps modernes on a beaucoup rejeté les gens en fonction
de critères intérieurs ou subjectifs, tandis que « la foi » est la révélation
offerte à la foi en dehors de l’homme. C’est une grande grâce que dans ces
derniers jours, une place aussi éminente ait été donnée à la vérité, la vérité
dans la personne de Christ. On ne peut se prononcer d’une manière absolue sur
la foi de quelqu’un, mais nous pouvons juger si ce qu’il professe est bien la vérité
ou non. Si un homme professe la foi et que rien ne vienne la contredire, dans
ses paroles et dans ses voies, l’amour reconnaîtra qu’il s’agit d’une foi
réelle. Une personne peut être sincère dans ce qui est faux ou peu sincère dans
ce qui est juste ; mais la vérité est une pierre de touche inflexible. Si
l’on jugeait sur la base du coeur d’un individu, on ne pourrait jamais se
prononcer ; car qui peut le sonder sinon Dieu ? Si l’on agit sur le
terrain de la vérité
que saisit la foi, aussitôt qu’un homme marche
contre elle, abandonnant ce qu’il a professé, nous sommes tenus de juger cela,
laissant la question de la foi de son coeur entre les mains de Dieu.
L’apôtre exhorte aussi : « Ne vous laissant pas détourner de l’espérance de l’évangile » . Les saints de Colosses étaient en danger de s’écarter, car ils s’efforçaient de parvenir à une plus grande sainteté par l’ascétisme ou d’autres efforts, au lieu de recourir à Christ pour se juger eux-mêmes. Mais non, dit l’apôtre ; c’est dans le corps de sa chair, par la mort, que vous êtes présentés saints et irréprochables, si du moins vous demeurez dans la foi… ne vous laissant pas détourner de l’espérance de l’évangile que vous avez ouï. Qu’est-ce que « l’espérance de l’évangile » ? Elle est en un Christ céleste mort pour nous et nous donnant l’assurance d’être avec Lui. L’espérance d’Israël (on ne peut guère dire de la loi) était la terre ; l’« espérance de l’évangile », elle, est céleste. Les Colossiens, en grande partie à leur insu, mais en fait, perdaient de vue leur espérance céleste, car la pensée d’ajouter à Christ la philosophie ou des ordonnances charnelles tend à priver l’âme de Christ.
Paul parle de l’évangile qui avait été prêché dans toute la création en ajoutant : « duquel moi, Paul, je suis devenu serviteur ». L’apôtre met en avant ce dont quelques-uns, alors comme aujourd’hui, faisaient bon marché — le fait d’être un serviteur de l’évangile ! Il ne regarde pas à ce qui l’exalterait aux yeux des professants, mais à ce qui donne gloire à Dieu et à sa grâce en Christ. C’est pourquoi l’accent est mis ici sur « moi » (cf. 1 Tim. 1:13, 14).
Il me semble que certains de ceux qui exerçaient une mauvaise influence à Colosses méprisaient l’évangile. Ils l’estimaient peut-être bon à sa place pour éveiller les inconvertis ; mais en quoi concernait-il des chrétiens ? L’apôtre insiste non seulement sur la dignité mais aussi sur le côté complet de l’évangile. Sans doute, un chrétien n’en a pas besoin de la même manière que l’inconverti ; car le croyant est quelqu’un qui a trouvé le repos, qui a la rémission des péchés, la justification, l’adoption, etc., alors que l’incrédule n’a aucun lien réel avec Dieu. Aussi un croyant n’écoute-t-il pas l’évangile comme s’il s’agissait d’une voix étrangère ou comme s’il ne l’avait pas véritablement reçu. Mais il se réjouit toujours en lui et y admire avec un émerveillement croissant le déploiement incomparable de la grâce de Dieu. C’est pourquoi l’apôtre prend un soin particulier à dire que lui, Paul, est devenu un serviteur de l’évangile. Il ne le considérait pas comme une partie négligeable de son apostolat, mais se déclare expressément serviteur, non seulement de l’Église, mais de la bonne nouvelle annoncée à toute créature sous le ciel. Il était alors évident que si quelques-uns à Colosses avaient été induits à considérer ce message comme une chose trop élémentaire pour que les saints s’en occupent, l’apôtre ne sympathisait pas avec de tels sentiments. Il servait l’évangile et se glorifiait en lui.
Il est manifestement faux
pour moi de me placer sur le même terrain qu’une personne inconvertie, comme si
j’avais besoin de l’évangile ; mais c’est aussi me priver de beaucoup de
bénédiction que de ne pas me réjouir en lui, par amour pour lui pour ainsi
dire, car il satisfait à tous les droits de Dieu lui-même. Aucune autre partie
de la vérité ne présente un tel déploiement de la grâce et de la justice divine
que l’évangile. En ce qui concerne le témoignage aux âmes, il peut être
davantage ce qui répond à leurs besoins en tant que pécheurs perdus ; mais
pour les chrétiens il n’est pas sans importance d’avoir le coeur occupé de sa
grâce active, l’esprit rempli de sa vaste portée, et la conscience fortifiée
par la vérité qui proclame la perfection avec laquelle le sang de Christ purifie
de tout péché. Il est impossible de voir combien l’évangile satisfait
aux droits de Dieu avant que l’âme ait la paix avec Lui. C’est important en
pratique. Une personne qui découvre la grâce de Dieu en Christ est soulagée, a
le remède pour le péché ; mais un tel remède ne donne pas toujours la
vision d’un Dieu pleinement satisfait. C’est davantage l’idée du bouc azazel
que celle du bouc qui était égorgé. Dans l’évangile, nous ne voyons pas
seulement la ressource pour nos péchés, mais la vérité, la majesté, l’amour,
tous les caractères de Dieu glorifiés. Non seulement le mal est jugé et les
péchés pardonnés, mais nous y admirons sa riche grâce en Christ.
« Maintenant — poursuit l’apôtre — je me réjouis dans les souffrances pour vous, et j’accomplis dans ma chair ce qui reste encore à souffrir des afflictions du Christ pour son corps qui est l’assemblée, de laquelle moi je suis devenu serviteur » (v. 24, 25). Ce verset semble indiquer l’existence de deux ministères, leur relation et la liaison de l’apôtre avec les deux. Quant à l’évangile, il dit : « Duquel moi, Paul, suis devenu serviteur ». Il en est de même ici ; toutefois comme il s’agit de quelque chose de plus intime, il est ajouté : « selon l’administration de Dieu ». L’évangile dont il était devenu serviteur le conduit aussitôt à mentionner, non pas précisément ses souffrances pour l’évangile, mais ses souffrances pour eux.
Ensuite, il parle d’accomplir ce qui reste encore à souffrir des afflictions du Christ pour son corps, l’assemblée. Sans doute il y a des afflictions qui concernent exclusivement le Sauveur, comme notre Substitut. Mais à tous autres égards, Christ, si parfaitement qu’il souffrît, n’a pas souffert de manière à exclure autrui, ses saints, de la communion avec lui dans ses souffrances. Ses souffrances ont été d’une perfection absolue en tant que témoin de la justice, homme sur la terre et témoin de la grâce, comme de la part de Dieu. Seulement il y avait, sur la croix, bien plus qu’un témoignage, lorsqu’il fut fait péché pour nous, et que tout ce que Dieu était, en jugement, s’abattit là sur lui. La justice et la grâce ont été la cause de ses souffrances dans sa vie ici-bas ; le saint jugement du péché a caractérisé ses souffrances sur la croix, afin que Dieu puisse avec justice manifester sa grâce envers nous qui croyons, sans qu’il soit plus question de jugement.
L’apôtre donc peut se réjouir dans ses souffrances plutôt que de les estimer dures ou de reculer devant elles. Quel contraste avec Pierre à la fin de Matthieu 16 ! Christ n’a pas monopolisé, pour ainsi dire, les souffrances. Il en a laissé pour d’autres. Les souffrances mentionnées ici sont principalement des souffrances par amour pour l’assemblée, pour les saints de Dieu ; mais elles comprennent aussi celles que l’apôtre a endurées comme témoin pour Christ dans ce monde. C’étaient de vraies souffrances physiques, infligées par des ennemis, car il dit : « dans ma chair », et pas seulement des souffrances morales, bien que, si celles-ci n’avaient pas accompagné les épreuves de l’apôtre, ces souffrances physiques auraient été sans valeur pour Dieu. Mais il ne prenait pas la chose à la légère, même quant à son corps. Certains à Colosses, nous le savons par la fin du chapitre 2, s’efforçaient d’introduire des pratiques ascétiques mortifiant le corps, ce qui, leur fait remarquer l’apôtre, est tout à fait compatible avec une enflure totale de la chair. Mais, quant à lui, il accomplissait ce qui restait encore à souffrir des afflictions de Christ pour Son corps. Paul était avant tout serviteur de l’assemblée dans un sens où les autres ne l’étaient pas. Sans doute, le mystère a été révélé par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes, mais Dieu l’avait confié à Paul pour qu’il complète Sa parole.
Ce mystère longtemps caché
mais maintenant manifesté comporte deux grandes parties. La première est que
Christ doit être placé dans les cieux au-dessus de toutes principautés et
autorités, tout l’univers lui étant donné en tant que Chef sur l’héritage en
vertu de la rédemption ; Lui-même est exalté comme Chef sur toutes choses
dans les cieux et sur la terre, avec l’Église unie à lui comme son corps, et
lui donné ainsi comme Chef sur
toutes choses à
l’assemblée.
L’autre côté du mystère, c’est Christ dans les saints ici-bas, et de telle
sorte que les Gentils (les nations) soient introduits avec la liberté la plus
complète : « … ses saints, auxquels Dieu a voulu donner à connaître
quelles sont les richesses de la gloire de ce mystère parmi les nations,
c’est-à-dire Christ en vous l’espérance de la gloire » (v. 27). L’espérance de
la gloire est l’espérance de toute la gloire qui découle de la place que Christ
occupe maintenant dans le ciel à la droite de Dieu.
Dans les Éphésiens, l’apôtre insiste davantage sur le premier de ces aspects ; dans les Colossiens, sur le second. Aussi le sujet n’est-il pas ici notre position en Christ comme Chef sur toutes choses, mais Christ en nous, l’espérance de tout. Dans les deux cas toutefois, il y a contraste avec les choses juives. Le règne du Messie ici-bas sur Israël, les nations participant aussi à la joie, est l’objet d’une réelle attente enseignée par les prophètes de l’Ancien Testament. Dans ce v. 27, c’est Christ maintenant en nous, mais la gloire n’étant pas encore venue. Christ en nous est l’espérance de la gloire qui va bientôt venir lorsque nous serons glorifiés et que nous apparaîtrons avec Christ. Cet état de choses était tout à fait étranger aux espérances juives : Christ dans les cieux, les saints encore sur la terre attendant d’être avec Lui et entre temps Christ en eux l’espérance de la gloire, mais d’une gloire pas encore venue. Il n’y avait rien de semblable chez les anciens prophètes. Comment ceux-ci auraient-ils pu penser que Christ serait dans les cieux, et qu’un peuple y serait un avec Lui, combien moins encore que Christ serait en eux, Gentils ou non, dès ici-bas ?
Il est bon de peser l’expression : « compléter la parole de Dieu » (v. 25). Ce n’est pas la simple idée d’écrire un livre ; car Jacques, Pierre et Jean l’avaient fait et pourtant on ne pouvait pas dire d’eux qu’ils avaient « complété la parole de Dieu ». Ce n’était pas seulement exposer des vérités déjà connues, mais ajouter certaines portions qui n’étaient pas encore révélées. Même l’Apocalypse ne complète pas la Parole dans le même sens, car elle nous donne un développement plus complet de ce qui avait déjà été évoqué auparavant, apportant des révélations supplémentaires quant à la prophétie, mais tout cela n’était pas compléter la parole de Dieu. Cette expression ne veut pas davantage dire que Paul a été le dernier des écrivains inspirés ; car même eût-il écrit avant les autres auteurs du Nouveau Testament, le fait serait demeuré vrai qu’il a complété la parole de Dieu.
Il est dit de Christ qu’il
est en nous ici, non pas demeurant dans nos coeurs par la foi, mais réellement
l’espérance de la gloire. L’espérance
de
la gloire est mise en contraste avec l’attente des Juifs que le Christ régnât
sur eux en Palestine, introduisant une gloire manifestée. L’apôtre parle des
saints comme maintenant sur la terre, Christ étant en eux l’espérance de la
gloire qu’ils auront bientôt avec lui en haut. C’est la vie de Christ en nous
dans le plein déploiement de son caractère de résurrection. L’épître aux
Colossiens ne va jamais au-delà.
On a remarqué qu’il n’est guère parlé du Saint Esprit dans cette épître. Dans leur état d’alors, introduire doctrinalement le Saint Esprit n’aurait pas été une bonne chose pour eux ; ils se seraient servis du Saint Esprit indépendamment de Christ, comme d’un objet propre à détourner les yeux de Christ. Une religion toute de formes fait grand cas du Saint Esprit, mais elle place le Saint Esprit dans le clergé, dont on fait le dispensateur de la bénédiction, en sorte que Christ est déshonoré. Mais, aussi, il y a des chrétiens qui n’ont point de formes du tout et qui par conséquent font grand cas du Saint Esprit, mais indépendamment de Christ. L’ancien sentiment légal s’était largement introduit à Colosses, aussi l’apôtre place-t-il devant eux la vérité des richesses de la gloire de ce mystère parmi les Gentils. Dieu n’a pas révélé ce mystère lorsque l’Église était à Jérusalem ; en fait il n’a été entièrement manifesté que parmi les Gentils. C’est-à-dire que son plein caractère céleste n’est véritablement connu que lorsque les Gentils sont au premier plan. C’est pourquoi Paul, l’apôtre des Gentils, est celui qui traite spécialement ce sujet. Le plein évangile n’est pas simplement le pardon, mais la délivrance, la liberté et l’union avec Christ en haut, en Esprit.
« Lequel nous annonçons, exhortant tout homme et enseignant tout homme en toute sagesse, afin que nous présentions tout homme parfait en Christ ». Parfait en Christ signifie qui a atteint sa pleine croissance. Un homme peut être très heureux, peut jouir du pardon de ses péchés, mais s’il n’a pas la connaissance de ce secret céleste (savoir, Christ dans les saints et la gloire céleste qui est liée à ce grand fait), il peut difficilement être qualifié de parfait en Christ. Ce « tout homme » est très frappant ici ; cette individualisation répétée est d’autant plus belle qu’elle est en rapport avec le corps. Les deux vérités sont singulièrement caractéristiques du christianisme, qui unit les choses les plus opposées d’une manière à nulle autre pareille. Dans le Millénium, les individus n’auront pas une place aussi importante que maintenant ; il n’y aura pas non plus « le corps » sur la terre. Maintenant « celui qui a des oreilles » est là, comme aussi « ce que l’Esprit dit aux assemblées ». La plus riche place de bénédiction est donnée aussi bien à l’individu qu’à l’Église, le corps de Christ ; et à tous deux en plénitude. Dans les choses de la terre au contraire, lorsque le côté public et corporatif est fortement mis en relief, l’individu en pâtit, et vice versa.
Le christianisme donne à
chaque individu une valeur éternelle pour Dieu, et montre aussi la place de
l’Assemblée, avec ce qui lui est propre : larges aspirations de l’âme,
sacrifice de soi et recherche du bien de l’ensemble. Paul qui donne une telle
place à l’Église dit significativement « tout homme ». « Exhortant tout homme et
enseignant tout homme en toute sagesse, afin que nous présentions tout homme
parfait en Christ ». « À quoi je travaille »
se rapporte à un besoin. « Combattant selon son opération qui opère en moi
avec puissance ». Des expressions fortes sont employées ici, pour montrer ce
qu’il lui en coûtait. Tout cela suppose de grandes difficultés et le besoin
d’une puissance entièrement au-delà de lui, confirmant la nécessité que Christ
opère en tout. Et cela non seulement pour ceux qui avaient vu son visage, mais
pour d’autres aussi, comme nous le voyons au chap. 2:1. Si l’apôtre aimait ceux
qu’il avait vus, on ne voit chez lui ni oubli ni insensibilité à l’égard de
ceux qu’il n’avait jamais rencontrés. C’était pour l’Église qu’il éprouvait ces
sentiments, pour les saints comme tels, connus ou inconnus ; et plus que
cela, il avait un grand combat pour eux à cause de leurs difficultés.
L’apôtre va maintenant montrer aux Colossiens le danger qui les guettait, mais il voulait d’abord qu’ils sachent quel combat il avait pour eux et pour ceux qui étaient à Laodicée, et pour tous ceux qui n’avaient point vu son visage en la chair et cela « afin que leurs coeurs soient consolés » (v. 1). Ils n’étaient pas heureux à ce moment-là ; ils étaient oppressés ; des nuages venaient obscurcir leurs pensées et leur faisaient perdre la clarté de vue qu’ils auraient eue « étant unis ensemble dans l’amour et pour toutes les richesses de la pleine certitude d’intelligence, pour la connaissance du mystère de Dieu, dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (v. 2, 3). Des obstacles les empêchaient de saisir ce mystère. Le grand désir de l’apôtre était pourtant qu’ils le comprennent bien. On peut être un chrétien, discerner la grâce de Dieu en Christ, et cependant n’entrer que faiblement dans l’intelligence des conseils et des voies de Dieu. On peut ne jamais avoir été conduit à la connaissance complète de ce mystère. Or c’est dans ce mystère que se trouvent cachés « tous les trésors de la sagesse et de la connaissance ». Cela nous introduit dans une autre atmosphère en quelque sorte. Le manque de compréhension trahit souvent un empêchement moral. « Si ton oeil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière ».
