William Kelly (ajouts bibliquest entre crochets)
Traduit de l’anglais de l’édition 1939 révisée par W.J.Hocking
Table des matières abrégée : (Table détaillée)
13 - [Reprise d’éléments essentiels de l’épitre]
Table des matières détaillée :
1.1.2 - [Les apôtres ont vu la ruine de l’église]
1.2 - [Sur l’identité de l’auteur de l’épitre]
1.2.1 - [Jude, non pas l’apôtre]
1.2.3 - [La prééminence de Jacques]
1.2.4 - [Frères du Seigneur dans les évangiles]
1.2.5 - [Frères du Seigneur selon Actes 1]
1.2.6 - [Jacques selon Galates 1]
1.2.7 - [Appellation de Jacques dans son épître]
1.2.8 - [Jacques selon Actes 15 et 21]
1.2.9 - [L’incrédulité parmi la famille terrestre du Seigneur]
1.3 - [Les sujets traités par les épîtres de Jacques, Pierre, Jude et Jean]
1.3.2 - [Jude par rapport à Pierre]
1.3.3 - [Jude par rapport à Jean]
2.1 - [Jude 1 Le mot « sanctifiés » n’est pas à retenir]
2.2 - [Jude 1 Choix du bon texte quand les manuscrits originaux divergent]
2.4 - [Jude 1 … en Dieu le Père]
2.5 - [Jude 1 conservés (ou préservés)]
3.1 - Jude 2 — [La miséricorde]
3.2.1 - [Quand « la foi » est-elle intervenue ?]
3.2.2 - [La foi comprend la certitude du salut]
3.2.3 - [Recevoir un évangile complet]
3.2.4 - [Les mystères du Nouveau Testament sont des choses révélées]
3.2.5 - [La foi quant au sacerdoce de tous les croyants. Ordre et édification]
4.1 - [Encore au sujet de « une fois » transmise/enseignée. Importance de combattre pour la foi]
4.2 - [Le mal intervenu très tôt a été permis pour que des directives nous soient données]
4.3 - [La foi : le cas des textes parallèles dans le Nouveau Testament, Jude et Pierre]
4.4 - [La foi rejette la vantardise de nation ou famille]
4.5 - [La foi rejette l’esprit de parti religieux]
5.1 - [Jude 4 : Se sont glissés]
5.2 - [Jude 4 : La grâce changée en dissolution. Avertissement aux rachetés]
5.3 - [Jude 4: Reniant notre seul Maître et Seigneur]
5.4 - [Jude 5: Vous saviez tout]
5.5 - [Jude 5: Je désire vous rappeler. Avertissement tiré de ce qui est arrivé au peuple d’Israël]
6.1 - [Comparaison de 2 Pierre 2 et Jude]
6.1.1 - [Il est important de considérer surtout les différences entre les épitres de Jude et Pierre]
6.1.2 - [Ce qui mène aux sectes de perdition]
6.1.3 - [Le déluge mentionné par 2 Pierre 2:5 : injustice et impiété générales]
6.2 - [Jude 6 — L’affaire des anges]
6.2.1 - [Deux classes d’anges ont péché]
6.2.2 - [Les anges qui ont péché avec Satan]
6.2.3 - [Les anges qui ont péché selon Genèse 6 et Jude 6]
6.3 - [Jude 7 — Sodome et Gomorrhe]
6.3.2 - [2 Pierre 2:9-11 — Applications au temps présent]
6.4.1 - [Le mal dans les idées. Contraste avec être guidé par la Parole de Dieu]
6.4.2 - [Christianisme pratique : L’obéissance. Celle de la foi et celle de Jésus Christ]
6.4.1 - [Désirs de celui qui est né de nouveau et est sous l’aspersion du sang de Jésus Christ]
6.4.2 - [Divers aspects de ce que font les « rêveurs » de Jude 8]
7.1 - [Une déclaration unique, mais certaine]
7.1.1 - [Autre déclaration unique : les saints jugeront le monde et les anges]
7.1.2 - [Ce que Dieu dit une fois et ce qu’Il répète]
7.1.3 - [Autre cas de révélation récente de choses anciennes : le nom des magiciens de l’Égypte]
7.1.4 - [Raisons de la révélation de l’ancienneté de l’opposition de Satan]
7.2 - [Rôle et interventions des anges]
7.2.1 - [L’intervention de l’archange Michel n’est pas mentionnée par Pierre]
7.2.2 - [Antagonisme Michel/Satan dans le passé et dans le futur]
7.2.3 - [Ceux qui haïssent les prophètes vivants et les honorent quand ils sont morts]
7.2.4 - [Michel et non pas Gabriel]
7.2.5 - [Rôle des anges en Daniel 10]
7.2.6 - [Rôle des anges aujourd’hui]
7.2.7 - [Rôle des anges avec Philippe en Actes 8]
7.2.8 - [Rôle des anges en Zacharie 3]
7.2.9 - [Manière d’agir de l’archange Michel : elle sert de modèle]
8.1 - [Jude 10 — Corruption du dedans : différence d’avec Jean]
8.2 - [Raison des similitudes de Jude avec Pierre]
8.3 - [Pierre : Hérésies, sectes, hétérodoxie]
8.4 - [Langage véhément et tranchant de Jude : Sa raison d’être]
8.5.1 - [Autres sentences de Malheur dans le Nouveau Testament]
8.5.2 - [Malheur prononcé par Paul]
8.6 - [Jude 11 — Le chemin de Caïn en premier lieu]
8.6.1 - [Naissance de la haine de Caïn contre Abel, et sa manifestation]
8.6.2 - [Le chemin de Caïn : la mondanité]
8.7 - [Jude 11 — L’erreur de Balaam]
8.8 - [Jude 11 — La contradiction de Coré]
8.8.1 - [Application au « mouvement d’Oxford »]
8.9 - [Jude 12 et13 — Autres aspects de ceux qui sont égarés]
9.1 - [Jude a été inspiré par le Saint Esprit, il n’a pas cité le livre éthiopien d’Énoch/Hénoc]
9.2 - [L’Hénoc/Énoch qui a prophétisé est celui qui a été enlevé]
9.3 - [La prophétie d’Hénoc/Énoch est sur les gens de son temps, mais elle va jusqu’à la fin]
9.4 - [Condensé par Bibliquest des développements de l’auteur sur le livre d’Hénoc/Énoch]
10.1 - [Jude 16 — Les murmurateurs]
10.2.1 - [Jude va plus loin que Pierre]
10.2.2 - [Des gens qui ont perdu la vérité : un cas vécu]
10.2.3 - [Dans le corps de Christ, il y a des yeux pour voir]
10.3 - [Jude 17 — Les paroles dites par les apôtres et prophètes : valeur et raisons d’être]
10.4 - [Jude 18 — Des moqueurs, marchant selon leurs convoitises d’impiété]
10.5.1 - [Différentes sortes de séparations. Hérésie, secte, hétérodoxie]
10.5.2 - [Jude 19 : ceux qui se séparent eux-mêmes]
10.5.3 - [Des hommes naturels, n’ayant pas l’Esprit]
11.1 - [Il y a des ressources. Exhortations directes aux fidèles]
11.2 - [Jude 20 — Votre très sainte foi]
11.3 - [Jude 20 — Priant par le Saint Esprit]
11.4 - [Jude 21 — Gardez-vous dans l’amour de Dieu]
12.1 - [Difficulté du sens de ces versets]
12.2 - [Ce que disent les versions « Autorisée anglaise » et Darby, française et anglaise]
12.6 - [Récapitulé sur le contenu de Jude 22-23]
12.7 - [Mise en pratique des exhortations de Jude 22-23]
12.7.1 - [Au temps des apôtres]
13 - [Reprise d’éléments essentiels de l’épitre]
13.1 - [Venue du Seigneur en jugement contre l’apostasie]
13.1.1 - [Responsabilité de l’homme et antagonisme de Satan contre Christ]
13.1.3 - [Lien entre Jude 24-25 et l’enlèvement d’Énoch/Hénoc]
13.1.5 - [Figures et illustrations en rapport avec le sujet de Jude et Pierre]
13.1.6 - [L’apostasie transformée en inimitié selon l’exemple de Caïn dans Jude]
13.1.7 - [Balaam : le pire mal peut éclater parmi les fidèles]
13.2 - [Les prophéties vues comme accomplies : l’esprit d’apostasie se poursuivra]
13.3 - [La venue du Seigneur comme espérance]
13.3.1 - [Les saints associés au Seigneur]
13.3.2 - [L’espérance de l’église]
14.2.1 - [Dieu sage : un qualificatif à sa place en Rom. 16 et hors de place en Jude 25 et 1 Tim.1]
14.2.2 - [Dieu a le pouvoir de nous garder sans broncher. Rappel de Jude 24]
14.2.3 - [… avec abondance de joie]
14.2.4 - [Jude 25a — Seul Dieu, Dieu Sauveur]
14.2.5 - [Jude 25b — Doxologie]
Nous sommes arrivés aux jours dont parle l’épître de Jude. Je pourrais même dire que nous sommes plus avancés, car les épîtres de Jean, bien qu’elles soient placées avant cette épître, impliquent, par leur contenu qu’elles se situent après. L’ordre des livres dans le N.T., nous le savons, est entièrement humain et, en fait, n’est pas le même dans toutes les Bibles. Dans les bibles anglaises, il l’est, mais à l’étranger, il ne l’est pas, et dans les copies les plus anciennes des Écritures, il y avait un autre ordre, à certains égards encore moins correct que celui que nous avons, car ces épîtres de Jude et de Jean sont placées avant les épîtres de Paul. Je n’ai pas besoin de dire qu’il n’y avait là aucune sagesse divine. Je ne le mentionne que pour souligner l’absolue nécessité d’être guidé par le Saint Esprit. Peu importe de quoi il s’agit. On aurait pu penser que les gens des premiers temps auraient eu un bon et sain jugement sur la manière de classer les livres de l’Écriture Sainte, mais ce n’était pas le cas. Je parle maintenant d’une époque bien postérieure aux apôtres, et nous sommes encore plus éloignés. Mais nous ne sommes pas désavantagés pour autant, car le Saint Esprit, qui a été donné, demeure. La ruine de l’église n’affecte pas ce don. C’est un fait très solennel, qui influe grandement sur la réponse pratique de l’église à la gloire du Seigneur Jésus, et qui fait une grande différence pour les membres de Christ. Mais le Seigneur a pourvu à tout en envoyant le Saint Esprit, et Il a fait savoir par les apôtres ce que serait la triste histoire qui attendait l’église. Ce sont les apôtres qui nous disent quels désastres allaient déferler avec force — personne plus que l’apôtre Paul, qui dit : « Je sais qu’après mon départ, des loups redoutables entreront au milieu de vous, qui n’épargneront pas le troupeau » (Actes 20). Oh, quels personnages ! Quels successeurs ! Des successeurs apostoliques ! — en fait il n’y a pas de successeurs. Les successeurs seraient des loups redoutables et des hommes pervers. Néanmoins l’apôtre recommande les saints avec confiance « à Dieu et à la parole de Sa grâce ».
Voilà, nous avons la parole de Sa grâce, et je ne pense pas qu’elle ait jamais été autant appréciée qu’elle l’est aujourd’hui, depuis des centaines d’années. Mais alors, qui est celui qui jouit de la « parole de Sa grâce » ? Nous ne pouvons pas dire que tous les saints en jouissent, alors qu’ils le devraient. Pouvons-nous dire que tous nos chers frères et sœurs jouissent de la parole de Sa grâce comme il convient ? Je prie Dieu qu’il en soit ainsi ; et il est donc de la plus haute importance que, connaissant le besoin, nous soyons très sérieux, non seulement en ce qui concerne l’œuvre — je reconnais qu’elle a une grande place pour tous les vrais ouvriers, et j’admets que beaucoup peuvent aider les ouvriers sans en être eux-mêmes à proprement parler — mais, mes chers amis, le premier de tous les devoirs est de reconnaître les droits de Dieu. On l’oublie, même parmi les saints de Dieu. Les premiers fruits Lui appartiennent toujours, quoi qu’ils soient ; et nous n’avons jamais raison quand il s’agit simplement d’un amour travaillant extérieurement. La première chose est que l’amour agisse vers le haut. Dieu n’est-Il pas infiniment plus important pour nous que n’importe quel converti — comme on pouvait le dire à la pauvre Naomi, qui avait perdu ses fils : « Ne vaut-elle pas mieux pour toi que sept fils » ? Dieu ne vaut-Il pas plus que cent mille convertis ? Quelle pauvre chose que d’être simplement utile aux autres, sans que nous-mêmes grandissions dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ ! Comment cela peut-il se faire si ce n’est par Dieu et par la parole de Sa grâce ? Comment Dieu agit-il maintenant ? Par Son Esprit. Il y a eu un temps où la grande vérité était que Dieu se manifestait par Son Fils. Certes cela demeure ; la parole et l’Esprit de Dieu demeurent pour toujours. Mais maintenant, le Saint Esprit est envoyé du ciel. Il est cette personne divine avec laquelle nous avons à faire habituellement, et soit nous L’honorons, soit nous ne L’honorons pas. Le grand test pour l’honorer est que Christ devient tout. C’est une vérité qui a été fortement obscurcie, déjà même aux jours apostoliques. Ce n’est pas très consolant, et c’est une consolation très solennelle et attristante, si je peux utiliser une telle conjonction de pensées ; mais il en est ainsi lorsque nous pensons comment tout tend à la ruine et au déclin, à l’exception du témoignage de Dieu qui a été confié à Ses enfants.
C’est une chose très solennelle que les apôtres aient justement fait eux-mêmes ces expériences. Le dernier d’entre eux (Jean) dut faire face au fait que la meilleure des églises — celle qui avait été la plus brillante (Éphèse) — devint l’objet de l’avertissement du Seigneur, et la dernière des églises (Laodicée) devint l’objet de la menace du Seigneur ; respectivement un avertissement de ce qui allait bientôt arriver, et une menace qui allait s’exécuter sûrement, — c’est-à-dire la lampe ôtée pour l’une, et le rejet par vomissement pour l’autre (Apoc. 2 et 3).
Cela est-il censé affaiblir la confiance ? Non, cela a été révélé pour renforcer le besoin de dépendance du Seigneur, pour nous encourager à lever les yeux de la terre et des choses d’ici-bas — mais non pas pour nous encourager à abandonner. Nous ne sommes jamais libres de rien abandonner de ce qui est de Dieu. Nous ne sommes jamais libres de plaider l’état de ruine pour justifier une négligence à l’égard d’une expression de la volonté de Dieu. La ruine de l’église n’a rien à voir avec l’affaiblissement de notre responsabilité. Elle entraîne la nécessité d’une plus grande vigilance, de davantage de prière, et surtout le besoin de Dieu et de la parole de Sa grâce pour faire face aux difficultés qui dépassent totalement l’homme. Mais sont-elles au-dessus de l’Esprit de Dieu ?
Or c’est justement dans cet esprit que Jude écrit : « esclave de Jésus Christ ». Car il ne semble pas avoir été l’apôtre Jude. La plupart des gens tiennent pour acquis que seul un apôtre a écrit cette épître ou l’une quelconque des autres épîtres. C’est une erreur. Beaucoup d’apôtres n’ont jamais rien écrit d’inspiré, et certains qui n’étaient pas apôtres ont écrit à la fois des évangiles et des épîtres. Ce qui compte, c’est l’inspiration, une opération particulière de Dieu ; il s’agit de savoir quel vase le Saint Esprit a voulu utiliser. Sur les quatre auteurs des évangiles, deux étaient apôtres et deux ne l’étaient pas ; il en va de même pour les épîtres, à ce qu’il me semble, car je ne voudrais pas insister sur une chose dont beaucoup de gens doutent. Il est quand même bon de se rappeler que, de nos jours, presque tout est mis en doute !
Il est intéressant de savoir qui nous parle dans cette épître. Il nous est dit que c’est « Jude, esclave de Jésus Christ et frère de Jacques ». Il n’est pas frère de Jacques, fils de Zébédée, lequel avait Jean pour frère. Ce Jacques a été retranché très tôt (Actes 12), et Jean est resté le dernier de tous, tellement la fin de ces deux fils de Zébédée diffère l’une de l’autre. Il y avait un autre Jacques (comme aussi un autre Jude ou Judas, en plus de l’Iscariote), « fils d’Alphée », qui est appelé « Jacques le Petit » (ou : « Jacques le mineur » (Marc 15:40). Je ne pense pas qu’il s’agisse du Jacques dont il est question ici, mais plutôt de celui qui a été appelé « Jacques le Juste » ; et je suppose que ce titre lui a été donné en raison de sa prééminence pratique. Il haïssait le mal et aimait tout ce qui était moralement agréable à Dieu. Il apparaît en Actes 15, bien que ce ne soit pas la première fois.
Dans ce chapitre de Actes 15, Jacques occupe une place importante. Il présidait, pour autant qu’on puisse utiliser ce terme, et celui-ci est un terme très approprié de l’Écriture : on le trouve en 1 Tim. 5:17. Il n’y a rien de mal à présider si un homme peut le faire ; c’est une erreur si un homme ne peut pas le faire et qu’il prétend le faire ; et c’est l’une des pires choses possibles lorsqu’elle est faite aujourd’hui par quelqu’un d’officiel, qu’il en ait le pouvoir ou non. Mais « présider » est quelque chose de reconnu, bien que ce ne soit jamais confiné à une seule personne : « vos conducteurs » ou « ceux qui gouvernent (ou président) sur vous » (Héb. 13:17) : là il y en a plusieurs.
Nous ne sommes pas inquiets à ce sujet. L’un peut être plus en vue un jour, et l’autre un autre jour, mais Jacques semble avoir été habituellement prééminent, et cela semble avoir été reconnu par les anciens de Jérusalem. Nous voyons Paul aller voir Jacques, et tous les anciens étaient présents (Actes 21:18). Il s’agit de l’homme qui a écrit l’épître et qui se dit lui-même « esclave de … Jésus Christ ». Bien sûr, cela est vrai de tous, et c’est dit de presque tous. L’apôtre Paul s’appelle ainsi continuellement, et bien sûr aussi Pierre et Jean, bien que ce dernier s’appelle plutôt « le disciple que Jésus aimait », mais il s’appelle quand même esclave de Jésus Christ en Apocalypse 1:1,2 (« à son esclave Jean »). On voit donc que ce n’est qu’une question de convenance selon le cas où ce mot est mis en avant ; et il était certainement très approprié dans le livre de l’Apocalypse, et c’est donc là qu’il se trouve. Ailleurs, surtout dans son évangile, Jean s’attarde plutôt sur l’amour du Sauveur, et dans ce livre, il ne s’appelle pas lui-même. Nous savons seulement par des preuves internes qu’il doit être celui qu’il décrit, non pas en tant que Jean, mais comme « le disciple que Jésus aimait ».
Mais Jacques n’était pas un « disciple » ; il était l’un des frères du Seigneur qui n’ont pas cru pendant tout le temps de la vie du Seigneur ici-bas ; « ses frères non plus ne croyaient pas en lui » (Jean 7:5). « Ses frères » étaient les fils de Marie après Sa naissance à Lui. Bien sûr, nous pouvons comprendre que les Romanistes aient voulu en faire des fils de Joseph et non de Marie. Mais ils étaient fils de Marie et de Joseph. Eux voudraient en faire les fils d’un précédent mariage de Joseph. Nous ne savons rien d’un mariage antérieur, et eux non plus. Ce que nous savons, c’est que l’Écriture est tout à fait claire.
Prenez Marc 6:3 par exemple, et vous constaterez que ce que je viens de dire est pleinement reconnu : en parlant de notre Seigneur, il est dit : « Celui-ci n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère » (non pas le cousin, notez) « de Jacques et de Joses et de Jude et de Simon ? » Nous ne savons pas quelle place particulière Dieu a donnée à Joses et à Simon, mais nous savons que Jacques et Jude, ou Judas (c’est le même nom), ont tous deux été appelés à un service éminent.
Si nous regardons Actes 1, nous avons plus de détails. Il apparaît là qu’il y avait aussi des sœurs, mais nous n’avons pas besoin d’aller plus avant sur ce sujet. En Actes 1:13, nous lisons : « Quand ils » (c’est-à-dire les apôtres) « furent entrés, ils montèrent dans la chambre haute où demeuraient Pierre et Jacques » (le Jacques fils de Zébédée), « et Jean » (son frère), « et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques [le fils] d’Alphée » (c’est-à-dire Jacques le Petit, ou le Mineur), « et Simon Zélote » (pour le distinguer de Simon Pierre et de Simon frère du Seigneur), « et Jude [frère] de Jacques ».
Or, à mon avis, ces deux derniers noms sont ceux présentés dans le premier verset de notre épître : « Jude, esclave de Jésus Christ et frère de Jacques ». Mais nous lisons plus loin, dans le même chapitre des Actes : « Tous ces hommes persévéraient d’un commun accord dans la prière et les supplications, avec les femmes, et Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes 1:14). Nous avons déjà vu en Marc 6 qui sont ces « frères ». Jacques et Jude étaient deux des frères du Seigneur. Simon et Joses en étaient deux autres. Mais nous n’avons pas besoin de nous attarder sur ces derniers puisque l’Écriture ne le fait pas. Cependant, elle en dit beaucoup plus sur Jacques, et un peu sur Jude. Comme nous l’avons déjà remarqué, bien qu’ils aient été inconvertis tout le temps du Seigneur sur terre, ils se sont manifestement convertis après la mort et la résurrection du Seigneur, de sorte qu’ils étaient là avec Marie, leur mère, et les onze, vivant tous ensemble et adonnés à la prière, attendant la promesse du Père, le don du Saint Esprit. Il est certain qu’ils n’étaient pas inconvertis à ce moment-là. Rien n’aurait été plus contraire à leurs pensées s’ils n’avaient pas été croyants, mais maintenant ils étaient croyants pour la première fois. Et il est très beau de voir que Dieu les a brisés par la chose même qui aurait pu les faire tomber pour toujours. La crucifixion du Seigneur aurait pu les bloquer entièrement, mais Dieu s’est servi de cette crucifixion et de la résurrection du Seigneur, non seulement pour éveiller leurs âmes, mais pour les faire entrer, — de sorte qu’ils étaient là, pleins de la même attente du Saint Esprit que les apôtres eux-mêmes.
C’est pourquoi, lorsque Jacques, fils de Zébédée, fut tué (Actes 12), nous trouvons un autre Jacques, qui n’est pas décrit comme le fils d’Alphée, et qui est celui qui s’est manifestement avancé, sous la conduite de Dieu, vers une sorte de place de premier plan. En effet, lorsque tous les apôtres étaient là, Pierre et Jean entre autres, ils ne prirent pas cette place, et encore moins aucun des douze. Jacques l’a fait, et pour vous montrer que je ne fais pas erreur, je donne un autre passage de l’Écriture (Galates 1:15-19), qui est très convaincant et satisfaisant. L’apôtre Paul montre comment il a été empêché de se mêler à l’un ou l’autre des apôtres en particulier, au moment où il a été amené à la connaissance du Seigneur Jésus. « Quand il plut à Dieu, qui m’a mis à part dès le ventre de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les nations, aussitôt je ne pris pas conseil (= je n’eus pas d’entretiens) avec la chair et le sang, et je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui étaient apôtres avant moi ; mais j’allai en Arabie, et je revins à Damas. Trois ans plus tard, je montai à Jérusalem pour faire la connaissance de Céphas (= pour voir Pierre), et je demeurai quinze jours avec lui. Et je ne vis aucun autre des apôtres, si ce n’est Jacques, le frère du Seigneur » (et non le « cousin » du Seigneur).
Apparemment, Jacques fils d’Alphée, était cousin du Seigneur. Nous savons tous que le mot « frère » est parfois utilisé de manière imprécise, mais dans ce cas, il est toujours corrigé par quelque autre partie de l’Écriture. Or celui-ci n’est corrigé par aucun, et je ne vois pas pourquoi — si l’Esprit de Dieu appelle Marc, non pas exactement le neveu, mais le cousin de Barnabas (le mot utilisé là est « cousin »), — Jacques ne devrait pas être appelé ainsi ici (Gal. 1:19), s’il n’était pas réellement le « frère » de notre Seigneur.
Il est vrai que Jacques ne s’appelle pas lui-même « frère du Seigneur », mais « esclave du Seigneur », et c’est très beau. S’il y avait eu aucune recherche de soi, c’est bien lui qui aurait dit : « Je suis le frère du Seigneur ! Vous ne devez pas oublier que je suis le frère du Seigneur ». Mais cela aurait été tout sauf de l’Esprit de Dieu, parce qu’au temps où il était frère du Seigneur, il était incroyant. Il avait été incroyant pendant toute la vie de notre Seigneur. En effet, il l’a été jusqu’à Sa mort et Sa résurrection. C’est pourquoi, avec une grâce magnifique, il n’évoque jamais ce qui était sa honte, à savoir qu’il était le frère du Seigneur selon la chair. Le Seigneur Lui-même a mis fin à ce genre de connexion quand Il a déclaré que, ce qui était heureux, n’était pas tant d’être la femme qui l’avait enfanté, mais plutôt d’écouter la parole de Dieu et de la garder. C’est ce qu’a fait l’auteur de cette épître : il a entendu la parole de Dieu et l’a gardée. Il avait reçu la vérité sur la personne de Christ, non pas comme fils de Marie, mais comme Fils de Dieu, comme Messie, Seigneur de tous. Jude est donc heureux de dire, non pas qu’il est frère du Seigneur, bien qu’il le fût, mais qu’il est « esclave de Jésus Christ », et il ajoute, pour que son identité soit parfaitement claire, « frère de Jacques ».
Nous avons donc ici (Jude 1) le fait très clair que ce Jacques n’était pas le fils de Zébédée, qui avait été tué plusieurs années auparavant, et qu’il n’était pas non plus Jacques le petit (le mineur). Nous pouvons plutôt l’appeler « Jacques le grand », parce qu’il occupe une place de premier plan partout où il est mentionné. Actes 15 lui donne cette place d’une manière très frappante qu’il est bon de ne pas passer sous silence. Après que Pierre eut rendu son très important témoignage, et que Paul et Barnabas eurent donné leurs preuves, au sujet de l’accueil des Gentils, nous arrivons à une autre personne (Actes 15:13) : « Jacques répondit disant : « Hommes, frères » (c’est ainsi qu’il faut lire, et non pas ‘hommes et frères’ ; le mot « et » n’a rien à faire là). Il ne s’agissait pas simplement d’hommes, mais d’hommes qui étaient des frères. « Hommes, frères, écoutez-moi. Siméon a raconté comment Dieu a d’abord visité les nations, afin d’en tirer un peuple pour Son nom… C’est pourquoi moi, je suis d’avis… » (15:13-19). Personne ne peut douter de la place qu’il prenait, et du fait que l’Esprit de Dieu y mettait Son approbation. Jacques est celui qui, après avoir entendu tous les faits, a résumé la pensée de Dieu et a cité un passage décisif de l’Écriture. Ce point est très intéressant à noter, à savoir que, même s’agissant d’hommes inspirés, ils ne se passaient pas des Écritures. Lorsque vous avez les faits à la lumière de l’Écriture, vous avez le droit d’en tirer la vérité — ce qu’il appelle ici « mon avis », ce qui est écrit à partir du v.19.
L’autre endroit frappant où Jacques apparaît est en Actes 21, lorsque Paul monte à Jérusalem. « Le jour suivant », c’est-à-dire suivant son arrivée, « Paul entra avec nous chez Jacques, et tous les anciens y vinrent » (Actes 21:18). Il est évident que c’était là le grand lieu central de rencontre des étrangers à Jérusalem, et que les anciens avaient aussi l’habitude d’être présents dans ces occasions. Ces faits lui confèrent évidemment un caractère très officiel, parfaitement compatible avec la position de Jacques à Jérusalem. La tradition en fait l’évêque de l’église à Jérusalem, mais l’Écriture ne parle jamais de « l’ »évêque, mais d’« évêques » ; et l’Écriture montre aussi qu’il y avait des personnes plus importantes que les évêques ; et Jacques avait une place de supériorité manifeste par rapport à tous les « anciens » (ceux-ci étaient les évêques), place qu’aucun des anciens ne possédait au même degré. Et c’est ce Jacques qui a écrit l’épître qui porte son nom, comme celle de Jude a été écrite par son frère.
Il est instructif de voir comment Dieu a permis l’incrédulité de la famille de notre Seigneur Jésus. Ce n’était pas des gens complotant entre eux. Si vous regardez le grand chef de l’apostasie d’orient, Mahomet, il en était ainsi. Sa famille était composée de personnes qu’il a poussées à prendre place avec lui, pour le défendre et se tenir auprès de lui. Mais dans le cas de notre Seigneur Jésus Christ, Dieu a permis que Ses propres frères ne croient pas en Lui pendant toute la durée de l’accomplissement de Ses œuvres puissantes. Mais il y avait une autre œuvre, la plus grande de toutes, et Dieu a rendu cette œuvre irrésistible. Il ne s’agit pas des œuvres de Sa vie, mais de celles de Sa mort et de Sa résurrection ; et ces frères qui s’étaient si obstinément mis contre Lui, ont été amenés à croire en Lui par Son œuvre où Il a porté le péché. Il y avait une raison à leur incrédulité. Il y a toujours des causes morales qui agissent particulièrement chez les inconvertis pour les empêcher de recevoir la vérité. Il s’agit parfois de pensées charnelles, parfois de pensées mondaines, parfois les deux. Dans le cas de ces frères, leurs pensées mondaines se sont manifesté avec force en Jean 7:4-5, lorsqu’ils disaient : « Si tu fais ces choses, montre-toi au monde. Car aucun de ses frères ne croyait en Lui ». Le Seigneur était bien loin de faire cela. Il n’était pas du monde, et Il nous dit que nous n’en sommes pas. Il n’a jamais cherché le monde sous quelque forme que ce soit. Il a seulement cherché à faire du bien aux âmes qui s’y trouvaient en les délivrant du monde pour leur faire connaître le vrai Dieu, et se faire connaître Lui-même, également le Dieu véritable et la Vie éternelle.
Et maintenant, nous avons ce fait si intéressant — que Jacques nous donne, selon le caractère spirituel formé en lui, en forme d’une présentation très complète de justice pratique dans la vie de tous les jours, dans nos mouvements d’humeur, nos paroles et nos voies. Tout cela est exposé par Jacques plus que par tout autre ; et si certains n’aiment pas son épître, c’est seulement faute de la comprendre. Des hommes grands et bons se sont offusqués du caractère direct du langage de Jacques. Ils n’aimaient pas cela, mais c’était une grande perte pour eux, car s’ils avaient tenu compte de ce qu’il écrivait, bien de leurs défauts auraient été corrigés.
En Jude, le sujet est tout à fait différent. La justice n’est pas le sujet de Jude, pas même de la manière dont Pierre l’aborde. Jude ne l’envisage pas simplement pour la marche personnelle, en dehors de la ruine de ceux qui l’abandonnent. Il montre simplement que la justice est une chose nécessaire pour tous les saints. Si un homme ne l’a pas, il n’est pas du tout un saint. Mais Pierre, dans sa deuxième épître, s’intéresse à elle d’une manière large parmi le peuple de Dieu : marchent-ils dans la justice du fait qu’ils sont Son peuple, et ceux qui enseignent, sont-ils indifférents à la justice et favorisent-ils l’iniquité ? C’est pourquoi sa deuxième épître s’adresse vigoureusement à ces faux docteurs qui, non contents d’en être, encouragent les autres à un pareil manque de droiture. Or, ce n’est pas du tout ce dont Jude s’occupe, bien qu’il y ait beaucoup de points communs entre les deux. Il ne pouvait en être autrement.
Jude s’occupe de la grâce. Il n’y a rien de tel que la grâce ; mais qu’arrive-t-il si l’on en abuse ? Que se passe-t-il si la grâce est abandonnée ? Que se passe-t-il si la grâce est tournée en licence ? Voilà de quoi Jude s’occupe. C’est pourquoi son épître est l’une des plus solennelles de la parole de Dieu. Il n’y a qu’un seul auteur qui le soit encore plus : Jean. Jean s’occupe non seulement de l’abandon de la grâce, mais aussi du déni de Christ, du Père et du Fils. Il est impossible de concevoir quelque chose de pire dans l’Écriture que de nier la gloire de Celui au nom duquel j’ai été baptisé et par lequel j’ai professé recevoir toutes les bénédictions que Dieu peut donner. Après tout cela, quand un homme est poussé par son intellect ou par toute autre cause, à renier le Seigneur, à nier qu’Il était le Christ et le Fils de Dieu, il n’y a rien de plus mortel, rien de plus terrible que l’état d’un tel homme. Or c’est à celui qui aimait le plus le Seigneur, Jean, qu’il est revenu d’écrire sur ce reniement.
Vous voyez donc qu’il y a une belle convenance dans toutes les épîtres.
« Jude, esclave de Jésus Christ et frère de Jacques, à ceux qui sont (non pas exactement ‘sanctifiés’, mais) bien-aimés ».
Cela peut surprendre beaucoup de ceux qui sont habitués à la version Autorisée anglaise, mais il ne s’agit pas de ce à quoi nous sommes habitués, mais de ce que Dieu a écrit. La version Autorisée est admirable. Nos traducteurs ne se sont pas trompés sur le sens du mot grec dans le texte qu’ils avaient sous les yeux ; mais le texte qu’ils avaient était le texte commun, et ce texte est défectueux autant que la version anglaise commune. Ce texte a été transcrit par un certain nombre de mains différentes, et si l’écriture n’était pas très claire, les copistes avaient toujours tendance à faire des erreurs.
Beaucoup d’écrits sont passés entre mes mains, mais je n’en ai pratiquement jamais vu où il n’y avait pas d’erreur. Il en est presque toujours ainsi, surtout lorsqu’un écrit est la copie d’un autre, et plus particulièrement lorsque l’homme dont les pensées et les mots sont copiés est au-dessus du commun des mortels. Pour trouver le meilleur texte grec, il faut remonter au plus ancien de tous et le comparer aux différentes traductions elles-mêmes anciennes ; si elles sont d’accord, vous avez le bon texte. Mais ils et elles divergent souvent, et alors se pose la question de savoir quel est le bon texte. Sur ce point, la question la plus importante est celle de la direction de l’Esprit de Dieu. Nous ne pouvons jamais faire sans Lui, et la manière dont l’Esprit de Dieu conduit les personnes qui, vraiment, sont non seulement habitées par Lui, mais dirigées par Lui, c’est que la variante considérée exprime le courant de l’épître. Cadre-t-elle avec la ligne de l’écriture de l’apôtre ?
C’est ainsi que le mot « sanctifié » peut être correct en soi, mais l’expression ici devrait être : « à ceux qui sont appelés, bien-aimés », etc. On remarque que le mot « appelés » apparaît à la fin du verset. Ce mot « appelés » est très emphatique. Jude les décrit alors de deux manières différentes. D’abord, ici, dans la version anglaise Autorisée, c’est « sanctifiés », mais ceux qui ont étudié le texte à fond admettent maintenant généralement que c’est « bien-aimés en Dieu le Père ». « En » ou « dans » est très souvent équivalent à « par » (en fait, c’est même une expression plus forte). Mais je le donne maintenant littéralement : « bien-aimé en Dieu le Père ». Non seulement cette leçon est la plus ancienne, la mieux soutenue par les témoins les plus hauts que Dieu nous a donnés de Sa parole, mais elle est magnifiquement appropriée à l’épître. L’assurance d’être « bien-aimé en Dieu le Père » ou « par Dieu le Père » prend une valeur particulière dans deux aspects des circonstances. Si je suis un jeune homme très jeune dans la foi, et quand on subit la persécution du monde, la haine des hommes, les Juifs pleins de jalousie, les Gentils pleins de mépris, et les uns et les autres animés de haine contre le Seigneur et les Siens — quel consolation de savoir que je suis bien-aimé « en Dieu le Père ». C’est ainsi que l’apôtre Paul s’est adressé aux Thessaloniciens comme assemblée, la seule à laquelle il se soit jamais adressé de cette manière. Ils subissaient la persécution, non pas de manière graduelle comme la plupart des autres assemblées, mais dès le début, dès leur conversion. Nous savons que l’apôtre lui-même dut fuir à cause de la persécution qui s’était installée. « Ces gens qui ont bouleversé la terre habitée, sont venus ici aussi » (Actes 17:6), et ils furent l’objet d’une persécution mortelle, et l’apôtre dût s’enfuir. L’église locale dût supporter le choc, et dans la toute première épître que Paul ait jamais écrite, la première aux Thessaloniciens (son premier écrit inspiré), c’est de cette manière qu’il les décrit : « Paul et Sylvain et Timothée, à l’assemblée des Thessaloniciens, en Dieu [le] Père et [le] Seigneur Jésus Christ » (1 Thess. 1:1). La même présentation de la vérité, dans le verset débutant la deuxième épître, montre bien que c’était là une intention délibérée : il y avait encore la persécution, et le danger d’être ébranlé par cette persécution et par l’erreur introduite par des faux docteurs qui en profitaient pour prétendre que le « jour du Seigneur » était réellement sur eux, faisant croire que cette persécution était le commencement de ce « jour-là », et alarmant ainsi grandement les jeunes croyants de la localité.
C’est pourquoi l’apôtre dut écrire une seconde lettre pour les établir clairement dans la brillante espérance de la venue de Christ, et dans la vérité moins élevée du jour du Seigneur. Dans cette seconde épître, nous avons « Paul, Silvain et Timothée, à l’assemblée des Thessaloniciens, en Dieu notre Père et dans le Seigneur Jésus Christ » (2 Thess. 1:1). Je pense que l’objectif de l’Esprit de Dieu, par l’intermédiaire de l’apôtre était de les consoler du fait qu’ils étaient si jeunes et si exposés à de telles attaques contre eux, lesquelles rappelaient à l’apôtre les attaques dont lui-même et ses amis avaient été les objets ; et le moyen de les consoler était de leur rappeler qu’ils étaient « en Dieu le Père ». Qu’est-ce qui pourrait leur faire du mal si c’était le cas ? L’apôtre n’aurait pas osé, de lui-même, dire une telle chose. Personne sur terre ne l’aurait fait. C’est Dieu qui a inspiré l’apôtre à leur faire connaître cette merveilleuse consolation. Beaucoup de gens lisent ceci et n’en retirent aucune consolation, parce qu’ils ne se l’appliquent pas à eux-mêmes. Ils n’ont aucune idée de ce que cela signifie. Jean, dans sa première épître, distingue trois classes dans la famille de Dieu : les pères, les jeunes gens et les petits enfants. Tous sont des « enfants » de Dieu, mais les petits enfants sont les plus jeunes des enfants de Dieu. Les jeunes gens sont ceux qui ont grandi, et les pères sont ceux qui sont mûrs et bien établis en Christ. Eh bien, c’est aux petits enfants — et cela nous aidera à comprendre ce que j’ai dit — qu’il dit : « Je vous écris à vous, petits enfants parce que vous connaissez le Père » (1 Jean 2:13).
Il en allait de même pour cette jeune assemblée de Thessalonique. Elle est décrite par le Saint Esprit comme étant « en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ ».
En Jude, nous avons l’autre côté. Ce n’étaient plus des saints jeunes. Jude s’adressait à des saints relativement âgés. Il pouvait y avoir des jeunes parmi eux ; il y en avait sans aucun doute. Mais il les considère comme ayant traversé une mer de troubles et de difficultés, et il les préparait à pire encore. Il dit en quelque sorte que les choses ne vont pas s’améliorer, mais empirer, et que cela se terminera par l’apparition du Seigneur en jugement ; et qui plus est, le genre même de personnes qui feront l’objet du jugement du Seigneur lorsqu’Il viendra s’était déjà glissé dans l’église. C’est une chose très solennelle, qui pouvait être alarmante si on ne lisait pas bien et si on n’était pas fondé dans la vérité et dans l’amour. C’est pourquoi, écrivant à une époque relativement tardive (non pas précoce comme dans le cas des Thessaloniciens), Jude écrit en ces termes : « aux appelés ».
« À ceux qui sont appelés, bien-aimés en Dieu le Père, et conservés
(ou préservés) » (selon un ordre des mots qui n’est pas celui de la version Autorisée
anglaise). Ce n’est pas exactement « conservés en
Jésus Christ ». On peut
dire « par » ou « pour ». Ce sont les deux alternatives pour ce mot. Je ne vois pas
comment ce peut être « dans » ou « en » ; ainsi, vous voyez que cela diffère un
peu de ce que nous lisons ici. Cela apporte une autre idée, parfaitement vraie
dans les deux cas. Nous sommes conservés par
Christ et nous sommes conservés
pour
Christ. Je ne suis pas décidé lequel des deux est juste dans ce
cas, parce qu’ils ne peuvent pas être tous les deux l’intention de l’Esprit de
Dieu. L’un doit être juste plutôt que l’autre, mais mon jugement n’est pas
encore formé quant au choix de ces deux prépositions, à savoir s’il faut dire « conservés
pour Jésus Christ » ou « par » Jésus Christ, Lui étant par excellence Celui qui
nous garde. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’expression est parfaitement
adaptée à un temps de danger extraordinaire, et un danger dont on ne peut pas
dire qu’il disparaîtrait ! Nous disons que la tempête fait rage
maintenant, mais que le soleil brillera bientôt. Non, il s’agit de la noirceur
des ténèbres du mal qui s’introduit maintenant parmi les professants de Christ
et qui devient de plus en plus sombre et obscure jusqu’à ce que le Seigneur
vienne en jugement sur eux.
Eh bien, quelle douce assurance que celle d’être « bien-aimés en Dieu le Père, et conservés par (ou pour) Jésus Christ » (l’un et l’autre sont tout à fait éclatant — que le Seigneur veuille nous donner d’apprendre un jour laquelle de ces deux pensées est la Sienne). Cette assurance est pleine de consolation et de douceur, et tout à fait adaptée aux circonstances décrites dans cette épître, plus que dans toute autre épître du Nouveau Testament — une épître qui montre la dérive de chrétiens, c’est-à-dire de chrétiens professants — de ceux que l’on pensait précédemment être aussi bons que n’importe quel autre. Parfois, les gens qui se détournent ont été très brillants. Il ne faut pas s’en étonner. Ce n’est pas toujours le meilleur fruit qui mûrit le plus vite. Parfois, le plus précoce pourrit très vite. C’est souvent le cas de ceux qui semblent si brillants d’un seul coup.
Je me souviens d’un cas frappant, celui d’une jeune femme de l’île de Wight, il y a une quarantaine d’années. Dans son zèle pour l’évangile, notre cher frère Charles Stanley était porté à croire que les gens étaient convertis alors qu’ils ne l’étaient pas. En temps de réveil, les gens ont souvent tendance à se mêler aux autres ; leurs sentiments s’émeuvent, ils sont rapidement touchés. Selon la parole de l’Évangile, « ils entendent la parole et la reçoivent aussitôt avec joie ; mais ils n’ont pas de racine en eux-mêmes, ils ne durent guère ; car, lorsque survient une épreuve ou une persécution à cause de la parole, aussitôt ils sont scandalisés » (Matt. 13:20-21) ; il ne faut donc pas s’en étonner. La jeune femme dont je parle était une employée de magasin, et je fus amené à la voir dans le cadre d’une de ces conversions. En un instant, elle m’assura que le vieil homme avait disparu, qu’il était « mort et enterré », et elle utilisa d’autres termes de ce genre. Cela aurait été très agréable s’il y avait eu quelque sentiment spirituel réel, mais elle n’avait fait que saisir la vérité dans ses pensées, tout au plus.
Or, un vrai converti qui a confessé la vérité de Christ pour la première fois, serait très éprouvé par beaucoup de choses, de défaillances, d’insuffisances, etc. L’âme d’une telle personne serait très inquiète de penser que, même après avoir reçu Christ, elle trouve si peu de réponse à Son amour, qu’elle est si facilement trahie par la légèreté ou l’insouciance, ou par des coups d’humeur, et par tant de difficultés qui sont le lot d’un jeune croyant. Mais la jeune femme dont j’ai parlé n’avait aucune conscience de quoi que ce soit. Tout ce qu’elle avait, c’était une idée intellectuelle de la vérité qui lui semblait délicieuse, et qui l’est effectivement. C’était comme ceux décrits en Héb. 6:5, qui ont « goûté la bonne parole de Dieu », et qui sont là, « illuminés » par la grande lumière de l’Évangile, sans être vraiment nés de Dieu. Il peut y avoir une action puissante de l’Esprit de Dieu, et il peut y avoir tout cela sans être vraiment né de Dieu. Les gens qui sont vraiment nés de Dieu sont généralement éprouvés, ils ont un grand sentiment de péché et il leur faut apprendre leur impuissance. Tout cela est une expérience très douloureuse ; et c’est à cet état que la consolation de l’évangile applique la connaissance du pardon total et de la délivrance de tout ce que nous sommes ; non seulement en dépit de ce que nous sommes, mais à cause de ce que nous sommes, à cause de tout ce que Dieu nous a donné — une vie nouvelle où il n’y a pas de péché. Il n’y a jamais quelque chose comme cette vraie consolation si ce n’est chez ceux qui en ont ressenti le besoin, et ce sentiment de besoin accompagne la conversion à Dieu. Les saints de l’Ancien Testament étaient dans cet état, et n’en sortaient jamais. Les saints du Nouveau Testament commencent par la conversion et entrent dans des bénédictions qui étaient impossibles avec la loi — parce que l’œuvre puissante de la rédemption n’était pas accomplie. Mais maintenant, elle est accomplie : pouvons-nous supposer qu’elle ne fait pas une différence essentielle pour un croyant du Nouveau Testament ? Eh bien ! « si quelqu’un est ignorant, qu’il soit ignorant » (1 Cor. 14:38). Vous avez ici cette consolation inestimable pour ceux qui sont passés par des expériences aussi sérieuses et qui ont éprouvé leur faiblesse à y faire face — la responsabilité qu’il y a à être affecté par des apparences qui n’aboutissent à rien. Des paroles justes et douces là où il n’y a aucune réalité, voilà ce qui est si éprouvant. Et l’épître montre que les gens vont devenir pires que cela.
Ensuite (Jude 2), nous avons : « Que la miséricorde, et la paix et l’amour vous soient multipliés ».
C’est le seul endroit où la miséricorde est souhaitée aux saints en général. Lorsqu’il écrit à des individus, à Timothée et à Tite par exemple, l’apôtre dit « miséricorde », mais lorsqu’il s’adresse aux saints en général, il dit « grâce et paix ».
Pourquoi Jude fait-il intervenir la « miséricorde » ici ? Parce qu’ils avaient profondément besoin de consolation. Un individu devrait toujours ressentir le besoin profond de miséricorde, en particulier face au danger, et aussi dans le sens de l’indignité personnelle ; ici Jude donne la consolation de la miséricorde à tous ces saints à cause de l’imminence du danger qui les guettait. Je ne connais pas de saints plus en danger que nous, parce que la grâce nous a donné le sentiment de ce qui convient à l’honneur et au nom de Christ, et la confiance dans les Écritures en tant que parole de Dieu. Nous ne devrions pas considérer un seul mot dans ces Écritures comme une lettre morte. Je ne pense pas qu’il y ait une seule personne ici présente — frère ou sœur — qui ait un doute quant à la moindre parole écrite par Dieu. Il serait difficile aujourd’hui de se trouver en pareille compagnie. Les gens pensent que l’inspiration est un terme très souple et que nous devons accepter les erreurs des hommes de bien qui ont écrit la Bible. Que pouvons-nous attendre de telles personnes, même s’il s’agit d’érudits ? Ils jugent d’après eux-mêmes, et non d’après Dieu ni le Saint Esprit. Beaucoup de ces gens n’ont pas abandonné le christianisme, je pense, mais ils sont obscurcis par l’esprit d’incrédulité. L’esprit qui règne aujourd’hui est aussi mauvais, sinon pire, qu’à n’importe quelle époque depuis que le Seigneur est mort et ressuscité. Ce qui le caractérise, c’est le rejet de toute règle. Un manque de respect pour tout ce qui est au-dessus de soi et une détermination à faire à son idée — c’est cela le rejet de toute règle. Je ne connais rien de pire. C’est ce qui caractérisera l’ensemble de la chrétienté. Aujourd’hui, cela opère chez des individus, et beaucoup aussi dans de grands groupes, mais cela deviendra bientôt l’esprit dominant. C’est la portée du nom d’anti-christ, « le sans loi ». Christ était l’Homme de justice, Christ est l’Homme qui donne à tout sa place selon Dieu, et qui donne à Dieu Sa place. Vis-à-vis de tout et tous, Il était l’homme de justice ; la « vie sans règle » n’a rien que le moi comme grande ambition, un moi déchu — l’homme éloigné de Dieu. Le danger est grand aujourd’hui, comme il l’était au temps où Jude a écrit son épître. C’est pourquoi il est question de « miséricorde », — que vous soient multipliés non pas seulement la « paix et l’amour » — mais aussi la « miséricorde ». Il y a dans ce mot beaucoup d’emphase.
« Bien-aimés, quand j’usais de toute diligence pour vous écrire au sujet du commun salut, je me suis trouvé dans la nécessité de vous écrire pour vous exhorter à combattre avec ardeur pour la foi qui a été une fois transmise (JND : enseignée) aux saints » (Jude 3).
Il s’adresse à ceux qui ont appris la valeur de la « foi ». Il ne fait pas référence à la foi personnelle, mais au dépôt que la foi détient. Il s’agit de ce qui est cru, et non pas simplement de la puissance spirituelle qui croit le témoignage. C’est pourquoi c’est appelé « la foi », distincte de « foi ». Quand est-ce que cette foi est venue ? L’épître aux Galates nous montre quand la foi est venue, ainsi que la rédemption et le Saint Esprit. C’est Gal. 3:25 : « mais, la foi étant venue (ou : après que la foi fut venue) » – « Je vis dans (ou : par) la foi au Fils de Dieu » – « Avez-vous reçu l’Esprit de (ou : par) l’ouïe de la foi » – c’est quelque chose de bien distinct (Gal. 2:20 ; 3:2). « L’Écriture a renfermé tous sous le péché » (Juifs ou Gentils — les Juifs sous la transgression, mais « tous » sous le péché), afin que la promesse par la foi en Jésus Christ soit donnée à ceux qui croient. Or, avant que la foi vienne, nous étions gardés sous la loi » (Gal. 3:22-23). Il y avait la loi jusqu’à la croix de Christ, mais elle a ensuite été clouée sur le bois (Col. 2:14) ; non seulement Christ a été crucifié, mais la loi a ainsi pris fin, en ce qui concerne le peuple de Dieu. Nous sommes maintenant placés sous Christ. Nous sommes maintenant considérés comme étant « dans l’Esprit », car Christ est notre vie et le Saint Esprit est la puissance de cette vie.
Il dit alors qu’il s’est trouvé dans la nécessité de les exhorter à « combattre avec ardeur pour la foi qui a été une fois transmise aux saints ». C’est de cela que j’ai à cœur de parler. Combien grande est, non seulement la « conversion » telle que la connaissaient les gens de l’Ancien Testament avant que la foi vienne, mais aussi le « salut » qui est maintenant, selon l’expression de l’apôtre Paul dans les Éphésiens (1:13) : « la parole de vérité, l’évangile de votre salut (non pas de votre conversion) » ! C’est ce qui a été ajouté en conséquence de la rédemption. Personne ne pourrait être délivré de l’enfer sans être converti ; mais « l’évangile de notre salut » doit nous rendre parfaitement heureux sur terre, nous apporter paix et liberté sans nuage tant que nous sommes dans ce monde ici-bas. C’est cela qui est nouveau, depuis la croix de Christ.
Comment se fait-il, chers amis, que ce soit une nouveauté pour beaucoup d’enfants de Dieu aujourd’hui ? Ils n’ont aucune certitude, y compris pour les choses les plus réelles ; pour beaucoup, ce n’est qu’une « humble espérance ». Mais par la miséricorde de Dieu, je tiens pour acquis que nous tous ici, avons plus ou moins appris, que plus il y a, mieux c’est. Je dis qu’il s’agit d’une chose de toute importance. Parfois, lorsque des personnes cherchent à entrer en communion, on pense qu’il est important qu’il y ait une intelligence de l’église. Comment arrivent-ils à comprendre l’église, je ne sais pas. Je ne la comprenais pas lorsque j’ai commencé à rompre le pain. Je n’ai jamais vu personne pour qui il en soit autrement. J’ai vu des personnes qui pensaient la comprendre, et qui ont dû corriger leurs pensées par la suite. Nous ne devrions pas attendre qu’il y ait cette connaissance. Il est possible que parmi les saints qui sont en communion depuis quarante ans, il y en ait beaucoup qui ne soient pas encore parvenus à une véritable connaissance de ce qu’est l’église. Mais demander cela à une âme chère qui n’a été sauvée que depuis peu ! Ah, l’essentiel est non seulement d’être « converti », mais d’être amené à la liberté et à la paix. Je dis que c’est ce que nous devrions rechercher avant de les amener à la table du Seigneur ; et nous ne sommes pas sur un terrain proprement chrétien tant que nous ne savons pas si nous sommes sauvés. C’est ce que donne l’évangile. Ce n’est pas une espérance d’être sauvé, mais le fait de le savoir d’une manière simple, directe, intelligente et chrétienne. Cependant, le mot « intelligence » pourrait permettre à nos frères actifs de trouver des difficultés ! Je ne veux mettre des difficultés sur le chemin de personne, et encore moins sur le chemin d’une âme qui tremble et qui est incertaine.
La grande exigence pour les âmes qui recherchent la communion, et je pense, la seule exigence, est qu’elles soient fermement établies sur Christ et le salut de Christ connu comme une chose présente. Il se peut que nous trouvions une personne qui ne puisse pas tenir cela. Je lui recommande d’écouter l’évangile. Il y a beaucoup de saints qui désirent entendre un évangile complet. Je ne parle pas d’un évangile gratuit. Un évangile complet ne convertit pas beaucoup d’âmes. Un évangile gratuit peut le faire. Un évangile gratuit peut être utilisé pour réveiller beaucoup de gens, pour produire des exercices, mais un évangile complet apportera la réponse à toutes ces difficultés. Je dirais que Pierre a prêché un évangile gratuit et Paul un évangile complet. La plupart des enfants de Dieu n’ont pas reçu un évangile complet. Il est essentiel qu’ils le reçoivent avant de pouvoir prendre leur place en tant que membres du corps de Christ. Supposons qu’ils prennent cette place sans avoir reçu cet évangile complet : peut-être que le premier hymne proposé exprime que l’on rend grâce du fait que toutes les questions sont réglées pour toujours, et alors ils sont ainsi appelés à chanter à leur propre sujet ce qu’ils ne croient pas et ne savent pas. Ils chantent (d’une manière que je qualifie de négligée, sans aucune conscience) ce qui ne peut pas être vrai de leur état, ce qui est trop pour eux. Tout cela est un état de choses très malheureux et ne devrait pas exister. Mais s’ils sont introduits dans la liberté de Christ, avant d’être reçus, sans attendre qu’ils aient la clarté de l’intelligence, mais sachant que leurs âmes sont affranchies (il ne faut rien attendre moins que cela), alors les choses se passent heureusement. Ils apprennent assez vite lorsqu’ils sont admis, pourvu qu’ils aient de la liberté dans leur âme. Le manque de liberté empêche d’apprendre. Si j’ai toujours des difficultés avec Dieu au sujet de mon âme, il ne sert à rien de me parler d’autres choses ; c’est pourquoi, partout où l’on passe là-dessus à la légère, il y a une barrière. Mais pour tout le reste, eh bien, une chose à la fois, c’est tout ce que nous pouvons supporter, et les gens qui saisissent tout d’un coup, je crains qu’en fait ils ne saisissent rien. Tout risque d’être flou dans leur esprit, et ce n’est pas là « la foi qui a été une fois transmise aux saints ».
« La foi n’est pas un simple brouillard. Les mystères ne sont pas des brouillards ou des nuages. Les mystères sont des choses très solides dans la Bible. Le Nouveau Testament est plein de mystères — le mystère « concernant Christ et l’église », « le mystère de Dieu », « le mystère de l’évangile », « le mystère de la foi ». Mystère signifie que ce qui n’était pas révélé à l’époque de l’Ancien Testament, l’est désormais. C’est justement notre privilège. Christ Lui-même, de la manière dont nous le recevons aujourd’hui, est un mystère. Croyons-nous simplement en Lui comme Messie ? « Le mystère de la piété est grand : Dieu (ou Celui qui) a été manifesté en chair, a été justifié en Esprit, a été vu des anges, a été prêché parmi les nations, a été cru dans le monde, a été reçu dans la gloire » (1 Tim. 3:16). Voilà Christ comme nous Le connaissons maintenant. Tout est mystère dans le christianisme, y compris la manière dont Christ est reçu. Il n’était pas connu ainsi auparavant. Cela inclut l’évangile, « l’évangile de notre salut », qui nous débarrasse franchement de toutes les entraves. L’assemblée n’est-elle pas un mystère ? N’est-ce pas une vérité de la plus haute importance que chaque membre du corps de Christ doit connaître ? Et lorsqu’un converti est amené dans son âme à connaître l’évangile, montrez-lui ce qu’est l’église, du mieux que vous pouvez. Partagez son trouble. N’imaginez pas qu’il sait ce qu’il ne sait pas. Où peut-il apprendre si ce n’est dedans ? Il n’apprendra jamais en restant à l’écart. L’église de Dieu n’est pas seulement le grand lieu de bénédiction et de jouissance incomparables, c’est aussi la grande école. L’âme veut aller à l’école. Trouvera-t-elle une meilleure école en dehors ?
Même les meilleurs de ceux qui sont dehors — c’est-à-dire ceux qui ne sont pas rassemblés au nom du Seigneur — s’occupent surtout du salut pour eux-mêmes, ou sinon du travail pour d’autres. Que peut-on attendre de mieux ? Ils ne connaissent pas les relations dans lesquelles ils sont introduits. Prenons la question qui, par-dessus tout, préoccupe maintenant les pensées des gens : le sacerdoce. Ce qu’un évangélique va dire pour faire face à la prétention sacerdotale, c’est que c’est une erreur de supposer qu’il n’y a aucun autre prêtre que Christ. Est-ce là votre position ? La vérité que Dieu nous a montrée est que tous les chrétiens sont pareillement prêtres (ou sacrificateurs). Lorsqu’on se trouve uniquement sur le terrain évangélique, on n’affirme pas la possession positive d’un privilège, mais on nie simplement une erreur ; c’est une manière négative de voir les choses. Beaucoup admettent en effet que nous sommes tous prêtres (sacrificateurs), mais ils ne voient pas comment cela s’applique. Si tous sont prêtres (sacrificateurs) pour Dieu, on devrait être autorisé à exprimer sa louange, et à avoir d’autres qui se joignent à nous (Héb. 10:22) : « Approchons-nous » (non pas vous, car il se joint à ceux auxquels il écrit) dans le lieu très-saint ». Si cela était vraiment appliqué, les gens pourraient vouloir exprimer leurs louanges audibles à Dieu de temps en temps, et cela serait considéré comme un désordre. Pensez-vous que nous soyons toujours aussi soigneux que nous le devrions ? Dans la première épître aux Corinthiens, il y a deux expressions importantes : la première est « avec ordre », l’autre est « pour l’édification ». Tout doit être fait « avec ordre » et « pour l’édification » (1 Cor. 14:26, 40). Comment devons-nous juger de ce qui est fait ? C’est écrit dans ce même chapitre. Pourquoi l’oublions-nous parfois ?
Ainsi, ce qui me semble très clair, c’est que nous n’avons pas seulement les faits donnés et le commandement du Seigneur, mais une bonne raison donnée. Il y a une sagesse parfaite, il n’y a pas de parole arbitraire dans toute la Bible. Toutes les règles et règlements, commandements et préceptes sont empreints de sagesse divine.
Unefois enseignée]
Il y a longtemps que l’expression « frères » a commencé à être utilisée, mais il n’y a jamais eu d’époque où nous avons davantage été appelés à considérer si nous « combattons avec ardeur pour la foi transmise aux saints une fois pour toutes (non pas « une fois par époque », mais « une fois pour toutes ») ». Que Dieu nous garde de dévier le moins du monde ! Nous ne sommes pas compétents pour dire à quoi peut conduire un petit début de divergence. Ce peut être apparemment un petit début, mais hélas, un petit début d’un grand mal.
Que le Seigneur nous donne la fidélité simple, et à tous égards l’amour de nos frères. Je ne pense jamais que mes frères sont simplement ceux qui sont rassemblés au nom du Seigneur Jésus ; et je ressens très profondément le travail de sape qui se poursuit partout vis-à-vis de choses qui étaient autrefois incontestées.
Jude s’attendait donc pleinement à ce que l’on s’écarte de « la foi » et à ce qu’il soit nécessaire de la défendre. Il avait évidemment à cœur de leur parler de choses consolantes, de choses toujours lumineuses et douces pour le croyant ; mais les circonstances appelaient à sonner l’alarme, à avertir solennellement. Les gens ne trouvent jamais cela très acceptable. Ils préfèrent les choses douces ; mais l’apôtre lui-même, ou l’écrivain, qu’il soit apôtre ou non, aurait aimé, de tout son cœur d’écrivain, s’attarder sur tout ce qui est consolant et fortifiant pour l’âme. Mais, mes frères, à quoi cela sert-il si les fondements sont sapés ? C’est à cela qu’il faut veiller. C’est pourquoi il attire l’attention sur le fait que la foi a été « une fois pour toutes transmise ». Le mot « une fois » est équivoque. Il peut signifier « une fois par époque », une fois à un moment donné, mais ce n’est pas du tout la force du mot ici. Il signifie « une fois pour toutes ». Quelle bénédiction d’avoir dans ce livre (et plus spécialement dans les livres du Nouveau Testament) le saint dépôt que nous sommes appelés à croire, et de l’avoir donné à nous en entier, « une fois pour toutes ». Il n’y a pas de vérité à recevoir qui ne soit pas révélée dans la parole de Dieu.
Il n’y a pas non plus de difficulté ou d’écart par rapport à la
vérité qui ne soit, d’une manière ou d’une autre, prévenu. Nous n’avons donc
jamais besoin de sortir de la révélation de Dieu, et cela explique pourquoi
Dieu a permis que beaucoup de mal éclate dès les premiers temps apostoliques.