Certains esprits peuvent éprouver de la difficulté en présence d’une part des fortes expressions d’approbation qu’emploie l’apôtre lorsqu’il parle de la foi et de l’ordre des Colossiens, et d’autre part des avertissements solennels qui abondent dans cette épître. Il pourrait sembler, à première vue, difficile de concilier la fermeté de leur foi en Christ avec l’avertissement qui leur a été adressé : « Si du moins vous demeurez dans la foi, fondés et fermes ». Tout ce que nous avons à faire est de recevoir les deux. Cela prouve simplement que ni l’ordre ni la fermeté, si bénis soient-ils, ne peuvent garantir une âme qui accepte des pensées fausses et des principes corrompus, lesquels ne font que cacher, affaiblir ou abaisser la gloire de Christ. Ainsi cette contradiction apparente rend le danger plus manifeste et plus frappant. Pas plus leur ordre que la fermeté de leur foi en Christ (v. 5) ne constituaient un rempart efficace contre le mal qui les menaçait. L’apôtre sentait et voulait leur faire savoir que, malgré toutes les bénédictions dont ils jouissaient, s’ils admettaient les paroles par lesquelles d’autres tâchaient de les séduire, leurs âmes subiraient un préjudice et seraient affaiblies. Nulle âme, quelle que soit sa bénédiction passée ou présente ne peut se permettre de jouer avec ce qui porte atteinte à la personne ou à la gloire de Christ. Les Colossiens avaient été remarquablement favorisés, et l’apôtre se réjouissait en voyant leur ordre et la fermeté de leur foi en Christ ; pourtant dans le verset qui précède, il les met en garde « afin, dit-il, que personne ne vous séduise par des discours spécieux » (v. 4).
Ce qu’il place devant eux, c’est que, comme ils avaient reçu le Christ Jésus, le Seigneur, ils devaient marcher en Lui (verset 6), continuant comme ils avaient commencé. Ils avaient à être en garde contre des spéculations cachées sous un langage séduisant. Aussi, quoique absent de corps, l’apôtre ajoute qu’il était avec eux en esprit, se réjouissant et voyant leur ordre, etc. C’est pour cela même qu’ils devaient être avertis de ce qui risquait de ternir la gloire du Sauveur dans leur témoignage. Le plus beau fruit est le plus facilement endommagé. Les Colossiens perdraient ainsi pratiquement Christ. L’apôtre ne met pas le moins du monde en doute la bénédiction réelle dont ils avaient joui jusque-là. Au contraire, il la leur rappelle et leur dit de marcher en Christ « enracinés et édifiés en lui, et affermis dans la foi, selon que vous avez été enseignés » ; non point abattus à cause des dangers, mais « abondant en elle avec des actions de grâces » (v. 7). La tâche était sérieuse, il s’agissait de rejeter les discours persuasifs d’hommes pervers, discours qui, s’ils étaient reçus, les détourneraient imperceptiblement de Christ.
Quand nous nous reposons en Christ devant Dieu, nous pouvons comprendre et contempler de la manière la plus bénie, la manifestation de lui-même en Christ. Il est très important de voir Christ non seulement dans son oeuvre de réconciliation, mais comme révélant le Père. « Personne ne vit jamais Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître ». Certes, le Saint Esprit exalte Christ, mais jamais le Fils n’est exalté pour ainsi dire aux dépens du Père, pas plus que le Père ne peut accepter d’être honoré là où le Fils est méprisé.
La chose importante pour les chrétiens est d’être vrais dans ce qu’ils croient et confessent, ou plutôt dans ce que Dieu a révélé comme objet de leur foi et de leur confession. Tout ce qui nous détourne de la grâce et de la vérité qui vinrent par Christ tend toujours à renverser Christ lui-même. Jusqu’ici les Colossiens avaient été heureux et réellement fermes dans leur foi en Christ ; mais maintenant ils admettaient parmi eux des doctrines qui, si elles n’étaient pas extirpées, les éloigneraient infailliblement de Christ. C’est là que résidait pour eux le danger. On peut s’étonner de la rapidité et de la facilité avec lesquelles certains chrétiens sont prêts à accepter quelque chose de nouveau. L’apôtre fait ici allusion à ce qui semble avoir été introduit à Colosses : spéculations philosophiques d’une part, éléments judaïques d’autre part, si même ils n’étaient pas combinés.
Il n’était pas suffisant pour eux d’avoir Christ ; ils devaient marcher en lui, enracinés et édifiés en lui, affermis dans la foi et non pas entraînés par ces rêveries nouvelles, qu’elles fussent intellectuelles ou religieuses. Cette pensée que la philosophie peut être unie au christianisme afin de rendre la révélation divine plus attrayante pour des esprits sérieux et réfléchis, était, nous le voyons, une erreur qui a surgi de bonne heure. Selon ces personnes, on avait bien fait de commencer par prêcher simplement Christ ; mais maintenant qu’il n’était plus seulement question de quelques humbles Galiléens, pourquoi ne pas s’adresser aux grands et aux sages de la terre dont beaucoup étaient dégoûtés du paganisme et repoussés par le froid judaïsme ? Et alors, pourquoi ne pas les rencontrer, dans la mesure du possible, sur leur propre terrain ? Pourquoi ne pas greffer sur le christianisme quelques préceptes généraux d’Aristote, quelques pensées élevées de Platon ou, mieux encore, quelques beaux et nobles sentiments tels que Philon (*) les présente dans ses Essais bibliques ?
(*) Philon d’Alexandrie, un Juif, contemporain de Jésus et des premières prédications de l’Évangile, a été le plus remarquable représentant d’une philosophie qui mêlait l’Ancien Testament à l’enseignement hérité des grands philosophes grecs, dont Platon et Aristote (Réd.).
La philosophie est un grand
poison pour le christianisme aujourd’hui comme alors. Tout le plan de la vérité
et des voies de Dieu est effacé dans l’enseignement de la philosophie, ou il ne
lui est laissé aucune place. On ne fait aucun cas de la création ni de la
chute. On méconnaît la conscience, que l’homme a acquise par la chute. On
ignore le péché et le jugement de Dieu à l’égard du péché. De sorte que la
grâce de Dieu est également inconnue, de même que son fruit, l’expiation. Les
rationalistes voudraient réduire la vérité divine à un simple ensemble de
déductions tirées par les hommes. Mais la vérité n’est jamais une conclusion.
Dès le moment où je tire une conclusion, je suis sur le terrain de la science.
Le propre de la logique, qui n’est autre qu’une science naturelle, la servante,
pourrait-on dire, de toutes les autres, est de soumettre les faits à
elle-même ; mais qu’est-ce que cela a affaire avec la soumission à la
vérité de Dieu ? La révélation peut se prononcer sur ce qui est dans
l’homme, et elle nous donne les choses comme elles sont par rapport à
Dieu ; elle ne nous montre pas seulement que telle ou telle chose doit
être, ce qui relève du raisonnement
humain ; la vérité nous révèle que cette chose est
. Une âme simple
pourrait avoir de la peine à comprendre ce qui doit
être. Mais lorsque Dieu déclare que tel fait, ou telle
personne, est,
quiconque entend son
témoignage ne peut faire autrement que, ou de le recevoir, ou de le rejeter.
D’où l’immense importance de la foi.
Les Colossiens commençaient à se laisser prendre à deux pièges — un esprit raisonneur, et certaines mortifications ascétiques du corps. L’un était en relation avec la philosophie, l’autre avait ses racines dans le judaïsme. C’étaient les deux grandes erreurs qui s’introduisaient alors, et ces croyants n’en apercevaient ni le véritable caractère ni la source. L’apôtre les avertit (v. 8) quoiqu’il vienne de leur dire qu’il se réjouissait de leur foi et de leur ordre. Quelle tristesse qu’ils glissent ainsi ! Mais ce n’est pas tout. Paul semble dire : prenez garde à ce que vous faites en abandonnant ce qui a produit en vous de tels fruits, pour les belles promesses que vous font certains. Ils vous disent que ces pensées et ces voies nouvelles peuvent aller de pair avec Christ ; mais laissez-moi vous dire que vous embrassez et acceptez ce qui, tôt ou tard, vous frustrera de la vérité que vous professez maintenant. L’effet invariable en est le suivant : ceux qui ne sont pas réellement nés de Dieu reçoivent ces rêveries intérieures et ces formes extérieures à la place du christianisme, tandis que les vrais croyants sont sérieusement atteints et perdent leur joie en Christ et leur témoignage pour Lui. La première de ces erreurs convient aux esprits spéculatifs ; l’autre répond davantage à ceux qui ont une tournure d’esprit plus pratique. Il n’est alors pas étonnant que l’apôtre les exhorte à être « enracinés et édifiés dans le Christ Jésus, le Seigneur, et affermis dans la foi, selon — ajoute-t-il — que vous avez été enseignés, abondant en elle avec des actions de grâces ». Cette dernière expression mérite d’être bien pesée. Je suppose que leurs actions de grâces étaient en voie de s’affaiblir, car lorsque d’autres objets viennent prendre la place de Christ, tel est l’effet immédiat.
« Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par de vaines déceptions, selon l’enseignement des hommes, selon les éléments du monde, et non selon Christ » (v. 8). La terre donne des nuages et non de la lumière. L’homme promet et entreprend beaucoup, mais il ne peut en réalité donner rien d’autre que les illusions trompeuses du maître dont il est l’esclave. L’impérieuse nécessité de ces avertissements apparaît clairement. Les spéculations sur les origines ou sur l’éternité de la matière, par exemple, tant prisées par les Orientaux, les gnostiques, etc., pouvaient sembler ne pas être immédiatement dangereuses. Les gens sont assez prompts à dire : notre philosophie est une chose, notre religion en est une autre. Ils pouvaient prétendre alors, comme on le fait encore aujourd’hui, que le monde doit avoir été fait à partir de quelque chose qui existait depuis toujours. Cela peut paraître plausible à certains esprits, mais pour le croyant ce raisonnement présente une grande lacune ; il ne tient aucun compte de Dieu et fait mentir sa Parole. La matière devient l’élément principal devant l’esprit, et Dieu est mis au niveau de l’homme — un simple esprit actif, une puissance élaboratrice.
Combien les écrits du pêcheur galiléen qu’était Jean l’évangéliste, reprennent tous les rêveurs de cette sorte : « Toutes choses furent faites par elle (la Parole), et sans elle pas une seule chose ne fut faite de ce qui a été fait ». Avec quel à-propos l’erreur n’avait-elle pas déjà été dénoncée au chap. 1:16 de notre épître. « Car par lui ont été créées toutes choses, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre, les visibles et les invisibles, soit trônes, ou seigneuries, ou principautés, ou autorités, toutes choses ont été créées par lui et pour lui ». L’idée de l’éternité de la matière introduit d’emblée quelque chose qui est en dehors de Dieu, d’indépendant et d’antagoniste ; car telle était la déduction à laquelle on arrivait d’après l’état actuel du monde.
Puis ils raisonnaient sur les deux « principes premiers », l’un bon, l’autre mauvais. C’était là l’erreur si largement reçue par la philosophie païenne et surtout en Orient, intimement liée à elle, comme elle l’est encore. Il est évident que le principe de l’éternité de la matière, une fois admis, conduit à un abîme de fausseté et de mal moral ; et celui qui raisonne à partir de ce faux point de départ, s’expose à tomber d’autant plus vite dans les excès intérieurs ou extérieurs que signale l’apôtre. La foi rejette la philosophie, non seulement en tant que rivale mais même comme alliée ; la foi repose sur la Parole de Dieu seule ; elle reçoit cette Parole comme absolue et exclusive. Aussi l’apôtre avait-il la meilleure raison de les mettre en garde contre la philosophie et les vaines déceptions, « selon les éléments du monde et non selon Christ ». Procédant de l’homme, elles sont imprégnées de celui-ci et non de Christ ; elles conviennent au monde, non pas au ciel, ni à ceux qui appartiennent au ciel tout en étant encore sur la terre. « Car en lui habite toute la plénitude de la déité corporellement » (v. 9).
Rien ne donne une vue plus merveilleuse de Christ que cette vérité connue du croyant le plus simple, ou qui devrait l’être, même s’il est peu capable de l’expliquer. Rien n’est comparable. Là seulement nous avons la vérité. Nous connaissons Dieu maintenant, et comment ? non pas en raisonnant, comme si nous pouvions ainsi parvenir à le découvrir. Nous le connaissons en Christ comme une personne vivante qui a vécu une fois corporellement dans ce monde, et qui a encore son corps en dehors du monde, en haut où Il est maintenant. Nous savons par Dieu, par sa Parole, que dans la personne de Christ « habite toute la plénitude de la déité corporellement », non pas seulement dans son esprit, mais véritablement en lui corporellement, bien qu’il soit maintenant glorifié. Il eut un corps réel, véritable, dès son incarnation ; mais il avait toute la plénitude de la Déité habitant ainsi en lui.
Et ce n’est pas tout ! L’apôtre ajoute : « Vous êtes accomplis en lui » (v. 10) ; ainsi, vous n’avez pas besoin de philosophie, même si elle devait contenir quelque chose de bon ; et encore moins puisqu’elle est positivement mauvaise. Ce qu’il nous faut, c’est jouir davantage de Christ et marcher davantage selon lui — non pas grappiller d’autres choses chez l’homme, comme si elles pouvaient enrichir Christ, alors qu’elles ne font que corrompre la vérité. L’homme déchu est loin de Dieu et sous la puissance du diable. Voilà le fait qui rend ces notions humaines si fausses et si pernicieuses. Les principes philosophiques procèdent de la mort et ne peuvent produire que la mort. Dans tout le paganisme (et peut-être pourrait-on en dire autant de la chrétienté), il n’y a rien de plus mortel que sa philosophie. Seulement elle est moins fallacieuse que la religion du monde. Elle semble raisonnable, et l’homme se laisse séduire par la beauté ou l’audace de la pensée, de l’imagination et du langage.
La foi détruit aussi bien la superstition que l’incrédulité par la vérité de Dieu, et cela par la révélation de Christ. La plénitude de la Déité n’a jamais habité dans le Père corporellement, ou dans le Saint Esprit, mais seulement en Christ. Il était le seul au sujet duquel cette merveilleuse réalité pouvait être affirmée. Toute la plénitude a habité et habite encore en lui. « Le Père qui demeure en moi (a-t-il dit alors qu’il était ici-bas), c’est lui qui fait les oeuvres » (Jean 14:10). Et encore : « Si moi je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, alors le royaume de Dieu est parvenu jusqu’à vous » (Matt. 12:28). Nous avons ici non seulement le Fils, mais en lui et par lui les trois personnes de la Déité agissant en grâce dans ce monde mauvais. Et la foi reçoit ce que l’Écriture dit au sujet de ce qui ne se voit pas et qui est éternel ; la foi agit selon la pensée révélée de Dieu quant au présent. L’incrédule refuse ce qui est au-dessus de lui et tire des conclusions à partir de ce qu’il sait ou ne sait pas ; mais Dieu mettra à néant et lui et ses déductions. Ce n’est pas simplement que toute la plénitude de la Déité demeure en Christ, mais nous sommes non pas cette plénitude, mais « accomplis » (ou remplis) en Lui. Nous pouvons être, et sommes déclarés être, la plénitude de Christ (Éph. 1), mais jamais, évidemment de la Déité.
Ainsi, nous sommes « accomplis en lui, qui est le chef de toute principauté et autorité, en qui aussi vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’a pas été faite de main, dans le dépouillement du corps de la chair par la circoncision du Christ » (v. 10, 11). Cela est expressément en contraste avec l’ordonnance extérieure de la circoncision. C’est « le dépouillement du corps de la chair », non pas du corps « des péchés » de la chair, selon une traduction défectueuse. Le texte correct en fait une opération plus complète. Ce n’est pas une question de péchés, mais plutôt du péché dans la nature. L’expression « des péchés » serait difficilement en harmonie avec le but du passage ou de la phrase. Il ne fait pas allusion à l’acte littéral de circoncire, mais à la mort de Christ. Lorsque nous croyons en Christ, toute la valeur de sa mort nous est imputée. Cela est appelé ici une circoncision qui n’a pas été faite de main, en contraste avec l’ancienne ordonnance. La signification et la pensée spirituelle de la circoncision est la mortification de la nature humaine, l’homme en tant que tel étant traité comme une chose morte. C’est la mort de Christ qui nous donne ce privilège. Quand nous Le recevons par la foi, nous sommes associés à sa mort, et en recevons toute l’efficace qui en finit avec notre propre condition de ruine, appelée le « corps de la chair ». Cette circoncision annule toute autre qui, en aucun cas, n’ôtait notre état de péché en tant qu’homme dans la chair.
« Étant ensevelis avec lui
dans le baptême, dans lequel aussi vous avez été ressuscités ensemble par la
foi en l’opération de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts » (v. 12). Ceci
introduit non pas tant la gloire personnelle de Christ que son oeuvre. Le
premier chapitre nous présente principalement sa gloire personnelle ; et
bien qu’il y soit parlé de son oeuvre, il s’agissait alors de la réconciliation
de toutes choses, celle des saints en attendant que la gloire soit révélée. Le
chapitre 2 place son oeuvre devant les saints. Je ne doute pas que la sagesse
du Saint Esprit ne soit manifestée en cela ; nous avons d’abord Lui-même
et son oeuvre en général, puis la valeur spécifique et le résultat de son
oeuvre pour nous et en nous. Là, sa suprématie est développée nettement d’une
double manière ; ici est seulement mentionné le fait qu’il est le chef de toute
principauté et autorité, pour
mettre l’accent sur le fait que nous sommes accomplis en lui.