Faut-il s’étonner qu’il y ait eu chez les Corinthiens des désordres grossiers, y
compris par exemple à la table du Seigneur ? On est naturellement frappé à
première vue par un tel fait. Comment se fait-il qu’alors qu’il y avait une
telle puissance du Saint Esprit, que des miracles étaient opérés, que des
prophètes prophétisaient (la forme la plus élevée de l’enseignement), qu’au
même moment et au même endroit les saints qui se réunissaient le jour du
Seigneur, se soient livrés à un désordre qu’on ne trouve même pas aujourd’hui,
ou alors très rarement ? Comment Dieu pouvait-Il mieux nous
protéger qu’en permettant ce mal alors ? C’est toujours très délicat de s’occuper
du mal, qu’il s’agisse de doctrine, de pratique, de service, de gouvernement,
de culte ou de quoi que ce soit d’autre. Il était donc de la plus haute
importance qu’en vue des maux qui apparaîtraient un jour ou l’autre dans l’église,
Dieu permette que le germe de ces maux apparaisse à ce moment-là ; et que
nous puissions donc avoir des directives divinement données pour traiter les
maux lorsqu’ils apparaîtraient effectivement. Il ne s’agit donc pas pour nous
de nous ériger en législateurs, et nous ne sommes pas libres de nous écarter de
la Parole. Celle-ci nous a été donnée par le Saint Esprit. Nous sommes appelés
à y trouver tout ce qui nous convient en tant que saints, et pour chaque partie
de notre activité, à y trouver un principe et aussi un exemple suffisants pour
nous guider, afin que nous ne puissions jamais établir notre volonté propre sur
un sujet, et que nous trouvions toujours Dieu exprimant Sa volonté, sous une
forme ou une autre. Ce que nous avons à faire, c’est de chercher à apprendre de
Lui et appliquer le résultat, soit à nous-mêmes pour notre propre correction,
soit à autrui pour leur avertissement.
C’est la raison pour laquelle il était si important que Jude rappelle que la foi a été « une fois », et « une fois pour toutes », transmise aux saints. En fait, je ne pense pas que nous trouvions jamais dans l’Écriture ce qui ne serait qu’une simple répétition. Parfois, certains passages se rapprochent de très près, et dans le Nouveau Testament, on ne peut guère en trouver davantage que dans les deux épîtres de Pierre et Jude. Mais je vais mettre en évidence, ce qui apparaîtra encore plus complètement à mesure que j’avance, à savoir que, malgré des ressemblances entre ces deux écrivains, qui parlent tous deux du terrible mal qui était sur le point d’inonder l’église, et qui se rapprochent naturellement l’un de l’autre, il y a cependant une différence marquée entre eux. C’est toujours la différence qui est la leçon spéciale à retenir. Cela se confirme quand les deux s’approchent. Nous pouvons dire : « Par la bouche de deux ou trois témoins, toute parole est établie ». Mais quand il y a divergence, et qu’une distinction est visible dans les leçons qu’ils transmettent, nous avons évidemment davantage que ce que nous aurions pu avoir si nous n’avions eu qu’un seul des écrivains. Il en va de même, non seulement dans ces deux épîtres, mais aussi dans les épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens, par exemple. La ressemblance est si grande qu’une des théories favorites des rationalistes est que l’épître aux Colossiens est la seule que Paul ait jamais écrite, et que celle aux Éphésiens n’est qu’une copie agrandie et gonflée (écrite, peut-être, par un contemporain de l’apôtre) ; et qu’en conséquence, cette dernière n’aurait pas la même valeur divine (même si je ne devrais peut-être pas utiliser cette expression) — qu’elle n’aurait pas la valeur de Paul. Ces rationalistes ne croient pas à la valeur divine, ils ne croient pas que Dieu ait écrit ces épîtres ; certains d’entre eux croient que Paul aurait écrit celle aux Colossiens, mais nient qu’il ait écrit celle aux Éphésiens. Un homme très érudit, qui a traduit toute la Bible (et dont la traduction est, de fait, l’une des meilleures des traductions allemandes), fait partie de cette école. On en conclut que des personnes ont travaillé toute leur vie sur la Bible sans croire la Bible, c’est-à-dire sans la croire réellement et véritablement. Il est évident que cet homme se serait totalement opposé à ce qu’on rende compte de lui de cette manière. Mais qu’importe ce que les gens contestent, si c’est vrai ! Il était un homme important de son temps, et j’espère qu’il s’est attendu à Christ avant sa mort. Quoi qu’il en soit, ce qu’il a fait pendant sa vie est une triste déviation de la vérité de Dieu, de « la foi qui a été une fois pour toutes transmise aux saints ».
Après m’être un peu attardé sur ce qui est un élément important et primordial de « la foi », j’ajoute que les croyants sont introduits dans de grandes relations. Non seulement nous sommes « convertis » et « sauvés », introduits dans la paix et la liberté, mais nous sommes aussi appelés à réaliser que nous ne sommes plus simplement des Anglais ou des Français, des Juifs ou des Gentils, mais que nous sommes des enfants de Dieu, et que nous le sommes maintenant. C’est pourquoi nous tournons le dos à la vantardise de notre nation, de notre ville, de notre famille et de toutes ces diverses formes de la vanité humaine, qui ne sont que la vantardise de quelque chose de la chair. Nous sommes appelés à en sortir dès maintenant. Cela fait également partie de « la foi une fois transmise ». En Christ, il n’y a ni Juif ni Gentil, ni esclave ni homme libre (Gal. 3:28). Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie juste ce que je viens de dire.
Nous avons donc été faits membres du corps de Christ, et c’est une relation que tant d’enfants de Dieu sont si lents à croire. Ils pensent et parlent de leur appartenance au corps wesleyen, au corps presbytérien, au corps baptiste, à tel ou tel corps, peu importe lequel. Eh bien, disent-ils, il est certain que nous sommes aussi membres du corps de Christ ! Oui, mais si les gens appréciaient la vérité de leur appartenance au corps de Christ, que serait l’autre appartenance à leurs yeux ? Tout simplement rien du tout. Où trouvez-vous le corps presbytérien, le corps épiscopal ou le corps congrégationaliste dans le Nouveau Testament ? Où trouvez-vous le corps baptiste dans le Nouveau Testament ? Il y a eu une approche de cet esprit de parti dans les tout premiers temps : « Je suis de Paul, je suis d’Apollos, je suis de Céphas » (1 Cor. 1:12). Voilà le germe de cet esprit. Et ces germes ne périssent jamais. Non seulement les germes bénis de la vérité ne périssent pas et sont destinés à prendre racine et à porter du fruit, et par conséquent ils se perpétuent ici et là, — mais hélas, les germes mauvais font pareil. De plus, les autres choses ne sont pas des germes, mais du levain — une chose corrompue et corruptrice, très appétissante, qui rend le pain de blé plus léger au goût, et plus agréable pour certains palais. En tous cas, et quel que soit le cas avec le pain, ce levain est l’influence corruptrice à l’œuvre parmi les saints sous deux formes. À Corinthe, c’était la corruption des mœurs ; en Galatie, c’était la corruption de la doctrine. Voilà ce qui est à l’œuvre. Quand notre Seigneur était ici-bas, Il a été confronté à la même chose avec les pharisiens et les sadducéens. Les sadducéens étaient les plus grands corrupteurs sur le plan moral ; les pharisiens étaient les plus grands fanatiques religieux, forts en matière de doctrine. Mais les sadducéens sapaient toutes les doctrines en niant la vérité. Il y avait donc les deux choses : le levain doctrinal et le levain corrupteur ; en tout cas il y avait « le levain des Pharisiens et des Sadducéens », quelle que soit la manière de le décrire. Il y avait aussi les Hérodiens — un levain mondain, des coureurs de la cour romaine, qui ne se contentaient pas d’accepter les Romains comme ayant le pouvoir et l’autorité de la part de Dieu, mais qui essayaient de leur plaire afin d’améliorer leur propre position et de faciliter leurs circonstances. Vous voyez donc qu’il s’agit là d’une vérité de poids, qui requiert un examen sérieux, afin de veiller à ne pas porter atteinte ou affaiblir notre certitude quant à la foi « une fois transmise aux saints ». Sommes-nous indifférents à ce sujet ? Y avons-nous un intérêt ? L’avons-nous reçu que partiellement, et cela nous contente-t-il ? Ou sommes-nous résolus, par la grâce de Dieu, à refuser tout ce qui n’est pas la foi qui a été transmise une fois pour toutes ? Sommes-nous résolus à recevoir et à conserver cette foi dans toute son intégrité ? C’est ce à quoi nous sommes appelés.
Cette attitude était d’autant plus importante que « certains hommes se sont glissés furtivement ». Jude n’est pas aussi avancé dans le temps que Jean. Quand Jean a écrit sa première épître, les mauvaises personnes étaient sorties (dehors) — les antichrists étaient sortis (1 Jean 2:19). Mais le danger, ici, c’est qu’ils étaient dedans. Certains hommes s’étaient glissés furtivement, pour ainsi dire. C’est-à-dire qu’ils avaient d’abord de belles apparences, bien sûr.
« Car certains hommes se sont glissés, inscrits jadis à l’avance pour ce jugement » (« condamnation n’est pas exactement le sens du mot »), « des impies, qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution, et qui renient notre seul maître et seigneur, Jésus Christ » (Jude 4).
C’est là ce qui domine dans l’esprit de Jude : sous de belles apparences, ils sapaient les principes moraux, ils tournaient la grâce de Dieu en dissolution. C’est le pire des maux relatifs aux mœurs, contre lequel Jude met en garde dans cette épître ; mais ce mal est lié à une erreur doctrinale. Ils reniaient deux choses. En Pierre, ils n’en reniaient qu’une : Ils reniaient le Maître souverain qui les avait achetés (2 Pierre 2:1). Pierre ne dit pas qu’ils étaient rachetés. C’est une grave erreur de confondre « être acheté » avec « être racheté ». Le monde entier est acheté, mais seuls les croyants sont rachetés. L’achat universel est une vérité de Dieu ; la rédemption (rachat) universelle est un mensonge. La rédemption implique que nous avons le pardon des péchés (être racheté). On le voit clairement dans les épîtres. Prenons, par exemple, celle aux Éphésiens : « En qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes selon les richesses de sa grâce » (Éph. 1:7). Il est clair que la grande masse de l’humanité n’a pas la rédemption par Son sang ; mais ils sont tous achetés, et le croyant aussi est acheté ; et nous sommes constamment exhortés sur la base, non seulement de ce que nous sommes rachetés, mais aussi de ce que nous sommes achetés. Par exemple, il était dit aux Corinthiens qu’ils étaient achetés. C’est la raison pour laquelle ils ne devaient pas agir comme s’ils étaient leurs propres maîtres. Nous n’avons pas de droits qui nous soient propres (1 Cor. 6).
Vous voyez donc que j’en viens tout de suite à la question de la foi ; je peux bien parler facilement des choses comme si j’y croyais, mais est-ce que j’y crois vraiment ? La difficulté est de trouver de la foi sur la terre. Comme l’a dit le Seigneur : « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (Luc 18:8). Il est évident que cette question de notre Seigneur Jésus suppose justement l’abandon de la foi. Seulement ici, il est solennel que cette question soit soulevée à propos de ceux qui portaient précédemment le nom du Seigneur. Ils peuvent continuer quelque temps, voire des années, et il se peut que l’on ne ressente que quelques petites choses, ici ou là ; leur écart peut ne pas prendre une forme aussi terrible que ce qui évoqué ici, mais la question est : où cela va finir ? Quand nous nous engageons sur la pente de nos propres droits, de notre propre volonté ; quand nous abandonnons Sa Souveraineté et, plus encore, le fait qu’Il n’est pas seulement le Souverain Maître, mais aussi notre Seigneur, qui peut dire les conséquences qui ne s’ensuivront pas ?
Nous avons ici en Jude une relation plus étroite ; dans l’épître de Pierre, la place universelle de notre Seigneur est seulement implicite. Pourquoi Jude ajoute-t-il au titre de Maître : « qui renient notre … Seigneur Jésus Christ » ? Parce qu’il s’intéresse à la suite spéciale de ceux qui sont appelés de Son nom — ceux sur qui le nom du Seigneur est invoqué. Nous trouvons donc ici un reniement plus subtil et plus profond que le reniement du Souverain Maître dans Pierre (2 Pierre 2:1). Celui-ci était déjà bien sûr très éloigné et très grossier : « des sectes de perdition, reniant le Souverain Maître qui les a achetés ». Mais ici en Jude, il ne s’agit pas seulement de renier le Souverain Maître du monde et de tout, mais aussi de renier « notre Seigneur », Celui à qui nous appartenons, Celui au nom duquel nous avons été baptisés, Celui dont nous professons apprécier la valeur et que nous professons reconnaître comme étant notre vie et notre justice, et notre tout — Le renier Lui !
N’imaginez pas que tout cela arrive en peu de temps. Il y a un petit écart au début ; mais quand on tourne le dos au Seigneur et qu’on suit ce chemin, où cela va-t-il finir ? Personne ne peut le dire, mais l’Esprit de Dieu le peut et Il le dit, et Il montre que ces petits écarts se terminent dans un fossé effrayant de l’ennemi ; c’est pourquoi Il dit :
« Or je désire vous rappeler, à vous qui une fois saviez tout, que le Seigneur, après avoir délivré le peuple du pays d’Égypte, a détruit ensuite ceux qui n’ont pas cru » (Jude 5).
Nous retrouvons ici le même mot « une fois » qui, comme nous l’avons déjà vu, est équivoque. Il pourrait signifier « autrefois », mais ce n’est pas du tout le sens, pas plus que la foi aurait simplement été donnée autrefois. Ce mot signifie donnée « une fois pour toutes ».
Jude dit « vous qui saviez une fois pour toutes », non seulement « qui saviez ceci » (comme dans la version Autorisée du Roi Jacques), mais « qui saviez tout ». Dans les textes critiques (qui ont approfondit les originaux), le mot « ceci » est maintenant remplacé par « tout » ou « toutes choses », et c’est exactement la position du croyant, laquelle fait que nous sommes si responsables.
C’est ainsi que l’apôtre Jean dit aux « petits enfants » de la famille : « Vous avez l’onction du Saint et vous savez toutes choses » (1 Jean 2:20). Comment ceci est-il arrivé ? Nous n’avons pas l’habitude de considérer les petits enfants comme aussi sages que cela ; pourtant ce que dit l’apôtre doit être vrai. La seule question qui se pose est la suivante : dans quel sens a-t-il voulu dire qu’ils connaissaient toutes choses ? Je pense que le sens est le suivant. Le petit enfant a reçu Christ autant qu’un apôtre. Ayant Christ, il a la vérité — toute la vérité. Elle est là ; et il a aussi reçu le Saint Esprit — une « onction de la part du Saint ». Il a donc reçu de la puissance par le don du don du Saint Esprit, car un petit enfant a ce don. Ce n’est pas le privilège des seuls étudiants avancés dans l’école de Christ. Les petits enfants de la famille de Dieu ont parfaitement reçu Christ. Ils peuvent en faire usage de façon très imparfaite. Ils peuvent être capables de regarder à Christ et de parler de Christ en termes très hésitants selon la mesure de leur intelligence, mais c’est quand même leur place et leur privilège.
C’est pourquoi Jude insiste ici sur leur privilège « vous qui saviez toutes choses une fois pour toutes ». Où en étaient-ils maintenant ? Ils étaient en grand danger. C’est ce que l’on voit souvent dans les premiers débuts de la vie des saints. Ils sont d’abord très brillants ; ils ne se laissent pas facilement déstabiliser par ce qu’ils entendent de la Bible ; ils la reçoivent avec simplicité et y trouvent leur plaisir. Ils connaissent alors tout (toutes choses) au sens où l’apôtre parle ici. Ce n’est pas une question d’intelligence, mais de simplicité et d’œil simple, et quand l’œil est simple, le corps tout entier est plein de lumière (Luc 11:34). Ils l’avaient donc par la puissance de l’Esprit de Dieu, et il ne s’agissait pas du tout pour eux d’être forts en controverse, ou de faire preuve d’une connaissance merveilleuse des types, ou de quoi que ce soit de ce genre. J’appelle cela de l’intelligence. Mais il s’agit de la simplicité de l’œil qui regarde vers Christ et qui voit la vérité en Christ, et qui n’est pas troublé par les difficultés que les gens ont toujours tendance à éprouver lorsqu’ils commencent à raisonner, lorsque l’amour se refroidit et qu’ils se posent des questions sur les obligations. C’est alors qu’on ne peut pas voir clair ; alors leur foi est mise à l’épreuve et n’est pas à la hauteur ; alors ils commencent à être obscurcis et à douter. C’est exactement la situation dans laquelle ces saints me semblent avoir été, et auxquels l’auteur s’adresse ici en disant « vous qui saviez tout une fois pour toutes ». Ils connaissaient non seulement la foi, mais aussi ces choses terribles qui vont arriver.
Cependant, Jude fait un rappel à leur souvenir :
« Or je désire vous rappeler, à vous qui une fois pour toutes saviez tout, que le Seigneur, après avoir délivré le peuple du pays d’Égypte, a détruit ensuite ceux qui n’ont pas cru » (Jude 5).
C’est un fait très solennel que l’auteur leur présente ; il était destiné à leur faire sentir les choses de façon solennelle, à les délivrer de cet état d’âme insouciant qui tient pour acquis que, parce que nous avons tous été bénis et conduits dans la vérité, aucun mal ne peut nous arriver. Au contraire, chers amis, contre qui pensez-vous que Satan a la plus grande haine parmi tous ceux qui sont sur la face de la terre ? c’est contre tous ceux qui suivent le Seigneur avec simplicité, contre tous ceux qui sont vraiment dévoués au Seigneur. Son grand objectif est d’essayer de les faire broncher, de les détourner, d’introduire des difficultés dans leurs pensées et de les faire hésiter. Or quand les âmes sont simples et que l’œil est simple, il n’y a pas du tout de difficultés ; mais quand elles ne continuent pas à s’attacher au Seigneur de tout leur cœur, elles commencent à oublier ce qu’elles savaient auparavant. Christ n’est plus appliqué à tout juger ici-bas ; elles se laissent guider par leurs propres pensées, leurs propres sentiments, leur propre esprit, peut-être leur propre vanité ; quoi qu’il en soit, ce n’est pas Christ, et maintenant c’est Lui qui présente ce fait devant eux : Regardez l’histoire que vous avez au tout début de l’Ancien Testament. Dieu avait autrefois un peuple, avant nous, et qui plus est, Dieu avait sauvé ce peuple. Voilà précisément ce qu’Il a fait : Il les a sauvés. Il ne s’est pas contenté de passer au-dessus d’eux à la Pâque dans le pays d’Égypte (Exode 12:23), mais à la mer Rouge Son bras puissant a écrasé leurs ennemis et les a sauvés ; et Il les a emmenés dans le désert pour leur apprendre ce qu’il y avait dans leur cœur et leur faire connaître ce qu’il y avait dans le Sien (Deut.8). Mais ils retournèrent en Égypte dans leur cœur (Actes 7:39), et ils ne purent pas voir la bénédiction en Canaan, le pays céleste vers lequel le Seigneur les conduisait (Canaan est un type du ciel, terre des délices et de la gloire de Dieu) ; ils ne purent rien y voir, mais par contre ils virent que dans le désert il y avait des serpents (Nomb.21) pour mordre parfois ceux qui refusaient de se laisser instruire par Dieu ; et ils virent en outre que le Seigneur, s’Il écoutait leurs convoitises selon la chair, faisait, pour ainsi dire, sortir la chair d’eux par les narines (Nomb. 11:20), en jugement de ce qu’ils n’étaient pas satisfaits de la manne, le pain du ciel. Toutes ces choses arrivèrent, et quel en fut le résultat ? Tous périrent dans le désert, sauf deux hommes : Caleb et Josué.
Jude dit : « C’est là le danger qui vous guette ». On ne peut pas dire avec certitude si une personne a la vie éternelle. Chaque homme doit le savoir pour lui-même, chaque femme doit le savoir pour elle-même. Si une personne croit qu’elle a la vie éternelle en Christ, elle est appelée à suivre le Seigneur de tout son cœur. Si on ne Le suit pas ainsi, ou si on est attiré par ce qui est du monde, ou par ses propres affaires jour après jour, si on néglige le Seigneur et Sa parole, si on néglige la prière et toutes les ressources que le Seigneur nous donne et dont nos âmes ont si profondément besoin — quelle sera la fin de tout cela ? C’est justement ce que Jude montre ici : « Je désire vous rappeler, à vous qui une fois pour toutes saviez tout, que le Seigneur, après avoir délivré le peuple du pays d’Égypte, a détruit ensuite ceux qui n’ont pas cru ».
Il s’est avéré qu’après tout, ils n’étaient pas de vrais croyants. La même chose s’applique aujourd’hui : « Ces choses leur arrivèrent comme types, et elles ont été écrites pour nous servir d’avertissement » (1 Cor. 10:11).
« Il a gardé dans des liens éternels, sous l’obscurité, pour le jugement du grand jour, les anges qui n’ont pas gardé leur état d’origine, mais qui ont abandonné leur propre demeure ; comme Sodome et Gomorrhe, et les villes d’alentour, s’étant abandonnées à la fornication de la même manière que ceux-là, et étant allées après une autre chair (ou chair étrangère), sont là comme exemple, subissant la peine d’un feu éternel. De la même manière cependant, ces rêveurs aussi souillent la chair, et méprisent la domination, et injurient les dignités » (Jude 6-8).
Si nous comparons l’épitre de Jude avec la deuxième épître de Pierre, nous avons une vision très claire de la différence précise entre les deux. Il ne fait aucun doute que les deux épîtres ont beaucoup de points communs, mais c’est la différence qu’il faut surtout prendre en compte pour voir ce que dit l’Écriture, comme nous l’avons déjà fait remarquer. Dans ces deux épîtres, il peut y avoir de nombreux points communs, mais les deux récits sont complètement différents. Il en va de même pour tout le témoignage que Dieu nous donne. Les marques de différence sont les grands critères.
On remarquera que Pierre, après avoir fait allusion aux faux docteurs, fait allusion aux « sectes de perdition » (2 Pierre 2:1). Le mot hétérodoxie donne une autre idée. Il y avait dans l’esprit des apôtres quelque chose de cette différence qui devrait être dans le nôtre, c’est-à-dire une très forte horreur de la rupture entre ceux qui appartiennent à Christ et à l’église qu’Il a formée en unité ici-bas. Il y a une certaine obstination qui est particulièrement offensante pour Dieu. Aujourd’hui, les gens ont si peu le sens de ce qui est « mal » qu’ils pensent qu’il est naturel qu’on soit justifié de faire ce qu’on veut ; mais considérer les choses de cette manière revient à mettre Dieu de côté. Peut-être peut-on faire confiance aux hommes, dans la vie ordinaire, pour se forger un jugement assez valable sur certaines choses, comme le fait de faire attention à sa nourriture et à son habillement, et d’autres choses qui relèvent de cette vie. Nous constatons que Dieu ne dit pas grand-chose là-dessus, si ce n’est de mettre en garde Ses enfants contre la vanité du monde et l’orgueil de la vie. Et encore là, il n’y a rien de technique et d’étroit dans la Parole de Dieu. Mais quand on considère que Christ est mort pour « rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11:52), se permettre d’édulcorer un abandon volontaire du bon chemin en se laissant entraîner par ses propres idées, est tout autre chose. Les gens ne devraient pas se permettre ce genre de choses, ni se croire supérieurs aux autres, ce qui est généralement une grande illusion de leur part. Les hommes dévoués à Christ ne se mettent pas en avant de la sorte, car nous savons tous que Christ nous enseigne à estimer les autres meilleurs que nous, et cela peut devenir un simple sentiment insensé en nous séparant d’avec un esprit de puissance et d’amour et de sobre bon sens (2 Tim. 1:7). Nous devons juger de tout par rapport à Christ. Si nous laissons entrer le « moi », nous sommes sûrs de nous tromper. Cette disposition à voir Christ en toutes choses est heureuse lorsqu’elle s’applique à nos relations avec nos frères et sœurs. Ce n’est pas que les autres soient nécessairement meilleurs que nous, c’est que nous, nous devons les considérer comme tels dans notre esprit et dans nos relations avec eux. Quand Christ est devant nous, nous pouvons nous permettre de juger nos péchés comme plus graves que ceux des autres. Nous sommes bien conscients de nos fautes, mais ce n’est que lorsque nous sommes très occupés par les actions des autres que nous en savons beaucoup sur leurs fautes. L’essentiel est de voir Christ comme notre guide et de nous juger nous-mêmes intérieurement ; nous devons aussi voir Christ dans les autres, les aimer et les considérer comme meilleurs que nous.
Le baptême a même été utilisé comme l’insigne d’une secte, et le temps nous manquerait pour raconter les nombreuses manières différentes de procéder. Mais dans l’épître de Pierre, il est question de quelque chose de plus sombre : les « sectes de perdition » (2 Pierre 2:1). Il ne s’agissait évidemment pas simplement d’une secte, mais d’une secte de perdition. Dans ce cadre, la secte de perdition était évidemment quelque chose de très redoutable, et apparemment contre le Seigneur, parce qu’il est dit « reniant le Maître (souverain) qui les a achetés ». Comme nous l’avons déjà remarqué, il ne s’agit pas de « rédemption », mais d’« achat », et cela concerne donc tous les hommes, convertis ou non. C’est la négation de Ses droits sur tous en tant que Maître souverain. Ainsi Pierre commence immédiatement par le déluge, mais il n’y a pas un mot sur le déluge dans Jude. Ceci est une autre grande différence notable, la manière dont le reniement du Seigneur est décrit, et la manière dont Dieu s’occupe de ce sujet. Il est approprié que Pierre parle du déluge, parce qu’il s’agit de l’injustice et de la rébellion universelles du monde entier. Jude, quant à lui, ne s’intéresse pas à cela en particulier, mais à l’hostilité manifestée envers la vérité et envers Christ. Pierre, quant à lui, s’intéresse à l’injustice générale de l’humanité, et c’est ainsi qu’il dit : « Car si Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché, mais les a précipités dans l’abîme et les a livrés pour être gardés dans des chaînes d’obscurité pour le jugement, – et s’Il n’a pas épargné le monde ancien, mais a préservé Noé, lui huitième personnage, prédicateur de justice, faisant venir le déluge sur un monde d’impies, – et s’Il a réduit en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, les condamnant par un renversement, les établissant pour être un exemple à ceux qui vivraient dans l’impiété, – et s’Il a secouru le juste Lot », etc. (2 Pierre 2:4-7).
Ce qui rend la référence encore plus remarquable, c’est que Jude parle des « anges qui n’ont pas gardé leur propre état (JND : origine) », alors que Pierre parle des « anges qui ont péché » et qui, par conséquent, tombent sous le coup de Dieu. Le déluge s’abat sur le monde d’impies, et les villes de Sodome et de Gomorrhe sont réduites en cendres pour servir d’exemple à ceux qui vivraient dans l’impiété ; mais le juste Lot est délivré parce qu’il était un homme juste. Le manque de justice a entraîné ce châtiment pour tous. Il s’agit de leur impiété générale. Il est clair que Jude traite de quelque chose de particulier, tandis que Pierre traite de ce qui est universel. C’est la différence marquée entre les deux.
J’insiste sur ce point parce qu’il montre ce qu’est le monde de l’incrédulité moderne — ce qu’on appelle la haute critique. En effet, ces hommes ont été frappés par la ressemblance entre l’épître de Jude et la deuxième épître de Pierre, mais du fait de l’incrédulité dont ils se vantent, ils n’ont pas eu le discernement pour voir la différence marquée entre les deux. Ces hommes se sont laissés prendre par la ressemblance superficielle des deux épîtres ; mais quand on soulève, pour ainsi dire, le voile superficiel par lequel ces épîtres s’accordent, on constate des couleurs différentes. Les couleurs sont plus sombres dans Jude que dans Pierre, bien que Pierre présente quelque chose de terriblement mauvais. Mais c’est un mal d’ordre général, tandis que Jude a été conduit par le Saint Esprit à s’occuper de la forme particulière de la méchanceté consistant à tourner la grâce de Dieu en licence.
C’est pourquoi Jude commence par ce qui n’est pas du tout mentionné dans Pierre, et c’est pour cette raison que je relis le v. 5 une seconde fois ce soir. « Je désire vous rappeler, à vous qui une fois pour toutes saviez tout, que le Seigneur, ayant délivré le peuple » — notez bien — « du pays d’Égypte » — c’est la grâce souveraine qui montre le salut. Je ne parle pas ici du salut éternel. C’est la grâce souveraine qui a choisi Israël ; ils n’ont pas été choisis pour une gloire éternelle, mais seulement délivrés de l’Égypte. Cela montre de façon certaine une manifestation de la bonté de Dieu qui, au lieu de les laisser être opprimés et terrorisés par les Égyptiens cruels, a frappé les Égyptiens et délivré Son peuple. Ils entrèrent dans le cercle plus étroit, dans le sens de ce qu’était le peuple de Dieu, dans le sens aussi qu’ils étaient sauvés ; mais ils abandonnèrent la grâce, ils abandonnèrent Dieu. C’est ce dernier point que Jude a particulièrement en vue. Il considère que la chrétienté est sur le point d’abandonner la vérité. Il montre que, quelle que soit la faveur spéciale manifestée par Dieu, les hommes s’en écarteront et la renieront ; et en outre, au lieu d’utiliser la grâce pour marcher moralement, ils en profiteront pour permettre une sorte d’immoralité — ils changeront la grâce de Dieu en licence (dissolution).
Pierre ne dit rien là-dessus, mais Jude le fait ; il est donc évident que les érudits ne voient Dieu ni dans l’un ni dans l’autre (ces érudits qui se croient si habiles à montrer que Jude et Pierre ne sont que des imitateurs l’un de l’autre, et qu’en substance ils disent la même chose tous les deux, autrement dit qu’il n’y a pas de différence spéciale entre eux, ne faisant qu’un même tableau humain de la situation). Or, ce à quoi nous avons droit, c’est de voir Dieu dans les deux épîtres, et qui plus est, d’entendre la voix de Dieu dans les deux. Vous voyez donc que Jude commence par ce fait solennel que le Seigneur « ayant délivré le peuple du pays d’Égypte » — je donne ici la force stricte du mot — « la seconde fois (qu’Il a agi) (version JND : « ensuite ») a détruit ceux qui n’ont pas cru ». La première fois, Il les a « sauvés », Il les a fait sortir au moyen de l’agneau pascal, ce qui a été Son premier grand acte de « salut ». La première fois que la gloire de Dieu est apparue et qu’Il s’est mis à la tête de Son peuple, Il l’a sauvé du pays d’Égypte. Qu’est-ce que « la seconde fois » (« ensuite » selon version JND) ? C’est quand Il les a « détruits ». Ce n’est pas quelque chose de vague, mais il est spécifiquement mentionné « la seconde fois » (« ensuite » selon version JND) ; c’est le point le plus important. Le moment où le veau d’or a été dressé, cela a été le début de la « seconde fois » (« ensuite » selon version JND), et Dieu a continué de frapper et frapper jusqu’à ce que tous soient détruits, sauf Caleb et Josué. Voilà la seconde fois. Cela a duré quarante ans, mais tout est réuni dans les mots « la seconde fois » (version JND : « ensuite »). Dieu « a détruit ceux qui n’ont pas cru ». C’est l’accusation portée contre eux. Leurs cadavres tombaient dans le désert. En Hébreux 3 (comme c’est aussi très évident dans le livre des Nombres et ailleurs), il y a cette menace pendant leur traversée du désert. C’est l’un des grands faits des livres de Moïse. Ceux qui sont sortis d’Égypte sont venus sous la main de Dieu ; certains ont péri à un moment donné, d’autres à un autre, mais tous ont péri d’une manière ou d’une autre, jusqu’à ce que tous disparaissent ; et pourtant ils avaient tous été « sauvés » du pays d’Égypte par l’Éternel.
Oh, quelle chose solennelle de nous présenter cela maintenant ! Quand je dis « nous », je veux dire l’église de Dieu, tous ceux qui portent le nom du Seigneur Jésus ici-bas. Ceci est donné expressément en exemple des voies solennelles de Dieu dont la chrétienté a à se souvenir.
Ensuite, Jude fait référence aux anges. Je pense que la sagesse de cette démarche est évidente. Pierre commence par les anges, puis se réfère au déluge. Je pense donc que si quelqu’un examine Genèse 6, il verra beaucoup de sagesse dans la référence de Jude. Je suis bien conscient, bien sûr, que beaucoup de gens voient les « fils de Dieu » d’une manière très différente de ce qu’il me parait. Ils sont parfois très surpris et s’attendent à ce que l’on puisse répondre à toutes leurs questions. Je ne prétends pas à une telle compétence. J’admire la sagesse de Dieu qui ne s’arrête pas pour donner une explication. Il fait sentir l’affreuse iniquité de ce qui s’est passé avec ces anges. Ce sont des anges déchus, mais une classe d’anges tout à fait différente de ceux qui sont tombés avant qu’Adam soit tenté.
Il apparaît qu’il y a eu au moins deux chutes d’anges ; l’une était celle de celui que nous appelons Satan — lorsque l’homme a été créé, Satan a tenté l’homme par le moyen d’Ève. Ces mauvais anges ordinaires, dont la Bible parle de la Genèse à l’Apocalypse, ne sont pas du tout dans des chaînes éternelles. Ils sillonnent le monde continuellement, et loin d’être dans des liens sous l’obscurité, dans l’« abîme » comme il est dit en 2 Pierre 2, ils ont accès au ciel. Vous verrez cela d’une manière tout à fait merveilleuse dans l’histoire de Job. Beaucoup de croyants ne croient pas au livre de Job. Il y est question des « fils de Dieu ». Qu’est-il entendu par « les fils de Dieu » ? Les anges de Dieu. Les anges de Dieu paraissaient devant Dieu. Nous apprenons de cet épisode qu’ils y ont accès, et cela comprend non seulement les bons anges, mais aussi les anges sataniques. Satan est un ange déchu, mais il n’en est pas moins un ange, et lorsque « les fils de Dieu » venaient, Satan était là lui aussi. Il est donc évident, spécialement d’après le livre de l’Apocalypse, que Satan ne perdra cet accès à la présence de Dieu qu’après que nous soyons au ciel. Cela ne s’est pas encore produit. Les gens ont en tête l’idée extraordinaire que tout accès que Satan a et aura eu avant ce moment-là, il l’a perdu — soit à la naissance du Seigneur, soit à Sa mort — mais il n’y a rien de cela dans l’épître aux Éphésiens où, au contraire, il est expressément déclaré que notre lutte n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les esprits méchants dans les lieux célestes. Nous ne sommes pas comme les Israélites luttant contre les Cananéens. Notre Cananéen est un ennemi spirituel dans les lieux célestes, c’est-à-dire Satan et son armée de démons ou d’anges.
Mais, comme nous l’avons vu, ce ne sont pas du tout les péchés dont il est question ici. Il y a une différence marquée. L’iniquité dans laquelle ces anges de Jude 6 sont tombés sur terre a un caractère particulier, et leur sort est distinct des autres. L’iniquité dans laquelle les anges sont tombés est évoquée d’une manière générale en 2 Pierre 2, mais d’une manière particulière en Jude. Ceux de Jude ont été enchaînés dans des chaines d’obscurité et ne peuvent pas sortir de leur prison. Ce ne sont pas les anges qui nous tentent aujourd’hui. Ils ont fait leur mauvaise activité juste un peu de temps avant le déluge. Ce fait donne à l’affaire un caractère très solennel. Si les gens veulent savoir comment cela s’est passé, je ne le sais pas ; mais vous êtes appelés à croire, tout comme moi. Genèse 6 dit qu’il y avait des « fils de Dieu » sur la terre à cette époque, et qu’ils ont agi d’une manière contraire à tous égards par rapport à Dieu, et que cela était si offensant pour Lui qu’Il n’a pas permis que la terre continue plus longtemps de la même manière, et c’est ce qui a provoqué le déluge. Il ne fait aucun doute que l’iniquité générale de l’humanité a également provoqué le déluge. L’homme était très corrompu et abominable, mais outre cela, il y avait cette terrible violation des marques qui font des distinctions entre les créatures de Dieu d’une manière mystérieuse. C’est pourquoi Dieu détruisit complètement tout le cadre de la création et mit fin à leur existence et à celle de leurs descendants, de sorte que tous périrent. C’est ce qui s’est passé à l’époque. Bien sûr, vous me direz qu’ils ne pouvaient pas périr de manière absolue. Effectivement, j’admets que ces anges ne pouvaient pas périr plus que des hommes comme vous ; mais voici ce que Dieu a fait de ces anges qui se sont comportés de manière si terriblement méchante. Ils sont devenus prisonniers, ils ont été enfermés, contrairement à Satan et à son armée qui nous tentent encore aujourd’hui ; il n’est pas permis à ces anges-là de tenter les hommes. Ils en ont trop fait, et Dieu n’a pas permis que ces choses durent plus longtemps ; c’est pourquoi il y a eu cette interférence puissante au moment du déluge, et pas seulement les choses qui frappent généralement les hommes. Voici ce qui est dit : « Les anges qui n’ont pas gardé leur premier état » (JND : « leur origine »). Leur chute était un abandon de leur premier état. Dans ce cas précis, Satan n’a pas fait pareil, ni les anges tombés avec lui. C’est un tout autre type d’iniquité qui a provoqué le déluge. Ces anges ont quitté leur propre demeure, et ont préféré prendre place parmi les humains pour agir comme s’ils étaient des hommes sur la terre, et en conséquence, Dieu les a maintenant réservés dans des chaînes éternelles dans les ténèbres jusqu’au jugement du grand jour. Personne ne peut dire qu’il en est ainsi de Satan et de son armée, mais si quelqu’un pense cela, je ne vois pas comment il peut lire ces versets et leur donner un tel sens. Satan sera jeté dans l’abîme pour mille ans, et leurs années ne s’écouleront pas avant le jugement du grand jour. Ils seront alors jugés éternellement.
La chose est rendue d’autant plus frappante que c’est à Sodome et Gomorrhe que Jude compare cette conduite et son affreuse opposition à toutes les frontières qui séparent les anges des hommes. Nous savons que l’énormité de cette méchanceté dépassait même celle de tous les méchants. Leur péché leur fait rejoindre Sodome et Gomorrhe : « Comme Sodome et Gomorrhe et les villes d’alentour, s’étant abandonnées à la fornication de la même manière que ceux-là, et étant allées après une autre chair, sont données en exemple, subissant la peine d’un feu éternel » (Jude 7).
Revenons à Pierre et voyons ce qu’il a à dire à ce sujet : « Car si Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché ». Pierre ne va pas plus loin. Bien sûr, nous savons comment ils ont péché — c’est Jude qui le considère. Mais ici, dans Pierre, c’est général : « les anges qui ont péché ». Il les a jetés dans l’abîme et dans l’obscurité, mais cette description ne s’applique pas à Satan et à son armée. Il apparaît donc là qu’il y a eu deux chutes d’anges différentes ; l’une, celle de Satan et de ses adeptes s’élevant dans l’orgueil de leur cœur jusqu’à Dieu, l’autre, celle de ces anges sombrant dans la méchanceté de leur cœur jusqu’à l’homme, et l’homme dans une condition très basse. La différence est donc très marquée. Dieu « les a livrés pour être gardés dans des chaînes d’obscurité pour le jugement, — et il n’a pas épargné l’ancien monde » (2 Pierre 2:4-5). Il y a un lien entre les deux récits, puisqu’ils concernent à peu près la même époque. Pierre souligne ce point précis et l’associe à la manière dont Dieu traite les anges. Inversement ce point est entièrement laissé de côté par Jude. Pierre dit : « Il n’a pas épargné l’ancien monde, mais a préservé Noé, lui, huitième personnage » (2 Pierre 2:5).
Comment Noé est-il décrit ? Comme « un prédicateur de justice ». Noé n’était pas un prédicateur de grâce. La grande vérité que Noé a proclamée était que Dieu allait détruire le monde par le déluge. C’était exactement le bon message. Je ne pense pas que nous ayons le droit de dire qu’il n’a rien dit d’autre, mais la caractéristique de Noé était d’être « un prédicateur de justice ». C’est précisément ce qui se passe dans l’épitre de Pierre ; il ne met pas du tout en évidence la grâce de Dieu dans son chapitre. Il tonne contre l’injustice. Il fait retentir la trompette de la justice d’un son très clair. Il fait ressortir manifestement avec des paroles sinistres et solennelles la destruction qui attend les méchants lors du grand changement ; il montre que la même chose s’est produite auparavant ; et en rapport avec l’homme, il commence non pas avec Israël sauvé d’Égypte par Dieu, mais il voit le monde entier détruit. Il regarde l’universalité de l’injustice, et non pas l’écart progressif des gens qui ont été sauvés, — sauvés d’abord et perdus ensuite. « Il a préservé Noé … en faisant tomber le déluge sur un monde d’impies ». Pierre s’intéresse ensuite aux villes de la plaine, plus particulièrement à Sodome et Gomorrhe. Il ne dit rien sur l’iniquité particulière, mais la considère d’une manière générale. « Réduisant en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, il les a condamnées par une totale subversion, les établissant pour être un exemple à ceux qui vivraient dans l’impiété ; et s’il a délivré le juste Lot, accablé par la conduite débauchée de ces hommes pervers (car ce juste qui habitait parmi eux, les voyant et les entendant, tourmentait de jour en jour son âme juste à cause de leurs actions iniques)… » (2 Pierre 2:4-8).
Ainsi, au lieu que ces deux épîtres se ressemblent, l’une n’étant qu’une simple réplique de l’autre, et une imitation maladroite, elles sont toutes deux marquées par des caractéristiques très singulièrement différentes. C’est ce qui trompe certains hommes avec toute leur critique ; et toute la doctrine sur le mécanisme des pensées et le raisonnement du rationalisme sont entièrement à côté de la plaque. L’esprit de l’homme voit certaines choses d’une manière générale extérieure et il raisonne à partir de là, se flattant de faire quelque chose de merveilleux et d’apporter de la lumière, alors qu’il ne fait que répandre du brouillard sur la précieuse parole de Dieu, rien d’autre que brouillard et obscurité. La différence générale entre les deux épîtres est en effet très marquée.
Nous en arrivons maintenant à la portée des paroles de Pierre vis-à-vis du temps présent. « Le Seigneur sait délivrer de la tentation les hommes pieux, et réserver les injustes pour le jour du jugement, pour être punis » (2 Pierre 2:9). C’est le témoignage pratique qui en ressort. « Mais spécialement ceux qui marchent selon la chair dans la convoitise de l’impureté, et qui méprisent la domination (ou : gouvernement) » (2 Pierre 2:10). Notez qu’il ne s’agit pas simplement de corruption. Non, c’est une vue d’ensemble qui est considérée. Ce qui s’applique au mahométanisme s’applique au judaïsme, au paganisme et à la chrétienté. L’analogie est que cette forme particulière de mal nécessite une forme particulière de discipline et que le monde sera détruit non par l’eau, mais par le feu de Dieu dans le ciel. C’est ce à quoi je pense fait référence le mot « renversement » ou « subversion », et la raison de ce renversement ; « tandis que les anges, plus grands en force et en puissance, ne portent pas contre eux d’accusation injurieuse devant le Seigneur » (2 Pierre 2:11).
Mais quand nous arrivons à Jude, ce qu’il aborde est beaucoup plus proche de nous que tout cela. Il dit : « De même ces rêveurs ». — Je ne connais pas de raison pour adjoindre le qualificatif « immonde » comme dans la version Autorisée du Roi Jacques qui le met en italique. — Il y a beaucoup de méchanceté où, à la lettre, il n’y a rien de mal. Le mal est dans l’idée ; il peut n’y avoir rien d’offensant, mais cela sape et mine tout ce qui est précieux chez ces gens qui vivent dans l’imagination de leur propre cœur au lieu d’être guidés par la Parole de Dieu. Pourquoi ? Parce que la parole de Dieu est l’expression de l’autorité de Dieu, et que Sa volonté est la seule chose qui devrait nous guider, ainsi que toute l’humanité. Si cela est vrai de l’homme parce qu’il est la créature de Dieu, combien plus est-ce vrai de ceux qu’Il a engendrés par la parole de vérité ! (Jacq. 1:18). Ces derniers sont donc plus particulièrement appelés à tenir compte de la parole de Dieu et à apprendre d’elle. Je ne connais rien qui ait plus d’importance pratique que cela.
Si je devais condenser en un mot ce en quoi consiste tout le christianisme pratique, je dirais : l’obéissance ; et cette obéissance est entièrement une obéissance de foi, et non de loi. Pierre la caractérise d’une toute autre manière en disant : « l’obéissance de Jésus Christ » (1 Pierre 1:2), et non l’obéissance d’Adam. L’obéissance d’Adam consistait à ne pas toucher à tel arbre particulier, mais maintenant que Dieu a révélé Sa volonté, nous sommes tenus par cette volonté révélée. Celui qui sait faire le bien et qui ne le fait pas, pour lui c’est pécher (Jacq. 4:17). Il ne s’agit pas simplement de ne rien faire de mal dans toutes les voies des hommes qui montrent à quel point leur cœur est éloigné de Dieu, mais « pour celui qui sait faire le bien et qui ne le fait pas, c’est pécher ». Va-t-on dire que Jacques est un légaliste ? L’obéissance est sa grâce particulière. C’est justement le seul qui parle de « la loi de la liberté ». La loi de Moïse était une loi de servitude ; son but était de convaincre l’homme du péché qu’il avait dans sa nature, d’écraser en lui toute forme de propre justice. Ce dont Jacques parle, c’est l’exercice de la vie nouvelle que la grâce de Dieu nous donne, et l’exercice de l’amour que Christ a révélé pour que nous soyons à l’image de Christ. Quelle est la différence entre l’obéissance de Christ et celle de l’Israélite ? Celle de l’Israélite était : « Tu ne feras pas ceci ou cela ». Mais ce n’est pas ce que Christ dit. Bien sûr, Christ n’a jamais rien fait qui soit mal. Christ était agréable à Dieu dans chaque acte de Sa vie, dans chaque sentiment de Son âme, dans tout ce qui constituait marcher avec Dieu ici-bas. C’est exactement ce que nous sommes appelés à faire ici. C’est ce que Pierre veut dire quand il dit : « Élus selon la préconnaissance de Dieu le Père, en sainteté (ou : en vertu de la sanctification) de l’Esprit, pour l’obéissance et l’aspersion du sang de Jésus Christ » (1 Pierre 1:1-2).
L’aspersion est l’aspersion du sang de Jésus (1 Pierre 1:2), et l’expression de Pierre fait référence à Exode 24, où Moïse prend le livre de la loi et l’asperge de sang, et il asperge aussi le peuple de sang, tout étant ainsi soumis à la mort. C’était la grande marque de l’emprise de la mort. Le livre et le peuple étaient aspergés du sang versé, ce qui signifiait la mort pour quiconque n’obéissait pas à ce livre. Or d’une certaine manière, le chrétien se situe totalement à l’opposé de cela ; lorsqu’il se convertit, son premier désir est de faire la volonté de Dieu. Lorsque Saul de Tarse fut frappé et renversé, sa première parole en tant qu’homme converti a été : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » Et c’est ce qui se passe avant même que nous obtenions la paix. Il en est ainsi pour tout nouveau converti. Son premier désir est de faire la volonté de Dieu. Il ne se connaît guère lui-même. Il ne sait pas à quel point il est faible. Il a une mauvaise nature qui le contrecarre, mais il doit encore apprendre le fonctionnement de la nouvelle nature qui est en lui. Comment cette nouvelle nature apparaît-elle ? En recevant la parole de la grâce révélée. Je ne dis pas l’œuvre de Christ Sauveur, car Saul savait très bien qu’il ne savait rien ; mais la miséricorde et la bonté l’ont frappé et lui ont donné une nouvelle nature contre laquelle il fulminait auparavant. Paul savait que Christ le sauvait, mais il ne savait pas que nous devons apprendre non seulement la parole de Dieu, mais aussi la manière expérimentale d’en découvrir le besoin. Ce n’est pas seulement le Sauveur que nous voulons, mais l’œuvre puissante qui abolit tous nos péchés et nous amène à Dieu dans une paix et une liberté parfaites par la rédemption du Seigneur Jésus. Ce n’est pas seulement que je suis né de nouveau, que je serai sauvé bientôt, mais que je suis sauvé maintenant. C’est le sens propre de la dispensation chrétienne qui produit ce désir avant même que je sache que le sang de Christ me passe entièrement au crible. Je veux obéir comme Christ a obéi, pas seulement pour faire quelque chose comme les Juifs, mais je le fais maintenant parce que cette nature en moi me pousse à le faire. C’est l’instinct du nouvel homme. Nous avons beaucoup à apprendre sur notre faiblesse totale, et par conséquent sur le besoin de délivrance. Nous sommes donc élus pour l’obéissance de Christ et nous sommes aspergés du sang de Jésus, ce qui nous donne l’assurance consolante que nos péchés sont effacés. La différence est donc très nette.
Les « rêveurs » dont il est question ici (Jude 8) vivaient dans l’imagination de leur propre cœur, et ces hommes se servent beaucoup du Nouveau Testament. En utilisant le Nouveau Testament par l’esprit naturel, ils proclament ce qu’on appelle le socialisme chrétien, qui établit une norme évangélique et la dicte à tout le monde : « Vous n’avez pas le droit de posséder cette grande propriété ! Vous n’avez pas droit à ces privilèges auxquels vous prétendez ! Je suis aussi bien que vous, et même mieux ! » Voilà le style que ces hommes adoptent à l’égard du Nouveau Testament, tordant ainsi entièrement la Parole afin d’obtenir des avantages pour eux-mêmes et reniant toute la vérité. C’est vraiment rêver à ce qui devrait être, selon leurs pensées, et réclamer tout ce qu’ils convoitent de la part de ceux qui occupent une position de dignité dans le monde — « De même ces rêveurs souillent la chair, méprisent la domination et disent du mal des (JND : injurient les) dignités » (Jude 8). Ils souillent la chair par ce en quoi ils transforment l’Écriture. Ils se considèrent comme égaux à tous, et non seulement cela, mais ils parlent mal (JND : injurient) les dignités, de sorte qu’il n’y a manifestement aucune crainte de Dieu devant leurs yeux. Cela montre quelque chose de lamentable en perversion de l’Évangile, et perversion du Nouveau Testament. C’est leur propre objectif, mauvais et égoïste, qui les pousse à agir ainsi. Tout le principe du Nouveau Testament est le suivant : que font ceux qui sont de Christ ? Eh bien, ils ressentent selon Christ. Qu’est-ce que cela ? C’est le principe de l’amour qui donne, qui ne cherche pas à s’approprier. Pensez-vous que ce genre d’hommes ait la moindre idée de ce qu’est donner ? Ils ne font que parler de la générosité des autres. C’est tout du rêve, comme cela est qualifié ici. C’est très justement que Jude lance ces termes forts : « De même, ces rêveurs souillent la chair, méprisent la domination et disent du mal des (JND : injurient les) dignités ».
« Michel l’archange, quand, disputant avec le diable, il contestait au sujet du corps de Moïse, n’osa pas proférer contre lui une accusation injurieuse, mais il dit : Que le Seigneur te censure » (Jude 9).
Le verset qui nous occupe maintenant sert aux hommes qui ont confiance en eux-mêmes, comme une base de premier ordre contre l’épître. Cette introduction de l’archange Michel leur paraît tout à fait inexplicable, car ils la considèrent comme une simple tradition des Juifs reproduite par Jude, ou en tout cas par celui qui a écrit l’épître en prenant son nom ; car ils ne savent réellement pas qui l’a écrite, et ils ne s’en soucient pas. Seulement, personne ne doit croire que Jude l’a écrite ! De tels propos ne sont que les objections de l’incrédulité qui, doutant de tout ce qui est inspiré de Dieu, se dresse pour ébranler la confiance de ceux qui croient.
Bien qu’il s’agisse d’un fait qui n’apparaît nulle part ailleurs dans la Parole de Dieu, quelle raison solide y a-t-il de s’y opposer ? Il y a lieu d’être reconnaissant que Dieu nous le fasse connaître ici.
Il y a bien des déclarations dans l’Écriture qui ne sont données que par une seule mention, mais elles sont tout aussi certaines que d’autres qui ont été citées à plusieurs reprises. L’apôtre Paul, en 1 Cor. 6:3, déclare que les saints jugeront les anges. Ce n’est pas seulement qu’ils jugeront le monde, ce qui est sans doute une vérité révélée ailleurs ; mais il est dit expressément qu’ils jugeront les anges. Je ne vois pas d’autre passage de l’Écriture qui évoque une telle destinée que la plupart des gens considéreraient comme étrange, voire incroyable. Nous trouvons que le monde à venir ne sera pas assujetti aux anges (Héb. 2:5), mais c’est une chose différente. Cela nous assure que la terre habitable sera assujettie au Seigneur Jésus en ce jour-là, et que les saints régneront avec Lui. Les saints ressuscités auront part à Son autorité royale, car c’est là le sens du mot « juger ». Cela n’a rien à voir avec une récompense finale accordée par Christ à l’homme. Ce n’est pas une petite erreur de supposer que les saints exerceront le jugement final sur les hommes ou les anges. Ce jugement est exclusivement confié au Fils de l’homme (Jean 5:22, 27 ; Apoc. 20).
Lorsqu’il est dit que nous jugerons le monde, le sens est clair, que les hommes croient ou non. Ce jugement consiste à exercer le pouvoir et l’autorité suprêmes sur le monde, par la volonté de Dieu et pour la gloire du Seigneur Jésus. Mais l’idée que les saints prendront part au grand jugement du trône blanc n’a aucune base. Sur ce trône ne siège qu’Une seule Personne, Celui qui connaît tous les secrets, qui sonde les reins et les cœurs ; et Il est le seul Juge lorsqu’il s’agit de juger l’homme au jour où Dieu jugera les secrets des hommes par Jésus Christ, selon l’évangile de Paul (Rom. 2:16). Il n’a jamais été donné à un homme de sonder la vie des autres ; et je ne vois pas que nous serions jamais appelés à partager cette connaissance si essentielle pour le Juge des vivants et des morts.
En fait, l’idée que nous jugerions les gens pour l’éternité est une erreur grossière et sans fondement, dont il n’y a pas l’ombre d’une preuve dans aucun passage de l’Écriture. Mais nous jugerons le monde lorsque le royaume du monde de notre Seigneur et de Son Christ sera venu (Apoc. 11:15). Il régnera pour toujours, et nous aussi, comme Sa parole l’assure ; mais il y a une manifestation spéciale de ce règne en commun, et c’est pendant les mille ans. Il ne s’agit pas, bien sûr, du jugement éternel, mais du royaume ; tandis que, quand la terre et les cieux se seront enfuis et qu’il ne sera pas trouvé de place pour eux, le jugement éternel aura lieu, et personne d’autre que le Seigneur ne jugera. C’est à lui que revient tout jugement (Jean 5:22), lorsque les œuvres des hommes, qui L’ont méprisé tout au long des tristes annales du temps, seront soumises à Sa sentence éternelle. Aucun assesseur ne Lui sera adjoint ; Lui seul sera le Juge.
Il reste néanmoins la révélation claire que nous jugerons les anges. Cela est confiné à ce seul passage de l’Écriture, soit ; une parole claire de Dieu est aussi sûre que mille autres. Quand il s’agit du témoignage d’hommes, la parole de mille personnes, si elles sont honnêtes, doit naturellement avoir plus de poids que celle d’un seul homme. Mais ici, il n’est pas du tout question d’hommes. Ce sur quoi nous nous appuyons, et la seule chose qui nous donne une base solide s’élevant au-dessus de tout brouillard, la seule chose qui nous donne la foi, la révérence, la simplicité et l’humilité : c’est la parole de Dieu. C’est vraiment une grâce merveilleuse, dans un monde d’incrédulité, de pouvoir vraiment dire : « Je crois Dieu », et de s’incliner devant le témoignage de Dieu et de s’y reposer, d’avoir une confiance parfaite dans ce que Dieu a non seulement dit, mais écrit expressément pour arrêter, exercer et informer nos cœurs.
Il est certain que si Dieu dit une chose une fois sans équivoque, elle est aussi certaine que s’il Lui avait plu de la dire plusieurs fois ou beaucoup de fois. En fait, il me semble que l’on voit que Dieu ne répète presque jamais la même chose. Il y a une nuance dans les différentes formes dont Dieu se sert pour communiquer la vérité. C’est là une de ses grandes beautés, bien qu’elle soit perdue pour les non-croyants, parce qu’ils écoutent Ses paroles d’une manière vague et incertaine. Comme ils ne se les approprient jamais, ils n’entendent jamais Dieu en elles. Ils peuvent penser à Paul ou à Pierre, à Jean ou à Jacques, et se flatter d’être aussi bons, voire meilleurs qu’eux. Qu’y a-t-il dans tout cela si ce n’est que l’homme s’élève jusqu’à son propre avilissement ? Il s’enfonce moralement chaque fois qu’il s’élève orgueilleusement contre Dieu et Sa parole.
Nous avons donc ici un fait concernant le monde invisible communiqué, et il l’a été non pas à l’époque de Moïse ou de Josué, mais lors de l’enterrement de Moïse. Ici, Jude écrit de nombreuses années après Christ et le mentionne pour la première fois. Pourquoi cela devrait-il être étrange ? Le moment de le communiquer était juste venu, pour le bon plaisir de Dieu.
L’apôtre Paul ne nous a-t-il pas donné pour la première fois dans sa dernière épître, les noms des magiciens d’Égypte qui s’opposèrent à Moïse devant le Pharaon ? Sans doute, il était déjà parlé de ces magiciens ; mais leurs noms ne sont donnés à connaître que lors de la rédaction de la seconde épître à Timothée. L’Écriture ne peut se solutionner que par le fait de la volonté de Dieu. Il plaît à Dieu d’exercer Son entière souveraineté dans ce domaine, et Il voulait ainsi montrer qu’il était donné à Paul d’écrire sur une chose dont la divulgation était réservée à Lui seul. Le Saint Esprit prouve ici Sa puissance et Sa sagesse en rappelant un fait mystérieux à la fin de la vie de Moïse. Pourquoi les hommes douteraient-ils de ce qu’il est si facile à Dieu de faire savoir ?
Y a-t-il quelque chose de trop merveilleux pour Sa grâce ? Celui qui agit en révélation n’est-il pas l’Esprit éternel de Dieu ? Pourquoi, s’Il le juge bon, ne réserverait-Il pas l’information sur les noms pour le jour où Paul a écrit ? On était dans un temps de multiplication des séducteurs dans la chrétienté — un fait que beaucoup semblent disposés à ignorer complètement. Ils se laissent aller à la gentille rêverie qu’un tel mal est impossible, surtout parmi les frères ! Mais pourquoi ? De telles impressions sont non seulement stupides au plus haut point, mais aussi incrédules. Il devrait être évident que si Satan veut faire du mal quelque part sur la terre, c’est précisément parmi ceux qui défendent la Parole et l’Esprit de Dieu. Là où la superstition est tolérée et où le rationalisme règne, il a déjà remporté un avantage ruineux sur les religieux et les profanes. Si quelqu’un sur la face de la terre, à l’heure actuelle, réfute ces deux erreurs détestables et pourtant imposantes, Satan ne peut que s’en prendre à lui. La raison en est simple : Nous n’avons pas confiance dans la chair, mais dans le Seigneur, et nous nous vantons d’être rassemblés à ce seul Nom, en nous appuyant uniquement sur Sa Parole et sur l’Esprit de Dieu.
Qu’ils soient donc notre Jakin et notre Boaz (1 Rois 7:21), les deux piliers de la maison de Dieu, même en un jour de ruine et de dispersion. Réjouissons-nous d’être méprisés pour l’amour de la vérité. Comment pouvons-nous nous attendre à d’autres sentiments à notre égard ? Ne disons-nous pas à tout le monde que l’église est extérieurement une épave ? Et ne dit-on pas au contraire que l’église est prête à l’union ? que les classes et les masses sont gagnées de la même manière par les grands bâtiments, les rites, les cérémonies, la musique et autres choses semblables ? qu’il y a d’un côté une antiquité inflexible pour ceux qui vénèrent le passé, et de l’autre côté l’instrument de développement pour flatter ceux qui sont pleins d’espoir et qui ont confiance en eux-mêmes ? Pensez donc au déploiement moderne d’or et d’argent, dont l’église apostolique était si dépourvue ! Ne dit-on pas que Dieu les donnerait aujourd’hui à son église, afin qu’elle puisse, à terme, racheter le monde ? Et si quelqu’un leur dit que toutes ces vantardises ne sont que des preuves de la ruine totale de l’église, est-il possible de ne pas être détestables et odieux à leurs yeux ? Christ a toujours un chemin pour les saints, un chemin de vérité, d’amour et de sainteté pour le jour le plus sombre de la ruine, autant que pour les autres temps. Ce chemin est trouvé par l’œil fixé simplement sur Lui et par l’oreille qui écoute Sa Parole, aussi étroit soit-il, mais pour eux « les cordeaux sont tombés en des lieux agréables, un bel héritage leur est échu » (Psaumes 16:6). Mais si l’on aspire aux choses terrestres, et qu’on s’empêtre dans les pensées des hommes ou les voies du monde en matière de religion, que peut-il en résulter sinon de contribuer à la ruine ? Troublés, mal à l’aise et malheureux, nous devenons comme Samson avec ses cheveux coupés, inconsistants comme l’eau, et aveugles de surcroît.
Il n’est pas étonnant non plus que les hommes s’acharnent contre cette épître de Jude qui est l’un des sons de trompette les plus forts et les plus clairs qui sonnent contre la chrétienté. En effet, elle établit expressément que l’éloignement de la vérité, et la grâce de Dieu tournée en licence, se poursuivront jusqu’au jugement — mais qu’il y aura aussi des fidèles vrais se gardant dans l’amour de Dieu et s’édifiant sur leur très sainte foi qui a été une fois pour toutes transmise aux saints. N’est-ce pas ceci qui est le plus éloigné des nouvelles inventions des hommes, et de la vaine agitation toujours en quête d’un nouvel effort ? Tout ce genre-là est un danger mortel, et nous sommes tenus de nous en tenir à l’écart. Il ne s’agit pas seulement de ne pas se mêler de mauvaises voies ou de fausses doctrines, mais aussi de ne pas vouloir rendre humain ce qui est divin. Nous y sommes tenus par la nature même du christianisme, qui nous appelle à dépendre entièrement de la Parole et de l’Esprit de Dieu. Il ne s’agit pas de nous demander ce qu’il y a de mal en ceci, ou quel est le tort de cela. Pour le croyant, la vraie question est : « Que dit l’Écriture ? Qu’est-il écrit ? »
Il est écrit ici : « Michel l’archange, quand, disputant avec le diable, il contestait au sujet du corps de Moïse, n’osa pas proférer contre lui une accusation injurieuse, mais il dit : Que le Seigneur te censure » (Jude 9). Voici donc une grande vérité, enseignée de manière frappante et puissante. On prétend que l’apôtre Pierre, au chapitre 2 de sa deuxième épître, donne exactement la même chose que Jude, mais il ne dit pas un mot de cette affaire, il ne fait aucune allusion à l’archange Michel. Il parle au v. 4 des anges qui ont péché et que Dieu n’a pas épargnés ; mais ceci est présenté par Jude comme des anges qui n’ont pas gardé leur première état (JND : origine). Cela n’a manifestement rien à voir avec Michel. La référence à l’archange est spécifique à Jude ; et son objectif est de montrer l’esprit qui anime quelqu’un qui agit pour Dieu, même quand il a affaire avec Son pire ennemi, afin qu’il n’y ait pas d’interaction du mal avec le mal, ni de l’injure avec l’injure, mais au contraire une référence immédiate et déclarée à Dieu.