L’allusion à la circoncision est clairement liée à la mort de Christ — non pas à l’acte légal auquel il s’est soumis ; il ne s’agit pas non plus de sa Personne, mais de son oeuvre dans son application à nous. Cela est pleinement confirmé par la déclaration que rous sommes ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel aussi, dit-il, vous avez été ressuscités avec lui. Le grand point est notre union avec Christ. Par lui seul l’oeuvre a été accomplie ; mais nous en avons le bénéfice lorsque nous croyons en lui, et nous acquérons par grâce une position commune avec lui. Ce n’est pas seulement en vertu de sa Personne, mais c’est lui qui a accompli cette grande oeuvre par laquelle nous avons une place en lui et avec lui. Le baptême, institution initiative du christianisme, présente cette immense bénédiction caractéristique du chrétien. Nous y reconnaissons que nous sommes, par la mort de Christ, morts à la condition dans laquelle nous vivions naturellement ; et maintenant nous sommes ressuscités avec lui par la foi en l’opération de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Nous avons été ainsi introduits dans un état nouveau, (non pas, évidemment, encore quant à nos corps, mais quant à nos âmes). L’apôtre nous montrera bientôt l’application pratique tant de la mort que de la résurrection de Christ.
Bien que l’Esprit de Dieu
révèle beaucoup de la puissance vivifiante de Christ dans cette épître, il ne
va jamais jusqu’aux conséquences ultimes ou les plus élevées de l’oeuvre de
Christ. Vivifiés ou ressuscités par lui, ou plutôt ressuscités ensemble avec
lui est le point extrême que nous trouvons ici ; il s’arrête là. De
nouveau au chapitre 3, bien qu’il dise « Cherchez
les choses qui sont en haut », il ne dit pas que nous
sommes
là ; au contraire, il considère les saints comme étant sur la terre, mais
cherchant les choses qui sont en haut. Ainsi cette épître ne va jamais aussi
loin que celle aux Éphésiens ; nulle part elle ne mentionne que nous
sommes assis dans les lieux célestes. Comme nous l’avons vu, et cela apparaît
clairement, le courant des communications de grâce a été interrompu ; il y
avait un obstacle devant l’apôtre. Le Saint Esprit ne peut pas exposer
librement aux saints ce qui concerne Christ alors qu’il est obligé de leur
montrer ce qui les concerne eux. Il s’arrête pour s’occuper de la vérité
pratique, et la leur appliquer, ce qui n’est jamais le signe que les âmes sont
vraiment en bon état ; car rien ne devrait venir arrêter l’épanchement de
la grâce et de la vérité. Dans l’épître aux Éphésiens, au contraire, l’oeuvre
de Christ est présentée dans toute l’étendue de ses conséquences ; le bon
état du saint est manifesté et des exhortations suivent pour qu’il marche à ce niveau.
Nous avons ici un exemple de la manière dont l’apôtre, après avoir introduit un principe général, s’adresse aux Colossiens pour ajouter : « Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos fautes et dans l’incirconcision de votre chair, il vous a vivifiés ensemble avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes » (v. 13) ; puis, au v. 16, il s’écarte pour montrer combien l’oeuvre de Dieu sépare expressément et complètement de la chair et de la loi — « Ayant effacé l’obligation qui était contre nous.. ».. Pourtant vous voulez de nouveau avoir des ordonnances ! Le seul effet de cette obligation doit être contre vous ; cela est exprimé très fortement, et l’apôtre le répète sous une double forme.
Ces saints de Colosses ne s’étaient pas égarés dans le légalisme au point de placer les chrétiens sous les dix commandements comme règle de vie. Même l’introduction d’ordonnances n’était pas aussi pernicieuse, car au moins tiraient-elles toute leur valeur de la vérité de Christ, caché sous ses figures et sous ses ombres. En revanche il n’y a rien de tel que de faire de la loi une règle de vie, pour éveiller l’esprit de propre justice dans celui qui a confiance en soi, et l’esprit de doute et de désespoir dans les âmes plus hésitantes ; c’est exactement l’opposé des voies de la grâce pour les uns comme pour les autres. L’apôtre affirme que même le seul fait d’introduire maintenant le principe des ordonnances implique le renoncement à la vérité fondamentale de la mort et de la résurrection (c’est-à-dire du christianisme), car elles supposent des hommes vivants dans le monde et non pas morts et ressuscités en Christ. Il se peut que ceux qui sont ainsi entraînés ne mesurent pas la portée de ce qu’ils font, mais l’Ennemi qui les induit en erreur le sait parfaitement. Agir ainsi c’est revenir à des manières de faire qui étaient propres à un temps préparatoire, retourner à la chair et au monde, et c’est en fait abandonner les privilèges glorieux de Christ.
L’apôtre ne s’attarde pas
ici, comme dans l’épître aux Galates, sur les conséquences, à savoir que si
nous nous plaçons à quelque degré que ce soit sous la loi nous sommes tenus
d’accomplir celle-ci tout entière. Mais il montre que c’est renier Christ tel que nous le connaissons
que
de consentir à retourner à la loi, sous n’importe quelle forme, ordonnances ou
autres. C’est aussi insensé que si des adultes se faisaient un mérite de
retourner aux disciplines de leur enfance, à la verge, aussi bien qu’à
l’alphabet ou à des jouets pour récompense !
Il est évident que dans la manière d’agir des hommes aux penchants philosophiques, le rite de la circoncision pouvait avoir une portée beaucoup plus spirituelle que ce que n’importe qui aurait pu tirer de la loi comme règle de vie. Car ils pouvaient prétendre, comme on l’a dit, que la circoncision n’était imposée que comme emblème de ce que nous avons en Christ, un signe ancien et divin, extérieur bien entendu, de grâce spirituelle. Mais le pas était fatal ; car s’ils admettaient ce signe, c’était un retour aux ombres, alors que la substance (« le corps ») était venue ; c’était aussi un abandon de la grâce pour revenir au principe de la loi. Certes les pères avaient la circoncision, avant Moïse ; elle était alors spécialement liée à la promesse. Pourtant, bien qu’à l’origine elle ait existé avant que la responsabilité de la nation envers la loi ait été engagée à Sinaï, la circoncision a été par la suite si intimement liée à la loi qu’on ne peut séparer l’une de l’autre. Recevez la circoncision maintenant, et vous aurez beau ne pas vous placer vous-même sous la loi, c’est elle qui vous placera sous tout son système et vous séparera en principe de Christ comme Tête céleste, exalté après avoir accompli la rédemption.
Ainsi, s’il y avait une ordonnance qui, plus que toute autre, pouvait symboliser la promesse et la grâce, c’était bien la circoncision ; pourtant l’apôtre est si catégorique, qu’il dit aux Galates que l’admettre, c’était se placer sous l’obligation d’accomplir toute la loi. Dans l’épître aux Colossiens, il va plus loin ; il montre comment cela contredit et met de côté l’oeuvre de Christ ainsi que la place d’association avec lui dans laquelle cette oeuvre nous introduit devant Dieu. C’est pourquoi il donne à connaître ici quelle sorte de circoncision nous avons déjà en tant que chrétiens ; il s’agit d’une opération divine et non pas humaine : « En qui aussi vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’a pas été faite de main, dans le dépouillement du corps de la chair… ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel aussi vous avez été ressuscités ensemble » (v. 11).
Dans l’épître aux Galates, la loi est considérée par rapport à la justification ; dans l’épître aux Colossiens, à Christ ressuscité d’entre les morts et élevé dans les cieux. Christ, de toute manière, est dans les cieux ; et bien que nous n’y soyons pas vus en lui, son exaltation à la droite de Dieu décide réellement de notre place comme morts avec lui et ressuscités avec lui. La soumission aux ordonnances est la négation de toutes ces immenses et riches bénédictions ; car se peut-il que Christ ait affaire avec la loi maintenant ? Et c’est avec Christ tel qu’il est, non pas tel qu’il était sous la loi, que nous sommes associés.
Dans l’épître aux Hébreux, nous avons autre chose ; ce n’est pas notre mort et notre résurrection avec Christ, mais Christ paraissant maintenant dans la présence de Dieu pour nous en gloire, en vertu de la perfection de son oeuvre, de sa seule offrande qui a ôté pour toujours le péché. Il est là à la droite de Dieu, parce qu’il a fait par lui-même la purification de nos péchés. La loi, comme code ou système pour nous, est incompatible avec la place de Christ dans la gloire comme manifestation éclatante de notre triomphe par la grâce de Dieu ; et c’est ainsi que le chrétien regarde à Christ. Nous ne trouvons pas, il est vrai, dans l’épître aux Hébreux, notre association avec Christ mort ou ressuscité ; nous y avons encore moins la présentation de notre union avec lui en haut ; pas davantage la justification, comme dans les épîtres aux Romains et aux Galates, mais la valeur de son oeuvre mesurée par sa position dans le ciel brille dans cette épître avec un éclat particulier. Toute adjonction d’ordonnances se révèle alors être un démenti à son œuvre et à la gloire qu’il a dans les cieux, et risque de conduire à l’apostasie.
Ensuite, dès le v. 13, l’apôtre s’applique à placer devant les saints de Colosses leur condition autrefois sans Christ et maintenant avec Christ. « Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos fautes… il vous a vivifiés ensemble avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes. » La vie même que nous avons reçue comme croyants est le signe que nos fautes sont ôtées. Que Dieu nous ait vivifiés de la vie de Christ, implique qu’il nous a pardonné toutes nos fautes. Il est impossible que la vie de Christ mort et ressuscité ait quelque chose contre elle. Tout était contre le croyant autrefois ; mais la possession de la vie dans un Sauveur ressuscité atteste nécessairement qu’à celui qui croit, tout est pardonné avec justice. C’est une manière remarquable d’exposer le sujet ; vous trouverez difficilement un cas exactement parallèle à celui-ci dans toute autre partie des Écritures.
En
général, comme nous ne le savons que trop bien, on a eu recours aux ordonnances
pour parer aux manquements, pour aiguiser l’appétit spirituel, etc. Ce n’est
jamais, dans la chrétienté, le rejet ouvert ou méprisant de Christ, mais
l’adjonction de compléments pour « aider » la foi ou les sentiments, à côté de
Christ. C’est précisément ce que l’apôtre déclare être si mauvais et si opposé
à la foi. « Ayant effacé l’obligation qui était contre nous »… remarquez : non
pas contre vous
, mais contre nous.
Lorsque l’apôtre en vient à
parler de l’opération de la loi, il ne dit pas « vous », mais « nous » ; de même
encore : « qui nous
était contraire, et il l’a
ôtée en la clouant à la croix ». Le fait est que les saints de Colosses, étant
des Gentils, n’avaient jamais, en aucune manière, été sous la loi ; aussi ne
dit-il pas : « vous » ; mais lorsque,
juste auparavant, il a parlé des péchés, il dit : « vous » ; « et vous
,
lorsque vous étiez morts dans vos fautes », etc. Cela rend la distinction très
frappante. Au v. 13, nous trouvons « vous », parce que cela s’applique maintenant
à tout pécheur, Juif ou Gentil ; tandis que c’est « nous » au v. 14, parce
que seuls les Juifs, à strictement parler, étaient sous la loi. L’allusion à
l’obligation est également très remarquable ; car les Gentils ne s’étaient
jamais engagés, tandis que les Juifs avaient affirmé : « Tout ce que
l’Éternel a dit, nous le ferons » et il avait alors été fait aspersion du sang
sur eux, comme sceau de l’alliance légale qu’ils avaient signée, sous peine de
mort.
L’apôtre déclare que cette alliance légale leur était contraire et n’introduisait, comme nous le savons, que la condamnation, les ténèbres et la mort. Qu’est-ce que Christ a fait à l’égard de cette obligation ? Il l’a effacée, enlevée du chemin. Voulez-vous, comme les Colossiens, l’introduire à nouveau ? Christ l’a clouée à sa croix — expression d’un triomphe entier sur ce qui nous condamnait. « Ayant dépouillé les principautés et les autorités, il les a produites en public, triomphant d’elles en la croix ».
Il est très intéressant de considérer la manière dont la puissance du mal est envisagée en rapport avec la place où nous nous trouvons. Lorsque l’Église apparaît, il n’est pas tellement question de la puissance de Satan sur la terre (c’était la façon dont les Juifs l’éprouvaient principalement) ; mais nous avons la révélation spéciale qu’il est le chef de l’autorité de l’air et que les mauvais esprits sont dans les lieux célestes (Éph. 2 et 6). Cela n’est pas du tout en contradiction avec ce que nous avons dans l’Ancien Testament ! Seulement maintenant, nous en avons une manifestation plus complète et la révélation de la position dans laquelle ces esprits se trouvent comme opposés au chrétien. En Apoc. 12, nous les voyons (le dragon et ses anges) précipités du ciel. Ils voulaient rester dans les lieux célestes ; ils voulaient entraver l’Église et déshonorer Dieu dans ses saints, afin d’avoir, en quelque sorte, un juste droit sur eux. Il leur était intolérable que des êtres qui s’étaient mal conduits sur la terre, soient finalement avec le Fils de Dieu, dans les lieux célestes.
Hélas ! combien de ceux qui se réclament ici-bas de la race même que la grâce de Dieu distingue d’une telle manière trahissent qu’en fait ils sont de leur père, le diable, par leur amour de la fausseté ou par leur haine de la grâce et de la vérité de Dieu. Ici, nous avons l’effet de l’oeuvre de Christ sur ces puissances — il les a produites en public, triomphant d’elles en la croix. Ce n’est pas une note de triomphe aussi élevée qu’en Éph. 4, où il est dit que Christ a emmené captive la captivité : les puissances qui menaient les croyants en captivité ont été elles-mêmes vaincues. La raison en est évidente. Dans l’épître aux Éphésiens, c’était en relation avec le fait que Christ est monté en haut. Ici nous apprenons ce qui a été fait sur la croix, la puissance de la croix ; mais là, c’est la manifestation publique de la victoire, Christ étant monté en haut. La grande bataille était gagnée. Christ avait pour toujours défait les puissances de méchanceté en faveur de ses cohéritiers. Ce fait d’être monté en haut et d’avoir emmené captive la captivité est le témoignage que ces puissances sont sans pouvoir contre le chrétien. Le langage est toujours adapté au point de vue que prend le Saint Esprit — qu’il s’agisse de la terre ou du ciel, d’Israël ou de l’Église. Plus encore, il dépend de la manière dont les saints sont considérés, comme aussi du lieu où ils se trouvent. S’ils sont vus comme étant dans le désert, l’Esprit emploie un style et des images différents. Satan est appelé un « lion rugissant », ce qui convient au désert ; et ainsi, ce n’est pas de cette façon qu’il est parlé de lui dans l’épître aux Éphésiens, mais bien en 1 Pierre.
Nous arrivons maintenant à l’application pratique que l’apôtre fait de ce qui précède. « Que personne donc ne vous juge en ce qui concerne le manger ou le boire, ou à propos d’un jour de fête ou de nouvelle lune, ou de sabbats, qui sont une ombre des choses à venir ; mais le corps est du Christ » (v. 16, 17). Un chrétien qui connaît la victoire de Christ pour nous n’aurait certainement pas l’idée de retourner à ces formes élémentaires. Tenez ferme votre place actuelle en Christ, agissez en conformité avec elle. Quant au manger ou au boire ou aux ordonnances relatives à l’année, au mois et à la semaine (et l’apôtre prend un soin particulier à ne pas parler seulement de jour de fête ou de nouvelle lune, mais de sabbats) souvenez-vous que ces choses ne font que préfigurer le corps ou la substance qui ne se trouve réellement qu’en Christ seul. En fait, ces temps et saisons indiquent avant tout ce que Dieu donnera bientôt à son peuple. La nouvelle lune était un type remarquable d’Israël renouvelé après avoir disparu, de même que le sabbat préfigurait le repos dont Dieu jouira encore et qu’il partagera avec les siens. Toutefois, qu’il s’agisse des sacrifices de prospérités, des libations ou des fêtes en général, tout cela est l’ombre des choses à venir ; mais le corps est du Christ. Cela, nous le possédons. Le Juif avait l’ombre, et il aura bientôt, par la grâce de Dieu, les choses à venir sous la nouvelle alliance. À nous est donnée « la substance » de Christ maintenant déjà. Il est ici question des solennités juives, et le jour du Seigneur n’a rien affaire avec le judaïsme ; il n’est pas seulement en dehors de ce système, mais en contraste avec lui.
Le jour du Seigneur est aussi distinctement une institution chrétienne que la Cène du Seigneur ; le Juif n’a affaire avec aucun des deux. Il est très important de voir que Dieu a honoré ce jour de résurrection et de grâce. Lorsque les hommes sont radicalement relâchés ou qu’ils commencent à s’écarter du Seigneur, un des premiers symptômes est l’indifférence quant à ce jour. Nous devrions avoir des consciences exercées à son sujet, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi envers ceux qui dépendent de nous soit dans nos maisons, soit au-dehors. Il est de toute importance que le sentiment de liberté et de grâce qui nous convient ne prenne pas même l’apparence de relâchement ou d’égoïsme.
Il n’est pas dit exactement
que le corps est Christ mais « du Christ » ; on trouve ailleurs que « le
Seigneur est l’esprit ». « Le corps » est employé en contraste avec l’« ombre ». Il
n’y a pas de substance dans une ombre (*),
mais nous avons le corps qui est du Christ. La double pensée est que si la
substance est de
Lui, Lui est
l’esprit de tout.
(*) Mais il y a une ombre parce qu’il y a un corps (Réd.).
Le v. 16 s’occupe principalement d’un caractère judaïsant du mal. Le v. 18 va plus loin et montre une espèce d’intrusion dans ce qui est invisible, non pas tellement l’usage ou l’abus religieux des choses qui se voient — ce qui était le piège juif — mais le contact avec la philosophie, spécialement celle des Orientaux. Il y avait une grande apparence d’humilité en tout cela, comme c’est souvent le cas dans les systèmes faux. Le culte des anges paraissait d’autant plus légitime qu’on n’employait pas à leur égard les termes réservés au culte divin. Mais quelle qu’en soit la forme, l’apôtre en parle sévèrement : « Que personne ne vous frustre du prix du combat, faisant sa volonté propre dans l’humilité et dans le culte des anges, s’ingérant dans les choses qu’il n’a pas vues, enflé d’un vain orgueil par les pensées de la chair ». Les Orientaux se livraient à d’innombrables spéculations sur les anges. Il est vrai que ces êtres existent ; mais c’est le fait de s’ingérer dans de tels sujets qui est si mauvais. Ils ont affaire avec nous, mais non pas nous avec eux : notre relation est avec Dieu. Il semblait raisonnable de déduire que si les anges avaient affaire avec nous, nous devions avoir affaire avec eux ; et puisque eux avaient affaire directement avec Dieu, pourquoi n’aurions-nous pas recours à eux dans nos rapports avec Lui ? Ce n’était pas une pensée illogique : qu’est-ce donc qui en fait une erreur si grave ?