Ce qui est d’autant plus surprenant, c’est la puissance accordée à Michel. Il est l’ange que Dieu emploiera bientôt pour renverser le diable de sa position éminente et maléfique (Apoc. 12). Or le récit historique de Jude a tout à fait le même caractère que l’événement à venir. Vous direz peut-être qu’Apocalypse 12 n’a pas été révélé à Jude qui a écrit ces lignes. C’est vrai, mais le même Dieu qui a agi par Jude a aussi agi par Jean. Il ressort de ces deux textes que l’antagonisme entre Michel et le diable n’est pas une vérité étrangère à la parole de Dieu. Il est là, dans la Parole écrite. C’est la vérité de Dieu. Ce que Dieu a donné à Jude d’écrire est non seulement d’une grande valeur morale pour toute époque, mais il indique ce fait, plein d’intérêt, que l’antagonisme entre Michel l’archange et le diable ne relève pas seulement du futur ; il s’est également manifesté dans le passé, il y a même plus de 2000 ans, avec cette dispute entre le diable et l’archange. Vous allez dire qu’il ne s’agissait que du corps de Moïse, et que cela n’intéresse guère ? Ne voit-on pas l’importance de cette dispute ? Ne comprenons-nous pas la portée de cette question, lorsque nous avons à l’esprit toute l’histoire d’Israël dans le désert, telle que relatée dans l’Exode et les Nombres ?
Il n’y a rien de plus commun parmi les prophètes que ceci : alors que pendant leur vie ils étaient haïs, après leur mort et leur départ, ils deviennent l’objet des plus grands honneurs, et même de grands honneurs de la part de la classe de gens qui les haïssaient. Ils ne sont pas devenus des objets d’honneur pour d’autres, mais ils deviennent honorés justement par la classe d’incrédules qui ne pouvait pas supporter les paroles des prophètes lorsqu’ils étaient en vie. Ils sont prêts à tuer le messager prophétique lorsqu’il est vivant, et à l’adorer lorsqu’il est mort. C’est la même incrédulité qui agit dans les deux cas : lorsqu’il était vivant, ils méprisaient la parole de Dieu qui passait par lui, ils le condamnaient et le haïssaient ; mais lorsqu’il est mort et qu’il n’était donc plus quelqu’un de vivant frappant leur conscience, ceux-là mêmes qui avaient fait la guerre au prophète construisaient un beau monument à sa mémoire ; se faisant passer pour des hommes qui avaient une grande estime pour le prophète, des hommes faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour la religion, et donnaient leur argent pour ériger de beaux monuments ou statues ou tableaux grandioses ! La chair a ceci de remarquable qu’elle est prête à honorer un homme mort, alors qu’elle ne l’a pas supporté de son vivant. Notre Seigneur a attiré l’attention sur cette caractéristique, et Il l’a affirmé avec force contre le peuple juif ; mais cela ne se limite pas du tout au peuple juif. La ville de Bedford en Angleterre a ainsi fait un beau monument à John Bunyan, l’auteur du « Voyage du Pèlerin », alors que, de son vivant, il était traqué, emprisonné et considéré comme un homme présomptueux et mauvais.
Ce dont je parle est donc toujours vrai et le sera toujours jusqu’à ce que le Seigneur vienne, et alors seulement, il n’y aura plus d’homme vil appelé noble, ni d’avare appelé généreux (Ésaïe 32:5), ni d’injuste traité comme un juste. La justice régnera alors, et tout et tous seront à leur niveau selon Dieu.
Selon l’Exode et les Nombres, les enfants d’Israël contestaient constamment Moïse, murmuraient contre lui, disaient du mal de lui — le haïssant en fait, et Aaron aussi. Et ce n’est que l’intervention de Dieu, de temps en temps, qui les alarmait, les arrêtait, et les obligeait, en tout cas, à un respect extérieur. Mais dès qu’il fut mort, ce même diable qui les avait excités contre Moïse de son vivant, que n’aurait-il pas donné pour avoir ce corps mort ! Celui-ci aurait été transformé en relique. C’est une idée favorite des hommes, un corps mort qui devient un objet de culte. Le diable aurait alors doublement gagné : de son vivant, en les mettant en guerre contre lui, et après sa mort en les rendant idolâtres de Moïse. Nous comprenons donc facilement pourquoi l’Éternel a enterré Lui-même le corps de Moïse. Mais il apparait qu’avant son enterrement, il y a eu cette dispute entre Michel l’archange et le diable au sujet du corps de Moïse ; ceci est parfaitement conforme à la manière mystérieuse dont l’Éternel l’a enterré, en un lieu que personne ne devait connaître. Dieu est intervenu pour que Michel garde le corps pour empêcher tous les efforts du diable de s’emparer du corps mort. Nous avons donc les deux faits : ce que nous dit Jude, et le fait de Deutéronome 34 qui donne le récit de l’enterrement de Moïse par l’Éternel — ce qu’Il n’a jamais fait pour aucun autre homme.
Il n’y a jamais eu d’homme qui ait exercé une position aussi remarquable à l’égard de tout un peuple, que Moïse à l’égard des enfants d’Israël ; et une fois qu’il n’était plus là, une réaction pouvait se produire sous l’influence du diable, non pas une réaction de foi, mais d’incrédulité, pour idolâtrer son corps, — le corps de cet homme qu’ils tourmentaient continuellement lorsqu’il était en vie.
Il y a d’autres personnes d’un grand poids dans le ciel, en plus de Michel. Gabriel se tient en présence de Dieu (Luc 1:19). Lui a été employé par Dieu pour une mission très importante, annoncer la naissance de notre Seigneur Jésus. Nous pouvons parfaitement comprendre pourquoi Gabriel a été employé pour cela plutôt que Michel. Michel est le prince qui défend le peuple juif. Or l’évangile de Luc montre le Seigneur Jésus né d’une femme, non pas simplement pour le peuple juif, mais pour l’homme — « bon plaisir (de Dieu) dans les hommes » (Luc 2:14), pas seulement dans les Juifs : il ne s’agit donc pas de l’ange particulier Michel ; il n’a pas été employé à cette occasion. Il me semble donc qu’il y avait une sagesse divine à ce que Gabriel soit employé pour cette mission plutôt que Michel ; et cela ressort de la lecture de Daniel 10 et 12. J’y fais juste référence pour montrer l’harmonie de l’Écriture, même dans un événement très extraordinaire qui n’est relaté qu’une seule fois. Cela montre les principes de la vérité divine qui soutiennent, cadrent et s’harmonisent avec ce qui n’a été révélé qu’une seule fois. C’est ce que je souhaite montrer maintenant.
En Daniel 10 au v. 20, nous lisons : « Alors il dit » (il s’agit de l’ange qui avait à faire à Daniel) : « Sais-tu pourquoi je suis venu vers toi ? et maintenant je retourne combattre le prince de Perse ». On voit qu’il n’est pas inhabituel que des anges entrent dans des disputes. Ensuite le langage est encore plus fort : « … pour combattre le prince de Perse ; et quand je sortirai, voici que le prince de Grèce viendra ».
Le verset suivant nous donne une petite idée de l’identité et de la nature de ces princes : « Mais je te montrerai ce qui est consigné dans l’écrit de vérité ; et il n’y a personne qui tienne avec moi dans ces choses, si ce n’est Michel, votre prince ».
Nous apprenons ici que Michel était par excellence prince d’Israël. Dans quel sens ? Non pas comme régnant visiblement, mais comme épousant invisiblement la cause du peuple juif. Voyez maintenant comment cela s’accorde avec le fait que Michel gardait le corps de Moïse, qu’il était employé par Dieu pour lutter contre le grand ennemi, afin qu’il ne soit pas fait un mauvais usage de ce corps mort. Qui avait un devoir aussi important, en tant que prince d’Israël ? Quant à l’ange qui parlait à Daniel, et dont il nous est dit beaucoup de choses au début de Daniel 10, d’une manière si intéressante et sous des couleurs brillantes, il dit : « Il n’y a personne qui tienne avec moi dans ces choses », c’est-à-dire dans la lutte contre les princes de Grèce et de Perse. Pourquoi ? Il semble que les princes de Grèce et de Perse n’étaient pas favorables au peuple juif. Leurs intérêts dans la Grèce et la Perse étaient opposés au peuple juif ; et dans la providence de Dieu, les anges sont mentionnés ici ; les anges sont les grands instruments de la providence ; l’œuvre invisible de Dieu est exécutée par des instruments qui sont les anges.
Cela est vrai encore aujourd’hui. Les anges s’occupent de nous tous, plus que nous ne le pensons. Hébreux 1:14 nous dit : « Ne sont-ils pas tous des esprits administrateurs, envoyés pour servir en faveur de ceux qui vont hériter du salut ? » Nous sommes donc maintenant redevables aux anges. Je ne dis pas que ce soit Michel ou Gabriel, mais je dis que les anges jouent un rôle particulier en ce moment dans le christianisme pour tous les héritiers du salut. À l’époque dans Daniel, il n’était pas tellement question d’héritiers du salut ; mais il était question du peuple juif. Ils étaient le grand objet de la sollicitude de Dieu dans leur condition déchue. Ils avaient été les plus coupables, mais ils étaient bien-aimés. Ils avaient été emmenés en captivité par la puissance babylonienne. Ils allaient devenir esclaves d’autres puissances sur la terre, mais malgré tout, Michel les défendait, ainsi que cet autre ange qui parlait au prophète Daniel. Il y avait aussi d’autres anges qui s’opposaient à eux et qu’ils devaient combattre.
Certains diront peut-être que tout cela est très mystérieux. C’est vrai. Il est donc très important que nous ayons le cœur et l’esprit ouverts pour croire ce que nous ne voyons pas. Rien n’ajoute plus à la simplicité du croyant que d’avoir sa foi en exercice sur les choses invisibles et éternelles, et nous devrions sentir combien nous sommes redevables envers Dieu pour ces choses.
Une autre preuve détaillée de cela, se trouve en Actes 8. Là, l’ange dit à Philippe d’aller dans une certaine direction, ce qu’il fait, puis l’Esprit parle. Ce n’est pas l’ange qui parle, mais l’Esprit. L’Écriture est précise. En Actes 8:26, nous lisons : « L’ange du Seigneur dit à Philippe : Lève-toi, et va vers le midi, sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, et qui est désert ». Il semble qu’il y avait deux routes, l’une traversant une partie peuplée du pays, et l’autre étant déserte. Or, un désert n’est pas l’endroit que choisirait un évangéliste. C’est pourquoi l’ange, agissant dans la providence de Dieu, dit à Philippe : « Tu prends cette route déserte ». Une belle caractéristique de Philippe était qu’il n’était pas un raisonneur. La raison est une excellente chose pour les hommes qui n’ont pas reçu la parole de Dieu, et je ne dis pas qu’il ne peut y avoir de raisonnement utile en dehors des choses divines, ce que l’on peut appeler le sens commun. Mais je dis que plus le croyant peut agir à tout moment selon des principes divins, mieux c’est pour son âme, et plus c’est à la louange du Seigneur. S’il agit tantôt selon son bon sens, comme un homme du monde, et tantôt selon la Parole de Dieu comme croyant, il risque d’avoir pratiquement deux personnalités différentes, et quand on joue ce jeu de deux personnalités, on risque fort de devenir hypocrite ; il y a manque de réalité. Nous devrions n’avoir qu’une seule personnalité. Nous avons été achetés à prix, non seulement pour les questions religieuses, mais pour tout. Nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, nous sommes au Seigneur ; et par conséquent, plus un croyant peut s’élever au-dessus de ce qu’il veut en tant qu’homme, vers ce qu’il aime faire en tant que saint — plus il s’en tient entièrement à cela, plus il est cohérent avec sa profession d’enfant de Dieu. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Je nie entièrement que nous ne puissions pas être des serviteurs de Christ dans les choses les plus communes de cette vie ; et c’est ce pour quoi nous devons tous particulièrement prier, je pense. Bien sûr, nous devons prier pour nous comporter comme des saints lorsque nous entrons dans l’assemblée, et lorsque nous nous trouvons dans une réunion quelconque ; mais pourquoi devrions-nous manquer à notre caractère de saints lorsque nous sommes dans les affaires ou ailleurs ?
Maintenant, vous voyez que l’ange du Seigneur s’occupe de Philippe de manière providentielle, et Philippe agit immédiatement en conséquence. Il ne dit pas : « Je ne serai pas capable d’avoir une assemblée, et de toute façon je n’aime pas une petite assemblée ; je veux une grande assemblée ». Il n’a pas un mot sur du petit ou du grand ; en fait, il n’allait pas avoir d’assemblée du tout. Il devait se contenter d’une seule âme. Cette âme était précieuse pour Dieu au-delà de tout calcul, voire même pour lui-même. Que serait le monde entier pour quelqu’un s’il fait la perte de son âme, comme le Seigneur Lui-même l’a dit aux hommes, et s’ils refusent toujours de croire ?
L’ange donne donc cette parole à Philippe, qui l’entend et s’en va sans discuter. Une fois arrivé là, sur cette route, « ce chemin qui descend de Jérusalem », il rencontra cet étranger éthiopien dans son char, qui revenait de Jérusalem et lisait le prophète Ésaïe. Il ne montait pas à Jérusalem pour y obtenir une bénédiction. Il l’avait peut-être cherchée et prié pour, mais il ne l’avait pas obtenue. Il revenait de Jérusalem sans être béni, et s’éloignait de cette ville ; or c’est justement ce que faisait l’évangile. Il quittait Jérusalem, chassé par l’incrédulité, et ce pauvre prosélyte s’en allait sans avoir été béni par l’évangile dans cette ville. Il y avait au contraire une persécution contre l’évangile. Et maintenant dans son voyage de retour, il lisait dans son char. L’Esprit dit à Philippe : « Approche-toi, et joins-toi à ce char ». Pourquoi l’Esprit se trouvait-il ici ? Parce qu’il s’agissait de la parole de Dieu et de l’âme. L’ange n’a pas dit un mot sur l’âme de l’Éthiopien. Je ne sais pas si l’ange en savait quelque chose. L’ange devait exécuter l’ordre de Dieu : « Dis à cet homme d’aller par la route qui est déserte ». Il a agi en conséquence ; l’ange avait raison, et Philippe avait raison, mais c’était entièrement providentiel. Puis vient la partie spirituelle, et c’est alors que le Saint Esprit intervient.
Ce n’est plus l’ange qui parle ; le Saint Esprit parle et les anges agissent. Nous ne savons peut-être pas comment cela se passe, mais un ange s’interpose souvent pour nous empêcher d’aller dans une certaine direction, alors que, sans son interposition, nous aurions été tués. Nous allons souvent là où nous n’avions pas l’intention d’aller, ou nous n’allons pas là où nous étions supposés aller. Quand je dis « souvent », je veux dire parfois ; le mot « souvent » s’appliquerait plutôt en considérant le chemin de toute une vie. Il arrive à tout le monde de faire de temps en temps ce qu’il n’a jamais eu l’intention de faire, peut-être sous l’effet d’une impulsion sans pouvoir dire ni comment ni pourquoi — et il arrive ainsi d’aller dans telle direction, alors qu’on pensait aller dans une autre.
Ici, cependant, nous constatons l’existence d’un autre type de direction pour l’âme, de nature plus spirituelle ; l’Esprit incite (pour ainsi dire) l’âme à donner une parole parlant du Seigneur. Pensez-vous qu’une telle chose n’existe plus aujourd’hui ? Ce serait ne pas croire que le Saint Esprit est venu et qu’Il doit demeurer ; or Il est toujours là. Cela est présenté en Actes 8 sous une forme franche et objective, et le but en est de nous enseigner que la même chose est vraie aujourd’hui, bien qu’elle ne soit pas exprimée ouvertement de la même manière. C’est tout à fait vrai, et ce n’est pas le seul cas. Si vous comparez Actes 12 avec Actes 13, vous verrez un ange agir au ch. 12 et l’Esprit au ch. 13.
Avant d’aller plus loin, je me réfère à un autre passage ; Zacharie 3 ôte de manière très intéressante un voile sur l’invisible. Nous lisons : « Il me fit voir » (c’est-à-dire que l’ange montra à Zacharie) « Josué, le grand sacrificateur, debout devant l’Ange de l’Éternel, et Satan se tenant à sa droite pour s’opposer à lui » (Zach. 3:1). On retrouve la même opposition. Dans ce cas, cependant, il s’agit de « l’Ange de l’Éternel ». Je suis disposé à le distinguer de Michel. L’« Ange de l’Éternel » est un terme tout à fait particulier. C’est plutôt la manière de désigner le Seigneur Jésus dans l’Ancien Testament — pas la seule manière, mais une manière très habituelle. L’Ange de l’Éternel se révèle de temps en temps être l’Éternel Lui-même. Cela explique ce que nous avons ici : « Il me montra Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l’Ange de l’Éternel, et Satan qui se tenait à sa droite pour lui résister. Et l’Éternel (remarquez qu’après avoir parlé de « l’Ange de l’Éternel », c’est maintenant « l’Éternel ») dit à Satan : L’Éternel te tance, ô Satan » — la même parole que celle utilisée par Michel à l’égard de Satan et rapportée par Jude !
N’est-ce pas là une très forte confirmation à la fois de cette remarquable opposition entre les saints anges et les profanes, et aussi de l’opposition de Satan ? C’est exactement le même antagonisme dans les deux passages de l’Écriture. L’Éternel Lui-même, au lieu de se contenter de railler Satan, dit : « L’Éternel te tance ». Le temps n’était pas encore venu pour la plus terrible des censures, comme cela sera lorsqu’il sera foulé aux pieds. Il faut qu’il soit lié pendant mille ans dans l’abîme, puis jeté dans l’étang de feu. Tout cela fera partie des moyens de la censure de l’Éternel, mais jusqu’à ce que ce temps arrive, nous voyons comment entre-temps Dieu garde Son propre dessein ; Il ne permet pas à Satan d’interférer avec Son dessein. Il permet à l’homme de montrer son insensibilité et son péché, et Il le châtie. Il ne déploie pas encore Sa puissance pour traiter Satan comme Il le fera, mais il y a cette parole : « L’Éternel te tance » ; c’est ce qu’Il fera certainement. C’est un avertissement répété de l’Éternel de ce qui s’accomplira en son temps, en divers lieux et diverses étapes. On voit facilement qu’il serait inconvenant d’avoir une simple dispute entre l’Éternel et Satan ; c’est pourquoi, tout ce qu’Il présente est cet avertissement solennel de ce qui va arriver.
Cet avertissement donné à Satan très tôt dans l’affaire de Moïse est répété ici, mille ans plus tard ; c’est la même vérité, le même antagonisme, et si ce n’est exactement les mêmes personnes, c’est le même esprit tout au long.
L’Écriture est parfaitement cohérente, parfaitement fiable. Le fait rapporté par Jude cadre avec les autres faits de l’Écriture : à la fois dans les premiers temps de Moïse, dans les derniers temps de Zacharie, et maintenant dans les jours de l’évangile, dans les jours de la chrétienté.
C’est aussi une preuve complète que les savants critiques sont totalement ignorants de Dieu, totalement ignorants de la Bible, sauf de la simple surface, de la simple lettre qui tue, et ils ne connaissent pas l’esprit qui vivifie.
Combien il est beau qu’au lieu de porter une accusation virulente, Michel ait simplement averti Satan par la parole solennelle : « L’Éternel te tance », « le Seigneur te censure ». Railler serait un abaissement total, même pour un ange, et à plus forte raison pour un saint. Nous avons ici la belle conduite de l’ange comme modèle pour le saint, afin que nous ne nous laissions pas provoquer, et que, lorsque nous sommes injuriés, nous n’injurions pas à nouveau, mais que nous agissions comme le Seigneur Lui-même a agi. Il s’en remettait à Celui qui juge justement. L’Éternel le fera ; Il jugera avec justice, mais le temps n’est pas encore venu pour le manifester.
« Mais ceux-ci injurient tout ce qu’ils ne connaissent pas, et se corrompent (ou : ils périssent) dans tout ce qu’ils comprennent naturellement, comme des animaux irrationnels. Malheur à eux ! parce qu’ils ont marché dans le chemin de Caïn, et se sont abandonnés à l’erreur de Balaam pour une récompense, et ont péri dans la contradiction de Coré » (Jude 10, 11).
« Mais ceux-là ils parlent mal » (ou : ils injurient) : il s’agit maintenant de personnes qui, bien qu’ayant été baptisées et ayant pris leur place dans l’église, cédaient maintenant à toute forme de corruption, abandonnaient les choses mêmes qu’elles professaient. Je ne dis pas qu’ils étaient dehors. C’est la différence entre Jude et Jean. Dans l’épître de Jean, ils étaient sortis ; mais la corruption dans Jude est par empoisonnement des autres.
Il est remarquable que dans la deuxième épître de Pierre, nous n’avons que Balaam, et pas du tout Michel ; ainsi, rien n’est plus superficiel que l’idée selon laquelle l’un des écrivains a copié l’autre. Il est vrai qu’il y a beaucoup de choses communes aux deux épîtres, mais ce sont les différences entre Jude et Pierre qui sont frappantes ; les points de ressemblance sont facilement expliqués. Dans la position où se trouvaient Jude et Pierre, il devait y avoir une amitié des plus étroites, un compagnonnage très proche ; il devait y avoir de forts liens d’amour entre ces deux serviteurs anciens du Seigneur. Ne se communiqueraient-ils pas mutuellement leurs pensées et leurs jugements, même s’ils sont considérés comme des serviteurs de Dieu ? Il n’y a rien de surprenant à cela. Rien de plus probable que Pierre communique beaucoup à Jude, et que Jude communique beaucoup à Pierre ; et, en outre, l’Esprit de Dieu leur donnait de regarder le même mal, ou un mal semblable, et leur donnait des jugements et des pensées semblables. On constate que des personnes qui ne se sont jamais rencontrées ou parlé, si elles ont affaire au même mal, disent souvent des choses très semblables ; certes elles sont fondamentalement semblables, si elles sont guidées par l’Esprit de Dieu, mais il y a souvent des ressemblances verbales surprenantes. Mais ce n’est pas là que se révèlent la beauté et le caractère frappant des deux épîtres de Jude et de Pierre, c’est dans leurs différences.
Pierre s’occupe particulièrement des mauvais enseignants, des hommes qui ont introduit furtivement ce qu’il appelle des « hérésies » ou des sectes. Le mot « hérésie » dans l’Écriture signifie « une secte ». Il ne signifie jamais hétérodoxie selon le sens moderne du mot. Ce n’est pas du tout le sens dans l’Écriture. Sans doute une secte peut être hétérodoxe, mais il peut y avoir une secte sans hétérodoxie ou avec beaucoup d’hétérodoxie. Une « secte » admet donc toutes sortes ou nuances de maux et d’erreurs, mais Pierre s’intéresse spécialement aux faux docteurs, et à ces faux enseignants, des hommes cupides ; l’appât du gain est l’un des traits marquants qu’il spécifie. Où pourriez-vous trouver dans l’Ancien Testament un exemple de cupidité aussi marqué que celui de Balaam ? C’est pourquoi nous trouvons Balaam dans Pierre, exactement là où il devait être. Cela correspond tout à fait à l’objectif de Pierre et du ch. 2 de sa deuxième épître.
Mais ici, dans cette épître beaucoup plus courte, beaucoup plus compacte, beaucoup plus condensée et beaucoup plus véhémente, Jude écrit comme dans une tempête de haine contre tous ces hommes mauvais. En fait, je ne connais pas de langage plus fort. Certains n’aiment pas le langage fort. Mais cela dépend entièrement de la manière dont il en est fait usage. Un langage fort contre ce qui est bon est infâme, mais contre ce qui est mauvais, c’est tout à fait juste ; et je ne connais pas de langage plus fort ailleurs que justement dans cette épître de Jude qui s’élève contre les injures. Mais le langage fort et les injures ne sont pas la même chose. Les injures sont un abus de ce qui est bon ; mais ici, nous avons un exposé concis, véhément et tranchant de ce qui est mauvais ; et au lieu de le regretter, il faut le ressentir et nous y joindre de tout cœur. Je sais que cela n’est pas apprécié à l’époque actuelle. À l’époque actuelle on essaie de penser que rien n’est aussi bon que ce qui est mauvais en soi, et rien n’est aussi mauvais que ce qui est bon en soi. La conséquence est que toute force morale est dans une impasse, et que les gens n’ont pas d’amour réel et brûlant pour ce qui est bon, mais seulement pour un état calme, tranquille et tiède. Ils ne sont ni forts pour le bien, ni forts contre le mal ; c’est un état que le Seigneur déteste, et en tout cas qui ne s’accorde ni avec Pierre, ni avec Jude.
« Malheur à eux ! parce qu’ils ont marché dans le chemin de Caïn, et se sont abandonnés à l’erreur de Balaam pour une récompense, et ont péri dans la contradiction de Coré ». Dans l’épître de Pierre, il n’y a pas un mot sur Caïn ni Coré. Mais ayant un objectif différent, Jude condense dans ce verset merveilleux, vraiment merveilleux, une quantité de vérités morales, spirituelles, divines, dont on s’est entièrement écarté, la grâce étant tout à fait haïe et faisant l’objet d’abus. Tout cela se trouve dans ce court verset. Il remonte à Caïn.
« Ceux-ci sont des taches (ou : des écueils, des rochers cachés) dans vos agapes (festins d’amour), festoyant ensemble avec vous sans crainte, se repaissant eux-mêmes ; nuages sans eau, emportés par les vents ; arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; vagues de la mer déchaînée, jetant l’écume de leurs infamies ; étoiles errantes auxquelles est réservée l’obscurité des ténèbres pour toujours » (Jude 12, 13).
Seul un homme inspiré peut s’être aventuré à utiliser un langage aussi décidé et solennel à propos de ceux qui se trouvent dans l’église. C’est un côté remarquable de l’épître. Pierre s’intéresse à l’injustice de l’homme en général, y compris depuis la venue du christianisme, parce qu’il s’occupe simplement de l’iniquité. Ceci, bien sûr, est commun aux deux écrivains ; mais Jude s’intéresse plus particulièrement à ceux qui ont pris la place du salut, à ceux qui se sont rassemblés au nom du Seigneur. Dans ce cas, la situation est encore plus grave pour l’esprit spirituel. Il n’y a rien de plus dangereux que de s’éloigner de la foi, de la foi chrétienne. Ce dont nous sommes responsables n’est pas seulement ce que l’homme est et a fait, mais aussi ce que la grâce a fait connaître, surtout si nous nous en détournons par incrédulité. Qu’y a-t-il d’aussi mauvais que l’apostasie ?
Beaucoup de choses font que la vérité perd sa puissance sur les hommes. Rien ne précipite plus cela que le désordre moral en nous-mêmes, résultant de l’oubli ou de l’abus de la grâce. Nous tournons le dos à l’autorité de Dieu, ainsi qu’à notre relation avec notre Seigneur Jésus ; puis nous nous emparons d’objets aimés au point d’en faire pratiquement nos idoles. Il est clair qu’au fond ces choses ont eu lieu dès le début, et selon cette épître elles iront de mal en pis, jusqu’à la venue du Seigneur en jugement. À cet égard, nous aurons à peser ce qui est encore plus fort que ce que nous avons déjà considéré, quand ce sera à nous de faire le point devant Dieu sur les paroles déjà lues. Manifestement, le caractère en est des plus sombres et plein d’énergie.
Observez ici le mot « Malheur » (Jude 11). Je ne le vois nulle part dans le Nouveau Testament, si ce n’est dans l’application très différente que l’apôtre en fait à lui-même s’il lui arrivait de ne pas faire connaître la bonne nouvelle (1 Cor. 9:16). Ici, c’est : « Malheur à eux ». Je ne parle pas ici des évangiles, mais des épîtres, où l’Esprit de Dieu rend témoignage aux hommes du Sauveur et de Son œuvre, ou s’occupe de ceux qui portent le nom du Seigneur. Dans les évangiles, même notre Seigneur ne pouvait que dire : « Malheur », mais c’était en avertissement à ceux qui représentaient une nation favorisée, qui, par incrédulité, passaient alors sous le jugement divin. Le Seigneur qui avait commencé son ministère par « Bienheureux, bienheureux, bienheureux », l’a terminé par « Malheur, malheur, malheur ». Rien n’était plus éloigné de Son cœur que de prononcer cette sentence, mais comme Il l’a dit, Il devra l’exécuter en son temps. Il l’a prononcée en tant que prophète sur la terre, s’il leur arrivait de la prendre à cœur ; et Il la prononcera en tant que Juge sur le grand trône blanc lorsque le ciel et la terre disparaîtront.
Quelle est donc l’explication de cette déclaration de Paul : « Malheur à moi si je n’évangélise pas » ? Paul, qui avait été une pauvre âme trompée, avait reçu par la grâce de Dieu un avertissement solennel de faire Sa volonté par la prédication, mais il ne dit pas « Malheur » à eux, comme Jude. Il pouvait avoir de grandes craintes pour certains, quand il a fait savoir aux Corinthiens que quelqu’un qui prêchait l’évangile pouvait néanmoins devenir un réprouvé (1 Cor. 9:27). Je pense qu’il n’y a aucun doute que le mot « réprouvé » signifie quelqu’un de perdu ; car le salut accompagne le fait de croire, non pas le fait de prêcher ; et il est tout à fait possible que ceux qui prêchent, détruisent la foi qu’ils ont prêchée autrefois. Nous l’avons nous-mêmes constaté de temps à autre, et il en a toujours été ainsi. Mais l’apôtre avait un sens si solennel de sa responsabilité de proclamer l’évangile aux âmes en perdition partout dans le monde, qu’il déclare « Malheur à moi si je n’évangélise pas ». Pourtant, il l’a prêché dans un esprit de grâce, plus qu’aucun autre homme. Ici, cependant, en Jude, le cas est très différent. « Malheur à eux, dit-il, car ils ont marché dans le chemin de Caïn, ils ont couru avidement après l’erreur de Balaam pour obtenir une récompense, et ils ont péri dans la contradiction de Coré.
C’est une image remarquable de l’histoire de la chrétienté sous
son aspect le plus sombre. Il n’y a rien de plus explicite. Ce n’est pas dans l’ordre
chronologique. S’il s’agissait de l’ordre chronologique, l’erreur de Balaam viendrait
en dernier. Il s’agit d’un ordre moral, l’ordre de l’âme des hommes. C’est ce
qui s’est présenté à l’apôtre par le Saint Esprit. Jude commence par la
première racine du mal, et je pense qu’il fait référence à un homme (Caïn) qui
aurait dû être un frère quant à l’affection, et même un frère saint puisqu’il
prenait une place d’adorateur. Caïn apporta son offrande à l’Éternel, et c’est
justement le fait d’apporter son offrande à l’Éternel qui manifesta sa
méchanceté. Combien peu de gens savent ce qui peut être le tournant de la ruine
pour leur âme ! Caïn s’avança sans doute avec confiance et assurance dans
son offrande de beaux fruits et d’autres produits de la terre qu’il avait sans
doute cultivés avec soin. On peut être sûr qu’il avait choisi ce qu’il y avait
de mieux, car l’homme
ne voudrait pas manquer dans ce domaine. L’homme
du monde est souvent très attentif aux apparences. Caïn n’a rien vu de
défectueux dans l’offrande elle-même — dans les matériaux qui la composaient — mais
le défaut vital qui l’a complètement ruiné lui, c’est qu’il n’y avait pas de
foi. Il n’y a aucune mention de Dieu d’une part (ce qui doit être), — et d’autre
part, il n’y a aucun jugement de son propre état de péché. Il a donc
complètement manqué en ce qui concerne l’homme intérieur, car Dieu ne fait
jamais appel à des hommes qui se revêtent devant Lui d’une apparence
quelconque. C’est ce qui s’est passé ici ; peut-être n’était-ce pas très
profond, mais Caïn prenait la place d’un adorateur et il apportait son offrande
à l’Éternel, sans avoir aucune conscience de sa propre ruine par le péché, ni
de la grâce de Dieu, ni du besoin qu’il en avait. Mais ce n’est pas tout.
À la même occasion, Abel apporta son offrande, qui a été acceptable ; son offrande était celle des premiers-nés du troupeau. Non seulement il offrit du sang, reconnaissant la nécessité de la mort et du Sauveur pour répondre à ses péchés, mais il y avait aussi le sens de l’excellence du Sauveur devant Dieu — il offrit « de leur graisse ». Par conséquent, l’effet de la présentation de l’offrande d’Abel devant Dieu a été des plus décisifs. Son nom même montre ce qui était très vrai de son caractère, aucune confiance en lui-même, car le mot « Abel » se réfère à ce qui passe comme de la fumée, tandis que « Caïn » a la signification d’« acquisition », très semblable au mot « gain » dans notre langue. Abel était un homme qui dépendait entièrement de la grâce, de la Semence de la femme dont il avait sans doute entendu parler maintes et maintes fois par son père et sa mère, avec d’autres vérités qu’il n’avait jamais oubliées. Dieu a veillé à ce que ces vérités soient mises en évidence dès le premier jour, mais cela ne fit aucune impression sur Caïn, et la raison en était qu’il ne s’était jamais jugé lui-même devant Dieu et qu’il n’a jamais eu le moindre sentiment de son besoin réel. Le contraire de tout cela était vrai pour Abel, et son offrande fut acceptée par l’Éternel. Cela fit aussitôt ressortir le caractère de Caïn, déjà évident devant Dieu, mais qui se manifesta maintenant ouvertement par la haine contre son frère. Qu’avait fait son frère pour susciter cette méchanceté ? Vous pouvez être sûrs que le caractère général produit par la foi en Abel s’était manifesté par toutes sortes de tendre affection envers son frère aîné ; mais Caïn ne pouvait admettre que Dieu acceptât Abel et son offrande, et qu’Il ne regardât pas celle de Caïn. Dieu daigna néanmoins s’expliquer avec lui sur son manque de foi, afin de le sauver, s’il était possible, de ce vers quoi son mauvais cœur se précipitait. Mais non, Caïn faillit devant Dieu et devant les hommes, et, qui plus est, devant son frère. C’est là le premier grand commencement de la ruine de la chrétienté, et cela s’est manifesté dès les premiers jours. Cela est devenu courant de nos jours. Nous ne pouvons douter que la vie et les méthodes nouvelles des vrais chrétiens du commencement aient fait une puissante impression sur le monde ; cependant, il y a toujours eu des personnes qui non seulement n’ont aucune sympathie pour l’amour de Dieu, mais qui même le méprisent, et qui sont irritées par lui, surtout si elles sont traitées avec fidélité par ceux qui connaissent cet amour. C’est une autre raison pour laquelle nos pensées sont aveuglées à l’égard de nos frères. Il s’ensuit un sentiment encore plus mauvais à l’égard de Dieu, mais cet ordre fut inversé dans le cas de Caïn. Au fond, je suppose que tout sentiment mauvais à l’égard d’autrui découle d’un sentiment préalable à l’égard de Dieu. Le sentiment que nous éprouvons en présence de Dieu éclate en présence d’autrui. C’était certainement le cas de Caïn.
C’est ici que nous trouvons le premier malheur. « Malheur à eux, car ils ont marché dans le chemin de Caïn ». C’est un éloignement de la foi, de l’amour, de la justice. C’était l’esprit d’un homme mondain, et c’est pourquoi il a été le premier homme à commencer une mondanité franche. Avant ce temps, il y avait une grande simplicité. Il serait très faux de dire qu’il y avait le moindre élément sauvage chez Adam et Ève. Il y avait tout ce qu’il y avait de doux et de beau dans ce que Dieu leur avait donné ; mais il n’y avait pas encore les délices de la civilisation, il n’y avait rien de tout ce que les gens semblent particulièrement apprécier dans les temps modernes. Il n’est pas question de se boucher les yeux devant les progrès énormes de la mondanité. Je ne doute pas que toutes les découvertes récentes d’or et d’argent n’aient grandement accru la convoitise des hommes et le désir de « s’afficher » les uns devant les autres selon ses moyens ; or, le christianisme n’a rien à voir avec des « moyens » ; il a tout à voir avec la foi. Si nous y veillons, il y a toujours un usage à faire de ce que Dieu donne, c’est-à-dire l’utiliser pour Sa gloire ; mais en faire un usage égoïste, ou un étalage devant les autres, n’est qu’une vulgaire forme d’égoïsme. C’est le genre de choses qu’on trouve chez Caïn. Il y avait, bien sûr, les plaisirs des instruments de musique à cordes et à vent dès le début de la vie en société, et il y a eu aussi la beauté de la poésie, qui a sans doute commencé modestement. Tout cela, c’était l’homme, et les raisonnements de l’homme. C’est tout ce en quoi l’homme trouve son plaisir, et c’est pratiquement ce que nous avons aujourd’hui. Sans doute de nombreuses choses ont été inventées depuis. Il y a toujours un développement dans les choses humaines, et il y a notre développement dans les choses divines, mais il n’y a pas d’obéissance dans le développement. Il n’y a rien de divin dans le développement, mais il y a de l’obéissance dans l’accomplissement de ce que le Seigneur nous présente dans Sa parole ; cependant, dès que vous ajoutez quelque chose à cette Parole ou que vous en retirez quelque chose, c’est l’inverse de l’enseignement de Dieu. C’est se dresser comme étant plus sage que Dieu, ce qu’il est possible de faire sans Sa puissance. Toute cette idée que nous pouvons faire quelque chose qui fera mieux Son œuvre est l’œuvre de l’incrédulité, et c’est une idée destructrice de la paix du chrétien, et destructrice du simple principe d’obéissance contenu dans la Parole de Dieu. Oh, quel privilège c’est de reconnaître et d’enseigner ce principe ! d’écouter et de faire Sa volonté ! Nous sommes toujours en train d’apprendre, et ne devrions-nous pas toujours parvenir à une meilleure connaissance de la Parole par la foi ? Là où il n’y a pas de foi, nous ne parvenons pas à cette connaissance.
Cependant, nous voyons dans le cas de Caïn un début tout à fait approprié du malheur qui s’annonce et du terrible péché qui appelle ce malheur. Ce qui est solennel, c’est que cela se réfère également au temps présent. Le mal ne s’éteint jamais, mais s’assombrit et s’oppose davantage à Dieu — s’endurcit contre Dieu, sans le moindre scrupule de conscience.
Si l’on s’écarte de l’ordre chronologique pour mettre les événements en correspondance exacte avec la vérité, nous avons ensuite le cas de Balaam. L’incident qui a mis en évidence la nature de Balaam, et le fait d’être un ennemi typique de Dieu, sont encore des exemples de ce qui allait se passer dans la chrétienté. C’est à ce moment-là qu’il a prononcé les vérités les plus glorieuses, et je suppose que ce sont les seules vérités qu’il ait jamais prononcées dans sa vie. Balaam a été attiré pour maudire Israël, et il a été incité à le faire par des offres d’or, d’argent et d’honneurs de toutes sortes. Je dirai même qu’il a essayé de faire croire qu’il ne s’intéressait pas à l’argent ; il a dit qu’il était tout à fait au-dessus de considérations aussi dérisoires. Le péché de Balaam est très solennel. Il est sorti pour pécher, il est sorti pour aller à la rencontre… (Nombres 23:15), mais ce n’était pas pour « rencontrer l’Éternel ». Le fait est qu’il alla à la rencontre du diable, selon l’habitude qu’il avait. Il est allé à la recherche des enchantements : c’est le diable, bien sûr. C’est l’ennemi de l’Éternel qui était la source de toute la méchanceté et de la puissance de Balaam. Balaam a su que c’était une puissance divine qui le poussait à prononcer ce qu’il n’avait pas envie de dire ; mais lorsqu’il l’a fait, sa grande capacité d’éloquence accompagna son discours.
Dieu n’a pas refusé de permettre que les pensées de cet homme soient manifestées. C’est ainsi que Dieu travaille parfois avec tous les écrivains qu’Il emploie. Il faut que l’homme soit singulièrement obtus pour ne pas voir des différences de style entre les différents livres de la Bible. Si c’était simplement l’Esprit de Dieu, le style serait le même dans tous les livres, mais c’est l’Esprit de Dieu qui pousse un homme à faire ressortir la vérité de Dieu et à la donner avec le style et le sentiment qui doivent justement l’accompagner. Il en est ainsi de Balaam : bien qu’il ait été très ému à l’idée de mourir de la mort des justes (Nomb. 23:10), son âme n’a aucunement travaillé en communion avec Dieu. Il était ennemi de Dieu et était venu pour maudire l’Israël de Dieu, mais il fut contraint de prononcer les prédictions les plus glorieuses. Les merveilleuses effusions de ce méchant prophète glorifiaient la venue du Seigneur Jésus. Il y a quelque chose de ce genre maintenant dans la chrétienté. Parfois, les hommes les plus méchants peuvent prêcher avec éloquence, et ce qui est extraordinaire, c’est que Dieu a souvent utilisé les paroles d’hommes non convertis pour en convertir d’autres. Je ne doute pas qu’il en soit ainsi à l’heure actuelle, et il en a toujours été ainsi. Bien sûr, il s’agit d’un des aspects secondaires de la ruine. Normalement, c’est ceux qui sont sauvés qui doivent être les messagers du salut auprès des autres.
L’erreur de Balaam était d’être l’instrument volontaire du diable pour détruire Israël, et comme il ne put pas les maudire, il n’abandonna pas la partie ; toutefois sa tentative fut vaine. L’Éternel en fit une bénédiction. Balaam pensa employer les femmes de Moab pour attirer les Israélites vers l’idolâtrie. Ne pouvant pas détourner l’Éternel d’Israël, il essaya de détourner Israël de l’Éternel. Je ne doute pas qu’un grand nombre d’âmes dans toute la chrétienté ont été converties par ces paroles de Balaam. Les yeux de Balaam étaient fixés sur Israël, il voulait leur nuire ; c’était le peuple qu’il haïssait, c’était les personnes qu’il voulait abattre, c’était les personnes qu’il calomniait et dénigrait de toutes ses forces, mais il ne savait pas que c’était le peuple de l’Éternel. Dieu, Lui, le savait.
Moïse représentait Dieu, et Aaron représentait l’intercession de la grâce de Dieu ; mais Coré n’a pas voulu s’y soumettre un seul instant (Nombres 16). Dans le cas de Coré, ce qui rend le cas d’autant plus atroce, c’est qu’il occupait une place très honorable ; il appartenait au rang le plus élevé des Lévites, à cette section honorée des Lévites à laquelle Moïse avait appartenu (les Kehathites). Moïse avait d’abord reçu l’appel de Dieu, qui l’avait élevé sans conteste ; et Coré appartenait à la plus honorée des trois familles de Lévites qui étaient serviteurs ou ministres du sanctuaire ; mais rien ne le satisfaisait, rien du tout. Pourquoi ? Parce qu’il détestait que Moïse eût une place au-dessus d’un autre. Satan lui aveugla les yeux, comme il le fait toujours pour que les gens aient ce genre de sentiment. L’objectif de Coré était d’obtenir ce qui n’appartenait qu’à Moïse et à Aaron. Il y a toujours de bonnes raisons pour faire de mauvaises choses, et les raisons semblent bonnes, mais ce sont des paroles qui vont contre Dieu et contre Christ. Un châtiment tomba non seulement sur Coré, mais aussi sur sa famille, et les autres lévites et toutes leurs familles. La terre ouvrit la bouche et les engloutit, ce qui ne s’était jamais produit depuis le commencement du monde. Il avait pu y avoir peut-être quelque chose de ce genre, comme dans le cas de Sodome et Gomorrhe, où il plut du feu et du soufre, consumant les méchants ; mais ici c’est l’inverse qui se produisit. La terre s’ouvrit et les engloutit. Une chose remarquable eut lieu : les enfants de Coré ne furent pas consumés. Lui était le chef de la rébellion contre l’Éternel, mais Dieu, au milieu de Son jugement, fit preuve de miséricorde envers les fils. Eux ne périrent pas par la plaie qui s’abattit ensuite sur la congrégation. Ces fils de Coré sont mentionnés dans les Psaumes, car plusieurs sont des « fils de Coré », et il y avait des personnes compétentes pour chanter de tels psaumes.
Toutes choses périssent si elles ne dépendent pas de la grâce de Dieu — des choses comme l’erreur de Coré, des choses qui font la guerre à Dieu, qui provoquent tous ces soulèvements de fausseté. Je pense que toutes ces choses, comme le mouvement d’Oxford, sont erronées. Je ne parle pas seulement du mouvement ritualiste, qui est extrêmement vulgaire. Mais quelle est l’erreur du mouvement d’Oxford ? C’est presque la même erreur que celle de Coré. Coré voulait être à la fois prêtre et titulaire d’un ministère. C’est ce que font aujourd’hui les hommes qui prétendent être prêtres (sacrificateurs). Il est vrai que le sacrifice est une parfaite absurdité : le sacrifice est le pain et le vin. Comment cela peut-il être un sacrifice ? S’ils l’appelaient offrande, ce serait mieux ; mais non seulement ils l’appellent un sacrifice, mais ils croient fermement que Christ entre personnellement dans le pain et le vin. Ils sont donc tenus d’adorer les « éléments », comme ils les appellent. Une telle idée est plus basse que le paganisme, car les païens ne mangent jamais leur Dieu. Ces hommes sont moralisateurs et extrêmement dévoués aux pauvres. Oui, et ils sont très zélés pour fréquenter leurs églises et pour participer à leurs développements monstrueux. Cela a le même caractère que ce qui est décrit à propos de Coré. Mais le seul cas où ces hommes auraient à prêcher, c’est s’ils devenaient réellement des fils de Dieu, des chrétiens rachetés, parce que c’est la seule circonstance qui leur permettrait d’être reçus ; mais toute cette fausse doctrine de l’école d’Oxford nie que tous les chrétiens sont prêtres (sacrificateurs), et elle viole et renverse la véritable œuvre de Christ, et lui substitue ce sacrifice continuel, qui est un péché. Il n’est donc pas étonnant que Jude dise : « Malheur à eux, car ils ont marché dans le chemin de Caïn, ils ont couru avidement après l’erreur de Balaam pour obtenir une récompense, et ils ont péri dans la contradiction de Coré ».
Notez ensuite les paroles extraordinaires qui suivent : « Ce sont des taches dans vos agapes (fêtes d’amour) ». Réfléchissez à cela. Il y avait de tels hommes à l’époque dans l’église. C’est pourquoi il ne faut jamais s’étonner du mal qui peut surgir dans le monde ; la seule chose à faire pour les croyants est de combattre le bon combat de la foi. Il y a une autre interprétation : ils sont « des rochers cachés (ou : écueils) dans vos agapes — ils font des festins ensemble avec vous, se repaissant sans crainte ; des nuages, mais des nuages « sans eau » (sans l’œuvre réelle de l’Esprit de Dieu, et Son riche rafraîchissement) — emportés par les vents. Comme déjà dit, je ne nie pas que Dieu puisse utiliser quelqu’un d’une manière solennelle dans ce qui est considéré comme un honneur sacerdotal, mais cela peut être un travail mortel pour ceux qui prêchent. « Arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; vagues furieuses de la mer jetant l’écume de leurs infamies ; étoiles errantes à qui a été réservé l’obscurité des ténèbres pour toujours ».
Que Dieu préserve Ses saints et que, veillant et priant, nous puissions traverser de tels dangers en toute sécurité.
« Or Énoch aussi, septième depuis Adam, a prophétisé de ceux-ci, en disant : Voici, le Seigneur est venu au milieu de Ses saintes myriades pour exercer le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont impiement commises, et de toutes les paroles dures que les pécheurs impies ont prononcées contre Lui ».
C’est un oracle remarquable, qu’on ne peut justifier que par la puissance du Saint Esprit.
Il existe un livre traditionnel d’Énoch en langue éthiopienne, qui semble avoir été connu sous une forme grecque perdue depuis longtemps. Nous n’avons pas le grec, mais des érudits se sont efforcés avec tout le zèle possible de démontrer que Jude citait ce livre non inspiré, car il s’agit manifestement d’un livre de tradition juive et, d’après des preuves internes, il semblerait avoir été écrit après la destruction de Jérusalem. Mais il y a quelque chose qui apparaît, je pense, à quiconque lit ces choses avec de l’intelligence spirituelle, pas seulement avec de l’instruction : cet écrit diffère essentiellement, dans ce verset même, de ce que Jude nous donne par l’Esprit de Dieu, alors que certains prétendent que Jude en donne un extrait.
Comment Jude a-t-il pu citer les paroles d’Énoch, qui fut enlevé au ciel avant le déluge ? (il est tout à fait clair que Jude donne ces paroles comme des paroles d’Énoch, car il dit : « Énoch a prophétisé »). Je pense que pour nous qui connaissons la puissance de l’Esprit de Dieu, il n’y a pas de réelle difficulté à ce sujet. Il lui est tout aussi facile de rapporter ce qui s’est passé il y a trois mille ans que de rapporter ce qui s’est passé à l’époque des apôtres. Cela peut être un peu plus difficile pour ceux qui doutent de ce pouvoir ; mais nous sommes les derniers à devoir en douter.
Le fait est qu’aucune tradition n’a de valeur en dehors de l’homme, mais qu’une prophétie, si elle est vraie, vient nécessairement de Dieu. Nous n’avons aucune indication que la prophétie d’Énoch ait été transmise sous forme écrite, et il est tout à fait possible que le Saint Esprit l’ait redonnée à Jude. Je n’affirme rien à cet égard ; tout ce que nous savons, c’est que, quelle que soit la manière dont Jude a reçu cette prophétie, elle est divine. Nous savons qu’elle est donnée avec une certitude absolue et qu’elle possède l’autorité de Dieu.
Une particularité à noter est qu’il est dit : « Énoch aussi, le septième depuis Adam ». Les gens en ont fait un problème parce qu’ils ne le comprennent pas. Mais c’est très simple. Il y a eu plusieurs Hénoc ou Énoch.
Il y a eu un premier Hénoc, fils de Caïn. Il y a un sens clair et suffisant pour distinguer cet Hénoc de celui qui a prophétisé. Nous ne devions pas attendre de prophétie d’un fils de Caïn. Mais qu’Hénoc/Énoch soit monté au ciel d’une manière tout à fait remarquable — plus encore, à certains égards, que n’importe quel autre homme, plus encore qu’Élie, bien que ce dernier ait été un miracle d’une importance et d’un caractère similaires —, qu’Hénoc/Énoch ait été l’instrument la prophétie, nous pouvons tout à fait le comprendre, car il a marché avec Dieu, et il ne fut plus (Gen. 5:24). Ce n’est pas qu’il soit mort, mais « il ne fut plus », parce qu’il a été enlevé à Dieu ; cependant, avant de quitter le monde, il a prophétisé. Nous ne pouvons guère douter qu’il ait prophétisé sur les gens de son époque.
La prophétie prend toujours son point de départ dans le présent et dans la conscience de ceux qui sont vivants alors. L’objectif était d’avertir des terribles conséquences du mal qui persistait, et de la manière dont le mal qui apparaissait alors serait certainement jugé par Dieu en temps voulu. Mais l’Esprit de Dieu s’élance aussi vers la fin depuis le commencement. C’est le caractère commun de toute prophétie. On le retrouve en tout cas chez tous les prophètes. Je ne dis pas, bien sûr, que c’était toujours le cas lorsque la prédiction concernait quelque chose de nature purement ponctuelle, mais c’était le cas de ces tableaux moraux qui ne sont pas liés à un temps ou à une personne en particulier. On peut tout à fait comprendre que l’Esprit de Dieu en ait fait le véhicule de son regard vers le temps du jugement où il ne s’agira pas d’une action providentielle du Seigneur, comme le déluge, par exemple, mais — bien plus que de toute action figurative — de Sa venue personnelle réelle en jugement.
[WK a vu le livre éthiopien et lu deux traductions, l’une en
anglais, l’autre en français, lesquelles concordent. Ce livre enseigne un
jugement général par le Seigneur sur tous, aussi bien les saints que les
impies. Cette idée est conforme à l’idée courante dans la chrétienté, mais va à
l’encontre de la vérité de la Parole de Dieu selon laquelle ceux qui sont
croyants par la foi au Seigneur Jésus Christ sont exempts du jugement.
Ce livre paraît avoir été écrit, après la destruction de
Jérusalem, par un faussaire Juif qui nourrissait encore l’espoir que Dieu
soutiendrait les Juifs. Il a recopié ce qu’il avait sous les yeux, mais a omis
les « paroles dures proférées contre le Seigneur ».
En bref, Jude n’a jamais tiré sa prophétie d’Hénoc/Énoch d’une
simple tradition, ni de ce livre éthiopien. Il l’a reçue de Dieu. Comment ?
on ne le sait pas, bien sûr, mais c’est ce qui a eu lieu.]
« Ceux-ci sont des murmurateurs, se plaignant de leur sort, marchant selon leurs propres convoitises (tandis que leur bouche prononce des choses enflées – JND : d’orgueilleux discours), admirant les personnes en vue d’un profit. Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des paroles qui vous ont été dites auparavant par les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ : À la fin du temps, il y aurait des moqueurs marchant selon leurs propres convoitises d’impiétés. Ceux-ci sont ceux qui font des séparations, des hommes naturels n’ayant pas l’Esprit » (Jude 16-19).
« Ce sont des murmurateurs ». Murmurer est un péché plus grave que beaucoup ne pensent. Forcément, beaucoup de choses parmi les chrétiens ne se passent pas comme on voudrait. Supposons même le cas d’un homme de grande sagesse ; si les gens ne sont pas très bien fondés, ils sont toujours susceptibles d’être déçus par quelque chose chez lui. Il est naturel que les gens commencent à murmurer. Les Israélites étaient constamment dans ce genre de situation.
Il dit maintenant : « Il y a des murmurateurs », et il ajoute : « des gens qui se plaignent » — qui ne sont pas satisfaits de leur sort, selon le sens littéral du terme. Ce sont des personnes qui veulent être quelque chose de plus et de plus grand qu’elles ne sont, que ce à quoi Dieu les a appelées à être. Elles veulent être quelqu’un.
« Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent ». Quelle en est la cause ? « Ils marchent selon leurs propres convoitises ». La convoitise n’est pas nécessairement une simple convoitise grossière. Il y a des convoitises raffinées — la vanité, l’orgueil, l’ambition ; qu’est-ce que tout cela, sinon des convoitises ? Ce sont toutes des convoitises. Les convoitises du diable. Ce n’est pas le même genre de convoitises que les convoitises de la chair. Satan s’est enflé d’orgueil, et nous sommes mis en garde contre le fait de tomber dans la faute ou la « condamnation » du diable. Il apparait que les choses mentionnées dans ce verset sont très similaires : « leur bouche prononce d’orgueilleux discours, admirant les personnes en vue de leur propre profit ». Ils aiment faire la fête, surtout s’ils peuvent compter quelques riches parmi eux, « en vue de leur propre profit ».
J’attire particulièrement votre attention sur ce point. Énoch a prophétisé à leur sujet. Je ne connais rien de plus frappant que cela. Il y a les mêmes personnes aujourd’hui qu’au temps d’Énoch. Il ne fait aucun doute que ces gens vivaient à l’époque d’Énoch. Mais Jude nous mène jusqu’à la venue du Seigneur. Les gens qui seront sur la terre lorsque le Seigneur viendra seront du même genre de méchanceté qu’aux jours d’Énoch et de Jude. Le mal continue. Le mal conserve son caractère terrible — la malignité et la rébellion contre Dieu, l’égoïsme et toutes les choses terribles qui sont si entièrement opposées à Christ. Énoch a prophétisé sur ces gens et sur le jugement qui les attend.
« Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous » — pour le confirmer ! — « des paroles qui ont été dites auparavant par les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ, comment ils vous ont annoncé qu’à la fin du temps il y aurait des moqueurs marchant selon leurs propres convoitises d’impiétés » (Jude 17, 18).
Il y a au moins deux de ces apôtres. C’est tout à fait suffisant. Il est très probable que les autres apôtres ont enseigné les mêmes choses de bouche à oreille. Cette mise en garde contre ces personnages, a été écrite par deux apôtres autres que Jude, l’une par l’apôtre Paul, l’autre par Pierre dans ses deux épîtres. Dans sa première épître, Pierre dit que le temps vient où le jugement doit commencer par la maison de Dieu, et le jugement sur ce genre d’impiété se met alors en place ; mais dans sa deuxième épître, il y a beaucoup plus. Je pense que Jude va encore plus loin, et que son épître a été écrite après la deuxième épître de Pierre, et que c’est pour cette raison que le mal est plus avancé. Pierre parle d’hommes injustes, Jude parle d’hommes qui semblaient autrefois avoir la vérité et qui l’ont perdue à cause de leur mauvaise vie, de leurs mauvaises habitudes, de leur orgueil, de leur vanité ou quoi que ce soit d’autre. C’est tout à fait courant. Par courant, je ne veux pas dire qu’un très grand nombre se manifeste de cette manière, mais que c’est un péché qui éclate de temps en temps.
Depuis que les « Frères » existent, il y a eu les cas les plus terribles de gens qui ont abandonné toute la vérité. Le plus grand infidèle des temps modernes a été l’un des premiers « frères ». C’était un homme très intelligent, qui a renoncé à sa bourse à Balliol pour se rendre dans le monde d’orient, parmi les Arabes, les Perses et autres, afin d’y annoncer l’Évangile. Il semblait dévoué au Seigneur. Mais même en partant, il a trahi le fait qu’il n’était pas du tout un vrai croyant. Comment l’a-t-il fait ? En doutant de la pleine déité du Seigneur Jésus ; et lorsqu’il revint, les frères s’informèrent à ce sujet. Il y avait eu des bruits qui couraient à ce sujet avant son retour, mais il était alors à l’écart, de sorte que jusqu’à son retour il n’était pas possible de le traiter équitablement ou de l’examiner à fond, et pas seulement sur des on-dit. À son retour, on l’a vu et on lui a écrit, et ses paroles étaient celles d’un incroyant ; on lui a donc refusé toute place dans notre communion. Après cela, il alla parmi les dissidents qui l’accueillirent de tout cœur, et il prêcha dans leurs chapelles et fut très apprécié par eux, d’autant plus qu’il s’en prenait vivement aux « frères ». À cette époque, il semblait encore pieux dans ses manières extérieures et lisait encore la Bible. Mais peu à peu, il abandonna tout et en rendit compte dans un livre qu’il écrivit et qui portait un titre tout à fait anormal, car il semblerait qu’il n’ait jamais vraiment eu la foi. C’était un homme très impressionnable, qui prenait facilement la couleur de ceux qu’il côtoyait. Il appréciait et était charmé par le son de la vérité, et pensait la posséder, mais je crains qu’il ne l’ait jamais eue. C’est ainsi qu’il a vécu, et c’est ainsi, je le crains, qu’il est mort. D’autres personnes moins éminentes ont connu une fin similaire, peut-être moins détonnante, mais tout aussi triste. Certains d’entre eux ont été un temps en communion et ont semblé être des personnes très honorées pendant un certain temps, avant d’être vraiment connus. Ce genre de chose correspond à ce que nous avons ici.
Il y avait de telles personnes parmi eux, et pas seulement des docteurs-enseignants. Pierre parle de docteurs, mais Jude les considère plus largement ; ils sont évidemment responsables, même s’ils ne sont pas des docteurs-enseignants. Si d’autres déshonorent le Seigneur sans être enseignants, ils sont responsables. Il y a ce caractère dans Jude : ils sont apostats de la vérité, et n’ont pas encore quitté la communion. C’est précisément ce qu’il dit. C’est là qu’ils sont, bien qu’il soit probable que personne d’autre que Jude, qui a vu ces personnes, n’ait pu en parler ; Pierre les a vus là où il était. Ils semblaient assez honnêtes, comme beaucoup à l’époque, où telle personne dont il est question était en communion. Beaucoup ne voulaient pas en croire un mot. Ils pensaient que c’était un homme très bon et qu’il était scandaleux de parler de lui tant soit peu. Ils n’ont jamais pu voir jusqu’à ce que la chose éclate. Nous ne sommes pas tous des « yeux » dans le corps. Nous pouvons avoir une place importante. La main ou le pied peuvent faire un travail que l’œil ne peut pas faire, et il y a ceux qui peuvent voir bien avant les autres ; et il est important que les gens fassent appel à ceux qui ont prouvé leur compétence particulière. Sinon, on risque de se tromper.
C’est une chose immense de dire que nous n’avons pas seulement des enseignants et des prédicateurs pour répandre la vérité malgré leur faiblesse et leur risque d’erreur, mais nous avons aussi ceux qui ont été préservés de l’erreur dans ce qu’ils ont écrit, absolument préservés de l’erreur ; et ceux-ci sont ici présentés devant nous comme les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ. Ils étaient des hommes ayant les mêmes passions que nous, mais la particularité de ces apôtres et prophètes est qu’au milieu de leur faiblesse, ils ont été préservés — ce n’était pas, il est vrai, une perfection absolue comme Christ — mais ils ont été parfaitement préservés de l’erreur dans ce qu’ils ont écrit. Et cela est d’autant plus remarquable que cela s’est produit en une seule génération. Ce n’était pas comme la succession d’écrits qui a existé dans l’ancienne dispensation de Dieu (Ancien Testament). Mais la grande particularité pour l’église et pour les chrétiens est que nous n’avons pas simplement des paroles parfaites pour leur but, et des paroles données fidèlement par Dieu au milieu de toutes les erreurs d’Israël, mais maintenant nous avons une révélation parfaite à tous égards, par des hommes, eux-mêmes imparfaits, mais néanmoins gardés et habilités par le Saint Esprit à dire la vérité sans la moindre erreur.
Il y a deux choses dans les paroles des apôtres : la première, c’est les pensées de Dieu pour la gloire de Christ, nous les trouvons dans tous les livres du Nouveau Testament. Mais au milieu de ces paroles, et plus particulièrement dans les derniers temps où ces paroles ont été données, nous avons les avertissements les plus solennels que l’on puisse trouver dans toute la Bible. Ce n’est pas du tout que toutes ces caractéristiques du mal soient apparues de manière à ce que les chrétiens puissent les discerner, mais elles sont apparues suffisamment pour que les apôtres les discernent.
Les leçons pour nous guider dans la pratique se trouvent donc dans les paroles des apôtres. C’est par eux que nous avons reçu la pleine vérité de Dieu. Aucune erreur ne s’est jamais glissée dans l’église sans qu’il y soit pourvu là. Toutes les bonnes choses que Dieu avait à révéler, sont révélées là.