C’est la mise de côté de Christ qui est le Chef de tout et par conséquent qui est au-dessus des anges. Christ est celui qui détermine notre relation devant Dieu ; et pour tous nos besoins par rapport à Dieu, nous avons Christ, le grand souverain sacrificateur. Ainsi, mettre les anges à cette place est un double déshonneur fait à Christ. Celui qui s’adonnait à de telles spéculations était « enflé d’un vain orgueil par les pensées de sa chair ». Se livrer à ces pensées pouvait paraître une bonne chose, toutefois cela portait préjudice non seulement à la jouissance que l’âme avait de Christ, mais aussi à Sa nature et à Sa gloire. « Et ne tenant pas ferme le chef, duquel tout le corps, alimenté et bien uni ensemble par des jointures et des liens, croît de l’accroissement de Dieu » (v. 19).
C’étaient de faux docteurs qui privaient ainsi les saints de leur bénédiction. De tels hommes cherchent toujours instinctivement à s’insinuer parmi les enfants de Dieu, que leur simplicité sans méfiance expose à être entraînés par eux. Le culte des anges était l’une des formes où le mal se laissait apercevoir et manifestait son caractère de mensonge. Le Saint Esprit est venu ici-bas pour glorifier Christ, non pas les anges. Quiconque allait au-delà de ce que dit l’Écriture, à la recherche des anges, ne tenait certainement pas ferme le Chef. L’allusion faite ici à l’édification n’est pas du tout la même que dans l’épître aux Éphésiens où l’apôtre développe abondamment le sujet et montre les dons spirituels dans leurs formes principales, du plus élevé au moindre, dons par lesquels le Corps produit l’édification de lui-même en amour. Si donc des âmes se rassemblaient d’une manière très simple, cela pouvait néanmoins être pour l’édification. Dans l’épître aux Colossiens tout est présenté ensemble, et non pas développé et spécifié comme dans l’épître aux Éphésiens.
Si des croyants ont été conduits par Dieu dans le lieu où la seigneurie de Christ (et je puis ajouter la présence du Saint Esprit) est reconnue et mise en pratique, comment attendraient-ils la moindre bénédiction de ceux qui ne voient ni ne reconnaissent cette seigneurie ? Ces vérités sont fondamentales pour l’Église, le ministère, etc. Nous devons nous en tenir à la volonté de Dieu ; or Dieu a sa volonté précise quant à tout cela, et sa sagesse et ses voies propres devraient avoir de la valeur à nos yeux. Ici, il nous est parlé de jointures et de liens — les divers moyens dont Christ se sert pour la bénédiction spirituelle et le profit des siens. Ils permettent au corps de mieux opérer, resserrent les saints autour de Christ, et pour sa gloire. Il est bon de chercher à porter la bénédiction à d’autres ; mais, pour les saints, la chose fondamentale est la puissance d’assembler à Christ lui-même. Non pas simplement d’envoyer des serviteurs, mais d’assembler à Christ comme Seigneur là où se fait sentir le besoin de puissance spirituelle pour tenir ferme ensemble. C’est là croître « de l’accroissement de Dieu ». Il y a alors élargissement, réconfort et consolation. La puissance qui est déployée ne l’est pas seulement dans des conversions, mais elle opère intérieurement une bénédiction positive et en jugement de soi.
Nous avons ici, spirituellement, l’application de ces deux grandes vérités : la mort et la résurrection de Christ. Elles avaient déjà été placées ensemble au v. 12 : « Étant ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel aussi vous avez été ressuscités ensemble ». « Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos fautes… il vous a vivifiés ensemble avec lui » (v. 13). Maintenant, dans les v. 20-23, nous avons les conséquences de notre mort avec Christ, de même qu’au chap. 3 à partir du premier verset, nous avons la signification de la résurrection de Christ — ce qu’elle assure et ce à quoi le Saint Esprit nous appelle en tant que ressuscités ainsi avec Christ.
Notre mort avec Christ n’est
pas mentionnée ici pour rappeler que nous sommes rachetés. À ce point de vue,
c’est le sang
de Christ qui est toujours mis en avant. Non pas que le
pardon de toutes les fautes soit omis, mais la mort de Christ et notre
association avec lui vont beaucoup plus loin ici et nous introduisent dans une
tout autre ligne de la vérité. Nous pourrions avoir compris l’offrande de son
corps et l’effusion de son sang sans qu’il ait été question de mort avec lui.
Notre mort avec Christ sert ici de fondement au fait qu’en ce qui concerne les
choses de Dieu, nous n’avons plus rien à faire avec la nature ni avec le monde.
Le principe même de la religion du monde nie la mort avec Christ ; elle ne
voit pas, ni ne veut admettre, la ruine totale de l’homme tel qu’il est. Ce que
le monde recherche dans une religion, c’est ce qui conviendra à tous, dans
quelque condition que ce soit. La sagesse humaine pourvoit, et pour chacun, à
toutes les pratiques religieuses convenant à la population entière d’un pays.
Ainsi, tous les gens honorables, tous ceux dont la conduite n’est pas
scandaleuse sont traités en adorateurs ; ils pratiquent une religion
adaptée à leurs pensées au sujet d’eux-mêmes et au sujet de Dieu, étant
principalement occupés de ce que l’homme cherche à faire pour Dieu. C’est un
mélange de paganisme et de formes judaïques, qui trouve son aliment dans
certaines abstinences, lesquelles tiennent lieu de sainteté. Comme il ne peut y
avoir aucune jouissance positive de Christ, le côté négatif doit être la
caractéristique essentielle.
Dieu avait incorporé ces mêmes éléments dans le judaïsme, qui était une religion de la chair avec un sanctuaire terrestre. Il a lui-même, pour ainsi dire, fait l’expérience d’un vaste système de restrictions, ce qui est le seul plan que l’homme puisse concevoir pour être saint au Seigneur. Ainsi trouvons-nous dans la loi lévitique, l’épreuve de cette sorte de culte, faite par Dieu dans les meilleures conditions possibles. À côté des restrictions d’ordre moral imposées à la volonté de l’homme par les dix commandements, certains aliments étaient interdits. Les enfants d’Israël ne devaient pas même toucher certains objets déclarés impurs. Tout cela avait affaire avec l’homme dans la chair, bien que, je n’en doute pas, toute ordonnance dans le système juif comportât une profonde signification en tant qu’ombre des choses meilleures en Christ ; de précieuses vérités étaient toujours cachées sous ces formes et ces cérémonies. La lettre tue (c’est-à-dire, la simple enveloppe extérieure du système), mais l’Esprit vivifie, partout où se trouve la foi pour s’emparer de la portée spirituelle.
Maintenant, si nous sommes « morts
avec Christ », comment s’appliquent pour nous les : « Ne prends pas, ne
goûte pas, ne touche pas » ? De telles injonctions disparaissent
complètement, parce que si je suis déjà et réellement mort avec Christ, je suis
en dehors de cette sorte de langage et d’idées. Vous pourriez aussi bien
exhorter un homme mort quant à ce qu’il aurait dû faire ou ne pas faire.
L’ancien système religieux pour l’homme dans la chair est entièrement mis de
côté pour le chrétien ; un tel système contredit en effet le fondement sur
lequel le chrétien se tient, il contredit son propre baptême. En Christ, le
chrétien est mort au monde. Aussi, un chrétien qui se compromet avec la
religion du monde, perd-il invariablement le sentiment de sa mort avec Christ,
ainsi que celui du jugement véritable du monde et de l’homme. Recourir à la loi
est le seul moyen par lequel il est possible au monde de prendre un caractère
religieux, comme nous le voyons dans tout système dit national, et en fait dans
tout effort de se faire agréer par l’homme comme tel. Ce n’est rien d’autre
qu’abandonner Christ mort et ressuscité, même si telle n’est pas l’intention.
L’apôtre semble faire allusion ici au système général de restrictions humaines en matière religieuse, plutôt qu’à quelque portion particulière de l’Ancien Testament. Lorsqu’un homme meurt, il laisse derrière lui ses biens, son rang, son confort, sa réputation, son énergie, ce qui constituait sa raison de vivre. C’est ce que fait d’emblée le chrétien, en vertu de la mort et de la résurrection de Christ : grande vérité selon laquelle il est appelé à agir pendant qu’il est encore sur la terre. En Christ, il est maintenant mort au monde. Beaucoup de chrétiens ignorent totalement cette vérité, soit en tant que privilège dont ils peuvent jouir, soit en tant que réalité à pratiquer. Pour eux la pensée d’être mort et ressuscité avec Christ n’est que pur mysticisme, et ils s’estiment trop humbles et respectueux pour la considérer ou la peser ! Permettez-moi d’ajouter qu’avoir la vie en Christ n’est pas la même chose, car cela était assurément vrai des croyants avant qu’il y eût ou pût y avoir une position telle qu’être mort et ressuscité avec Christ. Voilà le grand changement que la mort et la résurrection de Christ ont introduit.
Il est ainsi évident qu’être mort avec Christ fait sortir une personne non seulement du monde, en esprit, mais de tout le système de sa religion. « Si vous êtes morts avec Christ aux éléments du monde, pourquoi, comme si vous étiez encore en vie dans le monde, établissez-vous des ordonnances ». Telle avait été la condition des hommes, dans la position la meilleure, avant Christ. Ils en étaient pour ainsi dire, à l’alphabet ; les anciens rudiments ou éléments avaient eu leur place et avaient été mis à l’épreuve, mais maintenant, le Fils de Dieu étant venu et nous ayant révélé Celui qui est vrai, c’est la substance et la plénitude de la vérité que nous connaissons en connaissant Christ. L’oeuvre de Christ reçue par la foi qualifie maintenant le croyant pour cette place où les choses vieilles sont passées et toutes choses faites nouvelles. « Pourquoi, comme si vous étiez encore en vie dans le monde », est une expression des plus remarquables. Elle montre que nous ne sommes pas fidèles à notre position, ni à Christ, si nous nous comportons comme des hommes vivants dans le monde. Nous avons une vie nouvelle, la vie de Celui qui est mort et ressuscité ; et cela nous a introduits maintenant dans la condition de mort à tout ce qui est du monde. Ainsi, quant à la religion du monde, le chrétien en a, en principe, aussi réellement fini avec elle que Christ lui-même après sa mort. Notre Seigneur, depuis sa croix, a-t-il eu affaire avec les jeûnes et les fêtes des Juifs ? En aucune manière ; et nous, j’entends les vrais chrétiens, ne le devons pas non plus. Le temps du support pour les Juifs devenus chrétiens a pris fin depuis longtemps ; il n’y a plus aujourd’hui la moindre excuse pour la chrétienté.
J’admets que la grande masse des chrétiens ne veut rien entendre d’une telle rupture avec le monde ; et ainsi ceux qui voient en elle une vérité fondamentale du christianisme sont sérieusement mis à l’épreuve. Ont-ils, en grâce, accepté à cause de Lui d’être traités de fanatiques, de fous, d’orgueilleux, de durs, d’étroits, remettant ces calomnies et d’autres encore à Celui qui les aime et qui connaît la fin dès le commencement ? Revenir aux éléments du monde est, redisons-le, en contradiction pratique évidente avec notre mort avec Christ.
Les Colossiens étaient en danger de tomber dans ce piège. Ils ne voyaient pas pourquoi, comme chrétiens, ils devraient abandonner ce qui semblait assez largement pratiqué parmi les Juifs ou les Gentils. Ils désiraient tenir ferme la vérité de Christ, mais conserver ou adopter en même temps des formes religieuses qui avaient été observées autrefois. Non, dit l’apôtre, c’est Christ et rien que Christ qui est tout notre bien ; nous n’avons besoin de rien d’autre. Christ est tout. Rien n’est aussi exclusif que Christ et sa croix, et pourtant qu’y a-t-il d’aussi grand ? « En Lui habite toute la plénitude de la déité corporellement ». Mais il a été rejeté. Dès lors les formes et les principes judaïques ont perdu toute leur ancienne valeur.
Dans l’épître aux Galates, l’apôtre emploie un langage encore plus fort. Il accuse ceux qui observeraient des jours, des mois, des temps, des années, de retourner au paganisme. « Mais alors, ne connaissant pas Dieu, vous étiez asservis à ceux qui, par leur nature, ne sont pas dieux » (c’était leur ancienne condition en tant que Gentils), « mais maintenant, ayant connu Dieu… comment retournez-vous de nouveau aux faibles et misérables éléments auxquels vous voulez encore derechef être asservis » ? Les Galates pensaient qu’emprunter à la loi améliorait la simplicité première de l’évangile. Combien peu ils s’attendaient au reproche apostolique, qu’il est aussi mauvais pour les chrétiens d’adopter des éléments judaïques que de retourner à l’idolâtrie ! En fait, il est démontré désormais que c’est le même principe ; telle est la lumière dans laquelle la croix de Christ place ces éléments du monde. Avant peu, on verra un étrange amalgame non seulement entre les églises ainsi nommées, mais entre la chrétienté et le judaïsme. Déjà la perte des biens temporels du « Saint-Siège » n’est pas un fait négligeable dans la chaîne des événements (*). Dans l’avenir, au moment déterminé, Rome sera abandonnée à la Bête (**) qui y déploiera sa puissance, Jérusalem devenant le centre de la religion vers laquelle la chrétienté se tournera. Il n’y aura pas seulement de l’idolâtrie, mais l’abomination de la désolation ; l’homme de péché sera établi et adoré en son temps. Tout travaille en vue d’un mal pire que le romanisme lui-même.
(*) Écrit en 1866. La Papauté avait perdu la presque totalité de ses États en 1859-1860 et allait perdre le reste (la ville de Rome) en 1870 (Réd.).
(**) La puissance politique : le chef de l’Empire romain rétabli (Réd.).
Mais si la fin doit être telle, la tendance largement répandue est déjà de « vivre dans le monde » ; cela signifie que le coeur est ici-bas, que l’on s’est installé dans la religion du monde. Un chrétien, au contraire, est quelqu’un qui appartient au ciel. C’est ce qu’on renie pratiquement, et notamment le fait d’être mort avec Christ, si l’on accepte ces éléments judaïques. La seule manière sûre de juger de toute chose est d’introduire Christ. La question ici est : quelle est la position de Christ quant à la religion du monde ? Lorsqu’il vivait ici-bas, il allait sans doute au temple, reconnaissant et pratiquant la loi (bien qu’il fût réellement le Fils unique du Père) car Dieu la reconnaissait ; il n’avait pas encore abandonné Israël, l’homme, la terre, toutes les choses d’ici-bas. Mais où est Christ maintenant et comment y est-il allé ? Encore une fois, on ne peut avoir et garder la vérité sans la pratiquer ; et Dieu ne veut pas que nous la possédions autrement. Il donne un témoignage ; la lumière brille ; mais la vérité ne remplit une âme que si elle agit sur elle ; sinon la lumière qui est à l’intérieur devient ténèbres, et alors combien grandes sont ces ténèbres ! Peut-on hésiter à qualifier de profondément malhonnête un homme qui après avoir professé comprendre ce que c’est qu’être mort avec Christ persisterait néanmoins dans la religion du monde ? C’est plus qu’un manque d’intelligence. Qu’y a-t-il de plus solennel que de sacrifier la personne de Christ ? Ceux qui paraissent avoir la vérité, mais refusent de s’y conformer, deviendront bientôt les ennemis de cette vérité qu’ils ne suivent pas.
La religion du monde a affaire avec cette création ; elle appartient à ces choses dont on peut dire : « Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas ». Prenez le principe des édifices consacrés, des lieux saints, des objets sacrés, toutes choses destinées à périr par l’usage ; elles sont toutes en rapport avec le monde ; et la chair est capable d’y trouver satisfaction. Dire que le lieu et la manière d’adorer Dieu importent peu est aussi mauvais que quelque mal que ce soit. Rien n’est pire que l’indifférence dans les choses de Dieu ; ceux qui sont ainsi négligents en ce qui concerne Dieu ne manquent généralement pas de vigilance quant à ce qui les concerne eux-mêmes. Je parle naturellement des faits généraux, non des individus. Si nous ne nous savions pas associés à Christ mort et ressuscité, notre culte ne serait qu’une espèce d’accommodation du judaïsme, qui était la religion d’un peuple « en vie dans le monde ».
Maintenant, au contraire, toutes ces choses sont entièrement jugées dans la croix comme étant inimitié contre Dieu ; et les chrétiens sont appelés à ne rien avoir à faire avec elles. Il y a une bénédiction merveilleuse à réaliser la place où nous met la mort de Christ. Elle en a entièrement fini avec tout ce qui est « en vie dans le monde », avec tout ce qui a de la valeur aux yeux des gens du monde. Vivre dans le monde (religieusement parlant), revêt deux grandes formes, l’une superstitieuse, l’autre séculière, le « moi » étant nécessairement à la base des deux. Être mort avec Christ nous délivre des deux. On voit dans des églises issues pourtant de la Réforme la forme séculière en matière de religion ; leur seule idée est d’être confortablement établies même dans la dévotion. La pensée d’adorer Dieu a disparu. On n’a aucune notion de ce que c’est que d’être mort avec Christ. Un danger plus grand peut-être se trouve dans l’autre forme, la superstition, parce qu’elle a une belle apparence d’humilité, de piété et de révérence. Mais ceux qui sont vraiment et d’une manière si merveilleuse délivrés par la mort et la résurrection avec Christ ont à éviter tout reproche de légèreté et de négligence. Se comporter d’une manière inconvenante n’est nulle part plus affligeant que là où la position chrétienne est connue et où l’on se place sur le terrain de l’Église de Dieu.
L’apôtre nous donne ensuite un échantillon de ce que sont ces ordonnances. Ce n’est pas la puissance de l’Esprit de Dieu révélant les choses de Christ, mais une mise en avant du « moi », d’un caractère généralement négatif. Telle était autrefois la manière d’agir de la loi avec la chair dans un monde mauvais. La foi est maintenant en droit de regarder à Christ dans les cieux. « Choses.. (qui ont bien une apparence de sagesse en dévotion volontaire et en humilité, et en ce qu’elles n’épargnent pas le corps, ne lui rendant pas un certain honneur), pour la satisfaction de la chair ». Ce n’est pas la volonté de Dieu, mais celle de l’homme imaginant ses propres moyens de plaire à Dieu. Tout cela se revêt d’une apparence de grande humilité et cultive l’ascétisme. C’est exactement ce qu’a fait une certaine philosophie en déniant la place propre de nos corps. De quelle manière remarquable le Nouveau Testament ne fait-il pas au contraire ressortir la vraie importance du corps ! Il proclame, par exemple, que nos corps sont le temple du Saint Esprit. Cette vérité est de toute importance et, étant elle-même une conséquence de la rédemption, elle constitue le vrai fondement de la morale chrétienne. « Livrez… vos membres à Dieu, comme instruments de justice… ». Présentez « vos corps en sacrifice vivant… », etc.
L’esprit philosophique à
Corinthe avait pour principe que le corps n’avait pas d’importance pourvu que
l’esprit fût sain. L’apôtre insiste alors sur le fait que le corps
est le temple du Saint Esprit (1
Cor. 6:19, 20). À cela s’ajoute la vérité de la résurrection du corps, et pas
seulement de la survivance de l’âme. L’emphase est mise sur le corps ; de
sorte que si même le corps est tombé sous l’empire du péché, c’est là que se trouve
la puissance du Saint Esprit, dont il est dit qu’il habite en chaque croyant.
Vous ne pouvez réformer la chair, vous ne pouvez améliorer la volonté ; le
vieil homme doit être jugé, renié, traité comme une chose vile ; toutefois
le corps est, dès maintenant, devenu le temple du Saint Esprit. Adam, avant la
chute, avait un corps, une âme et un esprit ; mais dès sa chute, il acquit
une volonté propre — le
désir d’avoir
ses propres voies. C’est là une chose que nous devrions toujours traiter comme
mauvaise, et nous devrions nous juger nous-mêmes si en quelque manière nous la
laissons agir. Qu’est-ce qui peut donner à l’homme une aussi grande puissance
contre cette volonté propre, sinon Christ connu dans sa pleine grâce en
délivrance ? Comme il est dit de l’épée prise à Goliath, « il n’y en a point de pareille ». Si je
suis mort et ressuscité avec Christ, où est le vieil homme ? Il n’existe
pas aux yeux de Dieu ; aussi ne devons-nous pas tolérer qu’il se montre à
la vue des hommes.
Le premier propos de la religion du monde est de corriger la chair et d’améliorer le monde. L’esprit humain se glorifie le plus par des efforts ascétiques. Négliger son corps peut être en même temps un moyen d’enfler la chair. C’était une idée païenne, l’enfant chéri des philosophes. Ils croyaient volontiers que l’âme était sainte, même si le corps ne l’était pas, certains soutenant que l’âme venait de Dieu et le corps du diable. Ce fut l’origine d’un mal effroyable, tendant à la destruction de toute moralité. N’y a-t-il pas en Christ une réponse à tous ces égarements de l’esprit humain ? En recevant la vérité en Lui, vous avez ce qui anéantit le but de Satan, mais le Saint Esprit seul, si j’ose m’exprimer ainsi, nous la fait réaliser. C’est dans la mesure où nous en jouirons qu’il en résultera un abondant fruit de la justice, qui est par Jésus Christ à la gloire et à la louange de Dieu.
Nous avons considéré la mort
avec Christ et ses conséquences par rapport au danger qui menaçait les saints
de Colosses, et, partant de là, la condamnation d’un mal dans lequel Satan
cherchait à les ramener. Mais l’effet de cette mort avec Christ était surtout
vu sous son côté négatif. Pourquoi des gens comme eux étaient-ils soumis à des
ordonnances ? Ils ne devaient pas l’être, car en Christ ils étaient morts
aux éléments du monde et ils
n’avaient par conséquent rien à faire avec les ordonnances. Celles-ci pouvaient
bien convenir à des hommes en vie dans le monde, mais elles ne pouvaient
s’appliquer à des hommes morts. C’était une contradiction spirituelle absolue.
Maintenant le chrétien est mort en vertu de la croix de Christ. C’est là
entièrement une question de foi. Le croyant a encore sa vie naturelle ;
s’il n’est pas occupé de Christ — sa vraie vie — il est aussi enclin qu’un
autre à voir revivre de vieilles pensées et de vieilles habitudes. En tant que
croyant, j’ai à me méfier de toute appréciation, de tout sentiment que j’ai eus
autrefois comme homme naturel, me souvenant que l’homme animal ne reçoit pas
les choses qui sont de l’Esprit de Dieu.
Mais maintenant, le chrétien est considéré comme un homme mort, oui, mort au monde sous ses meilleurs côtés, même au monde religieux. La plus haute manifestation à laquelle puisse prétendre la nature, est de ne pas prendre, de ne pas goûter, de ne pas toucher. Telle est sa seule manière de remporter la victoire, victoire qui en fait n’en est pas une, mais seulement l’abstention de certaines choses, ou un système de contraintes de la chair. C’est en contraste absolu avec le principe du chrétien. Il recherche la victoire de la grâce. Car la mort de Christ l’a délivré de tout ce principe de la nature qui consiste à ne pas prendre, ne pas goûter, ne pas toucher. C’était là non seulement un principe judaïque, mais aussi la religion naturelle de l’homme. Ce n’est qu’ainsi que les hommes essaient de s’abstenir du mal dans le monde. Le christianisme n’évite pas seulement le mal en nous et autour de nous, mais applique la mort à tout. Christ est mort à tout et le chrétien devrait se savoir mort à tout ce qui est du monde, avec autant de décision si ce dernier est moral ou religieux que s’il est grossier, intellectuel ou incrédule.
Au chapitre 3, nous faisons
un pas de plus. Le raisonnement de l’apôtre part du fait que nous sommes
ressuscités avec Christ. Ce n’est pas seulement que nous mourrons et
ressusciterons, mais que nous sommes
morts et ressuscités. De nombreux
chrétiens emploient constamment ces termes mais sans entrer dans leur vraie
signification pour la raison claire et suffisante qu’ils ne mettent pas cette
vérité en pratique dans leur vie. Ils sont trop habitués à être mêlés au monde
pour comprendre une séparation aussi absolue d’avec lui. Ce n’est nullement par
manque d’intelligence naturelle. Mais leur langage et leurs voies les
trahissent, prouvant combien ils sont éloignés de l’intelligence de l’Écriture
elle-même. Ils substituent le mysticisme à la vérité.
Avant que Christ vînt, Dieu avait établi un système d’ordonnances. Le judaïsme était la religion du monde sous sa meilleure forme. Jusqu’à ce que, par grâce, ils passent par une révolution totale, ceux qui étaient formés à cette école ne comprenaient jamais les traits distinctifs du christianisme. Son caractère leur était caché. Les Juifs n’avaient aucune notion de la ruine absolue de la chair — ils n’avaient qu’un faible sentiment du péché, une pauvre compréhension de la grâce de Dieu. Comme nation, ils étaient placés sous la loi, sous la sacrificature lévitique, sous des sacrifices extérieurs, sous des ordonnances charnelles. Tout cela faisait partie des choses dans lesquelles ils avaient à marcher ; de grandes vérités étant cachées sous ces images rudimentaires. La chrétienté a repris les choses qui se justifiaient pour un Juif, mais qui maintenant sont appelées « les éléments du monde », ce qu’elles sont en réalité. Elles n’étaient pas considérées comme telles tant que Dieu agissait à l’égard d’Israël. C’était cependant ce dont le monde est capable. Elles sont traitées maintenant comme éléments du monde, mais il n’en était pas ainsi avant la mort de Christ.
Beaucoup de personnes pensent, par exemple, qu’il n’est pas possible d’avoir un culte digne de Dieu sans un édifice sacré et sans des cérémonies appropriées ; et que plus le bâtiment est beau, plus le rituel imposant, et plus, pensent-elles, le culte sera agréable à Dieu. Eh bien ! tout cela fait partie des éléments du monde. D’autres encore pensent qu’il n’est pas possible d’avoir la Cène du Seigneur sans un ministre ordonné pour l’administrer. L’Assemblée de Dieu n’a point une telle coutume. L’apôtre répudie le système tout entier. C’est une invention de l’ennemi. Les écrits du Nouveau Testament, qui révèlent l’Église, excluent tout cela. Non seulement ce n’est pas une bonne chose, mais toutes pensées et toutes voies semblables sont mauvaises maintenant, car elles sont opposées à la croix et à la gloire céleste de Christ.
L’Écriture reste invariable
(quels que soient les changements de la chrétienté) et ce dont nous avons
besoin, c’est d’avoir recours à la lumière de l’Écriture. C’est une sauvegarde
simple, mais immense — retournons à la Parole de Dieu et attachons-nous à elle
seule. Satan était à l’oeuvre pour faire judaïser les Colossiens ; son
grand but était de les détourner vers des ordonnances, ces formes juives qui
avaient eu autrefois leur place légitime, mais qui n’étaient plus en vigueur.
Le christianisme les compte pour rien et, en fait, bien loin de conserver une
valeur quelconque, elles sont considérées comme puériles, et même idolâtres
pour le chrétien. Il y avait là naturellement une très grande difficulté pour
un Juif. Étaient-ils appelés à abandonner maintenant tout ce que Moïse, David,
Ezéchias, avaient honoré en tant qu’observances religieuses ? Oui, car
Christ était venu ; et ne devaient-ils pas l’écouter Lui
dorénavant ? La rédemption, la substance de leurs types, était
accomplie ; en ferait-on peu de cas ?
La grande erreur de la chrétienté a toujours été de retourner aux ordonnances. Prenez le principe d’un clergé consacré ; n’est-ce pas la même chose ? Il est bien vrai que tous les chrétiens n’ont pas le même don ou la même place, quelques-uns seulement sont doués pour aider, diriger et instruire le grand nombre. Mais le système juif a pris fin avec la croix de Christ, sa résurrection et son ascension. La relation du chrétien avec Christ est dès lors fondée sur l’oeuvre de la croix qui a déchiré le voile et anéanti ainsi le système juif. C’est pourquoi il est dit : « Cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu » (v. 1). L’allusion à la place qu’occupe Christ en haut en dehors du monde, est très belle. Sa paix, assurée dans la gloire, est ainsi pour nous la note fondamentale. Non pas qu’il soit dit ici que nous sommes assis en Lui dans les lieux célestes. Ce côté de la vérité est affirmé et développé dans l’épître aux Éphésiens. Mais l’épître aux Colossiens n’élève jamais le croyant aussi haut ! Elle montre Christ là-haut, mais, pour ainsi dire, elle ne nous y place pas. La résurrection de Christ, ou plutôt, le fait que nous sommes ressuscités avec Lui, est mis en avant comme notre motif pour chercher les choses qui sont en haut.
« Pensez aux choses qui sont
en haut, non pas à celles qui sont sur la terre » (v. 2). Quel croyant peut
loyalement avoir des affections partagées ? Comme notre Seigneur lui-même
l’a dit : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ». Le Seigneur a exprimé la
chose comme une impossibilité morale. Mais ici elle est présentée comme une
exhortation fondée sur l’immense grâce qui nous a ressuscités avec un Christ
ressuscité. C’est en vain que vous essayerez d’être occupés à la fois des
choses célestes et des choses terrestres. Nous sommes appelés à penser aux
choses qui sont en haut, non pas simplement de temps à autre, mais
continuellement. Supposez quelqu’un qui est engagé dans les affaires ;
n’a-t-il pas à s’y employer ? Certainement ; toutefois non pas pour y
attacher son esprit, mais simplement pour tout accomplir comme un devoir envers
le Seigneur. Ne devrait-il pas s’en acquitter mieux qu’un autre qui n’a pas
Christ ? Je suis assuré que tel serait le résultat s’il regardait au
Seigneur ; et cette même simplicité de vue, cette même foi, le
préserveraient des pièges de la convoitise ainsi que de la vaine gloire. Le
chrétien enseigné de cette manière et marchant ainsi a devant son âme le seul
objet propre à élever un homme au-dessus de lui-même et du monde. Certes, s’il
travaille ainsi jour après jour pour le Seigneur, la conscience de la grâce
dans laquelle il est le délivrera de l’insouciance, de l’indulgence envers
soi-même ou de la spéculation, qui exposent les hommes à s’endetter ou à suivre
d’autres voies déshonorantes, les faisant descendre plus bas même que la
mondanité décente. Pourtant si un chrétien ne marche pas avec une conscience
exercée devant le Seigneur, il est en danger de faire des choses pires et de
s’égarer plus qu’un homme du monde. Aussi humiliant et sérieux que cela puisse
être, ce n’est pas surprenant. Le but principal de Satan est de déshonorer
Christ en ceux qui portent le nom de Christ, et la puissance de l’Esprit est
avec ceux-là seuls dont le coeur est tourné vers Lui. Ainsi ce n’est pas :
Pensez en partie aux choses qui sont en haut et en partie aux choses de la
terre, mais ne pensez pas
du tout à ces choses qui sont sur la terre.
Quoi que le Seigneur vous donne à faire, vous pouvez vous en acquitter comme d’un service envers Lui ; mais, même pour le travail spirituel dans l’Évangile ou dans l’Église, il est nécessaire de veiller de près. Vous n’avez aucune sécurité en dehors de Celui qui est assis à la droite de Dieu. Prenez, par exemple, l’étude des Écritures : on pourrait être absorbé par les beautés de la langue, les prophéties, la poésie, l’histoire, la doctrine, etc. Tous ces aspects peuvent devenir un piège. Où y a-t-il de la sécurité pour nous, sinon en Christ lui-même — Christ tel qu’il est en haut ?
Nous avons ensuite l’exposé
remarquable de la raison pour laquelle nous devrions penser aux choses qui sont
en haut : « Car vous êtes morts ». Ce n’est pas comme le disent certains
moralistes, même des païens, qu’il nous faut mourir ; la vérité chrétienne
fondamentale est que nous sommes
morts. Tous les mystiques, anciens ou
modernes, ont comme but de mourir. Ils insistent ainsi sur une expérience
intérieure et un effort humain — ils cherchent à se crucifier eux-mêmes — mais
ce n’est pas : « Je suis
crucifié avec Christ ; et je ne vis
plus, moi, mais Christ vit en moi ; et ce que je vis maintenant dans la
chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu » ni : « ceux qui sont
du Christ ont
crucifié la chair avec les passions et les convoitises ».
Ce qui convenait pour un Juif, bien loin d’être nécessaire pour un chrétien,
est très en deçà de la croix. Pour nous le fondement de tout est au-delà :
c’est Christ mort et ressuscité. Le fait qu’une instruction se trouve dans la
Bible ne justifie pas la conclusion que telle est actuellement la volonté de
Dieu pour le chrétien. Nous devons chercher à « découper droit » la parole de
vérité. Ce qui valait autrefois pour les Juifs n’est plus pour nous que « les
éléments du monde ». Ces formes annonçaient une réalité qui maintenant est
là ; le corps est du Christ. La part bénie d’un chrétien, c’est qu’il est
mort même aux choses les meilleures dans le monde et qu’il est vivant aux
choses les plus élevées dans la présence de Dieu ; car Christ est sa vie.
Nous sommes appelés par conséquent à penser aux choses qui sont en accord avec Christ dans la gloire — en tout premier lieu à Christ lui-même, puis à son oeuvre puissante en rédemption, considérée dans ses effets célestes. Quels objets à avoir toujours devant nous ! Nos espérances en tant que rattachés à Christ ainsi connu, la sagesse spirituelle mise en exercice par là même, les affections éveillées et en jeu, en résumé tous les fruits de l’oeuvre de Christ en relation avec le ciel sont compris dans ces choses qui sont en haut. « Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (v. 3).
La notion qui prévaut chez
beaucoup est que le chrétien est le plus qualifié pour occuper une place dans
le monde précisément parce qu’il est un chrétien. Mais c’est proprement renier
la vérité divine et primordiale, que je suis mort
, ce dont témoigne
d’ailleurs mon baptême. Et il est remarquable que l’impression du monde au
sujet de quiconque reçoit Christ est bien qu’un tel est comme mort. Son
entourage sent que ce croyant est perdu quant aux objets qu’il
poursuivait ; et s’il prend position d’une manière un peu conséquente
comme appartenant à Christ, il justifie ce que les hommes prévoyaient
instinctivement ; car il cesse d’agir comme quelqu’un qui vit
dans
le monde. Hélas ! la chrétienté risque de l’habituer bientôt à trahir
Christ. Mais la vérité demeure : « vous êtes morts, et votre vie est cachée
avec le Christ en Dieu ». Pour le moment, elle est cachée ; Christ n’a pas
encore rendu sa gloire manifeste au monde. Aussi un chrétien devrait-il être
satisfait d’être pendant un peu de temps rejeté et méprisé. La foi et la
patience sont ainsi mises à l’épreuve ; Dieu permet qu’il en soit
ainsi ; et un chrétien ne devrait pas s’en étonner, car Christ a eu
exactement la même part. Un oeil simple n’est pas trompé ; c’est l’égoïsme
qui est aveugle quant à la gloire de Dieu. Nous devrions être d’autant plus
fidèles à la puissance morale de la croix que la nuit est plus avancée. La raison
pour laquelle nous sommes méprisés devient ainsi une source bénie de joie dans
notre affliction. Le temps est court et tout changera bientôt.