En effet, nous ne sommes pas censés être des inventeurs, ni faire des découvertes, comme les hommes de science. S’il y a des inventions dans les arts et des découvertes dans les sciences, c’est parce que tout est imparfait. Mais la perfection est ce qui caractérise la parole de Dieu — non pas simplement une perfection relative, notamment relative à l’état d’Israël à différentes époques, mais une perfection absolue. Qu’est-ce qu’apporte cette perfection absolue ? Elle apporte Christ. Voilà la clé de tout ce qui est béni, de tout ce qui est très béni. Voilà ce qui explique ce qui est tout à fait particulier. C’est selon Christ que toute la vérité soit répandue, sans réserve, pourvoyant parfaitement à tout ce qui pourrait arriver au cours des âges qui suivraient jusqu’à aujourd’hui — et cela de manière à ce que nous n’ayons jamais à chercher en dehors de l’Écriture la preuve d’une quelconque erreur, et aussi pour alimenter tout ce qui est bon. Tout est dans la Parole, cette Parole que nous avons reçue. L’Ancien Testament a toute sa valeur, mais il reste général. Nos instructions spéciales se trouvent dans le Nouveau Testament, car évidemment il n’y avait pas de chrétien au temps de l’Ancien Testament. Ils étaient croyants, mais pas chrétiens. Un chrétien est un homme qui ne se contente pas d’attendre les promesses, mais qui a les promesses — accomplies en Christ. Bien sûr, les saints de l’Ancien Testament n’avaient pas reçu cela, et l’église a été quelque chose d’absolument nouveau. Il ne s’agissait pas seulement de promesses accomplies, mais du mystère révélé : le mystère qui était caché en Dieu jusqu’à ce moment-là. Il n’y en avait aucune révélation dans l’Ancien Testament. Maintenant, il est révélé et il nous est donné. Et comment ? Par ces écrits parfaits du Nouveau Testament, qui ne laissent rien à désirer, rien que la foi ait à désirer ; mais beaucoup de matière sur quoi l’incrédulité veut ajouter, ou qui la pousse à s’éloigner encore plus ; mais rien qui manque à la foi. Nous avons tout ici, et il ne tient qu’à notre foi de le discerner, et de le mettre en pratique.
C’est pour cette raison que les écrits du Nouveau Testament ont tous surgi en une seule génération. Jean, le dernier de tous, est celui qui a vu le Seigneur dès le commencement. Il était non seulement l’un des apôtres, mais aussi l’un des deux premiers à avoir suivi le Seigneur Jésus et à être entré dans une relation vivante avec Lui ici-bas. Et il a été gardé ici-bas, au-delà des autres, dans la sagesse de Dieu. Mais nous avons aussi un autre exemple de ceux qui ont été éminemment favorisés et qui ont été utilisés de façon remarquable : Bien que Jude n’ait écrit qu’une courte épître, elle contient beaucoup de choses.
Revenons maintenant à ce que nous avons déjà abordé : « Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des paroles qui ont été dites auparavant par les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ, comment ils vous disaient qu’à la fin du temps, il y aura des moqueurs marchant selon leurs propres convoitises d’impiété ».
Il ne s’agit pas seulement d’hommes injustes ou sans foi ni loi, mais de l’un des pires aspects du mal, les « moqueurs ». Dans l’Ancien Testament (2 Rois 2:23-24), s’agissant d’enfants qui ne pouvaient pas se retenir de faire de l’humour — un très mauvais humour et de très mauvaises manières — ils se moquèrent du vieux prophète, d’Élisée. Or même lui, l’homme de grâce, a sans doute été conduit par Dieu à appeler les ours qui les ont tous déchirés.
Nous constatons ici qu’il ne s’agit pas de petits enfants dans leur folie (car nous savons que « la folie est liée au cœur du jeune enfant », Prov. 22:15), mais d’hommes qui prétendent avoir de la sagesse ; et la façon dont ils le montrent, c’est en se « moquant » ! « À la fin du temps, il y aurait des moqueurs marchant selon leurs propres convoitises d’impiété » — des convoitises de choses impies. C’est plus fort que simplement des moqueries. Leurs convoitises étaient selon l’impiété. C’est ce qui caractérisait leur convoitise. Ce n’est pas un terme vague, c’est une expression très succincte : « des convoitises d’impiété ». C’est une chose terrible. Et d’où cela résulte-t-il ? Je ne dirai pas que cela résulte du christianisme, de la vérité (Dieu nous en préserve !), mais cela résulte du fait qu’ils étaient là, que leur cœur s’en est fatigué et qu’ils en sont devenus les ennemis. Il n’y a rien de plus béni qu’un chrétien marchant dans la simplicité. Il n’y a rien de plus terrible qu’un chrétien qui abandonne le christianisme et qui devient un moqueur selon les convoitises de sa propre impiété. C’est ce qui est décrit ici, et ce à quoi l’auteur nous prépare. Personne n’aurait pu croire cela dans les premiers temps.
Autrefois, ces moqueurs avaient l’air correct. Ils parlaient correctement. Ils furent reçus, ils furent baptisés ; ils se sont souvenus du Seigneur Jésus, en prenant part à l’assemblée, sans aucun doute. Il se peut qu’ils aient été des prédicateurs, c’est très probable ; mais ici, il est évident qu’ils étaient livrés à leurs propres convoitises d’impiété et qu’ils étaient des moqueurs ; par conséquent, ils se sont tournés avec la plus grande méchanceté et la plus grande haine contre cette vérité qui les séparait autrefois du monde. Ils se disaient croyants, mais il est évident qu’ils étaient en réalité les émissaires de Satan. Les épîtres (parmi les dernières de la Bible), ainsi que les apôtres de notre Seigneur, ont établi que ces moqueurs devaient venir au dernier temps. Le dernier temps devait donc être particulièrement mauvais, et il est très solennel de constater que maintenant nous nous trouvons pleinement dans cette période. Je ne dis pas que ce temps ne peut pas être prolongé : cela dépend entièrement de la volonté de Dieu. La durée du mal peut être aussi longue que la durée de la tranquillité. Il y a la tranquillité pour l’un, et elle peut se terminer par un abandon plus grand que jamais, ou bien elle peut être le moyen de se repentir et de s’extirper de ces efforts de l’ennemi.
Mais ici, en tout cas, il déclare : « Ce sont ceux qui se séparent, des hommes naturels, n’ayant pas l’Esprit » (Jude 19).
Il est important de comprendre ce verset, car le Nouveau Testament mentionne différentes sortes de séparations. Parfois, il s’agit d’une séparation intérieure ; parfois, il s’agit d’une séparation extérieure ; parfois, la séparation prend le caractère de partis qui se joignent quand même au reste dans les observances extérieures, mais dont l’esprit est tout différent. Ce sont là les personnes auxquelles l’apôtre fait référence en Romains 16 : des personnes « qui causent des divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise » (Rom. 16:17). Cette doctrine était celle où nous devrions marcher, non seulement extérieurement ensemble, mais aussi intérieurement, avec un véritable amour. Il est vrai que ce n’est pas toujours en approuvant ce que chacun peut faire et dire, mais avec le désir sincère que les choses aillent bien et que ceux qui sont pris par l’ennemi en aucune façon soient délivrés.
Les personnes dont il est question en Romains 16 ne devaient pas être « écartées », mais évitées ; et l’objectif de les éviter était de leur faire sentir et réfléchir sur ce qu’elles étaient. Supposons qu’il s’agisse de prédicateurs ou d’enseignants ; les éviter revenait à ne pas les inviter ou, s’ils s’invitaient eux-mêmes, à ne pas accepter leur offre. Bien sûr, vous pouvez comprendre qu’ils n’aimeraient pas cela, à moins qu’ils ne soient vraiment brisés dans leur esprit. Dans ce cas, tout se terminerait bien, mais s’ils étaient déterminés à faire leur propre volonté, ils devraient être évités comme le dit l’apôtre, et s’ils n’étaient pas content qu’on les évite et qu’ils devenaient amers, l’effet serait qu’ils feraient une division extérieurement s’ils le pouvaient, au lieu de faire une division intérieurement. Ils « sortiraient » eux-mêmes, et essaieraient d’entraîner d’autres.
Il y a des esprits de ce genre. D’abord, ils ont au-dedans un esprit aliéné et égoïste ; et comme cela est blâmé par tous ceux qui ont à cœur le bien des saints et la gloire du Seigneur, ils en éprouvent un vif ressentiment, et, au lieu d’être brisés et de se juger eux-mêmes, ils deviennent pires, et alors ce n’est plus une division « au-dedans », mais « au-dehors », qu’ils opèrent. La première division est appelée schisme, la seconde une hérésie. J’insiste particulièrement auprès de tous ceux qui ne l’ont pas encore remarqué pour qu’ils sachent que, dans l’Écriture, le terme « hérésie » ne signifie pas du tout « mauvaise doctrine ». Il peut, bien sûr, y avoir une mauvaise doctrine qui aille avec, auquel cas il s’agit plutôt d’hétérodoxie — une doctrine étrangère. Il existe des termes appropriés pour toutes les formes de mal : mensonge, tromperie, blasphème et autres. Mais l’hérésie, c’est la volonté propre qui ne se soucie pas le moins du monde de la communion de l’assemblée, et qui s’accroche tellement à son objet qu’elle diffuse au dehors. C’est ce qui est appelé hérésie. C’est ce que l’apôtre veut dire en 1 Cor. 11. Il dit : « Il y a des divisions (ou schismes) parmi vous… car il faut qu’il y ait aussi des hérésies (ou : sectes ou écoles de pensée) parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient manifestes parmi vous » (1 Cor. 11:18, 19).
Mais il n’y a pas de « il faut » ou « il doit y avoir » quand il s’agit d’hétérodoxie. Les gens peuvent rester, et aiment rester, avec leur hétérodoxie, mais l’hérésie ne signifie pas une mauvaise doctrine, bien que cela puisse aller de pair avec elle. Cela signifie que les gens peuvent s’enflammer dans leur zèle et, être réprouvés à cause de leur esprit de parti, ils refusent de le supporter plus longtemps et s’en vont. Ils se détachent de la communion et forment quelque chose de nouveau qui n’a pas l’approbation de la parole de Dieu. C’est ce qui est appelé hérésie dans l’Écriture. La doctrine peut être assez saine d’une manière générale. Il n’y a peut-être pas de blasphèmes, ni d’hétérodoxie à proprement parler, mais le cœur est entièrement dans son tort et cherche ses propres intérêts et non pas ceux de Jésus Christ.
Ainsi, dans le verset qui nous occupe, « Ceux qui se séparent » signifie ceux qui se séparent « au-dedans », et pas du tout « au-dehors ». C’est ce qui ressort clairement de la première partie de cette épître : « Car certains hommes se sont glissé furtivement (*), inscrits jadis à l’avance pour ce jugement, des hommes impies, qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution, et qui renient notre seul Maître et Seigneur Jésus Christ » (Jude 4). Certains hommes se sont glissés à l’intérieur. Ce sont les mêmes personnes dont Jude parle tout au long de son épitre. C’est furtivement qu’ils s’étaient « glissés », et non pas « étaient sortis ». C’est ce qui donne toute leur force aux mots : « ceux qui se séparent eux-mêmes ». Nous pouvons facilement le comprendre si nous gardons à l’esprit les Pharisiens. Les Pharisiens ne se sont jamais séparés d’Israël, mais le nom même de Pharisien signifie « séparatiste ». Ils étaient des séparatistes au sein d’Israël. Il y avait des séparatistes au sein de l’église, et dans les deux cas, ils ne sortaient pas, mais ils constituaient un parti d’orgueil et de propre justice à l’intérieur de l’église. Et qui sont-ils ? Des hommes impies, des hommes fiers d’eux-mêmes, des hommes qui avaient des convoitises méchantes. Ce sont des personnes qui présumaient une fidélité prééminente ; et je crois que vous constaterez généralement qu’il en est ainsi de sorte que, étant livrées à leurs illusions, ces personnes ont toujours une très haute opinion d’elles-mêmes. Quelle que soit leur violence, quelle que soit le mal dans leur esprit, elles se prétendent plus particulièrement fidèles, et elles dénoncent sans mesure tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin. C’est exactement la classe décrite ici.
(*) note bibliquest : le mot « furtivement » figure dans la version Darby anglaise et dans la version anglaise du Roi Jacques. Si ce mot est absent dans la version Darby française, il semble plutôt qu’il a été estimé que l’idée en était incluse dans le mot « glissé ». — Le mot « furtivement » figure en 2 Pierre 2:1.
« Ce sont ceux qui se séparent eux-mêmes ». Quelle sorte d’hommes étaient-ils ? « Des hommes naturels ». Il est important de comprendre le sens du mot. Tout homme a une âme, converti ou non. Lorsque nous croyons, nous recevons une nature que nous n’avions pas auparavant, nous recevons la vie en Christ. Les hommes décrits ici n’avaient rien d’autre que leur âme naturelle. Ils n’avaient pas reçu la vie en Christ. Ils étaient simplement des hommes « naturels ». Le texte de certaines versions donne « sensuel » au lieu de « naturel » ; dans la langue ordinaire, le terme « sensuel » est souvent utilisé pour désigner les personnes qui se livrent à des activités immorales. Il se peut que ces personnes en Jude aient été de la sorte, mais ce n’est pas le sens du mot. Le sens du mot est qu’ils étaient simplement des hommes « naturels ». C’est le même mot qui, en 1 Cor. 2:14, est traduit par « homme naturel », en contraste avec « l’homme spirituel ». Il ajoute donc ici « n’ayant pas l’Esprit ».
Or, ne pas avoir l’Esprit, c’est ne pas avoir ce qui est le grand privilège du chrétien. C’est la grande différence entre un croyant d’aujourd’hui qui se repose sur la rédemption, et un croyant de l’Ancien Testament. Ces derniers attendaient l’Esprit pour le temps du Messie. Bien que le Messie ait été rejeté, le Saint Esprit a été répandu sur nous, mais non pas sur ceux qui attendent encore le Messie. Les Juifs L’attendent encore et n’ont pas l’Esprit. Ces hommes en Jude, bien qu’ils aient pris leur place dans l’église, n’avaient pas l’Esprit. Ils étaient des hommes naturels. Il nous est donc présenté ce développement supplémentaire du terrible mal qui s’était introduit déjà à l’époque, bien que la grande masse des saints, vous pouvez en être sûrs, ne l’avait guère compris ni perçu ; et c’est pourquoi il était de la plus haute importance que les apôtres l’aient saisi, et qu’il y ait eu des hommes inspirés à ce sujet, ou, en tout cas, des instructions inspirées à l’égard de ce à quoi les gens n’auraient pas été du tout préparés ; les gens auraient considéré cela comme une image très féroce et terrible, sans fondement valable ; ils auraient pensé que c’était tout transformer vers le pire au lieu d’aller vers le meilleur. Mais l’Esprit de Dieu donne la vérité telle qu’elle est.
Nous arrivons maintenant à une parole très consolante. « Mais vous, bien-aimés, vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, priant par (ou : dans) le Saint Esprit, conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle » (Jude 20, 21).
Nous n’avons donc pas à être abattus, nous n’avons pas à être découragés, même par ces images terribles du mal. Elles sont révélées pour que nous ne soyons pas trompés, pour que nous sachions vraiment quel est l’état réel du christianisme aux yeux de Dieu, au lieu de céder à de fausses attentes et à des jugements erronés et imparfaits de notre part. Mais même face à tout cela, il y a cet appel à ces saints bien-aimés à s’édifier sur leur très sainte foi. Cet appel est formulé avec beaucoup de soin. Il n’est pas du tout question dans cette épître de leaders, de guides, de gouvernants, de prédicateurs ou d’enseignants. D’une manière générale, pour autant qu’il y en eût, ils avaient un très mauvais caractère, non pas bien sûr que tous ceux qui prêchaient ou enseignaient étaient ainsi, mais beaucoup de ces catégories l’étaient particulièrement. Les saints eux-mêmes sont exhortés ici en direct.
Ils ne doivent pas abandonner leurs privilèges, ni s’imaginer, du fait du mal si abondant en leur temps, qu’ils ne doivent pas être très heureux. Ils sont consolés par le fait que la bénédiction leur est parfaitement ouverte, et qu’ils sont appelés à avoir plus de foi que jamais. Il n’y a pas d’époque où la foi brille davantage que dans les jours sombres, et il n’y a pas d’époque où l’amour est plus évident que lorsqu’il n’y a pas beaucoup à aimer et pas beaucoup qui aiment, mais où règne l’égoïsme et l’indifférence, et où les gens se soucient d’autres objets et les font passer avant ce qui est impérissable.
« Mais vous, bien-aimés, vous édifiant sur votre très sainte foi ».
C’est le seul passage du Nouveau Testament où la foi est appelée notre « très sainte foi ». On aurait pu penser que lorsque les choses vont si mal manifestement, il ne faut pas être trop rigoureux, trop exigeant, qu’il ne faut pas s’attendre à être aussi soigneux qu’au jour de la Pentecôte. Or, loin de là, nous avons besoin de faire preuve de davantage de soin. Et au lieu de l’appeler simplement la foi sainte, ou la foi précieuse, Jude l’appelle « votre très sainte foi ». En bref, les saints sont encouragés à s’attacher à la vérité dans toute sa puissance sanctifiante. On ne saurait trop insister sur « la foi des élus de Dieu » (Tite 1:1). Je ne parle pas ici de la foi considérée comme étant dans le saint, mais de « la foi » considérée en elle-même. C’est la foi comme ce que nous croyons, qui est le sens ici. Il ne s’agit pas de glorifier des individus, mais de ce que ces individus reçoivent de Dieu. C’est ce que Jude appelle « la foi ». Il y a une grande différence entre « de la foi » et « la foi ». Ici, c’est « la foi ». Avoir de la foi est une qualité de vous, de moi et de tout croyant. Mais ce n’est pas le sens ici, qui est « la foi une fois transmise aux saints », comme Jude le dit dans cette même épître.
C’est ainsi qu’il faut voir la foi. On peut dire que la foi vient de Dieu, est descendue du ciel, a été révélée par les apôtres, — par Christ Lui-même en particulier. Là, il y a eu « la foi » : ce que nous sommes appelés à croire ; ce qui nous sépare pour Dieu d’avec tout ce qui est ici-bas. Ici, nous avons la même foi, sauf qu’elle n’est plus qualifiée de foi « transmise une fois pour toutes aux saints », bien que cela reste vrai. Ici, elle est qualifiée de « très sainte ». Quoi ! aurait-elle été souillée ? Aurait-elle été abaissée ? Malheur à ceux qui le prétendent ! « La foi est la même foi qu’au jour de la Pentecôte, la même foi que Pierre, Paul et tous les autres apôtres ont prêchée. Et nous avons Pierre et Paul, c’est-à-dire que nous avons leurs paroles. Nous avons les paroles prononcées de la manière la plus soigneuse qui ait jamais eu lieu. Nous avons les paroles qu’ils ont été inspirés par Dieu à écrire. Nous ne nous contentons donc pas d’écouter certains des premiers pères qui parlent d’un homme qui a vu et entendu l’apôtre ; et celui qui a fait cela paraît avoir été un pauvre vieillard insensé ! C’est fort probable. Que gagnez-vous à mettre un pauvre vieillard insensé entre vous et l’apôtre ? Rien ou presque. Mais Pierre, Paul et Jude n’étaient pas idiots, et quoi qu’ils aient pu être en eux-mêmes, il y avait la puissance du Saint Esprit qui leur a donné la vérité de Dieu absolument intacte ; et ici, maintenant, c’est Sa parole, et nous entrons en contact personnel avec elle par la foi. Nous qui croyons, nous recevons cette « très sainte foi », et qui plus est, nous sommes appelés, chacun d’entre nous, à agir d’après elle maintenant.
Et que devons-nous en faire ? Non seulement nous la communiquons à d’autres, mais nous « nous édifions nous-mêmes sur notre très sainte foi ». Rien, par conséquent, ne peut donner une image plus belle des ressources de la grâce pour un temps aussi mauvais imaginable comme celui que nous avons ici. « Vous, bien-aimés, vous édifiant sur votre très sainte foi ». Il ne s’agit pas de s’appuyer sur un petit bout de foi, ni sur la foi qui vous a été donnée par l’intervention d’un pauvre vieillard insensé. Non, elle est là, toute fraîche de la part de Dieu, gardée fraîche et sainte, sans mélange à quoi que ce soit qui puisse l’abaisser.
« Prier par le Saint Esprit ».
Qu’y a-t-il de mieux que cela ? Il y avait des hommes qui parlaient en langues par le Saint Esprit. Pensez-vous que cela soit à moitié aussi bien que « prier dans le Saint Esprit » ? L’apôtre Paul dit que les hommes qui parlaient en langues dans le Saint Esprit devaient retenir leur langue jusqu’à ce qu’un interprète soit présent pour traduire ce qu’ils disaient en langue intelligible pour les autres. C’était une véritable puissance de l’Esprit de Dieu, mais elle ne devait pas être exercée en l’absence d’interprète. Inversement, imaginez l’apôtre réduisant au silence un homme priant dans le Saint Esprit ! Impossible ! c’est tout le contraire [qui pouvait seul avoir lieu]. Beaucoup de prières ne sont pas par le Saint Esprit. Et nous ne sommes pas du tout appelés à prier uniquement par le Saint Esprit. Heureux celui qui le fait, et heureux ceux qui entendent une prière par le Saint Esprit. Et quand il y a une prière par le Saint Esprit, tout est parfaitement acceptable pour Dieu, chaque mot l’est. Chaque mot d’une telle prière exprime parfaitement ce que Dieu veut dire à ce moment-là. Mais il y a des prières qui commencent par l’Esprit et ne se terminent pas par l’Esprit. Les prières sont souvent assez mélangées, et c’est vrai même pour les vrais croyants ; et parfois nous prions bêtement, parfois nous prions de manière inintelligente ! Ceci n’est jamais par le Saint Esprit.
Et, qui plus est, nous sommes encouragés à prier en tout temps, même si nous disons des bêtises. Très bien ; il vaut mieux les dire que de se taire, c’est même bien mieux. Parce que la prière est l’épanchement du cœur vers Dieu, et elle peut être comme les paroles d’un enfant bavard à son père ou à sa mère. Il n’y a pas de mal à ce que l’enfant bavarde, c’est bien mieux que d’être muet. Mais le mieux, c’est la prière par l’Esprit de Dieu ; or, c’est une chose à désirer plutôt que de présumer que nous y sommes arrivés. Nous devons faire très attention à ne pas nous attribuer plus d’activité par le Saint Esprit que nous n’en possédons réellement. Cela suppose une dépendance totale, aucune pensée de soi, aucune opposition à ceci ou à cela.
Il y a des choses qui, hélas, peuvent exister, et qui affaiblissent et empêchent de « prier par le Saint Esprit ». Mais ici, vous voyez la même grâce qui, même dans les jours les plus sombres, encourage les saints « à s’appuyer sur leur très sainte foi », au lieu d’avoir des pensées du genre : « Oh, c’est inutile de chercher cela maintenant ; quand Pierre ou Paul étaient là, on pouvait avoir la très sainte foi, mais comment pourrait-elle être garantie maintenant ? » — Eh bien, elle est là, dans cette précieuse Parole. Ceux qui s’attachent à cette précieuse Parole, la découvriront, et si leur cœur en est rempli, leur bouche en parlera abondamment ; il n’y a aucune raison de se décourager, bien au contraire.
Ainsi, dans ce verset 20, nous avons deux des choses les plus importantes possibles :
« Gardez-vous dans l’amour de Dieu ».
Jude examine ici le résultat pratique de ces deux choses. « Gardez-vous dans l’amour de Dieu ». Pourrions-nous nous maintenir dans quelque chose de mieux ? Y a-t-il jamais eu quelque chose de plus élevé que de se garder dans l’amour de Dieu ? L’amour est de Dieu, et nous avons à nous y maintenir, au lieu de nous laisser provoquer par les mauvaises choses qui nous entourent, au lieu d’y céder parce que les autres cèdent. Cela suppose nécessairement une grande confiance en Dieu, et la jouissance de ce qu’est la nature même de Dieu, l’activité de Sa nature. La lumière est le caractère moral de la nature de Dieu ; l’amour est le caractère actif de la nature de Dieu. La lumière ne permet aucune impureté ; l’amour s’épanche pour la bénédiction des autres. Nous sommes appelés à nous maintenir, non seulement dans la lumière de Dieu — nous y sommes, nous y sommes amenés en tant que chrétiens — mais aussi dans l’amour de Dieu. Nous ne sommes pas censés en douter. Nous devons rester frais, simples et confiants dans Son amour.
Et Jude ajoute : « attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle ». Je pense que la miséricorde est évoquée ici surtout à cause du grand besoin, à cause des détresses, à cause des faiblesses, à cause de tout ce qui tend à abattre les gens. Non, dit-il, ne soyez pas abattus, attendez la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ. Est-ce seulement occasionnellement ? Non, c’est tout au long du chemin, jusqu’à la fin — « jusqu’à la vie éternelle », le grand accomplissement. Mais cela ne pouvait avoir lieu à moins qu’ils n’aient déjà la vie éternelle maintenant ; mais cette miséricorde de Dieu, « de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle », vise le plein accomplissement céleste.
Nous arrivons maintenant à un passage qui me semble exceptionnellement difficile à expliquer, et ce pour la raison suivante : les autorités originales et les meilleures autorités sont dans la confusion entre elles à ce sujet. Cela est très rare dans le Nouveau Testament, mais c’est le cas ici. Toutes les grandes autorités vont dans tous les sens dans le témoignage qu’elles donnent de ces deux versets (Jude 22, 23). Et, pour vous montrer les grands écarts, la version « Autorisée anglaise, version du roi Jacques », comme on l’appelle, ne considère que deux cas : « Quant aux uns, ayez de la compassion, faisant une différence » — c’est une classe ; « quant aux autres, sauvez-les avec crainte, les tirant du feu, haïssant même le vêtement souillé par la chair » — c’est la seconde classe.
Or je crois qu’il y a trois classes, non pas deux seulement. Cela montre à quel point il y a incertitude, bien que, comme je l’ai dit, je sois très loin de prétendre donner plus que mon jugement dans la mesure où le Seigneur me permet d’en former un. Je suis certainement ouvert à tout ce qui pourrait être démontré contraire, mais jusqu’à présent, personne ne l’a démontré, absolument personne. Je pense que ceux qui connaissent le mieux le sujet sont ceux qui en ont parlé avec le plus de prudence. Beaucoup de ceux qui ont confiance en eux-mêmes ont tendance à parler avec plus d’assurance.
[Version Autorisée du Roi Jacques :
« De quelques-uns, ayez compassion, faisant une différence ; d’autres, sauvez-les avec crainte, les arrachant hors du feu, haïssant même le vêtement souillé par la chair ».
Version Darby française :
« et les uns qui contestent, reprenez-les ; les autres sauvez-les avec crainte, les arrachant hors du feu, haïssant même le vêtement souillé par la chair » (Jude 22,23).
Version Darby anglaise : elle donne le même texte que la « version Autorisée » anglaise, mais avec une note donnant une version alternative semblable à ce que propose W.Kelly, à savoir :
« et les uns qui disputent, corrigez-les ; et d’autres, sauvez-les, les arrachant hors du feu ; et d’autres ayez pitié avec crainte »]
Tout d’abord, Jude dit : « Quelques-uns, condamnez (ou : déclarez coupables) quand il y a contestation » (*). Voilà l’idée : « quand ils disputent », non pas « faisant une différence » comme pour faire preuve de compassion. Le fait est que la compassion appartient à une autre (troisième) classe, pas du tout à cette première, pour autant que je puisse juger, — juger d’après l’examen de toutes les autorités et en utilisant l’une pour corriger une autre. C’est à cela qu’on aboutit dans ce cas singulier, ce qui est très exceptionnel chez les grands témoins des originaux ; mais Dieu s’est plu, dans ce cas particulier, à ne pas empêcher leurs divergences.
Certains donnent alors « Condamnez quand ils disputent ». Je pense que c’est le sens de la formule. « Faisant une différence », comme dans la version « Autorisée », doit plutôt être : « quand ils disputent ». Bien sûr, ce sont les gens condamnés qui font la dispute, au lieu que ce soit la personne qui fait preuve de compassion en faisant une différence parmi eux. L’idée est tout à fait différente. La première classe, dans ce verset 22, a été donnée (à mon avis) de façon très erronée dans la version Autorisée.
(*) ἐλέγχετε AC*, les meilleurs cursives, et diverses versions, διακρινομένους ℵABC, de bonnes cursives, Vulgate., Syriaque, Armen. — Text. Rec. ἐλεειτε διακρινόμενοι KLP, etc.
Ensuite, au lieu de « déclarer coupables » des gens de manière à les laisser sans excuse pour leur esprit de dispute, la seconde classe considérée est : « d’autres sauvez-les, les tirant hors du feu » ;
puis, une troisième classe, « et d’autres, ayez pitié avec crainte (*), haïssant même le vêtement souillé par la chair » (Jude 23).
(*) σώζετε ἐκ πυρὸς ἁρπάζοντες ℵABC, meilleures cursives, Vulg. Memph., Arm., Aeth., οὓς δὲ ἐλεᾶτε ἐν φόβῳ ℵA (ἐλεῖτε) B, Vulg. Memph., Arm., Aethiop. — Text. Rec. ἐν φόβῳ σώζετε ἐκ τοῦ πυρὸς ἁρπάζοντες KLP, etc.
Voilà donc les trois classes :
Tout cela tend à compléter le tableau du danger pour les âmes. Au milieu, il y a l’importance majeure de la grâce, mais la vérité est maintenue dans toute sa puissance. Notez que ce sont les mêmes personnes qui s’édifient sur leur très sainte foi qui ont à faire ces tâches. La responsabilité de ce travail incombe à ceux qui sont parfaitement heureux et qui marchent avec Dieu. Ce sont ces personnes qui seraient capables de faire taire les contestations, si on voulait que quelqu’un le fasse.
Mais même les apôtres ne pouvaient pas toujours réduire au silence les contestataires. L’apôtre Jean parle des « paroles méchantes » de Diotrèphe. Ces paroles étaient dirigées contre lui-même, et même un apôtre ne pouvait rien y changer. L’apôtre Paul s’est plaint des « mauvais ouvriers » qui prétendaient être autant apôtres que lui, sinon plus. Il en parle en termes très tranchants dans 2 Corinthiens 11. Il ne pouvait pas empêcher cela. Lors de la grande réunion à Jérusalem (Actes 15), où tous les apôtres étaient présents, il y a eu beaucoup de contestations et de discussions. Ce n’est qu’après que cela éclate dans une réunion d’abord bruyante, que Pierre, Barnabas et Paul rendirent leur témoignage, puis Jacques résuma la décision de l’assemblée.
Je ne le mentionne que pour montrer que l’état des choses de l’époque était semblable à celui d’aujourd’hui. Nous considérons souvent les apôtres de la façon dont les peintres ont dépeint le Seigneur Jésus. Celui-ci est généralement représenté dans les images comme allant ça et là avec une auréole de gloire autour de la tête. Si c’était vrai, on pourrait s’attendre à ce que toute la foule s’agenouille en regardant l’homme ainsi auréolé. Or cela n’est que le fruit de l’imagination. Les auréoles sur le Seigneur et sur les apôtres font que les gens ne se rendent pas du tout compte des terribles maux auxquels ils ont dû faire face. Cela a aussi été le lot de ceux qui ont servi Dieu, même dans les meilleurs moments. Combien plus pouvons-nous nous y attendre aujourd’hui ! Il y eut un temps où c’était considéré comme une bonne chose quand un homme mettait la main à l’œuvre du sanctuaire, à tout le bel ouvrage sculpté, à toute la grandeur d’or qui brillait dans le sanctuaire ; mais maintenant on est arrivé au point où, comme dans le Psaume 74, un homme est estimé parce qu’il met en pièces tous ces chefs d’œuvre.
C’est ce que nous avons avec l’iniquité croissante de la chrétienté, mais ne soyons pas abattus. Souvenons-nous que le prix attribué est pour bientôt, que le Seigneur honore tout particulièrement ceux qui Lui sont fidèles dans un mauvais jour. Que le Seigneur nous accorde ce grand privilège.