Il s’y ajoute une autre vérité : « Quand le Christ qui est notre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire » (v. 4). Christ ne sera pas toujours caché comme il l’est maintenant ; il va être manifesté ; et lorsqu’il le sera, nous aussi, nous serons manifestés avec lui en gloire. Dieu nous amènera avec lui, comme nous l’apprenons ailleurs. Nous aurons été ravis auprès de lui afin que, quand tout oeil le verra, nous ayons la même part que lui. L’expression « cachée avec le Christ en Dieu » a beaucoup plus de force que s’il était dit simplement : Christ est absent dans le ciel. En Jean 13 nous lisons : « Maintenant le fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même ; et incontinent il le glorifiera ». Ce n’est pas seulement la glorification dans le ciel, mais ce que Christ possède maintenant en lui-même, pendant qu’il est encore caché en Dieu, comme cela a été dit au v. 3, et en contraste avec la manifestation de sa gloire quand il viendra bientôt, comme dans le v. 4.
Les Colossiens avaient en
grande partie perdu de vue cette vérité et ils étaient en danger de s’engager
sur une voie qui les aurait privés de toute jouissance de la paix et de la
confiance en Dieu. La théorie soutenue parmi eux était qu’ils devaient ajouter
ce qu’ils pouvaient à Christ afin d’augmenter la bénédiction et la sécurité des
saints, et d’avoir un témoignage présent à sa gloire. L’apôtre leur montre que
leur vie est cachée
avec le Christ en Dieu.
Par conséquent, bien qu’ils
possèdent la sécurité la plus parfaite, elle est en accord avec la position
d’un Christ caché et non pas encore manifesté. « Quand le Christ, qui est notre
vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en
gloire. Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre, la fornication,
l’impureté.. » (v. 5). Parce que vous êtes morts, parce que vous avez cette vie
nouvelle, Christ lui-même, et qu’ainsi vous êtes morts et ressuscités avec lui,
mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Quels étaient-ils ? La
fornication, l’impureté, les affections déréglées, la mauvaise convoitise, et
la cupidité, qui est de l’idolâtrie. Voilà ce qu’ils étaient, et ce que nous
sommes aussi, en réalité. C’est une manière remarquablement forte et directe de
présenter la vérité. On ne se moque pas de Dieu. La grâce n’empêche pas Son jugement,
soit moralement dans sa Parole, soit quand, bientôt, il sera exécuté… « À
cause desquelles la colère de Dieu vient sur les fils de la
désobéissance ; parmi lesquels vous aussi vous avez marché autrefois,
quand vous viviez dans ces choses » (v. 6, 7).
« Mais maintenant, renoncez, vous aussi, à toutes ces choses : colère, courroux, malice, injures, paroles honteuses.. » (v. 8). Il est précieux de voir la vérité de la mort avec Christ introduite comme étant ce qui délivre de la nature dans toutes ses formes, peu importe que ce soit la corruption ou la violence. C’est le jugement du premier Adam dans son entier ; rien n’est épargné. Les v. 9 et 10 sont impératifs : « Ne mentez point l’un à l’autre, ayant dépouillé le vieil homme avec ses actions et ayant revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé ». Dieu voudrait que ses enfants jouissent du bonheur le plus complet ; et en fait, il est impossible pour un homme d’être pratiquement saint avant qu’il soit heureux. Il peut avoir de pieux désirs et l’Esprit peut opérer, mais il n’a pas de puissance avant que son âme ait trouvé paix et délivrance en un Autre, que Dieu donne par pure grâce. Alors le croyant, rendu heureux par Christ et son oeuvre de rédemption, va à Dieu comme à son Père, possède le Saint Esprit comme puissance et tous les autres résultats pratiques qui découlent de cette nouvelle relation dans laquelle « il n’y a pas Grec et Juif, circoncision et incirconcision, barbare, Scythe, esclave, homme libre ; mais où Christ est tout et en tous » (v. 11).
En harmonie avec cela,
combien est beau le motif chrétien qui nous est donné ici pour ne pas mentir,
etc., non seulement parce que mentir déshonore Dieu, mais parce que nous avons
dépouillé le vieil homme et que nous avons revêtu le nouvel homme ! Tout
apparaît dans une lumière caractéristique et saisissante. Dieu, dans les
instructions mêmes qu’il nous donne, ne manque pas de nous rappeler ici nos
bénédictions. Si donc nous sommes appelés à renoncer à la colère, au courroux,
etc., c’est parce que
nous sommes
morts. S’il nous est dit de ne plus marcher dans l’impureté, c’est que si nous
avons vécu autrefois dans toutes ces choses, nous sommes maintenant morts
à elles et vivants en Christ. Si
nous sommes exhortés à parler la vérité, c’est parce que nous avons
dépouillé le vieil homme et avons
revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance, selon l’image de
celui qui l’a créé. En Lui il n’y a aucunes ténèbres. Il est la vraie lumière
qui brille maintenant.
Ce qui s’impose à nous comme
chrétiens c’est de n’estimer rien sinon Christ. Je parle simplement de notre
place comme chrétiens, mais que de conséquences elle embrasse ! Christ
étant tout et en tous, nous avons à chercher à agir toujours en conséquence,
n’appréciant chez l’autre que ce qui est de Lui. Si j’aime et si j’estime
Christ, tel sera mon sentiment à l’égard des chrétiens ; de même j’aurai
le désir, pour moi et pour tous les chrétiens, de sentir que Christ est le seul
objet digne de nos pensées, de nos affections, de notre travail et de notre
vie. Le chrétien est continuellement en danger d’attacher de l’importance aux
qualités naturelles, à ces choses qui rendent les hommes attrayants. Le propre
de la foi est de s’élever au-dessus de tout cela. « Que votre lumière
luise ainsi… ». Là où l’on ne
s’attache pas fermement à Christ comme objet et motif, la nature se manifestera
aussi mauvaise que toujours. Mais devant Dieu et par la foi, j’ai le droit de
la traiter comme morte ; et je dois à Celui qui est mort pour moi et est
ressuscité, d’agir selon la grande vérité que Dieu a condamné le vieil homme. À
cet effet je dois me juger moi-même, ayant mes yeux fixés sur Christ. Sinon il
n’y a pas un manquement par lequel je ne sois capable de le déshonorer. Jamais
un homme ayant l’oeil fixé sur Christ ne marche d’une manière inconséquente. Ce
n’est pas seulement qu’il sent sa propre faiblesse, mais il a la conscience que
le vieil homme est jugé et a disparu de devant Dieu. Quelle position bénie que
celle du chrétien ! Les saints de l’Ancien Testament étaient préservés du
péché par l’attente et le désir de Christ ; nous, nous regardons
maintenant à Christ, étant morts et ressuscités avec Celui qui a déjà tout fait
pour nous. N’est-ce pas un progrès immense ? Et il y a différence de
position tout aussi marquée que le progrès, mais je ne m’arrête pas à cela
maintenant.
Dans l’épître aux Éphésiens, la raison invoquée pour ne pas mentir est que nous sommes membres les uns des autres. Ici, le mensonge est traité comme incompatible avec le fait que nous avons dépouillé le vieil homme et revêtu le nouvel homme. Mentir est ainsi en contradiction manifeste avec la nouvelle nature aussi bien qu’avec le jugement et la mise de côté de la vieille nature. Le jugement a certes été exercé en Christ ; mais la foi en Christ considère qu’il nous a été appliqué, et que par Lui, nous nous sommes renoncés à nous-mêmes, que nous avons dépouillé le vieil homme avec ses actions, et revêtu le nouvel homme. Le vieil homme est considéré comme la source du mensonge ; le vieil homme est faux et trompeur. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’entière vérité dans la nature telle qu’elle est maintenant.
Nous le voyons dès le commencement. Adam a été faux aussitôt qu’il eut péché. Caïn était également menteur. Il peut y avoir d’autres péchés, telle la violence, qui se manifestent de bonne heure chez certains et pas chez d’autres ; mais tous les hommes sont faux — le mensonge se voit en tous. Les formes ordinaires des relations sociales sont fondées plus ou moins sur la duplicité, dans l’état actuel du monde. Les hommes disent ce qui est agréable à autrui sans le penser. Ils souscrivent, et surtout en matière de religion, à des formes auxquelles ils ne sont pas tenus de croire et, chose triste à dire, les meilleurs d’entre eux sont ceux qui y croient le moins. Tout cela montre combien partout la fausseté accompagne le vieil homme — ici il s’agit de chrétiens, et par conséquent nous trouvons le nouvel homme.
Dans l’épître aux Éphésiens,
il est parlé des membres du corps ; ici il s’agit de la nature. Les
Éphésiens étaient eux-aussi exhortés à dépouiller le vieil homme et à revêtir
le nouvel homme ; mais ici il est ajouté : « qui est renouvelé en
connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé » (v. 10). Dans l’épître aux
Éphésiens, c’est comme une chose nouvelle qu’ils n’avaient pas auparavant, sans
aucune allusion à un renouvellement ; c’est une création absolument
nouvelle ; tandis qu’ici on a reçu la nouvelle bénédiction, mais en même
temps il y a renouvellement. L’une et l’autre idées sont bien dans les deux
épîtres, mais placées de manière à prouver qu’elles se complètent l’une
l’autre. Dans l’épître aux Éphésiens, il est dit que le nouvel homme est créé
selon Dieu, en justice
et sainteté
de la vérité. Quelle est la
différence entre ces deux mots ? La justice introduit l’idée
d’autorité ; elle suppose une réponse à une juste exigence ; que ce
soit l’homme qui la rencontre, ou Dieu, le droit d’exiger y est sous-entendu.
La sainteté est Sa nature seule, ne tolérant pas le mal ; elle n’a en
elle-même rien à faire avec l’exigence de la justice. Pour le croyant Christ
est fait justice, sur la base du jugement de Dieu, bien que ce jugement puisse
être entièrement réglé en notre faveur ; tandis que la sainteté aurait été
vraie indépendamment de la question de Son autorité ; c’est sa nature et
son caractère essentiels.
Des anges il est souvent dit
qu’ils sont saints, mais jamais qu’ils sont justes. Le nouvel homme se réjouit
dans les deux caractères. Il se soumet entièrement à l’autorité de Dieu et il
se réjouit de ce que le jugement de Dieu a été satisfait en Christ d’une
manière telle que Dieu est glorifié plus qu’il ne l’a jamais été. Outre cela,
il y a dans le croyant la nature morale qui a les mêmes sentiments que Dieu. La
justice est davantage une soumission à Dieu, la sainteté la participation à ses
propres sentiments quant au bien et au mal. En nous, les deux sentiments se
mélangent souvent. La justice est une balance exacte, le maintien de ce qui est
équitable dans les relations de toute espèce. Par exemple, qu’un enfant obéisse
à ses parents, n’est pas seulement saint, mais juste.
Le premier terme se rattache à la nature tout à fait
indépendamment de la relation, ou de quelque devoir que ce soit, de tout ce qui
comporte une obligation et introduit par là l’idée de justice.
Ainsi pouvons-nous constater que les rationalistes admettent la valeur de la sainteté, mais qu’ils parlent rarement de justice ; car la justice suppose le jugement. La justice est un mot terrible pour un homme jusqu’à ce qu’il ait saisi Christ. La justice, je le répète, proclame l’autorité de Dieu. Dieu était saint avant que le péché vînt dans le monde ; mais qui pouvait parler de Sa justice avant qu’il y eût le jugement du mal, commis en dépit de la conscience et en opposition à l’autorité expresse de Dieu ? Sous la loi, qui était la revendication formelle de cette autorité en relation avec les hommes dans la chair, l’Éternel est constamment présenté comme Dieu juste. « L’Éternel juste aime la justice » (Ps. 11:7). Il n’y avait ni justice ni sainteté en Adam avant la chute. Nous avons les deux et nous devenons les deux en Christ. Adam a été créé droit, mais ce n’est pas la même chose qu’être juste ou saint ; c’était l’absence de mal ; Adam avant la chute était innocent.
« Juste et saint », tel est le
chrétien aux yeux de Dieu. Adam ne connaissait rien du mal jusqu’alors, et il
n’était pas non plus question de juste exigence de Dieu à son égard, sauf dans
la mesure où le fruit défendu mettait à l’épreuve son obéissance ; encore
ne s’agissait-il pas de faire cela pour vivre, mais plutôt de ne pas
le faire de peur de mourir. Adam
occupait une place privilégiée et il avait simplement à en jouir dans
l’obéissance à Dieu, sous peine de mort s’il désobéissait. Nous sommes dans une
position tout à fait différente, étant au milieu du mal, et sous l’influence
d’un bien qui est en dehors et au-dessus de nous. Aussi est-il dit que nous
avons été « appelés par la gloire et par la vertu » ; « par la gloire » comme
l’objet, la condition dans laquelle Christ est ; et « par la vertu » comme
frein sur nous et comme conformité pratique à Christ (2 Pierre 1).
Il a été remarqué à juste
titre que dans l’épître aux Éphésiens Christ n’est jamais appelé l’image de
Dieu, alors qu’il l’est très expressément dans l’épître aux Colossiens. Autant
que nous puissions faire la distinction, dans l’épître aux Éphésiens, nous
avons davantage Christ montrant ce que Dieu est — non son image, mais sa
ressemblance morale reflétée en Christ. Aussi lisons-nous : « Soyez donc
imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l’amour, comme
aussi le Christ nous a aimés » (Éph. 5:1). C’est plus la notion de ressemblance
que celle de représentation. Pourtant, bien que vous puissiez dire de Christ
qu’il est l’image de Dieu, précisément parce qu’il est
Dieu il n’est
jamais dit de Lui qu’il est « selon la ressemblance de Dieu ». Dans l’épître aux
Colossiens, il est parlé à plusieurs reprises de l’image de Dieu. Ici, par
exemple, le nouvel homme est « selon l’image de celui qui l’a créé » ; de
même que dans le premier chapitre, Christ est l’image du Dieu invisible. Les
deux idées, de ressemblance et d’image, peuvent souvent être confondues dans
nos esprits, mais elles ne le sont pas dans l’Écriture, où ressemblance exprime
simplement qu’une personne est semblable à une autre ; tandis que « image »
signifie qu’une personne est représentée par une autre, qu’elle lui soit
semblable ou non. Les deux peuvent, naturellement, exister ensemble.
« Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de longanimité » (v. 12). Ce sont là des qualités morales, positives, de Christ — le ton, l’esprit, les sentiments intimes de notre Seigneur. Ce n’est pas exactement comme des enfants que nous sommes appelés à les manifester, mais « comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés ». Nous avons à éprouver les mêmes sentiments que le Seigneur et à marcher ici-bas comme lui-même y a marché.
L’Écriture a ce caractère qu’étant divine, elle ne peut jamais être saisie par l’intelligence seule ; elle fait toujours appel aux affections et à la conscience aussi bien qu’à l’esprit. Il faut la puissance du Saint Esprit pour la lier à Christ afin de pouvoir alors sentir, juger et agir correctement. « Vous supportant l’un l’autre et vous pardonnant les uns aux autres, si l’un a un sujet de plainte contre un autre ; comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même » (v. 13). Christ est considéré comme le Chef de toutes choses dans cette épître. Il est vu comme l’idéal de tout ce qui est bon et aimable que Dieu recherche pour nous ou de nous. « Et par-dessus toutes ces choses, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien de la perfection » (v. 14). Il y a dans l’amour plus que de la simple bonté et du simple pardon ; il va bien au-delà. L’amour étant l’activité de la nature de Dieu, introduit toujours Dieu. Moralement sa nature est lumière, mais l’énergie de cette nature est l’amour qui se manifeste en bonté envers les autres.
Ainsi, l’amour tend à lier
ensemble, tandis que le « moi » ou la chair, est tout l’opposé, l’un ôtant les
difficultés aussi résolument que l’autre les crée. L’amour non seulement porte
et supporte, mais il surmonte le mal par le bien. « Et que la paix du Christ…
préside dans vos coeurs ». La paix de Dieu
est ce calme parfait dans lequel Il demeure en repos quant à toutes les
circonstances de ce monde, et dans lequel il introduit le croyant qui regarde à
Lui, remettant toutes circonstances entre Ses mains sans permettre à la volonté
propre ou à l’anxiété de se manifester. Au lieu de nos échappatoires — et c’est
ce à quoi tend l’esprit de l’homme parce qu’il a toujours la pensée de diriger
pour son compte — la foi rend un homme capable de regarder à Dieu et introduit
la parole de Dieu dans ce qui se passe autour de nous. Notre épître parle
toutefois d’une paix plus intime. C’est la paix de Christ
maintenant, celle dont il jouissait continuellement
lorsqu’il était ici-bas. Christ lui-même a traversé toutes les
difficultés ; il les connaissait à fond, mais demeurait dans une paix
parfaite à tous égards ; et c’est ainsi que nous devrions faire. Ni le
sentiment du mal à l’extérieur, ni le sentiment de la faiblesse parmi les
siens, ne viennent troubler sa paix parfaite en quoi que ce soit.
« Et que la paix du Christ, à laquelle aussi vous avez été appelés en un seul corps, préside dans vos coeurs ; et soyez reconnaissants » (v. 15). Ainsi, c’est la paix, non pas un esprit d’isolement, non pas en avoir fini les uns avec les autres, mais au contraire s’attacher à tous, en dépit de tout. Supposons, par exemple, qu’il y ait un sujet de souffrance qui m’exerce chez une personne qui est en communion ; dois-je me laisser troubler par cela au point d’être retenu de participer à la Cène du Seigneur ? Ce serait ajouter un nouveau mal ; car s’il était juste que je me tienne à l’écart, cela incomberait également aux autres. Je ne suis jamais autorisé à céder au trouble dans de telles situations, mais je suis en droit d’avoir la paix de Christ présidant dans mon coeur. Il y a toujours, en toutes choses, une voie qui est celle de Christ, et il est très important que nos âmes s’en souviennent. « Et soyez reconnaissants » ; non pas anxieux, ni agités, mais reconnaissants. Tout ce qui est mal peut être matière à jugement ; mais pour juger sainement le mieux est de faire d’abord ce qui est selon Dieu — et ce peut être de nous juger nous-mêmes. C’est notre privilège de penser à Christ en tout ce que nous entreprenons.