Dans le corps de l’épître, nous avons déjà eu la venue du Seigneur en jugement, en liaison avec l’affreux éloignement de la vérité trouvé dans la profession chrétienne. C’est ce que beaucoup d’âmes ne veulent pas voir en face. Il est naturel pour l’homme de penser que tout doit être progressif, la vérité comme tout le reste. Personne n’a jamais tiré cette idée de la Bible, et chaque partie de la Bible, du premier livre au dernier, nous montre l’homme établi dans une position par Dieu, puis l’abandonnant pour Satan. C’est la même histoire ici. Il est sans doute absolument terrible de constater que ce qui porte le nom de Christ se change en ce qui est le pire de tout.
Je n’ai pas besoin de dire que la culpabilité en est entièrement du côté de l’homme, et que la source secrète de ce mal est toujours Satan, car Satan est toujours dans les coulisses dans son antagonisme, non seulement envers Dieu, mais plus particulièrement envers le Seigneur Jésus. C’est Lui que Satan déteste, et il Le hait surtout parce qu’Il est devenu Homme pour glorifier Dieu là où l’homme avait manqué, et pour glorifier Dieu en tant qu’homme même à l’égard du péché. En conséquence, il y a ce qu’on peut appeler un antagonisme naturel chez le diable, étant donné ce qu’il est contre Celui qui doit l’écraser à la fin. Il le sait bien, et il arrivera un moment où, comme il le sait, il ne lui restera que peu de temps. Ce temps n’est pas encore venu, mais il vient, et vient vite.
Jude introduit donc la venue du Seigneur d’une manière très remarquable — non pas par une nouvelle prophétie, mais en nous restituant l’une des premières prophéties jamais prononcées, et certainement la première prophétie ayant pris forme, la forme ordinaire qui a donné son caractère à toutes les autres qui ont suivi. En effet, rien n’a plus le caractère prophétique que ces paroles : « Énoch, le septième depuis Adam (pour le distinguer d’Henoc/Enoch, fils de Caïn), a prophétisé de ceux-ci en disant : Voici le Seigneur est venu au milieu de ses saintes myriades, pour exercer le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies d’entre eux de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont impiement commises, et (ce à quoi les gens ne pensent guère) de toutes les paroles dures que les pécheurs impies ont proférées contre Lui » (Jude 14-15).
Les « paroles » sont l’expression courante de l’iniquité de l’homme, parce qu’il ne peut pas faire tout ce qu’il voudrait faire, mais il n’y a rien qu’il ne puisse pas « dire ». C’est pourquoi il est dit : « Car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné » (Matt. 12:37). Ce caractère du mal, bien loin d’être une chose légère, est présenté par Énoch avec une gravité extrême dès avant le déluge ; il n’est conservé nulle part ailleurs. Mais ici, des milliers d’années plus tard, il a été donné à Jude de nous le révéler — nous ne savons par quel moyen. Le Saint Esprit en était parfaitement capable, sans utiliser aucun moyen. Nous ne savons pas s’il y en a eu, mais nous avons ici le contenu de cette révélation ; et nous savons par Dieu que c’est une vérité certaine, et nous le savons aussi par Énoch/Hénoc avant qu’il monte au ciel.
Mais il y a un autre lien avec Énoch/Hénoc que nous devons maintenant examiner dans les versets 24-25 qui terminent l’épître. C’est que nous pouvons voir en eux un lien latent avec la manière bénie dont Énoch/Hénoc a été retiré de la scène [ : la venue du Seigneur n’est pas seulement une annonce de jugement, mais elle est aussi une espérance pour le fidèle et pour l’église].
Or, c’est à Jude, et non à Pierre, qu’est revenue cette tâche [de nous révéler le caractère du mal]. J’ai déjà comparé les très grandes différences entre la manière dont Pierre et Jude traitent les mêmes cas de mal. Pour Pierre, il s’agit purement d’injustice, et il considère les enseignants comme les plus coupables de cette injustice, — généralement commise par appât du gain, pour la célébrité, ou pour quelque motif terrestre de ce genre qui n’est pas de Dieu. Jude voit les choses sous un jour encore plus profond, car il ne fait pas grand cas des enseignants. Ce qui est terrible pour Jude, c’est que l’église, le corps des saints, qui devrait être la lumière de Dieu — la lumière céleste de Dieu dans un monde de ténèbres — était devenue le siège du pire mal de Satan, et cela en laissant entrer (sans doute par négligence, par manque de regarder à Dieu) ces corrupteurs. Tel est son point de vue. Ce n’est pas tant l’injustice que plutôt l’apostasie. Il n’y a rien de plus terrible que l’apostasie. Dans le cas de l’injustice, il peut s’agir simplement de l’injustice de gens qui continuent leur méchanceté. Mais l’apostasie suppose toujours que des gens ont prétendu avoir quitté leur méchanceté, ont prétendu avoir reçu la vérité, ont prétendu avoir reçu la grâce de Dieu en Christ le Seigneur, puis ils ont tourné le dos à tout cela. Il n’y a rien d’aussi mauvais que cela. S’il n’y avait pas eu l’évangile, et s’il n’y avait pas eu l’église, il n’y aurait pas eu d’apostasie aussi grave que celle que Jude considère ici, du début à la fin.
Nous avons donc tout d’abord, comme je l’ai déjà montré, la trace de cette apostasie telle qu’elle s’est présentée à Jude par le Saint Esprit. Et il en tire la grande figure d’Israël qui, après avoir été sauvé, est devenu ennemi de Dieu et est tombé sous le coup du jugement. Pierre n’en dit pas un mot ; il ne s’intéresse qu’aux hommes méchants ; par conséquent, il s’occupe davantage du mal qui a provoqué le déluge. Jude ne dit pas un mot du déluge, parce qu’il n’était pas question qu’un peuple soit sauvé. Il y avait une famille, quelques individus, mais il n’y avait pas de peuple. Jude regarde l’église et compare l’église se fourvoyant et perdant tout après avoir apparemment tout gagné : selon l’image d’Israël, sauvé d’Égypte, et cependant tout est ensuite réduit à néant.
Il est beau de voir à quel point les figures et les illustrations utilisées sont parfaitement en accord avec les grandes différences entre les deux épîtres de Pierre et de Jude. Et je le mentionne encore, comme je l’ai déjà fait, comme une preuve de l’aveuglement des hommes de notre temps, dans ce qu’ils appellent la « haute critique ». Ils veulent faire croire que l’une des épîtres n’est qu’une copie de l’autre. Or, elles sont parfaitement en contraste l’une avec l’autre. Il y a bien sûr des points communs — la méchanceté de l’homme, la grâce de Dieu, la vérité de Dieu. Tout cela doit être commun aux deux épîtres.
Mais le caractère de la vérité dans un cas est simplement que les hommes corrompent la justice en injustice — c’est Pierre. Dans Jude, il s’agit d’hommes qui ont été bénis par la révélation de la grâce et qui la transforment en licence, — des hommes qui n’étaient pas seulement sous l’autorité de Dieu, mais sous l’autorité de notre Seigneur Jésus Christ. Pierre ne dit pas un mot à ce sujet. Il s’agit de l’autorité de Dieu. Même le Seigneur est considéré en Pierre comme un Maître — un Maître souverain — non pas dans l’attitude de « notre Seigneur Jésus Christ ». Jude ajoute cela. Noé est donc la grande figure de Pierre, tandis qu’Énoch, et non Noé, est la figure que Jude présente.
Je demande maintenant : comment l’esprit de l’homme aurait pu faire cela ? Même en lisant les deux épîtres, de nombreux chrétiens n’ont pas remarqué ces différences, pourtant bien présentes. Ce que les érudits voient, ce sont les ressemblances apparentes entre les deux épîtres. Mais c’est une façon tout à fait inintelligente de lire. En effet, prenons même tous les hommes du monde ; ils sont tous d’accord qu’ils sont des hommes, mais imaginez la bêtise de celui qui ne voit pas de différence entre un homme et un autre parce qu’ils sont tous les deux des hommes ! C’est ainsi que parlent ces érudits. Ils ne voient aucune différence entre Pierre et Jude, l’un copiant l’autre ! Mais ce qui est frappant, c’est que, bien qu’ils partent de la même base, ils regardent le sujet de manière différente — tous deux pleins d’instruction, mais d’une instruction telle que seul le Saint Esprit peut donner.
Combien il est solennel de lire cette dernière des épîtres, qui traite de l’apostasie du christianisme, ou plutôt de la chrétienté, de ceux qui ont été introduits dans les plus riches bénédictions de la grâce et de la vérité de Dieu en Christ, et qui pourtant se transforment en ennemis les plus acharnés de cette grâce et de cette vérité — non seulement en l’abandonnant, mais en la traitant avec mépris et dédain, et avec une haine jusqu’au dernier degré.
C’est exactement ce que nous avons au milieu de l’épître. Nous avons vu les caractères qu’elle prend, en particulier Caïn, Balaam et Coré — le début, le milieu et la fin, je pourrais dire. Le frère contre nature qui haïssait, non pas un simple homme, mais son propre frère, et qui l’a tué. Les ennemis les plus acharnés des fidèles sont toujours ceux qui prétendent être fidèles et ne le sont pas. Il n’y a pas d’acharnement plus profond que celui d’un porteur indigne du nom de Christ. C’est Caïn. Pas un mot de cela dans Pierre. Cela appartient à Jude, et c’est là qu’on le trouve.
Balaam apparaît dans Pierre parce qu’il est un faux prophète qui représente les faux docteurs, qui sont plus le sujet dans Pierre, mais pas dans Jude ; car ici il s’agit des saints, du corps de ceux qui sont sauvés — en tout cas selon leur profession. C’est ce qui l’a alarmé et choqué. Et il nous le présente pour que nous le comprenions, afin que nous ne soyons pas trop troublés par aucune de ces choses terribles qui peuvent éclater à tout moment au milieu de nous. Il n’y a jamais eu plus sotte idée entretenue par certains d’entre nous selon laquelle les problèmes, quels qu’ils soient, ne pourraient pas se produire parmi ceux que l’on appelle les « Frères ». Quelle folie, frères, que de se flatter pareillement ! Nous sommes les plus susceptibles d’avoir de très belles expressions et de la prétention à une très grande piété, tout en ayant au milieu de nous un mal actif énorme. Comment allons-nous juger de telles choses ? Par la parole de Dieu. Vous constaterez toujours que ceux qui agissent de la sorte s’éloignent de la Parole. Ils ne veulent pas de la Parole. Ils veulent quelque chose de nouveau, quelque chose qui soit selon l’air du temps, quelque chose qui rende les « Frères » plus populaires, quelque chose qui fasse grossir les assemblées, et tout ce qui flatte la vanité humaine ; la conséquence est qu’ils ont naturellement peur de la Parole. Rien d’étonnant à cela. Personne ne s’est jamais disputé avec la parole de Dieu, si la parole de Dieu ne le condamnait pas. Quiconque aime la Parole lui est redevable de son entrée dans la bénédiction, car on tire tout de cette précieuse Parole, et cette précieuse Parole révèle Christ. Par conséquent, nous ne devrions pas nous préoccuper de plaire aux autres ni nous préoccuper de leur travail, mais nous préoccuper de Christ. Et nous désirons que tous les enfants de Dieu soient également occupés par Christ comme le seul fondement d’une paix solide et sûre.
Dans la prophétie d’Énoch, nous pouvons observer une fois de plus qu’il ne s’agit pas exactement de ce que « le Seigneur vient », mais de « voici, le Seigneur est venu ». Cette façon de parler est tout à fait habituelle chez les prophètes, et c’est pourquoi ils sont appelés « voyants ». Ce qu’ils décrivent, ils le voient comme dans une vision prophétique. Jean a vu tous les objets qu’il décrit dans l’Apocalypse. Il a vu le ciel ouvert, le Seigneur en sortir et le trône établi. Mais cela ne signifie pas que tout cela était accompli à ce moment-là. Il a tout vu avant que cela ait lieu. Il en fut de même pour Énoch/Hénoc. Il a vu le Seigneur venir et l’a présenté de cette manière. En Ésaïe 53, nous voyons la même chose. « Il est amené comme un agneau à la boucherie, et comme une brebis muette devant ceux qui la tondent, Il n’a pas ouvert Sa bouche ». Cela ne veut pas dire qu’il y eût un doute quant à l’avenir, mais le prophète l’a vu devant ses yeux, les yeux étant ouverts par le Saint Esprit. Il en est de même ici. Le Seigneur est vu à la fin de l’ère, venant avec les saintes myriades pour exécuter le jugement sur ces apostats ; et l’Esprit de Dieu fait savoir ici que le même genre d’écart par famille, loin de Dieu, a eu lieu depuis les jours d’Énoch/Hénoc, et que cela devait continuer, non seulement au jour de Jude, mais dans l’avenir jusqu’à ce que le Seigneur vienne. Tout cela n’avait qu’un seul caractère : la haine de Dieu. Et vous voyez à quel point cela s’accorde avec ce que j’ai dit, à savoir que l’homme s’éloigne toujours de Dieu. Ce n’est pas seulement qu’il est rebelle, qu’il se comporte mal, qu’il viole ceci ou cela, mais il tourne le dos à Dieu et à Sa vérité. C’est l’apostasie, et l’esprit de l’apostasie est déjà là. Il se manifestera complètement, et alors le Seigneur viendra en jugement.
Mais maintenant vient l’espérance ! De quoi s’agit-il ?
Eh bien, elle est implicite dans ce que nous avons vu. « Voici, le Seigneur est
venu au milieu de Ses saintes myriades ». La question est de savoir comment sont-ils
venus avec Lui. Si le Seigneur vient avec
Ses saints, c’est qu’Il est
venu auparavant les chercher pour les amener à lui, et c’est justement ce qu’Il
fera. Mais cela est tout à fait en dehors de l’introduction prophétique de la
venue du Seigneur. La venue du Seigneur pour Ses saints n’est pas du tout une
question de prophétie. C’est une question d’amour et d’espérance ; nous
pouvons dire de foi, d’amour et d’espérance. Tous ces éléments sont en pleine
action dans la merveilleuse perspective que la grâce a ouverte devant nos yeux.
C’est pourquoi le Seigneur n’introduit cette perspective que de manière très
générale, et dans aucun des évangiles sinon Jean : « Dans la maison de mon
Père, il y a beaucoup de demeures ; s’il n’en était pas ainsi, je vous l’aurais
dit. Je vais vous préparer une place. Et si je m’en vais vous préparer une
place, je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi » (Jean 14:2-3).
Il n’est pas question de prophétie dans ce passage. Il s’agit du futur, mais le fait que ce soit futur n’en fait pas une prophétie. C’est un abus de langage que de penser que la prophétie est essentiellement liée au fait de juger un état de choses erroné et de le remplacer par un meilleur. Mais dans ce cas de Jean 14, quand le Seigneur vient nous placer dans la maison du Père, Il ne juge pas un état de choses erroné. Il achève Son amour pour les objets les plus chers de Son amour, non pas simplement sur la terre, mais pour le ciel ; et c’est de cette manière que le Seigneur parle. Il en est de même dans l’Apocalypse. Après avoir terminé toute la partie prophétique, Il se présente comme « l’étoile brillante du matin ». Et lorsque l’église a cela devant elle, nous trouvons une chose nouvelle : « L’Esprit et l’épouse disent : Viens ». Ce n’est pas de la prophétie ; c’est l’espérance de l’église, strictement son espérance. Car lorsque vous dites « l’Esprit et l’épouse », il ne s’agit pas simplement d’un individu, mais de l’ensemble — personnifié — des saints qui composent l’épouse. « L’Esprit et l’épouse ! » Quelle chose merveilleuse que l’Esprit se mette à la tête de l’épouse ! « L’Esprit et l’épouse disent : Viens ». On aurait pu penser : « Oh ! ce n’est qu’une espérance optimiste que l’épouse a eue… ». Mais non, il n’y a rien d’optimiste dans les pensées du Saint Esprit. L’Esprit et l’épouse disent : « Viens ». Vous voyez donc que le grand objectif du Seigneur, dans cette fin de l’Apocalypse, était de montrer qu’il ne faut pas mélanger l’espérance de la venue du Seigneur pour nous recevoir auprès de Lui avec l’accomplissement de la prophétie. L’espérance est entièrement indépendante de tout événement prophétique. Elle n’est pas dans les sceaux, ni dans les trompettes, et encore moins dans les coupes. C’est après toutes ces choses que l’Esprit de Dieu, dans les observations de conclusion, donne ce que le Seigneur avait donné à Ses disciples, lorsqu’Il était Lui-même sur la terre. L’Esprit de Dieu reprend là ce qui convenait à l’état de l’église à ce moment-là. L’église savait alors qu’elle était « l’épouse » de Christ. Cela avait été clairement montré dans plusieurs chapitres de l’Apocalypse. En Apocalypse 19, les noces de l’Agneau sont arrivées et l’épouse s’est préparée. Il ne pouvait pas s’agir de l’épouse terrestre. Comment l’épouse terrestre pourrait-elle célébrer des noces au ciel ? Et comment l’épouse céleste pourrait-elle célébrer des noces si les saints qui la composent n’y avaient pas été amenés auparavant ? C’est justement ce à quoi je vais arriver.
Cette venue du Seigneur, qui est « notre espérance », est exactement ce que Jude reprend ici dans les derniers versets.
« Or, à Celui qui a le pouvoir de vous garder sans que vous bronchiez, et de vous placer irréprochables devant sa gloire avec abondance de joie, — au seul (*) Dieu, notre Sauveur, par Jésus Christ notre Seigneur (**) (soient) gloire, majesté, force et pouvoir, dès avant tous temps (***), et maintenant, et pour tous les siècles. Amen » (Jude 24, 25).
(*) σοφῶ (sage) est omis par ℵABC Vulg. Copt. Arm. Æthiop. et Syrr. Vv. — Le texte reçu insère avec KLP et beaucoup de cursives.
(**) διὰ Ἰησοῦ Χριστοῦ τοῦ κυρίου ἡμῶν ℵABCL Vulg. Copt. et Syrr. Vv. — Le texte reçu omet avec K.P.
(***) πρὸ παντὸς τοῦ αἰῶος ℵABCL Vulg. Copt. Arm. et Æthiop. Vv. — Le texte reçu omet avec KP et la plupart des cursives.
« Or, à Celui qui a le pouvoir de vous garder sans que vous bronchiez ».
Combien il est approprié de présenter ainsi les dangers, les maux, l’horrible iniquité de l’apostasie de toute grâce et vérité chrétiennes, alors qu’ils pourraient avoir pour effet de démoraliser grandement une âme faible ! Personne ne devrait être démoralisé, pas même un seul. « Or, à Celui qui a le pouvoir de garder » se réfère clairement à chaque étape du chemin, et il y a en Lui le pouvoir de garder. C’est nous qui manquons de dépendance. Lui ne manque jamais quant à Son pouvoir de préserver.
« Or, à Celui qui a le pouvoir de vous garder sans que vous bronchiez et de vous présenter irréprochables ». Où ? « Devant Sa gloire ». Où est-ce ? N’est-ce pas la gloire même dans laquelle le Seigneur est maintenant entré ? Et ne dit-Il pas : « afin que là où Moi je suis, vous vous soyez aussi » ? (Jean 14:3). Nous constatons ici que l’espérance du chrétien et l’espérance de l’église sont entièrement intactes malgré toutes les ruines qui sont intervenues. La puissance spirituelle est restée intacte. Et ce n’est pas tout : cette glorieuse et bienheureuse espérance demeure pour notre consolation et notre joie dans les jours les plus sombres.
« Or, à Celui qui a le pouvoir de vous garder sans que vous bronchiez et de vous présenter irréprochables devant Sa gloire avec abondance de joie ». Nous avons ici ce qui cadre, non pas avec Pierre, mais avec Jude. Jude, bien sûr, est entièrement d’accord avec Pierre, et confirme Pierre quant au jugement qui doit tomber sur ceux qui étaient non seulement injustes, mais apostats. Mais Jude n’oublie pas qu’il y a ceux qui sont vrais, ceux qui sont fidèles, ceux qui attendent Christ, ceux qui apprécient encore plus la bénédiction à cause de l’incrédulité de l’homme. C’est pourquoi il introduit cette puissance actuelle qui dépend entièrement de la présence du Saint Esprit pour nous garder ; et, en outre, il parle de la bienheureuse espérance qui dépend de la venue de Christ pour nous recevoir auprès de Lui, « et nous présenter irréprochables ». Ce ne sera le cas que parce que nous serons glorifiés ; ce ne sera le cas que parce que nous Lui serons semblables. Lui a été le seul à être intrinsèquement irréprochable, et c’est Lui qui, par la rédemption, et ensuite par l’accomplissement de celle-ci pour le corps — car la rédemption ne concerne maintenant que l’âme, mais quand Il viendra, ce sera aussi pour le corps — nous présentera irréprochables dans l’âme et dans le corps « devant Sa gloire avec abondance de joie ».
« Au seul Dieu (sage) ». Le mot « sage » s’est glissé ici dans la version Autorisée du Roi Jacques. Dans tous les textes corrects, le mot « sage » disparaît à cet endroit. Il est parfaitement correct en Romains 16:27. Et je me réfère juste à ce texte pour montrer qu’il est approprié à cet endroit : « Dieu seul est sage ». Je suppose que c’est ce passage qui a conduit le moine ignorant, ou qui que ce soit qui copiait Jude, à le corriger (comme il le pensait). Mais nous ne pouvons pas corriger. Toutes ces corrections humaines sont des innovations, et notre affaire est de revenir à ce que Dieu a écrit et à ce que Dieu a donné. Tout ce qui n’est pas ce que Dieu a donné est une innovation, mais la parole de Dieu est la norme, et tout ce qui s’en écarte ou s’en passe est une innovation.
En Romains 16, ce qui rend le mot « sage » approprié et nécessaire, c’est que Paul fait référence au mystère. Il ne dévoile pas le mystère dans les Romains ; mais après avoir terminé le grand sujet de la justice de Dieu, premièrement dans son application personnelle (ch.1-8), — et secondement en elle-même, en la comparant avec les dispensations de Dieu (ch.9-11), — et troisièmement, dans sa forme pratique (ch.12-15 — personnelle, dispensationnelle et pratique), Paul ajoute ici une parole à la fin : « Or, à celui qui est puissant pour vous affermir selon mon évangile et la prédication de Jésus Christ, selon la révélation du mystère » (Rom. 16:25). Il n’avait pas introduit la révélation du mystère jusque-là. Mais il maintient que son évangile était conforme à la révélation du mystère. Il n’en était pas la révélation, mais il ne s’y opposait pas. Il n’y avait pas de contradiction, mais la révélation du mystère était laissée pour d’autres épîtres, les Éphésiens et les Colossiens plus particulièrement ; les Corinthiens aussi dans une certaine mesure, mais surtout les Éphésiens et les Colossiens.
Paul continue en disant : « … le mystère qui était tenu secret depuis les temps éternels, mais qui a été maintenant manifesté, et qui, par des écrits prophétiques » (ou : écritures, à savoir celles du Nouveau Testament ; je comprends que ce qui est appelé ici « écrits prophétiques » sont les écrits prophétiques du Nouveau Testament auxquels Paul a tant contribué) « a été donné à connaître à toutes les nations selon le commandement du Dieu éternel » (ce qui montre qu’il ne s’agit pas du tout ici des prophètes de l’Ancien Testament) « pour l’obéissance de la foi… au Dieu qui seul est sage soit la gloire ».
Autrement dit, ce fait de cacher le mystère et de le révéler maintenant en temps voulu — non pas dans l’épitre aux Romains, mais dans ce qui serait en accord avec elle et qui la confirmerait lorsque le mystère serait communiqué aux saints dans les épîtres qui devaient être écrites par la suite — tout cela montrait que « Dieu seul est sage ». Ce qualificatif est en rapport avec le maintien caché pendant tant de siècles, et la mise en évidence, maintenant pour la première fois, de cette vérité cachée, le mystère caché comme il l’appelle, pour notre gloire qui est impliquée dans l’exaltation de Christ à la droite de Dieu, et dans Son départ du monde (pour le moment Il est parti seul, tout en formant les disciples selon la vérité de Sa présence dans le ciel).
En Timothée 1, cependant, nous avons une expression exactement semblable à celle que nous avons ici. « Au Roi des siècles, l’incorruptible, invisible, seul Dieu » (1 Tim. 1:17). Là le mot « sage » est de nouveau repris dans la version Autorisée du Roi Jacques. Il n’y a aucune raison pour qu’il s’y trouve. La même erreur a donc été introduite en Timothée et Jude, et les deux fois elle est tirée de Romains 16, où ce mot « sage » doit se trouver. Nous constatons une fois de plus qu’il est dangereux pour l’homme de se mêler dans la parole de Dieu. Ici en Jude l’apôtre regarde à Dieu Lui-même, et non à ce qu’Il fait ou a fait en particulier. La sagesse de Sa révélation, est montrée en Romains. Mais dans Timothée il est exprimé : « Au Roi des siècles, l’incorruptible, invisible, seul Dieu » ; il peut y avoir beaucoup de prétendants, ces nombreux dieux et seigneurs que Paul et Timothée connaissaient très bien parmi les nations, particulièrement à Éphèse, où Timothée semble avoir été à cette époque. Il y avait le célèbre temple (l’une des merveilles du monde), appelé le temple de Diane - Artémis (Diane déesse romaine, Artémis déesse grecque). En Timothée, l’apôtre a donc présenté avec beaucoup de justesse et de beauté « le seul Dieu ». Par contre en introduisant le qualificatif « sage » pour Dieu, on introduit une idée tout à fait différente, qui ne s’inscrit pas dans le contexte, qui ne s’y accorde pas convenablement. C’est exactement la même chose en Jude. Je pense que la comparaison de ces trois textes aidera à montrer que « le seul Dieu sage » convient à l’épitre aux Romains ; tandis que « le seul Dieu » — ainsi présenté en contraste avec les idoles et les êtres imaginaires — introduit dans Timothée la force du « seul » vrai Dieu.
Dans Jude, nous avons « le seul Dieu » pour une raison légèrement différente, mais tout aussi appropriée. Il regarde d’une part toute cette terrible scène et d’autre part la grandeur de la grâce de Dieu envers Ses bien-aimés en voyage sur une mer si terrible d’iniquité et d’apostasie.
Si nos yeux sont fixés sur Christ, mes chers frères, peu importe où nous nous trouvons, que la route soit lisse ou rugueuse. Certains font grand cas des grosses vagues, et je ne doute pas que Pierre ait été effrayé par les grosses vagues sur lesquelles il marchait, et il enfonçait quand il regardait les vagues. Mais s’il n’y avait pas eu de grosses vagues, et que tout avait été lisse comme du verre, et que Pierre avait regardé la mer de verre, il aurait enfoncé pareillement. Ce n’est donc pas du tout une question de circonstances particulières. Le fait est qu’il n’y a pas d’autre pouvoir pour nous garder, sinon un pouvoir divin, et c’est tout grâce. La grâce qui soutient sur une mer lisse est tout aussi capable de préserver sur une mer agitée. Quels que soient donc les caractères particuliers du mal et du danger à l’heure actuelle, tout tourne autour de ceci : Qu’est-ce que Christ pour mon âme ? Et si je crois en Sa grâce et en Sa vérité, qu’est-ce que mon âme ne trouve pas en Christ ?
« Or, à Celui qui a le pouvoir de vous garder sans que vous bronchiez et de vous présenter irréprochables devant Sa gloire avec abondance de joie ».
La grâce de Sa part est la même que s’il n’y avait pas eu d’éloignement, d’apostasie, de méchanceté, d’injustice d’aucune sorte. Lui a accompli Sa merveilleuse œuvre de grâce pour nous alors que nous n’étions que des pécheurs. Il nous a amenés à Lui alors que nous n’étions pas meilleurs, — peut-être insensibles à cette œuvre merveilleuse au sujet de laquelle nous avions déjà lu et entendu une première fois. Mais quand le moment est venu pour nous de croire en Lui, combien cela a tout changé ! Certes le temps qui a passé pour nous, nous a rendu le Seigneur plus cher. J’espère que chacun dans cette salle aime le Seigneur beaucoup plus aujourd’hui qu’au jour initial de sa conversion. Une idée courante dans la chrétienté est que notre amour est toujours bien meilleur et plus fort le jour où nous nous sommes convertis, la première fois. Jamais il n’y a eu d’erreur plus grande. Il y avait sans doute un sentiment de miséricorde, un sens profond de la grâce qui pardonne ; mais, chers amis, n’avons-nous pas des motifs d’aimer le Seigneur incomparablement plus que ce que nous savions au moment de notre conversion ? Cet amour a certainement grandi avec une meilleure connaissance de Son amour et de Sa vérité. Ici nous trouvons que Sa grâce est exactement la même que la grâce qui L’a amené du ciel, la même que la grâce de Celui qui a vécu ici-bas, qui est mort ici-bas, et qui est maintenant retourné dans la gloire ; elle est sans changement ; et que l’abondance de joie ou l’exultation extrême seront absolument intarissables lorsque le moment béni attendu arrivera. « Il nous présentera irréprochables devant Sa gloire, avec abondance de joie ». Il n’est pas très difficile de trouver où se trouve cette abondance de joie. Je suis persuadé qu’elle est à la fois en Lui et en nous. Peut-être nous est-il permis de dire : « ce qui est vrai en Lui et en vous » (1 Jean 2:8). Cela a été dit à propos d’une toute autre chose — l’amour qu’Il a mis dans nos cœurs quand nous avons connu Sa rédemption ; car tant que nous ne connaissons pas la rédemption, il n’y a pas beaucoup d’amour dans le croyant. Il peut avoir un bon peu d’affection pour les personnes avec lesquelles on est intime, mais c’est très limité au début, et jusqu’à ce qu’il connaisse l’amour de Christ, ses affections ne s’étendent pas du tout à tous les saints. Nous trouvons donc ici, en tout cas, cette image lumineuse de cette brillante espérance, lorsqu’elle sera accomplie.
Jude ajoute : « Au seul Dieu ». Car qui aurait pu faire face à toute cette confusion ? Qui aurait pu concevoir et conseiller toute cette grâce et cette vérité ? Qui aurait pu nous garder tels que nous sommes à travers tout, nous souvenant de notre totale faiblesse, de notre grande vulnérabilité, de la haine de l’ennemi, du mépris des adversaires, de tous ceux qui sont entraînés, de toutes les incitations à marcher de travers, de toutes les animosités, et pis que tout, celles créées par faute de fidélité ? Et pourtant, Lui reste le même à travers tout.
« Le seul Dieu notre Sauveur » ; pas seulement Christ notre Sauveur. Christ est Celui qui accomplit tout, mais ici Jude regarde à Dieu comme la source, ce n’est pas une dérogation vis-à-vis de Christ. C’était le délice de Christ sur la terre de présenter Dieu comme un Dieu Sauveur, et pas simplement que Lui-même était ce Sauveur personnel, le Fils de l’homme. L’apôtre souhaite donc que nous honorions toujours Dieu notre Sauveur, comme c’est d’ailleurs une expression courante dans les épîtres très solennelles à Timothée.
« Au seul Dieu, notre Sauveur ».
Toute autre dépendance est vaine, toute autre vanterie est sans valeur. Nous sommes censés nous réjouir ou, plus exactement, « nous glorifier en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, par qui nous avons maintenant reçu la réconciliation » (Rom. 5:11).
« Au seul Dieu notre Sauveur, par Jésus Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et pouvoir, dès avant tous les temps, et maintenant et pour tous les siècles ».
Il est très intéressant de noter ici la justesse avec laquelle Jude termine son épître. Il regarde toute l’étendue de l’éternité.
Pierre termine également sa deuxième épître par ce que l’on dit être la même chose. Mais il y a cette distinction que, tandis que Pierre parle de « la gloire dès maintenant et jusqu’au jour d’éternité » (2 Pierre 3:18), Jude fait ressortir, dans l’exhaustivité remarquable de sa conclusion, ce qui a été, ce qui est et ce qui sera, dans tout son plein caractère éternel.