« Que la parole du Christ habite en vous richement — en toute sagesse nous enseignant et nous exhortant l’un l’autre, par des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels, chantant de vos coeurs à Dieu dans un esprit de grâce » (v. 16). Nous avons là un contraste remarquable entre l’évangile et la loi. La loi stipulait ceci ou cela ; plus encore, l’obéissance de la loi est quelque chose de bien défini ; elle ne laisse pas place pour une mesure croissante de spiritualité. Maintenant, dans le christianisme, il y a pour ainsi dire une « élasticité » qui laisse place à des différences de spiritualité. Cela ne convient pas aux pensées de la nature humaine ; c’est trop vague pour elle ; mais on voit là la perfection de la pensée et des voies de Dieu, qui forme ainsi les affections et les jugements. C’est précisément ce qui laisse place à la parole du Christ. Ici il y a à la fois croissance en toute sagesse et exercice du jugement spirituel. Au premier chapitre, nous avons un principe similaire : « Que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté… pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards ». Ici, nous avons : « Que la parole du Christ habite en vous richement — en toute sagesse » ; il n’est pas question de marche, mais de jouissance et d’adoration. Aussi, immédiatement après, lisons-nous : « vous enseignant et vous exhortant l’un l’autre ». Par jouissance et adoration, nous n’entendons pas leur exercice public, mais la disposition d’esprit qui leur est propre, agissant dans les rapports mutuels.
Quant à la différence entre les psaumes, les hymnes et les cantiques spirituels, je suppose qu’un psaume était une composition plus élevée qu’un cantique spirituel, lequel admet davantage l’expérience chrétienne et l’expression de nos sentiments. Cela peut être très bon à sa manière et en son temps, mais ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur ni de plus élevé. Un psaume donc est plus solennel ; une hymne est une adresse directe à Dieu et consiste en louanges. Nous comprenons que ce passage ne fait pas allusion aux Psaumes de David, mais à des compositions chrétiennes.
L’exhortation à chanter de
leurs coeurs dans un esprit de grâce était nécessaire parce que les saints de
Colosses étaient loin de l’excellent état dans lequel se trouvaient par exemple
les Éphésiens d’après ce que nous pouvons déduire de l’épître qui leur est
adressée. « Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites
tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père » (v. 17).
Cela répond exactement à ce que nous avons déjà remarqué, savoir l’invitation à
considérer toutes choses comme un motif de bénir le Seigneur, au lieu de ne
voir en tout que des sujets de peine. Faire tout au nom du Seigneur Jésus ne se
limite pas à la simple pensée de lui appartenir, mais inclut la grâce parfaite.
En outre, il est dit : au nom du Seigneur
Jésus,
non pas simplement : de Christ ; cela implique son
autorité sur nous. Quelle que soit la grâce qui puisse nous être manifestée,
cette autorité n’est pas amoindrie et le résultat est que nous rendons grâces
par Lui à Dieu le Père. Un chrétien, qu’il soit homme, femme ou enfant,
déshonore le Seigneur en cédant à l’esprit d’ingratitude du monde. « Quelque
chose que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur
Jésus ». Ainsi notre ton et notre langage, comme aussi nos voies, devraient
témoigner de notre soumission à Celui devant qui tout le ciel se prosterne.
Jusqu’ici, les exhortations
ont été tout à fait générales. Maintenant l’apôtre aborde des relations
spéciales. L’Esprit commence habituellement, dans ces exhortations, par les
subordonnés, par ceux qui sont placés sous l’autorité d’autrui, plutôt que par
ceux qui sont appelés à l’exercer. La sagesse manifestée en cela est évidente.
Si celui qui doit être soumis se conduit avec humilité, il n’est rien de plus
propre à gagner ceux qui ont à exercer l’autorité. En tout premier lieu donc,
nous commençons par la plus importante des relations terrestres, celle de
femmes et de maris. La femme, selon ce juste principe, est exhortée avant le
mari. Le mot-clé pour la femme est la soumission. « Femmes, soyez soumises à vos
maris, comme il convient dans le Seigneur » (v. 18). L’insoumission pour elle
est inconvenante déjà quant à la nature, mais plus particulièrement encore dans
le Seigneur. La soumission de la femme est convenable dans le Seigneur.
Sans aucun doute, l’expression « dans le Seigneur »
est aussi une protection pour la femme : si un mari exigeait quelque chose
de mauvais, la soumission ne serait pas juste. Cependant, la pensée principale
ici est, à mon avis, plutôt l’opportunité de la règle connue en tant que
principe chrétien, sans entrer dans la question de savoir comment et quand elle
devrait être appliquée.
Comme nous sommes tous un dans le Christ Jésus, quelques-uns en ont déduit que la soumission n’est plus due par la femme, que cela faisait partie de la malédiction et du sort spécial de la femme dans et par la chute, mais que maintenant, lorsqu’elle devient une chrétienne, l’infériorité disparaît de sorte que la femme est dans une égalité absolue avec son mari. L’Écriture nous indique certes une place et une relation dans lesquelles la distinction entre homme et femme disparaît. Par exemple, « si donc vous avez été ressuscités avec le Christ », s’applique d’une manière tout à fait indépendante de l’âge ou du sexe ; l’homme, la femme, et l’enfant chrétiens sont également ressuscités en Christ. Mais du moment où vous en venez à la relation spéciale, les distinctions sont respectées. Si quelqu’un se laisse aller à des pensées fausses à cet égard, il est en danger de détruire des principes importants. Le mari abandonnerait sa juste place d’autorité ; il s’ensuivrait que la femme perdrait sa seule place heureuse, celle de la soumission. Et où serait l’enfant chrétien si l’on poursuivait dans cette voie ? Comme enfants de Dieu, sans doute, tous sont sur le même niveau ; père, mère, enfant, s’ils croient, jouissent des mêmes privilèges spirituels. En Christ, les différences quant à la chair et au monde disparaissent entièrement. Mais dès le moment où vous pensez aux relations terrestres (et c’est ce que nous avons ici), des différences notables interviennent qui ont leur pleine valeur, dans ce qui tient à notre vie présente et à notre marche comme chrétiens. La différence entre l’homme, la femme et l’enfant, n’a pas été détruite par la chute ; pas plus qu’elle n’a trouvé son origine dans la chute. Elle existait avant le péché ; la chute ne l’a affectée en aucune façon. Bien loin même d’annuler ces différences, le christianisme les renforce considérablement.
Lorsque l’apôtre défend à une femme d’enseigner, etc., il le fait parce qu’une femme est plus exposée à être trompée qu’un homme. Adam n’a pas été séduit ; il n’était pas meilleur pour autant, car bien qu’il n’ait pas été trompé, il a péché volontairement, ayant les yeux ouverts, alors que la femme a été égarée par faiblesse. L’apôtre en déduit que la femme ne devait ni enseigner ni diriger, ses affections risquant de l’emporter sur son jugement. Un homme sera peut-être plus mauvais, mais il sera moins sujet à être séduit. La femme est facilement gouvernée par ses affections au lieu d’être guidée par un jugement sain. Elle n’est guère portée à manquer du côté des sentiments. Une femme sage montrera sa sagesse en ne se mettant pas à la place de son mari, et encore moins au-dessus de lui. Si elle se compare à lui, elle pourra facilement être induite en erreur ; mais si elle pense au Seigneur, elle mettra plutôt son mari en avant. Le principe de la soumission au mari est ici sans aucune limite. « Comme il convient dans le Seigneur » n’est pas tant une question de mesure, mais exprime que pour les femmes la soumission est une attitude convenable dans le Seigneur.
Ensuite vient l’exhortation aux maris. « Maris, aimez vos femmes et ne vous aigrissez pas contre elles » (v. 19). La femme n’a pas besoin d’être exhortée à aimer son mari ; il est supposé qu’en cela ses affections sont en ordre. Mais il est très possible que le mari laisse l’anxiété et les pressions extérieures de la vie l’occuper à un tel point qu’il n’ait pas suffisamment soin de sa femme ou qu’il ne prenne pas assez part à ses soucis ; telle est donc l’exhortation qui lui est adressée. La femme est nécessairement rejetée sur son mari ; elle quitte son père, sa mère et tout, et dépend particulièrement de son mari. Si celui-ci n’y veille pas, il pourrait manquer de l’amour prévenant, de l’attention de chaque jour, ne contrôlant pas assez son caractère, ce qui semble être la signification de « s’aigrir » . Il devrait avoir cette affection pour la femme, cette vigilance contre la pression des circonstances. Que de fois le monde extérieur occasionne de l’irritation, et alors le mari est exposé à décharger son humeur à la maison, spécialement sur sa femme. C’est là un trait de la nature humaine qui, nous le savons bien, se manifeste trop fréquemment ; mais ce n’est pas Christ ; et ici nous avons la mise en garde. « Maris, aimez vos femmes et ne vous aigrissez pas contre elles ». Que personne ne se permette de juger inutile cet avertissement !
Les parents et les enfants apparaissent dans le même ordre, les pères toutefois étant plus particulièrement mis en évidence. « Enfants, obéissez à vos parents en toutes choses, car cela est agréable dans le Seigneur » (v. 20). Cela aussi est exprimé ici d’une manière tout à fait absolue. Nous savons qu’ailleurs des bornes ont été placées pour nous préserver. Il est évident que ni un père, ni un mari n’ont le droit de réclamer ce qui est contraire au Seigneur ; mais ici, il est supposé que tout est selon Lui. Ce sur quoi l’apôtre insiste, c’est sur le fait que les enfants devraient en toutes choses obéir à leurs parents. Et combien l’obéissance est bonne ! Ailleurs, l’Écriture introduit une limite, mais pas ici. « Enfants, obéissez à vos parents dans le Seigneur » (Éph. 6:1) pose une restriction très importante ; en tout cas, cela délimite la sphère de l’obéissance et indique comment et jusqu’où on doit aller. En général, même un mauvais père désire avoir un enfant sage. La plupart de ceux qui boivent et jurent seraient très contrariés si leurs fils faisaient de même. Ici nous avons : « Enfants, obéissez à vos parents en toutes choses, car cela est agréable dans le Seigneur ». La traduction « au Seigneur » donnée par quelques versions, présente simplement le Seigneur comme Celui auquel plaît cette obéissance ; tandis que « agréable dans le Seigneur » va beaucoup plus loin. Ce n’est pas le seul fait de regarder au Seigneur comme l’ultime juge qui alors sera satisfait ; mais le chrétien a conscience de l’amour que le Seigneur a actuellement pour nous et de l’intérêt qu’il porte à toutes nos voies et à toutes nos épreuves jour après jour. Sans doute Il manifestera bientôt son jugement à l’égard de tout ce qui aura été fait dans le corps ; mais cela ne devrait qu’encourager le chrétien à faire maintenant ce qui est agréable dans le Seigneur. Les meilleures autorités sont unanimes pour lire : « dans le Seigneur » plutôt que « au Seigneur ». Il est agréable que les enfants obéissent à leurs parents chrétiens, non pas seulement comme cela est naturel, mais dans le Seigneur. « Pères, n’irritez pas vos enfants, afin qu’ils ne soient pas découragés » (v. 21). La mère n’est pas exhortée à ce sujet, car en général, sa faute à elle est plutôt de les gâter. Rien ne décourage autant un enfant que des critiques continuelles et injustifiées de la part d’un père. De plus, que peut-il y avoir de plus propre à engendrer chez un enfant la méfiance et à affaiblir par là les ressorts de l’amour et du respect, qu’une punition non méritée ?
Nous en venons maintenant aux membres les plus humbles du foyer de jadis. « Esclaves, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, ne servant pas sous leurs yeux seulement, comme voulant plaire aux hommes, mais en simplicité de coeur, craignant le Seigneur » (v. 22). Dans l’épître aux Colossiens, dans chacun des cas, les termes sont absolus, tandis que dans l’épître aux Éphésiens plus d’une limitation est introduite. Je crois pouvoir l’attribuer à l’état plus heureux et meilleur des Éphésiens. Ils avaient davantage besoin d’être limités par un devoir que d’y être poussés. Les Colossiens au contraire, devaient être exhortés à obéir. Ainsi, par exemple, si un homme est chef d’une famille en bonne condition, il ne lui est pas nécessaire d’insister autant sur l’obéissance que s’il y avait du désordre. Chose étrange à dire, vous trouverez toujours la volonté propre aller de pair avec un esprit légal. Il n’y a jamais de vraie obéissance sans la puissance de la grâce. Quel était entre tous les peuples celui dont le cou était le plus roide ? Les Juifs, ceux-là mêmes qui se glorifiaient de la loi. Vous constaterez que chaque fois que la loi a été prise comme règle de vie pour les chrétiens, eux aussi sont moins obéissants et n’ont pas de scrupule à aller à l’encontre des Écritures. C’était un danger pour les Colossiens — un esprit d’ordonnances et de légalisme.
Personne ne devient obéissant par de bons règlements. Qu’est-ce donc qui produit l’obéissance ? Le coeur doit être rempli de motifs justes ; et qu’est-ce qui opère cela ? L’amour. Aimer une personne crée un sentiment du devoir envers elle et agit sur le coeur. L’obéissance devient ainsi facile. Les règles ne sont jamais la puissance, mais seulement la mise à l’épreuve de l’obéissance dans des cas déterminés. Cela est vrai même des commandements de Christ. Celui qui L’aime, et celui-là seul, les garde. L’amour pousse à obéir ; alors ce que Christ dit — non seulement ses commandements mais sa parole — demeure dans nos coeurs, nos esprits et nos mémoires ; tandis que si nous n’aimons pas, combien rapidement tout est oublié ! Jean 14:21, 23, établit une différence importante. Le Seigneur parle d’abord de ses commandements, puis de sa parole. La vérité est que, pour un coeur aimant, toute expression de volonté, même sans commandement positif, gouverne les affections.
« Esclaves, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair ». C’est très important. Des sentiments, des habitudes, etc., ont sans doute été introduits par le christianisme — des difficultés aussi (non pas qu’elles fussent inévitables, mais en raison d’un esprit charnel) — il faut en tenir compte. Un esclave devenait soudain le frère en Christ de son maître ; s’il ne veillait pas, il se serait mis bientôt à juger celui-ci quant à ce qu’il devait dire ou faire. Si son maître devait le blâmer en quelque chose, il aurait pu estimer que son maître avait agi d’une manière dure, charnelle. Combien il est facile de glisser dans un mauvais esprit, particulièrement pour un serviteur, témoin journalier des infirmités du maître, et en danger de le juger selon les mauvaises pensées de son propre coeur ! Mais certes, chacun devrait accomplir toutes choses beaucoup mieux après avoir connu Christ qu’avant. L’idée que, sous prétexte qu’ils ont affaire à des chrétiens, les maîtres devraient se contenter de travaux mal accomplis, n’est que de l’égoïsme de la part des serviteurs. Le fait que ceux-ci ne sont maintenant plus des esclaves ne change rien à la chose. En ces jours-là, ils avaient souvent à servir des maîtres païens. Dans tous les cas, la grande affaire est de se souvenir du Seigneur Jésus et de sa volonté, dans quelque place que ce soit. Il nous a acquis entièrement et nous avons à faire tout ce qu’il nous demande. Pour bien marcher avec Dieu, il me faut prendre garde à rester dans une position conforme à sa volonté, où je n’aie rien sur la conscience. Une conscience trop scrupuleuse est toutefois dangereuse, quoique de beaucoup préférable à une conscience chargée ou mauvaise ; mais elle est dangereuse parce que l’effort tend à se relâcher et l’aboutissement en est une mauvaise conscience. Alors qu’il n’y a point de place dans ce monde où l’on ne puisse glorifier Dieu, le péché excepté, naturellement.
« Quoi que vous fassiez, faites-le de coeur, comme pour le Seigneur et non pour les hommes, sachant que du Seigneur vous recevrez la récompense de l’héritage : vous servez le Seigneur Christ » (v. 23, 24). Mais ne soyez pas tellement occupés par le fait que vous servez un maître terrestre ; souvenez-vous que « vous servez le Seigneur Christ ». Ainsi vous serez d’autant plus soumis à votre maître terrestre, faisant de coeur ce que vous accomplissez, non seulement parce que c’est juste, mais de coeur. L’apôtre ajoute ici une parole remarquable. « Car celui qui agit injustement, recevra ce qu’il aura fait injustement ; et il n’y a pas d’acception de personnes » (v. 25). Cela embrasse à la fois le présent et l’avenir ; c’est, je le suppose, un principe général.
La condition des Éphésiens était telle que l’amour de Christ pour l’Église pouvait être développé et placé devant eux. Les Colossiens n’étant pas dans un aussi bon état, sont exhortés sur un terrain moins élevé. Leur conscience avait besoin d’être exercée.
Il est évident que le premier verset du chapitre 4 se rattache aux exhortations spéciales de la fin du chapitre 3. Si donc la division s’en tenait exactement aux sujets, le chapitre 4 devrait commencer au deuxième verset.
Il existe un lien entre les exhortations aux femmes et aux maris, aux enfants et aux pères, aux esclaves et aux maîtres ; elles constituent trois couples d’appels. Il faut relever cette différence que la relation entre mari et femme existait dès le tout début ; mais non pas celle de maître et d’esclave. Quant aux enfants, bien qu’ils aient été en vue dès le commencement, en fait ils n’existaient pas dans le paradis. Dieu a pris soin qu’il n’y eût ni race, ni relation de parent à enfant avant la chute.
Ce n’est qu’après avoir parfaitement glorifié Dieu que Christ devint le Chef d’une famille. Le contraste à cet égard est très intéressant et très beau. Quelle confusion si certains enfants étaient nés dans un état d’innocence, et d’autres, dans le péché ! Dieu a tout conduit en sorte qu’il n’y ait pas de descendance avant que l’homme fût tombé. Qu’ils croissent et multiplient était pourtant l’intention, et le commandement de Dieu même alors. La relation de maîtres à esclaves (tels qu’ils sont présentés ici) est uniquement un résultat de l’entrée du péché dans le monde. Nous n’entendons pas parler d’esclaves avant le déluge, bien que Noé prédise la chose au sujet de Canaan peu après. Je suppose que Nimrod, le puissant chasseur, a été le premier à utiliser sa ruse et sa violence pour asservir des hommes.
Ainsi, trouve-t-on une gradation remarquable dans ces relations : mari et femme dans le paradis ; les enfants, nés après la chute, mais avant le déluge ; les esclaves non mentionnés jusqu’après celui-ci. Je ne veux pas du tout dire que l’Écriture ne reconnaisse pas cette dernière relation — loin de là — toutefois il convient de relever que c’était une relation survenue non seulement après la chute, mais même après le grand jugement de Dieu exécuté sur la terre. Ainsi c’est un état de choses qui est bien loin de correspondre à la pensée de Dieu, que des hommes aient droit de propriété sur leurs semblables et disposent d’eux comme esclaves. Et néanmoins il est dit : « Maîtres, accordez à vos esclaves ce qui est juste et équitable » (v. 1). Dans nos pays, il s’agit d’une relation acceptée volontairement des deux côtés, avec des privilèges et des devoirs réciproques ; mais ici, bien qu’il s’agisse d’esclaves, les maîtres sont exhortés à être impartiaux dans leurs voies envers eux. Et cela se rapporte, non seulement à l’équité qui convient entre le maître et un esclave, mais à l’égard des esclaves dans leur ensemble. Beaucoup de confusion et de dommage pouvaient résulter, dans une maison, d’une différence de traitement entre les esclaves. La sagesse de Dieu pourvoit ainsi à tout, même à ce qui concerne les esclaves méprisés. Il est dit ici : « juste » — il n’est pas parlé de grâce.
Vous ne pouvez jamais exiger la grâce ni y prétendre. Dans l’épître à Philémon, l’apôtre invoque des motifs de grâce pour régler le cas : il ne commande toutefois pas à Philémon ce qu’il devait faire, mais lui rappelle sa relation céleste et remet la question à sa grâce. Bien que l’esclave fugitif fût légalement passible de mort (les Romains, comme d’ailleurs tous les maîtres, avaient le droit de les punir de la sorte), l’apôtre désirait que Philémon le reçût à nouveau, non plus comme un esclave, mais comme un frère.
Ici cependant il s’agit de ce qui était « juste et équitable ». Car l’expression « juste » indique un sentiment de droit ; grâce, dans ce cas, n’aurait pas convenu : cela aurait laissé plus ou moins la porte ouverte à des abus. La justice maintient des obligations. Dans l’épître aux Éphésiens, il est dit : « renonçant aux menaces ». Il était injuste même de menacer un esclave de mesures violentes. Les Colossiens, étant en moins bonne condition morale, sont clairement enseignés et invités à être justes et équitables ; c’est reconnaître que les maîtres ont certaines responsabilités envers leurs esclaves. Ne vous imaginez pas, vous maîtres, que tout le devoir est d’un côté ; vous avez les vôtres envers vos esclaves. Ce point, souvent oublié, semble impliqué dans le terme « juste » ; tandis que l’adjectif « équitable » empêche de se laisser aller au favoritisme.
La philosophie rationaliste
tend principalement à effacer le mot « devoir ». J’ai connu des personnes, même
dans la haute église, disposées à nier tout ce qui comporterait une obligation
pour le chrétien. Mais c’est une erreur fatale. Sans doute, la grâce seule
donne-t-elle la puissance de les accomplir, mais les obligations morales
conservent toujours leur validité. Dans beaucoup de milieux chrétiens, on parle
volontiers de sainteté,
mais on aime
moins le mot justice.
Cette
disposition d’esprit conduit à des vues particulières, indépendantes de
l’Écriture. Tel théologien renommé prétendait par exemple que la justice de
Dieu signifie sa grâce — une idée aussi fausse à sa façon que l’erreur commune
selon laquelle la justice de Dieu signifie la loi accomplie. C’est renier
entièrement la position du croyant ; car la loi n’a pas été donnée pour le
juste, mais pour l’impie. Ainsi les théologiens sont contaminés par une double
erreur : ou bien ils confondent la justice de Dieu avec la justice de la
loi et font de celle-ci à la fois la position et la règle du chrétien ; ou
bien ils nient toute justice sous quelque forme que ce soit en en faisant
simplement une question de miséricorde divine. Ces deux pensées sont absolument
fausses, et l’une conduit à l’autre ; de même que les vérités tiennent
ensemble, les erreurs aussi. La grâce règne « par la justice pour la vie
éternelle par Jésus Christ notre Seigneur ». « Cette grâce dans laquelle vous
êtes est la vraie grâce de Dieu ».
« Persévérez dans la prière, veillant en elle avec des actions de grâce » (v. 2). L’habitude de prier, et de prier avec persévérance, est d’une immense importance. Et ce chapitre, comme Luc 18, y insiste avec force, bien que l’apôtre ne s’attende pas à un esprit de supplication aussi large et aussi complet qu’en Éph. 6. L’état des Colossiens ne permettait ni des désirs aussi profonds ni des affections aussi étendues envers tous les saints dans l’amour du Christ. Le légalisme, les ordonnances, la philosophie, sont de la créature et non de Dieu connu en justice ; ces éléments ne sont pas Christ et sont loin de comprendre tout ce qui Lui appartient. Néanmoins l’apôtre compte, chez les saints, sur un exercice spirituel capable de transformer les occasions de difficulté ou de bénédiction, de joie ou de peine, bref chaque circonstance, en un sujet à placer devant Dieu ; et cela dans un esprit, non de murmure et d’anxiété, mais de confiance en Lui et d’heureuse reconnaissance pour sa bonté. Quelle bénédiction que même les soupirs de l’Esprit dans le croyant présument la délivrance et non le simple sentiment égoïste de mal enduré. Non pas, évidemment, que la délivrance soit complète ou que le mal soit aboli maintenant par la puissance d’en haut et ôté effectivement de la scène. Mais nous connaissons la victoire remportée dans la mort et la résurrection de Christ. Et, ayant les arrhes de l’Esprit, nous sentons combien les choses présentes sont contraires à cette gloire dont il nous donne le sentiment en Christ maintenant exalté : l’espérance de tous les saints à sa venue.
La conscience de la faveur qui nous est déjà montrée et assurée en Christ nous rend reconnaissants. En même temps nous demandons à Dieu toutes les bonnes choses qui conviennent maintenant à cette faveur et qui correspondent au résultat qui sera bientôt atteint lorsque le mal disparaîtra par la puissance Divine. Il est toutefois remarquable de voir comment l’apôtre apprécie et demande les prières des saints : « Priant en même temps aussi pour nous, afin que Dieu nous ouvre une porte pour la parole, pour annoncer le mystère du Christ, mystère pour lequel aussi je suis lié » (v. 3). La valeur de la prière commune est grande ; mais Dieu fait grand cas de l’attente individuelle en Lui et tout particulièrement pour ce qui concerne les intérêts de son Église et de l’évangile — de Christ en un mot — ici-bas. Combien peu l’apôtre était découragé même dans ces derniers jours ! Il écrit aux Colossiens, de la captivité où il se trouvait en raison même du témoignage qu’il rendait à ce mystère de Christ, pour lequel il désirait encore être l’objet de leurs supplications à Dieu, « afin que je le manifeste — dit-il — comme je dois parler » (v. 4).
Ensuite il revient à la nécessité pour eux de marcher sagement, en considérant ceux de dehors, et de saisir l’occasion appropriée. En même temps je ne doute pas que le service de la prière tel que nous l’avons vu, ne dût aboutir à leur propre bénédiction aussi véritablement qu’au bien des autres. « Marchez dans la sagesse envers ceux de dehors, saisissant l’occasion. Que votre parole soit toujours dans un esprit de grâce, assaisonnée de sel, afin que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun » (v. 5, 6). La grâce nous montre le riche éclat de la faveur divine envers ceux qui n’en sont pas dignes, la manifestation de ce que Dieu est en Christ pour ceux qui appartiennent à ce monde coupable et ruiné ; le sel représente le maintien de la sainteté, l’énergie préservatrice des droits de Dieu au milieu de la corruption. Il n’est pas dit : « toujours avec du sel », assaisonnée de grâce, mais l’inverse : « toujours dans un esprit de grâce, assaisonnée de sel ». La grâce devrait constamment être le fondement et la source de tout ce que nous disons. Et la justice doit être maintenue intacte, quelles que soient nos propres pensées.
C’est la combinaison de
l’amour divin au milieu d’un monde mauvais et du maintien inconditionnel de ce
qui est dû à la volonté sainte et juste de Dieu, qui enseigne au chrétien non
seulement que
répondre, mais comment
répondre à chacun.
Puis viennent des messages personnels (v. 7-18). Remarquez le soin extrême que prend l’apôtre pour soutenir et recommander des serviteurs sincères ; il connaissait bien la tendance naturelle au dénigrement et savait combien les hommes sont habiles à discerner les manquements de ceux dont le service les laisse pourtant loin derrière eux. « Tychique, le bien-aimé frère et fidèle serviteur et compagnon de service dans le Seigneur, vous fera savoir tout ce qui me concerne : je l’ai envoyé vers vous tout exprès, afin qu’il connaisse l’état de vos affaires, et qu’il console vos coeurs, avec Onésime, le fidèle et bien-aimé frère, qui est des vôtres. Ils vous informeront de toutes les choses d’ici » (v. 7-9). La chaleur de cette recommandation demande à être bien pesée. Si elle fait défaut, les liens d’affection parmi les saints tendent à se relâcher et à se disloquer. Remarquez en outre que l’amour présume l’intérêt que prendront les autres à nos propres affaires tout autant qu’il éprouve un profond intérêt pour ce qui concerne les leurs. Dans le monde un tel sentiment ou bien est inconnu, ou bien, s’il existe, n’est que vanité ; l’amour vrai, l’amour divin, n’est pas là. Or l’amour doit exister et être connu pour que l’on puisse comprendre ses opérations et ses effets. À juste titre, il est appelé dans cette épître le lien de la perfection.
« Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, et Marc, le neveu de Barnabas, touchant lequel vous avez reçu des ordres (s’il vient vers vous, recevez-le), et Jésus appelé Juste — qui sont de la circoncision. Ceux-ci sont les seuls compagnons d’oeuvre pour le royaume de Dieu qui aussi m’ont été en consolation » (v. 10, 11). En comparant ce qui est dit ici avec ce que nous avons dans l’épître à Philémon, nous remarquons des différences notables. Aristarque partage ici la captivité de l’apôtre, comme Épaphras dans l’épître à Philémon. Dans cette dernière épître, Aristarque est un compagnon de service de l’apôtre avec d’autres, comme cela est dit d’Épaphras dans notre épître — du moins comme un esclave de Christ. Peut-être ont-ils partagé l’un après l’autre l’emprisonnement de l’apôtre, comme on l’a suggéré. Il est certain qu’Aristarque a été son compagnon non seulement en Asie mais durant son voyage en Italie. Cela pourrait suggérer, me semble-t-il, que cette épître aux Colossiens a été écrite un peu avant celle à Philémon, bien qu’on puisse supposer que toutes deux sont contemporaines et que l’apôtre, prisonnier à Rome, les a envoyées par le moyen du même serviteur.
Combien est belle aussi la
grâce qui enjoignait expressément de recevoir Marc ! Autrement le souvenir
du passé aurait pu le priver d’un accueil cordial et aurait par là empêché son
ministère parmi les saints. Si donc nous découvrons ici le secret du penchant
de Barnabas (Marc était son parent) lorsqu’était survenue la rupture avec
l’apôtre, nous apprenons que le vrai
amour
est aussi généreux que fidèle. Il agit pour le Seigneur, quoi qu’il
en coûte, et si cela est nécessaire, même aux dépens de la nature. Mais il est
heureux de louer autrui avec force et chaleur lorsque la grâce de Dieu est
intervenue pour enlever l’obstacle. De Jésus appelé Juste nous ne savons rien
d’autre. Comme Marc, il était de la circoncision ; et comme lui aussi, il
a consolé l’apôtre en tant que compagnon de service — chose rare parmi ceux qui
avaient été habitués à la loi et à ses préjugés. Le Juste
d’Actes 18:7 était un prosélyte des nations. Barsabbas, qui
avait été sur les rangs pour l’apostolat, en Actes 1, et qui était
naturellement un Juif, était surnommé Juste, mais non pas appelé Jésus comme
celui qui est mentionné ici.
« Épaphras, qui est des vôtres, esclave du Christ Jésus, vous salue, combattant toujours pour vous par des prières, afin que vous demeuriez parfaits et bien assurés dans toute la volonté de Dieu ; car je lui rends témoignage qu’il est dans un grand travail de coeur pour vous, et pour ceux qui sont à Laodicée, et pour ceux qui sont à Hiérapolis » (v. 12, 13). Ce devait être une joie pour les saints à Colosses de savoir qu’Épaphras, lui-même un Colossien (comme aussi Onésime), si haut placé dans l’amour et dans l’estime de l’apôtre (chap. 1:7) n’en gardait pas moins le souvenir pressant d’eux-mêmes dans ses prières pour leur bénédiction devant Dieu. Remarquez aussi que la grande doctrine de l’épître (à savoir que nous sommes remplis selon toute la plénitude qui est en Christ) loin d’exclure le travail de coeur et l’intercession pour les saints, en est la base, afin qu’ils puissent demeurer pratiquement parfaits et bien assurés dans toute la volonté de Dieu. Rien ici d’une étroitesse qui aurait limité l’apôtre à une seule assemblée, bien qu’on y trouve le rappel affectueux des besoins là où les saints et les circonstances lui étaient spécialement connus.
« Luc, le médecin bien-aimé, vous salue, et Démas » (v. 14). La profession de Luc n’était pas passée sous silence sous prétexte qu’il était un saint et un serviteur de Christ, et même un écrivain inspiré. L’apôtre, me semble-t-il, se méfiait déjà alors de Démas ; il mentionne son nom avec un silence de mauvais augure et sans une parole affectueuse — chose inhabituelle chez lui. Vers la même époque, il parle de lui à Philémon comme mon « compagnon d’oeuvre ». En 2 Tim. 4, Démas avait abandonné l’apôtre, ayant aimé le présent siècle. La marche de déclin avait été rapide ; aucun témoignage n’est donné de sa restauration. Mais une défection plus étendue encore était sur le point de se produire (2 Tim. 1:15) ; car, une fois la glace brisée, plusieurs étaient prêts à s’écarter. Quant à l’apôtre, il avait combattu le bon combat, il avait achevé sa course, il avait gardé la foi. Des hommes peu connus pour édifier étaient actifs pour égarer ; comme l’a dit un des sages de ce monde : la main qui ne saurait pas bâtir une hutte est capable de détruire un palais. Toutefois le solide fondement de Dieu demeure.
« Saluez les frères qui sont à
Laodicée, et Nymphal, et l’assemblée qui se réunit dans sa maison. Et quand la
lettre aura été lue parmi vous, faites qu’elle soit lue aussi dans l’assemblée
des Laodicéens, et vous aussi lisez celle qui viendra de Laodicée » (v. 15, 16).
S’agit-il de la lettre communément connue sous le nom d’épître aux Éphésiens
(qui aurait ainsi le caractère de lettre circulaire), ou de celle à Philémon
(lequel peut avoir résidé à ou près de Laodicée), ou est-ce une allusion à une
lettre qui n’existe plus actuellement (peut-être, littéralement, une lettre de
Laodicée à Paul) ? Ce sont là des questions très contestées parmi les
érudits. On peut faire deux remarques qui paraissent claires et
certaines : 1) L’épître « venant de
Laodicée »
serait vraiment une étrange manière de qualifier une épître écrite à
l’assemblée dans ce lieu. Il serait en revanche assez naturel que l’apôtre
voulût faire allusion à une lettre qui était alors à Laodicée et qui était
destinée aussi aux saints de Colosses, quels que soient ceux à qui elle peut
avoir été adressée. 2) Rien n’interdit de penser qu’il a été écrit plus
d’épîtres que nous n’en possédons, Dieu ne conservant que celles qui avaient
pour but l’instruction permanente des saints. Mais que celle qui est mentionnée
ici soit une lettre adressée à Laodicée et qui a été perdue, n’est nullement
prouvé. Il est aussi évident que l’épître aux Colossiens était censée être
communiquée à Laodicée. La lettre que les Laodicéens devaient faire suivre à
Colosses peut
leur avoir été adressée
à eux, mais ce qui nous en est dit n’entraîne pas nécessairement une telle
conclusion.
Quels liens d’amour et de profit mutuel entre les assemblées !
« Et dites à Archippe :
Prends garde au service que tu as reçu dans le Seigneur, afin que tu
l’accomplisses » (v. 17). Les frères ne peuvent pas se soustraire à leur
responsabilité et à l’exercice de la discipline divine ; mais le ministère
est reçu du Seigneur et dans le Seigneur ! Ce n’est jamais
l’assemblée qui désigne quelqu’un pour le service de la parole, mais bien
Christ, la Tête. Quand il s’agissait de charge locale, les apôtres ou leurs
délégués (mais jamais l’Église) ont parfois agi pour Lui.
Nous avons enfin « le signe dans chaque lettre » — du moins dans la sphère où Paul exerçait l’apostolat de l’incirconcision : « La salutation, de la propre main de moi, Paul. — Souvenez-vous de mes liens. La grâce soit avec vous ! » (v. 18).